Séance du
vendredi 24 mars 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
5e
session -
13e
séance
P 794-B
Suite au rapport déposé, le 17 novembre 1988, par la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition de l'Association pour la sauvegarde du cinéma Manhattan, le Conseil d'Etat a rejeté, en date du 2 octobre 1989, une demande de classement, émanant de la Société d'art public (SAP).
Procédant sur la base d'une seconde demande déposée, le 30 août 1991, par la Fédération des architectes suisses, section de Genève (FAS), et par l'Association pour la sauvegarde du cinéma Manhattan, le département des travaux publics et de l'énergie a fait instruire cette nouvelle requête.
Par lettre du 13 décembre 1991, la Ville de Genève avait confirmé son préavis antérieur (émis le 2 août 1988) favorable à une mesure de classement.
En date du 14 juillet 1993, le Conseil d'Etat, reconsidérant sa décision du 2 octobre 1989, a pris un nouvel arrêté ordonnant le classement de la salle de cinéma Manhattan en le déclarant monument historique.
Le 13 août 1993, la société immobilière Mail-Cirque, propriétaire, a interjeté un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif.
Sur demande des parties qui souhaitaient mettre fin au litige sur la base d'une solution négociée, le Tribunal administratif a accepté de suspendre la procédure, qui est toujours pendante devant cette juridiction.
Dans ce contexte, plusieurs pistes de réflexion ont été explorées, notamment avec M. Metin Arditi, représentant de la Financière Arditi SA, qui est également président d'une fondation académique genevoise qui porte son nom et qui distribue chaque année, depuis 1988, une dizaine de prix à l'université de Genève. C'est ainsi que la fondation Arditi a décidé d'entrer en matière pour examiner la mise sur pied d'une opération de rénovation-transformation du cinéma Manhattan. Il apparaît ainsi, aujourd'hui, que la société propriétaire dudit cinéma, à la faveur d'un dialogue qui s'est instauré entre les parties, semble acquise à l'idée de sauvegarder une oeuvre d'architecture contemporaine reconnue comme telle, et, d'autre part, de réaffecter cette oeuvre à des activités de caractère public. L'opération de sauvegarde devrait être menée sans aucune incidence financière sur le budget d'investissement de la collectivité à laquelle la salle de cinéma serait remise, à terme, la question des frais de fonctionnement devant toutefois être réservée. L'hypothèse envisagée d'une surélévation de l'immeuble adjacent, effectuée avec la participation de l'architecte qui l'a conçu, a été abandonnée au vu des difficultés liées à des questions structurelles.
Des discussions très fructueuses sont en cours avec la Ville de Genève, la société propriétaire, la fondation Wilsdorf, l'université et d'autres partenaires concernés; le projet de rénovation et de changement d'affectation de l'immeuble pourrait être mis à l'enquête très prochainement, ce qui permettra à l'ensemble des députés de suivre le cheminement et l'aboutissement de ce dossier dans lequel le Conseil d'Etat s'est beaucoup investi.
Débat
M. Dominique Hausser (S). La réponse du Conseil d'Etat à cette pétition est intervenue, encore une fois, un certain nombre d'années après son dépôt. Mais, visiblement, ce Conseil d'Etat, majoritairement à droite depuis 1936, a de la peine à répondre en temps voulu; cela a déjà été dit !
La réponse ne pose pas tant de problèmes que la manière dont le gouvernement traite avec la Fondation Arditi. En effet, M. Arditi propose une opération de rénovation du cinéma Manhattan, mais, malheureusement, la contrepartie consiste à transformer des logements en surfaces commerciales, dans un quartier - je vous rappelle qu'autour de la place du Cirque il y a le quartier des banques et pas mal de commerces à la rue de Carouge, sur le pourtour de la plaine de Plainpalais - où les difficultés sont déjà grandes pour se loger. Nous nous étonnons donc que le gouvernement accepte ce genre de «deal» avec la Fondation Arditi.
Bien que les propositions de cette dernière soient extrêmement intéressantes, une fois de plus, nous devons constater que le gouvernement s'assoit sans vergogne sur les procédures et les lois en vigueur dans ce canton !
M. Christian Grobet (AdG). J'allais presque exprimer mon étonnement à propos du rapport du Conseil d'Etat, mais il ne faut plus s'étonner de rien ! (Rires.)
La lecture de ce rapport laissait déjà entrevoir ce qui se cachait derrière l'opération du Manhattan, mais en lisant l'interview de M. Arditi, publiée dans un grand quotidien de Genève, on a tout de suite vu de quoi il retournait.
C'est assez extraordinaire de voir comment un promoteur immobilier, qualifié par un autre journal de «grand mécène», arrive à dire, avec un sens de l'équilibre plutôt stupéfiant, qu'il offre cette salle, que tout est désintéressé, mais qu'il souhaiterait quand même pouvoir transformer un certain nombre de logements en bureaux, et que les deux choses ne sont pas liées tout en étant liées ! C'est assez merveilleux ! La lecture de cet article montre très bien ce que veut M. Arditi : en contrepartie d'une donation de la salle, dont on peut se demander si ce n'est pas un cadeau empoisonné - mais cela est un autre aspect du problème - il souhaite réaliser une opération immobilière en transformant une surface non négligeable d'appartements en bureaux. Il est à noter que cette surface varie selon la personne à qui il parle. Ça, c'est le fond de l'affaire.
De deux choses l'une : ou bien M. Arditi est véritablement un mécène et il n'a effectivement pas besoin de demander de contrepartie, ou il fait simplement une affaire immobilière ! Toujours est-il que M. Arditi a racheté un immeuble en faillite pour un montant de 11,5 millions de francs, et je dois dire qu'il est assez cocasse de comparer ce montant à l'indemnité à laquelle prétendait le précédent propriétaire pour le classement de la salle Manhattan. Il me semble que ce montant a été mentionné dans la «Tribune de Genève». Je le connaissais, mais cela m'aurait gêné de le révéler, mais, maintenant que ce chiffre a été divulgué, je me sens libre de le dire. L'ancien propriétaire demandait 33 millions de francs pour le classement de la salle Manhattan, et l'immeuble a été racheté en toute connaissance de cause par M. Arditi pour 11,5 millions de francs ! Tout cela est l'illustration de la manière dont certaines affaires immobilières sont traitées à Genève, car M. Arditi savait pertinemment bien que la salle de cinéma était classée. Par voie de conséquence, il ne saurait prétendre bénéficier d'une indemnisation pour avoir acheté sciemment une salle de cinéma classée !
Par ailleurs, on peut regretter le projet de M. Arditi, car les cinéphiles et le public ne demandent qu'une chose, c'est que cette salle soit remise en exploitation. Un grand exploitant de salles de cinéma était du reste disposé à remettre cette salle en service. Aujourd'hui, on nous propose d'en faire une salle de prestige à disposition de l'université...
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Non, c'est faux !
M. Christian Grobet. Si, si, Monsieur Joye ! Figurez-vous que j'ai également parlé à M. Arditi, qui était venu me voir. Il m'a même dit que ce sont vos services qui ont estimé que les frais d'exploitation de la salle s'élèveraient à 200 000 F par année, selon un calcul fait par un de vos collaborateurs que je connais bien. Je dois dire que les bras m'en sont tombés. M. Arditi a trouvé ce chiffre de 200 000 F exagéré, mais, aujourd'hui, comme par hasard, il ne parle plus que de 30 000 F ou 40 000 F de frais d'exploitation par année !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous n'êtes pas au courant !
M. Christian Grobet. Je ne suis peut-être pas au courant, mais je vous relate les propos tenus par M. Arditi devant témoin. Je doute donc qu'il les récuse.
Toujours est-il que je trouve excessif de vouloir obtenir des dizaines de milliers de francs de l'Etat pour la mise à disposition d'une salle, dont je doute qu'elle représente véritablement un besoin pour l'université de Genève.
Il faudrait simplement que cette salle soit remise en service. Les travaux de remise en état ne devraient pas coûter très cher, au vu de ce qui a été fait à l'Alhambra. En tout cas, j'ose espérer que le Conseil d'Etat ne va pas continuer à accorder des dérogations à la loi sur les démolitions et la transformation d'appartements en bureaux pour des pseudocadeaux qui n'en sont pas !
M. Bernard Lescaze (R). En entendant les deux interventions qui viennent d'être faites, on demeure saisi, d'une part, par l'hypocrisie des propos tenus - et je pèse mes mots - et, d'autre part, par le manque de réalisme de ces mêmes propos !
Je vais vous le démontrer. Que voulait-on ? De très nombreux milieux de cette cité, y compris ceux qui siègent sur les bancs radicaux, souhaitaient le maintien du cinéma Manhattan dû à l'architecte Marc Saugey. Qu'avons-nous obtenu pendant les années où l'un des préopinants était chef du département des travaux publics ? Des procédures sans fin, une insécurité complète quant à l'issue de la possibilité de sauvegarder ou non le Manhattan, pour arriver à la fermeture de cette salle depuis plusieurs années.
Qu'obtient-on aujourd'hui ? Sans frais financiers directs pour la collectivité, nous obtenons la réouverture de cette salle et la mise à disposition de cette salle, dont l'architecture est remarquable, à plusieurs collectivités publiques, dont l'université de Genève en particulier. Alors, si l'on avait un véritable sens de l'intérêt général, on devrait dire que cette opération est un succès et on devrait se congratuler et féliciter ceux qui ont fait un geste en faveur de la collectivité, ainsi que les autorités, qui acceptent aussi de faire un geste.
Malgré tout, j'aimerais revenir sur certaines des dispositions si violemment critiquées par M. Hausser et par M. Grobet. On s'élève contre la transformation de certains logements. Mais, enfin, sait-on bien où est situé cet immeuble ? Il se trouve à la place du Cirque, qui n'est certainement pas un des endroits de la ville de Genève les plus agréables à habiter en raison du bruit qui y règne. Il est tout de même plus légitime d'avoir des bureaux à cet endroit plutôt que des logements.
Il y a donc une certaine hypocrisie à reprocher la négociation en cours. De toute façon, elle n'est pas terminée, puisque le texte du Conseil d'Etat indique bien qu'il y aura une mise à l'enquête et que, donc, des recours pourront être interjetés par ceux qui les pratiquent habituellement dans certains milieux.
Ces mêmes milieux souhaitaient, il y a quelques années, des logements sociaux entre la route de Meyrin et l'avenue Louis-Casaï, qui est également un endroit fort bruyant. Faut-il construire des logements dans les endroits les plus inhabitables de la ville ou des banlieues sous prétexte qu'il s'agit de logements sociaux ? Ce n'est pas mon avis ! C'est ma réponse à M. Hausser.
Face au montage financier que M. Grobet a l'air de dénoncer, je n'ai évidemment pas, comme la plupart d'entre nous, la même connaissance du dossier que la sienne. Mais je constate, malgré tout, que l'indemnité faramineuse - le chiffre que vous avez donné ne laisse pas d'étonner - en question aurait été fermement combattue devant les tribunaux, quel que soit le titulaire du département des travaux publics.
Et puis, si ma mémoire est bonne, ce montant a tout de même été suggéré au propriétaire, ou à l'avocat du propriétaire, par un architecte qui était député et qui siégeait dans la fraction socialiste de ce Grand Conseil il y a encore peu de temps. Alors, je pense qu'il faut aussi se poser quelques questions sur ces expertises !
Il faut se féliciter du fait que la salle du Manhattan soit à la disposition de la collectivité, que cela ne nous coûte rien et que, finalement, on puisse envisager - parce que rien n'est encore décidé - une modeste dérogation pour remplacer des logements situés dans un des endroits les plus bruyants de la ville par des bureaux. Il n'y a rien de choquant à cela. Pour ma part, je souhaite que cette opération puisse aboutir dans les conditions proposées par le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Jean-François Courvoisier (S). Monsieur Lescaze, plusieurs collègues de l'Orchestre de la Suisse romande logent dans cet immeuble. Ils sont particulièrement sensibles, et, pourtant, ils y vivent très bien. Nous avons effectué des répétitions de musique la fenêtre ouverte sans être trop importunés par le bruit des voitures. Je reconnais que ce n'est pas un quartier tranquille, mais on peut parfaitement y habiter !
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Lescaze, un mot malencontreux vous a échappé tout à l'heure : celui d'hypocrisie ! S'il y a de l'hypocrisie, c'est bien dans vos propos ! En effet, vous avez dit au début de votre intervention que vous et votre parti étiez intervenus pour défendre la salle du Manhattan.
Il me semble donc nécessaire de rappeler l'histoire. Ce n'est pas le département des travaux publics qui est à l'origine de la fermeture de la salle du Manhattan. Elle a été fermée parce que le propriétaire économique de l'immeuble, qui l'avait acheté à un prix particulièrement élevé en faisant probablement une de ces grosses opérations spéculatives de Genève, a donné congé à l'exploitant. Du reste, ce n'est pas par hasard que la société propriétaire de l'immeuble a fait faillite, vous pouvez bien l'imaginer; c'est un cas flagrant de spéculation immobilière, dont vous vous gardez bien de parler ! Le nouveau propriétaire économique a versé une indemnité à l'exploitant pour qu'il parte plus rapidement, car il n'avait qu'un seul désir - et vous le savez : celui de transformer cette salle, que vous qualifiez de «remarquable», et qui est remarquable, en supermarché commercial. Voilà la vérité !
Une requête en autorisation de construire a été déposée. Effectivement, j'ai fait ce que vous me reprochez de temps en temps, c'est-à-dire que j'ai tenté de bloquer ce projet. Voilà ! Vous devriez vous en féliciter !
Une voix. Enfin, il avoue ! (Le chahut est indescriptible, et la présidente fait sonner sa cloche.)
M. Christian Grobet. En effet, si ce projet n'avait pas été bloqué, nous ne parlerions pas du Manhattan aujourd'hui; ce serait un grand magasin, dont je ne donnerai pas le nom... (Les quolibets fusent de toutes parts.) Ce magasin aurait remplacé cette salle de cinéma, qui aurait donc été définitivement perdue. Bien ! J'ai bloqué cette requête en autorisation de construire, parce qu'une procédure de classement de la salle avait été ouverte. Comme M. Maitre l'a fort aimablement rappelé il y a deux ou trois jours, lors d'une séance de commission parlementaire, on est en droit, lorsqu'on marque son opposition au procès-verbal du Conseil d'Etat, de s'exprimer.
Je rappelle que, lorsque cette demande de classement a été présentée au Conseil d'Etat, les membres de votre parti n'ont pas soutenu cette demande, malgré tout le respect que je dois à certains anciens collègues de votre parti, Monsieur Lescaze ! Un seul conseiller - un seul - a voté pour le classement : votre serviteur ! (Remarques dans l'assemblée.) Et lorsque j'ai eu le culot de faire savoir que j'étais le seul à vouloir le classement du bâtiment, je me suis fait fustiger par M. Vernet, ancien président du Conseil d'Etat, qui estimait que c'était une grave enfreinte à la règle de la collégialité, puisque les six autres conseillers d'Etat étaient d'un avis contraire. Le Conseil d'Etat a changé, et, quelque dix-huit mois plus tard - M. Maitre dit qu'on a le droit de citer ceux qui ont fait opposition, et, d'ailleurs, c'est un secret de Polichinelle - la décision de classement a été prise à quatre contre trois !
Des voix. Des noms !
M. Christian Grobet. Monsieur Lescaze, permettez-moi donc de vous dire que, lorsque vous prétendez que ce cinéma est resté fermé par la faute du département, vous ne manquez pas de culot ! (Rires.) Je vous signale que j'ai proposé au propriétaire de l'immeuble de mettre la salle à la disposition d'un grand exploitant de salles de cinéma, dont le nom est bien connu, puisqu'il exploite l'Alhambra. Il était prêt à l'exploiter, ce qui aurait rendu service, notamment pendant les travaux de transformation du Rialto. Pendant toute cette période, je n'ai jamais entendu un membre du parti radical dire qu'il souhaitait le classement de cette salle. C'était pourtant la seule mesure juridique permettant de la sauver, et vous le savez bien !
Quant à votre allusion à un architecte qui n'est pas là pour vous répondre, je la trouve parfaitement déplacée ! (Contestation.) En effet, celui qui a fait le calcul - je le connais - est un avocat bien connu, professeur à l'université, qui a eu le culot de prétendre...
M. John Dupraz. Ziegler ! (Hilarité.)
M. Christian Grobet. Non, ce n'est pas Ziegler ! Ce n'est pas un socialiste ! (La salle se déchaîne, les rires et les remarques s'entremêlant à souhait.) C'est quelqu'un proche des bancs d'en face ! (Le charivari est à son comble. La présidente, sans conviction, fait sonner sa cloche et demande à M. Vaucher de se taire.) A vrai dire, j'ai cru que vous parliez de l'autre Ziegler.
La présidente. On ne vous entend plus, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. C'est un professeur bien connu, qui a pour habitude de défendre les propriétaires ! Il a eu le culot...
Toute la salle. Des noms ! Des noms ! (Ces mots sont scandés au rythme des pieds martelant le sol.)
M. Christian Grobet. Soi-disant que le manque à gagner du propriétaire s'élevait à 33 millions. Non, ce n'est pas l'architecte que vous visez d'une manière assez sournoise, Monsieur Lescaze, qui est à l'arrière de cela, je le connais trop bien.
Une voix. Lescaze, à l'arrière ! (La salle rit franchement et de bon coeur.)
M. Christian Grobet. Je parle de l'architecte, pas de M. Lescaze, bien entendu ! (Les rires redoublent. La présidente, impuissante, renonce à ramener le silence.) Avec ça, vous m'avez fait perdre le fil de mon histoire, Monsieur Lescaze ! (L'assemblée tout entière est pliée en deux.)
En fin de compte, il n'y a absolument pas besoin de faire ce cadeau, que vous trouvez normal, au nouveau propriétaire de l'immeuble. En effet, cette salle, Monsieur Lescaze, peut parfaitement être louée à un exploitant, et, par voie de conséquence, couvrir très largement les frais occasionnés. L'immeuble a été acheté en faillite - M. Arditi me l'a confirmé - en toute connaissance de cause, sachant que la salle de cinéma était exploitée et que, par conséquent, s'il voulait l'utiliser, elle aurait dû être louée avec cette affectation. Je peux vous dire que les salles de cinéma à Genève ne reçoivent pas de subventions de l'Etat et qu'elles payent des loyers !
M. Arditi peut donc parfaitement trouver, demain, un exploitant pour cette salle. Je lui ai, du reste, rappelé le nom de la personne intéressée à l'exploiter. Il n'y a aucune raison de lui faire un cadeau, comme il le demande, au nom d'une prétendue philanthropie, qui n'existe que dans son esprit et qui vise à tromper les citoyens. Je trouve cela déplorable ! (Applaudissements des députés de l'Alliance de gauche.)
M. Armand Lombard (L). Je ne veux pas aborder le problème, comme nos experts-collègues ont pu le faire, du cinéma Manhattan. Ce projet est en cours, et nous aurons certainement des résultats, que j'espère positifs, prochainement.
Personnellement, je m'étonne du déroulement de ces débats et des longueurs de M. Grobet, ancien conseiller d'Etat, que j'ai écouté avec un manque de plaisir total... (Quolibets et rires fusent.) Je n'ai pas partagé votre humour, ni vos moments de plaisir. J'appellerai votre intervention : «Histoire de ma vie», mais elle ne m'intéresse vraiment pas du tout ! (Rires.) Savoir s'il s'agit de ragots, ou non, ne m'intéresse pas non plus - Monsieur Grobet, vous pouvez les garder pour votre étude d'avocat - pas plus que de savoir s'il s'agit de la violation du secret de fonction d'un ancien conseiller d'Etat. (Contestation.)
Vous devriez poursuivre la recherche de projets politiques utiles à la Cité, au lieu de vous prêter à une telle manifestation de votre ego, Monsieur Grobet, qui ne nous amuse pas du tout !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. J'ai toujours dit à M. Arditi que des gens sont satisfaits de cette transaction, car ils font une affaire. Je pense que l'opération foncière de M. Arditi est positive pour lui, que cette opération de sauvetage d'un cinéma est positive pour les milieux de protection de l'environnement et pour les milieux de la sauvegarde des bâtiments. Monsieur Grobet, vous devez certainement y être sensible, puisque vous venez de fonder une association pour protéger certaines choses, que nous aurions tendance à vouloir modifier ! De plus, et surtout, cette opération est également utile à l'Etat.
Vous avez évoqué des frais de location et de maintenance. Sachant que la rénovation de cette salle, si on veut la faire conformément aux exigences architecturales d'une bonne conservation, coûte 2 millions. Or, je ne pense pas qu'un exploitant de salles soit capable de louer cette salle à ce prix !
La technique en matière de location et d'exploitation de salles de cinéma, a complètement changé. Actuellement, on travaille dans des salles comptant quatre, cinq ou six unités, à dimension variable. Le cinéma Manhattan, malgré les qualités de M. l'architecte Saugey, est un modèle de mauvaise disposition de salle, puisqu'il est dans la largeur un peu comme le Grand Casino, qui n'est pas une très grande réussite dans ce domaine !
Enfin, pourquoi ai-je articulé le chiffre de 200 000 F à 300 000 F ? Précisément - Monsieur Grobet, vous l'avez dit - parce que M. Arditi voulait, au début, en faire une salle de très grand prestige, avec une machinerie et une technique vidéo, fibres optiques, etc., d'une sophistication telle que j'ai dit qu'il était exclu d'exploiter cette salle sans avoir au moins un personnel technique qualifié sur place en permanence. J'ai trop vu d'installations vidéo et des sonos, dans des collèges et des cycles, qui ne marchent plus parce que le responsable à l'origine de la mise sur pied du programme a disparu et que plus personne n'a été capable d'assurer la maintenance de ces objets.
C'est pour cela que je pense que l'échange qui nous est proposé est intéressant pour l'Etat. C'est dans cet esprit que je l'ai accepté.
Pour terminer, vous avez probablement eu raison de tenter de bloquer le projet. En ce qui me concerne, j'ai essayé de le faire aboutir. C'est une légère différence qui montre l'évolution des esprits dans le domaine du département des travaux publics et de l'énergie. L'aboutissement de cette démarche est positif pour tout le monde. (Applaudissements.)
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.