Séance du jeudi 23 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 11e séance

I 1917
13. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. René Longet : Quelle est la position du Conseil d'Etat sur la procédure pénale fédérale ? ( ) I1917
Mémorial 1995 : Développée, 328.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Aucune loi n'est parfaite et la procédure pénale fédérale pourrait certainement être améliorée. Toutefois, j'observe qu'en cette matière la perfection recherchée revêt en Suisse vingt-six formes différentes, chaque canton ou demi-canton ayant fait ses propres choix à ce propos. C'est dire qu'il serait bien présomptueux de la part de Genève de prétendre s'imposer comme modèle de ce qui doit être entrepris en vue d'améliorer le régime fédéral existant. Si, en principe, rien ne s'oppose à l'intervention d'un canton en vue d'améliorer une loi fédérale, par souci d'efficacité il s'impose de cibler de manière exacte les faiblesses du texte actuel et de définir clairement les propositions de réforme.

Cependant, j'observe que vous vous limitez, Monsieur le député, à des considérations générales qui, sous trois aspects au moins, ne paraissent pas fondées. Ainsi, la procédure fédérale prévoit déjà que les faits reprochés à l'inculpé doivent lui être notifiés d'emblée, dès l'inculpation ou dès l'arrestation.

D'autre part, la procédure fédérale permet à la personne arrêtée de solliciter, en tout temps, sa mise en liberté et de s'adresser à cette fin à la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral en cas de refus du magistrat saisi de l'enquête.

Enfin, les mesures de contrainte ordonnées ou ratifiées par le Procureur général de la Confédération sont sujettes à recours auprès de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral.

C'est donc dire que la procédure fédérale n'accorde nullement au procureur la faculté de faire ce que bon lui semble sans aucun contrôle d'une autorité supérieure. En revanche, il est vrai que l'accès de l'inculpé au dossier de sa cause est nettement plus restreint qu'en procédure genevoise. Cette limitation n'est d'ailleurs pas l'apanage de la procédure pénale fédérale, certains cantons ayant adopté des dispositions de même nature.

Monsieur le député, si le but recherché consiste à obtenir du législateur fédéral qu'il réforme un texte relevant de sa seule compétence, il me paraît risqué de l'interpeller sur une base aussi fragile. Inspirée des événements d'actualité dont les autorités genevoises n'ont qu'une vision partielle, la démarche risquerait, en outre, d'être interprétée comme une tentative d'ingérence inadmissible dans la conduite d'une procédure en cours.

Telles sont les raisons pour lesquelles, Monsieur le député, la meilleure approche pour parvenir au but recherché, soit l'amélioration de la procédure pénale fédérale, nous paraît consister, dans un premier temps en tous les cas, à ne pas partir prématurément au combat, et à ne pas y partir seul.

A notre sens, cette question méritait d'être débattue par les cantons. Le hasard des dates a fait que, ce matin, je l'ai évoquée au sein de la Conférence romande des chefs de départements de justice et police. Aucun canton, sauf le canton de Berne dans le cadre de l'affaire jurassienne, n'a eu d'expérience dans ce domaine.

Le canton de Berne confirme le verrouillage en usage au Ministère public fédéral. La Conférence romande n'entend pas s'investir dans une réforme législative de ce genre. C'est donc par la voie parlementaire que pourrait s'imaginer une intervention. Il vous appartient, Monsieur le député, d'en prendre l'initiative. Mes services sont à votre disposition pour toute information que vous pourriez souhaiter.

M. René Longet (S). Je remercie M. Ramseyer d'avoir soulevé la question de la Conférence des directeurs de départements de justice et police. Par contre, vous me renvoyez la balle, Monsieur Ramseyer, en me disant de faire une interpellation parlementaire. Je vais réfléchir à cette possibilité. Le Grand Conseil peut proposer d'utiliser la voie de l'initiative qui appartient au canton, afin que la voix de ce canton se fasse entendre au niveau des Chambres fédérales.

Je pensais que nous aurions pu gagner du temps en passant par le Conseil d'Etat plutôt que par nous, mais si ce dernier nous demande d'agir, alors nous le ferons. J'espère que vous accueillerez favorablement la motion qui pourrait sortir de nos réflexions.

Sur le fond, je regrette, Monsieur Ramseyer, que vous ayez résumé mes demandes de la manière dont vous l'avez fait. En effet, j'ai le texte de mon interpellation sous les yeux et je n'ai pas dit tout à fait ce que vous me faites dire. Vous dites que les critiques ne sont pas fondées. Celles que j'ai formulées ne sont pas tout à fait celles que vous résumez.

En effet, dans mon interpellation, je fais allusion aussi à un certain dysfonctionnement entre ce droit et la pratique qui en est faite. Bien entendu, je mesure ce dysfonctionnement par rapport au standard qui est le nôtre dans notre canton, et c'est bien normal.

La voie parlementaire a été utilisée, Monsieur le conseiller d'Etat. En effet, des députés genevois ont déposé des motions aux Chambres fédérales. Dans cette optique, il serait normal que le gouvernement genevois soutienne ces interventions parlementaires. En tous les cas, après ce qui s'est passé par rapport à l'application de ce droit l'an dernier, et dont nous avons abondamment parlé, le Conseil d'Etat ne peut pas ne pas avoir de position sur la réforme de la procédure pénale fédérale.

Monsieur Ramseyer, nous veillerons à ce que vous ne fermiez pas ce dossier et nous vous invitons à dégager la position du canton de Genève face à ce problème, afin que nous puissions appuyer tous ceux qui aimeraient réformer cette procédure. Car, si tant il est vrai qu'il y a vingt-six droits de procédure cantonaux, il est vrai aussi qu'ils ne sont pas tous éclairés et favorables au droit de la défense, en tout cas pas comme le nôtre. De toute manière et en aucun cas nous ne pouvons admettre les dérapages qui sont actuellement permis dans la lettre et la pratique de la procédure pénale fédérale. Je suis d'accord de reprendre la question, mais j'aimerais que vous le soyez aussi. Nous entendrons donc encore parler de ce sujet dans cette enceinte.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous demandez au Conseil d'Etat de soutenir les interventions parlementaires. Au sein du Conseil d'Etat, il y a une habitude qui consiste à réunir le groupe parlementaire fédéral plusieurs fois par année pour échanger certaines idées. Je mettrai ce sujet à l'ordre du jour d'une prochaine séance, mais alors, Monsieur le député, soyez très aimable de dire aux députés de votre groupe de bien vouloir participer à la réunion, car cela n'a pas été le cas les derniers mois qui ont précédé.

Cette interpellation est close.