Séance du vendredi 24 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 13e séance

M 969
23. a) Proposition de motion de Mmes Maria Roth-Bernasconi et Liliane Maury Pasquier concernant la formation des enseignants et enseignantes primaires à l'université de Genève. ( ) M969
 Mémorial 1995 : Annoncée, 295.
M 728-B
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes Maria Roth-Bernasconi, Gabrielle Maulini-Dreyfus et Liliane Johner concernant l'égalité entre hommes et femmes (14 juin 1981-1991). ( -) M728
 Mémorial 1991 : Annoncée, 1935. Lettre, 2042. Développée, 2240. Commission, 2259.
 Mémorial 1993 : Rapport, 1275. Motion, 1289.

M 969

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 qu'une nouvelle formation des enseignants et enseignantes primaires est mise sur pied à l'université de Genève;

 que l'article 4, alinéa 2, de la Constitution fédérale instaurant le principe de l'égalité des sexes désigne l'instruction comme étant l'un des domaines prioritaires directement concerné;

 que la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique prévoit dans ses recommandations que l'égalité des sexes doit figurer obligatoirement dans le programme des enseignants et enseignantes;

 que le Conseil d'Etat n'a toujours pas répondu à la motion 728-A concernant l'égalité entre hommes et femmes,

invite le Conseil d'Etat

 à informer le Grand Conseil sur le nouveau programme de formation des enseignants et enseignantes, notamment sous l'angle de la thématique de l'égalité entre hommes et femmes;

 à inviter, le cas échéant, le groupe de travail s'occupant de ce projet de formation à inclure une unité de formation obligatoire, au début des études, centrée sur la problématique de l'égalité des sexes;

 à s'assurer que la formation continue des enseignants et enseignantes propose des cours de sensibilisation au thème de l'égalité;

 à veiller à ce que l'éducation scolaire continue à promouvoir l'objectif de l'égalité.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La formation des enseignants et enseignantes est en complète réforme suite au transfert des études pédagogiques à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'université de Genève. Nous savons qu'un groupe de travail est en train d'étudier un nouveau concept de formation pour les futurs enseignants et enseignantes.

Il n'appartient pas aux politiciens et politiciennes de s'immiscer dans les programmes d'études de l'université. Dès lors, il ne s'agit ici pas d'intervenir politiquement dans le programme scolaire mais de rappeler une norme constitutionnelle que tout-e responsable de formation se doit d'observer.

Le mandat d'assurer l'égalité entre hommes et femmes est donné tant par la Constitution fédérale que par la Constitution cantonale. S'il est nécessaire d'inscrire le droit à l'égalité dans les constitutions fédérale et cantonale, il ne faut pas oublier que la pratique sociale et l'évolution des mentalités joue un rôle considérable pour que ce droit devienne effectif.

L'école joue un rôle fondamental en matière d'éducation et peut influencer favorablement l'évolution des mentalités. La Conférence suisse des directeurs et directrices cantonaux de l'instruction publique en était parfaitement consciente lorsqu'elle a adopté en 1993 une recommandation qui indique que «l'égalité des sexes est un thème qui doit obligatoirement figurer dans le programme de formation des enseignants et enseignantes. Les enseignants et enseignantes doivent être amenés à reconnaître tout ce qui peut être préjudiciable à ce principe, et à y remédier.»

Le Grand Conseil genevois était du même avis lorsqu'il a, le 11 mars 1993, renvoyé la motion 728 au Conseil d'Etat. Cette motion, restée sans réponse jusqu'à ce jour, invitait le Conseil d'Etat à renseigner le Grand Conseil sur la sensibilisation à la problématique de l'égalité dans la formation de base et la formation permanente des enseignants et enseignantes, à veiller à ce que l'éducation scolaire continue à promouvoir l'égalité et à informer le Grand Conseil sur les moyens qu'il a mis sur pied pour combattre le sexisme dans les manuels scolaires et dans l'enseignement.

Il nous semble important que, dans un canton comme Genève qui doit faire coexister un grand nombre de cultures différentes tout au long de la scolarité obligatoire, tous les enseignants et enseignantes aient les instruments nécessaires pour pouvoir mettre en oeuvre le concept fondamental et unificateur qu'est l'égalité entre hommes et femmes.

Pour toutes ces raisons nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette motion.

M 728-B

La motion dont il fait rapport ici a été déposée par Mmes Maria Roth-Bernasconi, Gabrielle Maulini-Dreyfus et Liliane Johner le 17 février 1993. Elle a été renvoyée au Conseil d'Etat le 11 mars 1993.

Elle invite le Conseil d'Etat à

 informer le Grand Conseil sur les moyens qu'il a mis sur pied pour combattre le sexisme dans les manuels scolaires et dans l'enseignement;

 renseigner le Grand Conseil sur la sensibilisation à cette problématique dans la formation de base et la formation permanente des enseignants et des enseignantes;

 veiller à ce que l'éducation scolaire continue à promouvoir l'objectif d'égalité.

Le Conseil d'Etat répond comme suit à ces invites:

1. Moyens mis sur pied pour combattre le sexisme dans les manuels scolaires et dans l'enseignement

La Conférence suisse des directeurs cantonaux d'instruction publique (CDIP) a édicté, en 1993, des recommandations en vue de l'égalité de l'homme et de la femme dans le domaine de l'enseignement et de l'éducation que l'on trouvera en annexe.

Les moyens utilisés à l'école primaire sont, en principe, conçus sur le plan romand. Leur élaboration suit donc des recommandations édictées par le CDIP. La recommandation no 3 répond tout particulièrement aux attentes des motionnaires puisqu'elle concerne l'enseignement et les moyens d'enseignement visant à éliminer des manuels scolaires les stéréotypes liés au sexe.

3. Equivalence dans l'enseignement

«L'enseignement et les moyens d'enseignement doivent être conçus dans un esprit d'ouverture et dans le respect de la diversité de l'environnement quotidien et professionnel des deux sexes.

Les enseignantes et les enseignants respectent l'équivalence des deux sexes au niveau du langage et de toutes les autres formes de communication.»

Le cycle d'orientation genevois, dans la mesure où il élabore des moyens didactiques pour ses élèves, soumet ses textes à une relecture faite sous l'angle visé par sa déléguée aux droits de l'homme et de la femme. Cette dernière dispose d'une panoplie de documents qui traitent spécifiquement de cette question. Outre l'ouvrage «Sexisme? Racisme? Encore un effort» dont elle est l'auteur et qui a été publié par le cycle d'orientation en 1992, il faut citer le «Dictionnaire féminin-masculin des professions, des titres et des fonctions» (édtions Metropolis, Genève, 1991) et «Pour une éducation épicène» (Thérèse Moreau, éditions Réalités sociales, Lausanne, 1994).

Les moyens d'enseignement utilisés dans les écoles du postobligatoire sont le plus souvent achetés dans le commerce et échappenrt donc ainsi à la relecture de la déléguée aux droits de l'homme et de la femme. Les personnes responsables de la sélection des moyens d'enseignement sont cependant attentives à cette problématique et agissent en conséquence.

2. Sensibilisation à cette problématique dans la formation de baseet la formation permanente des enseignants

Le Conseil d'Etat entend souligner à ce propos que la forte représentation des femmes dans l'enseignement en général constitue, en soi, un facteur d'égalité, une assurance que le milieu enseignant, habitué à toute forme de mixité, considère comme allant de soi l'égalité entre hommes et femmes (voir tableau ci-dessous).

La faible représentation des femmes au sein du corps professoral de l'université fera l'objet d'un rapport séparé en réponse à la motion 951.

En ce qui concerne la formation de base, et pour les raisons citées ci-dessus, il n'est pas apparu nécessaire de sensibiliser de manière particulière les enseignants et enseignantes en formation. Mais dans le nouveau projet de formation des maîtres primaires à l'université, cette dimension sera prise en compte. Le groupe chargé d'établir les programmes a d'ailleurs pris contact avec le bureau de l'égalité pour connaître ses propositions à ce sujet.

Dans la formation continue, des cours ayant pour thème général «Enseigner l'égalité et la tolérance» ont été proposés au corps enseignant du cycle d'orientation pendant l'année 1993/94.

Pourcentage d'enseignantes dans l'enseignement genevois

à la rentrée 1993

Niveau d'enseignement

% des femmes

Primaire

,83

Cycle d'orientation

,54

Secondaire II

,38

Université*

,32

dont professeures ordinaires, titulaires,

adjointes et d'école

7,2

* Pourcentage du corps professoral féminin et des collaboratrices de l'enseignement, y compris chargées d'enseignement, maîtres assistantes, assistantes, etc., au 1er janvier 1995.

3. Veiller à ce que l'éducation scolaire continue à promouvoirl'objectif d'égalité

L'école publique doit tendre à corriger les inégalités des chances de réussite scolaire. Inscrite dans l'article 4, lettre e, de la loi sur l'instruction publique, cette disposition n'est pas facultative et pour qu'elle ne soit pas réduite à l'état de slogan, le Conseil d'Etat entend poursuivre les efforts d'adaptation des structures scolaires et des programmes de formation pour donner aux jeunes les meilleures chances d'intégration dans leur vie sociale et professionnelle, culturelle et civique future. Il va de soi que cette disposition s'entend également dans le sens de l'égalité entre les sexes.

4. Conclusion

Le Conseil d'Etat espère avoir répondu aux questions des motionnaires. En conclusion, il tient néanmoins à rappeler qu'avant que le peuple suisse n'inscrive dans la constitution fédérale le principe d'égalité entre les hommes et les femmes (1981), des mesures positives visant l'égalité de formation entre filles et garçons avaient déjà été prises dans le canton de Genève. Cela notamment aux niveaux:

 des structures scolaires: la création du cycle d'orientation en 1962 a fait disparaître les anciennes discriminations dans l'accès aux études secondaires qui existaient encore à Genève. La mixité, domaine dans leque notre canton accusait un certain retard par rapport à d'autres cantons romands, a été progressivement introduite en 1965 et complètement réalisée à la rentrée 1969/70;

 de l'enseignement: toute forme de cours destinés spécifiquement aux urnes ou aux autres a disparu des programmes d'enseignement; la dernière différenciation - couture pour les filles, travaux manuels pour les garçons - a été éliminée en 1981;

 de la loi sur l'instruction publique: entrée en vigueur en 1977, elle disposait déjà que l'école doit tendre à l'égalité des chances de réussite scolaire.

Ainsi, grâce à l'égalité formelle, une évolution réjouissante peut être constatée: il est certain qu'au cours des quinze dernières années, les femmes ont plus que les hommes tiré parti des chances de formation offertes en particulier par les études secondaires postobligatoires. Le nombre des femmes accédant à une formation complète a globalement augmenté; le nombre de celles qui accèdent à une formation tertiaire (universitaire) a triplé en dix ans alors qu'il n'a que doublé pour les hommes. En 1994, l'université de Genève compte 54% d'étudiantes.

Statistiquement, le Collège de Genève compte 58% d'étudiantes (60% en section latine, 34% en section scientifique), les Cours professionnels commerciaux 59% mais l'EIG n'en compte que 8%, le CEPIA 18%, les ETM 3%. La faculté de psychologie 77% et la faculté des sciences 41%. Il est difficile de ne pas en conclure que les stétéotypes subsistent même lorsque la constitution, les lois et les structures assurent formellement l'égalité des chances.

Le Conseil d'Etat n'entend pas, bien sûr, s'immiscer dans des choix personnels mais il veut s'assurer que la meilleure information a présidé à ces choix. A cet effet, il poursuivra son effort dans le sens d'une information et d'une orientation professionnelles positives afin que les filles aient une meilleure connaissance concrète du monde professionnel et soient davantage conscientes de leurs capacités personnelles et des enjeux qu'impliquent leurs choix.

Il s'efforcera également de sensibiliser à cette problématique les familles mais aussi les associations professionnelles représentant les métiers enseignés et les partenaires sociaux. Tant il est vrai que l'égalité homme-femme ne pourra se réaliser que si tous ces partenaires se mobilisent ensemble. A ce titre, la politique actuellement menée par le département de l'instruction publique visant à favoriser les liens entre les lieux de formation et le monde économique permettra d'intensifier cette prise conscience.

ANNEXE

M 728

PROPOSITION DE MOTION

concernant l'égalité entre hommes et femmes

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

  que l'égalité entre hommes et femmes est un principe constitutionnel;

  que l'école est un des multiples facteurs qui doit tendre à changer les mentalités:

  que la réalisation dans les faits du principe de l'égalité entre hommes et femmes est un travail de longue haleine;

  que l'école genevoise fait un grand effort pour intégrer les enfants venant de tous les horizons et de toutes les couches populaires,

invite le Conseil d'Etat

  à informer le Grand Conseil sur les moyens qu'il a mis sur pied pour combattre le sexisme dans les manuels scolaires et dans l'enseignement;

  à renseigner le Grand Conseil sur la sensibilisation à cette problématique dans la formation de base et la formation permanente des enseignants et des enseignantes;

  à veiller à ce que l'éducation scolaire continue à promouvoir l'objectif égalité.

Débat

Mme Liliane Maury Pasquier (S). L'article 10 de la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes demande que les Etats partie prenante prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes, afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes, en ce qui concerne l'éducation et, en particulier, pour assurer l'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement. (Le bruit est infernal.) Je suis désolée, mais si vous voulez continuer à siéger, il faut vous taire, aller à la buvette ou, alors, rentrer chez vous ! (Applaudissements.) (Des voix masculines continuent à se faire entendre. L'oratrice attend le silence.)

La présidente. Poursuivons nos travaux, Mesdames et Messieurs les députés !

Mme Liliane Maury Pasquier. Et pourquoi donc, disais-je, est-il si important d'assurer des droits égaux à tous en matière d'éducation ? Pourquoi faut-il assurer l'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme ? Tout simplement, pour que tous les enfants, filles ou garçons, puissent s'épanouir selon leurs réelles compétences propres. Tout simplement, pour que ces filles et ces garçons, devenus adultes, femmes et hommes, puissent mettre leurs capacités, ainsi épanouies, au service de notre société.

C'est ainsi, en reconnaissant l'importance d'une telle possibilité pour chacune et chacun, que les parlementaires nationaux, suivis par les femmes et les hommes de ce pays, ont fait inscrire le principe de l'égalité à l'article 4 de la Constitution fédérale. Ils ont été suivis par les parlementaires cantonaux - mais oui ! - et par la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l'instruction publique. Cette conférence, soucieuse de favoriser la réalisation du principe d'égalité, a aussi inscrit, dans sa recommandation n° 3 du 28 octobre 1993, que l'égalité des sexes est un thème qui doit obligatoirement figurer dans le programme de formation des enseignants.

Le dépôt de notre proposition de motion 969, il y a plus de deux mois maintenant, a miraculeusement permis au Conseil d'Etat de répondre à la motion 728 déposée le 3 mai 1991, et non en février 1993, comme indiqué par erreur dans le rapport. Ce rapport tente ainsi de faire d'une pierre deux coups, en répondant en même temps à des motions distantes de quatre ans. Cette tentative peut être valable pour la motion 728, mais nous restons tout à fait persuadées que la motion 969 est toujours d'actualité.

En effet, même si le rapport du Conseil d'Etat contient quelques renseignements sur la nouvelle formation des enseignantes et enseignants primaires, nous souhaitons recevoir des informations plus détaillées sur cette nouvelle formation, notamment sous l'angle de la thématique de l'égalité, comme le demande notre première invite.

Même si le rapport du Conseil d'Etat mentionne une prise de contact entre le groupe/projet et le bureau de l'égalité, nous pensons qu'il faut aller plus loin et inviter le groupe de travail à inclure formellement la problématique de l'égalité dans la nouvelle formation. Il s'agit de la deuxième invite de notre motion.

Même si le rapport du Conseil d'Etat rappelle les cours donnés dans la formation continue au corps enseignant du cycle d'orientation, nous pensons qu'il faut développer cette formation continue, tant pour les enseignantes et les enseignants primaires que ceux du secondaire. C'est notre troisième invite.

La quatrième invite garde toute son actualité. Toutefois, pour tenir compte du fait nouveau que constitue le rapport du Conseil d'Etat, nous vous proposons d'amender notre motion. Cet amendement consiste à supprimer le quatrième considérant disant que le Conseil d'Etat n'avait pas répondu à la motion 728, et il consiste également à modifier la troisième invite en disant :

«invite le Conseil d'Etat à développer les cours de sensibilisation au thème de l'égalité dans la formation continue des enseignantes et des enseignants.».

Moyennant ces modifications, je vous remercie d'accueillir favorablement et avec attention cette motion.

La présidente. Madame Maury Pasquier, votre deuxième amendement vise bien à supprimer la troisième invite et à la remplacer par celle que vous m'avez transmise. Bien !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). S'agissant du rapport sur la motion 728, on peut dire que les actions du département en la matière et les déclarations d'intention du Conseil d'Etat sont, grosso modo, satisfaisantes. (Intense brouhaha.)

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Aujourd'hui, au Parlement fédéral, la loi fédérale sur l'égalité a été votée dans un calme et dans un respect parfaits. Ici, par contre, j'ai l'impression que ce qui se dit n'intéresse personne. Je propose donc le report de ces deux points à une prochaine séance ! (Contestation.)

La présidente. Madame Roth-Bernasconi, je suis navrée ! Vous pouvez retirer ces deux points, mais vous ne pouvez pas les reporter. M. Blanc avait parfaitement raison sur ce point de la procédure ! Nous devons donc continuer nos travaux, à moins que vous ne retiriez ces deux points. De toute façon, vous ne pouvez pas retirer le rapport du Conseil d'Etat.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Nous pouvons partir ! Le rapport du Conseil d'Etat...

La présidente. Mais oui, Madame, c'est évident !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. Le rapport du Conseil d'Etat... (L'oratrice gênée par les discussions s'arrête.) Mais c'est vrai que c'est fatigant !

M. Pierre Kunz. C'est un sujet qui n'intéresse personne !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. Vous n'êtes pas le monde entier, Monsieur Kunz ! (La présidente fait sonner sa cloche.) Moi, personnellement, ce sujet m'intéresse et je ne suis pas la seule dans ce cas, sinon je ne serais pas élue ! (Le chahut persiste.)

La présidente. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vais devoir suspendre la séance si on ne peut plus s'exprimer !

Une voix. Ça suffit, ou bien ! Tu la boucles ! Non mais, franchement !

La présidente. Monsieur Ducommun, s'il vous plaît !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. Ce rapport est heureusement relativement satisfaisant tant en ce qui concerne les actions déjà entreprises qu'en ce qui concerne les intentions déclarées par le Conseil d'Etat, en particulier la prise en compte des recommandations très avancées de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique de 1993. Ces recommandations ne se trouvent malheureusement pas en annexe de ce rapport, contrairement à ce qui est annoncé en page 2.

Permettez, cependant, aux motionnaires de s'étonner de ce que le Conseil d'Etat, répondant à des préoccupations de promotion de l'égalité, n'ait pas su faire la démonstration qu'il avait bien intégré la question. En effet, au-delà des entreprises formelles, il est étonnant d'utiliser des formules qui démentent l'intention, comme c'est le cas à chaque page.

En page 2 : «...la forte représentation des femmes dans l'enseignement en général constitue en soi un facteur d'égalité...». Selon cette logique, dans le ménage, l'égalité va au-delà de nos espérances !

En page 3 : «Dans la formation continue, des cours ayant pour thème général «Enseigner l'égalité et la tolérance» ont été proposés au corps enseignant.». Proposer, c'est recevoir les enseignants les plus motivés sur une question. Ce n'est donc pas une action positive de promotion de l'égalité !

En page 4 : «...les femmes ont plus que les hommes tiré parti des chances de formation...». Elles n'ont pas plus que les hommes tiré parti des chances de formation, elles ont rattrapé un certain retard !

En page 5 : «Le Conseil d'Etat n'entend pas s'immiscer...». Il ne s'agit pas de s'immiscer, mais de prendre des mesures positives !

Dans un autre domaine, la fin de rapport affirme que les liens entre les lieux de formation et l'école sont en soi un élément favorable à la promotion de l'égalité. La démonstration reste à faire !

Malgré la notation très médiocre que mérite ce rapport, les éléments formels et la volonté de persévérer dans la mission de l'école de tendre à corriger les inégalités de chances et d'intégrer, je cite : «cela va de soi» l'égalité entre les sexes dans cette disposition, nous vous remercions de ce rapport.

Mme Janine Hagmann (L). J'ai lu avec intérêt, Mesdames, votre proposition de motion. Je sais que c'est un sujet qui vous tient à coeur et que vous êtes toujours très attentives à l'égalité des sexes, sujet qui vous permet d'enfourcher votre «jument» de bataille ! (Rires.) D'ailleurs - je l'espère - personne dans cette enceinte ne remet en cause ce principe fondamental. Même le «Nouveau Quotidien» publie aujourd'hui une page complète intitulée «Nous, jésuites, nous engageons à lutter contre la domination masculine !». Je ne vais pas développer tout ce qui se fait à Genève pour tenter d'effacer les différences qui vous gênent...

M. Claude Blanc. C'est quoi, la différence qui gêne ?

Mme Janine Hagmann. ...puisque le rapport du Conseil d'Etat à la motion 728 est explicite.

En l'occurrence, la motion demande que la formation des enseignants de l'enseignement primaire, formation qui est passée à l'université, ait, dans son plan d'étude, une unité de formation obligatoire centrée sur la problématique de l'égalité des sexes. Au nom de la liberté académique, je crains que ce ne soit difficile.

Je vais juste rappeler quelques réalités. 83% du corps enseignant primaire est féminin. Depuis longtemps, dans ce domaine, l'adage : «A travail égal, salaire égal !» est mis en pratique.

Une voix. C'est faux !

Mme Janine Hagmann. Si, Madame, c'est vrai !

Les ouvertures de postes sont toujours proposées sans distinction de sexe, et s'il y a un domaine où les gens se sentent sensibilisés par ce sujet, c'est bien l'enseignement.

C'est pourquoi, au nom du groupe libéral, je propose que votre motion, qui est intéressante, soit renvoyée à la commission de l'université. Je remercie le Conseil d'Etat pour son rapport. Je dissocie ainsi les deux choses.

M. Bernard Lescaze (R). Je suis heureux de voir que les motionnaires préfèrent une éducation épicène à une éducation épicée ! (Rires.) De ce point de vue, je peux partager leurs préoccupations. Mon groupe souhaite également le renvoi de cette motion à la commission de l'université.

Puisque j'ai la parole sur ce délicat problème de l'égalité entre hommes et femmes et qu'il existe une déléguée à la condition féminine, cheffe du bureau de l'égalité, qui parfois se donne beaucoup de mal pour des questions de vocabulaire, j'aimerais signaler à cette dernière un point relativement important, parce qu'il touche de nombreuses femmes, dans lequel elle a brillé, jusqu'à présent, par une absence complète !

Je signale aux femmes et aux hommes du Grand Conseil que, lorsque vous atteignez l'âge de septante ans, vous devez passer une visite chez un médecin-conseil pour pouvoir continuer à disposer d'un permis de conduire. Alors qu'à partir d'un certain âge, la proportion de femmes dans la population est nettement supérieure à celle des hommes, je tiens à faire savoir quelle est la proportion de femmes médecins dans la liste des médecins-conseils. Eh bien, Mesdames, sur quarante-deux médecins, il y en a zéro ! Alors là, il y a un travail qui me semble urgent !

M. Bernard Annen (L). Je voudrais parler de la procédure. Nos collègues socialistes nous ont demandé de rattacher le point 58 au point 60. Ce sont des motions. Le Conseil d'Etat a répondu à l'une, le point 60. Il s'agit pour nous d'accepter que le point 58 soit renvoyé à la commission de l'université.

En ce qui nous concerne, nous prendrons acte de la motion 728-B.

La présidente. Mais, Monsieur Annen, il est bien évident que nous aurions d'abord voté sur la motion et qu'ensuite nous aurions pris acte du rapport du Conseil d'Etat ! Nous n'aurions jamais groupé les deux votes.

M. Bernard Annen. Je voulais que les choses soient claires, Madame la présidente !

Mme Nelly Guichard (PDC). Nous sommes évidemment tout à fait favorables à une éducation qui aille dans le sens de l'égalité entre filles et garçons, et ceci dès la plus petite enfance.

Il me semble cependant qu'en ce qui concerne l'école primaire et enfantine cette motion est une injure à ce qui se pratique depuis de nombreuses années déjà, à un état d'esprit qui est bien implanté dans les milieux de l'enseignement primaire que beaucoup d'entre vous semblent pourtant connaître. En effet, je connais peu de métiers où l'égalité entre hommes et femmes soit aussi visible, aussi naturelle qu'au sein du corps enseignant genevois.

Les différentes directions et les enseignants de l'école publique genevoise n'ont donc pas attendu cette motion pour se préoccuper du sujet de l'égalité.

Voici près de vingt ans que des cours sont dispensés dans ce sens, que toutes les activités scolaires sont mixtes, comme l'explique Mme Brunschwig Graf dans le rapport qui traite de ce sujet au point 60 de notre ordre du jour. J'avoue que je ne vois pas très bien pourquoi, sous quel prétexte, on reviendrait en arrière par rapport à ce qui est une pratique courante dans ce domaine.

Au demeurant, les jeunes filles et les jeunes gens, qui sont susceptibles, aujourd'hui, de choisir cette profession, qui seront candidats pour cette nouvelle formation des enseignants, ont donc précisément déjà bénéficié d'une éducation scolaire tout à fait mixte, d'une éducation «au respect d'autrui, à l'esprit de solidarité et de coopération», selon l'article 4 de la loi sur l'instruction publique. (Les discussions vont bon train, et on ne s'entend plus.)

Nous proposons néanmoins le renvoi de cette motion en commission de l'université, tout en étant conscients, comme cela est expliqué dans l'exposé des motifs, qu'il n'incombe pas aux députés de définir... (Mme Charrière Urben converse avec M. Lescaze.)

La présidente. Madame Charrière Urben, s'il vous plaît ! (Le bruit est assourdissant.) Mesdames et Messieurs les libéraux, je vous en prie, respectez un peu les orateurs !

Mme Nelly Guichard. ...qu'il n'incombe pas aux députés de définir le contenu des programmes des cours dispensés à l'université.

M. Bernard Clerc (AdG). Messieurs - ce n'est pas par hasard que je dis Messieurs, parce que je n'interviendrai pas sur le fond de cette motion. J'interviendrai sur ce qui se passe dans cette assemblée, au moment où l'on discute de ce type de sujet. Je ne crois pas que seules l'heure tardive ou les boissons de la buvette font qu'il y ait des ricanements, des rires, des plaisanteries plus ou moins douteuses. J'estime que ces attitudes reflètent un certain machisme et j'en suis profondément désolé !

Une voix. Je ne suis pas macho !

M. Bernard Clerc. Je n'avais pas cette impression tout à l'heure. Aussi, Mesdames les députées, je vous prie de recevoir nos excuses.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je serai très brève. En réponse à ce qui a été dit tout à l'heure, notamment que cette motion fait injure aux efforts du département, j'ai envie de répondre que le nombre de femmes sur les bancs radicaux et démocrates-chrétiens est une insulte à la démocratie. (Protestations.)

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Mesdames, Messieurs les dépités... (Rires) ...Je suis fatiguée, excusez-moi. Vous me forcez à travailler la nuit, alors que je m'étais juré de ne plus jamais le faire quand j'ai quitté l'hôpital. Je ne voulais pas intervenir, mais des monstruosités ont été proférées, notamment par des femmes appartenant aux partis bourgeois, ce que je regrette infiniment

Avant de prendre la parole, je vous conseillerais de vous renseigner auprès des gens qui connaissent le sujet. Moi, je n'invente rien ! C'est le rapport 22 B de la Conférence des directeurs et directrices de l'instruction publique qui affirme que le comportement sexiste inconscient des enseignants et enseignantes défavorise les filles par rapport aux garçons. Ce n'est pas moi qui l'invente. Je cite : «Il ne faut pas croire que la modification de la représentation sociale se résume aux changements dans les manuels scolaires ou à l'introduction de la mixité. Les stéréotypes se perpétuent, notamment dans nos manières d'être, de faire et de parler.». On en a eu des exemples tout à l'heure.

Il s'agit, par conséquent, de modifier le mode de penser et d'agir. Plusieurs études ont été menées pour démontrer que les enseignants et enseignantes ne traitent pas de manière identique les filles et les garçons.

Je ne vous citerai qu'un exemple donné par des études menées en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis, qui relèvent que, dans les classes, les garçons sont plus souvent interrogés que les filles... (Signes de dénégation.) ...C'est vrai ! Même s'ils sont minoritaires, les garçons bénéficient, à eux seuls, des deux tiers du temps consacré aux élèves.

C'est donc l'interaction des élèves et des enseignants ou enseignantes qui doit être remise en question. Nous tenons à réaffirmer ici que nous ne remettons aucunement en cause la bonne volonté des enseignants et enseignantes, qui en ont beaucoup. Mais nous demandons une remise en question, justement parce que le comportement inégalitaire est très souvent inconscient.

Voilà ce que je voulais ajouter. Je vous prie de prendre acte du rapport du département et de voter le renvoi de notre motion en commission de l'université.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Compte tenu de l'état de la salle, je m'efforcerai d'être brève. J'aimerais faire une remarque au sujet du rapport... (Brouhaha.)

La présidente. Mais écoutez au moins notre conseillère d'Etat ! (Charivari et vifs applaudissements).

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est même du sexisme bienvenu, Monsieur Dupraz. Passons ! Je relève quelque chose au sujet de ce rapport. Si j'ai bien compris, la plupart de ceux qui l'ont lu ont estimé qu'il donnait un certain nombre de réponses satisfaisantes. Je voudrais donc dire à Mme Maulini que chacun, en le lisant, comprendra ce qu'il veut comprendre. Ainsi, à la page 3 citée par vous, quand nous parlons de proposer des cours, c'est simplement, Madame, que tout le système de formation continue des enseignants, et non seulement pour ce qui concerne l'égalité entre hommes et femmes, est ainsi conçu, et ce d'entente avec les associations professionnelles. Il n'y a donc pas d'arrière-pensée de quiconque. Je souligne que ce rapport a été rédigé par une femme, révisé par une autre femme, et adopté par une autre femme encore !

Dès lors, on pourra toujours gloser à propos des mots que chacun entendait comprendre dans ce rapport. Celle qui l'a rédigé et celles qui l'ont relu ont souhaité vous exprimer, le plus concrètement possible, ce qui avait été fait et ce qu'il était possible de faire. Je vous demanderai de ne rien y chercher d'autre, et pour la qualité du travail et pour le mot mesquin que je me refuse à transmettre à l'auteur du rapport, parce que je ne considère pas celui-ci comme étant médiocre.

S'agissant de la motion, il est vrai que, lorsqu'on confie une formation à l'université, l'on doit admettre, parce que c'est la règle, de ne pas intervenir, au niveau politique, dans le contenu des enseignements. Cela étant, s'agissant d'une mission confiée par le département de l'instruction publique à l'université, et soucieux de respecter les règles de l'égalité, les auteurs du groupe/projet ont consulté le bureau de l'égalité des droits entre homme et femme. Ils ont ainsi défini, dans les objectifs de la formation, que celle-ci devra favoriser une prise de conscience des valeurs et des attitudes véhiculées par les contenus et les pratiques de l'enseignement, qu'elle devra sensibiliser à la diversité culturelle, aux différences sexuelles et ethniques, sociales et religieuses ainsi qu'aux exclusions qu'elle provoque.

A partir de là, je peux vous dire que le souci est réel, qu'il est pris en compte et qu'il l'est d'entente avec le bureau de l'égalité.

Je vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'université et d'auditionner les différents acteurs. Mais, de grâce, si nous voulons avancer, reconnaissons ce qui a été fait, parce qu'à force de répéter toujours ce qui ne l'a pas été, vous allez décourager les femmes à aller de l'avant. (Applaudissements).

M 969

Cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'université.

M 728-B

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

La séance est levée à 23 h 40.