Séance du jeudi 23 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 11e séance

M 986
10. Proposition de motion de Mmes et MM. Anne Briol, Fabienne Bugnon, David Hiler, Sylvia Leuenberger, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Chaïm Nissim, Andreas Saurer et Max Schneider pour des zones piétonnes mixtes ou pour que Genève, qui veut être la capitale de l'environnement, devienne la capitale des déplacements écologiques. ( )M986

M. Andreas Saurer (Ve). (Brouhaha intense. On ne s'entend plus. La présidente sonne sur sa cloche.)

La présidente. Je suis navrée, on ne s'entend pas. Pour les mini-caucus, vous avez la salle des Pas-Perdus ou la buvette. Je vous en prie !

M. John Dupraz. On viendra pas dire que c'est à nouveau Dupraz qui perturbe la séance !

M. Andreas Saurer. Avant de parler des propositions de cette motion, j'aimerais tout de même développer un certain nombre d'aspects sur lesquels je crois savoir qu'un accord existe.

En effet, sur tous les bancs, nous sommes d'accord que des mesures sont à prendre pour permettre une accessibilité plus fluide du centre de la ville. Idem sur le fait que nous devons prendre ces mesures permettant de respecter la législation fédérale. Ces deux objectifs ne peuvent évidemment être réalisés que par le renforcement du transfert modal, notion que M. Ramseyer a développée à maintes reprises, tant en plénière qu'en commission des transports.

Lors de la législature précédente, un certain nombre de mesures ont été prises dans ce sens. Il nous a semblé utile de vérifier si elles ont permis d'atteindre les objectifs fixés. Nous constatons, sans entrer dans les détails techniques, que la pollution de l'air n'a pas autant diminué que prévu et, en ce qui concerne le bruit, c'est le même constat; il a même tendance à augmenter. L'utilisation des TPG reste stationnaire depuis cinq ans. Enfin, la diminution du transit au centre de la ville est une illusion. Avec l'autoroute de contournement, une diminution du trafic de transit du centre-ville passant de deux cent mille à cent soixante mille voitures par jour était prévue pour l'année 1994. En fait, selon les données que vous avez présentées à la presse, Monsieur Ramseyer, cette diminution n'est que de dix mille à quinze mille voitures. L'objectif fixé n'a été atteint qu'à raison d'un tiers !

Si les objectifs n'ont pas pu être atteints, il est bon de reformuler les mesures en fonction des buts à atteindre. Or, vous prétendez toujours les atteindre, mais on attend toujours et on ne voit pas venir grand-chose !

Une de nos propositions consiste en la création de zones piétonnes mixtes. Cela nous semble être une mesure - certainement pas la seule - qui permette, d'une part, de respecter la législation fédérale et, d'autre part, d'accroître l'accessibilité au centre-ville moyennant une plus grande mobilité des transports publics.

Nous prévoyons la transformation des anciens quartiers en zones piétonnes mixtes. Cela signifie que tous les déplacements sont possibles à condition que les piétons soient prioritaires. Nous ne voulons donc pas interdire l'accès aux voitures et aux camions. Nous demandons simplement un renversement des priorités.

Pourquoi ne pas déjà introduire le 30 km/h, me demanderez-vous, cela représente un pas en avant dans l'application du plan «TC 2000» ?

Nous ne sommes pas opposés à cette mesure. Toutefois, j'attire votre attention sur quelques problèmes. Tout d'abord, le contrôle. Je connais particulièrement bien le quartier des Grottes où le 30 km/h a été introduit voici fort longtemps, mais je dois avouer que je n'ai pas constaté une grande différence par rapport à la situation antérieure.

Ensuite, cette mesure me semble aller droit dans la direction de ce que j'appelle une hyperréglementation de la circulation. Permettez-moi de vous donner un exemple en ce qui concerne les feux. Actuellement, nous avons des feux pour quatre moyens de déplacement différents. Cela devient aberrant. Ceux pour les TPG, les voitures, les cyclistes et les piétons. Je veux bien que ces mesures soient défendues par des esprits très ouverts qui cherchent à favoriser les déplacements écologiques, mais, selon nous les «verts» qui, si on en croit la publicité qui est faite dans les quotidiens, sommes «en pointe», l'on pourrait réduire la réglementation tout en ayant des mesures plus efficaces. C'est la raison pour laquelle nous préconisons cette zone piétonne mixte...

La présidente intervient. On ne s'entend plus, Monsieur le député.

M. John Dupraz. C'est pas important !

La présidente. Monsieur Dupraz, gardez vos opinions pour vous. Monsieur Andreas Saurer, vous avez la parole.

M. Andreas Saurer. Les «verts», qui sont donc «en pointe» - allusion à une publicité parue dans les quotidiens au sujet des asperges - sont contre la réglementation de la circulation. Par rapport à cette réglementation, lorsque l'automobiliste ne peut rouler qu'à 30 km/h, tout en ayant la priorité, il a du mal à cacher sa frustration ! Et on le comprend ! On devient fou dans cette voiture ! Ce n'est pas possible ! On crée des chicanes et on embête l'automobiliste. Ces diminutions de vitesse créent des situations affreusement frustrantes. En revanche, lorsque vous changez radicalement la tendance et donnez la priorité aux piétons, la situation devient claire.

Mesdames et Messieurs assis sur les bancs d'en face, je comprends parfaitement bien votre réticence concernant des mesures de réglementation que vous ressentez de manière négative. Enfin, je vous comprends jusqu'à un certain point !

Pour alléger votre sentiment de frustration, nous vous proposons donc de renverser complètement la tendance. Ainsi, le piéton devient prioritaire et tout le monde est gagnant ! Les piétons peuvent circuler tout à fait confortablement, les automobilistes savent très bien que la situation est claire, donc ils ne sont plus frustrés et, enfin, le centre de la ville est beaucoup plus accessible. Les commerces deviennent florissants et tout le monde est content ! C'est donc dans cet esprit que je vous demande de bien vouloir renvoyer cette proposition de motion à la commission. Si vous souhaitez commencer modestement, le quartier des banques, cher à M. Annen, fera parfaitement l'affaire. Nous ne voyons aucun inconvénient à commencer par cet endroit.

Mme Barbara Polla (L). Le groupe libéral ne peut adhérer aux propositions de la motion 986, même si les raisons de notre refus ne rejoignent pas le sentiment de frustration ressenti par M. Saurer.

Si nous sommes, sans aucun doute, très favorables à ce que Genève devienne la capitale de l'environnement et que nous y travaillons activement, en particulier grâce à l'engagement de notre conseiller d'Etat, Claude Haegi, nous pensons que les moyens proposés dans cette motion n'ont rien à voir avec ce but.

Le fait que Genève devienne la capitale de l'environnement dépend d'un certain nombre de critères parmi lesquels se trouvent les capacités d'accueil, au sens large, de Genève, ses activités environnementales, la volonté du Conseil d'Etat et le soutien fédéral. Par ailleurs, n'oublions pas qu'une capitale de l'environnement prend tout son sens et sa valeur de modèle si elle est capable d'intégrer la qualité environnementale et la réussite économique.

Or, pouvons-nous penser raisonnablement que le fait de créer des zones piétonnes mixtes puisse influencer en quoi que ce soit le fait que Genève devienne ou non capitale de l'environnement ?

Tout d'abord, voyons le point qui concerne la pollution de l'air. Quelles sont les évidences, voire simplement les indications, qui prouvent que les zones piétonnes mixtes vont diminuer la pollution ? Les motionnaires eux-mêmes insistent sur le fait que les zones piétonnes mixtes offrent l'avantage de n'interdire l'accès à aucune voiture. Et ils reconnaissent également que, si une mesure a fait diminuer la pollution de l'air, c'est la généralisation du catalyseur, ce qui illustre, soit dit en passant, une réalité dont nous sommes profondément convaincus, à savoir que ce sont les technologies nouvelles qui nous permettront de diminuer les coûts environnementaux des anciennes, bien plus que la suppression de ces dernières.

Venons-en au transfert modal. Les motionnaires nous disent que le transfert modal se fait à l'envers et qu'au lieu d'utiliser les transports publics les «méchants» Genevois continuent à rouler dans leur voiture, et même que cette utilisation a augmenté.

Devant ces constatations, pensez-vous vraiment que le fait de devoir rouler au pas au milieu des piétons va décourager les automobilistes et les amener à utiliser les transports publics ? Voilà qui me semble être de l'ordre des voeux pieux.

Personnellement, je pense plutôt que voilà une mesure supplémentaire pour amener les automobilistes à aller rouler ailleurs, soit à aller faire leurs courses ailleurs qu'aux Pâquis, ailleurs qu'aux Grottes, à Saint-Gervais ou à Plainpalais, ailleurs qu'aux Eaux-Vives ou que dans la Vieille-Ville. Cela équivaut à diminuer encore la vie commerciale - et donc la vie des quartiers du centre en général - au profit des centres commerciaux de la périphérie et de la France voisine. Selon des enquêtes de l'OTC et du service municipal d'urbanisme, ce sont, avec les rendez-vous avec l'administration et les banques, les achats qui représentent 59% des motifs de visite au centre-ville en voiture, alors que 22% des visiteurs, hors des heures de pointe, y viennent pour leurs loisirs.

Les motionnaires prétendent que l'utilisation de la voiture est onéreuse. J'aimerais bien que l'on m'explique comment les zones piétonnes mixtes vont diminuer les coûts d'utilisation de la voiture. Toutefois, si c'est vraiment le cas, nous serons prêts à considérer cette proposition sous un autre angle.

Nous sommes favorables à la complémentarité des transports dans la mesure ou les Genevois et, en particulier, ceux qui travaillent dans nos administrations, selon une étude publiée dans «Entreprise romande», préfèrent se déplacer en voiture. Nous sommes opposés aux mesures de harcèlement de nos concitoyens. Comment imposer aux autres une mesure dont on ne veut pas soi-même ?

En conclusion, et même si nous adhérons à certains des considérants - nous sommes plus que favorables, je l'ai déjà dit, à voir Genève devenir la capitale de l'environnement et nous oeuvrons dans ce sens - nous estimons qu'il n'y a pas d'adéquation entre cet objectif et les moyens proposés. Nous ne voyons aucun bénéfice aux zones piétonnes mixtes, aucun bénéfice à la promiscuité proposée, les automobilistes roulant au milieu des piétons et au pas de ces derniers. Est-ce là la définition des transports écologiques ? Aucun bénéfice, disais-je : nous n'y voyons qu'une mesure de contrainte supplémentaire à l'égard du «symbole voiture», à l'égard de la technologie, à l'égard de la modernité.

Nous vous invitons à rejeter cette motion, car, en effet, nous nous trouvons confrontés, d'une part, à une proposition inefficace, donc inutile, et, d'autre part, à des mesures qui se veulent contraignantes, alors que les libéraux sont contre les mesures de contrainte. (Applaudissements.)

M. Michel Ducret (R). Tout d'abord, il convient de relever que la notion de zones piétonnes mixtes n'existe pas selon la loi sur la circulation routière. J'aimerais dire à M. Saurer que les feux de signalisation pour les uns et les autres qui l'étonnent et le fâchent sont le fruit tout simple des voies pour les uns et les autres que son groupe politique, qui a changé de nom depuis, n'a cessé de demander depuis des années.

On a peint dans toutes les rues importantes de la ville des bandes cyclables après avoir mis des bandes pour les voitures dans un sens, les bus dans l'autre, etc. C'est le fruit d'une certaine politique souhaitée par son groupe et il fallait bien qu'au bout de ces bandes réservées il y ait des feux réservés. C'est logique. Aujourd'hui, son groupe revient en arrière; alors très bien, ce n'est peut-être pas faux, mais il convient de donner du temps pour changer fondamentalement de politique en la matière. On ne le fait pas ainsi, en un coup de cuillère à pot, plus exactement avec une seule motion.

Il est vrai que ces zones piétonnes mixtes peuvent être d'un certain intérêt, notamment pour diminuer ces bandes réservées aux uns et aux autres, que l'on peut avoir une ville plus conviviale, une ville où, effectivement, on peut envisager de rouler moins vite.

A ce sujet, il convient de relever deux problèmes essentiels. L'un, grave, car encore non traité, c'est celui de l'ordonnance fédérale sur les zones où la vitesse est limitée à 30 km/h. Je rappelle que cette ordonnance fédérale qui permet cette mesure de modération du trafic dans les quartiers des villes est liée à la création d'axes fluides autour de ces mêmes zones. Or, cette mesure n'est pas forcément si facile à atteindre et, pour le moment, on ne voit rien venir. Cela représente un critère essentiel si on veut réussir à vraiment calmer le trafic dans les quartiers d'habitation.

Ensuite, le respect des mesures de limitation de vitesse du trafic ne peut être assuré que si des mesures physiques sont prises. Or, ces mesures physiques ont un coût. On souhaite maintenant en diminuer le nombre pour des raisons de coût mais sans mesures physiques réelles, l'habitude sera vite prise de ne pas respecter la loi en dehors des heures de pointe et, notamment, la nuit.

Il convient d'avoir une réflexion sur la validité des limitations à 30 km/h sur un certain nombres d'axes du centre-ville qui pourraient ne pas être acceptés de manière aussi facile par la population. Enfin, encourager le non-respect n'est certainement pas une bonne mesure pour calmer le trafic.

Il me paraît essentiel de dire que, et je citerai Michel Balestra : «Le projet «Circulation 2000» n'est pas un supermarché.». On ne peut pas prendre ce que l'on veut et ne pas prendre ce que l'on ne veut pas. Le 30 km/h est une chose souhaitable dans nos quartiers d'habitation, mais ce projet «C 2000» comprend aussi d'autres mesures, comme le développement sérieux des transports publics, la traversée de la rade - ou tout au moins une mesure qui arrive aux effets équivalents pour le trafic de transit - et, enfin, des parkings judicieusement placés.

Pour toutes ces raisons, pour la partialité de cette motion, nous disons non à cette proposition, car elle n'entrevoit le problème que par le petit bout de la lorgnette.

M. Olivier Lorenzini (PDC). En prenant connaissance de l'exposé des motifs de cette motion, j'ai vu avec une très grande satisfaction que les «verts» ont les mêmes objectifs que la majorité de ce Grand Conseil, puisque, pour améliorer le transfert modal, ils préconisent, entre autres, et je le cite : «...la construction de parkings d'échange à la périphérie et en ville.». Je me permets de souligner cette déclaration en souhaitant vivement que les «verts» ne s'opposeront pas à la construction, par exemple, du parking de la place Neuve, ni à l'extension du parking sous-lacustre.

Cela étant, les motionnaires reconnaissent que la pollution de l'air diminue, ce qui est un résultat positif. Cela démontre que la politique appliquée en la matière depuis bientôt deux ans par le président du département de justice et police commence à porter ses fruits. Rappelons aussi que cette politique repose sur le dialogue et la consultation de différents milieux intéressés. Il s'agit d'un exercice délicat, difficile, mais qui va incontestablement dans le bon sens, puisque la pollution de l'air diminue au centre-ville.

S'agissant de la stagnation de l'utilisation des transports en commun, elle est avant tout due à la crise économique qui se traduit par une réduction très importante des activités commerciales et des achats au centre-ville. Les défenseurs de la croissance zéro ne devraient, dès lors, pas s'étonner de l'état stationnaire de l'utilisation des transports en commun au centre-ville. Par ailleurs, les usagers ne considèrent pas les tarifs comme étant prohibitifs. Cela ressort très clairement d'une enquête effectuée par les Transports Publics qui a démontré que le tarif arrivait en quatrième position parmi les éléments qui retiennent la population d'utiliser ce moyen de transport.

Ainsi que le président Ramseyer nous l'a souvent rappelé en commission des transports, le programme de «Circulation 2000» n'est pas une mesure technocratique imposée subitement par l'autorité, mais il est le résultat d'une volonté de concertation permanente entre tous les milieux intéressés par l'accès au centre-ville, le maintien des places de travail, l'activité économique et la protection de l'environnement.

Dès lors, vous conviendrez que c'est presque la quadrature du cercle. Mais admettons que, jusqu'ici, l'exercice mené par le président se déroule de façon satisfaisante avec l'immense avantage d'approcher des objectifs fixés sans que cela soit ressenti comme une agression de la part de la population.

Revenons au texte de la motion qui propose, entre autres, et je cite à nouveau : «de déclarer zones piétonnes mixtes les quartiers des Pâquis, des Grottes, de Saint-Gervais, de La Jonction, de Plainpalais, des Eaux-Vives et de la Vielle-Ville.» Les motionnaires précisent que dans des zones piétonnes mixtes il y a cohabitation des piétons et des véhicules, ces derniers devant accorder la priorité aux piétons et ne pouvant circuler qu'à l'allure du pas. Est-ce le pas du brave cheval qui tirait les calèches à la fin du 19e siècle dans nos rues ou le pas d'un coureur à pied pressé ? Visiblement, les «verts» veulent mettre la charrue avant les boeufs ou redescendre en charrue avec un boeuf au centre-ville. Cela pour attirer votre attention sur le fait que cette motion, qui concerne un problème très sérieux, contient des mesures qui ne sont pas sérieuses, voire même teintées d'intégrisme.

En conclusion, et dans la période de concertation installée depuis près de deux ans qui a permis jusqu'ici de faire progresser le programme de «Circulation 2000» dans le bon sens, je vous invite à retirer ce texte.

M. René Longet (S). Je n'entendais pas spécialement commenter cette motion. Toutefois, en entendant Mme Polla et les autres collègues de l'Entente se référer aux objectifs, les soutenir, trouver que tout cela est très bien, se refuser à raisonner et à tirer les conclusions, je m'interroge.

Madame Polla, vous nous avez dit : «Je ne vois absolument pas le lien avec l'ambition de Genève de devenir la capitale de l'environnement.». En outre, vous avez abondamment cité les oeuvres de M. Haegi. Plus d'une fois, j'ai entendu ce dernier nous dire que si Genève voulait tenir ce rôle, il fallait que notre gestion de l'environnement soit exemplaire. En cela, nous l'approuvons totalement.

Je désire signaler à Mme Polla, et aux autres députés qui sont intervenus contre cette motion, que la maîtrise de la circulation et celle du développement de l'automobile dans nos cités sont un paramètre essentiel de l'idée ambitieuse à laquelle vous prétendez adhérer et qui consiste à faire de Genève la capitale de l'environnement.

Je vous rappelle que près de 50% de la facture pétrolière est dépensée sur les routes. Je suis d'accord que le catalyseur joue un grand rôle, toutefois, il a fallu dix ans de combat contre les adhérents de vos milieux pour que les milieux de l'automobile et de l'industrie acceptent cette solution. Je me souviens des combats, dans les années 70, où il était exclu de parler du catalyseur qui pourtant existait déjà aux Etats-Unis et au Japon. La Suisse n'en voulait pas. Nous avons perdu dix ans. Alors, le discours sur le catalyseur est peu crédible lorsqu'il vient comme la grêle après la vendange.

Mesdames et Messieurs qui contrez cette motion, j'aimerais vous dire que si la pollution de l'air a pu être diminuée grâce à ces méthodes techniques, nous ne sommes pas au bout de nos peines, puisque, visiblement, les valeurs limites légales ne sont pas atteintes. Je ne vous parlerai pas du bruit, parce que c'est une autre histoire et nous sommes très loin des valeurs limites. Si on voulait, dans notre ville, respecter l'ordonnance sur la protection contre le bruit, de vastes zones devraient subir de grandes transformations, les frais seraient très lourds, car on n'arrive pas à imposer la lutte à la source.

La qualité de l'environnement passe ainsi par la gestion de la circulation. Vous ne pouvez pas vouloir représenter la capitale de l'environnement et rejeter d'un revers de main des propositions visant à concrétiser ce projet.

Quel est le but ? C'est une rationalité globale de la circulation. C'est bel et bien la complémentarité des moyens de transport, soit de faire en sorte que la voiture, au lieu d'être le centre de nos préoccupations, devienne un outil qui soit mis à sa place. A ce point, tout spécialement, nos collègues du parti libéral ont un certain nombre de choses à apprendre, et je m'adresse à Mme Polla, puisqu'elle nous a servi un certain nombre de déclarations.

A mon avis, Madame Polla, il y a deux choses à apprendre, c'est que la seule mobilité possible n'est pas «l'automobilité», et que le bonheur individuel peut devenir un désastre collectif. La voiture peut être une solution parfaite pour les individus, mais elle peut être collectivement un désastre ou une calamité pour une société. C'est bel et bien la doctrine libérale qui refuse d'admettre qu'il y a autre chose que des individus.

Nous pensons quant à nous à l'équilibre entre l'individu et la collectivité. Alors, faut-il choisir la proposition des «verts» qui voudraient mettre les voitures au pas, à la vitesse du cheval dans l'ensemble de la ville ? C'est une position, mais j'aimerais vous rappeler que les partis de l'Entente ont déposé deux projets de lois actuellement à l'étude en commission des transports et que je considère comme extrémistes. Ces projets de lois proposés avant la fin de la législature visaient à contrer et, littéralement, saboter le projet «Circulation 2000».

Ces projets de lois visent à rendre tout à fait impossible la solution préconisée par les experts et, après toutes les consultations sur «Circulation 2000», la motion des «verts» pourrait avoir le mérite de rééquilibrer ce que vous proposez et que vous essaierez peut-être de faire passer en force, ce à quoi, évidemment, nous nous opposerons.

Renvoyée en commission, cette motion permettrait de rééquilibrer d'autres propositions et, au moins pour cela, pour soutenir la solution «Circulation 2000» et avoir des réalisations concrètes le plus rapidement possible, nous pensons qu'il est nécessaire de la renvoyer en commission.

M. Pierre Meyll (AdG). Des voix. Encore ?

M. Pierre Meyll. Ah, c'est toujours avec la même satisfaction que vous m'accueillez, j'en suis enchanté ! J'espère que vous accueillerez mes propos avec la même satisfaction, car malgré tout je trouve attristant qu'une députée médecin puisse tenir de tels propos. La technique s'améliore, c'est vrai, Madame, mais l'encombrement existe et il est clair qu'ainsi les voitures progressent lentement et la pollution augmente. Ce n'est pas une question de simple technique. On n'a pas encore diminué la taille des voitures, on n'a pas plus de stationnements, puisque chacun veut aller avec sa voiture en ville. Il est donc clair que la pollution augmente et le bruit inhérent également.

Il ne faut plus l'appeler «automobile», mais bien «auto-immobile», et vous le savez. Il faut examiner cette motion en commission, car vous semblez, comme M. Ducret, éluder le problème du coût de la voiture. Mais il est clair que la voiture coûte de l'argent à la communauté, qu'elle ne paie pas son prix et nous avons beaucoup de frais d'entretien et de coûts d'infrastructure qui ne sont pas pris en compte, et cela doit également entrer en considération.

La motion des écologistes dit que, si Genève veut se doter du titre de capitale de l'environnement, elle se doit de montrer l'exemple. Allez partout où il y a des zones piétonnières - ou mixtes - et vous verrez que les commerçants sont ravis du résultat acquis par la disparition de la voiture à proximité. Lorsque l'on dit que la pollution de l'air ne diminue guère, c'est vrai, mais ce sont 40% de la circulation qui doivent disparaître en ville et 20% dans le canton, donc, il n'y a pas tant de solutions à apporter si ce n'est que de dissuader les gens de venir en voiture au centre-ville.

Pourquoi les transports publics ne peuvent-ils plus atteindre l'efficacité que l'on attend d'eux ? Simplement parce que l'encombrement est, la plupart du temps, dû aux voitures. Lorsque les voitures encombrent les couloirs de bus, il est clair que le bus, avec la centaine de personnes qui est à l'intérieur, doit attendre derrière un seul conducteur pour qu'il veuille bien dégager la piste. Ainsi, les TPG ne sont pas rendus attractifs. Dans certains cas de transit, on a meilleur temps de faire le tour par l'autoroute de contournement, c'est totalement aberrant de vouloir passer par le centre !

Cette motion peut paraître ultra, on peut la discuter, mais cela vaut la peine de la renvoyer à la commission des transports, voire même en commission de l'environnement, qui sait ! Il faut absolument prendre des mesures et cette proposition peut nous amener à réfléchir, nous pouvons faire un pas tous ensemble dans cette direction. Le groupe de l'Alliance de gauche soutiendra le renvoi en commission.

Mme Janine Hagmann (L). Pour toutes sortes de raisons, historiques et géographiques, Genève est vouée à la complémentarité des transports, soit publics et privés. Pour l'instant, les transports publics ne suffisent pas à irradier la cité et ne répondent pas à tous les besoins.

Mais il est surtout impératif de s'en tenir aux principes qui consistent à garantir le libre choix du mode de transport. Une zone piétonne au centre-ville nécessite des parkings aisément accessibles à proximité. La relance des activités en ville ne se fera d'ailleurs qu'à ce prix.

N'oublions pas que Genève doit pouvoir adapter ses moyens de transport aux besoins de sa prospérité qu'ils conditionnent. Le plan directeur d'aménagement du territoire préconise d'ailleurs cette complémentarité. Le renversement des priorités, demandé par M. Saurer qui veut mettre le piéton à la place de la voiture, me semble irréaliste. C'est pourquoi, à mon avis, la motion proposée va à l'encontre du travail consensuel qui se fait à la commission des transports. Personnellement, je ne peux l'accepter.

M. Max Schneider (Ve). Imaginez une rue dans laquelle un véhicule roule à 5 km/h, s'arrête devant vous et dans lequel vous pouvez monter. Vous le programmez pour aller dans un de ces grands commerces de la ville, d'un quartier ou d'un autre. Voilà un projet pour lequel l'EPFL vient d'investir des millions, et un tel véhicule roulera bientôt à Lausanne. Alors, Genève capitale de l'environnement, j'en doute ! (Grand chahut. Quolibets.)

La présidente. Ecoutez, cela suffit ! Si vous continuez, je suspends la séance dans un quart d'heure. Monsieur le secrétaire, attendez que le calme revienne !

M. Max Schneider. Oh, cela ne me dérange pas, Madame la présidente !

La présidente. Vous avez la parole, Monsieur le secrétaire !

M. Max Schneider. Plus on va de l'avant et plus je doute des capacités et de la volonté du chef du département de faire de Genève la capitale de l'environnement. Quand on cherche uniquement à rentabiliser l'usine des Cheneviers, on ne peut pas vouloir investir dans des filtres qui feraient de Genève une véritable capitale de l'environnement en souffrant moins de pollution. Tant que je n'ai pas vu ce projet de loi déposé devant notre Grand Conseil, je continue à avoir de forts doutes à ce sujet.

Il en va de même du tri des déchets pour les régions frontalières. Monsieur le conseiller d'Etat, je n'ai rien vu apparaître de nouveau à ce sujet et je ne vous cache pas notre inquiétude. Genève a déposé des projets européens pour la fin de cette année. Elle prévoit que des véhicules rouleront à 5 km/h et seront mis à la disposition de la population. Il est possible que cette motion ait un goût d'avant-garde. Son application n'est pas destinée à tous les quartiers, mais, par la suite, elle pourra certainement être étendue à toute la ville. Alors, pourquoi ne pas commencer par un quartier ?

Personnellement, je vis dans une rue résidentielle... (Une voix imite le chant du coq. Rires.) ...dans laquelle circulent des voitures et des piétons. Les piétons ont la priorité et cela marche très bien.

J'aimerais terminer en m'adressant à Mme Polla. Je regrette, chère Madame Polla, l'absence de notre cher collègue Belli, car, en commission de l'économie, il avait fait des remarques tout à fait pertinentes concernant les coûts indirects de la voiture supportés par l'ensemble des contribuables et qui n'apparaissent évidemment pas sur la feuille d'impôts.

D'autre part, la voiture, par le gaz polluant qu'elle dégage, est fortement responsable des allergies d'une grande partie de notre population genevoise. En effet, environ 30 à 40% de cette dernière souffre d'allergies. Je ne comprends pas vos arguments, vous qui êtes une professionnelle de la médecine.

Vous prétendez être contre les mesures de contrainte, mais j'aimerais vous faire remarquer que les nuisances de la voiture peuvent aussi représenter une contrainte pour bien des Genevois qui ont des problèmes de santé dus aux allergies.

Je terminerai sur le thème des enfants qui ne peuvent plus s'amuser dans les rues et vont se réfugier dans les caves ou les grands magasins. Où voulez-vous que ces enfants aillent pour s'épanouir ? A part les faire vivre dans des communes autour de Genève, je ne vois pas. Que faire des enfants qui vivent dans ces quartiers de grand passage ? Cette motion ne peut pas être généralisée immédiatement, mais elle mérite d'être étudiée et analysée en commission, que ce soit sur le plan de la santé ou sur celui des déplacements.

Mme Barbara Polla (L). J'ai bien entendu les réponses qui m'ont été apportées. Je voudrais répondre moi-même sur un seul point précis qui vient d'être soulevé, soit le rapport entre la pollution et l'allergie.

La première étude multicentrique suisse, l'étude Sapaldia, extrêmement sérieuse, qui a porté sur quatre centres urbains et quatre centres ruraux, soutenue par un projet prioritaire du Fonds national suisse de la recherche scientifique et dont les résultats viennent d'être publiés, démontre qu'il n'existe pas de rapport pouvant être établi entre le degré de pollution et le développement des allergies et des maladies respiratoires.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'ai écouté avec intérêt le député Saurer. Mais, je vous en supplie, docteur, trouvez-moi une pilule... (Rires.) ...qui fasse que nous allions plus vite pour ceux qui estiment que l'on va trop lentement, et plus lentement pour ceux qui estiment que l'on va trop vite ! Vous ne pouvez pas passer votre vie parlementaire à me faire des vapeurs ! (Eclat de rire et applaudissements.)

Dans votre motion, Mesdames et Messieurs les députés «verts», vous citez des chiffres qui ne sont que partiellement exacts. Je vous rappelle que la circulation au centre-ville a diminué de trente mille véhicules par jour, addition faite des rues marchandes, du pont du Mont-Blanc, du quai des Bergues et du pont de la Coulouvrenière. La pollution de l'air a diminué. Vous le dites dans le texte mais pas dans le sous-titre. Surtout, ne prétendez pas que la seule raison en est le catalyseur, car, dans ce cas, il faudra que vous m'expliquiez où est l'utilité d'enlever les véhicules du centre-ville.

Vous parlez de stagnation en ce qui concerne le trafic des bus TPG. Monsieur le député, nous inaugurons la ligne 13 le 27 mai prochain et, dès le 30 juin, vous ne pourrez plus dire que les TPG stagnent. En matière de transports publics, venez demain à 5 h précises. Vous aurez peut-être d'heureuses surprises ! Enfin, vous parlez des 30 km/h, mais ils sont déjà à l'enquête. Je vous ferai une dernière remarque sur le fait que les zones piétonnes mixtes ne contrastent pas avec «Circulation 2000», car, dans «C 2000», il y a déjà cette notion des zones mixtes. Vous l'avez simplement quelque peu élargie dans votre projet. Mais je vous rappelle qu'il n'y a pas de zone piétonne, mixte ou pas, sans parking pour l'alimenter.

Monsieur le député, j'ai écrit une fois cette phrase : «Un jour viendra où les «verts» diront oui au train et non aux rails.» Faites, s'il vous plaît, que je me sois trompé !

Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est rejetée.