Séance du
jeudi 4 mai 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
6e
session -
21e
séance
No 21
Jeudi 4 mai 1995,
nuit
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 20 h 30.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Claude Haegi, Philippe Joye et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jean-Claude Genecand, Nelly Guichard, Michel Halpérin, Claude Lacour, Michèle Mascherpa, Alain-Dominique Mauris, Jean-Pierre Rigotti, Maria Roth-Bernasconi et Andreas Saurer, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Suite aux résultats des votations du week-end du 12 mars 1995, concernant la politique agricole, il est certain qu'il faut revoir les bases pour construire une nouvelle politique agricole. Cela est un grand débat de politique nationale et nous voudrions, dans un premier temps, que le canton de Genève se penche sur la question de savoir comment encourager, développer et faciliter une production agricole respectueuse de l'environnement sur notre territoire.
Cette motion poursuit l'objectif d'inciter le consommateur à acheter, en toute liberté, plus sélectivement ses produits alimentaires.
Dans ce but, celui-ci doit bénéficier d'une information claire et complète sur les aliments, en indiquant leur origine et leur mode de production.
Le nouvel article constitutionnel concernant la politique agricole, qui vient d'être refusé, ne contenait pas l'obligation de renseigner complètement les consommatrices et les consommateurs sur les méthodes de production et de détention des animaux, les procédés de culture et de transformation, ainsi que le pays d'origine des denrées alimentaires.
C'est évident que cette lacune doit être comblée.
D'où la nécessité d'une information complète et fiable qui permettrait de valoriser les produits alimentaires indigènes cultivés selon des méthodes respectant l'environnement.
Prenons un exemple tout simple pour illustrer cela:
Un yaourt fabriqué en Bretagne peut être de qualité identique à celui produit dans le canton de Genève. La seule différence c'est qu'il aura dû parcourir un millier de kilomètres pour être en vente dans les magasins à Genève. Ce transport a un coût écologique, dont les conséquences ne sont pas négligeables.
Idem pour un légume qui n'a pas subi de traitements chimiques. Son mode de production souvent plus coûteux, car plus fragile, participe à la diminution des frais d'assainissement liés à l'usage des pesticides qui polluent eau et terre. Il doit donc être soutenu par une information spécifiant ses qualités.
L'objectif, à long terme, est d'inciter les agriculteurs à produire selon des modes respectueux de l'environnement sans avoir à se soucier des pressions d'un marché dictées par les règles d'un libéralisme débridé qui ne prend en considération que le profit immédiat sans se soucier des répercussions sur l'environnement.
Il est évident que cette reconversion prendra du temps. Cependant, de nombreux paysans sont déjà engagés dans la production intégrée* et biologique. Aussi, tous les produits du terroir devraient, dans la mesure du possible, être étiquetés; ceux du terroir avec la mention GE, GE bio, ou GE production intégrée. Les détails d'application seront à discuter avec les milieux concernés.
Donc, cette motion est un soutien à l'agriculture de notre canton et permet de répondre en partie au déficit de concurrence du GATT et de l'Union européenne. Pour favoriser l'achat de produits régionaux, sans faire de blocage ou de protectionnisme, et respecter l'ouverture des frontières prévue pour le GATT, il faut permettre aux agriculteurs de la région d'indiquer, sur leurs produits, la provenance et les méthodes utilisées dans l'agriculture, afin de sensibiliser les consommateurs non seulement à la production locale (lutte contre la pollution de l'air: moins de transport) mais également au mode de production intégré ou bio (lutte contre la pollution des sols: moins de pesticides, etc.).
Pour toutes ces bonnes raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter cette motion.
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). L'objectif de cette motion est très clair. Nous voudrions que les produits agricoles genevois, vendus dans notre canton, portent une étiquette ou un label indiquant qu'ils sont produits à Genève et précisant, en plus, si le mode de production est traditionnel, intégré ou biologique, cela afin de sensibiliser les consommateurs sur le choix de leurs achats.
En effet, en achetant un produit alimentaire frais, qui provient de notre canton, on participe à la lutte contre la pollution de l'air, car ce produit n'aura pas été transporté en camion sur des centaines de kilomètres. On participe également à la lutte contre l'excès d'adjonction d'agents conservateurs d'irradiation, car le produit cultivé ici n'a pas besoin d'être stocké longtemps.
Enfin, la mention du mode de production sur l'étiquette permet au consommateur de choisir, s'il le désire, parmi les produits genevois ceux qui ont bénéficié de méthodes de culture biologique. C'est également une participation à la lutte contre la pollution de l'eau et des terres, car la culture biologique n'utilise pas de produits chimiques.
On favorise également le retour sur le marché, grâce à l'augmentation de la demande, de fruits et de légumes moins insipides et la vente de produits locaux, ce qui permet à l'agriculture de se développer et de créer des emplois. C'est aussi une façon de lutter contre la politique des subventions.
Il est évident que nos invites pourraient aller beaucoup plus loin, mais c'est un premier pas qui respecte la liberté de choix de chacun, tout en conscientisant les gens que ce choix aura des répercussions non négligeables sur l'environnement.
C'est pour cela que nous vous proposons d'accepter cette motion et de la renvoyer à la commission de l'environnement.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cette proposition de motion va à la rencontre d'objectifs que nous partageons.
En ce qui concerne la production biologique et intégrée, vous savez que celle-ci fait l'objet de dispositions sur le plan fédéral qui sont appliquées rigoureusement dans notre canton. Rien que pour l'année en cours, nous avons dans notre budget une somme d'environ 1,2 million de francs pour favoriser ces cultures extensives et ces éléments de production intégrée. C'est un mode de production plus doux qui tend à se développer. Nous nous en réjouissons et nous l'encourageons.
En ce qui concerne les perspectives d'étiquetage et de label, permettant aux consommateurs d'identifier tel type de produits par rapport à tel autre, en fonction de son mode de production, nous avons mis en place, il y a de cela à peu près six mois, un groupe de travail, qui s'appelle «groupe de travail label», dont l'objectif est de permettre, effectivement, la labellisation de la production maraîchère, horticole et fruitière de notre terroir genevois.
Cela existe déjà dans le domaine de la production viticole, puisque ce type d'étiquetage est, actuellement, labellisé sous l'appellation «vinatura», qui correspond à un certain nombre de critères de production plus doux, qui renoncent, par exemple, à l'utilisation des pesticides.
Il faut savoir que cette labellisation est en soi assez délicate, dans la mesure où, sur le plan juridique, il faut exiger un certain nombre de critères de qualité, et nous sommes, à cette égard, à la limite de ce que permet l'ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires.
Par ailleurs, sur le plan fédéral, ce sujet est également en évolution. En effet, différentes interventions ont eu lieu au parlement, demandant au Conseil fédéral d'être désormais en mesure d'adapter également l'ordonnance fédérale. C'est pourquoi nous pensons que les travaux vont pouvoir se recouper. Ils consistent à adapter la base légale fédérale aux travaux pratiques sur le plan cantonal, de façon à répondre à ce type de préoccupations, afin d'offrir au consommateur une gamme de choix plus claire, en particulier, pour les légumes et les fruits cultivés selon des méthodes biologiques plus intéressantes.
Nous pouvons donc, sans autres, accepter cette motion. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de la renvoyer en commission. Nous nous engageons à faire rapport sur les travaux qui sont en cours à cet égard.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je propose que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- les résultats des votes sur la politique agricole du 12 mars 1995;
- l'importance de l'agriculture à Genève et la nécessité de maintenir et développer les emplois dans les branches en amont et en aval de la production agricole;
- la nécessité d'encourager une production de proximité, saine et respectueuse de l'environnement, afin de diminuer, à long terme, les impacts sur l'environnement (transports, pollution) et de préserver la santé des consommateurs,
invite le Conseil d'Etat
- à encourager, à Genève, la production biologique et intégrée dans l'agriculture;
- à étudier, puis à soutenir, avec les milieux intéressés, la possibilité d'étiqueter les produits alimentaires afin de renseigner le consommateur sur leur provenance (indigène ou étrangère) et sur leur mode de production (traditionnel, intégré ou biologique).
EXPOSÉ DES MOTIFS
A la suite de la déconfiture de la compagnie SATA, qui déployait ses activités dans le domaine des vols charters, le Conseil d'Etat a voulu maintenir cette activité importante pour Genève sur le plan économique et a pris l'initiative, il y a une quinzaine d'années, de créer une nouvelle compagnie aérienne, la CTA, libérée de toute dette, reprenant le personnel et les activités de la SATA.
L'Etat de Genève s'est porté actionnaire de la nouvelle société CTA et a convaincu d'autres cantons romands d'en faire de même. La CTA s'est développée de manière réjouissante. La flotte d'avions a pu être renouvelée et le Conseil d'Etat s'est félicité de l'activité bénéficiaire de la nouvelle CTA.
Il semble que Swissair soit devenue actionnaire principale de la société. Swissair a imposé la fusion de la CTA, société bénéficiaire, avec Balair, qui était déficitaire, avant d'imposer la suppression de cette nouvelle société qui avait regroupé ces deux compagnies de vols charters.
Le Conseil d'Etat peut-il faire connaître sa posiiton à l'égard de la disparition de la société CTA créée par l'Etat de Genève ? Quelle action a-t-il menée contre ce sabordage ? Que deviendra le personnel ? Qu'est-il advenu des actifs de la société ?
Toutes ces questions méritent une réponse circonstanciée vue l'importance de cette affaire et les enjeux économiques qui sont en cause.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Je me souviens, il y a de cela environ une année, que le président Vodoz était arrivé à une séance, en commission des finances, en nous annonçant avec beaucoup de satisfaction que Balair CTA était rapatrié à Genève et qu'un certain nombre d'emplois était sauvé.
Aujourd'hui, malheureusement, il faut bien constater, selon les syndicats, que ce sont environ cent vingt postes de travail qui risquent de disparaître !
Il convient de rappeler ici qu'à sa création la CTA disposait d'un capital de 6 millions, que ce capital a été augmenté en 1979 à 10,5 millions, notamment avec la participation des pouvoirs publics et d'un certain nombre de collectivités publiques, qui disposaient de 43% du capital. Le canton de Genève, à l'époque, avait souscrit à ce capital à hauteur d'un million. Aujourd'hui, on nous parle, semble-t-il, du rachat des actions par Swissair, ce qui évidemment liquide cette compagnie.
Le but de cette motion est donc d'obtenir un rapport détaillé sur les démarches qui ont été entreprises pour sauver cette compagnie, d'une part, et sur le sort réservé aux employés de la CTA, d'autre part, compte tenu du fait que l'Etat de Genève disposait d'un pouvoir à travers le capital de cette compagnie.
Nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il y a effectivement quelque temps - M. Clerc l'a rappelé - la fusion entre la compagnie Balair et la compagnie CTA a été décidée par l'actionnaire principal de l'une et de l'autre de ces deux compagnies, c'est-à-dire Swissair.
Qu'il me soit permis de vous dire qu'à l'époque nous nous sommes opposés à cette fusion, que nous l'avons regrettée et que notre collègue Vodoz, en particulier, siégeant au conseil de la CTA, avait donné les motifs pour lesquels cette fusion ne recueillait pas notre approbation.
Nous étions, en effet, persuadés que CTA, qui était une compagnie saine, dont les coûts d'exploitation étaient maîtrisés et dont le marché était en développement, serait en réalité tirée vers le bas par la compagnie Balair. En effet, cette dernière avait des coûts d'exploitation beaucoup trop élevés en comparaison du marché et du chiffre d'affaires auxquels elle pouvait prétendre.
Ce que nous avions dit à l'époque - et je l'ai dit moi-même au conseil de Swissair - s'est malheureusement révélé exact. L'une et l'autre, ainsi fusionnées, ont plongé. La compagnie Balair CTA n'a pas été en mesure de répondre aux attentes que l'actionnaire principal - Swissair - avait placées en elle.
Décision a été prise, par conséquent, par la compagnie Swissair de prononcer la liquidation de cette compagnie, en y intégrant divers éléments. Les long-courriers affrétés par Balair CTA seront assurés, désormais, par Swissair et les court et moyen-courriers le seront par Crossair. Je peux vous indiquer, puisque cette donnée est publique, que je me suis opposé à cette décision, lourde de conséquences, au conseil d'administration de Swissair.
En effet, ces conséquences sont de deux ordres. Elles concernent, tout d'abord, le sort réservé aux cent trente-cinq employés de Balair CTA. Nous travaillons pour faire en sorte que la plupart de ces employés retrouvent du travail, soit auprès du groupe Swissair - à Genève, à Zurich ou à Bâle - soit auprès de la compagnie Crossair à Genève.
Pourquoi dois-je parler du développement de la compagnie Crossair à Genève ? La décision d'intégrer Balair CTA dans Swissair pour les long-courriers et Crossair pour les court et moyen-courriers va engendrer un développement important de Crossair à Genève. En effet, les vols d'avions d'une capacité maximale de cent places seront désormais traités exclusivement par Crossair. Nous travaillons donc, avec la direction de Crossair, pour que ce développement, en termes d'emploi, soit le plus important possible.
Sur la base des premières indications à notre disposition, en termes d'emploi, on pourrait retrouver des chiffres au moins équivalents à ceux dont nous disposions au préalable avec Balair CTA. Evidemment, le problème vient du fait que certains emplois sont différents et qu'effectivement un certain nombre de personnes vont se trouver en difficulté. Je puis vous dire à cet égard, Monsieur le député, que notre Conseil travaille dur pour que la situation de ces personnes soit, si possible, sauvegardée et qu'elles retrouvent un travail à la mesure de leurs compétences dans le groupe Swissair ou auprès d'autres compagnies.
La deuxième conséquence très importante de cette décision - à mes yeux, dommageable pour Genève - est la suivante : Swissair ayant décidé de faire opérer tous les vols d'avions d'une capacité maximale de cent places par Crossair, cela entraîne la disparition des Fokker 100, avions jusqu'ici gérés par Swissair. En outre, vous savez que Crossair possède d'autres types d'appareils, en particulier le Jumbolino, dont la capacité est à peu près équivalente. Il est clair que Crossair ne va pas opérer avec des Fokker 100, qu'elle n'a pas l'habitude de gérer. Elle va donc augmenter sa flotte de Jumbolino.
La conséquence grave pour Genève est que le centre technique Swissair, à Genève, qui avait la spécialité de la maintenance des Fokker 100, va être mis à mal. Le centre technique de Swissair représente actuellement deux cent huit emplois, dont cent sont concernés par la disparition à terme - ce sera pour août 1996 - des Fokker 100.
Des contacts ont été pris, car nous entendons défendre chèrement la place de ces collaborateurs, qui sont des gens spécialisés, compétents, motivés, et qui sont difficiles à replacer eu égard à leur spécialisation. J'ai eu des discussions, tant avec la direction générale de Swissair qu'avec la direction générale de Crossair, pour créer à nouveau à Genève une base d'entretien «Crossair» pour les Jumbolino et «Swissair» pour les avions nécessitant une maintenance, en raison de rotations. Une telle base nous permettra de sauvegarder un maximum d'emplois.
Pour ma part, je crois au potentiel technique du groupe Swissair à Genève. Je souhaite vivement que ce potentiel ne soit pas démantelé, parce que le personnel technique du groupe Swissair à Genève est compétent et motivé. Je me suis rendu sur place pendant leur service de nuit de façon à voir concrètement ce qu'il en était sur le terrain. Les coûts de production dans le groupe Swissair, ramenés au prix horaire, sont moins chers qu'à Zurich et nous entendons nous battre pour conserver le maximum d'emplois possible à Genève.
J'ai l'intention de maintenir le plus d'emplois possible, non seulement en raison des qualifications techniques qui sont regroupées - ce sont des emplois industriels auxquels nous tenons - mais également parce que la disparition d'une base d'entretien, à terme, aura nécessairement des conséquences néfastes sur la desserte, ce que nous voulons éviter.
Vous voyez donc, Monsieur le député, que nous sommes prêts à accepter cette motion et à vous rendre compte, par l'établissement d'un rapport, des travaux entrepris. D'ailleurs, tout au long de ce mois de mai, nous aurons plusieurs contacts avec le groupe Swissair. Genève entend très clairement défendre la carte d'un service technique «Swissair» digne de ce nom. Genève entend défendre la carte du développement de Crossair à Genève, en remplacement de la compagnie Balair CTA.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
la décision de Swissair de mettre fin aux activités de la compagnie CTA,
invite le Conseil d'Etat
à faire rapport sur la disparition de la société CTA et sur les démarches qu'il a entreprises pour sauver cette compagnie;
à faire rapport sur le sort des employés de la CTA.
Le Grand Conseil a reçu, le 13 juillet 1993, la pétition suivante, munie de 25 signatures:
PÉTITION
Mesdames et
Messieurs les députés,
Au nom des locataires des appartements des immeubles 7-9, rue des Allobroges et 43-45, rue Caroline situés côté cour où sont installés les locaux de l'imprimerie Victor Chevalier (impasse 12, rue des Mouettes), nous vous adressons la présente pétition.
Pour la bonne compréhension de notre problème, il convient de préciser que le bruit résultant des activités de l'imprimerie Victor Chevalier se trouve d'autant plus amplifié du fait qu'il s'agit d'une cour fermée sur trois faces, avec un effet de résonance important.
Depuis plusieurs années déjà, à maintes reprises, mais hélas sans succès, nous nous sommes adressés, non seulement à l'un des responsables de l'imprimerie, mais également au service d'écotoxicologie.
Dès que le temps le permet, l'imprimerie maintient ses portes ouvertes. Ses activités de manutention (chargement et déchargement) débutent aux environs de 6 h 30 déjà. Les rotatives fonctionnent fort tard dans la journée, soit jusqu'à 21 h ou 22 h, même pendant certains jours fériés, comme ce fut le cas encore récemment le samedi et le lundi de Pentecôte. De plus, le bruit produit par les machines oblige les employés à s'exprimer à très haute voix, dans leurs rapports professionnels, au point que les propos échangés sont perçus jusque dans les étages supérieurs.
Enfin, la proximité immédiate de 2 saloons, dont les habitués utilisent pour leurs voitures les parkings devant nos immeubles, augmente encore les nuisances déjà relevées, cris et claquements de portières ne nous étant pas épargnés.
Tous les désagréments cités plus haut ont pour conséquence de graves perturbations pour nous, locataires, non seulement la nuit, mais également la journée. Même nos balcons ne peuvent être utilisés normalement.
Nous ne revendiquons pas l'impossible et avions émis quelques suggestions pour pallier les inconvénients relevés: équipement d'air conditionné pour l'imprimerie, permettant la fermeture des portes et fenêtres - roues silencieuses pour les chariots de transport - livraisons et gros transports dès une heure décente le matin.
Les locataires de nos immeubles vous seraient extrêmement reconnaissants de bien vouloir intervenir, afin de leur permettre d'accéder à une certaine qualité de vie, qu'ils sont en droit d'attendre.
Cette pétition a été examinée par la commission des pétitions, dans son ancienne composition, sous la présidence de Mme Fabienne Bugnon, les 4 et 18 octobre 1993, puis suspendue. A la nouvelle législature, la commission, présidée par Mme Liliane Johner, a réexaminé la pétition et soumet à présent ses conclusions au Grand Conseil.
Dans son ancienne composition, la commission a auditionné les pétitionnaires, Mmes Crelier, Kohli, Rossier et Martinez, ainsi que le directeur de l'Imprimerie genevoise Victor Chevalier S.A., M. André Koelliker.
Auditions
Mmes Crelier, Kohli, Rossier et Martinez sont des locataires du 7, rue des Allobroges à Carouge, et leurs appartements donnent sur une cour intérieure. Dans cette cour se trouvent, outre un parking privé, deux groupes de locaux artisanaux qui abritent, entre autres, un atelier de réparation de voitures et une imprimerie. Si le garage ne semble pas poser de grands problèmes, il en va différemment de l'imprimerie qui, aux dires des pétitionnaires, engendre de nombreuses nuisances: bruits de machines, conversations à voix haute entre les ouvriers, livraisons matinales bruyantes et odeurs de solvants désagréables. Sans compter, accessoirement, le bruit des voitures se garant dans le parking privé. Il faut préciser que ces inconvénients sont ressentis surtout en été, quand les fenêtres sont ouvertes, et ajouter la résonance provoquée par le fait que la cour, un quadrilatère, est fermée sur trois côtés par des immeubles d'habitation. De plus, les pétitionnaires reprochent à l'imprimerie de déployer ses activités dès 6 h 30 le matin jusqu'à 21 h voire 23 h, ainsi que des jours fériés. Les pétitionnaires précisent que le problème existe depuis 30 ans! Ces dernières années, il semble que les positions des voisins se soient durcies. Les locataires de la rue des Allobroges ont demandé qu'une expertise sur l'intensité des nuisances phoniques soit effectuée par les services de l'écotoxicologue cantonal sans que cette tentative aboutisse, à cause de diverses difficultés d'exécution.
La commission a ensuite entendu M. Koelliker, directeur de Victor Chevalier Imprimerie genevoise S.A. L'imprimerie, une des quatre plus importantes du canton, reçoit des commandes de façon irrégulière. Elle doit les honorer le plus rapidement possible pour rester concurrentielle. C'est pourquoi le travail se prolonge parfois jusque tard dans la nuit.
Conscient que le bruit des machines pouvait incommoder le voisinage, M. Koelliker a fait installer la climatisation dans ses ateliers. Il a même, récemment, ajouté un dispositif pour rendre le climatiseur plus silencieux. Par diverses mesures, il a essayé de rétablir un certain confort auditif à l'intension des locataires des immeubles environnants. Pour les odeurs de solvant, il semble malheureusement qu'il n'y ait pas grand-chose à faire. Quant à déménager, actuellement cela lui serait impossible, pour des raisons financières. Il ajoute que certains immeubles existaient déjà à cet endroit en 1961, quand l'imprimerie est venue s'installer. Il va essayer de renouer le dialogue avec ses voisins et fait montre de bonne volonté.
Discussions de la commission
Le problème posé par cette pétition est, hélas, bien difficile à résoudre. Il résulte du voisinage indésirable entre des locaux à vocation artisanale et des immeubles résidentiels. Les intérêts des occupants, des uns et des autres ne sont pas aisés à concilier et il découle souvent de leurs divergences des affrontements, ou, tout au moins, des blocages et une certaine incommunicabilité.
Le directeur de l'imprimerie a pourtant fait preuve de bonne volonté. Pour ne plus avoir à ouvrir les fenêtres en été, il a fait installer la climatisation et a pris des mesures diverses pour diminuer le bruit. En tant que dirigeant d'entreprise, dans un domaine, les arts graphiques, ultra-sensible à la conjoncture économique, donc, nécessitant une grande souplesse d'adaptation et une grande rapidité d'exécution, il n'a pas une énorme marge de manoeuvre s'il veut conserver des places de travail tout en ménageant le voisinage.
Mais, d'un autre côté, les locataires, ses voisins, ont évidemment droit au repos et au maximum de calme, en tout cas pendant la nuit.
Malgré cela, quand il s'est agi de faire mesurer l'intensité du bruit qu'ils avaient à subir par les services de l'écotoxicologie, les locataires n'ont, semble-t-il, pas fait preuve d'un esprit coopératif bien marqué, refusant l'accès de leurs balcons sous divers prétextes. D'autre part, une expertise est difficile à planifier car, on l'a vu, les activités de l'imprimerie sont irrégulières, donc malaisées à prévoir. Enfin, d'autres voisins affirment ne subir aucune nuisance auditive ou olfactive.
Si chacun y mettait du sien, les choses pourraient facilement s'arranger. C'est, du reste, ce qui semble se passer actuellement. Il n'y a plus eu d'escarmouches depuis quelque temps, même si, il faut le reconnaître, le problème se fait plus aigu en été. La commission encourage les voisins et l'imprimeur à recourir à la discussion chaque fois que cela sera nécessaire. Et elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité, de bien vouloir déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
M. Bénédict Fontanet. Notre compagnie nationale - comme partiellement évoqué précédemment - ne cesse de crier sur tous les toits, sur tous les tons et dans toutes les gazettes - y compris dans la «Gazette Swissair» - qu'elle préserve et développe depuis longtemps le rôle de la Genève aéroportuaire et n'entend pas défavoriser Genève vis-à-vis de Zurich ! On peut avoir le sentiment cruel - en s'attachant aux faits et non pas aux simples et pures déclarations de bonnes intentions et de bonne volonté - que l'attitude de Swissair et son discours dans les médias ne sont qu'une volonté de façade que rien ne vient corroborer dans la réalité.
Tout à l'heure, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, on a rapidement évoqué la liquidation de la compagnie Balair CTA. Récemment, la presse a également fait allusion à la suppression de la maintenance des appareils de type Fokker, dans le cadre du rachat de Sabena par Swissair, comme M. Maitre vient de le mentionner. Maintenant, on parle de la suppression possible de lignes sur l'Afrique à partir de Genève et, même, on s'aperçoit que différents vols - je ne reviendrai pas sur le détail - ont été supprimés au départ de Genève.
De surcroît, Swissair a empêché la création d'une navette par une autre compagnie entre Genève et Zurich. C'est pourquoi, aujourd'hui, il est presque plus cher de faire le trajet Genève-Zurich en «business class», que de s'envoler pour New York en classe économique !
Enfin Swissair, en refusant à une compagnie du Golfe l'autorisation de faire escale à Genève avant de partir sur les Etats-Unis, a empêché de créer une nouvelle ligne au départ de Genève.
Mesdames et Messieurs, il semble qu'il y ait un gouffre entre le discours officiel de Swissair et la réalité tangible des faits, telle qu'elle se développe sous nos yeux. Certains peuvent légitimement avoir le sentiment que Swissair - compagnie nationale par excellence - devient en fait une compagnie zurichoise «pur jus» !
J'entends donc interpeller le Conseil d'Etat sur ce qu'il entend faire pour que Swissair clarifie sa politique et cesse de défavoriser l'aéroport de Genève-Cointrin au profit de celui de Zurich et, enfin, sur ce que le Conseil d'Etat compte faire pour promouvoir l'aéroport genevois, outil indispensable à la Genève économique et internationale.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. L'interpellation de M. Fontanet pose plus particulièrement les problèmes liés à la desserte par Swissair ou par le groupe Swissair en général.
Qu'il me soit permis de dire que Swissair représente près de 47% du trafic de l'aéroport international de Genève, il s'agit donc de notre premier partenaire.
Autant puis-je être critique en ce qui concerne certaines mesures de rationalisation engagées par Swissair, dont la conséquence pourrait être la perte de son image de marque et donc la diminution de sa capacité à séduire une clientèle acquise, autant ne puis-je pas rejoindre tout à fait votre point de vue, Monsieur Fontanet, en ce qui concerne la desserte ! En effet, des progrès assez importants ont été récemment réalisés, alors qu'auparavant nous constations effectivement des érosions de la desserte de Genève par Swissair.
Il y a deux ans, nous nous sommes réunis avec le conseiller fédéral M. Ogi, chargé du Département des transports, pour lui expliquer la situation de Genève et de la Suisse romande afin que, dans les attributions et dans le développement de dessertes, l'aéroport de Genève puisse systématiquement se placer à l'égal de l'aéroport de Zurich.
Le Conseil fédéral nous a donné un certain nombre d'assurances, sauf sur un point pour lequel nous n'avons pas obtenu satisfaction, car les intérêts de Swissair ont été jugés prépondérants : il s'agit de l'Atlantique Nord.
En effet, lorsque nous désirons travailler avec des compagnies aériennes étrangères, nous les invitons à envisager des liaisons triangulaires entre un pays ou une ville d'origine, Genève et un autre pays de destination. Ce dernier, lorsqu'il s'agit de l'Atlantique Nord - Etats-Unis et Canada - ne nous permet pas de bénéficier de droits de trafic - embarquement des passagers - au départ de Genève.
Swissair redoute fortement l'octroi de droits de trafic à des compagnies étrangères au départ de Genève en direction de l'Atlantique Nord. Elle craint que les compagnies asiatiques ne revendiquent à leur profit l'égalité de traitement et pratiquent à Genève des tarifs trop bas, faisant perdre à Swissair le marché de l'Atlantique Nord. Sur ce plan, nous n'avons pas obtenu satisfaction.
Néanmoins, nous avons obtenu satisfaction sur tous les autres points et, en particulier, sur des liaisons triangulaires. L'horaire d'été 1995 concrétise, notamment, une amélioration de la desserte extrêmement intéressante pour la Suisse romande. Il s'agit d'une liaison triangulaire - Vienne-Genève-Washington et retour - assurée par Austrian Airlines en pool avec Swissair et Delta Airlines.
Nous avons également obtenu satisfaction, Monsieur Fontanet, en ce qui concerne Gulf Air. Contrairement aux informations dont vous disposez, Gulf Air a obtenu le droit d'opérer entre le Golfe et Genève, la destination suivante étant Manchester. La décision doit tomber très prochainement.
La desserte européenne de Genève a été considérablement renforcée par le groupe Swissair grâce à de nouvelles connexions avec des villes d'Europe de l'Est et au renforcement des liaisons avec des villes du Nord.
En revanche, depuis la suppression d'une desserte de qualité entre Genève et Milan, un réseau d'apports nous manque, et nous continuons à nous battre.
En outre, une nouvelle liaison avec Osaka renforce - dès l'horaire d'hiver 1994 - la desserte de l'Extrême-Orient. De même, l'horaire d'été 1995 prévoit une connexion directe avec T'ai-pei, Singapour et Séoul.
Ces améliorations ont été réalisées grâce à la création, par notre aéroport et Swissair, d'un groupe de contact Swissair-Genève. Ce groupe nous permet d'organiser des séances régulières, concernant notamment l'amélioration de la desserte, le renforcement des horaires, etc. Elles durent, au minimum, deux jours par année. Dans l'intervalle, des travaux plus sectoriels sont prévus «en commission». Pour quelle durée ? Je l'ignore. Néanmoins, nous avons la volonté ferme de continuer à améliorer la desserte de Genève par Swissair. C'est pourquoi nous avons affiché clairement la couleur auprès de Swissair et de l'Office fédéral de l'aviation civile et travaillons avec des compagnies étrangères, lorsque Swissair n'assume pas certaines dessertes afin d'ouvrir d'autres marchés.
Certes, les évolutions des compagnies aériennes, ainsi que les rapprochements engagés - notamment l'accord signé aujourd'hui par Swissair avec Sabena - vont fournir de nouvelles données. Ce marché est difficile, et chaque mois apporte son lot de surprises. Sur la base d'un plan marketing de très bonne qualité, adopté par le conseil d'administration, nous avons renforcé l'équipe au sein de l'aéroport international de Genève. Par ailleurs, nous continuons à travailler au renforcement de la desserte.
Cette interpellation est close.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi concernant la constatation des décès et les interventions sur les cadavres humains, du 16 septembre 1988, est modifiée comme suit:
Art. 14, al. 1 (nouvelle teneur) al. 2 (abrogé)
Opposition
1 Toute personne peut, par déclaration écrite de son vivant ou, après son décès, par l'entremise de ses proches dûment informés, s'opposer au prélèvement d'organes ou de tissus sur son corps après décès.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les greffes d'organe représentent l'un des progrès les plus spectaculaires que la médecine a enregistré au cours de ces vingt dernières années. Non seulement ces greffes permettent de sauver un nombre croissant de vies humaines, et particulièrement d'individus jeunes ou d'enfants, (greffes de coeur, de foie, de poumons par exemple), mais elles permettent également, dans certaines circonstances (greffes de rein par exemple), d'augmenter significativement la qualité de vie des patients qui en bénéficient tout en diminuant les coûts induits par leur prise en charge en l'absence de greffe (d'environ 80 000 F par an par personne à moins de 20 000 F par an par personne).
La Suisse dispose en outre depuis plusieurs années d'une organisation remarquable, Swiss Transplant, permettant une coordination nationale unanimement reconnue et totalement opérationnelle en matière de prélèvement/transplantation d'organes. Enfin, Genève est, en Suisse, probablement le centre le mieux organisé en matière de transplantation comme en témoigne son Unité de transplantation qui regroupe l'ensemble des greffes d'organes. Cette unité est d'ailleurs dirigée par l'actuel président du Comité exécutif de Swiss Transplant, le Dr P. Morel.
Le nombre de transplantations en Suisse a certes discrètement augmenté au cours de ces dernières années. Mais ce constat positif n'est lié qu'à l'augmentation du nombre de donneurs multi-organes et aux progrès des équipes de prélèvement. A l'inverse, le nombre total de donneurs est, lui, en nette baisse. Après avoir culminé à 151 en 1986, il n'a depuis lors cessé de diminuer pour arriver au chiffre de 111 en 1994.
Pourquoi le don d'organes est-il en recul en Suisse? Les Suisses sont-ils égoïstes dans le domaine du don d'organes, la législation est-elle trop contraignante, l'information est-elle insuffisante?
Le premier constat qui s'impose est que le nombre de donneurs potentiels a considérablement diminué ces dernières années en raison de l'efficacité des mesures de prévention, s'agissant particulièrement des accidents sur la voie publique, et des progrès importants enregistrés grâce au développement de la médecine d'urgence. Ce fait est évidemment des plus réconfortants.
Une seconde constatation est fournie par une récente étude conduite par le professeur Gutzwiller, de Zurich, qui a montré que 80% de nos concitoyens accepteraient le don d'organes, après une information adéquate, alors qu'actuellement seuls 7% de la population suisse était porteuse d'une carte de donneur. Cette générosité remarquable contraste singulièrement avec les chiffres enregistrés dans les cantons comme le nôtre où le taux de refus des proches au prélèvement est de l'ordre de 50%.
Une des causes de ce phénomène est sans doute liée à la législation cantonale genevoise qui soumet le prélèvement d'organes soit à la déclaration de volonté du défunt de son vivant (carte de donneur ou équivalent), soit au consentement d'un proche. Il est aisé de comprendre que le consentement de proches se heurte souvent à la souffrance ou au déni de ces proches, s'agissant de la perte d'un être cher dans des circonstances généralement brutales et dramatiques. L'annonce du décès d'un être cher et la demande presque simultanée de l'autorisation de procéder à un prélèvement d'organes constitue une épreuve que peu de gens sont en mesure de supporter. Il n'est d'ailleurs pas rare que certaines familles, après avoir pu faire face au deuil qui les frappe, expriment leur regret de n'avoir consenti au don d'organes.
Enfin, d'autres éléments, et particulièrement la nécessité d'une information encore plus large, peuvent aussi être évoqués pour remédier à la situation que nous venons de décrire.
Cela étant dit, la baisse du nombre de donneurs, bien réelle, a eu pour conséquence d'entraîner une augmentation du nombre des patients en liste d'attente (concernant la transplantation rénale: 270 en 1987, 386 en 1993) mais surtout elle a occasionné de nombreux décès de patients en attente d'un organe vital (coeur et foie en particulier).
Au-delà de ces considérations déjà tragiques, il faut également signaler que la diminution du nombre de greffons disponibles contribue sans aucun doute à faire courir à notre société un risque qui nous paraît inacceptable: inciter les patients les plus aisés à recourir à un tourisme médical ignoble vers les pays où la transplantation est plus «facile», là où le risque de commerce d'organes représente un dérapage «médico-économique» intolérable.
Le présent projet de loi n'entend évidemment pas régler l'ensemble des problèmes relatifs au don d'organes. En revanche, il se propose d'introduire, en matière de prélèvement d'organes, la notion de consentement présumé tout en respectant bien évidemment la liberté de chaque individu de s'opposer, de son vivant ou après son décès, par l'entremise de proches, au prélèvement d'organes. Une telle législation est déjà en vigueur dans d'autres pays (Espagne, Belgique par exemple) et dans d'autres cantons ( Vaud, Zurich et, depuis peu, Neuchâtel par exemple).
Ce projet de loi, tout en affirmant le respect impératif de la volonté de la personne vivante ou décédée ou de ses proches après décès, assouplit néanmoins la législation actuelle, considérant la possibilité de sauver un certain nombre de vies humaines et d'améliorer significativement la qualité de vie d'autres malades.
Voici les raisons pour lesquelles nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de loi.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi concernant la constatation des décès et les interventions sur les cadavres humains, du 16 septembre 1988, est modifiée comme suit:
Art. 14 A (nouveau)
Service public
Le prélèvement aux fins de transplantation et les transplantations elles-mêmes, avec des organes ou tissus provenant soit de cadavres, soit de personnes vivantes, ne peuvent se dérouler que dans les divisions communes des établissements hospitaliers publics à caractère universitaire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les transplantations d'organes font partie des grands succès de la médecine de ce siècle. De très significatifs progrès techniques ont permisdes greffes qui paraissaient pendant très longtemps impossibles, voire inconcevables.
Les espoirs suscités sont également à la mesure de ces progrès. Les journaux évoquent, à intervalles réguliers, le cas de personnes en attente de dons concernant l'un ou l'autre des organes que la médecine a appris à greffer.
Malheureusement, la presse évoque aussi, à intervalles réguliers, tous les dangers et dérapages résultant de la conjonction de la rareté, de la haute technicité et des grands espoirs.
En effet, la rareté, c'est-à-dire l'attente d'organes que l'on puisse trouver et greffer avec succès, est également un sujet d'angoisse, d'espérance et de multiples dérapages.
La question de la rareté est au centre du projet de loi émanant de trois députés et ayant pour but de substituer le consentement présumé au consentement explicite. Sous ces vocables techniques se cache aussi un problème difficile: celui de la disponibilité de tissus et d'organes greffables en quantité suffisante.
Le présent projet de loi aborde deux problèmes: celui du cadre dans lequel ces interventions doivent s'effectuer et, comme corollaire, ce qu'il y a lieu d'éviter à cet égard.
Notre Conseil n'insistera pas sur tout l'équipement, l'encadrement et le haut niveau scientifique indispensable à de telles interventions. Ces conditions sont réunies dans nos hôpitaux publics à caractère universitaire, mais elles peuvent difficilement être réunies dans un établissement privé, quelles que soient sa valeur et la qualité de ses prestations. C'est pourquoi, dans toute la Suisse, les transplantations s'effectuent à ce jour exclusivement dans des hôpitaux publics et universitaires.
La préoccupation fondamentale qui sous-tend ce projet s'appelle commercialisation. Très récemment, notre collègue chargé du département de l'action sociale et de la santé, en sa qualité de président de Swisstransplant, a montré les risques qu'une «privatisation» des transplantations faisait courir.
En conséquence et avec la clarté et la force de la loi, nous vous demandons de bien vouloir adopter ce projet de loi qui assurera l'égalité de traitement et de choix basés sur des critères exclusivement scientifiques.
Le nouvel article que nous vous proposons d'adjoindre à la loi concernant la constatation des décès et les interventions sur les cadavres humains (K 1 19) prolonge la problématique du prélèvement d'organes et de tissus qui est la raison d'être du chapitre V de cette loi.
Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver rapidement un accueil favorable à ce projet de loi.
Préconsultation
M. Pierre-François Unger (PDC). Chaque année, en Suisse et dans le monde, de nombreuses vies peuvent être sauvées grâce aux progrès enregistrés dans le domaine de la transplantation d'organes vitaux. Ces greffes s'adressent en priorité à des enfants, à des femmes ou à des hommes dans la force de l'âge; mais le manque d'organes est responsable chaque année de la mort de 20% d'entre eux.
Chaque année aussi, la qualité de vie d'un nombre encore plus grand de patients peut être améliorée par la greffe d'un organe non vital; mais chaque année la liste des patients dialysés dans l'attente d'un greffon augmente.
Il est donc souhaitable - peut-être nécessaire - de prendre des mesures, afin de favoriser le don d'organes. C'est un don, car en cette matière le commerce et, pire encore, le trafic d'organes - qui ne sont hélas pas que fantasmes - sont des insultes innommables à l'éthique la plus élémentaire. C'est un don aussi, car cet acte, comme d'ailleurs son refus, représente une des facettes du droit inaliénable de chaque individu de disposer de son propre corps.
Ce don, Mesdames et Messieurs les députés, 80% des Suisses sont prêts à le consentir, mais, hélas, moins de 19% d'entre eux sont porteurs d'une carte de donneur. Néanmoins, quoi de plus compréhensible ? L'acte volontaire que nécessite l'acquisition d'une carte de donneur représente, pour beaucoup, une confrontation à leur propre mort qui n'est ni simple, ni naturelle. Dès lors, et compte tenu de la législation genevoise en vigueur, c'est aux proches qu'il appartient de prendre, en cas de décès, la décision d'accorder ou non le don des organes du défunt.
Il nous apparaît inadéquat, et pour tout dire presque immoral, de demander à une famille - vu le traumatisme émotionnel qui accompagne inévitablement l'annonce du décès d'un être cher - de prendre la décision immédiate d'un don d'organes éventuel.
Cette décision est, dans ces circonstances, tout simplement, ni raisonnable, ni humaine. Le déni et la révolte, bien compréhensibles face au choc de l'annonce du décès, font que cette décision ne peut être prise dans la sérénité voulue. Un certain nombre de familles, d'ailleurs, après avoir refusé le don d'organes dans ces instants, nous font part de leur regret.
Le présent projet de loi propose donc d'introduire dans notre législation la notion de consentement présumé, comme cela existe déjà dans d'autres cantons et pays. Il entend également respecter la liberté de chaque individu de s'opposer, de son vivant ou après son décès - par l'entremise de ses proches - à un prélèvement d'organes.
Voilà pour le principe de ce projet, mais le principe ne suffit pas. Si ce projet est accepté, il nous paraît évident qu'une information claire et complète devra être diffusée à la population. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, un tel projet n'a de sens que s'il est mis en place dans la plus absolue transparence.
M. Pierre Froidevaux (R). Les projets de lois 7230 et 7237, issus des travaux préparatoires de la future loi sanitaire, sont aussi importants qu'urgents. Ils consacrent une adaptation cantonale de nos lois aux progrès médico-techniques en matière de transplantation d'organes.
En effet, non seulement de nombreux citoyens sont en attente de greffes, mais, pour certains d'entre eux, leur survie dépend, à court terme, d'un éventuel donneur. L'urgence de ces projets de lois est ainsi décrétée. Néanmoins, ils nécessitent un travail minutieux en commission pour préciser quelques points.
Le remplacement du consentement éclairé par un consentement explicite, ou traduit en langage plus populaire : «Qui ne dit mot, consent.», est délicat. Nul doute que nous sommes 80%, selon les auteurs de ce projet de loi, à souhaiter être donneurs d'organes, si la fatalité du destin nous y amène. Pourtant les proches, rejetés dans un deuil en général brutal, tempèrent notre bonne volonté, statistiquement, plus d'une fois sur deux. Cette source de conflits, si elle n'était pas maîtrisée, engendrerait un débat populaire très contre-productif pour les équipes médico-chirurgicales, dont on décrierait le pouvoir quasi discrétionnaire vis-à-vis de patient en «exitus».
Si l'obtention du oui au prélèvement d'organes n'est plus exigée, le problème subsiste avec la même intensité quant à son contraire, soit l'obtention du non. Comment les équipes médicales sauront-elles que ce patient inconscient, en phase ultime de sa vie, pense oui ou non ? Une carte de donneur ? Ce n'est pas fiable ! Une banque de données centralisée ? C'est une piste ! Cette difficulté doit être résolue en commission, sinon nous aggraverons les deuils pathologiques.
Le second point concerne le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, qui limite les interventions de greffes d'organes aux divisions communes de nos institutions médicales universitaires. L'intention du Conseil d'Etat est louable, en voulant combattre efficacement le danger d'un trafic, mais elle reste aussi d'application difficile.
En effet, lorsqu'une mère ou un père donne à son enfant, de son vivant, un de ses deux reins, il est logique que ces parents puissent choisir leur équipe médicale. Or, les allogreffes ont des champs d'application ne se limitant pas aux transplantations cardiaques, pulmonaires, hépatiques ou rénales. D'autres interventions fréquentes sont concernées par le projet de loi, alors que la volonté du département n'est sans doute pas d'empêcher l'activité médicale privée, liée aux greffes de cornée, de peau, d'os, de moelle osseuse ou de sang. Lorsque le texte de loi prévoit une limitation aux tissus humains, nous touchons même à certaines préparations purement pharmaceutiques, ainsi qu'aux produits de beauté d'origine placentaire.
Le projet de loi 7237 se devra ainsi de préciser avec précaution son champ d'application en commission de la santé, afin de développer son plein effet.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En préambule, j'aimerais remercier les auteurs de ce projet de loi d'avoir osé apporter ce délicat et difficile problème au sein de ce parlement. En effet, parler du don d'organes peut toucher chacun de nous au plus profond de soi, tant sur les plans affectif, éthique, que sur celui des convictions religieuses. Il n'y a rien de politique dans une telle approche, mais seulement des convictions personnelles. M. Unger et M. Froidevaux viennent d'évoquer largement l'aspect ayant trait aux difficultés humaines face à des situations de drame, de douleur et de deuil.
En parallèle, il existe un autre aspect très important, issu de la situation actuelle du manque d'organes disponibles. En effet, les progrès techniques réalisés ces dernières années augmentent fortement les chances de succès d'une transplantation et, dès lors, la liste des personnes en attente s'allonge douloureusement et désespérément même pour certains. Or, qui dit manque dit risque de trafic. A ce sujet de nombreux scandales, parfois profondément tragiques, ont éclaté dans la presse ces dernières années. Rumeurs ou vérité ? Très probablement un peu des deux.
Outre les trafics, une autre manière de contourner ce déficit d'organes disponibles est apparue dans certains pays du Sud. Il s'agit de filières d'adoption illégale, dont par la suite les enfants disparaissent.
Au-delà des victimes de ces monstruosités, et sous-jacent à ces trafics, se profile le rôle tout aussi abject de l'argent, puisqu'il s'agit de mutiler le corps des plus démunis pour sauver ceux qui en ont les moyens.
Ces deux dérives inacceptables doivent impérativement être combattues, même si notre pays est probablement moins concerné par de telles horreurs. De nouvelles bases légales - entraînant une augmentation potentielle du nombre d'organes à disposition - permettront de soulager des êtres humains dans l'attente et dans la souffrance. Elles permettront aussi de diminuer et si possible de faire disparaître les risques de trafics liés au manque d'organes disponibles. Dans ce sens, ce projet de loi est un grand pas en avant.
Par la suite, il faudra se pencher sur l'aspect de l'information à la population et aux personnes plus directement concernées. A notre avis, le terme «dûment informés», figurant dans le projet de loi, est essentiel et il faudra en définir rigoureusement son application.
L'approche éthique sera également un aspect important de notre travail. En effet, comment apprécier le terme «dûment informés» évoqué à l'instant, et quels critères seront définis pour établir le choix du bénéficiaire d'une transplantation ?
Finalement, les conditions et les lieux devront être précisés. En ce sens le projet de loi du Conseil d'Etat pourra déjà répondre partiellement à ces questions, dont certaines ne sont pas nouvelles, il est vrai.
De surcroît, il faudra impérativement se donner des moyens de réponses claires, ne laissant aucune place aux interprétations douteuses ou hasardeuses, et cela, dans un maintien des principes fondamentaux de gratuité totale et dans le respect des convictions de chaque individu. Alors seulement, une transplantation d'organes pourra être considérée comme un don de vie et uniquement comme tel, sans aucun lien possible avec les notions de trafic, d'argent ou de corruption.
Mesdames et Messieurs les députés, tout en respectant le choix de chacun sur un sujet qui touche à des convictions aussi intimes, nous apportons notre appui à ce projet de loi et souhaitons vivement son renvoi en commission.
Mme Micheline Spoerri (L). A mon tour, je tiens à remercier MM. Pierre-François Unger, Philippe Schaller et Bénédict Fontanet d'avoir mis à l'ordre du jour de nos travaux une proposition qui constitue aujourd'hui une véritable priorité dans le domaine médical.
Comme évoqué auparavant par M. Unger, la nécessité de recourir à la transplantation d'organes est brûlante d'actualité, sachant que malheureusement, aujourd'hui, 20 à 25% des patients en liste d'attente décèdent, faute d'avoir pu bénéficier du don d'organes.
Après avoir procédé à des progrès médicaux et d'organisation tout à fait remarquables, on a fait naître chez les patients atteints de maladies incurables un espoir pathétique - qui peut se traduire par une issue heureuse et la renaissance du patient et de sa famille - mais qui malheureusement se termine trop souvent dans des circonstances dramatiques, laissant d'autres familles dans la détresse. Il est de notre devoir de savoir comment remédier à cette situation, et cela dans le plus profond respect des receveurs, mais aussi des donneurs.
Nous sommes tous, Mesdames et Messieurs, aussi bien des donneurs que des receveurs potentiels, et notre choix individuel se fait assez sereinement, à un moment ou à un autre de notre vie. Néanmoins, quand nous sommes appelés - en tant que proches et, aujourd'hui, en tant que responsables politiques - à substituer notre décision à celle des défunts, la difficulté du choix est extrême, chacun, d'ailleurs, l'assumant à sa façon. Voilà pourquoi nos travaux devront être conduits avec la plus grande délicatesse et en tenant compte des diverses sensibilités.
Le problème du don repose fondamentalement sur une relation de confiance et, à mon sens, deux éléments méritent d'être soulignés dès ce soir vis-à-vis de notre population.
Tout d'abord, même si l'on est en désaccord avec les moyens proposés, il faut comprendre que l'objectif des auteurs du projet de loi - et, au-delà, le souci du corps médical - n'est pas de forcer nos concitoyens à donner plus largement, mais d'assurer la pérennité de la transplantation d'organes, ce qui est tout à leur honneur.
De surcroît, comme l'ont dit les préopinants, nous devons également affirmer, précisément, que notre parlement instaurerait toutes les mesures nécessaires au respect du choix de l'individu si, par hypothèse, le consentement présumé était accepté. En particulier, il faudrait faire en sorte que tous nos concitoyens soient régulièrement et parfaitement informés de la nouvelle loi.
Sans anticiper sur la suite des travaux, il convient en outre d'analyser exhaustivement les raisons menant au refus du don. Est-ce à cause de la brutalité de la question posée aux familles, alors même qu'elles viennent de perdre un être cher ? Est-ce la crainte du non-respect du corps de l'être cher, voire la crainte d'une mutilation, lors du prélèvement d'organes ? Ce qui, je m'empresse de le dire, est loin d'être le cas dans la réalité. Est-ce par conviction philosophique ou religieuse ? Est-ce, enfin, par peur que tout ne soit pas tenté pour sauver l'être aimé, sous prétexte de faire bénéficier le patient en attente d'une greffe ?
Nous tiendrons compte, Mesdames et Messieurs, de toutes ces questions et leur accorderons toute l'attention qu'elles méritent. C'est, en effet, le seul moyen de progresser, en faisant passer le message vis-à-vis de l'opinion publique déjà sensibilisée. Nous rechercherons - avant tout et dans tous les cas - le consentement mutuel.
Voilà pourquoi l'essentiel est de tout mettre en oeuvre pour encourager les déclarations spontanées des donneurs de leur vivant car, si difficile soit-elle à atteindre, cette solution reste la meilleure. Le courant doit passer directement entre donneur et receveur, comme ce fut le cas lors de la campagne nationale en septembre 1994 - organisée à Berne et animée par Mme la conseillère fédérale Ruth Dreifuss - qui suscita une immense solidarité.
Il faut également aider concrètement Swiss Transplant afin qu'elle demeure irréprochable et que toute confiance en elle soit préservée.
La solidarité, la confiance et le contact humain, Mesdames et Messieurs, aucune législation ne les garantira. Arrêtons de compter sur les lois ! Les pays étrangers ayant adopté le consentement mutuel enregistrent parfois des succès, comme en Autriche et en Espagne, et parfois des fluctuations, comme en Belgique, dont la courbe des donneurs est infléchie et parfois malheureusement des échecs - comme ce fut le cas en France - qui a dû revenir en arrière, pour avoir perdu, avec ce système, de nombreux donneurs.
Plus près de nous, en Suisse, Neuchâtel n'a pas encore promulgué la loi décidée par son Grand Conseil en février 1995. Pour ma part, je ne connais pas les effets du consentement présumé dans les cantons de Vaud et de Zurich qui, eux, ont un recul beaucoup plus grand. Néanmoins, vous n'êtes pas sans ignorer - à travers la presse et la télévision alémaniques - que quelques familles ont très mal vécu la réalité du consentement présumé, jugeant avoir été abusées. L'expérience suisse est donc timide. A ce propos, ne mériterait-elle pas, dans ce domaine particulier, un débat national, afin d'éviter les contradictions entre cantons ?
Malgré la bonne prédisposition de nos concitoyens vis-à-vis du don - ce dont je suis convaincue - n'oublions jamais, Mesdames et Messieurs, qu'il s'agit d'un terrain fragile et mouvant où nos responsabilités politiques, mais également celles du corps médical et des médias ne peuvent s'engager qu'avec beaucoup de précautions.
Voilà les quelques réflexions que le groupe libéral souhaitait présenter, en vous recommandant d'envoyer ce projet de loi, ainsi que le projet 7237 qui ne peut que le compléter, à la commission de la santé.
Ces projets sont renvoyés à la commission de la santé.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre important de postes qui ont été supprimés dans les établissements publics hospitaliers, tout particulièrement par rapport au personnel soignant;
- le stress croissant du personnel hospitalier;
- l'augmentation de travail demandé à ce personnel en raison de la diminution des effectifs et de l'augmentation du nombre de patients par soignant, avec comme corollaire une diminution de la qualité des soins prodigués;
- le caractère prioritaire des soins hospitaliers dans le cadre des prestations offertes par l'Etat,
invite le Conseil d'Etat
- à présenter un rapport indiquant le nombre de postes de travail par service supprimés dans les établissements hospitaliers ces cinq dernières années, les services supprimés et les conséquences de ces mesures;
- à instituer un moratoire en matière de suppressions de postes dans les établissements hospitaliers.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis un certain temps, les prestations des établissements publics hospitaliers, dont la qualité était largement reconnue, font l'objet de critiques croissantes répercutées par la presse. Le personnel des hôpitaux est soumis à un stress important consécutif à la diminution des effectifs, tout particulièrement du personnel soignant, et à l'augmentation du travail qui en résulte pour celui-ci, ce qui a entraîné une diminution de la qualité des soins prodigués.
On ne saurait en rendre responsable le personnel des établissements hospitaliers, qu'il convient au contraire de remercier pour son travail remarquable et son dévouement face à la situation qu'il doit affronter, mais il paie plus lourdement que dans d'autres secteurs de l'Etat la diminution des effectifs. On est arrivé à un stade où ce personnel peut tout juste faire face aux charges qui lui incombent, ce qui n'est pas acceptable dans un domaine aussi crucial que les soins hospitaliers.
Cette situation ne saurait perdurer dans un domaine qui constitue l'une des tâches prioritaires de l'Etat et c'est la raison pour laquelle la présente motion fait appel au Conseil d'Etat pour qu'il tienne compte de cette situation et suspende sa politique de suppressions d'emplois dans le secteur hospitalier, afin de garantir les prestations auxquelles la population aspire dans le domaine de la santé.
Il conviendrait que le Conseil d'Etat présente un rapport indiquant le nombre de postes de travail supprimés ces cinq dernières années dans les établissements hospitaliers et les conséquences qui en résultent pour le bon fonctionnement des hôpitaux, tout en communiquant l'évolution du nombre de patients par secteurs hospitaliers ainsi que l'évolution du nombre de patients par rapport aux effectifs du personnel soignant.
Pour ces motifs, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à la présente motion.
Débat
M. Gilles Godinat (AdG). La réflexion au sujet de cette motion doit s'inscrire, évidemment, dans le cadre plus général de la politique de soins dans ce canton et de l'évolution de la place des établissements publics médicaux, par rapport à l'évolution des soins ambulatoires.
Je vous propose, ce soir, de concentrer notre attention sur la situation actuelle dans les établissements publics médicaux, après l'introduction de la loi sur l'aide à domicile dans le canton en 1992, mais aussi compte tenu de l'application du plan quadriennal et de ses effets dans les EPM.
Il est intéressant de constater que les différents chiffres cités ne sont pas toujours d'une grande clarté. Je vais prendre quelques exemples, notamment au sujet de l'information, concernant l'évolution des postes dans les EPM.
En effet, si l'on regarde l'évolution des postes budgetés autorisés de 1992 à 1995, on constate une diminution globale de cinq cent septante-trois postes, soit une diminution de 7%. Si l'on y ajoute les postes non occupés au 12 décembre 1994, on atteint le chiffre de huit cent vingt-quatre postes. Par conséquent, sur les postes de 1992, ce chiffre représente une diminution de 10%. Ce chiffre doit être pondéré, évidemment, avec la marge de manoeuvre que la direction des EPM garde en début d'année, pour éviter les chocs de la réduction de 2% voulue par le plan quadriennal.
Par ailleurs, nous avons observé qu'outre les postes non occupés, représentant pour l'hôpital cantonal, en 1994, 14 millions de francs et pour l'ensemble de la fonction publique 80 millions de francs, la part des postes non occupés pour l'ensemble des EPM atteint quasiment la moitié de l'ensemble de la fonction publique.
Quant aux postes concernés, une grande partie d'entre eux sont des postes à temps partiel. Il est intéressant de constater leur évolution : à partir de 1988 ils atteignaient moins de 20%, alors qu'en 1995 ils atteignent près de 28%. Ces postes à temps partiels - dont le taux moyen d'activité chiffré en 1995 est de 65% - sont situés principalement dans les secteurs de soins à 32,8%, et dans les autres disciplines médicales à 42,6%. Enfin, nous remarquons l'évolution des intérims, des remplacements et des occupations temporaires.
En fait, dans le rapport que vous avez reçu sur le budget 1994, il n'existe pas d'indications claires sur la part respective des postes à temps partiels, des occupations temporaires et des remplacements. Cet état de fait nous préoccupe, puisque nous avons vu que, globalement, la diminution des postes concerne principalement les secteurs administratifs et de logistique, tout en mettant en péril certains services, dont la charge de travail est croissante. De surcroît, elle concerne également, pour une part non négligeable, le secteur des soins.
Par exemple, en ce qui concerne le CMCE - d'ailleurs cela a fait la une des journaux locaux - une augmentation de patients de 65% et des effectifs de 27% a été observée entre 1986 et 1994.
Cela amène à une réflexion sur un indice dans la politique de soins qui est le ratio «personnel soignant par lit». J'attire votre attention sur ce point, Mesdames et Messieurs, ce seul critère ne suffit pas à évaluer le type de travail et le type d'activités à effectuer dans un service. Il faut tenir compte d'autres paramètres. Ces dernières années, pour chaque EPM et pour l'ensemble des EPM, on observe des hospitalisations et un nombre d'entrées en augmentation, un taux d'occupation fluctuant, mais une durée moyenne de séjour en diminution dans tous les établissements. Cela signifie concrètement - pour prendre l'exemple de l'Hôpital de Loëx - qu'avec un personnel moindre le nombre d'entrées supplémentaires est plus grand, ainsi que la charge de travail.
Actuellement, les réactions du personnel sont très contenues et l'on sait que, dans certains secteurs - notamment à l'hôpital de Loëx - le personnel soignant fait des efforts considérables, ainsi qu'en psychiatrie, en gériatrie et de manière générale dans tous les services.
Par contre, dans la population, on observe déjà certaines réactions préoccupantes. Je prendrai pour seul exemple la conférence de presse qui s'est déroulée en mars 1995, tenue par Dialogay et les personnes vivant avec le sida. Cette manifestation attirait l'attention du public sur le fait que le personnel soignant était à la limite de la disponibilité et que la qualité des prestations était en danger. Voilà la raison principale de cette motion et des deux invites que nous vous proposons.
La première invite propose de poser le regard le plus clair possible sur l'évolution de la situation dans le cadre du plan quadriennal, puisque le secteur de la santé est l'un des plus touchés par la diminution d'effectifs. Je ne veux pas polémiquer sur la politique de l'emploi en la matière, mais je veux m'appuyer sur des chiffres pour pouvoir discuter.
La seconde invite propose un moratoire. En effet, les conditions dans lesquelles les soins sont dispensés, actuellement, dans les EPM, atteignent la limite du supportable. En sus, le moratoire sur la diminution des effectifs se justifie à nos yeux par le fait que nous n'avons pas encore obtenu le rapport sur les soins à domicile et sur la politique sanitaire cantonale.
M. Philippe Schaller (PDC). Messieurs les motionnaires, nous comprenons parfaitement les considérations qui vous ont poussés à déposer votre motion. Vous comprendrez que nous sommes également attachés et soucieux de la qualité des soins fournis par nos établissements publics médicaux. Nous sommes aussi inquiets d'une éventuelle baisse des prestations au lit du malade et, comme vous, nous avons entendu certaines plaintes du personnel et des patients.
Il est vrai que la diminution des postes médicaux opérée en 1992 et en 1993 a été équilibrée par la diminution des prestations à fournir du fait de la suppression de lits. De même, si les effectifs continuent à diminuer, il faudra, en parallèle, que l'institution se pose un certain nombre de questions et définisse ses priorités quant aux prestations fournies aux patients, à la formation et à la recherche.
Dès aujourd'hui, l'institution doit élaborer un cadre de référence. Nous ne pouvons pas, alors qu'elle ne l'a pas encore élaboré, accepter simplement le moratoire. En effet, Messieurs les motionnaires, ce serait freiner le développement des soins à domicile auquel vous êtes également attachés. Cela reviendrait à annuler toute recherche d'économies au sein des EPM et équivaudrait à ôter tout espoir de rationalisation et de coordination. Ce serait également ruiner la volonté d'évaluer l'adéquation des pratiques et la qualité des soins. Enfin, ce serait endommager la collaboration régionale Vaud-Genève.
A mon avis, ce serait rendre un mauvais service à nos EPM, en regard des défis qu'ils doivent relever demain en matière de transparence et d'efficacité. N'oublions pas que nos établissement publics médicaux coûtent cher, comparativement au nombre d'habitants et aux journées d'hospitalisation.
Par ailleurs, il faut considérer que nous sommes dans une phase de transition. Les nouvelles structures viennent d'être mises en place. Laissons-les faire leurs preuves en toute confiance !
Comme je vous l'ai dit, les dirigeants des EPM doivent comprendre rapidement qu'il faut opter pour des choix, trouver des coopérations et être attentifs à ne pas démotiver les collaborateurs. Ils n'y arriveront que s'ils ont l'intelligence d'analyser l'adéquation des prestations et des effectifs. De toute manière, il faudra bien qu'ils aient l'assentiment de tous les membres du personnel, s'ils veulent obtenir une amélioration des performances hospitalières.
Par rapport à votre motion, nous sommes malheureusement obligés de refuser le moratoire. Par contre, nous acceptons la première invite que nous vous proposons de renvoyer directement au Conseil d'Etat
M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical partage, en partie, les préoccupations des motionnaires. Cependant, notre groupe souhaite que votre proposition soit animée par la seule préoccupation du bien commun et ne soit pas dictée par une volonté de nuire à l'action gouvernementale.
Tout comme vous, députés motionnaires, nous nous préoccupons sempiternellement de la qualité des prestations des établissements publics médicaux, tant au niveau de leur volume que de leur excellence. Les différents rapports d'activité, dont celui de l'hôpital cantonal universitaire, démontrent à l'envi que, malgré la période budgétaire vraiment difficile, cette préoccupation se traduit par des chiffres.
En effet, en 1990, l'hôpital cantonal universitaire de Genève comprenait 3,27 postes par lit; en 1991, cet indice passe à 3,28; en 1992, à 3,31; en 1993, à 3,36 et en 1994, à 3,34. Cependant, nous n'ignorons pas que - comme toutes les activités humaines - les caractéristiques du travail nécessitent de perpétuels remaniements et que derrière ces valeurs numériques existent des difficultés individuelles. Aussi, votre première invite est pertinente.
La seconde invite est, quant à elle, inacceptable. En effet, actuellement, les EPM vivent une période de réforme et la restructuration des services en cours est nécessaire pour aborder l'avenir avec sérénité. Cette réforme a été votée par ce parlement le 18 novembre 1994, avec le soutien de tous les groupes politiques représentés dans cette enceinte, donc avec le vôtre également, Messieurs les motionnaires ! Aussi, nous ne comprenons pas votre volonté de mettre en place un moratoire en contradiction flagrante avec ce vote.
C'est pourquoi je vous propose de retirer cette dernière invite, afin que cette motion puisse être traitée sereinement par le Conseil d'Etat, avec la motion 953 - émanant de toute la commission de la santé et acceptée par tous les partis politiques en décembre 1994 - qui abordait le même sujet.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). En octobre 1994, j'ai interpellé le chef du département, concernant les effectifs et les remplacements dans les EPM. En effet, au début du plan quadriennal adopté par le Conseil d'Etat, le groupe des «Verts» pouvait imaginer, comme beaucoup d'entre vous, que l'on pouvait restructurer, réfléchir et réorganiser la fonction publique. Cependant, quelques mois plus tard, il nous semble que le discours mettant systématiquement en évidence les ratios - postes par rapport au nombre de lits - ne peuvent rendre compte de la réalité.
En ce qui concerne les EPM - je le disais déjà en octobre 1994 et cela a été relevé à plusieurs reprises ce soir - les comptes de l'Etat mentionnent, comme critères de l'activité, les seuls critères statistiques suivants : nombre de lits, nombre de jours d'hospitalisation, taux d'occupation et durée moyenne de séjour. Parallèlement, les statistiques donnent le nombre de postes et le nombres de collaborateurs. Or, c'est à partir de ces éléments que le DASS tire des ratios postes/lits.
A l'évidence, il n'est pas suffisant de considérer ces critères qui reflètent très approximativement les activités du secteur des lits hospitaliers ou d'autres secteurs d'activités de soins. Par exemple, il est aisé de comprendre qu'un patient à son premier ou à son quatrième jour postopératoire demande une attention différente. De même, pour un diagnostic donné, un patient jeune, âgé ou dépendant ne requiert pas non plus une attention égale.
Par ailleurs, la manière dont se déroulent, depuis longtemps à Genève, les séjours hospitaliers ne restreint pas le nombre d'interventions par jour et par patient. Au contraire, elle les intensifie sur une période limitée.
J'ajouterai que le développement des technologies médicales augmente la fréquence des interventions. Enfin, les critères de qualité des soins ont également un impact sur la charge de travail.
Dès lors, la discussion qui dure depuis le début de l'introduction de mesures visant à réduire le personnel dans les EPM est totalement inadéquate, les syndicats se basant sur la diminution du nombre de postes par lit et les directions sur la réduction du nombre de lits. En ce moment, les représentants des associations professionnelles ont le sentiment qu'en matière de qualité des prestations nous atteignons peut-être une limite que les indices ne peuvent refléter. De même, les directions et le département ne parviennent pas à proposer des indices indiquant le contraire.
C'est pourquoi nous soutiendrons cette motion, afin que, pour une fois - même sous forme de moratoire - une impulsion soit donnée. Cela permettra de présenter les résultats du groupe de travail «prestations-effectifs» au Grand Conseil et d'en discuter en commission.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je serai relativement bref, puisque beaucoup de choses ont déjà été dites. Le groupe socialiste soutient cette motion.
En effet, nous estimons qu'il est extrêmement important de conserver une qualité de soins dans les hôpitaux publics. Or, la diminution des effectifs remet en cause cette qualité. Les conséquences se font sentir, notamment, dans les délais d'attente, certains soirs, aux urgences ou alors dans la diminution du temps mis à disposition des patients. Par exemple, on préférera, dans certains cas, mettre une sonde à un patient, plutôt que de l'accompagner régulièrement aux W-C. Cela constitue une diminution de la qualité de vie des personnes hospitalisées.
L'argument le plus souvent utilisé est constitué par le ratio personnel/lits qui est en diminution. M. Froidevaux le disait tout à l'heure. M. Godinat et Mme Maulini-Dreyfus ont relevé que ce critère n'était pas pertinent pour juger du volume de travail. En effet, le développement des soins à domicile, permet, notamment, de raccourcir le temps d'hospitalisation. Dès lors, les patients hospitalisés sont ceux qui nécessitent le plus de soins.
Par conséquent, ces comparaisons entre les effectifs et le nombre de lits ne sont pas pertinentes, d'autant plus que la notion de personnel englobe, fréquemment, le personnel soignant et administratif. Or, une augmentation de ce dernier n'apporte aucune aide à ceux qui sont au chevet du patient.
D'autre part, dans cette période où le taux de chômage est élevé, il est absurde de diminuer le nombre d'emplois dans les hôpitaux et, par conséquent, de diminuer la qualité des soins. Les associations de patients ont manifesté des réactions, témoignant de l'inquiétude réelle de la population à ce sujet.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste soutiendra cette proposition de motion, ainsi que les deux invites qu'elle contient.
M. Bernard Lescaze (R). Ce débat est tout à fait agréable, et il semble que chacun soit satisfait d'une motion «nègre blanc». En effet, si l'on supprime la seconde invite, à savoir l'institution du moratoire, cette proposition de motion n'aura plus aucun sens, puisqu'elle s'intitule : «Pour un moratoire en matière de suppression de postes dans les hôpitaux».
Toutefois, je rassure la gauche, je voterai cette suppression de moratoire. Néanmoins, à mon sens, cette motion ne sert alors plus à rien et, pour ma part, je proposerai de la rejeter.
En effet, s'il l'estime utile, le Conseil d'Etat peut, en tout temps, nous fournir un rapport sur les suppressions de postes. Je suis frappé et je regrette que cette motion ne soit pas réellement basée sur les sentiments louables, entendus à l'instant, concernant le maintien de la qualité des soins à Genève. En effet, les motionnaires auraient peut-être dû demander un rapport sur les retombées positives relevées ces dernières années. Je n'en citerai que deux : la dialyse en gériatrie et l'introduction de la pédopsychiatrie. En réalité, Mesdames et Messieurs, je pense qu'au-delà des oripeaux qui la recouvrent, cette motion relève d'une politique politicienne et son but est d'introduire, par la bande, le moratoire dont, pour des raisons évidentes, nous ne voulons pas.
Par conséquent, je vous propose, Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qui a été dit - puisque cette motion serait vidée de sa substance si l'amendement était rejeté - de la refuser purement et simplement.
M. René Ecuyer (AdG). Malgré les belles phrases de M. Lescaze, je vois les choses de façon différente. Etre hospitalisé est un événement important dans la vie : beaucoup d'entre vous l'ont vécu. En cette circonstance, l'accueil et le temps mis à la disposition du patient, ainsi que ses relations avec le personnel infirmier ou les médecins sont des éléments capitaux pour son réconfort et son rétablissement.
Actuellement, il est vrai que le temps manque. A l'hôpital, tout va vite : on appelle l'infirmière, mais on nous demande de patienter pendant qu'elle s'occupe d'un autre patient. En fait, tout est essentiellement organisé pour que le patient quitte l'établissement au plus vite. A tel point que des drames se produisent dans certains cas. Par exemple, il arrive qu'un patient que l'on renvoie chez lui, sous prétexte qu'il a droit à un nombre de jours d'hospitalisation limité en fonction de sa pathologie, se présente à nouveau, peu après, à l'hôpital. En effet, il peut avoir le sentiment de ne pas avoir été guéri et d'être mal dans sa peau, car il s'est retrouvé dans un univers qui ne lui convient plus.
De même, il arrive fréquemment - et c'est plus grave encore - qu'un patient soit convoqué le matin même de l'opération. (Interruption. L'orateur explique qu'il n'a plus de voix. Quolibets.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, M. Ecuyer a mal à la gorge, je vous prie d'avoir un peu de respect et de faire silence ! Nous n'entendons plus rien !
Des voix. A l'hôpital !
M. René Ecuyer. Certains patients entrent le matin à l'hôpital, à jeun, pour s'entendre dire qu'ils peuvent rentrer chez eux, car l'opération ne peut avoir lieu le jour même et que le médecin ne peut les recevoir. Cela s'est produit pour des employés de la Migros qui ont dû se présenter à l'hôpital à trois reprises, pour être pris en charge et se faire opérer.
Par ailleurs, malgré la diminution des effectifs, le volume de travail ne change pas. Répartie sur un personnel restreint, la charge individuelle de travail s'alourdit, ce qui constitue la principale cause de démotivation du personnel. En définitive, c'est au patient de supporter les conséquences de cette situation de stress !
C'est pourquoi, à mon avis, le moratoire est aussi nécessaire que le sont les économies. Il signale un arrêt politique et économique et nous donne un temps de réflexion indispensable.
M. Gilles Godinat (AdG). J'aimerais revenir sur plusieurs observations faites par les préopinants et, premièrement, sur celle de M. Schaller.
Il faut discuter dans le cadre général de la politique de soins et tenir compte des rapports en préparation ou en discussion concernant, notamment, les soins à domicile et la psychiatrie. Je suis entièrement d'accord d'en débattre largement. Néanmoins, pour ce faire, il faudrait que la politique d'austérité, actuellement appliquée, soit également prise en considération. Dès lors, il est impossible de continuer cette politique de réduction constante des effectifs, dans le cadre du plan quadriennal. En ce moment, nous atteignons un seuil auquel je vous rends attentifs, Mesdames et Messieurs les députés.
A mon avis, il est contradictoire de vouloir débattre sereinement de l'évolution des chiffres, sans se donner les moyens de le faire. Or, en poursuivant la politique de réduction des effectifs, vous entérinez le risque de dégradation de la qualité des soins dans les hôpitaux.
Par ailleurs, sur le plan de la transparence des chiffres, les syndicats du personnel hospitalier demandent, en vain, des éclaircissements. Or - nous insistons sur ce point - nous avons besoin de davantage d'informations afin de pouvoir juger, sur pièces, de l'évolution concrète de chaque service.
Au sujet de l'intervention de M. Lescaze, je tiens à préciser que s'il est vrai qu'un progrès très satisfaisant a été fait dans le domaine de l'hémodialyse, notamment à Loëx, la pédopsychiatrie et la guidance infantile, elles, n'ont fait l'objet d'aucune innovation particulière et existent depuis longtemps dans les institutions. De surcroît, je prétends que le risque de mettre en danger l'ensemble des prestations des EPM est nettement plus important que ne le sont les innovations hospitalières présumées et soulignées par M. Lescaze !
C'est pourquoi nous maintenons notre proposition de motion, ainsi que ses deux invites, d'autant plus que, si l'invite sur le moratoire était rejetée majoritairement par ce Grand Conseil, il est évident que cette motion n'aurait plus aucun sens.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Il est vrai qu'il y a des diminutions d'effectifs dans les hôpitaux, mais elles ne sont pas toutes dues à la réduction annuelle de 2%, induite par le plan financier quadriennal.
En effet, ces cinq dernières années, nous avons constaté, d'une part, des diminutions de 10% du nombre de lits, de 7% des nuitées et de 11% de la durée de séjour et, d'autre part, des répartitions différentes selon qu'il s'agisse des soins hospitaliers ou ambulatoires.
Monsieur Godinat, il est vrai qu'en cinq ans trois cent trente-cinq postes ont été supprimés à l'hôpital cantonal, pour de multiples raisons. Cependant, dans la même durée, un nombre équivalent de postes a été créé dans le secteur de l'aide à domicile, ainsi que dans les établissements médicaux sociaux accueillant des personnes âgées pour de longs séjours. En fait, la situation est complexe dans ses interactions : elle ne se résume pas à de pures et simples réductions d'effectifs, présentées de façon linéaire.
Aussi, pour le mois de septembre 1995, le Conseil d'Etat est parfaitement disposé à présenter un rapport sur les réductions d'effectifs dans les hôpitaux. De cette manière, il contribuera - grâce à des faits précis - à la discussion sur le projet de budget 1996. Ce rapport ne concernera pas seulement les hôpitaux, mais également l'aide à domicile et les établissements médicaux sociaux. En effet, le Conseil d'Etat compte mettre ces trois dossiers en perspective, en considérant également les bilans des vingt-quatre premiers mois d'application de la nouvelle législation sur l'aide à domicile et l'évolution des institutions de longs séjours destinées aux personnes âgées.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat est prêt à accepter la motion, non pas dans sa version intégrale mais dans sa version réduite, amputée du dispositif relatif au moratoire.
Mme Micheline Spoerri (L). Je vous prie, Madame la présidente, d'avoir la gentillesse de répéter les termes de notre réponse concernant l'invite.
La présidente. L'invite supprimée est la seconde invite, dont la teneur est la suivante :
«- à instituer un moratoire en matière de suppressions de postes dans les établissements hospitaliers.».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
La présidente. Nous passons maintenant au vote de la motion 994. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent la motion répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
La motion ainsi amendée est adoptée par 45 oui contre 40 non et 2 abstentions.
Ont voté oui (45) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Hervé Burdet (L)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Pierre Ducrest (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Michel Ducret (R)
Henri Duvillard (DC)
Catherine Fatio (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Henri Gougler (L)
Janine Hagmann (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Philippe Schaller (DC)
Micheline Spoerri (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (40) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Anne Briol (E)
Fabienne Bugnon (E)
Matthias Butikofer (AG)
Micheline Calmy-Rey (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (E)
Liliane Johner (AG)
René Longet (S)
Jean-Pierre Lyon (AG)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)
Liliane Maury Pasquier (S)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Chaïm Nissim (E)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Christine Sayegh (S)
Max Schneider (E)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
Se sont abstenus (2) :
Bernard Lescaze (R)
Pierre-François Unger (DC)
Etaient excusés à la séance (9) :
Jean-Claude Genecand (DC)
Nelly Guichard (DC)
Michel Halpérin (L)
Claude Lacour (L)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Maria Roth-Bernasconi (S)
Andreas Saurer (E)
Etaient absents au moment du vote (3) :
Daniel Ducommun (R)
John Dupraz (R)
Sylvia Leuenberger (E)
Présidence:
Mme Françoise Saudan, présidente.
M. Gilles Godinat (AdG). Vu la décision prise par ce Grand Conseil qui vide cette motion de l'essentiel, je propose de la retirer.
La présidente. Bien ! Vous en avez le droit, Monsieur le motionnaire.
Cette motion est retirée.
M. Claude Blanc (PDC). Je reprends la motion à mon compte !
La présidente. Dans ce cas, nous repassons au vote de la motion. Comme elle a été amendée, nous nous dispenserons de refaire l'exercice.
Je mets aux voix la proposition de motion 994.
Celles et ceux d'entre vous... (La présidente est interpellée par M. Godinat.)
Monsieur Godinat, je regrette, n'importe quel député peut reprendre une motion à son compte, mais je vous donne la parole !
M. Gilles Godinat (AdG). J'ai une nouvelle motion à proposer.
La présidente. On peut s'amuser à ce petit jeu...
M. Gilles Godinat (AdG). Je propose un compromis, à savoir, un moratoire d'une année.
La présidente. Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous rédigiez votre amendement. Je ne peux pas le faire voter, tant que je n'en suis pas saisie officiellement. Monsieur Ferrazino, vous avez la parole.
M. Christian Ferrazino (AdG). Pendant que notre collègue, M. Godinat, rédige son amendement, je vais expliquer ce qui le justifie, à nos yeux.
Puisque vous avez trouvé utile et nécessaire, Monsieur Blanc, de reprendre cette motion à votre compte, c'est bien que vous y trouvez une raison d'être ! Face à cette situation alarmante, je suis heureux du sentiment d'inquiétude qui vous anime et de l'intérêt que vous portez à cette question.
Etant donné que vous demandez au Conseil d'Etat de dresser des listings chiffrés concernant les effectifs dans les hôpitaux, c'est que vous êtes conscient que ces documents pourraient exprimer une réalité que vous ne maîtrisez pas aujourd'hui. Alors, en attendant d'en prendre connaissance, allez-vous poursuivre la politique de réduction des effectifs dans les hôpitaux, au risque d'en diminuer les prestations ?
Enfin, puisque vous avez voulu reprendre cette motion à votre compte, il serait cohérent que vous acceptiez l'amendement déposé par M. Godinat, visant à ramener la durée de ce moratoire à une année, à titre expérimental.
M. Claude Blanc (PDC). M. Segond s'est déclaré prêt à renseigner le Grand Conseil, et je trouverais regrettable que le retrait de la motion nous empêche d'obtenir ce rapport. J'attends les informations promises en toute confiance. Je ne demande donc pas le moratoire !
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. L'amendement présenté par M. Ferrazino n'a pas de sens ! En effet, vous avez voté, à la majorité, le projet de budget 1995 et, par conséquent, la poursuite de la réduction des effectifs jusqu'au 31 décembre 1995. Comme je vous l'ai dit, je vous présenterai un rapport, en septembre, non seulement sur les hôpitaux, mais également sur l'aide à domicile et sur les établissements médicaux sociaux. Ce sera sur la base de ces chiffres que vous déciderez - à la majorité ou à l'unanimité - de la poursuite ou de l'arrêt de cette politique pour le projet de budget 1996.
C'est pourquoi ce moratoire d'une durée d'une année ne présente aucun intérêt.
M. Christian Grobet (AdG). Vous avez conservé votre talent, Monsieur Segond, pour tourner les éléments à votre façon ! (Quolibets et rires.) En ce qui nous concerne, je vous rappelle que nous n'avons pas voté le budget. Par conséquent, il n'y a aucune contradiction dans notre discours. De même, nous n'avons pas voté la restructuration de l'hôpital, ni la loi sur les établissements hospitaliers. Au contraire, nous étions opposés à ce que ces différents établissements soient regroupés en un seul établissement «mammouth». Malheureusement, vous n'avez pas voulu accepter nos amendements.
En tout état de cause, la structure légale de l'hôpital cantonal ne fait pas encore l'objet des restructurations que l'on imagine. Nous n'acceptons pas, Monsieur Schaller, même si votre discours - dans lequel vous laissez entendre que vous étiez d'accord sans être d'accord - est un modèle du genre, que ces restructurations soient conditionnées par des diminutions d'emplois.
Comme mentionné à juste titre par M. Lescaze, nous savons pertinemment que la motion déposée n'était pas nécessaire pour obtenir les renseignements que le Conseil d'Etat a déclaré vouloir nous fournir au mois de septembre. En effet, M. Segond va, de toute façon, nous donner ces informations. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, dans un souci de transparence, il devrait le faire sans que nous le lui demandions ! (Chahut.) Cette motion ne faisant que vous rappeler votre devoir, Monsieur Segond, elle n'a plus de sens ! Au terme de ce débat, on constate qu'il suffit de parler des problèmes fondamentaux, hospitaliers ou de politique sociale... (Chahut. L'orateur est interrompu. La présidente frappe sa cloche.) Monsieur Lescaze, vous affirmez que cette motion relève d'une politique politicienne. En réalité, cette motion vous gêne !
Sur le plan de la politique de l'Etat, il est temps de faire des choix et de définir des priorités. Or, les soins hospitaliers constituent notre priorité. En réalité, malgré les chiffres, les ratios et les statistiques, tous les échos nous parvenant confirment une dégradation de la qualité des soins, au sein de l'hôpital cantonal, ainsi que l'existence de problèmes de fonctionnement.
M. John Dupraz. C'est faux ! C'est un mensonge !
M. Christian Grobet. C'est un mensonge ? Cela a même paru dans la presse !
M. John Dupraz. Vous êtes un traître à votre parti !
M. Christian Grobet. Monsieur Dupraz, vous auriez mieux fait d'être présent tout à l'heure !
La présidente. Monsieur Dupraz, s'il vous plaît ! Monsieur Dupraz, vous irez vous expliquer avec M. Grobet après la séance ou en dehors de cette enceinte. Monsieur Grobet, vous avez la parole.
M. John Dupraz. Grobet ne dit que des âneries ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Au lieu de m'invectiver, démontrant ainsi que vous n'avez pas d'arguments... (Chahut. L'orateur est interrompu. La présidente frappe sa cloche.)
La présidente. Monsieur Dupraz, cela suffit maintenant ! Ecoutez Monsieur Dupraz... (Chahut. La présidente est interrompue.) Je vais suspendre la séance, si cela continue ! Si vous voulez une séance supplémentaire, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez !
M. Christian Grobet. Madame la présidente, quand les... (L'orateur est à nouveau interrompu.)
La présidente. Je suis navrée, je vous rendrai votre temps de parole, Monsieur Grobet ! Comme vous n'êtes pas particulièrement court, cela fait durer le plaisir ! (Hilarité. Applaudissements.)
Des voix. Harcèlement ! Harcèlement ! (Chahut. La présidente fait sonner sa cloche.)
La présidente. Bien, Monsieur Grobet, vous aurez donc encore huit minutes. Maintenant, je pense que nous pouvons reprendre notre débat.
M. Christian Grobet. Si je comprends bien, Madame la présidente, je n'ai parlé que deux minutes. Par conséquent, il semble que j'ai été moins long que vous ne le prétendiez auparavant !
La présidente. Tout à fait, Monsieur !
M. Christian Grobet. Je ne fais que répondre aux arguments avancés au fur et à mesure. Rassurez-vous, je serai bref. Je dirai simplement à M. Dupraz que les invectives, qu'il profère à mon encontre, prouvent qu'il n'a pas beaucoup d'arguments à avancer.
En outre, je constate qu'il était absent au moment du vote ! J'espère qu'il nous fera le plaisir d'être présent, cette fois-ci, afin de nous montrer quelle est sa véritable position sur ce problème important !
M. Jean Spielmann (AdG). Je crois que, dans le respect des décisions prises au moment du budget, les dossiers doivent être examinés à nouveau, selon l'évolution de la société. Je constate que l'importance du problème n'empêche pas M. Dupraz de s'amuser et de chahuter. Il aurait sans doute mieux fait de rester un peu plus longtemps à la buvette, plutôt que de se conduire de la sorte !
Je constate que le Conseil d'Etat, pendant la période électorale, avait fait de l'emploi l'une de ses priorités. Or, indépendamment de sa volonté, de sa capacité ou de sa politique, le nombre de chômeurs a considérablement augmenté depuis cette époque.
En effet, plus de seize mille chômeurs sont recensés, sans compter les personnes en fin de droit. Par ailleurs, les statistiques de l'Office fédéral de la santé démontrent que, au sein de la fonction publique, les établissements hospitaliers ont été les plus touchés par des réductions d'emplois.
C'est pourquoi il est judicieux d'accepter l'amendement présenté et de suspendre, pendant une année, les licenciements dans les hôpitaux. De cette manière, ces derniers pourraient répondre aux besoins de la population, tout en ne participant pas à l'augmentation du nombre de personnes sans emploi.
Je trouve navrant qu'une bonne partie du Grand Conseil - élu sur sa volonté de maintenir le plein emploi - s'amuse d'un débat portant sur le domaine de la santé publique. En effet, ce sujet touche de très près la population qui ne comprendrait pas que l'on continue à licencier le personnel de l'hôpital, alors que le taux de chômage est très élevé.
C'est pourquoi je vous propose de voter cet amendement, afin de participer au maintien de ces postes, socialement utiles.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). A l'origine, le groupe des «Verts» aurait souhaité le renvoi de cette motion en commission.
Comme je l'ai mentionné auparavant, nous pensons qu'une discussion devrait avoir lieu sur la question suivante : lorsque l'on parle des effectifs dans les EPM, quels sont les critères pris en considération ? En effet, des facteurs, tels que le nombre de lits et le nombre de postes, sont ridiculement peu explicites par rapport à l'activité hospitalière.
Cependant, la motion, même amendée, sera acceptée par notre groupe et son renvoi au Conseil d'Etat sera voté par le groupe des «Verts».
Je vous recommande simplement d'ajouter, à la fin de la première invite, aux termes : «les conséquences de ces mesures», une précision concernant les critères d'évaluation considérés : «en tenant compte de l'analyse de l'activité». Dans le contexte hospitalier, le calcul mécanique et simplifié ne nous est d'aucune utilité pour évaluer la qualité des prestations.
La présidente. Nous allons donc passer au vote sur l'amendement proposé par M. Godinat, à savoir maintenir la deuxième invite en la complétant par la mention : «...un moratoire d'une année...».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La présidente. Nous passons au vote de la motion 994, telle qu'elle vient d'être amendée, c'est-à-dire, avec la deuxième invite supprimée.
La proposition de motion est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La motion ainsi amendée est adoptée par 43 oui.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre important de postes qui ont été supprimés dans les établissements publics hospitaliers, tout particulièrement par rapport au personnel soignant;
- le stress croissant du personnel hospitalier;
- l'augmentation de travail demandé à ce personnel en raison de la diminution des effectifs et de l'augmentation du nombre de patients par soignant, avec comme corollaire une diminution de la qualité des soins prodigués;
- le caractère prioritaire des soins hospitaliers dans le cadre des prestations offertes par l'Etat,
invite le Conseil d'Etat
- à présenter un rapport indiquant le nombre de postes de travail par service supprimés dans les établissements hospitaliers ces cinq dernières années, les services supprimés et les conséquences de ces mesures.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons aborder un sujet extrêmement important et douloureux. J'espère que, eu égard à nos institutions, les dérapages que nous venons de vivre ne se reproduiront pas. En effet, au premier dérapage, je suspendrai la séance.
Le 4 novembre 1994, le Grand Conseil a renvoyé à la commission des affaires sociales le rapport mentionné ci-dessus. Après réflexion, il a été admis que la consommation de drogues et la dépendance qui en découle sont d'abord un problème de société avant d'être un problème de santé. Les membres de la commission de la santé ont cependant été invités à participer aux séances de travail, au gré de leurs intérêts et de leurs disponibilités.
Le RD 227 a été mis à l'ordre du jour de la commission sociale, présidée par M. Roger Beer, les 29 novembre, 6 et 20 décembre 1994, 10, 17, 23, et 31 janvier, 7, 14, et 28 février, 7 et 14 mars 1995. M. Claude-Victor Comte, directeur adjoint à la direction générale de l'action sociale, a assisté à nos deux premières séances. Il a été relayé par M. Albert Rodrik, directeur de cabinet du département de l'action sociale et de la santé (ci-après DASS) qui a participé avec assiduité et efficacité à la suite de nos travaux.
Question de terminologie
Toxicomanie: «habitude de consommer un ou plusieurs produits susceptibles d'engendrer un état de dépendance physique et/ou psychique.»
Toxicomane: «qui est atteint de toxicomanie.»
(Dictionnaire Larousse)
Drogués, toxicomanes, personnes toxico-dépendantes, usagers de drogues, consommateurs de drogues, etc., les termes employés pour désigner les personnes correspondant à la définition ci-dessus sont divers. Dans la mesure du possible, la rapporteuse s'est efforcée de respecter les termes employés par les intervenants extérieurs. La dénomination «personne toxicomane» a été employée pour le reste du texte. Dans tous les cas, aucune connotation négative n'est à relever dans le choix d'un terme plutôt qu'un autre.
Travaux de la commission
Lors d'un premier tour de table, la commission s'est interrogée sur la procédure inhabituelle qui consiste à présenter au Grand Conseil un rapport... sur un rapport du Conseil d'Etat. (Ce dernier, présentant lui-même le rapport d'une commission extra-parlementaire!) Il a été précisé que le Conseil d'Etat entendait savoir si le parlement soutenait la politique menée et à venir en matière de toxicomanie, politique ressortissant, par ailleurs, à trois départements: le DASS, le département de justice, police et transports (ci-après DJPT) et le département de l'instruction publique (ci-après DIP). Si nécessaire, la commission pourrait accompagner son rapport d'une motion impliquant, elle, un vote formel.
La commission s'est plue à reconnaître la qualité du rapport de la commission mixte en matière de toxicomanies auquel elle voue prie de vous référer pour tous renseignements complémentaires. Ce rapport, très complet, va d'un rappel historique aux développements futurs, en passant par la description de la situation actuelle des activités préventives, répressives et thérapeutiques. Il se conclut par quelques remarques personnelles de son auteur, le Dr Eichenberger, dont il faut souligner la lucidité et le courage. Suite à la lecture du rapport, la commission a décidé de procéder à diverses auditions.
Audition de M. Guy-Olivier Segond, chef du DASS
M. .
1. La politique genevoise
a) une approche convergente et intégrée
b) sur 3 axes classiques:
I. la prévention (DIP);
II. la prise en charge thérapeutique (DASS);
III. la répression (DJPT);
c) mise en oeuvre par partenaires publics et privés, réunis dans la commission mixte;
d) système d'information et de prévention dans le monde scolaire;
e) utilisation complète des possibilités offertes par la législation fédérale (opportunité de la poursuite).
2. Le réseau de prise en charge
a) deux postulats:
I. le toxicomane qui est prêt à accepter le sevrage doit trouver les possibilités et les institutions qui l'aideront à se libérer de sa dépendance;
II. le toxicomane qui n'est pas (ou pas encore) capable d'accepter le sevrage doit recevoir l'aide qui lui permettra de survivre;
b) un réseau intégré, adapté aux différentes catégories de toxicomanes et aux différences de leur trajectoire individuelle;
c) les trois seuils:
I. seuil haut (abstinence);
II. seuil moyen (acceptation de la dépendance d'un produit qui peut être fourni sur prescription médicale);
III. seuil bas (aide à la survie, bus itinérant de prévention sida, ci-après BIPS).
Il explique qu'à Genève, contrairement à Zurich, il n'y a pas de surenchère électorale, ni de polémique à ce sujet, Cette politique est l'objet d'un large consensus et l'approche convergente des différents milieux concernés instaure un dynamisme entre les différentes fonctions.
Audition du Dr Gérard Eichenberger, président de la commission mixte en matière de toxicomanies et auteur du rapport quadriennal
Le Dr Eichenberger souligne la continuité de la politique en matière de toxicomanie menée ces 15 dernières années par les différents responsables politiques et les approches convergentes des partenaires concernés, publics et privés, réunis dans une même structure. Il tient à exprimer sa reconnaissance aux services de la police et se félicite de la bonne collaboration avec ces derniers. Il rappelle que ce rapport doit être inscrit dans un contexte plus général puisque le peuple suisse aura à se prononcer sur 2 initiatives fédérales en la matière. («Pour une jeunesse sans drogue » et « Pour une politique raisonnable en matière de drogue».)
Il précise encore, que dès 1991, le Conseil d'Etat a mis l'accent sur une politique de réduction des risques; risques encourus, non seulement par les toxicomanes eux-mêmes, mais également par les autres (transmission du VIH, par ex.).
Réponses aux questions des commissaires
- Le nombre de toxicomanes dans notre canton est d'environ 2500, soit à peu près le 1% de la population, chiffre commun à toute l'Europe occidentale. Un millier des toxicomanes avérés suivent un traitement à la méthadone.
- Il pourrait y avoir un nombre égal «d'usagers récréatifs», personnes consommant exceptionnellement de l'héroïne ou de la cocaïne mais insérées dans la société et ne se laissant pas identifier.
- Il est difficile d'évaluer le nombre de «guérisons», surtout si l'on admet qu'elles signifient la disparition de toute dépendance. Ne sommes-nous pas tous dépendants de quelque chose? Il s'écoule environ une quinzaine d'années entre le début de la toxicomanie (durant l'adolescence) et une certaine stabilisation ou retour à la normale (vers la trentaine). Pendant cette période, environ un tiers des toxicomanes décède, un autre tiers «se clochardise» et le dernier tiers réintègre une vie normale.
- A Genève, les institutions ne peuvent plus répondre aux demandes de sevrage vu le manque de places résidentielles (8 mois d'attente au Toulourenc et 4 mois au Centre résidentiel à moyen terme, ci-après CRMT). De plus, après le sevrage, il reste à résoudre le difficile problème de la réinsertion professionnelle des anciens toxicomanes. La préoccupation de la réinsertion devrait d'ailleurs être présente à tous les niveaux d'accueil, dès le seuil bas.
- La durée moyenne d'un traitement à la méthadone est d'environ 2 à 3 ans mais il peut durer beaucoup plus longtemps avec des doses infimes, n'ayant plus qu'un effet psychologique. Le sevrage est progressif, il peut s'effectuer en institution ou par le toxicomane lui-même.
- La méthadone peut être injectable, notamment par des personnes dépendantes de la seringue, c'est-à-dire du geste.
- Les premières impressions à la suite de la création de programmes expérimentaux de distribution d'héroïne sont positives: les intéressés quittent la «scène» et collaborent avec les réseaux mis en place. On ne signale pas d'accident ou de cas de revente du produit. Si ces programmes ont débuté à Zurich plutôt qu'en Suisse romande c'est d'abord à cause de l'importance de la «scène ouverte» de la drogue. Mais le développement de ces programmes implique également un changement des mentalités auquel tous les cantons ne sont pas prêts. On a longtemps véhiculé une image diabolique de l'héroïne et certains estiment encore que la distribution du produit transforme l'Etat en «marchand de mort». De plus, cette distribution contrôlée doit s'intégrer dans un réseau complet d'assistance.
- La distribution contrôlée d'héroïne n'est pas une incitation à la consommation, la marchandise étant déjà accessible et le «plein» de consommateurs atteint.
- La consommation d'héroïne (comme celle des dérivés de l'opium) provoque une accoutumance qui s'installe après 2 ou 3 mois environ. Mais elle ne provoque pas de somnolence, de violence ou d'autres modifications de la personnalité. Elle n'empêche pas un comportement social «normal». Elle est plus nocive pour des personnes déjà fragilisées.
- La prise en charge des toxicomanes par eux-mêmes (ou réseaux de «self-help») est difficile car elle implique une continuité dans l'action et certains moyens.
- Le Dr Eichenberger est, personnellement, favorable à une mise à disposition de seringues propres dans le milieu carcéral qui n'est pas épargné par la drogue; mais ceci nécessite un soutien politique. Il ne faut pas oublier le paradoxe, difficilement acceptable pour certains, qui consiste à incarcérer des usagers de drogues et en même temps à participer à leur processus de consommation.
- En ce qui concerne les détenus atteints du sida et arrivés en fin de vie, le Dr Eichenberger considère que l'accompagnement à la mort et le deuil doivent pouvoir se dérouler normalement. Et cela n'est pas possible en milieu carcéral. Ce n'est pas une question qui touche uniquement les personnes atteintes du sida ou de toute autre maladie grave, mais aussi leurs familles, leurs amis.
- La formation des médecins privés dans le suivi des toxicomanes est dérisoire, quasi inexistante. Là aussi une évolution des mentalités s'impose. Certains éléments du corps médical restent très réticents face à un geste qu'ils considèrent comme criminel. Il existe cependant un groupe de médecins «auto-formés» au traitement à la méthadone.
- Certains toxicomanes n'ayant pas accès à leurs produits de prédilection font appel à des produits de substitution, dont certains médicaments délivrés sur ordonnance qui peuvent être dangereux suivant le contexte de consommation. Ceci implique donc la responsabilité des médecins qui les délivrent.
Le Dr Eichenberger conclut en exposant sa théorie des réactions humaines dans des situations de catastrophe telle que la toxicomanie:
- On commence par nier la réalité et on se comporte comme si elle n'existait pas en rêvant de se retrouver à la situation antérieure.
- On prend ensuite des mesures radicales pour enrayer le phénomène. Elles sont de nature policière, militaire et sanitaire (prohibition, régime juridique d'exception, traitement prônant l'abstinence.)
- On réalise enfin que le phénomène se poursuit et qu'il faut apprendre à vivre avec la drogue en adoptant de nouveaux comportements. C'est la phase que nous connaissons aujourd'hui, où les assistants sociaux, les journalistes... et les députés interviennent.
Audition de la Doctoresse Annie Mino, médecin-cheffe de service adjointe de l'unité pour toxico-dépendants
La Doctoresse Annie Mino se déclare d'accord avec le rapport de la commission mixte. Elle se félicite à son tour de la politique cohérente, menée par tous les acteurs, sans conflit d'écoles de pensée et qui allient partisans de l'abstinence et ceux de la prévention des risques. Une remarque négative cependant: la prévention primaire, particulièrement la prévention dans les écoles, lui paraît insuffisante. L'école est le lieu «privilégié» d'essais de drogues (et pas seulement du haschich!). Une étude anglaise évalue que sur 100 jeunes tentant ces essais, 10 deviennent consommateurs épisodiques et 1 reste «accro». Mme Mino développe la psychologie du jeune qui se sent complexé, mal dans sa peau, qui n'aime pas son image, Et dont les parents eux-mêmes ne sont pas respectés dans leur condition sociale, alors que la société exalte le mythe de la réussite matérielle. Il faut tout mettre en oeuvre pour éviter la marginalisation de ces enfants qui deviendront des adolescents à l'image brisée.
Revenant des Etats-Unis, la Doctoresse Mino est convaincue que, là-bas ou ailleurs, la toxicomanie fleurit de préférence sur la précarité, la misère et les problèmes sociaux (chômage, exclusion, etc.). En revanche, si les causes de la toxicomanie sont les mêmes partout, les méthodes de lutte diffèrent. Si l'on prend la problématique du sida, par exemple, le taux de séropositivité des toxicomanes à New York est de 50 à 60% alors qu'à Genève, il a passé de 30% en 1987 à 10% actuellement. C'est dire que la voie suivie ici est la bonne.
Avec l'honnêteté et la passion qui la caractérisent, Mme Mino explique comment elle a été amenée à abandonner une position quasi dogmatique en faveur de traitements par abstinence rapide, le sida ayant bouleversé la donne. Il y a danger mortel et la première action doit être de sauver la vie. D'où la nécessité de distribution de seringues propres et de traitements à la méthadone, avec sevrages progressifs à la demande.
Elle fait part de son inquiétude à propos de la prévention tertiaire, soit la réinsertion sociale. Si la situation est relativement satisfaisante sur le plan sanitaire, Genève présente, en revanche, des lacunes en matière de réinsertion: toxicomanes (ou anciens toxicomanes) en bonne santé mais exclus du marché de l'emploi. Elle rappelle que la politique cantonale (1981-1988), fondée sur la stricte abstinence, a provoqué le rejet des toxicomanes. Avec le revirement de cette politique, l'accès à la méthadone a retenu jusqu'à 90% des toxicomanes entrés en traitement de maintenance. Actuellement 50 à 55% d'entre eux sont en traitement suivi (méthadone - tous types de sevrages confondus).
Elle souligne encore la fragilité particulière des détenus libérés de Champ-Dollon et qui réclament un accompagnement personnalisé.
Elle conclut en relevant la nécessité d'étendre à la fois les programmes de méthadone et d'abstinence et cite une étude américaine montrant que les coûts sociaux d'un toxicomane non traité sont environ 4 fois plus élevés que ceux d'une personne prise en charge. (Voir annexe I.)
Réponses aux questions des commissaires
- La Doctoresse Mino juge dangereuse l'initiative populaire «Pour une jeunesse sans drogue» qui assimile toute politique de maintenance (y compris la méthadone orale) à un entretien de la toxicomanie, ce qui revient à jeter à la rue 1200 patients traités à Genève avec ce produit de substitution. En revanche, le contre-projet du Conseil fédéral est assez proche de la politique appliquée dans notre canton.
- La liste d'attente pour les traitements ambulatoires à la méthadone pose problème. Toutefois, il faut savoir qu'il s'agit d'une thérapie lourde, impliquant un encadrement technique efficace et un relais des médecins de ville. Or, un praticien ne peut traiter qu'environ 10 patients. Une solution proposée consisterait à administrer ce substitut sans encadrement thérapeutique. La liste d'attente se réduirait mais le risque d'overdose et d'accident augmenterait. La distribution de méthadone au plus grand nombre, sans action thérapeutique et en remettant le sevrage à plus tard n'est pas une bonne solution et a donné de mauvais résultats là où elle a été expérimentée. Cela étant, le service public ne devrait pas être en situation de devoir refuser des patients ni de faire de la distribution sans accompagnement thérapeutique.
- Les soins palliatifs à la méthadone sont dévolus aux cas lourds, sans possibilité de sevrage immédiat. Toutefois, on observe que 20 à 25% des cures, s'étendant sur 15 à 20 mois, sont suivies de sevrages. La méthadone évite les dysfonctionnements et permet aux patients de bien évoluer dans leur vie quotidienne. Après quelques années de traitement, ils sont fatigués de leur dépendance et environ 30% d'entre eux demandent à en sortir.
- A Genève, on a fixé l'âge du traitement à la méthadone à 18 ans, mais on peut abaisser ce seuil après avoir pris l'avis d'un deuxième expert. L'âge moyen de l'installation de la toxicomanie est de 18 ans et 3 mois, âge nettement plus élevé que dans d'autres pays. L'âge moyen des toxicomanes traités à la méthadone est de 27/28 ans. En ce qui concerne les mineurs, les parents sont naturellement impliqués. Il est difficile de préciser le pourcentage d'enfants maltraités et devenus toxicomanes. En revanche, il est reconnu que 80% des toxicomanes féminines ont été, enfants, victimes d'abus sexuels ou de violence.
- L'Angleterre a une approche de l'héroïne différente de la nôtre. Ce produit - très proche de la morphine - y a toujours été admis et utilisé comme antalgique car il arrive à bout de 5 à 10% de douleurs rebelles à tout autre traitement. Au Royaume-Uni, les programmes de distribution d'héroïne sont un succès pour 400 à 500 patients. En Suisse, l'office fédéral de la santé publique conduit des expériences de ce type dans plusieurs villes (250 patients actuellement).
- Il ne faut pas craindre le maintien de la dépendance à l'héroïne par le biais de ces programmes de distribution. On voit des patients qui demandent spontanément à passer à un programme à la méthadone après une certaine période de 3 piqûres quotidiennes d'héroïne.
- La distribution contrôlée d'héroïne ne favorise pas l'émergence d'un marché parallèle. Aux U.S.A., pays de la répression par excellence, on trouve de l'héroïne à 10 F le gramme. Il reste de nombreuses inconnues dans cette problématique. Comme, par exemple, le fait qu'on ne trouve pas de crack à Genève alors qu'il en circule dans d'autres villes suisses.
- C'est la pureté de la drogue - et non sa mauvaise qualité - qui a causé quelques accidents récemment. Et en général, les coupages se font avec de «bons» produits, les «dealers» étant des commerçants soucieux de fidéliser leur clientèle.
- On ne peut exclure que l'évacuation du Letten provoque une onde de choc dans notre canton, mais les contacts avec les responsables zurichois établissent que peu de Genevois y sont présents et actifs.
- Il faut développer et diversifier les lieux de prévention et de prise en charge, impliquer les quartiers, les médecins de ville, les pharmaciens. A cet égard, l'expérience du Programme de recherche interinstitutionnel de prévention (ci-après PRIP) a été positive.
La Doctoresse Mino conclut en réaffirmant que la pauvreté et l'exclusion sont des facteurs de risques mais qu'on trouve aussi des toxicomanes issus de milieux aisés et/ou bénéficiant d'un contexte familial positif. Il n'y a pas de protection absolue contre ce danger. Elle s'insurge donc contre la culpabilisation des parents et souligne l'importance de l'assistance réciproque que les familles touchées peuvent se prodiguer entre elles.
Audition de MM. Christophe Mani et Alexandre Friedli, coordinateur responsable et collaborateur du BIPS
En préambule, M. Mani remercie les députés de leur intérêt pour le BIPS ainsi que les autorités de la confiance et du soutien qu'elles ont apportés à cette activité qui n'allait pas de soi au départ.
Le BIPS est l'un des secteurs du Groupe Sida Genève (ci-après GSG), antenne régionale de l'Aide suisse contre le sida et dont les activités sont les suivantes: information, prévention, conseils juridiques en matière de sida, soutien et accompagnement des personnes concernées et de leurs proches, etc. Le BIPS est en activité depuis 3 ans et stationne alternativement en 2 lieux entre 17 h 30 et 22 h tous les soirs de l'année (quai Général-Guisan et Plainpalais.)
Objectifs
· Réduire les risques de transmission du VIH.
· Responsabiliser les consommateurs par rapport au VIH.
· Aller à la rencontre des personnes marginalisées et ne fréquentant pas les services de soins.
· Servir de relais avec ces structures.
Prestations
· Accueil
· Distribution de matériel d'injection.
· Conseils d'hygiène d'injection.
· Distribution de préservatifs.
· Information en matière de sida.
· Orientations.
Bilan
· Fréquentation stable: 80 à 100 contacts par jour (environ 2000 personnes différentes rencontrées en 3 ans).
· Seringues distribuées: plus de 420 par jour.
· Seringues retournées: 76% en moyenne en 1994 (en nette augmentation depuis que la police a arrêté de mettre des amendes pour port de seringues).
M. Mani se félicite de la bonne collaboration entretenue avec les services de police, ce qui est essentiel à la réussite de ces actions de terrain. Il signale, par ailleurs, qu'il donnera prochainement une information à ce sujet à tout le corps de gendarmerie.
Contrairement aux craintes qui s'étaient manifestées au départ, le BIPS n'a provoqué aucune concentration d'usagers de drogues, il n'a pas créé de «scène ouverte», il s'est bien intégré dans le voisinage et n'a pas troublé l'ordre public. C'est le genre de projet qui ne peut se réaliser sans qu'il y ait une volonté politique et un soutien de tous les partenaires concernés.
La seringue n'est pas une incitation à la consommation et son accès facilité ne provoque pas d'accroissement du nombre de consommateurs. Distribuer du matériel d'injection, ce n'est pas un sabotage du processus de traitement, ce n'est pas non plus baisser les bras mais c'est vivre la réalité de la toxicomanie.
Le BIPS est considéré à la fois comme un repère, un accueil et un relais avec d'autres structures d'aide médicale et sociale avec lesquels prennent contact la majorité des consommateurs. Ces derniers se montrent responsables, jouent le jeu de la prévention et cherchent à se maintenir en santé malgré les situations de dépendance. Les règles de base sont respectées: pas de trafic, d'injections, de concentration ni de violence aux abords du BIPS.
M. Mani souligne également que les études menées montrent une diminution du partage des seringues. On constate aussi une stabilité, voire une diminution de la séropositivité et une amélioration de l'état de santé globale des consommateurs.
En regard de ces constats, le GSG estime mener une action cohérente, tant sur le plan du sida que sur le plan de la drogue. Elle s'intègre dans les programmes dits de «bas seuil d'accès», programmes qu'il s'agirait de renforcer.
Propositions
Dans le cadre de leur activité au BIPS, M. Mani et son équipe ont été amenés à constater d'autres besoins auxquels il faudrait pouvoir répondre. Deux propositions concrètes sont formulées:
1. Un lieu d'accueil fixe, ouvert la journée et destiné à accueillir tous les consommateurs de drogues et pas seulement les utilisateurs de seringues. (L'inhalation est fréquente, surtout chez les jeunes.) Ce lieu devrait être un espace d'accueil, d'écoute, de repos, permettant une intervention précoce auprès des jeunes, de renforcer les mesures de prévention du sida et de répondre à des besoins sanitaires et d'hygiène. Il serait complémentaire au BIPS et ces deux activités pourraient appartenir à la même structure. Ce projet a déjà été étudié par une commission mandatée par le Conseil d'Etat et son rapport a été déposé au printemps 1994.
2. Le projet «Boulevard» est actuellement étudié par le GSG et l'association Aspasie. Il s'agirait d'offrir une présence plusieurs soirs par semaine près des lieux de prostitution des personnes toxicomanes. (A ce propos, M. Rodrik précise que les personnes toxicomanes qui se prostituent pour obtenir l'argent leur permettant d'acheter de la drogue, et les personnes prostituées qui, par ailleurs, ont recours aux drogues, sont deux réalités différentes à ne pas confondre.) Ces personnes sont souvent très jeunes, désespérées et subissent de fréquentes pressions de leur clientèle pour ne pas utiliser de préservatifs. Ce projet s'inscrit dans une politique de réduction des risques liés à la fois à la consommation de drogue et à la prostitution.
M. Mani ajoute encore qu'il est d'accord avec la nécessité de répondre encore à d'autres besoins évoqués dans le rapport de la commission mixte: augmentation des places de sevrage, prévention du sida dans les prisons, amélioration des conditions d'injection, création de lieux d'hébergement et d'emplois.
Il conclut en affirmant que la pénalisation de la consommation et le marché noir provoquent des conséquences plus négatives que la consommation elle-même. (Délinquance, prostitution, violence, emprisonnement, marginalisation.) Il se prononce en faveur des programmes de distribution contrôlée d'héroïne, d'une dépénalisation de la consommation de drogue. (Pourquoi des drogues légales et d'autres qui ne le sont pas?) Et il revendique une modification du statut des consommateurs de drogues qui devraient être considérés comme des partenaires dans les décisions qui les concernent et qui, par conséquent, devraient être représentés à la commission mixte.
Réponses aux questions des commissaires
- A propos du nombre de seringues retournées, il faut savoir que plus la pression policière est forte, plus les consommateurs auront tendance à s'en débarrasser.
- Les lieux d'accueil les plus efficaces sont ceux qui sont proches des lieux de consommation.
- Un véritable partenariat s'est instauré avec les pharmaciens qui font également un excellent travail dans l'échange de seringues. Une charte de la distribution de seringues est actuellement en vigueur, des sachets d'acide ascorbique avec les logos des pharmaciens et du BIPS sont aussi proposés.
- On rencontre effectivement un certain nombre de personnes, très mal en point suite à la consommation de médicaments prescrits par des médecins et qui dans certains cas sont revendus à d'autres consommateurs. L'anonymat des personnes fréquentant le bus rend difficile une intervention auprès de leur médecin. Mais une information à ce sujet a été faite auprès du médecin cantonal et du pharmacien cantonal.
- La détresse et la misère provoqués par la dépendance sont identiques, qu'il s'agisse de produits interdits ou non, mais les problèmes judiciaires aggravent encore la situation des consommateurs de produits illégaux. La difficulté est de savoir comment affronter cette réalité sans devenir complice d'un trafic.
Audition de Mme Hélène Braun-Roth, présidente d'ARGOSet de M. Dominique Blanc, directeur institutionnel
Mme Braun-Roth explique que l'association ARGOS a été créée en 1977 sous l'appellation «Association pour la création de dispositifs thérapeutiques en faveur des toxicomanes». Elle est devenue en 1992, ARGOS, association d'aide aux toxicomanes. En 1978, elle ouvrait une première institution, le TOULOURENC, qui accueille des résidents pour des séjours de longue durée. En 1987, s'est ouvert le CRMT pour des séjours à moyen terme, d'environ 3 mois. Dans les deux institutions, les résidents sont accueillis selon les principes d'une entrée volontaire et de la non consommation de drogue.
ARGOS a été associée au programme PRIP (action de prévention auprès des toxicomanes prostituées) ainsi qu'au programme interinstitutionnel de distribution de méthadone (ci-après PRIM).
Cette évolution des objectifs d'ARGOS a débouché, après réflexion, sur une charte où l'association réaffirme son identité et ses buts et qui figure dans son rapport d'activité 1993:
«... ARGOS en tant qu'intervenant social et relationnel agit dans une perspective globale de lutte contre l'exclusion et d'encouragement à l'insertion. Ses valeurs et finalités ont pour nom, solidarité, respect de la dignité humaine, vision globale de la personne. La souffrance que génère la toxicomanie doit nous inviter à rejoindre les personnes là où elles sont et à cheminer avec elles hors de la toxicomanie...»
Mme Braun-Roth constate que la prise en charge socio-thérapeutique dans le cadre des programmes d'abstinence met souvent en évidence certains troubles psycho-pathologiques cachés par la consommation. Ceci génère une certaine fragilisation et exige une structure et un encadrement adéquats. Elle déplore les délais d'attente pour l'entrée au CRMT et au TOULOURENC.
Elle explique encore qu'à la suite de la dissolution de l'Association genevoise d'aide aux drogués et à leur famille (ci-après AGADEF), il était urgent de combler le vide en matière d'aide aux familles des personnes toxico-dépendantes. ARGOS a obtenu du DASS, un montant prélevé sur la dîme de l'alcool qui a permis la création d'un poste à 75%, destiné à une action de prévention communautaire et participative, s'adressant spécifiquement aux familles concernées. Les besoins sont grands et il serait souhaitable d'élargir cette permanence à deux postes et demi.
M. Blanc remarque qu'autrefois les institutions absorbaient sans grande difficulté les demandes de traitement qui étaient moins nombreuses qu'aujourd'hui; la prévention était aussi moins développée. On assiste à une demande considérable de demandes de sevrages et de traitements. (Voir annexe II.)
Il souligne qu'une fragilisation extrême de la population accueillie est apparue et qu'elle a entraîné une augmentation des ruptures de traitement. Avec pour conséquence un retour dans le circuit de la consommation. Un sentiment d'échec est alors ressenti, aussi bien par les équipes de traitement que par les personnes toxico-dépendantes.
ARGOS espère pouvoir installer le CRMT dans de nouveaux locaux dans un proche avenir. Ces locaux permettraient d'accueillir 12 personnes (au lieu de 9 actuellement). L'augmentation des possibilités d'accueil dans le programme thérapeutique à long terme (TOULOURENC) devient aussi urgente. De plus, il serait nécessaire de renforcer l'accompagnement à la sortie afin de faciliter la réintégration totale dans la société. Le grand problème reste toutefois le cloisonnement entre les différentes structures. Une réflexion a été engagée sur un système plus souple. Il s'agirait de suivre la personne avant, pendant et après son passage dans les unités. Cela permettrait de mieux personnaliser le traitement et cette individualisation donnerait plus de souplesse dans les admissions.
L'attente est également un sujet de préoccupation pour les patients. Cette période se caractérise par une absence d'activités. Et tous réclament un lieu d'accueil de jour, un atelier d'occupation pour les aider à garder leurs motivations jusqu'à ce qu'une place se libère.
Réponses aux questions des commissaires
- Le suivi linéaire des personnes n'implique en aucun cas un «contrôle social». Il s'agit d'éviter les coupures entre les structures afin de mieux soutenir les patients et éviter les rechutes. Aujourd'hui, il peut arriver qu'une personne ayant effectué un sevrage à l'unité hospitalière des Crêts (division pour toxico-dépendants) doive attendre pour être admise au CRMT si celui-ci est complet.
- Un sevrage total, sans passer par la méthadone, est possible mais difficile et peu fréquent. Dans la plupart des cas, on passe par un traitement de substitution à la méthadone.
- Les équipes d'unités travaillent aujourd'hui au maximum de leur capacité. A long terme, elles ne pourront répondre à toute la demande et l'augmentation du nombre de places impliquera de nouveaux effectifs.
- L'établissement de statistiques sur le taux de succès des programmes socio-thérapeutiques des deux institutions est en cours. On estime qu'il y a échec quand la personne revient. Le taux de réussites est d'environ 70% sur 1 à 2 ans. Au-delà, il n'y a pas de statistique.
- Les personnes sortant du TOULOURENC restent d'une extrême fragilité et il est assez rare qu'elles deviennent de véritables partenaires, pouvant servir de relais dans un processus de solidarité avec de nouveaux toxicomanes.
- Les personnes souffrant de troubles psycho-pathologiques (cas fréquents) et sous neuroleptiques, voient leur contrat d'admission négocié avec leur psychiatre: l'entrée en traitement est conditionnée à l'arrêt des médicaments.
Audition de MM. Gérard Ramseyer, chef du DJPT, et Urs Reichsteiner, chef de la Sûreté
M. Ramseyer indique en préambule qu'il n'est pas un expert en matière de toxicomanie et qu'il a, comme chacun, une approche personnelle de la question.
Il regrette que son département n'ait pas été représenté à la commission mixte dès le début, particulièrement les services de la police.
Comme d'autres avant lui, il rappelle que le succès de la politique genevoise est dû à l'interaction de quatre types d'interventions: préventives, répressives, sanitaires et sociales.
Le problème qui se pose aujourd'hui au DJPT est de savoir s'il lui faut poursuivre la même politique. Il faut en déterminer les points faibles et examiner si l'on peut faire encore mieux. Il est important de décider où doit porter l'effort principal. Par exemple: drogue ou grand banditisme? Les priorités en matière de police doivent être bien définies. Actuellement, l'accent est mis sur une présence policière dans les rues, ayant un aspect dissuasif (politique du harcèlement). M. Ramseyer fait état d'un séminaire de son département qui a réuni l'an dernier différents partenaires dans le domaine de la consommation de drogue et du trafic. Il en est ressorti que l'aéroport de Contrin se révèle être un point faible de la politique appliquée et qu'il faudra renforcer l'équipe en place.
Il évoque ensuite la situation à Zurich où la «scène ouverte» devrait bientôt disparaître. Il rappelle que des aides d'autres cantons sont requises et notamment la «récupération» de leurs ressortissants. Le chef du département a les plus grands doutes quant à la légalité d'une action tendant à venir arrêter des ressortissants genevois en territoire zurichois. Il n'y a en revanche pas de problème pour venir renforcer la police locale.
M. Reichsteiner présente ensuite quelques principes d'engagement de la police.
- En matière de consommation, le principe est de déclarer en contravention le consommateur de produit illégal. Il faut toutefois tempérer ce principe par celui de l'opportunité de fait. On ne déclare plus en contravention une personne en possession de matériel d'injection. Il signale, à ce propos, la fructueuse collaboration qui s'est instaurée entre ses services et l'équipe du BIPS.
- En matière de trafic, un mandat d'amener est délivré et la personne impliquée est mise à disposition du juge. S'il s'agit de petites quantités, elle peut être relâchée immédiatement.
- En matière de concentration, la technique policière appliquée est le harcèlement. Il y a en permanence des agents dans la rue afin d'éviter une «scène ouverte».
- En matière d'opération infiltrée, il existe deux types d'interventions. L'engagement d'un agent infiltré (pour autant que la drogue soit déjà en Suisse et que le vendeur ait fait des démarches concrètes en vue de la revente). Et la livraison sous couverture, opération complexe visant à trouver la destination des «mules» arrivant à Genève.
M. Reichsteiner conclut en remarquant que des directives du pouvoir politique peuvent intervenir dans l'application de ces principes.
Réponses aux questions des commissaires
- Aux reproches portant sur une politisation et une médiatisation d'un sujet aussi délicat que la toxicomanie, ainsi que sur des déclarations fracassantes à ce propos, le chef du département répond qu'il n'y a jamais eu d'autre politique que celle préconisée par la commission mixte. Quant à la médiatisation de quelques affaires récentes, ce n'est pas le fait du Conseil d'Etat mais bien des milieux impliqués. Par ailleurs, il faut être lucide et savoir avertir des dangers potentiels d'une situation.
- M. Ramseyer a la ferme volonté d'éviter les erreurs commises ailleurs et les dérapages. Dans cet esprit, il s'est rendu à Zurich pour rencontrer des responsables politiques. Il a également visité divers centres pénitenciers accueillant des toxicomanes.
- La politique de concertation mise en place il y a une quinzaine d'années n'est pas remise en cause par l'actuel chef du DJPT.
- A la remise en question de l'efficacité de la répression policière et d'une politique de prohibition, M. Reischteiner précise qu'il est un fonctionnaire appelé à appliquer une loi répressive. Et derrière cette loi existent encore des conventions internationales tout aussi répressives. Il n'a pas à entrer dans ce débat.
- La lutte contre les gros trafiquants nécessite des moyens importants. A ce propos, il faut rappeler que la nouvelle loi genevoise sur l'affectation des saisies de fonds provenant du trafic de drogue, diminue la part financière attribuée à cette lutte.
- La répression ne représente pas seulement l'arrivée dans un univers policier et judiciaire, avec toute la détresse que cela implique mais peut permettre aussi d'instaurer un moment où faire passer un message de prévention.
- Le débat sur la dépénalisation doit avoir lieu et on peut être favorable à cette approche. Il n'en demeure pas moins qu'on doit continuer à poursuivre les personnes arrivant avec armes et usant de violence.
- Il y a divergence dans la volonté politique exprimée par les cantons quant à l'application de la loi fédérale sur les stupéfiants. Mais celle-ci suffit amplement à conduire le travail de la justice.
- Il y a parfois des blocages au niveau d'opérations intercantonales d'importance et cela provient de l'arsenal législatif; chaque canton ayant son propre code de procédure pénale.
- La seule consommation d'un produit illégal n'amène pas à la prison, à moins qu'il y ait trafic ou autre délit.
- Les lieux d'accueil ne sont pas incompatibles avec une politique de harcèlement pour autant qu'il n'y ait pas de local d'injection et de distribution.
- Tout conducteur ayant consommé un produit illégal et en infraction à la loi sur la circulation routière est signalé au service des automobiles et de la navigation.
Rappelons à propos de cette dernière question, que, légalement, la conduite en état d'ébriété est un délit et tombe sous le coup du droit pénal, alors que la conduite sous l'influence de drogues ou de médicaments est considérée comme une simple contravention, pour autant qu'il n'y ait pas de violation des règles de la circulation. Il faut préciser que, dans le deuxième cas, la preuve est plus difficile à fournir et que le test permettant de déceler des traces de drogues dans l'urine ne dit rien des effets de cette consommation sur la capacité à prendre le volant.
Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, cheffe du DIPet de M. Jean Lehmann, directeur de l'office de la jeunesse
Mme Brunschwig Graf explique que les interventions de son département relèvent de la prévention, un des piliers de la lutte contre la toxicomanie. Elle précise que le DIP aborde le problème des dépendances d'une manière globale et dans le cadre de programmes d'éducation à la santé. Les intervenants sont des éducateurs pour la santé, travaillant en liaison directe avec les travailleurs sociaux des établissements scolaires ainsi qu'avec des médecins, des infirmières ou autres professionnels des services de l'office de la jeunesse. On fait également appel à des intervenants de l'extérieur, personnes concernées par exemple, qui apportent leur témoignage. Mme Brunschwig Graf souligne encore la bonne collaboration entre les départements concernés.
Suite à des demandes de précision sur les programmes d'éducation àla santé, deux documents sont distribués aux députés: «Education pour la santé - Prévention» (novembre 1993) et «Prévention des toxico-dépendances auprès des jeunes» (1994-1995). Vous trouverez en annexe III les éléments les plus importants de ce dernier document.
M. Lehmann précise encore que 14 postes, correspondant à 28 personnes, sont actuellement à disposition pour l'éducation à la santé. Des tentatives sont faites pour mobiliser d'autres partenaires.
Réponses aux questions des commissaires
- Les parents ayant des doutes et des craintes sur un éventuel début de toxicomanie chez leur enfant, peuvent s'adresser aux conseillers sociaux et scolaires des cycles d'orientation, aux assistants sociaux ou aux doyens et directeurs des collèges ou encore directement à l'office de la jeunesse.
- Les interventions ponctuelles, exposition itinérante, sensibilisation, etc., se font effectivement à la demande. (Ce qui surprend les commissaires.) «A la demande» est une formule qui n'impose pas. Elle se justifie dans le sens où il est difficile d'entrer à l'école en tant que non enseignant. Il faut du temps pour se faire accepter. Une obligation généralisée représenterait «un coup de tonnerre dans un ciel bleu» et irait à fin contraire. L'efficacité d'une intervention dépend d'un besoin ressenti et énoncé.
- Tous les établissements ont fait des demandes d'intervention.
- Il y a une certaine diversité dans les dispositifs: cours, ateliers, expositions, etc., visant tous le même objectif.
- Un groupe de liaison pour la prévention réunit 2 ou 3 fois par année les structures d'intervention afin d'avoir une vision globale de la situation et de favoriser les actions. Il est nécessaire que l'office de la jeunesse examine ce qui a été fait dans les écoles en fonction de la liberté laissée.
- Il est également répondu à des demandes d'interventions émanant d'écoles privées.
- Il n'est pas exclu que d'anciens toxicomanes soient engagés pour participer à ces programmes. Cette possibilité reste cependant aléatoire en raison de leur fragilité et du fait qu'ils n'ont souvent pas envie de parler d'un passé douloureux. D'autre part, c'est à double tranchant, le message reçu pouvant être plutôt encourageant: puisque certains sortent si bien de la toxicomanie, est-il vraiment si grave d'y goûter? Les témoignages d'anciens alcooliques ou de personnes séropositives sont en revanche très appréciés.
- L'information donnée aux parents, notamment par la distribution de prospectus, atteint surtout les parents déjà motivés et francophones. Pour les autres, il y a probablement déficit d'information. Mais les associations de parents peuvent, elles, toucher un public plus large.
- Une formation de base d'une année a été mise sur pied par le département pour les éducateurs à la santé qui sont en général de niveau universitaire. Elle est complétée par la suite.
- Les enseignants n'ont pas à se substituer aux éducateurs à la santé même si c'est souvent eux qui décèlent des problèmes chez leurs élèves. L'important est d'offrir aux élèves comme aux parents l'accès à toutes les sources d'information et de conseils existantes.
- A un député ayant interrogé sans succès quelques élèves du CEPIA à propos d'une information scolaire sur les toxico-dépendances, il est répondu qu'un groupe spécial y a été mis en place. Il réunit élèves, enseignants et médecins autour du thème de la santé communautaire et de la préservation de sa propre santé.
- Il n'y a pas d'évaluation proprement dite des mesures de prévention auprès des jeunes. D'après les personnes impliquées, il semble qu'une prise de conscience se manifeste de plus en plus chez les jeunes ainsi qu'un moindre intérêt pour la drogue. Ce qui est certain, c'est qu'une prévention générale, portant sur la préservation de la santé, est plus efficace qu'une intervention spécifique sur un produit.
Visionnements
En plus des auditions relatées ci-dessus, les députés ont encore visionné deux films.
Une émission de «Temps présent» de la télévision romande, intitulée:
«Drogue, une guerre perdue?»
Constatant l'échec de la politique de prohibition en matière de toxicomanie, ses auteurs présentent les nouvelles approches du problème. Trois expériences sont relatées.
Un essai de distribution de méthadone injectable dans le canton de Fribourg. (Résultats mitigés.) Deux programmes de distribution d'héroïne sous contrôle médical. L'un à Cheltenham en Grande-Bretagne et l'autre à Zurich. Les témoignages recueillis dans ces deux lieux sont particulièrement révélateurs de l'amélioration physique, morale, ainsi que de l'insertion sociale des personnes participant à ces programmes. (Toutes déclarent d'ailleurs vouloir un jour sortir complètement de leur dépendance.) Reportage fort et dérangeant, amenant à remettre en question bien des idées reçues. Deux images ont particulièrement frappé la rapporteuse. Celle de la jeune mère de famille anglaise, aux yeux fatigués, son dernier bébé sur les bras. Elle expliquait avec calme et lucidité la chance qu'elle avait de participer à ce programme qui lui permettait de continuer à assumer elle-même les tâches familiales. Autre image forte: celle du policier zurichois, au Letten, frustré et découragé par l'ordre reçu de ne plus procéder à de nouvelles arrestations pendant trois jours, faute de place dans les prisons...
Un petit film, produit par le GSG et intitulé:
«Arrêt facultatif»
Il traite de l'expérience du BIPS à Genève et donne la parole à des représentants des usagers, du Conseil d'Etat, de la police, des pharmaciens. Tous disent leur satisfaction devant la réussite de cette activité et leur désir de la voir se poursuivre.
En toile de fond
A ce stade de nos travaux, il est utile de rappeler qu'ils s'inscrivent dans le contexte général de la politique suisse en matière de drogue. Plusieurs événements ont marqué l'actualité de ces deux dernières années.
- Dépôt de l'initiative populaire «Jeunesse sans drogue» en 1993. Soutenue par les milieux de droite, elle entend s'opposer à la politique du Conseil fédéral en la matière. Elle plaide pour une politique fondée sur les trois piliers de la répression, de la prévention et du traitement mais rejette la stratégie de l'«aide à la survie» sous toutes ses formes (distribution de seringues, locaux de proximité, prescription de stupéfiants).
- Dépôt de l'initiative «Pour une politique raisonnable en matière de drogue» en 1994. Provenant de la Communauté pour la légalisation de la drogue, elle porte la critique sur la répression et la prohibition qui seraient la cause principale de la situation actuelle. Elle demande la dépénalisation de la consommation ainsi que la remise contrôlée de drogues aux personnes dépendantes, même sans traitement médical.
- Publication en juin 1994 d'un document commun, intitulé «Pour une politique des drogues cohérente» par les partis gouvernementaux PRD, PS et PDC. Considéré comme une «troisième voie», il contribue à mettre fin à la polarisation actuelle et à favoriser le dialogue afin de trouver une majorité politique sur des propositions réalisables à court terme. Pour les trois partis, il faut «maintenir à un niveau aussi bas que possible l'étendue des pharmaco-dépendances. En outre, les conséquences individuelles de nature médicale ou sociale (coût social, criminalité due aux difficultés d'acquisition, prostitution destinée à financer l'acquisition, troubles de l'ordre public par le commerce de drogue organisé) pourraient être atténués.» Ils ont soumis, avec des réserves sur certains points, six propositions.
1. Mesures préventives comprenant l'identification des individus menacés de dépendance et le traitement précoce des consommateurs de drogues débutants.
2. Création de possibilités éducatives pour faciliter les prises de décision des concernés et pour créer une motivation en faveur d'un traitement.
3. Traitement médical des personnes sérieusement dépendantes (de drogues) comprenant la prescription médicale de différents médicaments, y compris l'héroïne si elle est médicalement indiquée et mesures pour assurer la survie des personnes dépendantes.
4. Impunité de la consommation de drogues comprenant l'acquisition et la détention de petites quantités de drogues destinées uniquement à la consommation propre.
5. Mesures plus efficaces pour combattre la grande criminalité.
6. Politique des drogues cohérente pour toute la Suisse.
- En avril 1994, le Conseil fédéral examine les deux initiatives qu'il juge extrêmes et opte pour une «voie moyenne» qui sera définie dans un contre-projet à l'initiative «Pour une jeunesse sans drogue». Toujours fondée sur les quatre piliers (répression, prévention, thérapie et aide à la survie), la position du Conseil fédéral se rapproche beaucoup de celle des trois partis exprimée dans leur plate-forme.
- En novembre 1994, la Société suisse pour une politique de santé formule 14 thèses qui vont dans le même sens. De même, les milieux économiques prennent position en faveur de la politique suggérée par les trois partis gouvernementaux.
- Le Conseil fédéral institue en outre, en automne 1994, un groupe d'experts chargé de la révision de la loi sur les stupéfiants.
- Fin 1994, le Conseil fédéral met en consultation son contreprojet auquel le Conseil d'Etat genevois apporte son soutien en janvier 1995, moyennant deux remarques rédactionnelles. «L'esprit général de ce contreprojet nous paraît adéquat et s'apparente à la politique suivie par les autorités genevoises depuis une quinzaine d'années. Nous ne pouvons que lui apporter notre appui.»
- Les 13/14 février 1995, les autorités zurichoises ferment le Letten, évacuant toxicomanes et «dealers». Cet événement fait l'objet d'une déclaration très ferme du Conseil d'Etat genevois au Grand Conseil, le 16 février, à propos des ressortissants genevois concernés. «En ce qui concerne les personnes toxicomanes d'origine genevoise qui souhaitent se faire traiter médicalement et se faire aider socialement, le dispositif genevois, qui compte un centre de sevrage, deux unités résidentielles, des consultations médicales publiques et privées, plusieurs centaines de places de prise en charge à la méthadone, ainsi que le bus itinérant de prévention Sida, est prêt à les accueillir. En ce qui concerne les personnes qui sont évacuées dans les autres cantons, le gouvernement genevois n'entend pas s'immiscer dans les affaires intérieures d'un canton confédéré et porter des jugements de valeur sur sa manière d'affronter tel ou tel problème. Mais le gouvernement genevois n'entend pas davantage apporter son aval à l'expulsion pure et simple des personnes se trouvant légalement dans un canton, qui sont ramenées par la contrainte dans d'autres communes: la libre circulation et le libre établissement des Suisses et des étrangers sont deux principes fondamentaux de notre système constitutionnel et de notre Etat de droit. Même si seuls 31 Genevois - sur 3000 personnes ayant passé par le centre de refoulement - sont concernés, il n'est pas admissible que des agents en civil de la police zurichoise ramènent des personnes toxicomanes supposées avoir leur domicile dans notre canton, par train ou par voiture jusqu'au centre de consultation de la rue Verte. C'est pourquoi, le gouvernement genevois regrette de telles pratiques qui foulent au pied des principes fondamentaux de notre société et de notre Etat de droit.» Un accord est finalement conclu entre les autorités genevoises et zurichoises. Selon cet accord, lorsqu'une personne toxicomane genevoise est recueilli à Zurich, un collaborateur genevois se rend auprès de lui afin de lui proposer une aide médico-sociale dans notre canton. La personne est libre d'accepter ou de refuser cette prise en charge. En cas de refus, elle est relachée.
- Le 18 février 1995 a lieu a Berne la conférence nationale sur la drogue, véritables états généraux de la drogue, réunissant responsables politiques, experts, médecins, travailleurs sociaux, toxicomanes, parents, sous la houlette de Ruth Dreifuss et d'Arnold Kohler. La voie médiane du Conseil fédéral y est réaffirmée. Et même si le clivage entre tenants d'une politique libérale et ceux d'une ligne plus dure ne s'est pas comblé, le fait qu'ils s'assoient à la même table pour tenter de sortir des guerres de religions est en soi positif. De même l'appel des conseillers fédéraux en vue d'intensifier la collaboration entre la Confédération, les cantons et les communes, ainsi qu'entre tous les intervenants de terrain, semble avoir été entendu.
- L'organe international de contrôle des stupéfiants de l'ONU autorise la Suisse à augmenter le nombre de participants aux essais de distribution d'héroïne sous contrôle médical qui pourront passer de 250 à 500 dans un premier temps, puis à 1000 à terme. Il donne également son feu vert à l'augmentation de l'importation suisse d'héroïne.
- Mars 1995, le Conseil fédéral renonce finalement à son contreprojet aux deux initiatives populaires qui iront seules en votation.
Avant de terminer ce chapitre, signalons encore que le Parlement des jeunes de la Ville de Genève s'est aussi penché sur le problème de la toxicomanie. Il conclut ses travaux en décidant «de ne pas privilégier une seule option mais plutôt de développer une mosaïque de mesures - même audacieuses - qui soient à la hauteur des multiples facettes du fléau que sont les drogues.»
· Développement de la prévention (dans les écoles, les médias, les pays producteurs).
· Abandon des mesures pénales envers les consommateurs et autres «dealers» tout en durcissant la répression à l'égard des gros trafiquants.
· Poursuite de la politique de réduction des risques appliquée aux toxicomanes les plus touchés.
· Distribution contrôlée de stupéfiants s'accompagnant d'un soutien social, psychologique et médical.
· Libéralisation progressive des drogues douces (cannabis et dérivés) au même titre que l'alcool et le tabac.
Discussion générale
Après les auditions ayant permis de compléter l'information des députés sur la situation genevoise en matière de toxicomanie, ces derniers s'expriment alors plus personnellement. Qu'ils soient médecins et/ou parents, ou encore simplement en tant que politiciens, ils font part de leurs préoccupations et de leurs propositions.
Précisons d'abord que tous les députés se rejoignent dans l'appréciation de la gravité du problème. Si l'accent est mis sur un point plutôt que sur un autre suivant les députés, on ne relève pas entre eux un fossé tel que celui séparant partisans et adversaires des deux initiatives fédérales. Grâce, probablement, à la manière dont on a géré le problème dans notre canton, toutes ces dernières années et qui a empêché les débordements dramatiques constatés ailleurs. La politique genevoise a fait ses preuves, elle est jugée satisfaisante, même si on n'a pas encore répondu à tous les besoins. Le climat qui a régné au cours de nos travaux est resté serein, les interventions mesurées et constructives et à aucun moment on n'a versé dans une polémique stérile.
Certains estiment qu'un effort plus important doit être porté sur l'information et la prévention à tous les niveaux. Et ce dès la petite enfance, où des cas de maltraitance peuvent déboucher plus tard sur la toxicomanie. On insiste sur la nécessité de renforcer les activités scolaires d'information et de prévention. On cite l'envergure des campagnes nationales sur le sida pour s'étonner qu'on n'en fasse pas autant pour la toxicomanie. Et pourquoi parle-t-on si peu des familles? On souligne leur rôle de partenaires dans cette lutte, ainsi que l'importance de l'information plus systématique qu'elles doivent recevoir, quelles que soient leur origine et leur langue.
D'autres, au contraire, pensent que les causes de la toxicomanie sont si diverses et parfois inconnues, qu'il faut relativiser l'efficacité de la prévention. Sauf, peut-être, en ce qui concerne le lien - souligné par la Doctoresse Mino - entre le contexte social dans lequel vivent certains jeunes et leur propension à s'adonner à la toxicomanie.
L'importance d'une politique libérale en matière de drogue est soulignée à plusieurs reprises par des députés.
Ne devrions-nous pas aussi faire oeuvre de pionnier dans le domaine de la réinsertion sociale et professionnelle des personnes toxicomanes, même si la conjoncture économique et le chômage rendent cette tâche extrêmement difficile. Le rapport de la commission mixte fait plusieurs propositions à ce sujet.
La possibilité de profiter d'une détention pour traiter une personne toxicomane délinquante est abordée. Or, il peut être très dangereux de lui imposer un sevrage brusque, ayant pour conséquence des risques d'overdose ou de suicide à sa sortie. En revanche, les traitements de substitution à la méthadone sont une pratique acceptable et fréquente. Par ailleurs, une structure telle que le TRAM - qui fonctionne sur le même schéma thérapeutique que le TOULOURENC - offre la possibilité à la personne toxicomane qui le souhaite d'y purger sa peine tout en s'engageant dans un processus de désintoxication. Il existe aussi le centre de sociothérapie La Pâquerette qui peut prendre la relève. Dans tous les cas, on doit profiter d'une période de détention pour dispenser une éducation à la santé.
Autre préoccupation: le problème des parents toxicomanes et des séparations douloureuses d'avec leurs enfants qui peuvent en résulter. Des aides et des espaces spécifiques doivent leur être réservés. Il en va de même pour les parents d'enfants toxicomanes qui ont besoin d'être soutenus et conseillés.
Quant à la formation des médecins privés à la prise en charge des personnes toxicomanes, elle s'impose. Aujourd'hui, seuls environ une soixantaine de praticiens sur 950 cabinets médicaux s'y consacrent. Mais il faudrait leur adjoindre une aide pour les problèmes sociaux et trouver une solution au problème financier, à savoir le règlement de leurs honoraires. Le nombre de patients toxicomanes par médecin ne devrait pas être supérieur à 6 ou 8.
On insiste encore sur le fait que, dans l'hypothèse où l'on admet que les personnes toxicomanes sont des patients qui souffrent, on en soit réduit à leur refuser ou à reporter les thérapies appropriées, faute de moyens.
Le rapport RD 227 n'aborde pas le volet, beaucoup plus vaste, de la production de la drogue, liée aux rapports macro-économiques «Nord-Sud». Notre commission ne l'a pas traité non plus. Rappelons cependant l'inscription dans notre législation d'une nouvelle attribution des montants saisis dans la lutte contre le trafic de drogue et dont une partie doit être utilisée au profit d'organisations non-gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement du tiers-monde.
Au cours de nos travaux, M. Rodrik a relevé une série de points concernant des demandes exprimées dans le RD 227 et reprises par les personnes auditionnées, ainsi que par des députés et qui pourraient faire l'objet d'une motion. Certains semblent consensuels.
· Apporter notre appui politique et matériel au DIP afin qu'il intensifie ses activités d'information et de prévention.
· Développer les possibilités de sevrage résidentielles et ambulatoires.
· Former les médecins privés à la prise en charge de patients toxicomanes.
· Promouvoir la réinsertion socioprofessionnelle des personnes toxico-dépendantes.
· Créer des lieux d'hébergement et des logements pour les personnes concernées.
· Structurer l'aide aux familles concernées.
Trois autres points semblent plus délicats et nécessitent une réflexion plus poussée.
· Création d'un lieu d'accueil fixe ou demi-fixe, avec ou sans local d'injection. Ce projet a fait l'objet d'un rapport de la commission mixte, rendu en juin 1994.
· Mise à disposition de seringues propres en milieu carcéral et hospitalier (quartier cellulaire).
· Participation du canton aux programmes de distribution d'héroïne sous contrôle médical.
Dans tous les cas, de nouveaux développements impliqueront des moyens supplémentaires. A ce propos, il est intéressant de signaler que l'office fédéral de la statistique à Berne a procédé à une estimation du coût de la répression, liée à la consommation et au trafic de drogue pour 1991. D'après cette étude, ce coût serait d'environ 540 millions. Or, la politique de répression n'a pas donné les résultats escomptés et l'on peut se poser la question de savoir si une partie de ces moyens ne devrait pas plutôt être affectée à la prévention, par exemple.
Le local d'accueil fixe n'est pas souhaité par le Conseil d'Etat. D'une part à cause du risque de voir se développer une concentration de personnes autour de ce lieu, ce qu'il faut absolument éviter. D'autre part, le Conseil d'Etat ne voit pas très bien à quelle population il s'adresserait. Quant aux besoins (accueil 24 h sur 24, repos, premiers soins, hygiène corporelle, nettoyage des effets personnels, distribution de seringues, etc.), ils ne nécessitent pas forcément la création d'une nouvelle structure. Surtout si l'on décide de renoncer au local d'injection. Et enfin, le coût de fonctionnement du projet, estimé à environ 1 million de francs/an, devrait faire l'objet d'un projet de loi, ce qui risquerait de susciter une réaction négative dans l'opinion publique. Le Conseil d'Etat serait plutôt favorable à une extension des activités du BIPS (élargissement des horaires, utilisation d'un autre grand bus semi-fixe ou d'un conteneur, par exemple).
A propos du local d'injection (fixe ou pas), il apparaît au cours de la discussion que sa création n'est pas souhaitable, en tout cas dans les circonstances actuelles, et cela dans le souci de préserver l'équilibre consensuel entre les différents intervenants genevois de la lutte contre la toxicomanie. Même si un certain nombre de jeunes toxicomanes consomment dans les toilettes publiques et les allées d'immeubles, il apparaît, d'après la police, que l'usager consomme moins souvent «sur place» à Genève qu'ailleurs. M. Rodrik rappelle en outre, que les «Fixerstübli» suisse-allemands, dont plusieurs ont fermé, ont connu des carrières chaotiques.
La mise à disposition de seringues propres en milieu carcéral et hospitalier est mieux accueillie. A ce sujet, il faut préciser que si rien n'est autorisé formellement, rien n'est interdit non plus. Des directives claires, émanant de l'autorité sanitaire compétente, rendraient cohérentes les mesures prises à l'extérieur comme à l'intérieur des établissements concernés. Même si des députés ont du mal à concevoir que de la drogue circule en prison, c'est hélas un fait incontestable. Il faut donc là aussi prendre les mesures de prévention des maladies transmissibles par l'échange de seringues. Tout en étant conscient que cela implique une préparation du personnel encadrant les détenus.
La participation aux programmes fédéraux de distribution d'héroïne sous contrôle médical (voir annexe IV) est sans doute la question qui suscite le plus de réticence chez certains. Le Conseil d'Etat souhaite cependant recevoir une réponse claire du Grand Conseil à ce sujet. Pour quelques députés, distribuer de l'héroïne aux personnes dépendantes, représente une forme d'abdication. C'est adopter une attitude fataliste qu'ils ont du mal à suivre. Ils citent des témoignages de toxicomanes, eux-mêmes opposés à ces programmes. Ils craignent aussi une concentration de consommateurs dans la région concernée. Sans parler du problème des relations entre pays appliquant une politique différente à ce sujet.
Pour les autres, il s'agit d'une possibilité intéressante, permettant d'améliorer considérablement la condition physique et sociale des personnes toxicomanes ne pouvant pas encore entrer dans un processus de sevrage et de lutter contre la délinquance liée à la toxicomanie. C'est une intervention dite de «seuil moyen», c'est à dire un traitement de substitution, au même titre que la méthadone et qui viendrait compléter le réseau des activités genevoises en la matière. Les expériences déjà menées ailleurs font état de résultats extrêmement encourageants, particulièrement sur l'état de santé des participants et sur leur réinsertion sociale. Ces traitements de substitution ont un également un effet bénéfique sur le désir des patients de faire un pas de plus et de sortir de leur dépendance. Ils ne s'adressent qu'à un petit groupe de personnes et sont entrepris sur recommandation des médecins, impliqués alors dans l'encadrement et le suivi des patients. Il est précisé qu'il s'agit de programmes expérimentaux, limités dans le temps et faisant l'objet de rapports qui permettront en temps voulu de décider de les poursuivre ou non. Rappelons à ce propos, la décision de l'organe de contrôle des stupéfiants de l'ONU d'autoriser la Suisse à augmenter le nombre des participants à ces essais.
Conclusions
«Qu'il nous soit permis de rappeler que toutes les sociétés connues de l'histoire ont pratiqué des formes diverses de consommation de stupéfiants et que les chimères à ce sujet sont destructrices.»
Conseil d'Etat genevois, 13 janvier 1995. (Extrait de la réponse à la consultation fédérale sur le contreprojet à l'initiative «Pour une jeunesse sans drogue».)
Force est de constater aujourd'hui que les tentatives pour enrayer le fléau de la drogue ont échoué. Les mesures préventives et répressives n'ont pas suffi. Un monde sans drogue reste une utopie. Défaitisme? Non, réalisme! Mais un réalisme qui nous oblige à prendre toutes les mesures propres à limiter les dégâts de la toxico-dépendance. Même, si face à une personne toxicomane, le but à poursuivre doit être l'abstinence, gardons à l'esprit que pour y parvenir, elle doit d'abord rester en vie. Le geste qui sauve de la mort (aide à la survie) comme, entre autres, la mise à disposition d'une seringue propre, reste la priorité. «Apprendre à vivre avec» (la drogue), comme l'écrit le président de la commission mixte, «en intégrant de nouveaux modes de comportement propres à une part de la population, à un moment de son existence.»
Telle est la voie dans laquelle le canton de Genève s'est engagé et qu'il doit poursuivre. Ce d'autant plus que les dernières prises de position du Conseil fédéral vont tout à fait dans le même sens, à savoir une politique fondée sur les quatre piliers de la prévention, de l'aide à la survie, de la thérapie et de la répression. L'approche consensuelle des différents intervenants genevois est le gage de la réussite de cette politique, elle doit absolument être préservée. «Ne rouvrons pas la boîte de Pandore!» disait le président Segond. C'est en tout cas ce que nos deux commissions réunies se sont efforcées de faire, avec succès.
Conscients qu'il n'existe pas un seul chemin vers l'abstinence et que personne ne peut aujourd'hui avancer de certitudes à ce propos, nous nous sommes finalement mis d'accord sur une proposition de motion et une proposition de résolution que nous soumettons à votre approbation. Elles reprennent une série de points évoqués dans ce rapport qui leur tient lieu d'exposé des motifs. C'est à l'unanimité moins deux abstentions (lib.) que nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir prendre acte du rapport RD 227 et de renvoyer la motion 997 et la résolution 289 au Conseil d'Etat.
Documents à disposition
En plus des quelques annexes à ce rapport que vous trouverez, en pages suivantes, la rapporteuse tient à disposition des députés intéressés, les documents suivants:
- La toxicomanie à Genève, Cahiers de la santé No 5, octobre 1995.
- Education pour la santé - prévention, Service de santé de la jeunesse, DIP, 1993.
- Prévention des toxico-dépendances auprès des jeunes, Service de santé de la jeunesse, DIP, 1994-95.
- BIPS: rapport d'activité 1994, rapport d'évaluation de l'IREC (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, 1993), dépliant «Pour les personnes qui s'injectent des drogues», activités du Groupe Sida Genève.
- ARGOS: rapport d'activité 1993.
- Rapport sur les problèmes liés à la consommation et au trafic des stupéfiants et sur les solutions envisagées, parlement des jeunes de la Ville de Genève, novembre 1994.
- Prescription médicale de stupéfiants, information donnée aux médias le 24 juin 1994.
- Analyse scientifique de la littérature sur la remise contrôlée d'héroïne ou de morphine. Expertise de la doctoresse Annie Mino, septembre 1990, réimpression 1992.
- Position du Conseil fédéral sur les problèmes liés à la drogue, septembre 1994.
- Politique « drogues » en Suisse: l'amorce d'un débat, «PLÄDOYER», revue juridique et politique, janvier 1995.
- Déclaration du Conseil d'Etat genevois suite à l'évacuation du Letten, février 1995.
- Réponse du conseil d'Etat à la consultation fédérale sur le contre-projet à l'initiative «Pour une jeunesse sans drogue», janvier 1995.
- Le coût de la répression, Domaine public, février 1995.
- Conduite sous l'influence de drogues, Journal ATE, mars 1995.
ANNEXE I page 36
ANNEXE II page 37
ANNEXE III pages 38
page 39
page 40
page 41
page 42
page 43
page 44
ANNEXE IV page 45
page 46
page 47
page 48
page 49
Débat
Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Tout d'abord, j'aimerais apporter quelques corrections.
Premièrement, je suis une rapporteuse et non pas un rapporteur, je vous suis reconnaissante d'en prendre acte !
Deuxièmement, en page 3 du rapport, au point numéro 1 : «une approche convergente et intégrée» correspond à la lettre a), «sur 3 axes classiques», à la lettre b) et, au point numéro 2, «deux postulats» correspond à la lettre a). Il apparaît que des personnes extérieures au Grand Conseil modifient, je ne sais dans quelle intention, les disquettes que nous rendons. En tous cas, ces deux erreurs ne me sont pas imputables !
En revanche, en page 33, concernant les invites de notre motion, les points 4 et 5 manquaient dans le rapport qui vous a été remis. Ils vous ont été remis en complément, lors de notre dernière séance. Par prudence, Madame la présidente, lorsque nous en arriverons à la motion, nous les relirons, au cas où certains députés auraient égaré ce complément d'information. Dans ce cas, il s'agit d'une affaire personnelle entre mon ordinateur et moi, et je vous prie de m'en excuser !
Je voudrais maintenant vous dire la satisfaction que m'a procuré le travail en commission sur ce rapport de la commission mixte en matière de toxicomanie. Ce fut un travail constructif, non polémique. Chacun a abordé ce problème avec sérieux et a manifesté son souci de tout mettre en oeuvre pour enrayer le fléau de la toxicomanie ou, tout au moins, en limiter les dégâts.
M. Albert Rodrik, qui nous a fidèlement assistés dans nos travaux - qu'il en soit ici remercié - a déclaré qu'il s'agissait d'un travail exemplaire, qui faisait honneur au parlement genevois; je partage son avis.
En fait, je crois que le climat qui a présidé à nos travaux est le reflet et la conséquence de la politique consensuelle menée depuis des années dans notre canton en matière de toxicomanie. Cette politique n'a d'ailleurs pas été remise en cause par les différents chefs des départements concernés qui se sont succédé. Pour sa part la commission mixte, qui réunit tous les partenaires publics et privés, a permis la mise en place d'une politique cohérente et pragmatique, qui a su s'adapter à l'évolution des besoins, nous évitant ainsi les affrontements stériles et les débordements dramatiques constatés ailleurs.
Sur le front de la drogue, la situation genevoise est relativement sereine par rapport à celle d'autres cantons, pour autant que l'on puisse parler de sérénité au sujet de la toxicomanie. Elle suscite, d'ailleurs, un certain étonnement mêlé d'admiration chez certains de nos Confédérés. J'en veux pour preuve les nombreuses questions qui m'ont été posées par des journalistes d'autres cantons, à la suite de la publication de ce rapport.
J'ai pu également constater une certaine méconnaissance des différents aspects de notre politique dans ce domaine. On n'en connaît souvent que l'aspect répressif alors que, depuis plusieurs années, on met aussi l'accent sur la réduction des risques.
Cette politique est fondée sur trois piliers : la prévention, la prise en charge thérapeutique et la répression. La prise en charge se fonde, quant à elle, sur un principe très simple : répondre aux besoins de la personne toxicomane, quel que soit le seuil de sa trajectoire individuelle, d'où l'expression d'une prise en charge dite «des trois seuils».
La commission des affaires sociales et celle de la santé ont jugé que cette manière d'appréhender le problème était judicieuse et qu'il fallait continuer dans cette voie, également préconisée par le Conseil fédéral. En revanche, au cours de leurs travaux et des auditions, elles ont estimé qu'il n'était pas encore répondu à tous les besoins et que de nouveaux développements étaient souhaitables.
Je résumerai notre position de la manière suivante : à la question du Conseil d'Etat qui nous demande notre avis sur la politique menée à Genève en matière de toxicomanie, nous répondons : «Nous sommes d'accord, c'est la bonne voie, mais on peut encore faire mieux !», d'où l'idée d'une motion et d'une résolution, accompagnant notre rapport et exprimant nos souhaits.
En effet, les diverses invites de la motion touchent à l'ensemble des mesures visant à combattre les méfaits de la toxicomanie, qu'il s'agisse d'intensifier les activités de prévention, de compléter la formation des médecins, de mieux soutenir les familles concernées, d'augmenter les possibilités de sevrage ou de donner de nouveaux moyens à la police.
En ce qui concerne les mesures de prise en charge, nous demandons qu'on en développe les trois seuils :
- Seuil haut : augmentation des possibilités de sevrage;
- Seuil moyen : accroissement des traitements de substitution à la méthadone, comme c'est le cas à Genève depuis des années, et à l'héroïne, comme nous l'offre aujourd'hui la Confédération, à titre expérimental;
- Seuil bas : développement de l'aide à la survie par l'élargissement des capacités d'accueil des personnes toxicomanes les plus touchées, sans condition, ainsi que l'accès à des seringues propres pour tous les toxicomanes, y compris pour les détenus.
En ce qui concerne la participation aux programmes expérimentaux de distribution contrôlée d'héroïne - invite qui a le plus fait parler d'elle, ce qui est bien naturel, j'aimerais insister sur quelques points. Il n'y a eu aucune pression de la part des médecins ou des personnes auditionnées. Nous avons simplement considéré qu'il s'agissait d'une nouvelle prestation venant compléter la prise en charge de seuil moyen : un traitement de substitution comme la méthadone.
Les spécialistes nous ont expliqué que ces traitements permettraient de répondre aux besoins spécifiques de certaines personnes toxicomanes de notre canton. En aucun cas, il ne faut imaginer que, dorénavant, l'héroïne serait distribuée tous azimuts à Genève. Il s'agit bien, et je le répète, d'un traitement, s'adressant à un certain groupe de personnes, présentant des besoins spécifiques, qui se déroule dans un encadrement médical et social adéquat.
Les expériences déjà menées ailleurs nous ont convaincus que ces traitements amènent rapidement une amélioration de la situation sanitaire et sociale des personnes concernées et qu'elles expriment alors souvent, dans un deuxième temps, leur souhait de sortir de la dépendance. C'est pourquoi nous avons estimé qu'il serait judicieux que cette nouvelle prestation vienne compléter l'ensemble des mesures de prise en charge existant dans notre canton, tout en étant conscients qu'il s'agissait de programmes expérimentaux qui pourraient être reconduits ou non au vu du rapport final.
Je sais que tous les membres de notre parlement ne partagent pas cette conviction et je respecte leur position. Mais il s'est trouvé tout de même des députés de tous les partis pour rédiger la motion et la résolution telles qu'elles vous sont présentées aujourd'hui, et je m'en félicite.
J'espère donc qu'elles emporteront l'adhésion d'une large majorité de notre Grand Conseil. Et, surtout, je vous engage tous à veiller à ce que le débat qui va suivre se déroule dans la même atmosphère qu'en commission, afin d'entretenir l'image positive donnée par Genève dans ce domaine.
Mesdames et Messieurs les députés, personne aujourd'hui ne peut prétendre avoir la solution à l'interrogation terrible que nous pose la toxicomanie. Il nous faut donc diversifier au maximum le type de nos interventions, cela sur tous les fronts, et se rappeler toujours que pour permettre à une personne toxicomane d'accéder à un traitement, puis à un sevrage, sevrage qui reste le but suprême, il faut d'abord qu'elle soit maintenue en vie !
Mme Danielle Oppliger (AdG). J'ai pris connaissance, avec un très grand intérêt, des documents entourant la motion qui nous est soumise. Son titre est long, je ne le rappellerai donc pas. Néanmoins, il s'agit, comme cela nous est expliqué, d'un rapport sur un rapport ! Ce qui frappe, à sa lecture, c'est le sentiment de satisfaction qui en émane, alors que les personnes concernées par les problèmes de toxicomanie ont le sentiment que rien d'utile ne se fait.
Le Dr Eichenberger, président de la Commission mixte en matière de toxicomanie, souligne «la continuité de la politique en matière de toxicomanie menée ces quinze dernières années», alors que la population ne demande pas une continuité, mais une innovation. Il parle également des «approches convergentes des partenaires concernés, publics et privés, réunis dans une même structure». Tout cela paraît organisé et sécurisant, alors que la réalité tâtonne «à la petite semaine» et que l'on se contente de ramasser les cadavres : plusieurs milliers en une quinzaine d'années de tâtonnements des services publics et privés, de morts brutales, lentes et discrètes, trop souvent même pas attribuables à ce phénomène. C'est cette tragique réalité qui inquiète l'infirmière que je suis.
Il est également sécurisant d'écrire qu'un millier de toxicomanes suivent un traitement à la méthadone. Le vocable «traitement» n'est pas convenable. Il est mystificateur : la méthadone n'est pas traitante, puisqu'elle engendre une autre dépendance : elle ne soigne pas et n'est en aucun cas un remède au problème de l'héroïnomanie ! La méthadone est un stupéfiant. On veut en faire un produit de remplacement, parce qu'elle peut être absorbée dans une boisson. Ce stupéfiant est peut-être pire que celui qu'il est censé remplacer : l'héroïne, dont le nom seul fait frémir, il est vrai. Pourtant, s'il faut cinq jours pour un sevrage physique de l'héroïne, il faudra quatre à cinq fois plus de temps pour s'arracher physiquement de l'accoutumance à la méthadone, cette héroïne de synthèse, dont la formule chimique est si proche de l'héroïne originale.
En outre, voici plus d'une quinzaine d'années que des «essais» ont lieu à Genève avec la méthadone, après au moins une dizaine d'années d'essais aux Etats-Unis. Quels en sont les résultats après plus d'un quart de siècle d'essais sur les humains ? Il convient de constater, enfin, l'échec des essais à la méthadone, puisqu'ils n'ont pas fait leur preuve. N'est-il pas temps de conclure que ces essais n'ont que trop duré ?
Les réponses aux commissaires - reproduites dans les documents que vous avez sous les yeux - témoignent du problème que je tiens à soulever ici, puisqu'il y est écrit : «Il est difficile d'évaluer le nombre de guérisons» surtout si ce mot signifie «la disparition de toute dépendance». On ne connaît donc pas ces effets ! L'utilisation de ce produit n'est donc pas pertinente !
De même, j'ai frémi en lisant que, selon le Dr Eichenberger, cité par le rapport, un groupe de médecins pratiquerait ces essais à la méthadone. C'est rassurant en vérité ! Essais ou traitement ? Ces deux mots sont trompeurs officieusement et officiellement. A Genève, pendant des années, on a vu ces «traitements» ou «essais», associés aux dangereuses benzodiazépines : du Rohypnol en l'occurrence, sur des dizaines de jeunes gens !
La doctoresse Mino insiste - très prudemment - sur le fait que la méthadone serait une thérapie lourde et qu'un praticien, par conséquent, ne pourrait pas suivre plus d'une dizaine de patients. Or, peut-on nous assurer que cette limite sera enfin respectée par les spécialistes ou, dans la réalité, la distribution sans accompagnement thérapeutique véritable sera-t-elle encore admise ?
Pour conclure, en ce qui concerne la motion 997, je l'approuve en tout point. Néanmoins, je souhaite sérieusement qu'une correction soit apportée à la lettre d), prévoyant l'accroissement des possibilités de prise en charge à la méthadone.
Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, son adoption, tout en attirant votre attention sur le fait qu'il s'agit, d'ores et déjà, de régler le problème de la méthadone.
Il faut pourtant regarder les choses en face. Un sevrage ayant de bonnes chances de succès est difficilement concevable sans produit. Alors, soyons honnêtes et acceptons le sevrage à l'héroïne ! Celle-ci ne doit pas être distribuée, mais injectée par des soignants, dans une structure d'accueil ou carcérale adéquate, pour effectuer un véritable sevrage dans un temps raisonnablement limité et non pas «ad aeternam», comme c'est le cas avec la méthadone.
Mme Barbara Polla (L). La drogue est un sujet de préoccupation pour le parti libéral comme pour les autres partis. D'ailleurs, nous avons activement participé, en commission, à l'élaboration de la motion 997.
Cependant, deux points nous préoccupent. A cet égard, nous nous devons d'exprimer une opinion qui est en désaccord avec le consensus dont parlait Mme Claire Torracinta-Pache. Néanmoins, il est évident que même si ces opinions divergentes sont très affirmées, elles seront développées avec le respect auquel faisait allusion la rapporteuse.
J'aimerais développer le premier de ces deux points, pour lequel nous vous proposons un amendement. Il s'agit de la participation aux programmes fédéraux de distribution d'héroïne. Nous vous proposons, dans notre amendement, de retirer le point h) de la motion 997 et ceci pour plusieurs raisons.
En premier lieu, si de tels programmes sont actuellement en cours, leurs résultats ne sont, pour l'instant, pas connus à moyen et à long terme et ne le sont que partiellement à court terme. Or, la possibilité que de tels programmes aient, en fin de compte, des effets négatifs ne peut, aujourd'hui, être exclue. Selon le principe du «primum non nocere», nous estimons qu'il n'est, actuellement, pas raisonnable de nous proposer de participer à de tels programmes expérimentaux.
Nous ne sommes pas sans ignorer et nous apprécions à sa juste valeur le fait que certains des instigateurs de ces programmes estiment qu'ils sont susceptibles d'apporter, aux toxicomanes les plus gravement atteints, une aide, une possibilité d'insertion, qu'aucun autre programme médical ne semble pouvoir leur apporter à l'heure actuelle. Cependant, en l'absence de certitude quant à l'utilité de la distribution de drogue, même uniquement à ces toxicomanes, et quant à l'innocuité de tels programmes pour les autres, nous pensons que la raison veut que nous attendions, pour le moins, les résultats des études en cours.
Il est une seconde raison qui nous amène à vous proposer de retirer le point h) de la motion. En effet, il faut bien reconnaître que ce n'est pas seulement au niveau romand que l'adhésion de Genève aux programmes fédéraux pose problème, mais également au niveau européen où le programme est extrêmement critiqué.
Jean-Claude Knutti, cité par le «Nouveau Quotidien» de ce jour, dit que «rien ne prouve que les expériences en cours résolvent un problème, qu'on ne sait même pas s'il y a une réelle demande». Or nous ne pouvons certainement pas balayer d'un revers de main les craintes des pays avoisinants. Surtout que, par ailleurs, nous sommes tous parfaitement conscients que les problèmes de la drogue ne peuvent pas être réglés au niveau strictement national, mais qu'ils doivent, pour le moins, être abordés, justement, à ce niveau européen.
N'oublions pas que le ministre français de la santé a interdit la livraison de la dernière tranche de la commande de cent seize kilos d'héroïne - à 6 000 F suisses le kilo - passée en 1993 auprès de Francopia, filiale de Sanofi. Il a également, définitivement, interdit la fabrication de cette drogue par Francopia. Depuis, la Suisse s'est adressée à un autre fournisseur. Néanmoins, ces réactions ne peuvent être ignorées, alors que nous souhaitons tous une politique européenne en la matière, comme en d'autres d'ailleurs.
Parmi les très nombreuses réactions au programme fédéral de distribution de drogue, je ne citerai que Gabriel Nahas, président de l'Alliance nationale française contre la toxicomanie, qui se pose la question de savoir «Comment empêcher le modèle helvétique de se propager au reste de l'Europe ?».
Le troisième argument que nous avançons concerne, en termes d'exemplarité, le «modèle genevois», qui est fixé, selon les termes de M. Guy-Olivier Segond, repris dans le rapport de Mme Torracinta-Pache, autour des trois axes suivants : la prévention, la prise en charge thérapeutique et la répression.
Sans vouloir donner dans l'autosatisfaction, je crois, néanmoins, que nous serons tous d'accord pour retenir que cette approche genevoise donne, globalement, davantage satisfaction que d'autres modèles prônés, et désormais abandonnés, par certains cantons suisses.
En termes de développement de la politique genevoise en matière de toxicomanie, l'une des priorités reste, certes, de parvenir à ce que les toxicomanes s'en sortent. A cet égard, les programmes de méthadone, compte tenu du suivi qui leur est associé, ont non seulement une efficacité reconnue mais sont, également, infiniment plus didactiques qu'une distribution de la drogue elle-même. En effet, cette distribution, même limitée à certains cas, pose inévitablement la question de la banalisation d'une pratique potentiellement mortelle et le plus souvent asociale.
Finalement, il est un quatrième argument purement pragmatique mais néanmoins essentiel. En effet, dans la mesure où le Conseil fédéral a, actuellement, décidé de ne pas augmenter le nombre de cas à inclure dans ce programme, celui-ci se trouve complet et il n'est donc d'aucune utilité que nous nous proposions d'y participer.
Pour ces différentes raisons, je vous exhorte donc, Mesdames et Messieurs les députés, à choisir la prudence et à attendre, pour le moins, les résultats des expériences en cours, avant de proposer une extension des programmes fédéraux, ainsi qu'à accepter notre amendement, à savoir la suppression du point h) de la motion.
Cette proposition ne découle pas d'une méconnaissance des problèmes liés à la drogue. Au contraire, elle témoigne de notre souci de ne faire encourir à personne les risques d'une politique non établie, tant à un niveau de santé publique, que de politique internationale.
M. Philippe Schaller (PDC). En préambule, j'aimerais remercier le Dr Gérard Eichenberger, président de la commission mixte, pour la sensibilité, les convictions et l'engagement dont il a fait preuve à travers ce mandat. J'aimerais également remercier la rapporteuse Mme Claire Torracinta-Pache pour l'excellence de son rapport.
Au sein de ce parlement, les projets et les idées rencontrant un consensus et une large adhésion sont rares même si, comme dans le cas de Mme Polla, certains avis divergent.
Aujourd'hui, nous sommes en droit d'être satisfaits du travail mené conjointement par la commission mixte, par le Conseil d'Etat et par la commission sociale de ce Grand Conseil.
En effet, en matière de toxicomanie, Genève a su allier la prévention individuelle et collective, ainsi que la prévention médicale et sociale. De surcroît, Genève a su dépasser les structures rigides, les élargir et les rendre multidisciplinaires. L'Etat a su assurer la coordination et l'intégration entre les différents types d'actions : préventives, curatives et éducatives. Ce travail, Mesdames et Messieurs les députés, est exemplaire et remarquable !
Mais la véritable prévention en matière de toxicomanie doit se faire sur le plan social, car c'est là où résident les risques majeurs. En effet, la toxicomanie ne résulte pas du hasard ou de la malchance, mais des conditions de vie sociale ou familiale.
Aussi, la responsabilité en matière de prévention incombe à l'Etat. A Genève, l'Etat s'est engagé et responsabilisé. De surcroît, il a incité les domaines publics et privés à entreprendre des actions collectives. De même, il a donné l'impulsion et les moyens de stabiliser les réseaux, d'augmenter le professionnalisme et l'efficacité des structures, ainsi que de coordonner les actions. En fait, les propositions émanant des deux motions tentent, simplement, de poursuivre l'action menée.
C'est pourquoi la distribution d'héroïne sous contrôle s'inscrit largement dans la ligne politique menée. Comme mentionné par Mme Claire Torracinta-Pache, elle ne constitue pas «la» solution, mais seulement une solution parmi d'autres. Par ailleurs, pour certains toxicomanes, il s'agit bien d'une voie, même si elle est étroite !
A ce propos, si les professionnels avaient adopté une attitude dogmatique - lors des débats relatifs à la prise en charge par un traitement basé sur la méthadone - aucun patient ne serait traité à l'aide de ce produit. Or, aujourd'hui, pour les raisons que nous connaissons, nous nous félicitons des résultats !
Bien entendu, nous devrons évaluer ce type de prise en charge, afin de déterminer l'utilité de cette approche thérapeutique. A mon sens, il ne s'agit pas de faire preuve de laxisme et de prôner la libéralisation, mais simplement d'être ouvert à un processus évolutif de recherche.
En conclusion, le groupe démocrate-chrétien propose le renvoi de ces deux motions non amendées au Conseil d'Etat.
M. Roger Beer (R). A mon tour, je me joins aux félicitations de M. Schaller concernant l'excellence du rapport de Mme Claire Torracinta-Pache. Ce rapport reflète fidèlement la haute tenue des travaux, menés conjointement par la commission de la santé et la commission des affaires sociales, cette dernière étant, seule, chargée du rapport. De même, une trentaine de députés ont voté, suivi ces travaux, procédé à de nombreuses auditions et débattu très sereinement, malgré la complexité du problème.
En effet, au sein de la commission, un travail consensuel - émanant d'une partie, puis de l'ensemble des députés - a conduit à l'élaboration de cette motion et de cette résolution. Ce consensus reflète l'effort politique mené afin d'entériner la politique générale du Conseil d'Etat.
En outre, les trois axes, cités par Mme Torracinta-Pache, concernant trois départements importants du Conseil d'Etat, démontrent qu'il lui appartient de prendre en considération la politique en matière de prévention de la toxicomanie.
Le groupe radical soutient cette motion et ne souhaite pas son amendement. Néanmoins, je tiens à souligner que la lettre h) de la motion a suscité quelques discussions. En effet, a priori, il semble difficile d'accepter la distribution d'héroïne. Cependant, nous sommes confiants dans le fait que ce programme expérimental est entrepris dans le cadre de la législation fédérale, sous la responsabilité de nombreux médecins et autorités scientifiques.
Au sein de cette commission que j'ai présidée, l'une des principales difficultés a été notre tendance à débattre de l'aspect médical, comme c'est le cas dans certaines interventions aujourd'hui. Or, malgré l'importance de ce point, il n'apporte aucune solution, les avis scientifiques étant très partagés. En définitive, ce rapport appuie la politique du Conseil d'Etat, et tente de donner une réponse politique et non pas scientifique au problème de la toxicomanie.
Enfin, je réitère mon soutien et mes félicitations à Mme Torracinta-Pache au nom du groupe radical et souligne qu'au sein de la commission les conclusions de ce rapport non amendé ont été acceptées à l'unanimité, moins deux abstentions.
Je vous remercie d'accepter le rapport et de renvoyer la motion et la résolution au Conseil d'Etat.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le consensus politique, à quelques nuances près, sur la politique à mener en matière de toxicomanie nous honore les uns et les autres. En effet, l'exploitation des différences de sensibilité en la matière ne pourrait que nuire aux personnes toxicomanes et à l'ensemble de notre société.
Etant donné la qualité du rapport de la commission mixte en matière de toxicomanie, la haute tenue des travaux en commission et l'excellence du rapport de Mme Torracinta-Pache, nous respectons, également, la position minoritaire de l'un ou l'autre des commissaires libéraux.
Par ailleurs, sans reprendre le descriptif de la politique genevoise en matière de toxicomanie, je rappelle les positions du groupe des «Verts», ainsi que du parti écologique au niveau national, concernant le seul motif de tension existante : les recommandations adressées au Conseil d'Etat par la commission.
A ce propos, l'inefficacité de la politique stricte de répression en matière de toxicomanie, l'aggravation de la situation sanitaire et sociale des personnes toxicomanes qui en résulte, le sida et l'impossibilité de faire supprimer la toxicomanie ont conduit à prendre en compte les personnes toxicomanes telles qu'elles sont. Même si l'abstinence reste le but ultime, une nouvelle politique se développe et leur accorde le droit à une assistance, dans le but de sauvegarder leur santé et leur intégrité psychosociale.
Par ailleurs, les professionnels de la santé sont concernés par la tension politique qui régnait à ce sujet. En effet, il ont dû, également, renoncer à une société utopique sans drogue et tenir compte des individus mettant en échec les tentatives d'établir un ordre social et sanitaire «tout-puissant». A Genève, l'acceptation, sans condition de désintoxication, ainsi que l'aide «de seuil bas», ont permis la diminution du nombre de personnes toxicomanes séropositives, mais également l'instauration d'un climat social moins conflictuel que dans d'autres régions.
De surcroît, l'aide destinée à la survie des personnes toxicomanes n'a pas incité au laxisme, puisque nous avons constaté l'augmentation des demandes de traitements de désintoxication. Ce dernier point est primordial, en période d'expérimentation de la distribution d'héroïne sous contrôle médical, sur le plan national. Cette proposition s'inscrit, donc, dans la continuité, quant à notre volonté d'éviter aux personnes toxicomanes les risques de marginalisation, de précarisation de leurs conditions de vie et, également, le risque vital.
Il est évident que nous ne sommes pas en mesure de choisir qu'une personne se drogue ou non. Mais, dans l'hypothèse contraire, grâce à cette proposition, les personnes toxicomanes avérées - ayant déjà échoué dans diverses tentatives de désintoxication - pourraient, ainsi, s'efforcer de vaincre leurs difficultés sanitaires et sociales.
En effet, tout en donnant la priorité à la prévention et aux traitements, la politique en matière de toxicomanie a pour but d'empêcher que les personnes les plus précarisées soient abandonnées à leur sort. De surcroît - et cela a été peu relevé - son but est, également, de leur éviter, entraînées par leur dépendance à la drogue, de propager ces produits sur le marché à seule fin d'assurer leur consommation personnelle avec le bénéfice réalisé. Au vu des difficultés à surmonter sur le plan de la lutte contre le grand trafic, cet aspect est important.
Enfin, notons que les traitements de substitution et de désintoxication se révèlent, non seulement plus appropriés au problème de la toxicomanie - tel qu'il est unanimement reconnu maintenant - mais également moins coûteux socialement et financièrement.
Aussi, la dépénalisation de la consommation de drogue - comprenant la détention pour de petites quantités de drogue destinées uniquement à la consommation propre - devrait avoir lieu. En effet, dans ce domaine en particulier, l'incarcération n'atteint pas son double objectif de punition et de réinsertion. Il est certain, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il ne s'agit pas de renoncer au contrôle social et politique des choix effectués, au sein de ce parlement, pour une période de quatre ans !
Le groupe des «Verts» souscrit à toutes les conclusions et recommandations de la motion et de la résolution de la commission des affaires sociales. Il remercie les trois départements concernés pour leur collaboration et, plus encore, les professionnels et les personnes auditionnées par la commission, qui ont su convaincre par leur grande intelligence et leur évidente probité.
M. Pierre-Alain Champod (S). Comme plusieurs des préopinants, je relèverai l'excellence du rapport du Dr Eichenberger et de celui de Mme Torracinta-Pache, ainsi que la qualité des travaux de la commission - effectués dans une ambiance extrêmement satisfaisante - contrastant avec celle dont nous avons dû nous plaindre ces derniers mois, au sein d'autres commissions.
En effet, sur un sujet aussi délicat, il convient d'adopter une attitude modeste et d'admettre que personne ne détient «la» solution. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'une question entièrement nouvelle et, par conséquent, des éléments de réponse existent déjà.
Face au problème de la toxicomanie, si je devais résumer la position du parti socialiste en un slogan, je dirais : «Il s'agit de faire la guerre à la drogue, mais pas aux drogués !».
Il est évident, lors de l'analyse et de la définition d'une politique en matière de toxicomanie, que l'on doit prendre en considération l'aspect économique, répressif et social. Ce dernier inclut la prévention et les traitements.
Ce rapport, ainsi que la résolution et la motion en question, traitent essentiellement de l'aspect social et répressif.
Sur le plan économique, les critères pris en compte concernent les producteurs, les conditions du trafic, les revendeurs, ainsi que l'influence du marché de la drogue sur le système économique. Dans ce contexte, la lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue est essentielle pour diminuer la quantité des substances présentes sur le marché.
Par ailleurs, il y a quelques mois, notre Conseil a voté une loi permettant d'allouer une partie de l'argent saisi aux trafiquants au financement de certains projets permettant, notamment, de soutenir les toxicomanes de notre région et d'aider les paysans des pays, dont les matières premières sont à l'origine de la fabrication des drogues, à cultiver d'autres produits.
D'autre part, comme mentionné par la doctoresse Mino au cours de son audition : « La toxicomanie fleurit de préférence sur la précarité, la misère et les problèmes sociaux.». Par conséquent, la prévention passe par un meilleur partage des richesses, par la lutte contre le chômage et par l'établissement de mesures favorisant l'insertion et la réinsertion sociale.
Comme je l'ai dit, ce rapport traite avant tout de l'aspect médico-social de la toxicomanie. A cet égard, depuis de nombreuses années, les autorités genevoises ont agi avec intelligence et pragmatisme. J'en veux pour preuve la création de la commission mixte. En effet, elle permet à des personnes provenant de milieux très divers - des travailleurs sociaux, des médecins et des policiers - de se réunir autour d'une même table et d'y exprimer leurs valeurs, leurs pratiques et leur déontologie. Cette collaboration a permis d'éviter de nombreux problèmes rencontrés dans d'autres cantons. Maintenant... (Rires. L'orateur est interrompu.)
La présidente. Monsieur Nissim, s'il vous plaît ! Retournez à votre place ! Excusez-moi, Monsieur Champod, vous pouvez poursuivre.
M. Pierre-Alain Champod. Pour l'essentiel, la motion élaborée par la commission s'inscrit dans la ligne de la politique en matière de toxicomanie établie au niveau de la Confédération. Cependant, elle introduit quelques nouveautés et invite, également, le Conseil d'Etat à renforcer certains domaines.
En effet, la motion propose, notamment, d'augmenter le nombre de places au sein de programmes de sevrage sans médicaments, ainsi que d'élargir les possibilités de participer à des traitements à base de méthadone. A l'évidence, il est inadmissible qu'une personne toxicomane, manifestant la volonté de se désintoxiquer, doive patienter durant six mois, avant de trouver une place disponible pour une cure !
Par ailleurs, la commission demande aux autorités de faire des efforts supplémentaires concernant l'aide aux parents d'enfants toxicomanes. Dans ce secteur, la cessation d'activités de l'AGADEF et, tout particulièrement, de Mme Attarian, laisse Genève dans une situation difficile. En effet, même si ARGOS a pris le relais, elle ne dispose pas de moyens suffisants pour répondre aux besoins. Or, il est indispensable que toute personne confrontée à la terrible réalité d'un enfant qui se drogue puisse trouver, rapidement, un lieu d'accueil et de conseil.
A ce propos, j'insiste sur la nécessité de déculpabiliser les parents, car ils ne sont pas responsables de la toxicomanie de leurs enfants ! Malheureusement - pour augmenter leur clientèle - les dealers abusent des périodes de détresse passagère, si fréquentes durant l'adolescence. Dans ces moments difficiles, ils entraînent les adolescents à consommer ces produits, engendrant souvent la dépendance !
Sur un autre plan, la motion innove sur un point dont nous avons déjà largement débattu. Il concerne la distribution d'héroïne par des médecins, dans le cadre des expériences ayant cours en Suisse.
En effet, il est nécessaire de disposer de moyens de traitements diversifiés, afin de s'adapter aux différentes personnalités des personnes toxicomanes. Par ailleurs, cela existe déjà, notamment dans le domaine semblable de l'alcoolisme.
A ce sujet, les remarque de Mme Oppliger à propos de la méthadone m'ont surpris. En effet, il me semblait que le débat sur ce thème était clos et que chacun avait admis, désormais, que cette substance était adéquate pour certaines personnes toxicomanes.
C'est pourquoi la proposition de ce jour, de distribuer l'héroïne par des médecins, s'inscrit dans cette logique. Elle offre à certaines personnes toxicomanes, dans l'incapacité de choisir un sevrage sans produits de substitution, la possibilité de retrouver progressivement une vie sociale normale, condition préalable à un véritable sevrage !
Compte tenu de ces remarques et des éléments contenus dans le rapport du Dr Eichenberger et dans celui de Mme Torracinta-Pache, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter la motion non amendée et la résolution.
Mme Martine Roset (PDC). Madame la présidente, ce débat, à mon avis, n'est pas un débat politique, mais un débat de coeur.
Nous avons tous une perception du problème de la toxicomanie liée à nos expériences personnelles. Pour ma part, je suis contre la distribution d'héroïne, car, à mon avis, c'est une façon de baisser les bras face aux problèmes et c'est surtout une façon de se déculpabiliser. En résumé, c'est une manière facile de se donner bonne conscience, et c'est bien comme cela que le ressentent les toxicomanes. Il faudra bien un jour remettre en cause le fonctionnement de notre société, qui, de nos jours, n'incite pas les jeunes à dire non à ce fléau.
Le problème de la toxicomanie est à prendre en amont et non en aval, ce qui consiste à nous remettre tous en cause, ce qui est forcément plus difficile ! (Applaudissements.)
M. Gilles Godinat (AdG). Beaucoup de choses ont été dites, et j'aimerais simplement attirer votre attention sur quelques points.
Je tiens, tout d'abord, à m'exprimer sur la qualité des débats. Notre groupe s'associe au très bon travail qui a été effectué, d'une part, par l'écoute réciproque et, d'autre part, par l'acceptation des critiques et la poursuite de la réflexion. Les différentes interventions de ce soir laissent entrevoir que nous sommes à une étape de la réflexion qui doit être poursuivie, car un certain nombre de problèmes subsistent.
Il faut remercier et complimenter Mme Torracinta-Pache pour son excellent rapport, ainsi que le Dr Eichenberger. Cela dit, il ne faut pas oublier le travail effectué par la doctoresse Mino à qui les autorités fédérales avaient confié un mandat. Elle a apporté au débat une contribution importante sur laquelle on est obligé de se pencher.
Par ailleurs, un travail sur le terrain a été effectué à Genève; beaucoup d'innovations ont été apportées ce qui fait que Genève est à la pointe dans de nombreux domaines de ce secteur, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Cela dit, j'aimerais mettre un bémol à cette satisfaction pour inciter à la poursuite de la réflexion. S'agissant de la dépendance, je crains que la notion de la guerre à la drogue induise une idée fausse, même si elle peut avoir un contenu positif dans le sens de chasser un mal qu'on aimerait combattre. En effet, le problème de base, pour moi et pour la plupart des députés de ce parlement, c'est le problème de la dépendance. On ne peut pas le traiter par de simples recettes de cuisine, chacun le sait.
En ce qui concerne les habitudes de consommation des drogues en Suisse, je citerai une information de l'Office fédéral de la statistique du 11 novembre 1994. On entend souvent dire que la consommation est en augmentation, voire en pleine expansion en Suisse. Cependant, si l'on compare des échantillons représentatifs de la population de ces quinze dernières années, on ne trouve aucune preuve de cette augmentation. On constate, au contraire, une étonnante stabilité, en ce qui concerne les personnes ayant consommé au moins une fois dans leur vie du haschisch, un opiacé ou de la cocaïne. Ces trois dernières années, la consommation de cannabis a même plutôt tendance à baisser.
Ainsi, en Suisse, on peut comparer les problèmes de dépendance aux différents produits classés dans les stupéfiants avec d'autres produits. Les personnes qui boivent de l'alcool chaque semaine sont environ trente fois plus nombreuses que celles qui consomment du haschisch chaque semaine. On compte même plus de gros fumeurs - vingt cigarettes par jour ou plus - ou de personnes ayant recours quotidiennement à des somnifères, des calmants ou des analgésiques que de consommateurs hebdomadaires de cannabis. Je tenais à exprimer ces faits pour resituer le débat dans le problème général de la dépendance.
Au sujet de l'abstinence générale, il faudrait, à mes yeux, démonter, voire démanteler pièce par pièce, le mythe que les sociétés peuvent vivre sans l'illusion d'un paradis artificiel. Hélas, nous devons constater, après plusieurs millénaires que toute société cherche, par un biais ou par un autre, à faire l'expérience de substances modifiant les états de conscience. Les ethnologues nous ont rendu attentifs à ces état de fait, et je crois qu'il faut en tenir compte.
Enfin, il faut rappeler l'importance de ce marché au niveau mondial. Cela a été suffisamment souligné, mais tout de même c'est le deuxième marché mondial après le marché des armes : 300 milliards de dollars pour 1994 ! Cela nous amène forcément à réfléchir sur la politique de répression, et nous aurons encore à débattre de ces problèmes, pour savoir quelles sont les incidences réelles d'une politique répressive. Je ne veux pas lancer le débat ce soir, mais nous devrons bien nous pencher sur cette question.
Le problème de la toxicomanie a évolué suite à l'apparition de la séropositivité et la nouvelle donne qu'elle a engendrée. La pratique de nombreux praticiens sur le terrain a radicalement changé. C'est dans cette perspective qu'il faut accepter, à nos yeux, la politique concernant la réduction des risques.
Dans ce sens, notre groupe accepte évidemment l'ensemble des invites de la motion, souscrit à la résolution et espère poursuivre ce travail dans un climat agréable, comme cela a été le cas jusqu'à présent.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Avant d'intervenir sur les lettres e) et h) du point 3 de la motion, sur lesquelles le groupe libéral propose un amendement, j'aimerais revenir sur les propos du Dr Eichenberger, cités en page 6 de ce rapport : «Le Dr Eichenberger considère que l'accompagnement à la mort et le deuil doivent pouvoir se dérouler normalement. Et cela n'est pas possible en milieu carcéral.».
Or, un avis différent a été donné la semaine dernière aux membres de la commission des visiteurs officiels de prison qui se sont rendus au quartier cellulaire de l'hôpital cantonal et qui ont été accueillis, entre autres, par le Dr Harding, professeur de médecine légale et coordinateur du programme prioritaire de médecine humanitaire. Celui-ci nous a confirmé que la prise en charge médicale était totalement assurée, même pour les cas les plus lourds, qu'il se crée sur le plan relationnel un encadrement remarquable que beaucoup de patients ne trouvent pas en privé et qu'il existe dans le milieu carcéral une prise en charge totale, non seulement médicale et technique mais en plus humaine et relationnelle, respectueuse du patient.
Il a également mentionné le régime privilégié d'accessibilité des familles. Il nous a assuré que la meilleure solution possible était trouvée pour chaque cas douloureux, solution résultant d'un consensus entre le Procureur général, le corps médical, la direction de Champ-Dollon et des familles. Cela devait être dit.
La lettre e) de la motion propose l'accès aux seringues. Si cette proposition n'a pas rencontré d'opposition formelle, je me suis tout de même inquiétée en commission de connaître la réaction du département de justice et police. Le représentant du DASS, M. Rodrik, a rappelé que ce point ne regardait pas le service pénitentiaire, qui dépend de justice et police, et que personne n'interdisait la mise à disposition de seringues. Or, cette question a également été posée au professeur Harding qui estime, lui, qu'il ne faut pas aller trop vite, qu'il serait souhaitable d'attendre les rapports et d'avoir une évaluation sur les essais en cours, entre autres, à Hindelbank, rappelant, par là, que la Suisse est le seul pays au monde à faire ces essais. Il constate également que, lors de l'entrée en prison, de moins en moins de toxicomanes se piquent, ceux-ci absorbant la drogue par inhalation.
La semaine passée les membres des directions des prisons, les chefs pénitentiaires, les médecins rattachés à ces institutions ainsi que deux représentants de l'Office fédéral de la santé se sont réunis à Lausanne. Le problème de la distribution de seringues a été évoqué. Un préavis quasiment unanime a été émis contre cette distribution pour toutes sortes de raisons qui nous auraient été expliquées si nous avions eu la sagesse d'entendre les principaux intéressés en commission.
Mesdames et Messieurs, vous êtes prêts à mettre en place, à Genève, dans une prison préventive, une nouvelle disposition interdite dans les pénitenciers où les détenus genevois sont censés poursuivre leur séjour forcé. Quel paradoxe de punir le trafic de drogue en prison et de distribuer des seringues en même temps !
C'est pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, que nous vous proposons de supprimer la lettre e) de la motion, car nous estimons que nous n'avons pas le droit de prendre des décisions de cette importance, alors que toutes les instances dépendantes ou attachées aux prisons se prononcent négativement.
Quant au contenu de la lettre h), Mme Polla a largement expliqué les motifs pour lesquels nous refusons la distribution contrôlée d'héroïne. Je rappellerai qu'à Genève la politique consensuelle qui est menée avec discrétion aux départements de l'action sociale et santé, de justice et police et de l'instruction publique est citée en exemple, entre autres, par la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national. Alors, pourquoi s'aventurer aujourd'hui dans une expérience dont ne connaissons pas encore les effets, l'ONU ne voyant pas d'un très bon oeil cette politique de distribution ?
Mesdames et Messieurs les députés, une très large partie de la population veut que nous soyons fermes et que nous menions une politique de rigueur en matière de drogue. C'est également pour ces motifs que je vous demande de soutenir l'amendement présenté par Mme Polla !
M. Pierre Froidevaux (R). Alors que la ligne politique en matière de drogue a toujours fait l'objet d'un consensus à Genève, alors que notre travail de député a été préparé avec soin par un rapport quadriennal très élaboré, alors que la plupart des partis politiques ont organisé, en interne, des forums sur la drogue, alors que trente députés ont consacré douze séances en commission, alors que les représentants de tous les partis chargés de rédiger une ligne de conduite claire pour le Conseil d'Etat se sont entendus pour vous soumettre ces deux textes en connaissance de cause, alors les membres du parti libéral - mais pas ses commissaires, présents aux séances - viennent nous dire que nous sommes dans le faux !
Mesdames et Messieurs les libéraux, votre prise de position nous ramène à la case «départ», mais vous y resterez tout seuls ! Vous serez les seuls à assumer cette politique d'exclusion, car, enfin, de quoi s'agit-il à la lettre h) ? Il s'agit de proposer à certains toxicomanes, gravement atteints, de pouvoir participer aux programmes expérimentaux ! Cela ne constitue ni une nouveauté de valeur internationale ni un laxisme coupable. Ces programmes permettront de venir en aide à des êtres particulièrement souffrants.
En effet, les toxicomanes sont d'abord des victimes, car la toxicomanie ne surgit pas telle une génération spontanée. Elle est l'aboutissement d'un long processus psycho-pathologique conduisant à une asociabilité plus ou moins grande qui a valeur de pronostic. Si nous continuons à traiter cette partie si souffrante de notre population par l'exclusion, nous ne pouvons qu'aggraver le phénomène de la toxicomanie. Si notre réponse - soit la réponse de la société toute entière - est de leur tendre la main, nous initions la première démarche thérapeutique.
Aussi, les commissaires des six partis ici représentés vous suggèrent de développer une politique dite des «trois seuils» :
- Le seuil haut est réservé aux cas si peu atteints dans leur équilibre psychique qu'une voie vers l'abstinence est possible.
- Le seuil moyen s'adresse aux toxicomanes qui ne peuvent fonctionner dans la vie courante sans un traitement psychotrope appelé méthadone. On la débaptiserait, par exemple, en «asprotox» avec écrit sur l'emballage : «traitement de la dépendance» il deviendrait un grand succès thérapeutique de cette fin de millénaire, au même titre que le valium, l'aspirine ou la trinitrine. Seulement, voilà, des politiciens - dans tous les pays d'ailleurs - ont proposé d'interdire ce type de prise en charge médicale, ou de le limiter très strictement. En 1978, lorsque le psychiatre Jean-Jacques Déglon s'est lancé, le premier à Genève, dans ce programme de substitution, il a fallu qu'il le développe tout seul et contre les courants d'opinion - dont j'étais, d'ailleurs - pour aboutir, près de quinze ans plus tard à la reconnaissance académique, politique et internationale de son travail. Mesdames et Messieurs les libéraux, je n'aiderai pas les erreurs du passé à se répéter pour le seuil dit «bas».
- Le seuil bas s'adresse aux personnes si atteintes psychiquement qu'elles ne peuvent se soustraire au geste autoagressif d'une aiguille cherchant une veine sous la peau. Nous leur proposons, à des conditions strictes - très strictes - très très strictes - de participer aux programmes fédéraux de distribution d'héroïne.
Les buts de cette prise en charge sont les suivants :
- retrouver une capacité de socialisation;
- diminuer la misère sociale et le brigandage;
- réduire les risques de maladie et certains vecteurs, comme le virus d'immunodéficience;
- cheminer vers un sevrage progressif;
- participer à des programmes de réinsertion;
et, enfin :
- réduire, pour la société, d'au moins de moitié les coûts induits par les toxicomanes en rupture.
Croire que cette distribution va attirer les toxicodépendants des seuils plus hauts vers le plus bas est un leurre, car il n'y a pas de toxicomane heureux. Même le pire des «accros» souhaite s'en sortir !
Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que vous encourager à soutenir la motion et la résolution et ne pas suivre les propositions libérales qui souhaitent associer le traitement de l'héroïne de certains troubles psychiques liés à la toxicomanie au mal. Mon discours ne veut pas dire que l'héroïne est un produit banal. Au contraire, il est dangereux - même très dangereux ! - mais, pour paraphraser Paracelse : «Tout est dans la dose.» ! Encore récemment j'ai dû faire le constat de décès d'une jeune femme morte d'une overdose d'eau pure ! Alors dressons ensemble la liste des produits non toxiques; je vous rendrai, quant à moi, une feuille blanche ! (Applaudissements.)
M. Dominique Hausser (S). La Suisse, l'Australie, l'Angleterre et les Pays-Bas font partie du groupe leader au niveau mondial en matière de politique de réduction de risques. Ils tentent de mener une politique cohérente pour résoudre les problèmes liés aux substances psychoactives illégales. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le professeur de droit Ethan Nadelmann des Etats-Unis qui résumait l'ensemble des présentations faites lors de la conférence internationale consacrée aux problèmes liés aux drogues et à la réduction de risques, qui a eu lieu à la fin mars dernier, à Florence.
La politique menée en Suisse et les débats qui ont lieu actuellement au niveau national montrent qu'il y a une réelle tentative de sortir de cette impasse. Dans ce sens, le travail effectué à Genève - en particulier, le travail politique effectué par ce Grand Conseil - est particulièrement innovateur. C'est la première fois que nous verrons le pouvoir législatif signifier qu'il est nécessaire d'agir en vue de réduire les risques, sans pour autant prétendre résoudre tous les problèmes du jour au lendemain, quelles que soient les mesures préventives et thérapeutiques préconisées.
Aujourd'hui, je suis extrêmement heureux de voir ce parlement voter cette motion et cette résolution. Cela fait plus de dix ans que je travaille dans ce domaine. Cela fait des années que l'on voit des possibilités émerger non seulement au niveau suisse mais également au niveau international. La Suisse est peut-être petite, son influence réelle est peut-être modeste en matière de lutte contre le crime organisé, mais, psychologiquement, en menant une politique de réduction des risques innovatrice et cohérente, son influence est majeure !
Aussi, je remercie d'ores et déjà ce parlement de voter ces motion et résolution telles que présentées par la commission sociale.
Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Je ne peux pas laisser passer les propos de Mme Mottet-Durand sans réagir, s'agissant des auditions. En effet, Madame, vous avez assisté très régulièrement aux séances des deux commissions réunies. C'est vrai que nous aurions pu inviter d'autres personnes. On m'a d'ailleurs suggéré d'autres noms que ceux auxquels vous avez fait allusion. Mais, lors de notre dernière séance, notre président a demandé, à deux ou trois reprises, si nous désirions auditionner encore quelques personnes et vous n'avez fait aucune proposition. Alors, je ne vous accorde pas le droit de dire que nous aurions dû auditionner M. Harding !
D'ailleurs, s'agissant de la position de M. Harding sur nos invites, il semblerait que celui-ci tienne deux discours : un discours oral - auquel vous faites allusion - et un discours écrit ! Je pense que M. Segond pourra vous donner des informations complémentaires à ce sujet, tout à l'heure.
En ce qui concerne l'invite sur l'accès possible à des seringues en prison, j'aimerais dire que dans l'esprit de la majorité de la commission - j'avais cru tout d'abord comprendre qu'il y avait unanimité sur cette invite - cette proposition était un simple désir de cohérence avec la politique appliquée pour les autres catégories de personnes toxicomanes à Genève, qui peuvent obtenir des seringues sur demande soit auprès des pharmaciens, soit auprès du «bus itinérant de prévention sida». Il nous est apparu que le fait qu'une personne soit détenue n'était pas un motif suffisant pour qu'elle n'ait pas, comme les autres, un droit d'aide à la survie. Vous savez, comme moi, Madame, que les prisons comptent de nombreux séropositifs et que, malheureusement - personne n'est fautif - la drogue y circule. Pour éviter cela, il faudrait mettre en place un système répressif de fouilles extrêmement poussé à l'entrée, ce qui, à mon avis, présenterait plus d'inconvénients que d'avantages.
Partant de ce principe, nous avons tout simplement voulu accorder les mêmes possibilités aux toxicomanes détenus. Il est bien clair, Mesdames et Messieurs les députés, qui vous étonnez de cette proposition, que cela ne va pas se faire du jour au lendemain, que cela va demander une préparation et une formation du personnel d'encadrement des détenus, exactement comme cela a été le cas pour les policiers confrontés au bus de distribution de seringues, stationnant chaque soir à deux endroits différents de notre ville.
Eh bien, maintenant, les policiers de notre corps de police, eux-mêmes, réclament chaque année une formation, une information, pour pouvoir continuer à travailler en bonne collaboration avec ce bus. Je le répète, tout cela ne s'est pas fait d'un seul coup. Il a fallu une grande bonne volonté et un grand effort de part et d'autre. Il n'y a pas de raison que cela ne soit pas le cas pour le personnel d'encadrement des détenus, mais cela prendra un certain temps et des efforts de sa part, nous en sommes conscients.
Mme Polla a cité une phrase qui m'a choquée, mais que je n'ai plus exactement en tête, d'un Français disant en substance : «Puisse aucun pays ne suivre l'exemple de la Suisse !». Moi, j'ai envie de lui retourner la phrase en lui disant : «Puisse aucun pays ne suivre l'exemple de la France !». En effet, cette dernière a été à la traîne dans sa politique en matière de toxicomanie pendant des années et elle s'est mise très tard au traitement à la méthadone. Pour une fois, Genève - je ne peux pas me permettre de juger l'ensemble de la politique de la Suisse - a été véritablement exemplaire. Ce n'est pas tous les jours que je suis fière de mon canton ou de mon pays. Aujourd'hui, je le suis, et je trouverais dommage de n'être pas suivie par les membres de ce parlement !
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Au terme de ce débat, j'aimerais tout d'abord remercier les députés, membres de la commission des affaires sociales et de la commission de la santé.
En effet, tout au long des six mois de travaux parlementaires - et d'ailleurs encore ce soir - vous avez, les uns et les autres, discuté sérieusement d'un sujet délicat : notre politique cantonale en matière de toxicomanie. Cette manière de débattre, reflétée, du reste, dans l'excellent rapport de Mme Claire Torracinta-Pache est conforme à un certain esprit de Genève - assez difficile à définir, mais plus facile à sentir - fait d'ouverture et de tolérance.
Sans vouloir énumérer ici tous les éléments constitutifs de cette politique qui vous est bien connue, je rappellerai deux caractéristiques principales qui font son originalité, par rapport aux politiques suivies dans d'autres cantons ou dans d'autres Etats.
Tout d'abord - comme plusieurs d'entre vous l'ont relevé - il n'y a jamais eu à Genève, en quinze ans, de discussions polémiques ni d'affrontements politiques sur ce sujet douloureux pour de nombreuses familles.
La seconde originalité de la politique genevoise est de reposer sur une approche convergente et intégrée des différentes fonctions de l'Etat : la fonction préventive et éducative, la fonction de prise en charge médicale et sociale et, enfin, la fonction répressive.
Cette politique est conduite par l'Etat, mais en collaboration avec les médecins de ville, avec les pharmaciens de ville et avec de nombreuses associations privées. Elle n'est pas statique, mais dynamique. Elle a été adaptée périodiquement à l'évolution de la situation. C'est ainsi, par exemple, que nous avons pu introduire - toujours dans un climat relativement consensuel - les programmes de méthadone, à la fin des années 1970 déjà, les programmes d'échange de seringues, à la fin des années 1980, et le «bus itinérant de prévention sida», au début des années 1990.
Aujourd'hui, nous nous approchons de nouveaux développements. Certains d'entre eux, comme l'élargissement des horaires du «bus prévention sida», sa capacité d'accueil comme l'accroissement du nombre de places dans un certain nombre d'institutions, sont acceptés sans difficultés majeures. D'autres développements suscitent des hésitations, de la réserve, voire une franche opposition. Tel est le cas, par exemple, de la remise de seringues propres pour des personnes détenues. J'ai entendu différentes versions des entretiens que M. Harding a eus avec la commission officielle des visiteurs de prison et, comme je suis d'un naturel assez sceptique, je lui ai demandé de me confirmer ses propos par écrit. Il m'a indiqué avoir répondu, à la demande de la présidente de la commission des visiteurs, à un certain nombre de questions concernant les toxicomanes en prison, la prévention de transmission VIH en milieu carcéral et l'accompagnement des détenus mourants.
S'agissant de la disponibilité de seringues pour les personnes détenues, «Je me suis exprimé comme suit», m'écrit M. Harding : 1) «Nous attendons toujours les résultats de l'évaluation en cours au pénitencier d'Hindelbank et à la prison d'Oberschönengrund.»; 2) «Une distribution de seringues à la prison par voie médicale et sur une base sélective est réalisable.»; 3) «Nous pouvons procéder, dans un bref délai, à une distribution de seringues à la sortie de prison.». La position de M. Harding est claire. Je ne crois pas qu'elle ait varié : c'est quelqu'un qui a les pieds sur terre et qui a le sens des mots.
Une autre question amène des réserves, peut-être même des oppositions : la participation genevoise aux programmes expérimentaux de la Confédération de remise contrôlée d'héroïne. Sur le plan international - contrairement à ce qu'on entend dans la population et à ce que j'ai cru entendre dans la bouche de certains d'entre vous - la remise contrôlée d'héroïne n'est pas interdite par des traités internationaux. Elle est même autorisée par l'Organe international de contrôle de stupéfiants, sous certaines conditions. Pour cela, cette remise contrôlée d'héroïne doit faire partie d'une stratégie globale, visant à réduire la consommation de stupéfiants et intégrant des mesures de répression et de prévention. C'est sur cette base et avec l'autorisation de cet office que près d'une quinzaine de villes européennes ont fait usage de cette possibilité.
Dans notre pays, le Conseil fédéral a obtenu les autorisations internationales nécessaires et a posé des conditions strictes à ces programmes expérimentaux : l'héroïne est remise sur prescription médicale dans le cadre d'une prise en charge médico-sociale structurée, dont les objectifs thérapeutiques et sociaux sont précis. «Les toxicomanes - dit l'ordonnance qui figure en annexe du rapport de Mme Torracinta-Pache - doivent être dépendants depuis plusieurs années. Ils sont en nombre limité.».
A Genève, la décision formelle de participer à ces programmes expérimentaux de remise contrôlée d'héroïne à quelques dizaines de personnes appartient techniquement au Conseil d'Etat, lequel se déterminera prochainement, après avoir tenu compte de tous les éléments d'appréciation et, en particulier, non seulement des avis des experts, mais aussi des travaux parlementaires que vous allez conclure dans quelques instants en votant les textes proposés par la commission des affaires sociales et la commission de la santé.
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, au cours de ces vingt dernières années, personne n'a trouvé «la» solution au problème de la toxicomanie. A Genève, nous ne faisons pas mieux ni moins bien que les autres. Et nous ne faisons pas le contraire de ce qui se fait à Lucerne, à Saint-Gall, à Zurich ou à Neuchâtel. Comme les autres, nous cherchons à connaître et à comprendre. Comme les autres, nous essayons, nous expérimentons et nous ajustons.
Notre chance - et, d'une certaine manière, notre privilège - c'est d'avoir pu préserver un climat de sérénité, qui fait trop souvent défaut dans d'autres cantons ou dans d'autres Etats. Dans nos tâtonnements, dans nos démarches, dans nos actions, nous avons enregistré beaucoup de déceptions et de nombreuses désillusions, mais nous avons aussi connu des succès. Certains d'entre eux sont même importants. Ainsi, par exemple, la population sait peu qu'en vingt ans le nombre de toxicomanes dépendant de drogues dures, vivant à Genève, n'a pas augmenté de manière significative et qu'il s'est stabilisé à environ deux mille cinq cents. On sait peu aussi que l'âge moyen d'installation dans la toxicomanie s'est stabilisé à dix-huit ans, et que la distribution de seringues a permis de réduire de façon spectaculaire les risques de transmission du sida.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat n'entend pas libéraliser les drogues. Il s'est d'ailleurs toujours opposé à la dépénalisation et du trafic et de la consommation de drogues, mais il a l'intention, également, sur la base de vos travaux, de procéder aux adaptations nécessaires de la politique genevoise, en étant à la fois prudent et innovateur.
RD 227-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
M 997
La présidente. Nous allons voter sur la motion 997 pour laquelle certains compléments doivent vous être remis. Vous avez tous reçu une nouvelle page 33 qui comporte les deux alinéas 4 et 5, qui faisaient malheureusement défaut dans le rapport qui vous avait été distribué. Il s'agit de l'alinéa 4 dont la teneur est la suivante :
«La répression du grand trafic, relevant de la responsabilité du département de justice et police et des transports, doit recevoir la place qu'elle mérite dans une politique globale conçue pour permettre aux personnes toxicomanes de bénéficier des autres volets de la politique gouvernementale.»;
et d'un alinéa 5, je cite :
«Le Conseil d'Etat est invité à présenter au Grand Conseil un rapport d'ensemble en 1998.».
Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Je refuse les amendements, et j'invite à voter la motion et la résolution telles qu'elles sont ressorties des travaux de la commission.
Mis aux voix, l'amendement proposé par Mme Mottet-Durand est rejeté.
Mis aux voix, l'amendement proposé par Mme Polla est rejeté.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant
- le rapport RD 227 du Conseil d'Etat;
- les auditions auxquelles la commission des affaires sociales et la commission de la santé ont procédé;
- que le recours aux drogues n'est pas un phénomène passager et qu'il faut mettre en oeuvre les moyens nécessaires à prévenir ce phénomène et à en limiter les dégâts;
- que les approches politiques en matière de toxicomanie doivent comprendre aussi bien la prévention que les soins et la répression;
- que les politiques fondées uniquement sur la répression aboutissent à des échecs;
- la nécessité d'établir un programme pour les années 1995, 1996 et 1997,
invite le Conseil d'Etat
à conduire son action, notamment, selon les axes suivants:
1. Le gouvernement est appelé à maintenir et développer une approche convergente et intégrée impliquant la prévention, la prise en charge médico-sociale et la répression dans une politique d'ensemble, préparée au sein de la commission mixte en matière de toxicomanies. La délégation du Conseil d'Etat constitue le relais politique de cette commission et de ses travaux.
2. La prévention constitue la première des priorités, essentiellement dans la période de scolarité obligatoire et post-obligatoire, ainsi que la formation professionnelle sous toutes ses formes. Le département de l'instruction publique est invité à manifester une volonté politique claire et à donner des instructions précises sous forme de programme d'action, tant au corps enseignant qu'aux intervenants de l'office de la jeunesse. Ledit département est également invité à promouvoir rapidement un plan de réinsertion socioprofessionnelle destiné aux personnes ayant mis fin ou étant sur le point de mettre fin à leur dépendance.
De plus, il y a lieu d'offrir aux élèves le cadre nécessaire, dans le contexte scolaire, pour qu'ils puissent échanger leurs idées sur la toxicomanie et la meilleure prévention de celle-ci, de façon à favoriser l'entraide active entre les élèves et apprentis eux-mêmes.
Le département de l'instruction publique est également invité à associer d'une manière générale les parents à l'action de prévention de ses services.
3. La prise en charge médico-sociale (sous la responsabilité du département de l'action sociale, de la santé et des établissements de droit public sous sa surveillance) doit se développer le long des exercices budgétaires à venir, mais sans retard, selon les lignes ci-après:
a) accroissement raisonnable et rapide des places disponibles aux Crêts, au Centre résidentiel à moyen terme (CRMT) et au Toulourenc;
b) mise sur pied d'un lieu d'accueil et d'écoute pour parents de personnes toxicomanes selon les modalités définies par le rapport de la commission mixte;
c) encouragement et offre accrue de formation aux médecins privés désireux d'accepter des personnes dépendantes dans leur consultation, afin que le plus grand nombre possible de médecins accueille le plus petit nombre de personnes toxicomanes;
d) accroissement des possibilités de prise en charge à la méthadone par le service public, avec extension géographique sur la rive droite, évitant ainsi de surcharger tant Plainpalais que Champel;
e) accès à des seringues propres des personnes détenues ou hospitalisées qui en font la demande, avec une incitation à une hygiène de vie exempte de dépendance, mettant à profit le séjour carcéral et/ou hospitalier;
f) préparation de la relève des travailleurs sociaux qualifiés, permettant une activité de longue durée à l'équipe de prévention et d'intervention communautaire (EPIC);
g) élargissement substantiel de la capacité d'accueil, des plages horaires et des lieux de stationnement du bus itinérant de prévention sida (BIPS);
h) participation à des programmes expérimentaux, conformément aux possibilités offertes par la législation fédérale (distribution contrôlée d'héroïne), en sus des possibilités d'ores et déjà offertes sur le plan cantonal (méthadone).
4. La répression du grand trafic, relevant de la responsabilité du département de justice et police et des transports, doit recevoir la place qu'elle mérite dans une politique globale conçue pour permettre aux personnes toxicomanes de bénéficier des autres volets de la politique gouvernementales.
5. Le Conseil d'Etat est invité à présenter au Grand Conseil un rapport d'ensemble en 1998.
La présidente. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, Monsieur Dupraz, en particulier, encore un instant de patience !
M. John Dupraz. Mais j'ai rien dit !
La présidente. Peut-être, mais vous êtes déjà en train de vous agiter ! (Rires.)
R 289
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le rapport RD 227 du Conseil d'Etat;
- les propositions contenues dans le rapport du président de la commission mixte en matière de toxicomanie annexées au rapport susmentionné;
- la motion 997 de la commission des affaires sociales à ce propos,
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès de la Confédération pour qu'elle use de son influence auprès des instances tant européennes qu'internationales habilitées, afin qu'une décision soit prise par ces dernières dans le but de faire de la distribution de stupéfiants un monopole d'Etat, seule manière de rendre possible la distribution contrôlée de ceux-ci sans augmenter le risque de concentration de personnes toxicomanes dans une région donnée.
La présidente. Je dois vous faire une communication extrêmement agréable !
Notre mémorialiste, Mme Bernadette Bolay, assiste aujourd'hui, pour la dernière fois, à nos séances du Grand Conseil... (Manifestation.) Vous voyez que c'était important ! En effet, elle va quitter son emploi pour occuper un poste de secrétaire d'une commune genevoise; elle ne nous quitte donc pas tout à fait !
Mme Bolay a travaillé au service du Grand Conseil depuis septembre 1988, d'abord en qualité de rédactrice de procès-verbaux, puis, dès février 1991, comme mémorialiste. Nous avons tous pu apprécier sa compétence, sa disponibilité et sa gentillesse.
En prenant congé, avec regret, de vous, Madame, nous vous remercions du travail que vous avez fourni. Nous vous souhaitons une heureuse carrière et formons tous nos voeux pour votre avenir. (Applaudissements.)
La séance est levée à 23 h 30.