Séance du jeudi 18 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 22e séance

M 987
24. Proposition de motion de Mmes et MM. Anne Briol, Fabienne Bugnon, David Hiler, Sylvia Leuenberger, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Chaïm Nissim, Andreas Saurer et Max Schneider pour un moratoire en matière de construction de parkings au centre-ville ou pour que Genève, qui veut être la capitale de l'environnement, devienne la capitale des déplacements écologiques. ( )M987

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que Genève veut se doter du titre de capitale de l'environnement;

 que Genève est la ville suisse avec la plus forte densité de places de stationnement au centre-ville;

 que les places de stationnement sont gérées de manière inadéquate et utilisées essentiellement par les pendulaires,

invite le Conseil d'Etat

à décréter un moratoire de construction de parkings au centre-ville jusqu'en l'an 2005.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Comme nous l'avons déjà rappelé dans la motion pour la création de zones piétonnes mixtes en matière de circulation, tout le monde s'accorde à dire que nous devons rendre le centre-ville plus accessible et respecter la législation fédérale en matière de protection de l'air et du bruit.

Pour atteindre ces objectifs, le Conseil d'Etat a présenté le «Plan OPair», «Circulation 2000» et «Transports Publics 2005». Il est réjouissant de constater que le nouveau Conseil d'Etat a réaffirmé, et continue régulièrement de réaffirmer, qu'il fait siens ces documents et la ligne politique qui y est développée.

Rappelons que la notion clé autour de laquelle toutes les propositions sont articulées est le transfert modal, un transfert qui ne peut être atteint que moyennant la conjonction des mesures suivantes:

 le développement des Transports publics genevois (TPG) et les déplacements à pied et à bicyclette;

 la restriction de la circulation au centre de la ville;

 la construction de parkings d'échange à la périphérie et en ville, la limitation de l'offre des places de stationnement pour les pendulaires, le développement du système des macarons pour habitants et des zones bleues pour les visiteurs.

Nous ne revenons pas sur l'échec de la politique actuelle en matière de transfert modal; aucun des objectifs fixés dans le domaine de la pollution de l'air, du bruit, de l'utilisation des TPG et de la diminution de la circulation au centre-ville n'a été atteint.

Nous n'abordons pas non plus la politique des TPG, car le Conseil d'Etat devrait présenter très prochainement des projets d'extension. Ayant déjà fait des propositions en matière de zones piétonnes, nous nous limiterons cette fois-ci à la politique du stationnement.

1. La circulation et les places de stationnement au centre-ville

Pour mettre les idées au clair, il est utile de fournir quelques chiffres (Données de base du système de circulation genevois Office des transports et de la circulation (OTC), mai 1990, et Rapport d'expertise concernant Circulation 2000 présenté par le professeur Bovy, mars 1993) concernant la circulation et les places de stationnement au centre-ville.

Mouvement des voitures Mouvements Places deet places de stationnement   stationnementutilisées

Voitures de transit 200 000 

Voitures se rendant aucentre-ville (entrées et sorties) 100 000 11 500

Professionnels 30 000 1 000

Visiteurs 32 000 2 500

Pendulaires captifs(utilisant leur voiturependant la journée) 25 000 3 000

Pendulaires fixes 13 000 5 000

Total 100 000 11 500

Offres de places de stationnement au centre-ville:

Parkings publics 3 300

Places de durée limitée 3 000

Places de durée illimitée 2 000

Parkings privés 3 000

Avec le parking de Saint-Antoine +1 250 (bilan net)

Total 11 500

2. La suroffre en matière de stationnement

Selon les données fournies lors de la conférence de presse organisée le 11 juillet 1994 par les conseillers d'Etat Haegi et Ramseier, Genève offre en matière de places de parkings publiques par hectare:

 4 fois plus de places que Bâle;

 3 fois plus de places que Zurich;

 2 fois plus de places que Berne.

Mais, malgré cette suroffre évidente, le même Conseil d'Etat envisage, voire a déjà commencé, la construction de nouveaux parkings au centre de la ville (Saint-Antoine, place Neuve, Saint-Gervais) et prévoit l'extension du parking du Mont-Blanc permettant ainsi d'offrir 2 250 places de stationnement supplémentaires. En tenant compte de la suppression de 500 places en surface, le gain net sera de 1 750 places, ce qui constitue une augmentation de plus de 20% par rapport à l'offre actuelle.

Un tel forcing en matière de construction de parkings est d'autant plus surprenant que de nombreux parkings sont à moitié vides. Ainsi, comme le rapporte le «Journal de Genève» d'il y a quelques mois, l'Armée du salut «tente désespérément de louer aux habitants du quartier les quelque 150 places dont elle dispose. A ce jour, seule une vingtaine ont trouvé preneur»!

On peut également mentionner à ce sujet l'intervention du conseiller d'Etat Joye lors de la séance du Grand Conseil du 20 janvier 1995 au cours de laquelle il faisait état du fait qu'un étage entier du parking Dufour est vide et que la Fondation Cité-Nouvelle II du boulevard Carl-Vogt cherche toujours des locataires pour 200 places de stationnement.

3. La circulation au centre-ville augmente

A ce sujet, il vaut la peine de rappeler que le plan OPair (1991) a prévu pour l'an 2000 une augmentation de la circulation à destination du centre-ville de seulement 10 000 véhicules en passant de 50 000 à 60 000 voitures. En contrepartie, pour diminuer globalement la circulation au centre-ville, le nombre des véhicules de transit doit passer de 200 000 à 120 000 en l'an 2000. Comme déjà mentionné, leur diminution n'a été que de 10 000 à 15 000 à la place des 40 000 prévus pour l'année 1994. Il est apparemment bien plus facile d'augmenter que de diminuer le trafic.

4. Pour un moratoire en matière de construction de parkings

Comme le dit le rapport «stationnement-circulation 2000» de novembre 1991, le problème des parkings à Genève peut être résolu en «s'appuyant sur une gestion du stationnement qui privilégie l'offre qualitative plutôt que quantitative».

a) Pour une autre gestion des places de stationnement

Rappelons que la création de quatre nouveaux parkings offre 2 250 places supplémentaires qui, moyennant un taux de rotation de 5, pourraient être utilisées par 12 500 véhicules selon «l'étude d'impact sur la circulation des principaux parkings» présentée par l'OTC en mai 1994.

Pour atteindre le même objectif, nous proposons de transformer 2 250 places des 5 300 places de parkings publics (3 300) et de durée illimitée (2 000) en places de stationnement de courte durée.

Cette mesure devrait être complétée par la mise en place systématique de zones bleues, de zones à horodateurs avec un tarif très fortement progressif pour les visiteurs et d'un système de macarons pour les habitants moyennant un forfait mensuel de 50 F.

b) Construire des parkings d'échange attractifs

Cette nouvelle gestion de places de stationnement dissuaderait une bonne partie des 5 000 pendulaires fixes de se rendre à leur travail en voiture. En effet, les pendulaires sont très sensibles à la possibilité de trouver une place de stationnement au lieu de travail; s'ils ont une place de stationnement à disposition, ils sont 86% à utiliser la voiture contre seulement 36% s'ils n'ont pas une telle possibilité. Des 5 000 pendulaires fixes, la moitié peut emprunter les transports collectifs depuis leur domicile, les autres sont tributaires d'un parking d'échange. Il est donc indispensable de compléter cette nouvelle gestion des places de stationnement par la création de parkings d'échange attractifs.

c) Pour favoriser le commerce au centre-ville

Rappelons que, selon le professeur Bovy, 55% des acheteurs de la Placette viennent en TPG et que la Migros suisse qui a le plus grand chiffre d'affaires est la Migros au centre de Berne qui ne possède aucune place de stationnement !

A Berne, 12% seulement des visiteurs se rendent au centre-ville en voiture contre 30% à Genève; fait absolument stupéfiant, les dépenses par visiteur en voiture ne dépassent pas les dépenses effectuées par visiteur utilisant les TPG.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Cette motion fait partie de toute une série de motions que nous avons déposées visant à contribuer à une Genève «capitale de l'environnement». Je me contenterai de vous rappeler la proposition de motion dont le but est de renoncer à l'usage du bois tropical - nous allons traiter le rapport y relatif ce soir - et la motion pour la création de zones piétonnes, qui a été refusée il y a un mois par ce Grand Conseil.

Celle que nous présentons ce soir poursuit deux buts :

1) mettre une fin - temporaire en tout cas - à une «suroffre» dans la construction de parkings au centre-ville;

2) diminuer le trafic des pendulaires en les incitant à recourir plus systématiquement aux transports publics. Bien entendu, pour ce faire, il faut que les transports publics soient attractifs et compétitifs. Nous ne manquerons pas une occasion de le rappeler.

Cette motion part de plusieurs constats qui sont rappelés dans les considérants :

1)  Genève veut se doter du titre de «capitale de l'environnement»;

2) Genève est la ville suisse avec la plus forte densité de places de stationnement au centre-ville.

A cet égard, il est peut-être utile de définir le centre-ville. Pour nous, il part de la rue des Alpes jusqu'à la rue de la Scie, en passant par Cornavin, la Coulouvrenière, le boulevard Georges-Favon, le boulevard des Philosophes, le boulevard des Tranchées, la rue Adrien-Lachenal et la place des Eaux-Vives. Il est d'ailleurs extrêmement bien défini dans le plan que vous pouvez trouver à la page 20 du document «Circulation 2000»;

3) Les places existantes sont mal gérées et utilisées essentiellement par des pendulaires.

Nous avons fourni quelques chiffres à l'appui, dans l'exposé des motifs, chiffres que nous n'avons pas inventés, puisqu'ils sont répertoriés dans les publications du département de justice et police au sujet de «Circulation 2000». En les examinant, on s'aperçoit qu'environ onze mille cinq cents places de stationnement sont utilisées au centre-ville et que l'offre actuelle est équivalente, puisqu'elle se monte au même nombre de places. De ce total on peut sortir trois mille cinq cents places, correspondant à l'offre en matière de parkings publics et de places de durée illimitée. Ces places sont essentiellement utilisées par des pendulaires. Si l'on pense - comme nous le pensons - que les pendulaires ne devraient pas squatter ces places de parking, la «suroffre» est évidente.

Pour en revenir au deuxième considérant constatant que Genève est la ville suisse avec la plus forte densité de places de stationnement au centre-ville, nous avons constaté que Genève offre quatre fois plus de places que Bâle - s'agissant de parkings publics par hectare - trois fois plus que Zurich et deux fois plus que Berne. Cela veut dire que si nous respections les mêmes proportions qu'à Bâle, par exemple, trois mille places suffiraient au lieu des onze mille cinq cents places existantes.

Malgré cette «suroffre» évidente, dont je vous ai fait la démonstration, un certain nombre de nouveaux parkings sont soit à l'étude, soit en cours de construction. Citons Saint-Antoine, la place Neuve, Saint-Gervais, de même que l'extension du parking du Mont-Blanc. Cela représente environ deux mille cinq cents nouvelles places de stationnement. Même si l'on déduit environ cinq cents places en surface, il restera une offre supplémentaire de mille sept cent cinquante nouvelles places, alors que bon nombre de parkings actuels ne trouvent pas preneurs. Nous vous citons quelques exemples dans l'exposé des motifs : le parking de l'Armée du salut - il n'a loué qu'une vingtaine de places sur les cent cinquante dont il dispose - ou le parking Dufour, pour ne citer que ces deux-là.

Face à cette situation, nous avons décidé de réagir, et nous vous proposons un moratoire sur la construction de tout nouveau parking au centre-ville jusqu'en l'an 2005, avec l'espoir que notre comportement aura beaucoup changé d'ici là et que les transports publics seront devenus tellement attractifs que la question d'un nouveau parking ne se posera plus.

Avec ce moratoire, devrait être mis en parallèle une nouvelle gestion des parkings existants, en renonçant au centre-ville à des parkings à durée illimitée et en rendant attractifs les parkings d'échange situés hors du centre-ville et encore trop souvent sous-occupés.

Cette motion, Mesdames et Messieurs, n'est pas du tout extrémiste; elle est facilement réalisable et, surtout, elle n'est pas coûteuse. J'espère donc, pour toutes ces raisons, que vous lui réserverez un bon accueil.

M. Gilles Godinat (AdG). Evidemment, notre groupe soutient cette motion qui présente l'intérêt de débattre à nouveau de l'implantation des parkings nécessaires dans notre ville. Tout d'abord, je rappelle que la surface communale de Genève est très réduite - une des plus petites villes de Suisse - et que, par conséquent, elle dispose d'une petite surface pour l'implantation des parkings. Ensuite, à l'évidence, l'ouverture de parkings au centre-ville est un aspirateur de véhicules automobiles au centre-ville. Toutes les études le prouvent. Il n'y a pas d'effet de dissuasion, de réduction du trafic de transit et du trafic visiteurs s'il y a des places de parc au centre !

Déjà en 1968, le débat dans ce Grand Conseil portait sur la petite ceinture évoquée par Mme Fabienne Bugnon. Effectivement, à cette époque, il était question d'implanter les parkings très précisément... (Brouhaha.) (L'orateur s'adresse à la présidente.) Ça va ?

La présidente. On ne vous entend pas, Monsieur Godinat, mais ce n'est pas de votre faute ! Ce brouhaha est pénible.

M. Gilles Godinat. L'implantation des parkings avait été décidée, à l'époque, en fonction de cette petite ceinture. Tous ces parkings ont été réalisés, principalement : Cornavin, Plainpalais et, depuis, le Mont-Blanc et Saint-Antoine. Prenons l'exemple de la rue de Coutance et du parking Grenus : c'était la démonstration pure et simple qu'une implantation nouvelle de parking en ville provoque des engorgements et une diminution, par saturation, de la fluidité du trafic.

C'est la raison pour laquelle un moratoire est nécessaire pour respecter l'esprit de «Circulation 2000», à savoir diminuer de 40% le trafic au centre-ville afin de préserver la santé de la population.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je ne vous étonnerai probablement pas en vous disant que notre groupe soutient cette proposition de motion. Je vais sans doute répéter certaines des choses déjà dites, mais je pense que ce n'est pas inutile.

Autant nous sommes favorables à la construction de parkings d'échange, comme cela a été dit, aux portes de la ville, pour les personnes qui ne peuvent pas utiliser les transports publics depuis leur domicile, autant nous estimons que les parkings de la ville offrent actuellement suffisamment de places disponibles. C'est une de leurs utilisatrices qui vous le dit.

Mesdames et Messieurs, il ne faut pas se leurrer : nous sommes tous les mêmes ! Plus nous aurons des possibilités de nous garer au centre-ville, plus nous aurons tendance à choisir la solution de facilité consistant à monter dans notre voiture, depuis notre domicile pour en descendre, s'il n'y a pas de problème, à notre lieu de destination. C'est le cas d'un bon nombre d'entre nous, c'est mon cas également, et je conviens bien volontiers que c'est une solution agréable, quand tout va bien. Mais, en même temps, nous sommes tenus de respecter la législation fédérale sur la protection de l'air et sur le bruit et, donc, d'appliquer les mesures du plan OPair afin de réduire la circulation au centre-ville. L'enjeu est important, puisqu'il s'agit de la qualité environnementale de l'agglomération genevoise. Il mérite donc bien que tous les efforts allant dans ce sens soient consentis !

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de reprendre mon exemple personnel. Ceux qui me connaissent savent bien que je roule bien plus souvent en voiture qu'en transports publics, ce qui est normal pour une personne tributaire des lignes de bus de campagne et dont les horaires sont irréguliers. Je le répète, j'utilise également les parkings de la ville. En passant, je signale à ce propos que le parking de Plainpalais offre des places disponibles à toute heure et permet, de manière très pratique, d'utiliser le tram 12 pour fréquenter les commerces du centre-ville.

Dans le cadre d'autres activités, je dois me rendre régulièrement dans le quartier de Rive. Ma première tentation a donc été d'utiliser le parking du même nom : le parking de Rive, jusqu'à un mercredi matin, jour de marché, où je suis restée bloquée plus de quinze minutes dans la rampe dudit parking ! J'ai compris ce jour-là que, dorénavant, je laisserai ma voiture à Onex et que je prendrai le 2, ce qui me permettra, le cas échéant, de m'arrêter en rentrant dans un bon magasin chic de la rue du Marché... (Rires.) ...ou chez son voisin, le principal drugstore de la place, tout cela sans énervement, sans stress et sans être confrontée à ce sentiment angoissant de voir sa voiture devenir gigantesque et tellement encombrante ! Pourtant, la mienne - certains le savent - est toute petite ! Idem pour le retour.

Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincue que des mesures dissuasives pour les automobilistes, notamment pour les pendulaires, en matière de parkings au centre-ville en particulier favoriseront leur choix de se déplacer en transports publics, pour autant, bien entendu, que ces derniers soient performants, ce qui est déjà en grande partie le cas, mais nous y reviendrons, je crois, au point 24. Des parkings d'échange, une gestion différente des places de stationnement sont, en revanche, des solutions que le groupe socialiste défend depuis longtemps.

C'est pourquoi nous vous invitons à accepter de renvoyer cette motion à la commission des transports, j'imagine.

M. Michel Ducret (R). J'ai beaucoup apprécié la démonstration de Mme Claire Torracinta-Pache sur sa manière d'utiliser les transports publics et sa conviction qu'ils sont plus attractifs pour se rendre au centre-ville. Elle a parfaitement raison et je l'approuve.

Malheureusement, il se trouve que passablement de gens n'ont pas encore fait cette démarche et qu'ils sont même loin de la faire. Leur réaction est de prendre leur voiture et de faire leurs courses dans les centres commerciaux de la périphérie pour éviter le centre-ville. Ce n'est pas forcément, non plus, une bonne solution pour notre avenir et celui des commerces concernés !

Il y a effectivement un déséquilibre de l'offre pour le parking de «service» destiné aux commerces. Ce déséquilibre a été relevé dans le projet «Circulation 2000», en précisant qu'il était nécessaire d'offrir deux nouveaux parkings de ce type sur le périmètre de la ville - celui qui est défini par les motionnaires - l'un dans le secteur de la place Neuve et l'autre dans le secteur de la place Cornavin. Je précise, d'ailleurs, que l'offre du parking de l'immeuble de «l'Armée du salut» n'est pas une possibilité alternative pour le type de parking souhaité par «Circulation 2000», puisqu'il s'agit d'un parking habitants, avec des places fixes louées trop cher par rapport à l'utilisation gratuite - vous me direz trop bon marché - de la chaussée. Ces constructions ne sont pas du tout adaptées à une exploitation de parking public de service. J'ajoute que les parkings publics qu'il faut réaliser doivent être gérés dans des conditions drastiquement dissuasives pour les pendulaires : c'est vrai ! C'est même certain !

Mais en fait, une fois de plus, Mesdames et Messieurs les députés, que constate-t-on ? En réalité, cette proposition est une nouvelle attaque contre le concept «Circulation 2000», alors qu'on prétend l'approuver, et même s'appuyer dessus, pour justifier cette intervention !

Encore une fois, je reprendrai cette citation d'un de nos aimables collègues : ««Circulation 2000» n'est pas un supermarché où l'on peut prendre ce que l'on veut et rejeter ce que l'on ne veut pas !». Rade, parkings, 30 à l'heure : toutes ces notions font partie d'un ensemble, d'un même combat. Il s'agit donc d'une proposition d'ensemble visant à améliorer la qualité globale de la vie en ville, et la présente motion, comme d'autres, vise à paralyser une partie de cette action d'ensemble.

Donc, faute d'une proposition alternative cohérente et complète, le groupe radical ne peut souscrire à cette motion et, par conséquent, il ne la votera pas !

M. Nicolas Brunschwig (L). L'exemple de Mme Torracinta-Pache - qui m'a grandement intéressé et qui a égayé ma fin d'après-midi - n'est pas forcément significatif du comportement de l'ensemble des concitoyens, de l'ensemble des internationaux qui habitent dans notre canton et de l'ensemble des touristes qui fréquentent notre ville. Il y a donc des situations différenciées en fonction de l'endroit où on habite, en fonction des activités ou des courses que l'on doit faire au centre-ville ou ailleurs. Et puis enfin, traiter la ligne 2 ou 22 de «ligne de campagne» me semble un peu réducteur par rapport à la vraie campagne et à la manière dont celle-ci est desservie par les TPG, ce que nous comprenons, par ailleurs, fort bien, car de réels problèmes de rentabilité se posent pour ces lignes de campagne.

Dès lors, malgré les propos apaisants de Mme Torracinta-Pache, je suis certain qu'une telle motion est inacceptable. C'est, en fait, une déclaration politique en tant que telle. Imaginez qu'un groupe politique de ce Parlement propose un moratoire sur les lignes de transports publics jusqu'en l'an 2005 : je ne crois pas que vous l'accepteriez ! Tout moratoire fige la société. Il me semble qu'une telle décision, pour une durée de dix ans, est tout à fait invraisemblable, surtout, par rapport à un besoin qui existe réellement, même s'il ne correspond pas à une réalité dans l'esprit de certains, en particulier dans celui des motionnaires. La preuve - comme Mme Torracinta-Pache l'a dit - c'est que lorsqu'il y a des activités au centre-ville les parkings sont pleins. S'ils le sont c'est qu'ils correspondent à un besoin et à un désir de nos concitoyens.

Nous ne pouvons donc pas accepter cette motion.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'ai écouté les motionnaires avec beaucoup d'intérêt. J'ai trouvé que leur raisonnement se tenait et j'étais donc prêt à applaudir. Mais, vraiment, leur conclusion est complètement «à côté de la plaque» !

Je rappelle donc que les mesures concernant une meilleure gestion des places sont : augmenter le nombre de places de stationnement de courte durée et diminuer, de manière drastique, le nombre de places pendulaires en centre-ville. Tout cela fait partie de ce que M. Ducret a appelé, tout à l'heure, le «supermarché» de «Circulation 2000», dont on ne peut pas prendre un bout et rejeter le reste. Les mesures défendues par «Circulation 2000» nous sont imposées non pas par le désir d'avoir des parkings mais par la loi fédérale sur l'environnement.

Dès lors, quels buts poursuit la politique de construction de nouveaux parkings ? En particulier, la redistribution des espaces et la diminution des places en surface. A cet égard, je vous rends attentifs au fait que vous ne pouvez pas tenir un langage à l'ATE, un autre devant les associations d'habitants et encore un autre ici !

A la Vieille Ville, que nous a-t-on demandé ? De faire disparaître un certain nombre de places de parc en surface pour les mettre ailleurs. Où ? A Saint-Antoine, parking qui sera inauguré cet automne; et à la place Neuve, en particulier. Et puis, les habitants qui se sont exprimés nous ont également demandé de créer des zones piétonnes, ce qui implique davantage de parkings. C'est la raison pour laquelle il y a des projets au centre-ville, en bordure de la zone piétonne : je veux parler du parking de la place Neuve, du parking sous-lacustre agrandi et de celui de Saint-Gervais. Sans ces parkings il n'est pas possible d'avoir des zones piétonnes. On ne peut pas vouloir une zone piétonne et prétendre sérieusement que pour faire des achats à la Corraterie il n'y a qu'à se parquer au fond de la plaine de Plainpalais : c'est impossible ! Ou bien il y a une zone piétonne et des parkings, ou bien il n'y a rien; mais il n'y a pas l'un sans l'autre !

J'aimerais dire - en cela je comprends bien le discours qui nous a été fait - que la politique du Conseil d'Etat en matière de parkings fera l'objet d'une communication de ma part au mois de juin. Le Conseil d'Etat sera saisi, au mois de juin, du concept que je vais lui adresser, et vous y retrouverez le raisonnement que vous avez défendu, et que je défends. Mais ce qui est certain c'est que vous ne pouvez pas voter un moratoire de dix ans sur la politique de réalisation de parkings sans savoir comment les choses se passeront.

Le concept existe : nous sommes donc absolument partisans de le défendre. Mais nous ne devons pas faire de telles concessions. Cette proposition d'immobiliser tout projet de parking pendant dix ans va à l'encontre de l'esprit de la grande majorité de ce Grand Conseil. Ce dernier a démontré, au contraire, son envie d'avancer dans le domaine de la circulation.

Je vous invite donc à rejeter cette motion : elle va contre l'intérêt des habitants; elle va contre l'intérêt de «Circulation 2000» et contre l'intérêt de la circulation et de la qualité de la vie au centre-ville.

M. Andreas Saurer (Ve). Effectivement, le comportement de nos automobilistes est différent de celui des automobilistes dans d'autres villes, et le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient !

C'est entre autres pour cette raison que le projet «Circulation 2000» a été mis en place. Il envisage la création de toute une série d'infrastructures, mais, en même temps, il table sur un changement du comportement. Les habitudes peuvent parfaitement changer : elles ne sont pas immuables ! Monsieur Ducret et Monsieur Ramseyer, vous dites que «Circulation 2000» n'est pas un supermarché. Je suis d'accord avec vous, mais - et nous l'avons constaté à plusieurs reprises - nous avons pris un retard très important par rapport aux objectifs fixés par le projet «Circulation 2000». Finalement, l'essentiel ce sont les objectifs. Les moyens se définissent en fonction des objectifs, et nous constatons que les objectifs fixés par «Circulation 2000» ne sont, et de loin, pas atteints. Lorsque les buts ne sont pas atteints, eh bien, on change et on se donne les moyens adéquats pour les atteindre ! Si les objectifs ne doivent pas être un supermarché, les moyens, eux, peuvent s'adapter !

Notre proposition fondamentale est de gérer différemment les places de stationnement. Il est incroyable qu'il n'y ait pas de problèmes d'accessibilité dans une ville comme Bâle qui n'a pas onze ou douze mille places de stationnement mais seulement trois mille places ! A Genève, nous avons un problème d'accessibilité, et, au lieu de changer la gestion des parkings, que fait-on ? On investit des millions et des millions pour la création de nouveaux parkings ! La gestion de ces parkings n'est absolument pas rigoureuse, Monsieur Ducret ! Vous savez pertinemment bien que, au centre de Genève, qui comporte douze mille places de stationnement, seulement deux mille cinq cents à trois mille places sont réservées pour les visiteurs. C'est ce nombre de places réservées pour les visiteurs que nous voulons augmenter, et cela, au détriment des pendulaires, car il y a encore infiniment trop de places de stationnement réservées exclusivement aux pendulaires.

La situation est simple : vous voulez maintenir ce type de gestion des places de stationnement et vous créez d'autres places de stationnement pour des sommes absolument faramineuses - c'est votre choix. Nous, nous sommes conscients de la situation économique actuelle et nous pensons que nous ne devons pas dilapider ni l'argent du contribuable ni celui des utilisateurs. Nous proposons donc de gérer différemment ces places de stationnement pour rendre le centre-ville beaucoup plus accessible aux visiteurs.

C'est dans cette optique que nous souhaitons que cette motion soit au moins renvoyée en commission pour nous permettre d'avoir un débat en profondeur, concernant la politique des places de stationnement. En effet, actuellement, cette politique est uniquement quantitative; elle ne se préoccupe pas de savoir si d'autres moyens plus économiques pourraient rendre le centre-ville plus accessible.

M. Michel Balestra (L). Je remercie le président du département de justice et police pour la sagesse de ses propos !

En effet, Mesdames et Messieurs, quels sont les objectifs de «Circulation 2000» ?

Ils sont les suivants :

1) Améliorer l'accessibilité au centre-ville;

2) Améliorer l'offre des transports publics de 75%;

3) Améliorer la capacité des déplacements individuels de 25%.

Or, pour atteindre l'ensemble de ces objectifs que faut-il ? Il faut réaliser la traversée de la rade, des parkings souterrains au centre-ville, au bord de toutes les zones piétonnes que nous allons mettre en place, pour supprimer le transit du centre-ville. Ces investissements vont de pair, car, sinon, toute l'économie du centre-ville péricliterait.

Mesdames et Messieurs, suite à des refus d'autorisation d'agrandissement de Balexert, un groupe concurrent a été créé à Chavanne ! Chavanne a immédiatement représenté un chiffre d'affaires annuel de 120 millions : 20 millions de mieux que les budgets prévus ! Pourquoi, parce que c'est plus près de Genève ? Non, parce que des places de stationnement ont été prévues et parce qu'il y a deux ouvertures prolongées par semaine ! Quatre à cinq cents emplois ont été créés, mais ce ne sont pas des emplois genevois, pourtant cela aurait été bien agréable pour notre économie.

Suite aux complications concernant le dossier de la rue d'Italie, la Migros, qui avait d'énormes possibilités en France voisine, a construit à Etrembière. Allez voir les parkings d'Etrembière et de Thoiry ! Vous verrez que 50 ou 60% des véhicules ont des plaques suisses ! Trouvez-vous cela satisfaisant ? (L'orateur est interpellé par les écologistes.)

Moi, Mesdames et Messieurs les écologistes, j'ai quelque chose à vous dire ce soir : arrêtez le massacre ! Vous êtes comme les pyromanes pompiers : vous mettez des gens au chômage pour les plaindre ensuite ! (Sifflets et applaudissements.)

M. Dominique Hausser (S). Promouvoir l'utilisation des transports publics - comme l'a dit M. Balestra - par une amélioration de l'offre et construire de nouveaux parkings au centre-ville sont malheureusement deux mesures dont les effets s'annulent.

Ce n'est pas moi qui le dit, mais M. Vincent Kaufmann, dans un excellent rapport sur le report modal entre l'automobile et les transports publics. La majorité des personnes motorisées recourent, en effet, à l'utilisation d'un véhicule, même lorsque les conditions de stationnement sont bonnes, et l'illustration de Mme Torracinta-Pache était tout à fait claire, à cet égard. Or, sans une politique stricte des stationnements, nous ne pourrons pas obtenir une amélioration de la qualité des transports et des déplacements au centre-ville, pas plus qu'une amélioration de l'économie des commerces du centre-ville.

Tout à l'heure, M. Blanc a fait une remarque en disant que Genève avait plus de places de parking que les autres villes et que nous étions les meilleurs.

M. Claude Blanc. Mais, j'ai rien dit !

M. Dominique Hausser. Berne avait, il y a une vingtaine d'années, un problème majeur de circulation au centre-ville. En une dizaine d'années, elle a réussi à améliorer considérablement la mobilité des transports au centre-ville, non pas en augmentant le nombre de places de parc mais, au contraire, en les réduisant et en améliorant l'offre des transports publics. Malheureusement, il ne suffit pas d'améliorer l'offre des transports publics pour que leur utilisation soit plus grande. Pour cela, hélas, il est nécessaire de contrôler beaucoup plus strictement l'utilisation des parkings et de réduire leur disponibilité au centre-ville. Réduire les transports automobiles, comme l'a évoqué Mme Bugnon, je crois, et M. Godinat, est nécessaire au maintien et à l'amélioration de la santé.

M. Andreas Saurer (Ve). Je ne peux pas laisser l'intervention, à peine simpliste, de M. Balestra sans réagir !

Vous avez vous-même évoqué les objectifs de «Circulation 2000» ! Avez-vous déjà réfléchi à quel stade nous sommes par rapport aux objectifs fixés ? J'aimerais bien que vous examiniez attentivement cette question !

S'agissant de la santé des entreprises commerciales au centre de la ville, je vous rappelle que la Migros, qui fait le plus grand chiffre d'affaires de la Suisse, se trouve au centre de Berne, et, pourtant, il n'y a aucune place de parking en sous-sol. L'accessibilité à cette Migros est possible, uniquement, par les transports publics ou à pied. (Exclamations. La présidente demande le silence.)

Alors, arrêtons d'assimiler la santé des commerces aux places de stationnement. Elle dépend de toute une série de facteurs, parmi lesquels l'accessibilité est essentielle. Mais associer l'accessibilité aux places de stationnement est une réduction du raisonnement que vous ne pouvez pas faire, Monsieur Balestra ! Nous sommes très attentifs et sensibles au problèmes de l'accessibilité, mais - je le répète - celle-ci n'est pas liée au nombre de places de stationnement. Le développement des transports publics joue un rôle infiniment plus important, et l'exemple de la Migros de Berne montre clairement que le chiffre d'affaires d'une entreprise est indépendant du nombre de places de stationnement.

M. Claude Blanc (PDC). Dans les propos de M. Saurer, une phrase m'a fait sursauter et m'a poussé à réagir ! Il a dit : «Il faut modifier le comportement des gens.». Eh bien, moi, Mesdames et Messieurs, j'ai toujours entendu dire que les lois étaient faites pour codifier le comportement des gens, et non pour le modifier ! En effet, faire des lois pour modifier le comportement naturel des gens... (Réflexions.) ...s'apparente à de la répression, Monsieur le mollah ! (Eclats de rire.) Nous ne sommes pas à Téhéran, Mesdames et Messieurs les «mollahs verts» !

Une voix. Va à Rome, avec le pape !

M. Claude Blanc. Oh, ça c'est facile à dire !

Il ne faut pas interdire pour modifier le comportement des gens : il faut être positif ! Or, nous constatons, dans l'application de la loi «Transports 2000», que le Conseil d'Etat travaille sérieusement et qu'il présente des propositions méritant d'être étudiées et d'être rapidement appliquées.

Pourtant, que se passe-t-il ? On vous entend dire que ce n'était pas ce qui était voulu, et, sur le problème des transports publics qui a l'air de vous tenir à coeur, vous arrivez encore à mettre des bâtons dans les roues au programme du Conseil d'Etat - ce qu'on peut lire dans les journaux - notamment pour le futur métro ! C'est devenu un «must» ! (Rires.) Même quand le Conseil d'Etat oeuvre dans la direction qui est la vôtre, vous dites d'abord non et ensuite vous «l'engueulez», parce qu'il ne prend pas les mesures répressives qui seraient de nature à obliger les gens à prendre les transports publics. De plus, vous ne voulez pas laisser construire les parkings aux endroits proposés par le Conseil d'Etat.

La présidente. Monsieur Blanc, on vous entend très mal ! Parlez devant le micro, s'il vous plaît !

M. Claude Blanc. On m'entend mal !

La présidente. Oui, ici à tout le moins !

M. Claude Blanc. Ce n'est pas pour vous que je parle, Madame la présidente ! (Rires.)

La présidente. Aahh ! Pour un ancien président du Grand Conseil qui connaît si bien le règlement !

M. Claude Blanc. Mais je n'oserais pas vous dire ce que je leur dis ! (Rires.)

Tout cela pour vous dire que votre motion est une nouvelle preuve de votre totalitarisme et nous ne pouvons que la rejeter ! (Contestation.)

M. Jean-François Courvoisier (S). Je voudrais dire à M. Balestra - comme il le sait d'ailleurs très bien - que si les Genevois vont s'approvisionner dans les supermarchés qui entourent le canton ce n'est pas à cause des places de parking, mais à cause du prix. En effet, les produits de consommation y sont moitié moins cher qu'à Genève, et c'est la raison pour laquelle les Genevois vont y faire leurs courses. Cela leur permet de faire des économies importantes.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). L'argument simpliste avancé par M. Balestra ne peut pas passer si facilement !

Je ferai donc la même chose que vous, Monsieur Balestra : je suis très étonnée que la ville la plus polluée de Suisse soit aussi celle dont le taux de chômage est le plus haut ! Je me demande pourquoi, à Zurich, par exemple, où les transports publics sont nombreux et où il est difficile d'accéder en voiture, vous pouvez faire tranquillement vos achats. Pourtant le taux de chômage y est beaucoup moins élevé. Il faudrait peut-être regarder ce qui se passe ailleurs !

Par ailleurs, vous savez très bien, même si vous la prônez, que nous n'avons pas une véritable liberté de mouvement. Je ne sais pas si vous vous rendez, le matin, au centre-ville par un moyen de transport quelconque. Moi, je le fais. Quand vous subissez, par exemple, les bouchons des Acacias, vous vous rendez compte qu'on ne gagne pas de temps en prenant sa voiture. Tout le monde y gagnerait si seules les personnes qui en ont vraiment besoin se rendaient en ville en voiture, au lieu de provoquer des bouchons d'une demi-heure ou plus.

Comme l'a dit mon collègue, la première raison qui pousse les Genevois à faire leurs achats en France est financière, puisque les produits sont moins chers vu le taux de change, le franc suisse étant extrêmement élevé. (L'oratrice est interpellée par M. Annen.) Vous le savez tout aussi bien que moi, Monsieur Annen !

M. Christian Grobet (AdG). (Exclamations.) Aahhh ! Je ne peux pas laisser passer les propos de M. Blanc, prétendant que chaque fois que le Conseil d'Etat veut faire quelque chose, notamment en matière de transports, nous mettons les bâtons dans les roues des projets présentés !

Nous aurons l'occasion de débattre sur le rapport du Conseil d'Etat, s'agissant des transports publics. Mais notre propos, Monsieur Blanc, au sujet de ce rapport sur lequel nous reviendrons, c'est que le Conseil d'Etat abandonne les projets, qui ont été votés il y a deux ans par le Grand Conseil, et qu'il nous promet autre chose maintenant. Nous ne mettons pas des bâtons dans les roues de certains projets; nous demandons simplement que le Conseil d'Etat réalise les projets votés par ce Grand Conseil - vous-même les avez votés - il y a deux ans !

Cela étant précisé, je voudrais ajouter une ou deux choses. En se promenant dans d'autres villes, on peut constater que les zones piétonnes sont beaucoup plus étendues qu'à Genève. Nous avons beaucoup de retard dans ce domaine. (L'orateur est interpellé par M. Balestra.) C'est faux, Monsieur Balestra, beaucoup de villes ont des zones piétonnes sans qu'il n'y ait des parkings à chaque extrémité de ces zones.

Une voix. Des noms !

M. Christian Grobet. A Venise ! (Rires, applaudissements et chahut.) Mais, Monsieur Balestra, à part cet exemple auquel vous n'aviez tout simplement pas songé...

M. Michel Balestra. Si, si !

M. Christian Grobet. Ah, vous y aviez songé ! Tant mieux ! Si vous voulez faire le plaisir de renvoyer cette motion en commission, comme nous vous le demandons, nous vous citerons un certain nombre de villes dans lesquelles, effectivement, des zones piétonnes existent sans qu'il n'y ait nécessairement des parkings à chaque extrémité.

Notre centre-ville a la proportion la plus élevée - et de loin - de Suisse pour les places de parking. C'est donc tout de même paradoxal de vouloir augmenter encore ce nombre de places. En réalité, ces places de parking - cela a été dit depuis fort longtemps - sont mal utilisées, car elles sont, notamment, occupées par des pendulaires et non par des personnes qui font un déplacement de courte durée au centre-ville.

Le problème se pose déjà au niveau du parking du Mont-Blanc qui a un nombre important d'abonnés. Je ne sais pas si ce nombre a été sensiblement réduit par rapport aux cinq cents places qu'il y avait, il n'y a pas si longtemps. Ces abonnés, pour la plupart, accaparent des places qui pourraient être utilisées, précisément, par des visiteurs de courte durée.

Je me souviens de notre ancien collègue du Conseil d'Etat, M. Robert Ducret. Il disait que, évidemment, si ceux qui exploitent des commerces utilisaient les places destinées aux clients, il ne fallait pas s'étonner que les ces derniers n'y viennent pas ! C'est une vérité. Vous pouvez aller au parking de Plainpalais : vous verrez que de nombreuses places sont libres. Il me semble qu'il ne faut tout de même pas encourager les personnes qui ne veulent plus marcher cinq minutes ou qui ne veulent pas utiliser, même pour un bref moment, les transports en commun. Il est parfaitement grotesque de construire un parking à la place Neuve, alors que le parking de Plainpalais est sous-utilisé !

Une voix. C'est faux !

M. Christian Grobet. Parfaitement, il est sous-utilisé ! Je vous donne rendez-vous, Monsieur, demain matin, et nous verrons si nous trouvons une place facilement. Ça se voit que vous ne travaillez pas dans ce quartier : c'est mon cas !

J'appuie la demande que nous avons formulée par voie de motion que vous avez refusée, mais que, curieusement, un député radical a tout de même repris sous forme de question écrite au Conseil d'Etat, à savoir la mise en place d'horodateurs qui permettent de limiter les recharges dans le quartier des banques. Précisément, dans ce quartier, de nombreux automobilistes déplacent leur véhicule, parce qu'on n'a pas mis en place le système des horodateurs, qui avait pourtant été décidé il y a deux ans. Ce que la commune de Meyrin a fait pour son centre commercial dans sa cité nouvelle en installant un horodateur qu'on ne peut pas recharger, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de le faire au centre-ville !

Enfin, les commerces du centre-ville ont certainement beaucoup de problèmes et l'accessibilité passe par les transports publics, mais la réalité c'est qu'il y a trop de commerces à Genève...

Des voix. Aahh !

M. Christian Grobet. ...mais cela vous ne le dites pas ! (Chahut.) Le nombre de commerces par rapport au nombre d'habitants est extrêmement élevé : c'est une réalité, même si les économistes le contestent et que vous ne voulez pas l'admettre ! (L'orateur est interpellé par M. Opériol.) Si vous voulez tout savoir, Monsieur Opériol, cette information figure dans un rapport élaboré par quelqu'un de votre parti ! (Chahut. La présidente fait sonner sa cloche.) Cette personne a, du reste, par la suite accédé au Conseil d'Etat, ce qui me fait doucement sourire !

Enfin, la Migros a effectivement construit deux commerces de l'autre côté de la frontière et l'on s'étonne de voir les Genevois faire leurs courses en France : je trouve cela plutôt paradoxal !

M. David Hiler (Ve). Je suis surpris par la version que l'Entente est capable d'imposer au niveau du discours !

J'ai bien compris que les parkings étaient liés aux zones piétonnes. C'est bien cela, Monsieur Ramseyer ? Or, il se trouve que je ne sais pas conduire, que je n'ai pas de voiture et que je suis assez sensible à la question des zones piétonnes pour cette raison. Malgré tout, je sais très exactement où sont les parkings; il y en a, par exemple, un immense près de la Placette. Je ne doute pas que vous me guidiez demain pour me montrer où se situe la grande zone piétonne de Saint-Gervais, puisqu'il y a un immense parking disponible ! De même, je crois savoir où est le parking de Plainpalais. J'attends encore une fois que vous fassiez le guide pour la zone piétonne de ce quartier !

Je me permets tout de même de vous rappeler qu'un espace public - pour ceux qui l'ignorent, qui sont incultes à ce point en urbanisme - n'est pas une zone piétonne. En outre, il m'a semblé qu'il y avait d'ores et déjà, pour l'ensemble des Rues Basses, le grand parking sous-lacustre. Il existe également un parking au Seujet, mais il manque encore les immenses zones piétonnes comme à Lyon; vous les connaissez aussi bien que moi ! Il y a peut-être des parkings, mais, au moins, il y a une véritable zone piétonne. Nos Rues Basses - vous l'avouerez - sont une forme bien particulière d'une zone piétonne, si l'on considère le nombre de bus et de trams qui y passent ! Et la sécurité n'est pas respectée, comme dans une vraie zone piétonne.

Mesdames et Messieurs, vous n'avez donc fait que des parkings, mais vous n'avez réalisé aucune zone piétonne. Et aujourd'hui, vous vous permettez de nous faire la morale, parce que nous ne voulons faire que des zones piétonnes et pas de parkings. Eh bien, oui, nous voulons rétablir l'équilibre ! C'est notamment parce qu'il n'y a pas l'aspect agréable d'une véritable zone piétonne, comme c'est le cas dans les villes françaises - pourtant on dit généralement qu'elles ne sont pas particulièrement écologistes - que les commerces rencontrent des difficultés. L'atmosphère conviviale qui règne dans n'importe quelle petite ville française n'existe pas chez nous. Excusez-moi, mais je n'ai pas remarqué que les commerces de la zone piétonne de Lyon souffraient de problèmes économiques. (Applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Je suis obligé de répondre aux attaques qui ont été faites au sujet de mon raisonnement ! En effet, quelqu'un de simpliste - j'ai vérifié dans le dictionnaire pour être sûr que je ne me vexais pas pour rien - je cite : «est quelqu'un qui ne dispose pas de toutes les données lorsqu'il raisonne.» ! (Rires et remarques.)

Alors, je précise : je ne suis pas simpliste, je suis pragmatique ! Une personne pragmatique se contente d'analyser les faits. Or, comme disait mon ami le regretté Coluche, vous mettez trois technocrates dans le désert et au bout de cinq ans il faut importer du sable ! (Rires.) Je vous ferai l'amitié de ne pas parler du résultat qu'on obtiendrait si les toubibs commençaient à s'occuper de transports... (Rires et applaudissements.)

Puisque j'affirme que je suis simplement pragmatique et que, pour la neutralité de ce débat, il faut que je vous donne les éléments qui ont servi à ma réflexion, je vous citerai un très court extrait de l'intervention de Claude Hauser, le patron de la Migros, faite devant la Chambre de commerce, lorsqu'il parlait de la difficulté du commerce à Genève. Cela sera de nature - je l'espère - à vous éclairer : «Il n'est pas inutile de rappeler que les trois mille huit cents entreprises du commerce de détail genevois, lesquelles occupent vingt-trois mille personnes, relèvent quotidiennement un défi méritoire pour résister à la concurrence française entourant notre canton et contre laquelle ils doivent lutter à armes inégales :

1) Produits agricoles achetés aux prix garantis par la Confédération;

2) Salaires plus élevés;

3) Terrains et constructions ou loyers plus chers;

4) Accès et parkings difficiles, voire impossibles;

5) Réglementation plus contraignante, qu'il s'agisse d'ouverture, des liquidations et soldes, de la protection de l'environnement, etc.

»Les commerçants qu'ils soient propriétaires ou locataires de leur magasin, les loyers découlant des investissements, n'échappent pas à ces problèmes pour les rénovations, les agrandissements, les constructions de parkings et les constructions nouvelles. Hélas, toute contrainte supplémentaire viendra encore alourdir la facture...».

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que c'est que d'être pragmatique ! C'est se tourner vers les dires de quelqu'un qui connaît la situation, puisque cette personne a eu le réflexe de développer son entreprise au-delà de nos frontières. C'est un réflexe d'entrepreneur, mais il le regrette et explique comment faire pour que cela ne se reproduise plus.

Alors, s'il vous plaît, tenez-en compte, devenez pragmatiques et non pas simplistes au lieu d'être utopistes et rêveurs ! (Applaudissements.)

M. René Koechlin (L). C'est bien de rêveurs dont il est question !

M. Hausser prend ses désirs pour des réalités quand il déclare que la réduction des parkings au centre-ville contribuerait à préserver les commerces. C'est une contrevérité que démentent tous les chiffres et que vient de démentir M. Balestra, ainsi que tous les commerçants qui s'expriment à ce sujet ! A l'évidence, M. Saurer - qui est aussi un rêveur - prend également ses désirs pour des réalités; et il ne connaît pas Berne, qui - je le crois - est sa ville natale, de surcroît.

Une voix. C'est faux !

M. René Koechlin. Berne possède deux vastes parkings au centre-ville, et c'est la raison pour laquelle on peut y déambuler à pied sans être dérangé par les voitures. Une fois de plus les écologistes nous montrent qu'ils sont de doux utopistes, qui se voient déambuler dans les rues de Genève comme sur les tapis mousseux d'un jardin paradisiaque !

Quant à M. Grobet, il ne connaît à l'évidence pas Venise, sinon en photo, peut-être, puisque Venise comporte un immense parking, à l'entrée, de plusieurs milliers de places !

M. Grobet prétend, en outre, qu'il y a trop de commerces à Genève. Mais il y a trop de tout à Genève, Mesdames et Messieurs ! (Brouhaha. L'orateur hausse le ton pour se faire entendre.) Il y a trop d'avocats, et, surtout, des avocats de l'espèce de M. Grobet ! (Rires.) Mais, il y a aussi trop d'architectes ! Moi, je suis prêt à me retirer, je serais bien content ! (Hilarité.) Il y a également trop de médecins ! Voulez-vous que je vous dise, à Genève, il y a un médecin pour cinq cents habitants ! A Marrakech, il y a un médecin pour vingt mille habitants. (Chahut.)

Donc, cela nous permet de mesurer l'objectif socio-économique dont M. Grobet rêve pour Genève : il est à l'image de Marrakech !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais rappeler brièvement à M. Saurer qu'il ne s'agit en aucun cas de créer de nouvelles places de parking, mais de substituer à des places de surface illimitées des places souterraines à court terme. Vous avez raison de dire qu'il n'est plus possible d'imaginer onze mille places de parc illimitées au centre-ville pour les pendulaires, et c'est bien sur la solution de ce problème que nous travaillons.

Je me demande tout de même à quoi cela a servi d'amener la commission des transports du Grand Conseil à Strasbourg pour lui faire connaître...

Une voix. A dépenser des sous !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. ...le tram de Strasbourg et le plan de circulation de Strasbourg. Vous avez eu, sur place, la démonstration de ce que nous tentons de faire.

Il exact que les horodateurs sont une bonne solution. Vous avez raison de rappeler les vertus de cet outil. Je vous rappelle simplement qu'il est particulièrement coûteux et que nous travaillons au rythme du budget que nous connaissons.

Pour le quartier de Saint-Gervais, Monsieur Hiler, il ne faut pas aller plus vite que la musique. Il y a un parking, même s'il n'est pas absolument gigantesque et qu'il ne répond pas aux besoins des habitants. Le projet que vous connaissez, et qui a été présenté, va dans ce sens et je ne doute pas que vous y adhériez.

Il est vrai que les Rues Basses n'auront jamais un véritable statut de zone piétonne, car les transports publics y passent. Mais, si maintenant vous vous opposez aux transports publics, alors, dites-moi comment nous devons faire ! (Contestation.)

En conclusion, si je publiais au mois de juin, à l'intention du Conseil d'Etat d'abord, le concept de stationnement qui fait partie de «Circulation 2000», je ne pourrais pas le présenter si cette motion passait, parce qu'il serait exclu de défendre un concept dont un morceau aurait d'ores et déjà été amputé !

C'est la raison pour laquelle je vous invite vivement à refuser cette motion.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports est rejetée.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

La séance est levée à 19 h 10.