Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 15e séance

PL 7220
4. Projet de loi de Mme et M. Elisabeth Häusermann et Roger Beer modifiant la loi instituant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée (B 5 16). ( )PL7220

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée, du 15 décembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Cette rente peut être calculée en tenant compte du taux moyen d'activité.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Dans son article 3, la loi instituant le nouveau Plend (B 5 16) stipule qu'une rente égale à 20% du dernier traitement mensuel de base peut être versée au fonctionnaire qui entend bénéficier des mesures accordées pour prendre une retraite anticipée.

Quant à la modalité d'application de cet article, en l'absence de toute autre précision, le département de l'instruction publique (DIP) a décidé de s'en tenir à la lettre de la loi, au pied de la lettre même.

L'indemnité d'un enseignant sera donc calculée non seulement sur la base de son dernier traitement mensuel comme la loi le stipule, mais encore sur celle du dernier poste assumé, c'est-à-dire du taux d'activité de sa dernière année d'enseignement.

Cette application à la lettre présente deux défauts majeurs :

Premièrement, elle conduit à des situations choquantes par leur inégalité. Imaginons un fonctionnaire qui aurait enseigné à plein temps pendant 25-30 ans et n'aurait enseigné à mi-temps qu'au cours d'une année ou deux en fin de carrière. Imaginons un autre fonctionnaire qui, après avoir enseigné pendant une dizaine d'années à mi-temps, aurait assumé un poste à plein temps seulement pendant sa onzième année d'enseignement.

Le premier ne recevrait que le 20% du traitement de son dernier mi-temps (malgré son service pendant 25-30 ans à plein temps), donc d'un salaire réduit de moitié déjà, alors que le second recevrait le 20% du traitement correspondant au plein temps de sa dernière année (assumé donc que peu de temps durant).

Le fonctionnaire ayant assumé la charge la plus lourde se trouverait ainsi prétérité. C'est d'ailleurs fort probablement ce fonctionnaire-là, celui ayant derrière lui la carrière la plus longue qui, pour continuer à pouvoir assumer son travail de la meilleure manière possible, aura réduit son poste à cinq ans de l'âge de l'AVS.

Le deuxième défaut est tout aussi inacceptable puisqu'il induit des effets qui sont exactement contraires à ceux attendus par la loi que le parlement a votée.

Par une application de la loi qui ne tiendrait pas compte du taux moyen d'activité, les enseignants qui auraient réduit leur poste en fin de carrière se trouvent encouragés à demander à réoccuper un poste «plus élevé» dans le cadre de la garantie d'emploi qui est la leur. Et cela précisément pour pouvoir bénéficier, au bout d'une année, d'une indemnité plus équitable. Il va de soi que ce n'est pas ce que le législateur a voulu. D'autant plus que c'est bien dans l'enseignement secondaire que la moyenne d'âge des enseignants est la plus élevée. Une des conséquences, souhaitable, des mesures d'encouragement à la retraite anticipée aurait été, à juste titre, le rajeunissement de ce corps professoral. C'était d'ailleurs un des arguments clés du projet de loi de MM. Roger Beer et Hervé Dessimoz (PL 6930), projet rejeté par le Grand Conseil le 17 septembre 1993.

Revenons à l'âge des enseignants et à leur travail:

Pour tenir compte de la particularité du travail du corps professoral, et du fait que les membres de ce dernier réduisent souvent volontairement leur poste après vingt ou vingt-cinq ans de carrière, leur rente doit être calculée en fonction du taux moyen d'activité, c'est-à-dire de la moyenne des postes occupés, et non sur la base seulement du dernier poste occupé.

A vrai dire, la loi telle qu'elle a été votée ne devrait pas empêcher le département de l'instruction publique (DIP) d'en faire une application conforme au but visé, c'est-à-dire favoriser la retraite anticipée.

Tout en prenant le dernier traitement mensuel lequel tient compte des annuités notamment comme base pour le calcul des indemnités, rien n'interdit de faire ce calcul en retenant le taux moyen d'activité.

Dans l'application que le DIP fait de cette nouvelle loi, il confond à notre humble avis le «dernier traitement mensuel de base», sorte de catégorie salariale, déterminée par la classe à laquelle le fonctionnaire appartient et par le nombre d'annuités acquises, avec le «dernier traitement mensuel», considéré en valeur absolue. Cette interprétation ne saurait être retenue puisqu'elle peut conduire aux effets que nous avons indiqués plus haut, dont l'un est exactement contraire à l'objectif recherché par cette loi.

Il est évident que notre propos ne s'arrête pas qu'aux seuls enseignants mais qu'il s'agit bien d'assurer à l'ensemble des fonctionnaires qui accepteraient de prendre une retraite anticipée des mesures qui, à la fois, les encouragent réellement à le faire et soient, par ailleurs, équitables.

Si l'application actuelle de la loi, erronée à notre sens, a pu conduire à des décisions injustes à l'égard de certains fonctionnaires, dans les années précédentes, il convient de restaurer «a posteriori» une juste indemnité de compensation.

Enfin, le délai imparti aux enseignants pour demander une retraite anticipée a été fixée au 28 février et l'organisation de la prochaine année scolaire va être entreprise sous peu au niveau des différentes directions d'écoles. Il est donc urgent d'adopter cette modification au plus vite afin qu'il soit encore possible d'empêcher les effets pervers de l'application exercée jusqu'ici.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, il nous apparaît nécessaire de préciser au Conseil d'Etat, par la modification que nous vous demandons d'adopter, comment nous entendons éviter que la loi soit estropiée par l'application qui en est faite. Nous vous remercions d'accueillir favorablement ce projet de loi.

Préconsultation

Mme Elisabeth Häusermann (R). Nous soumettons à votre approbation, ce soir, une modification de loi qui permettra de calculer le PLEND en tenant compte du taux moyen d'activité, ce qui nous semble être la manière correcte d'application de l'idée radicale, reprise et défendue en 1993 par mes collègues MM. Beer et Dessimoz.

Nous sommes bien conscients que la question soulevée dans ce projet de loi concerne l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat. Nous pensons particulièrement à l'enseignement, ce secteur de la fonction publique où l'emploi peut être plus fréquemment à temps partiel ou fractionné : partage du travail tout souhaité.

A en croire certains, le PLEND ne fait surtout que diminuer le nombre d'emplois dans ce canton.

Or, ce même PLEND présente deux avantages importants qui semblent facilement oubliés :

1) Le maintien d'une dynamique nécessaire à l'école genevoise passe aussi par un rajeunissement du corps professoral.

On sait que nous nous trouvons dans une situation particulière, notamment dans l'enseignement secondaire : celle d'un vieillissement généralisé du corps enseignant qui a déjà des conséquences très importantes sur l'ouverture de cette carrière à des jeunes, et en aura sous peu de très lourdes, puisque, dans une dizaine d'années, des départs massifs d'enseignants auront lieu - entre cent vingt et cent cinquante par an.

Si on ne prend pas les mesures adéquates, particulièrement utiles pour le corps enseignant secondaire, on se retrouvera dans la situation d'il y a vingt-cinq ans, où on devait engager à tour de bras, recourant même à des jeunes qui n'avaient pas encore achevé leur formation universitaire, ou en allant recruter en Belgique francophone...

La modification de la loi permettra d'éviter l'inégalité de traitement, comme illustrée dans l'exposé des motifs, et d'inviter les enseignants à planifier leur retraite en toute sérénité.

En effet, certains membres du corps professoral réduisent volontairement leur charge horaire dans les dernières années de leur carrière pour mieux répondre aux attentes et aux exigences cumulées et parfois croisées/contradictoires des élèves, des parents et des autorités. Ainsi, ces enseignants seront mieux armés contre le stress et toute autre atteinte à leur santé. En même temps, la diminution de la charge horaire des enseignants en fin de carrière et la libération de postes par d'autres profitant du PLEND permettront aux jeunes enseignants de trouver un emploi stable plus rapidement.

Aujourd'hui, il est difficile ou presque impossible pour un jeune d'être engagé dans un établissement public à l'issue de sa formation pédagogique. Preuve en est l'âge moyen des enseignants titularisés. Mme Brunschwig Graf, présidente du DIP, me corrigera, mais il doit tourner autour des trente-quatre ans. Quand on sait qu'un candidat peut faire sa licence normalement entre vingt-trois et vingt-cinq ans, ces réalités laissent perplexe et songeur...

Puisqu'on parle de chiffres, il serait intéressant, en plus de l'âge moyen des enseignants au moment de leur titularisation, d'en connaître aussi le nombre. Par la même occasion, nous aimerions savoir combien d'enseignants sont aujourd'hui à cinq ans de la retraite, donc en âge de préretraite et, de ce fait, susceptibles de pouvoir profiter du PLEND et combien l'ont concrètement demandé ?

2) Restrictions budgétaires obligent, la loi du PLEND, bien appliquée, donc encourageant véritablement à la retraite anticipée, favorisera l'engagement de plus de jeunes. C'est un secret de polichinelle : un jeune enseignant commence sa «carrière» financière en bas de l'échelle salariale. Il pèsera donc beaucoup moins lourd dans la balance du budget de fonctionnement de l'Etat que son collègue ayant un nombre considérable d'années de service à son compte !

En appliquant cette proposition radicale, avec la modification proposée, nous en tirerons des avantages économiques certains sans prétériter ceux qui étaient à plein-temps au service de notre jeunesse pendant toute leur vie professionnelle.

La motivation pour toutes les personnes concernées, des deux côtés de l'échelle d'âges, ne peut être que profitable pour les élèves, pour les parents, pour les autorités, et, en prime, pour la caisse de l'Etat.

Le vieillissement généralisé du corps enseignant est un problème à nos yeux si important, le chômage des jeunes aussi, que l'encouragement à la retraite anticipée doit être soutenue par l'application qui est faite de la loi plutôt que le contraire.

Vu l'urgence en la matière pour l'organisation de la prochaine rentrée scolaire, nous prions la commission des finances de traiter le sujet avec célérité. Merci.

M. Roger Beer (R). Ce projet de loi, conséquence du PLEND, appelle quelques remarques, dans la mesure où, en 1991 déjà, les députés de la précédente législature se souviennent de notre projet de départ anticipé des «profs», jouant sur la différence entre les salaires des «profs seniors» et des jeunes. M. Föllmi, conseiller d'Etat de l'époque, avait reçu ce projet relativement froidement, puisqu'il avait ignoré cette proposition pendant une année et demie. J'imagine qu'ensuite les six autres conseillers d'Etat s'en étaient inspirés pour établir le PLEND. Je suis content de voir qu'il a été appliqué deux ans et qu'il a permis à un certain nombre de fonctionnaires de l'Etat de partir avec des préretraites très généreuses; mais je précise tout de même que le projet radical coûtait nettement moins cher à l'Etat.

Je constate qu'il y a un retour en arrière après avoir examiné le coût de l'opération. La nouvelle proposition est plus raisonnable, ce qui est très bien. Mais il me semble que le fait de ne pas tenir compte du taux moyen d'activité est une erreur.

J'ai entendu dire que ce calcul était compliqué et qu'il fallait y réfléchir. Tant mieux si tout le monde est d'accord ! Les réactions - on le constate - sont les mêmes que celles qu'il y a eu vis-à-vis du projet de loi radical.

A mon avis, ce projet de loi très simple peut engendrer des économies. Il mérite donc toute votre attention.

Je remercie le Conseil d'Etat d'accepter le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances, car il est inutile de refaire le travail en commission de l'enseignement. En effet, le projet est connu et il est plus raisonnable que le PLEND. Il demande simplement d'examiner le cas des fonctionnaires qui décident de travailler un peu moins en fin de carrière. Il n'est, en effet, pas normal de calculer la prime de départ sur les deux dernières années pendant lesquelles un fonctionnaire aurait travaillé à 50%, par exemple, alors qu'il aurait travaillé à plein-temps tout le reste de sa carrière. L'inverse ne serait pas juste non plus. Le calcul du taux moyen pondéré de l'activité de la personne concernée sur l'ensemble de sa carrière me paraît donc la solution la plus équitable.

Pour toutes ces raisons, je vous remercie d'accueillir favorablement ce projet et de bien vouloir le renvoyer à la commission des finances.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie, levez clairement la main lorsque vous sollicitez la parole, parce qu'il est très difficile d'apprécier si vous demandez la parole ou non !

M. Pierre Meyll (AdG). J'ai consulté le règlement du Grand Conseil, mais....

La présidente. Je sais, Monsieur Meyll, vous voulez m'interpeller pour dire que nous étions en débat de préconsultation ! J'ai consulté la disposition. En effet, un seul député par groupe peut prendre la parole en débat de préconsultation, mais nous ne savons pas si cela s'applique aux auteurs d'un projet de loi. Dans le cas présent, nous avions deux auteurs, c'est la raison pour laquelle je leur ai laissé la parole.

M. Pierre Meyll. Oui, d'accord, Madame ! Mais, vous vous rendez compte que, si tout le groupe de l'Alliance de gauche signait un projet de loi, vous auriez droit à vingt et une interventions !

La présidente. Monsieur Meyll, je vous promets que le Bureau tirera cette interprétation au clair, s'agissant des auteurs de projet de loi. Dans le doute, j'interprète toujours le règlement en faveur des députés qui me demandent la parole !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Vous vous en souviendrez, il avait été décidé en 1993, au moment de l'introduction du PLEND, de mettre en place des dispositions incitatives et de faire les calculs, évidemment, sur le dernier traitement mensuel de base, à l'exception des indemnités. Bien sûr, c'est sur la réalité économique, au moment de leur départ, que les membres du personnel font leurs calculs pour envisager un départ anticipé ou non. C'est également sur cette réalité économique que les départements doivent geler les postes ainsi libérés.

L'application du PLEND pour les années 1993, 1994 et pour la première année du PLEND définitif 1995, n'a soulevé - je vous le signale, Madame et Monsieur les auteurs du projet de loi - aucun des problèmes que vous avez pu imaginer, vous qui souhaitez que le calcul du PLEND se fasse sur le taux moyen d'activité et non pas sur la base du dernier traitement.

Votre projet de loi évoque deux risques :

1) Que les membres du personnel à temps partiel soient tentés d'augmenter leur taux d'activité durant la dernière année d'activité dans le but de bénéficier du PLEND complet. Ce risque présuppose que l'employeur accepte qu'un collaborateur, âgé de cinquante-sept ans, voire plus, augmente son taux d'activité, sachant que celui-ci prendra sa retraite prochainement. Cette situation ne s'est jamais présentée à l'office du personnel. Nous avons - les auteurs du projet de loi le savent - interrogé également M. Rossi de l'office du personnel du DIP. Il a ainsi confirmé que de tels cas ne s'étaient jamais présentés et que s'il devait y en avoir ils seraient extrêmement limités.

2) Qu'un membre du personnel ayant diminué son taux d'activité durant les dernières années précédant le PLEND recevrait ainsi une indemnité calculée sur le dernier salaire et non pas sur la moyenne du taux d'activité. Cette hypothèse s'est très rarement présentée et elle a été considérée sous deux aspects : ou bien la personne avait réduit son taux d'activité par pure convenance personnelle et dans ce cas il n'y a pas de raison que l'employeur verse une indemnité supérieure au dernier taux d'activité, ou bien la personne a réduit son taux d'activité pour des raisons de santé, sans pour autant bénéficier d'une pension d'invalidité, et, dans ce cas-là, les offices du personnel, qu'il s'agisse de mon département ou de celui du DIP, ont toujours tenu compte du taux d'activité existant avant la réduction de l'activité professionnelle, si cette dernière était intervenue dans les deux dernières années précédant le PLEND. Mais ces cas, par rapport à tous ceux qui ont été réglés, relèvent de l'exception.

Je ne m'oppose pas du tout à ce que ce projet de loi soit renvoyé en commission des finances pour y être discuté, non pas pour vous convaincre de la qualité du projet mis en place par le Conseil d'Etat par rapport au vôtre, mais pour examiner les règles que vous préconisez, et les conséquences de leur application à l'ensemble de la fonction publique. Nous constatons que le système basé sur le taux d'activité est une notion inconnue de l'employeur, et qu'il faudrait donc se baser sur le taux d'activité moyen des fonds de prévoyance, CIA ou CEH. Ce taux moyen ne garantirait pas l'égalité de traitement. En effet, une personne dont le taux d'activité est réduit peut demander à cotiser sur son ancien taux d'activité et maintenir ainsi ses droits; ces cas sont nombreux. Par ailleurs, une personne peut racheter ultérieurement le taux moyen d'activité; nous avons également un certain nombre de ces cas.

C'est la raison pour laquelle, il nous semble que - mais encore une fois nous sommes prêts à creuser cette voie - par rapport aux normes incitatives et par rapport au système mis en place, le taux d'activité que vous prévoyez présente plus d'inconvénients que le système actuel mis en place.

Voilà ce qu'il me semblait important de vous dire dans ce débat de préconsultation, Mesdames et Messieurs les députés, tout en réitérant mon accord pour que ce projet soit renvoyé à la commission des finances.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.