Séance du jeudi 18 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 23e séance

P 1043-A
9. Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la pétition contre l'augmentation des demi-tarifs des TPG, début 1994. ( -) P1043
Mémorial 1994 : Renvois en commission, 3017, 4099.
Rapport de majorité de M. Pierre Froidevaux (R)
, commission des transports
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AG), commission des transports

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission des transports s'est réunie à deux reprises pour étudier la pétition 1043 émanant du Parlement des jeunes de la Ville de Genève et adressé au Grand Conseil le 30 juin 1994. Ces séances ont été présidées le8 novembre 1994 par M. Genecand et le 22 par M. Longet, avec la présence éclairée de M. François Brutsch, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports.

Audition des pétitionnaires

Lors de sa séance du 8 novembre 1994, la commission a auditionnéM. Maudet, ex-président du Parlement des jeunes de la Ville de Genève,M. Savary, président actuel du Parlement des jeunes de la Ville de Genève, et MM. Hoffmann et Kasser, tous les deux membres de ce parlement. Les pétitionnaires s'insurgent contre l'augmentation du coût des demi-tarifs des Transports publics genevois (TPG) intervenue au début de 1994: le billet demi-tarif est passé de 1 F à 1,40 F, soit 40% d'augmentation, ainsi que la carte multi-parcours qui est passée de 10 F à 13,50 F. Cette augmentation n'a pas échappé au Parlement des jeunes dont l'un de ses membres s'est plaint de ces hausses lors de leur séance du 24 janvier 1994. Deux mois plus tard, le principe d'une pétition a été décidé. Elle a abouti le 30 juin 1994, récoltant près de 2000 signatures. Les pétitionnaires ont été reçus par M. Stucki, assisté de son directeur financier, qui leur ont exposé les problèmes des TPG et notamment les difficultés budgétaires. Cependant, les pétitionnaires estiment que cette augmentation dissuade l'usage de ce moyen de transport. Lors de leur audition, les pétitionnaires ont aussi exprimé le souhait de pouvoir bénéficier des TPG à des heures plus tardives qu'actuellement, notamment par une liaison Meyrin-Rive. Le Parlement des jeunes suit l'expérience de ce genre à Lausanne, appelée «Bus pyjama».

Débat de la commission

Cette augmentation est intervenue le 1er janvier 1994 en accord avec le Conseil d'Etat et Monsieur Prix à Berne. La direction des TPG se doit d'harmoniser ses tarifs avec la communauté tarifaire de l'ensemble de la Suisse et notamment des CFF. Il s'est avéré que l'abonnement demi-tarif, inférieur à 50% du tarif nominal, n'était pas conforme à la moyenne suisse évaluée à 32%. Cette augmentation est nécessaire pour coordonner le tarif TPG avec le RER La Plaine-Cornavin qui, lui, dépend des CFF, donc d'un tarif fédéral. Cette harmonisation est aussi nécessaire dans l'optique d'une amélioration d'une politique transfrontalière dont la tarification se règle entre Etats. La majorité de la commission a décidé de ne pas revenir sur cette décision.

A relever aussi que l'ensemble des abonnements demi-tarif, concernant tant les jeunes que les personnes âgées, n'a subi aucune modification tarifaire au cours de l'année écoulée. En 1995, l'introduction de la TVA a nécessité une augmentation du temi-tarif, le billet passant à 1,50 F. Cependant, les TPG ont développé de nouveaux types de billets, notamment demi-tarif, permettant un libre parcours pendant 90 minutes pour 2,80 F et 60 minutes, le canton étant divisé par zones, ce qui peut représenter une diminution de 30, voire 50% pour certaines lignes de campagne. Par ailleurs, le département de l'action sociale et de la santé offre la gratuité des TPG aux plus défavorisés de notre société.

La motivation des pétitionnaires est apparue à la majorité comme le reflet d'une volonté politique dépassant le cadre strict de l'augmentation des demi-tarifs, pour s'axer sur des transports publics plus souples vis-à-vis des jeunes, notamment pour les adolescents ne disposant pas de transports individuels. Des solutions sont à l'étude au sein de la direction des TPG afin de mieux répondre encore aux besoins de la clientèle. Les possibilités budgétaires actuelles ne permettent pas d'imposer de nouvelles pistes de réflexion politique à cette direction.

Au vu de ce qui précède, nous recommandons au Grand Conseil de suivre la majorité de la commission qui a proposé son renvoi sur le bureau du Grand Conseil par 8 voix contre 4 non (AdG et E) et 2 abstentions (S).

PÉTITION

contre l'augmentation des demi-tarifs des TPG, début 1994

Face à la récente augmentation des demi-tarifs des Transports publics genevois, nous, les jeunes, manifestons notre désaccord par la présente pétition. En effet, un grand mécontentement doublé d'une profonde déception s'est emparé de nous, lorsque nous avons pu constater cette hausse de prix de 40%! La récession a beau faire rage, nous pensons que multiplier ses revenus aux dépens des jeunes qui ne gagnent pas encore leur vie est d'une injustice flagrante. Cette action a cela de partial qu'à notre âge nous n'avons pas beaucoup d'autres moyens de transport que celui-là. Nous espérons de tout coeur que vous ne resterez pas insensibles à nos protestations.

N.B. 1839 signatures

M. Pierre Maudet, président

Parlement des jeunes

de la Ville de Genève

Case postale 3535

1211 Genève 3

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Les pétitionnaires ont tenu à manifester leur désaccord avec l'augmentation massive du billet à demi tarif des Transports publics genevois (TPG) entrée en vigueur au début de l'année 1994. En effet, à cette date, on est passé, en la matière, d'un billet à 1 F à un billet à 1,40 F, soit une hausse massive de 40% d'un seul coup. Cela alors que les prix des billets à pleins tarifs sont restés les mêmes en 1994 qu'en 1993.

En fait, il s'est agi moins d'une augmentation du billet à demi-tarif que d'un abandon du principe même du demi-tarif qui, comme son nom l'indique, est d'un montant égal à 50% du tarif du billet ordinaire, pour passer à un tarif représentant le 70% de celui-ci.

Signalons au passage que, dans leur documentation, par exemple l'horaire 1994-95 remis aux député-e-s, les TPG continuaient, et ce abusivement, à parler de «demi-tarif» pour les billets ne comportant qu'une réduction de 30%. Ailleurs dans leurs tabelles ils utilisent la fraction 1/1 pour représenter le plein-tarif et 1/2 pour représenter le tarif réduit. Arithmétique discutable ! Que penserait-on d'un commerçant qui proposerait une quelconque «offre jeunes» à demi prix pour ensuite n'accorder qu'un rabais de 30% ?

Il faut souligner que cette pétition est le fruit d'un acte législatif du Parlement des jeunes de la Ville de Genève qui a pris l'initiative du lancement de celle-ci et qui l'a déposée munie de près de 2 000 signatures.

Les pétitionnaires mettent en avant qu'il n'y avait pas lieu, à leur avis, d'opérer une telle ponction supplémentaire sur les jeunes «qui ne gagnent pas encore leur vie». Ils relèvent également que cette catégorie de la population n'a pas «beaucoup d'autres moyens de transports» que ceux fournis par les TPG.

Au cours de leur audition les représentants des pétitionnaires,M. Maudet, ancien président du Parlement des jeunes, M. Savary, président en exercice, et MM. Hoffmann et Kasser, ont développé un certain nombre d'autres arguments pertinents s'inscrivant dans une perspective à plus long terme de développement des modes de transports collectifs. Ils ont souligné en particulier l'importance d'une offre intéressante des TPG en direction des jeunes visant à les inciter à prendre l'habitude des transports en commun plutôt que de les pousser à se tourner vers des modes de déplacements individuels.

On ne peut que saluer cette prise de position face à l'impasse évidente que constitue, notamment en milieu urbain, le recours accru à la bagnole !

Quant à la possibilité d'accéder à la demande des pétitionnaires les débats en commission ont comporté des aspects contradictoires. Certains invoquant la charge supplémentaires pour les finances publiques représentée par le fait d'accéder aux demandes des pétitionnaires, d'autres députés de la majorité (voire les mêmes!) considérant que l'utilisation des ces billets restait «marginale» et que, dès lors, le problème posé par les pétitionnaires n'en était pas un.

De deux choses l'une:

 soit l'utilisation des billets en question par les jeunes est effectivement à considérer comme «marginale», le coût de la «promotion» représentée par le billet à 50% est donc relativement négligeable financièrement, mais celle-ci peut évidemment être intéressante pour étendre et fidéliser une clientèle des TPG sur cette «marge» justement;

 soit ces billets sont effectivement utilisés par un nombre non négligeable de jeunes et le problème posé par les pétitionnaires doit être pris au sérieux.

Pour trancher cette alternative tant votre commission que les pétitionnaires eux-mêmes n'ont guère été éclairés par la direction des TPG. Les pétitionnaires ont bien été reçus par M. Stucki (assisté de son directeur financier), mais celui-ci, selon ce que nous avons appris en commission, leur a «commenté le projet de budget 95» sans leur fournir d'informations concrètes sur les incidences financières éventuelles de leur pétition.

La majorité de la commission a renoncé à auditionner les TPG à ce propos en estimant qu'il suffisait que «cette information soit communiquée directement aux rapporteurs». Or, dans le courrier que les TPG ont fait tenir au rapporteur de majorité, on ne retrouve pas d'indications à ce propos. Les motifs invoqués pour cette hausse sont les suivants: «Appliquer une cohérence dans la politique des rabais et se mettre en cohérence avec les autres transporteurs suisses (par ex. VBZ)»

L'argument de la cohérence des rabais est en soi un peu léger. En effet cette «cohérence» a été obtenue en alignant les rabais sur ceux, moins avantageux, pratiqués en faveur des détenteurs de la carte vermeil pour les personnes âgées. On aurait, bien sûr, été tout aussi «cohérents» en réduisant un tant soit peu le prix de celle-ci !

Par ailleurs la «nécessité» d'aligner nos billets à demi tarif sur ceux d'autres entreprises de transports publics urbains dans d'autres cantons, à Zurich par exemple, est une pure vue de l'esprit. Les CFF, quant à eux pratiquent une politique de véritables demi-tarifs sur leur réseau, pourquoi ne pas être «cohérents» avec cette politique-là ? A Genève, même le prix d'un billet Cornavin-Cointrin par le rail est de 2,80 F, le demi-tarif est assez naturellement à 1,40 F ! Pour aller de Cornavin à Satigny les CFF encaissent un plein tarif à 3,60 F et un demi-tarif à 1,80 F...

Pour en revenir aux aspects financiers du problème posé par les pétitionnaires, on trouve dans le rapport de gestion 1993 des TPG l'information suivante: les demi-tarifs n'entraient dans les recettes-voyageurs que pour un montant de 1,7% du total cette année-là, comme la précédente d'ailleurs. L'augmentation de 40% de ces billets ne pouvait donc laisser prévoir qu'une hausse de 0,68% seulement de ces recettes-voyageurs, si tant est que la hausse n'ait pas dissuadé un certain nombre d'usagers.

L'enjeu en valait-il vraiment la chandelle ? En termes de relations publiques notamment on peut en douter, puisque tout un secteur, en principe «représentatif» des jeunes, s'est senti victime de ce que les pétitionnaires qualifient dans leur texte d'«injustice» à leur égard.

Signalons encore, dans le même sens, que les jeunes et leur «parlement» n'ont pas été les seuls à s'insurger contre cette augmentation brutale. En date du 14 mars 1994, c'est l'Union des syndicats du canton de Genève qui, par la plume de son président M. Jacques Robert, protestait contre la hausse des demi-tarifs touchant aussi les bénéficiaires de l'AVS: «L'Union des syndicats et son groupement de vétérans déplore cette mesure qui frappe uniquement les personnes âgées et les enfants. Nous estimons que cela n'est pas tolérable dans un canton que l'on dit social», lit-on dans cette lettre. Le 30 avril 1994, c'est l'AVIVO qui intervient dans le même sens, rendant compte des sévères critiques dont fait l'objet cette mesure de la part de ses membres.

En conclusion, j'aimerais relever que tant M. Froidevaux, rapporteur de la majorité, que le président de la commission des transports se sont plus à féliciter les représentants des pétitionnaires que nous avons auditionnés pour leur «esprit civique», concrétisé par la démarche même consistant à lancer cette pétition et à venir se faire entendre des député-e-s. De telles «félicitations» rendraient un son bien creux aujourd'hui si nous nous contentions de déposer cette pétition «à titre de renseignement» (comme l'on dit pudiquement) sur le bureau de notre Conseil. La moindre des choses serait de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour que celui-ci nous éclaire sur la suite qu'il entend donner à cette affaire.

C'est donc, Mesdames et Messieurs les député-e-s, le sort que je vous propose de réserver à cette pétition qui pose un vrai problème, qui reste d'actualité aujourd'hui !

Débat

La présidente. La lecture d'une lettre a été demandée, mais les secrétaires étant absents, je vous demanderai, Madame la vice-présidente, de bien vouloir vous charger de cette lecture.

+ lettre C 276

M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Que notre Conseil ne s'y trompe pas, cette pétition ne peut être traitée autrement que de la manière proposée par la majorité de la commission, quel que soit le bien-fondé de son contenu.

Cette pétition entend revenir sur les demi-tarifs des TPG qui ont subi une adaptation, votée par notre Conseil en 1993.

Comme la machine à remonter le temps n'a pas encore été inventée, et je vous assure que souvent je le déplore, Monsieur Vanek, il n'est pas de mon pouvoir, ni de celui de quiconque ici, de revenir sur ce sujet par le biais d'une pétition.

Si, comme nous l'essayons souvent dans cette assemblée, nous voudrions vous faire plaisir en renvoyant, par exemple, cette pétition au Conseil d'Etat, celui-ci ne pourrait que nous rappeler notre propre vote de 1993.

Si vous désirez poursuivre ce débat, comme sur tant d'autres sujets innombrables qui composent la vie politique, je ne puis que vous recommander de suivre les voies habituelles et démocratiques de ce parlement, et ne pas venir encombrer notre travail parlementaire par une procédure qui ne peut qu'aboutir à une impasse.

Au lieu de vouloir inventer la machine à remonter le temps, Monsieur Vanek, prévoyez l'achat d'une machine à voir l'avenir.

Quant à la dernière, heureusement, nos générations futures en sont pourvues, puisque le but essentiel de la pétition du parlement des jeunes a été atteint, à savoir que les TPG soient attentifs à la clientèle qu'il représente. Ces jeunes ont fait un travail formidable. Pendant que les anciens traitaient, cahin caha, cette pétition, eux obtenaient le financement de bus nocturnes qui puissent les ramener chez eux, le dimanche matin, à 1 h 30, le long de la ligne H, qui va de Bel-Air à Hermance.

Le trajet inaugural a été fêté le 30 avril 1995, c'est-à-dire il y a dix-huit jours.

Quelle perspicacité et quelle efficacité politique de la part de cette jeunesse sans parlote, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. J'avais des choses à dire sur cette pétition, sur le débat qui nous a opposés, sur le rapport de majorité. Bref, je croyais que nous allions discuter sérieusement.

M. Froidevaux vient de me faire la leçon en prétendant que cette pétition ne peut être traitée autrement qu'en étant jetée à la poubelle. Il existe un terme plus poli, dans le règlement du parlement, qui dit qu'on peut la déposer, pour information, sur le bureau du Grand Conseil.

A l'évidence, la machine à remonter le temps n'existe pas. En revanche, le règlement du Grand Conseil existe et nous autorise à prendre un certain nombre d'options par rapport à cette pétition.

On peut évidemment la «shooter», mais on peut aussi la renvoyer au Conseil d'Etat qui fera rapport sur la manière dont il entend traiter cette affaire.

Il est clair que ce renvoi au Conseil d'Etat, demandé dans mon rapport de minorité, est un signal politique que nous donnons au Conseil d'Etat, pour qu'il pratique une politique tarifaire en faveur des jeunes qui les encourage à utiliser les transports en commun.

C'est dans ce sens-là que les représentants du parlement des jeunes, que nous avons auditionnés, en séance de commission, ont motivé leurs propos et démarches. Ils ont démontré que ce problème restait d'une actualité brûlante, en nous envoyant une lettre, datée du 1er mai, qui devrait suffire à faire réfléchir M. Froidevaux sur le fait, nonobstant l'inexistence de la machine à remonter le temps, que le problème n'est toujours pas résolu.

De quoi s'agit-il ? Tout à l'heure, nous avons tenu un débat sur le fond concernant la voiture et les parkings. On peut introduire une métaphore, par analogie. L'utilisation de la voiture ressemble un peu à une toxicomanie. D'une part, c'est nuisible pour la santé, à cause de la pollution atmosphérique, et c'est mortel dans certains cas. De plus, c'est cher et il faut continuer à augmenter la dose, en termes d'investissements routiers ou de parkings. On l'a constaté par rapport au refus du moratoire proposé en matière de parkings.

Nous avons une politique à mener. Récemment, nous avons eu un débat sur le contreprojet à l'IN 103 «Pour des transports publics au service de la population». Avec ce contreprojet, qui a rallié la majorité du parlement, il s'agissait de favoriser l'utilisation des transports publics, par conséquent de sevrer les «toxicos» de la bagnole qui posent de nombreux problèmes dans le canton et bien au-delà.

Je vous assure que c'est possible. Mme Torracinta-Pache nous a expliqué sa situation, par rapport à la voiture, lors du débat sur les parkings. Personnellement, je n'ai plus de voiture depuis quatre ou cinq ans. Donc, il est possible de «décrocher».

Mais le mieux à faire, plutôt que de traiter les malades de la voiture, est d'avoir une politique intelligente de prévention, c'est-à-dire d'empêcher que des jeunes, par imitation de leurs aînés, ne recourent, essentiellement, à l'utilisation de la voiture aux dépens des transports en commun.

C'est une politique de prévention pour que - je reprends un terme entendu tout à l'heure - la bagnole cesse d'être un objet «transgénérationnel» et que, peu à peu, elle perde de son impact néfaste sur l'environnement.

Lors de nos dernières séances, plusieurs personnes ont cité l'exemple de Strasbourg, visitée par la commission des transports. M. Ramseyer s'y est référé, très positivement, il y a peu. J'ai aussi retenu de l'exposé du vice-président de la commission de la communauté urbaine de Strasbourg qu'il entendait se doter de moyens pour lutter contre la voiture, «ce cancer qui ronge les villes». Ce sont ses propres paroles !

Et si l'on veut y parvenir, il faut, bien entendu, inciter les jeunes à utiliser, prioritairement, les transports en commun, et à prendre de bonnes habitudes à ce niveau.

Dès lors, il est évident que la mesure, prise au début de 1994, consistant en une hausse brutale de 40% du prix du billet demi-tarif, est parfaitement inadaptée à une politique incitative. Les jeunes ont ressenti cette hausse comme une injustice majeure. C'était une hausse discriminatoire à leur égard et c'était surtout, il faut le dire, la suppression du demi-tarif, puisque l'on passait à un plein tarif réduit seulement de 30%.

On a donné plusieurs raisons, mais la seule substantielle, en réalité, était d'harmoniser nos tarifs avec ceux de Zurich ou d'autres villes suisses.

Cela signifie, dans l'esprit des amateurs de ce nivellement par le pire, que Genève n'aura pas la possibilité d'être pionnière, dans le domaine des transports, et de mener une politique dynamique pour faire mieux que d'autres villes suisses.

C'est absurde. Il n'y a aucune raison de normaliser vers le pire.

De mauvaises raisons ont été invoquées pour refuser cette pétition. En effet, si nous la renvoyons au Conseil d'Etat, cela signifierait le rétablissement de réels demi-tarifs, puisque c'est contre leur suppression que les jeunes se sont insurgés.

Certains ont même prétendu que l'utilisation des demi-tarifs était marginale et que l'on pouvait considérer l'affaire comme étant classée.

Si l'utilisation de ces billets à demi-tarif était marginale, cela signifierait que la mesure proposée, qui aurait donné satisfaction à ces jeunes, ne coûtait pas cher et aurait incité les gens à utiliser les transports en commun.

En revanche, si cette utilisation n'est pas marginale, il y a un réel problème. Et c'est si vrai que cette pétition, qui allait dans le sens de nombreuses interventions, tant de la part de l'Union des syndicats du canton de Genève qui, sous la plume de son président, M. Jacques Robert, était intervenue contre cette suppression des billets à demi-tarif, que de la part de l'AVIVO, les personnes âgées considérant aussi qu'il y a un réel problème.

Cette mesure doit donc être retirée. Une hausse discriminatoire, qui touche les jeunes et les personnes âgées, est inacceptable.

D'autre part, j'ai lu dans le numéro de ce printemps de «Reflets», le magazine des TPG, qu'il fallait donner ou redonner aux gens le goût des transports publics, cette option étant l'axe de la politique de promotion des TPG et que ceux-ci avaient choisi un marketing de concertation, permettant d'élaborer des rapports de confiances entre l'entreprise et sa clientèle.

Or, il y a réellement eu une décision erronée, prise sans concertation avec les jeunes, ces derniers s'y étant opposés après en avoir pris connaissance par le biais de leur parlement. Et comme leur lettre le prouve, ils continuent à s'y opposer.

Il faut donc que cette pétition - qui, certes, ne modifiera pas les tarifs du jour au lendemain - soit renvoyée, comme signal politique, au Conseil d'Etat, pour signifier l'inopportunité de cette hausse. On peut commettre des erreurs, mais l'intelligence, c'est de les reconnaître et de ne pas persévérer.

Nul besoin de machine à remonter le temps pour corriger les erreurs que l'on a commises.

M. René Longet (S). En page 3 du rapport de majorité sont donnés les résultats du vote en fonction des groupes politiques et vous aurez lu que le groupe socialiste s'est abstenu sur cette pétition.

Aussi voudrais-je m'exprimer à ce sujet. Nous nous sommes abstenus, en commission, pour deux raisons :

1. Les demandes concrètes étaient objectivement dépassées, puisqu'il s'agissait de contester une hausse intervenue depuis une année et demie.

2. Nous avions annoncé en commission - et c'est la raison majeure de notre abstention - que nous voulions étudier le dépôt d'une motion qui aurait permis, à partir de la pétition, de généraliser les conditions et situations autorisant des hausses de tarifs. Plus largement, cette motion aurait réclamé une politique tarifaire des TPG. Nous avons étudié des propositions, mais nous n'avons pas encore pu aboutir, principalement à cause de l'absence du contrat de prestations. Ce contrat de prestations étant «resté en rade» au département de justice et police et des transports, nous n'avons pas pu concrétiser le dépôt de la motion que nous avions annoncée en commission.

Dans ces conditions, nous pensons qu'il faut mieux renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, dans le sens d'un signal politique, comme l'a dit M. Vanek. En effet, il faut qu'il intègre la réflexion que des modulations tarifaires peuvent aller à l'encontre de la politique de promotion des transports publics que nous voulons dans le travail sur le mandat de prestations.

Il serait bienvenu que le Conseil d'Etat intègre ce mandat dans sa réflexion sur ce que les TPG auront à faire, ces prochaines années.

Dans ce sens, nous soutenons le rapport de minorité, mais cela ne nous empêchera pas de réfléchir au dépôt d'une motion et de veiller à ce que, dans le cadre du contrat de prestations, l'élément tarifaire soit dûment pris en compte.

M. Gérard Ramseyer. J'ai trois remarques à faire.

L'adaptation tarifaire de 1994 a eu, pour objectif, de rendre l'acquisition d'abonnements plus attractive que l'utilisation de billets seuls, ceci dans le but de fidéliser la clientèle des TPG. La politique des TPG est constante dans ce domaine. Elle vise donc à fidéliser sa clientèle par le biais de rabais tarifaires plus importants sur les abonnements.

Ma deuxième remarque s'adresse à M. Vanek. Je trouve tendancieux de sa part de comparer le tarif TPG le plus élevé avec le tarif CFF le plus bas, afin de prouver que les TPG sont chers.

Mais plus important, je vous informe de la tentative d'harmonisation tarifaire entre les TPG genevois et ceux d'autres villes, ainsi que des pourparlers en cours entre les TPG et les CFF, visant à introduire une communauté tarifaire intégrale à Genève, ceci en collaboration avec les CFF et les Mouettes genevoises.

Cette communauté tarifaire intégrale impliquera, en 1997, que les demi-abonnements CFF seront reconnus à Genève.

A la demande de mon département, les TPG et les CFF étudient actuellement le premier billet et la première carte multiparcours, de type «communauté tarifaire intégrale», à tarif normal et à tarif réduit. Cette billetterie devrait voir le jour en septembre 1995. Elle représentera un grand progrès en faveur de l'utilisation des transports publics par les adultes et les jeunes.

Cela constituera le premier résultat mesurable des efforts de cohérence de la politique tarifaire, menée depuis deux ans par les TPG. J'ajoute que cette recherche de cohérence n'est pas un exercice intellectuel, mais une démarche pragmatique et concrète. Ma dernière remarque a trait à la pénalisation des jeunes. La volonté des TPG n'est pas de les discriminer, mais d'induire une consommation plus intelligente, en consentant des rabais plus importants aux usagers fidèles, plutôt qu'aux utilisateurs sporadiques. C'est ce que le peuple genevois a voulu, en votation.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Pour ce qui est de rendre les abonnements plus attractifs, je crois que la lettre que nous avons reçue, aujourd'hui, met les deux choses en parallèle, puisqu'elle évoque également l'augmentation importante des abonnements. Aussi, la réponse de M. Ramseyer ne me semble guère pertinente. On lit, dans la lettre précitée, que si les billets ont été augmentés de 50%, les cartes «Azur» l'ont été de 40%, et ce depuis 1990.

Il y a aussi un paradoxe dû à cette politique. Il s'agit d'assurer un début d'utilisation des transports publics par les jeunes, d'une part, et environ deux mille d'entre eux ont signé notre pétition, d'autre part. Il faut donc les écouter et tenir compte de ce qu'ils disent.

Je conçois fort bien que l'on commence à utiliser les transports en commun en commençant par acheter des billets au coup par coup. Ou bien qu'il y ait des familles qui n'ont pas les moyens de payer plusieurs abonnements à demi-tarif, je souscris à l'idée de M. Ramseyer : il faut que les gens s'abonnent par la suite.

M. Ramseyer a aussi parlé d'une entourloupe que j'aurais faite dans mon rapport, en comparant certains prix pratiqués par les CFF. J'aurais pu citer, en l'occurrence, d'autres parcours. C'était pour dire qu'effectivement les CFF pratiquent réellement le demi-tarif, soit 50%. Je ne vois pas pourquoi cet élément ne pourrait pas être pris en compte par la politique tarifaire des TPG.

Je persiste à croire que cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat.

Je trouve gênant que l'on félicite le parlement des jeunes, que l'on applaudisse le civisme de ces derniers et que l'on jette leur pétition à la poubelle.

Sur cet objet, on aurait dû les prendre au sérieux, leur dire notre désaccord ou notre accord. Pour ma part, je les approuve et pense qu'il faut renvoyer la pétition au Conseil d'Etat.

J'accueille avec satisfaction les déclarations du porte-parole du groupe socialiste qui considère qu'il lui faut, aujourd'hui, appuyer cette pétition et il est évident que je n'ai jamais pensé que la politique tarifaire des TPG devait être réglée, une fois pour toutes, par notre appui à cette pétition.

Par rapport au débat que nous avons eu sur l'initiative 103, certains, défendant l'initiative, ont évoqué un article explicite sur une politique tarifaire encourageant l'utilisation des transports en commun; d'autres ont répondu que le terme «favoriser» du contreprojet la sous-entendait parfaitement.

Dès lors, je trouverais surprenant - alors que l'on se targuait, le mois passé, d'un consensus sur le terme «favoriser» qui engloberait les incitations tarifaires - que pour une incitation tarifaire, extrêmement modeste - puisqu'elle représentait, à l'époque, environ 0,5% des recettes voyageurs - l'on ne soit pas capable de faire un geste pour les jeunes, qui donnerait, en plus, une image de marque favorable aux TPG.

M. Pierre Meyll (AdG). Tout à l'heure, M. Lombard nous rappelait qu'il y avait une part de rêve dans toute entreprise humaine. Alors, permettez-moi de rêver.

Sans recourir à la machine à remonter le temps, citée par M. Froidevaux, je vous parlerai d'une soirée de décembre 1981, au cours de laquelle j'avais évoqué la possibilité de réduire les tarifs des TPG, lorsqu'ils ont passé de 1 F à 1,20 F. Je démontrais à M. Fontanet, alors responsable des TPG, le manque de psychologie qu'il y avait à dépasser ce franc tout simple que l'on introduisait dans le distributeur à billets et qui nous dispensait d'avoir de la petite monnaie.

Arguant du coût social très élevé de l'automobile, j'avais même évoqué la gratuité des transports en commun, laquelle aurait permis de compenser les investissements de l'Etat dans les TPG par les économies réalisées en fait d'aménagements routiers, de lutte contre la pollution, d'adaptations des distributeurs, etc. C'était en 1981.

M. Fontanet m'avait pris à part pour me dire, textuellement : «C'est un peu tôt, mais quand la ville sera complètement obstruée, que les affaires seront «cancellées», nous envisagerons peut-être cette possibilité, parce qu'après tout cela nous coûtera moins cher que tous les problèmes qui se posent.».

Nous nous trouvons dans cette situation. La ville est «cancellée», la ville est bloquée. Alors, pourquoi ne pas envisager des transports publics gratuits ? Si l'on fait l'étude du coût social de la voiture, des aménagements routiers qu'elle impose et de tous les problèmes qu'elle pose, nul doute qu'il faut envisager cette solution.

Permettez-moi d'avoir rêvé un instant. S'il vous plaît, transformez ce rêve en réalité et faites que la réalité présente ne se transforme pas en cauchemar.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je ne voulais pas intervenir, mais M. le conseiller d'Etat... (Chahut.) ...Ramseyer a eu une parole malheureuse en disant que le peuple avait décidé cela.

Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, appliquez ce que le peuple a décidé ! En 1988, à l'unanimité des partis représentés dans ce parlement, une nouvelle stratégie pour les transports publics a été décidée. En quatre étapes, il a été déterminé de parvenir à des fréquences de cinq minutes sur les lignes urbaines. Consultez les nouveaux horaires, Monsieur le conseiller d'Etat et Messieurs les membres du conseil d'administration des TPG, elles sont encore de sept minutes et demie, et ce en retirant des voitures !

Alors, ne venez pas me dire que les décisions du peuple sont appliquées quand elles ne sont pas respectées. Ayez le courage de déclarer, devant la population, que vous vous engagez à faire des modifications.

Monsieur le conseiller d'Etat, vous ne respectez pas les décisions du peuple. Vous les trahissez !

Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité de la commission des transports (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.