Séance du
jeudi 23 mars 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
5e
session -
10e
séance
No 10
Jeudi 23 mars 1995,
soir
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que MM. Jean-Claude Dessuet, Luc Gilly, David Hiler et Jean Spielmann, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 16 et 17 février 1995 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. Christian Ferrazino(AdG). Une proposition de motion a été distribuée sur tous les pupitres concernant la réintroduction du contrôle de vote avec les registres électoraux. Vu l'urgence de cette motion, je propose que nous la traitions, aujourd'hui encore, sous le point 13 bis de notre ordre du jour, puisque M. Haegi est présent.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
La présidente. Le point 23 (M 987) est retiré de l'ordre du jour à la demande de ses auteurs et renvoyé à nos séances du mois d'avril.
M. Dominique Hausser (S). La commission de la santé a discuté de la lettre de Mme Bonnefemme-Hurni, présidente du Tribunal administratif, concernant le projet de loi sur les établissements publics médicaux que nous avons voté à la fin de l'an dernier. Suite à cette lettre, nous vous proposons un projet de loi modifiant cette loi K 2 1. Je souhaiterais que ce projet de loi soit mis à l'ordre du jour de cette session et, pour que les députés puissent avoir le texte sous les yeux, que cela soit agendé soit au début de la session de ce soir, soit demain dans l'une des deux séances.
La présidente. Le texte a-t-il été distribué à tous les députés, Monsieur Hausser ?
M. Dominique Hausser. Je l'ai remis tout à l'heure au service du Grand Conseil, qui va faire des photocopies et les distribuer.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
5. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
La présidente. Nous réitérons nos condoléances à notre collègue, M. Pierre Kunz, qui a eu la tristesse de perdre son père.
Le Bureau a été interpellé à la suite d'un article de presse concernant la participation de certains députés au comité de soutien d'une personnalité qui brigue la présidence de la République française.
Il est évident que l'article 84 de la constitution genevoise et l'article 23 de notre règlement prévoient que les députés ne peuvent être liés par des mandats impératifs. Chaque député peut donc s'engager, en qualité de citoyen, dans tous les combats qui lui semblent bons.
Toutefois, le Bureau se permet de rappeler aux députés concernés que le mandat de député implique une certaine réserve.
La motion 989, figurant au point 83 de l'ordre du jour, comporte une modification grossière des prénoms de M. Unger. J'ai sous les yeux le bon à tirer donné par le service des publications officielles. Les prénoms étaient mentionnés de façon correcte et la chancellerie n'est donc pas en cause. Il s'agit d'une plaisanterie de mauvais goût de l'imprimerie. En conséquence, ce texte ne sera pas payé par la chancellerie. Les remarques d'usage ont été faites et le directeur de l'imprimerie nous a présenté oralement ses excuses, qu'il renouvellera dans une lettre que nous recevrons demain.
La mémorialiste, Mme Bernadette Bolay, a réussi à faire sortir de presse pour aujourd'hui la totalité des mémoriaux de nos précédentes séances. Nous la félicitons et la prions de transmettre nos compliments à son équipe qu'elle dirige avec compétence.
Nous vous signalons la présence à la tribune du public de M. Damien François, directeur du collège de l'Etoile de Port-au-Prince, Haïti, avec une délégation d'élèves haïtiens et béninois. (Applaudissements.)
6. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence:
Il en est pris acte.
Cette correspondance a été renvoyée, comme les précédentes, à la commission législative. Elle a eu pour conséquence le dépôt du projet de loi dont nous discuterons ce soir à 20 h 30 et qui vous a été annoncé par M. Hausser.
Cette lettre a été renvoyée au Conseil d'Etat et à la commission des droits politiques.
Cette lettre sera évoquée au point 64 de notre ordre du jour.
Rappel de correspondances concernant les points non traités à la séance de février :
En date du 10 février 1995 : courrier du personnel du service des autos et de la navigation. Les points 17 à 19 de l'ordre du jour : PL 7209, PL 7213 et la M 967 sont renvoyés à la commission judiciaire.
Le 19 février 1995, l'Association des transports et environnement nous a adressé une correspondance qui concerne le point 40 de l'ordre du jour (PL 7124).
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
D'autre part, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition :
Il en sera fait ainsi.
M. Pierre Vanek(AdG). J'ai cru entendre que nous avions reçu une correspondance émanant du personnel du bureau des autos. J'en demande donc la lecture. Je pense qu'elle pourra se faire au point de l'ordre du jour concernant cet objet.
La présidente. Il en sera fait ainsi, Monsieur le député, selon vos désirs.
7. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
La présidente. Les projets de lois suivants sont parvenus à la présidence :
Ce projet de loi figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
Nous traiterons ce projet de loi à 20 h 30.
b) de propositions de motions;
La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Elle sera débattue au point 13 bis de notre ordre du jour.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
La présidente. Les demandes d'interpellation suivantes sont parvenues à la présidence :
Cosignataires : Maria Roth-Bernasconi, Laurent Moutinot, Christian Ferrazino, Evelyne Strubin, Anita Cuénod.
Cosignataires : Gilles Godinat, Christian Ferrazino, Jacques Boesch, Pierre Meyll, Jean-Pierre Rigotti.
Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
La présidente. Le Conseil d'Etat a répondu aux questions écrites suivantes :
Q 3520
de M. Pierre Meyll (AG)
Dépôt: 3 mai 1994
Modifications apportées au règlement d'application de la loi fédéralesur la protection de l'environnement
Le Conseil d'Etat a apporté des modifications au règlement susmentionné qui ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle du 8 avril 1994, ce qui m'amène à poser les questions suivantes:
1. Ne serait-il pas possible que le Conseil d'Etat publie un commentaire des amendements apportés à des règlements lors de la publication de ceux-ci, afin que les citoyens soient clairement informés de leur portée, ce qui devrait être d'autant plus facile que les propositions de règlement dont le Conseil d'Etat est saisi sont normalement accompagnées d'un exposé des motifs?
2. Le règlement transitoire précité remonte au 1er juillet 1987 et a déjà été modifié à maintes reprises. Le Conseil d'Etat peut-il indiquer quand il entend soumettre au Grand Conseil un projet de loi d'application en bonne et due forme de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, ce qu'il avait promis de faire avant la fin de la dernière législature?
3. Le Conseil d'Etat peut-il indiquer les motifs pour lesquels il a supprimé, en abrogeant les articles 3 à 5 du règlement précité, le poste de «délégué permanent à la protection de l'environnement» qui constituait avec la délégation du Conseil d'Etat en matière d'environnement (également supprimée) la seule structure de coordination de l'Etat en matière de politique environnementale, à défaut d'un véritable office de la protection de l'environnement?
4. La suppression de ce poste constitue une véritable régression en matière de politique environnementale de l'Etat accentuée par la suppression également (avec l'abrogation de l'article 34 du règlement précité) de la commission mixte consultative en matière de protection de l'en-vironnement, dont l'existence était particulièrement importante (même si le Conseil d'Etat a négligé de la convoquer ces dernières années), dès lors que c'était la seule instance constituée où les associations de protection de l'environnement pouvaient dialoguer avec les services chargés de l'application de la législation en matière de protection de l'environnement. Que compte faire le Conseil d'Etat pour promouvoir une meilleure coordination des services publics chargés de traiter la protection de l'environnement et pour favoriser la collaboration avec les associations se préoccupant de ce domaine?
5. Enfin, dans le cadre du «toilettage» du règlement auquel le Conseil d'Etat a procédé, le texte nouveau des articles 8 à 11 (application de l'OPAIR) reste peu clair. Il est dit à l'article 8 que les «limitations des émissions ... relèvent de la direction de la police des constructions», alors qu'il doit probablement s'agir de la «fixation des limites des émissions». Quant à l'article 11 relatif au contrôle des installations, il serait plus clair de mentionner (comme le texte ancien) qu'il s'agit du contrôle pour assurer le respect des valeurs d'émission. Par ailleurs, cet article devrait en toute logique précéder l'article 9 relatif aux mesures d'assainissement. Ne serait-il pas opportun de clarifier ces dispositions?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 1er mars 1995
1. M. Pierre Meyll demande tout d'abord s'il serait possible de publier un commentaire des amendements apportés à des règlements, «ce qui devrait être d'autant plus facile que les propositions de règlement dont le Conseil d'Etat est saisi sont normalement accompagnées d'un exposé des motifs».
Il est exact que les départements, lorsqu'ils présentent un nouveau règlement ou une modification réglementaire au Conseil d'Etat, accompagnent ces textes de notes explicatives; il ne s'agit pas, en revanche, de véritables «exposés des motifs». Pour des raisons pratiques, ces notes ne sauraient être publiées en même temps que les règlements.
En effet, en raison du nombre souvent important de règlements qui paraissent dans la Feuille d'avis officielle, un commentaire explicatif alourdirait considérablement cette publication et rendrait sa lecture fastidieuse.
Il n'en va pas de même des projets de lois, auxquels sont toujours joints des exposés des motifs, qui sont publiés en même temps que les projets.
En ce qui concerne les règlements, tout citoyen intéressé a cependant la faculté de demander des renseignements complémentaires auprès des services compétents de l'administration cantonale.
2. La nouvelle direction générale de l'environnement en place au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales a élaboré un concept d'environnement. Quant au projet de loi, M. Claude Haegi a informé la commission de l'environnement et de l'agriculture du Grand Conseil, lors de sa séance du 24 novembre 1994, que son département élaborait actuellement un texte, en collaboration avec M. Alain Clerc, spécialiste en la matière.
Le projet de loi sera ensuite examiné par le Conseil de l'environnement, créé par arrêté du Conseil d'Etat du 13 juin 1994, puis présenté dans le courant du printemps 1995 au Grand Conseil.
3. En réunissant dans le même département, dès le début de la législature, la plupart des services concernés par les problèmes environnementaux, le Conseil d'Etat a précisément cherché à assurer la meilleure coordination possible en la matière.
Pour le surplus, les problèmes qui touchent encore plusieurs autres départements font l'objet de séances régulières, organisées, en particulier, par la direction générale de l'environnement.
4. La commission mixte consultative en matière de protection de l'environnement a été remplacée par le Conseil de l'environnement, qui comprend 40 membres représentant l'Association des communes genevoises, l'administration cantonale, les associations d'importance cantonale qui se vouent à la protection de l'environnement, les milieux professionnels, les milieux économiques, l'université de Genève, les milieux académiques, la région et le Conseil de la santé.
Les membres de ce conseil seront prochainement nommés par le Conseil d'Etat.
5. L'article 8 du règlement transitoire d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (K 1 26,5) se réfère au chapitre II, section 1, de l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air, qui s'intitule: «Limitations des émissions».
Les articles 3, 4 et 5 de l'OPair évoquent également le problème des limitations des émissions. Le texte de l'article 8 du règlement est dès lors tout à fait clair et en parfaite cohérence avec l'OPair.
Quant à l'article 11 du règlement relatif au contrôle des installations, il se réfère au chapitre II, section 3, de l'OPair, qui s'intitule: «Contrôle des installations stationnaires». Il regroupe la notion de déclarations des émissions (art. 12 OPair) et celle de la mesure et du contrôle de ces dernières (art. 13 OPair).
Cette disposition ne pose dès lors aucun problème particulier d'interprétation.
Q 3521
de Mme Claire Chalut (AG)
Dépôt: 18 mai 1994
Le petit «nationalisme» du Conseil d'Etat!...
... qui pourtant cultive des ambitions économiques s'étendant bien au-delà des frontières étroites de notre République: il n'a jamais assez de mots pour rappeler au quidam qu'il faut être ouvert à l'Europe, au monde, tout en étant très économe dans d'autres domaines. Voilà que ce même Conseil d'Etat tombe dans un «nationalisme» local étroit, voire étriqué: ne vient-il pas de convier l'ensemble des députés à venir «fêter la victoire du FC Servette»!... Je n'ai rien ni contre le Servette, ni contre le «foute»! Est-ce de tradition de convier les députés à ce type de prestation et pourrait-on, là aussi, respecter la séparation du sport de la politique et, enfin, qu'a-t-on à «gagner»?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 6 mars 1995
Sans que l'on puisse parler de «tradition», il est d'usage que les autorités et les représentants élus du peuple soient invités à s'associer aux manifestations qui jalonnent la vie sociale de notre République.
Indéniablement le sport, notamment le football, est l'une des activités de loisir qui a la faveur d'une partie importante de la population et l'équipe du Servette FC bénéficie du soutien de nombreux habitants de ce canton. L'équipe ayant obtenu un titre assez exceptionnel de champion suisse, il était naturel d'associer les autorités cantonales et communales à la manifestation organisée à cet effet par le Conseil d'Etat.
Il s'agissait uniquement de créer un moment de convivialité avec les joueurs, les milieux sportifs, les supporters et les élus. Le succès de cette soirée, simple et spontanée, apporte la preuve qu'elle correspondait aux aspirations d'une large part de l'opinion publique.
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. H. J.-C. , 1944, Genève, directeur commercial, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. C'est par arrêt de la Cour d'assises du 15 septembre 1993 que M. H. J.-C. a été condamné aux peines de deux ans de réclusion et de 5 000 F d'amende comme coauteur avec M. S. I. d'escroqueries et comme complice de banqueroutes simples. Les infractions commises l'ont été dans la gestion de Tradasec SA, insolvable depuis 1982, mais dont la survie a été frauduleusement tentée, jusqu'à sa faillite en janvier 1992.
M. H. J.-C. était directeur de la société Tradasec SA. Cette société, pendant plus de dix ans, a connu un endettement croissant, les nouveaux crédits servant essentiellement à rembourser les anciens crédits augmentés des frais, commissions et intérêts débiteurs. Pour contrebalancer cet endettement, un système de fausses factures de plus en plus nombreuses a été élaboré et fait croire que les affaires de Tradasec SA étaient florissantes.
M. H. J.-C. a été informé en 1986 de la situation. Il a été reconnu que le rôle de ce dernier était en retrait par rapport à celui de l'administrateur, qui avait seul conçu et organisé la mise en place de fausses factures. M. H. J.-C. ne recourt donc que contre le solde de la peine de réclusion, voire une réduction de la peine initiale à dix-huit mois.
Le préavis du procureur est négatif. La commission de grâce a donc suivi ce préavis et se positionne négativement par rapport à cette demande en grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. K. N. , 1962, Yougoslavie, sans profession, recourt contre le solde de la peine d'expulsion qui prendra fin au mois de décembre 1997.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. M. K. N. est ressortissant du Kosovo; il est, semble-t-il, fleuriste-paysagiste de profession.
Il est manifestement extrêmement attiré par notre pays, puisque, entre 1983 et 1994, il a été interpellé, arrêté et expulsé à de très nombreuses reprises pour vol à la tire, rupture de ban et usage de faux papiers. Il est sous le coup d'une double expulsion : une expulsion judiciaire, jusqu'en 1997, et une expulsion administrative à durée indéterminée. Il demande, pour des raisons matrimoniales surtout, que soit levé l'arrêté d'expulsion judiciaire de cinq ans.
La commission de grâce vous recommande le rejet de cette demande.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
Mme P. P. M. , 1948, Etats-Unis d'Amérique, employée de bureau, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
Mme Anne Briol (Ve), rapporteuse. Mme P. P. M. est née en 1948 et est originaire des Etats-Unis. Mme P. P. M. est mariée et a une fille de quatorze ans, dont elle s'occupe seule.
Elle a été arrêtée le 4 octobre 1993 à l'aéroport de Genève en compagnie d'une autre personne possédant 4,3 kg de cocaïne. Elle a été condamnée à trois ans et demi de réclusion et dix ans d'expulsion du territoire suisse. Elle n'a pas d'antécédents judiciaires. Actuellement, Mme P. P. M. a subi quatorze mois de détention et elle doit encore purger une peine de deux ans.
Sa fille vit actuellement à Los Angeles. C'est donc pour pouvoir assurer l'éducation de sa fille que Mme P. P. M. demande la grâce de sa peine d'emprisonnement.
Le préavis du procureur général est négatif. La commission a suivi ce préavis et vous propose de rejeter cette demande.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean-Louis Crochet, présentée par le parti libéral.
M. Jean-Louis Crochet est élu tacitement.
La présidente. Aucune candidature ne nous étant parvenue, cette élection est donc reportée à la séance d'avril.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Pierre de Preux, présentée par le parti démocrate-chrétien.
M. Pierre de Preux est élu tacitement.
Mme Sylvie Châtelain (S). Mon interpellation s'adresse au chef du département des travaux publics et de l'énergie, puisqu'elle porte sur une requête en autorisation de construire publiée dans la Feuille d'avis officielle du 3 mars, déposée par la Fondation des Evaux et concernant l'implantation de quatre mâts d'éclairage pour des terrains de football.
J'aimerais brièvement revenir en arrière, jusqu'au 26 novembre 1987, date à laquelle le Grand Conseil avait approuvé le projet de loi 6023-A modifiant le régime des zones de construction aux Evaux.
On peut lire dans le rapport de commission, qui figure dans le Mémorial du Grand Conseil, je cite : «Il a été précisé, lors des travaux de la commission, qu'en aucun cas les installations sportives ne seraient entourées de grillages ou de clôtures et qu'il serait exclu d'édifier des mâts d'éclairage.». Un peu plus loin, on peut lire encore : «La discussion en commission a montré que la totalité des commissaires était attachée à garder au site des Evaux son aspect actuel, de telle sorte que l'esprit général du projet est largement approuvé.».
L'intention du législateur était ainsi très clairement exprimée et c'est dans cet esprit que le Grand Conseil, par une large majorité, avait approuvé le projet de loi.
Or, la Fondation des Evaux est déjà en train d'installer une barrière pour canaliser piétons et cavaliers à proximité de l'anneau d'athlétisme. Elle demande aujourd'hui d'édifier des mâts d'éclairage pour les terrains de football. Et demain ? Une route et des parkings pour améliorer l'accès des nouveaux utilisateurs ? Des gradins pour améliorer le confort des spectateurs et quelques barrières de plus pour faciliter l'entretien ?
La Fondation des Evaux semble appliquer la technique des tranches de salami. Au coup par coup, sans vision d'ensemble apparente, elle réalise en effet des installations qui ne correspondent plus au projet initial. Et ceci dans l'indifférence générale, puisque les conseils municipaux des communes concernées ne sont pas consultés.
Je terminerai donc mon interpellation par deux questions adressées au chef du département des travaux publics et de l'énergie :
1) Entend-il respecter l'intention du législateur, clairement exprimée en 1987, face à la requête en autorisation de construire quatre mâts d'éclairage aux Evaux ?
2) Serait-il possible d'avoir une vision globale des projets d'aménagements de la Fondation des Evaux, avant qu'une quelconque autorisation de construire ne lui soit délivrée ?
La présidente. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 38 bis.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Mon interpellation s'adresse à Mme Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique, à propos de l'office de la jeunesse.
La presse a très récemment relaté un procès particulièrement odieux, puisque le tribunal devait examiner la conduite d'un père de famille accusé d'abus sexuels sur son propre fils, âgé de trois ans au moment des faits. L'homme a été condamné à sept ans de réclusion, le substitut déclarant qu'il s'agit là d'un condensé de tout ce qui est possible de rencontrer : «Des actes qui inspirent l'horreur, un accusé qui nie, une mère qui charrie son lot de souffrances et crie pour protéger son fils, des intervenants sociaux maladroits.».
C'est sur ces deux derniers points que j'aimerais interpeller le département de l'instruction publique, plus particulièrement, à propos de l'office de la jeunesse. Cet office, qui - je crois - est censé protéger la jeunesse, semble avoir agi dans ce cas - mais est-ce le seul cas ? - avec une inconscience et une légèreté inqualifiables !
Le service de la protection de la jeunesse a été alerté par la mère, puis par la clinique des enfants; le tuteur général a été sollicité pour examiner cette affaire de plus près. Rien ! L'office de la jeunesse n'a - semble-t-il - pas jugé opportun de se déranger, ni d'écouter la mère, certes très jeune, mais consciente, ô combien, des dangers encourus par son fils. Pire, une assistante sociale d'une autre instance, émue de ce qu'elle avait entendu et vu, s'est adressée à la chambre des tutelles avec, pour tout résultat, un blâme de ses supérieurs. Les choses ont changé quand la police s'en est mêlée ! Dès lors, à quoi sert l'office de la jeunesse ?
J'étais déjà intervenue, il y a un an, à propos de la conception très particulière de leur tâche que se font les responsables de cet office, notamment en ce qui concerne la protection des enfants ! Je vous réitère ma question, Madame la présidente du DIP, en espérant que vous pourrez apporter, non seulement à ce Grand Conseil mais à la population tout entière, particulièrement aux parents, quelques éclaircissement, et ce en dehors ou en plus des informations qui sont déjà plus ou moins connues sur la refonte de ce service. Même remanié, si ce service devait conserver le même état d'esprit, il y aurait lieu de s'inquiéter sérieusement sur sa capacité à juger des situations de danger dans lesquelles peuvent se trouver des enfants ou des jeunes !
La présidente. La réponse à votre interpellation urgente aura lieu au point 68 bis.
M. Andreas Saurer (Ve). Permettez-moi de poser une petite question à M. Ramseyer, qui, une fois de plus, a fait des déclarations assez fracassantes à la presse ! En effet, il estime, en relation avec une loi que nous avons votée concernant la saisie de l'argent provenant du trafic de drogue, que la décision du Grand Conseil ne restera pas dans les annales ne témoignant pas d'une intelligence aiguë.
En dehors du fait que je déplore ce genre de considération sur un sujet très important pour moi, je pense que, si le Grand Conseil a accepté ce projet de loi contre l'avis du Conseil d'Etat, il l'a fait en connaissance de cause, après avoir réfléchi et en ayant tenté d'être intelligent.
Monsieur Ramseyer, quels sont vos critères pour apprécier l'intelligence d'autrui et celle du Grand Conseil en particulier ?
Il y a plusieurs formes d'intelligence :
- Le quotient intellectuel, qui se mesure à l'aide du test Wexler, cher aux Américains.
- L'intelligence «piagécienne», que l'on apprécie à l'aide du test de M. Piaget.
- L'intelligence vue par les spécialistes des neurosciences; je pense particulièrement à M. Segond... (Rires.) ...qui apprécie l'intelligence en fonction de la capacité de calculer !
- L'intelligence primaire pour les politiques : est intelligente la personne qui est d'accord avec eux ! (Rires.)
C'est certainement ma manière d'apprécier l'intelligence des autres, mais vu que la vôtre n'est sûrement pas aussi primaire, je serais intéressé de connaître vos critères !
La présidente. La réponse à votre interpellation urgente aura lieu au point 27 bis.
M. René Longet (S). Le «Neue Zürcher Zeitung» n'est certainement pas notre journal quotidien, mais, aujourd'hui, je suis tombé sur un article concernant une joyeuse équipée de promoteurs immobiliers, présidée par M. Joye, qui est allée à Zurich pour essayer de vendre Genève. Monsieur Joye, je ne vous demanderai pas pour combien de deniers vous nous avez vendus !
Vous savez, Monsieur Joye, qu'un colloque national a lieu à Zurich le 31 mai au sujet de Superphénix et qu'il n'a pas été obtenu facilement. J'ai été très étonné de lire dans ce journal que vous auriez dit de Superphénix qu'il n'était nullement dangereux pour Genève, et qu'il fallait être tout à fait rassurés à cet égard.
Monsieur Joye, confirmez-vous cette déclaration et, si oui, quels sont vos motifs ?
La présidente. La réponse à cette interpellation urgente aura lieu au point 56 ter.
M. René Longet (S). Cette interpellation s'adresse à M. Ramseyer, s'agissant d'un problème qui a été évoqué tout récemment dans la presse. Il s'agit d'un requérant d'origine syrienne qui aurait été conduit au consulat de son pays, puis renvoyé en Grèce, d'où il risquait très fortement d'être extradé pour être renvoyé en Syrie. Plusieurs articles de presse, notamment «Le Courrier», citaient la Coordination genevoise pour la défense du droit d'asile, qui s'inquiétait beaucoup de cette pratique. Monsieur Ramseyer, vous serez d'accord avec moi que la Syrie ne compte certainement pas parmi les pays du monde les plus démocratiques et les plus tolérants à l'égard des droits de l'homme ! Nous devons donc être très prudents pour ne pas exposer des requérants à devoir rentrer dans ce pays.
Le requérant en question risque cinq ans de prison dans son pays pour s'être soustrait au service militaire. Nous savons bien que la Syrie est engagée dans des opérations militaires, et l'idée de la motivation politique saute assez vite aux yeux.
Monsieur Ramseyer, j'aimerais connaître la situation de votre point de vue et les explications que vous pouvez me donner.
La présidente. La réponse à cette interpellation urgente aura lieu au point 27 ter.
M. Bernard Lescaze (R). Ma question s'adresse au responsable du département de l'économie publique en tant que patron du registre du commerce.
La succursale de Genève de la société GSI Saint-Gilles est inscrite depuis plusieurs années au registre du commerce. A la présidence de cette société figurait, jusqu'à il y a quelques semaines, M. Edouard Balladur, qui, en réalité, avait annoncé qu'il se retirait du conseil d'administration de cette société. Or, le registre du commerce n'a pas pu procéder à la radiation de son nom, parce qu'il manquait sa signature. Le registre du commerce a demandé cette signature à plusieurs reprises et ne l'a - semble-t-il - pas obtenue, l'intéressé trouvant dégradant de la donner. Suite à une récente campagne électorale, il a bien fallu qu'il se mette en règle avec la loi française et qu'il se retire de ce conseil.
Mon interpellation est la suivante : la presse française a prétendu que cette radiation n'avait pas été effectuée en raison des lenteurs administratives helvétiques, c'est-à-dire en reportant la faute sur le registre du commerce. Or, il n'en est rien, nous le savons ! J'aimerais donc savoir ce que le Conseil d'Etat a fait pour défendre ses fonctionnaires et ce que le président du département de l'économie publique a fait pour défendre la réputation du registre du commerce.
D'autre part, la radiation étant maintenant intervenue, selon mes informations, à la demande du secrétaire général de la société GSI Saint-Gilles, basée en Belgique, comment se fait-il que, tout d'un coup, la signature de l'intéressé ne soit plus nécessaire pour effectuer cette radiation ? Ou cette signature a-t-elle été effectivement obtenue ? Cela concerne bien évidemment l'administration de notre canton, et le Conseil d'Etat a le devoir de défendre la réputation de ses fonctionnaires !
La présidente. La réponse à cette interpellation urgente aura lieu au point 69 ter.
M. John Dupraz (R). Mon interpellation s'adresse à M. Haegi, s'agissant du service des votations/élections.
Dernièrement, un nouveau système de votations a été mis en place avec la carte de vote, et on peut dire que ce système donne globalement satisfaction, car il est moderne et très pratique.
Cependant, me rendant régulièrement au dépouillement des opérations de vote dans ma commune, j'ai pu constater, à mon grand étonnement, que les enveloppes des votes anticipés portaient le numéro du local de vote. Cela signifie que les enveloppes portent un signe distinctif par rapport aux électeurs et citoyens qui votent dans leur commune.
Ma question est donc la suivante : le secret du vote est-il bien garanti ?
Ou bien toutes les enveloppes, pour des raisons pratiques, portent le numéro du local de vote, ou bien il n'y a pas de signe distinctif sur les enveloppes.
La présidente. La réponse à votre interpellation urgente interviendra au point 47 ter.
M. Max Schneider (Ve). Après la dernière affaire du gouvernement Balladur concernant les ventes d'armes en Irak et suite aux interventions de plusieurs députés radicaux en faveur du candidat Chirac publiées dans la presse, je m'inquiète de l'intervention de M. Lescaze qui risque de créer une nouvelle affaire genevoise contre le candidat Balladur.
Je demande donc au Conseil d'Etat s'il a l'intention de répondre publiquement à la campagne de M. Lescaze pour M. Chirac contre M. Balladur dans cette séance ? (Remarques et quolibets fusent.)
La présidente. Le président du Conseil d'Etat répondra à votre interpellation au point 78 bis.
M. Bernard Clerc (AdG). Je m'intéresse à des questions plus locales, mais tout aussi importantes pour notre République !
Ma question s'adressait à M. Jean-Philippe Maitre, mais, comme il est absent, je l'adresse à M. Vodoz. Elle concerne la situation de la Société genevoise d'instruments de physique. Cette entreprise, qui a fait le renom de Genève sur les marchés étrangers en matière de machines-outils, ne compte plus aujourd'hui que deux cent soixante salariés, alors qu'ils étaient mille il y a vingt ans.
Selon nos informations, un récent audit de l'entreprise arrive à la conclusion qu'il faudrait supprimer deux cents postes de travail. Autant dire qu'une telle décision aboutirait à la mort de l'entreprise dans un secteur secondaire déjà fortement touché par le chômage.
Je demande à M. le conseiller d'Etat de bien vouloir répondre aux questions suivantes :
1) Est-il exact que l'audit susmentionné propose la suppression de deux cents postes à la SIP ?
2) Dans l'affirmative, quelles sont les mesures prises par le département de l'économie publique pour tenter d'éviter le naufrage de cette entreprise ?
La La présidente. Le président du Conseil d'Etat répondra à votre interpellation au point 69 ter.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi du 20 octobre 1994 modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques avait comme but principal de faciliter le vote par correspondance, qui était déjà très utilisé en raison de l'assouplissement apporté ces dernières années aux conditions pour exercer ce mode de vote.
La mise en pratique du nouveau mode de vote lors de la votation du12 mars 1995 a encore augmenté le pourcentage des électrices et électeurs recourant au vote par correspondance, alors même que ce pourcentage était déjà très élevé lors des votations référendaires de décembre dernier.
Le nouveau mode de vote a, par contre, eu des conséquences imprévisibles pour les électrices et électeurs se rendant dans les locaux de vote et cela en raison de l'introduction de la carte de vote obligatoire. En effet, faute de pouvoir présenter cette carte au moment du vote, de très nombreux citoyens et citoyennes, habitués à voter sans qu'il ne soit nécessaire de présenter une telle carte, n'ont pas pu voter, la possibilité d'obtenir un éventuel duplicata de leur carte de vote auprès de l'office cantonal de la population étant extrêmement dissuasive.
Un président de local de vote a déclaré, lors de la conférence de presse du Conseil d'Etat le soir de la votation du 12 mars, qu'une personne au moins sur 20 (c'est-à-dire 5% des votants) s'était présentée sans sa carte de vote et n'avait donc pas pu voter. Ce pourcentage a été estimé à au moins 10% dans un autre local de vote. De tels pourcentages de citoyennes et citoyens privés de leur droit de vote, alors qu'ils se sont donné la peine de se déplacer, sont inacceptables et ne font qu'aggraver l'abstentionnisme, beaucoup de personnes ayant été choquées de ne pas pouvoir voter et certaines ayant déclaré ne plus vouloir voter.
En étendant le vote par correspondance, le Conseil d'Etat a voulu faciliter l'exercice du droit de vote. Il ne faudrait toutefois pas que, par d'autres mesures, il le rende plus diffficile et aille jusqu'à empêcher l'exercice de ce droit fondamental de notre démocratie.
Il est évident que tout nouveau système de vote prend un certain temps à être assimilé, surtout s'il modifie des pratiques anciennes et rend obligatoire une carte de vote, facultative jusqu'à présent ! Cette innovation n'aurait en soi pas eu de conséquence, si le Conseil d'Etat n'avait pas décidé de renoncer simultanément au traçage sur les rôles électoraux des noms des personnes ayant voté soit par correspondance, soit en se rendant à un local de vote. Si le système de contrôle des électeurs appliqué jusqu'à la votation référendaire de décembre dernier avait été appliqué lors de la votation du 12 mars, les personnes qui n'avaient pas leur carte de vote sur elles, ou qui tout simplement ne l'avaient pas reçue, auraient pu voter.
L'usage obligatoire de la carte de vote ne se justifie, en fait, que pour le vote par correspondance, comme le Conseil d'Etat le relevait lui-même (voir ci-dessous), ce d'autant plus que ce mode de vote peut dorénavant être utilisé par tous les électeurs, même s'ls n'en ont pas fait la demande, ce qui pose effectivement un problème de contrôle de l'authenticité du votant, auquel le renvoi de la cate de vote signée approte un début de solution.
Par contre, il n'y a pas de raison de rendre l'usage de la carte de vote obligatoire pour la personne qui se rend à un local de vote. Elle devrait pouvoir voter comme par le passé, cette carte devant uniquement faciliter le contrôle des électrices et électeurs, notamment lors des votes anticipés. A noter, que le contrôle des votants sur les rôles électoraux, afin d'éviter qu'une personne ne vote à la fois par correspodance et dans un local de vote, est aujourd'hui plus facile par rapport au passé, du fait qu'il n'y a plus de votes anticipés le jeudi et que les locaux de vote ne sont plus ouverts le samedi, de sorte que le service des votations, en récupérant les rôles électoraux, le mercredi et le vendredi soir, peut procéder aux mises à jour nécessaires de ces rôles pour prévenir toute tentative de fraude.
Il faut relever que les rôles électoraux n'ont pas été supprimés et n'ont en tout cas pas été remplacés par la carte de vote, comme l'indique manifestement à tort l'article 2, alinéa 2, du nouveau règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques, qui dispose que la «carte de vote constitue le rôle électoral» ! Il convient donc de rétablir le contrôle des électrices et électeurs comme cela se faisait jusqu'à présent grâce aux rôles électoraux.
Il n'est pas inutile de rappeler que, dans l'exposé des motifs du projet de loi à l'origine des modifications législatives votées le 20 octobre 1994 par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat présentait l'introduction de la carte de vote comme une facilité et non une contrainte, puisqu'il écrivait ce qui suit:
«L'introduction de la carte de vote, actuellement nécessaire pour le vote par correspondance et le vote anticipé, est généralisée pour le vote au local de vote. Cette mesure, qui pourra être allégée par des dispositions réglementaires, lors de situations particulières, est introduite. Elle permettra, d'une part, d'envisager à l'avenir un vote informatisé généralisé et, d'autre part, d'aider l'électeur dans l'exercice de son droit de vote. Il ne s'agit par conséquent pas d'une mesure contraignante supplémentaire, la carte étant actuellement utilisée comme adressage à l'électeur, pour l'envoi de documentation. Elle représente en plus une mesure permettant de mieux garantir l'authenticité du vote» (voir mémorial du Grand Conseil 1993, p. 4035).
De fait, l'introduction de la carte de vote obligatoire pour le vote dans les locaux de vote s'est révélée contraignante, contraitement aux assurances données à l'époque par le Conseil d'Etat et n'a pas «aidé l'électeur» puisqu'elle a empêché un nombre important de ceux-ci d'exercer leur droit de vote ! Quant aux mesures réglementaires prises pour alléger cette contrainte, elles n'ont manifestement pas donné satisfaction. Il convient donc de revenir au système antérieur en ce qui concerne la carte de vote, ce qui ne met pas en cause le droit de vote généralisé par correspondance. Tel est le but d'un projet de loi visant à modifier la loi sur l'exercice des droits politiques déposé simultanément à la présente proposition de motion.
En attendant que le Grand Conseil ait pu examiner ce projet de loi et devant l'urgence de trouver une solution permettant, lors des prochaines élections municipales, que des électeurs soient à nouveau privé, de l'exercice de leur droit de vote, la présente motion vise à ce que le Conseil d'Etat réintroduise à cette occasion et lors des prochaines votations le traçage sur les rôles électoraux du nom des électeurs lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, afin que ceux d'entre eux qui se présentent à un local de vote en l'absence de leur carte de vote puissent néanmoins voter.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ferez bon accueil à notre proposition de motion.
Débat
M. Gilles Godinat (AdG). En effet, suite aux votations du week-end dernier du 12 mars, notre groupe est très préoccupé par le fait que de nombreux citoyens n'ont pas pu voter lors de ces votations, car la nouveauté n'avait pas été intégrée. M. Lescaze lui-même, président d'un local de vote, a reconnu qu'une personne sur vingt n'avait pas sa carte de vote obligatoire. D'autres témoignages confirment un taux qui s'élève à 10% de personnes n'ayant pas pu voter. Certaines sont retournées chez elles, mais rien ne permet d'établir combien sont revenues voter. Ce sont surtout les personnes âgées qui ont été pénalisées par cette nouvelle obligation. Certaines affirment même ne pas avoir trouvé leur carte dans la boite aux lettres ! Cette situation a été très mal ressentie par les personnes qui n'ont pas pu voter.
L'influence du nombre de ces non-votants sur les résultats nous semble négligeable, vu que les résultats ont été très tranchés. Par contre, nous sommes très préoccupés pour les prochaines élections, car nous savons que les écarts de voix entre les différents candidats sont parfois très faibles. Si, à l'occasion de ces élections, nous n'avons pas la possibilité de maintenir la précédente procédure, il est évident que cela faussera les résultats.
Par conséquent, nous demandons la réintroduction du biffage des noms sur les registres électoraux selon l'ancienne méthode, afin que l'intégration du nouveau système puisse se faire dans une période transitoire en maintenant parallèlement les deux systèmes de vote.
M. Claude Blanc (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'est rallié à la proposition de motion de l'Alliance de gauche - une fois n'est pas coutume - parce que nous avons, nous aussi, conscience que le suffrage universel doit être vraiment à la portée de tous. Si des personnes sont mal informées, même si c'est de leur faute - nul n'est censé ignorer la loi, mais nous savons bien que tout le monde ne la connaît pas, même ici dans ce Grand Conseil - ou si elles ont égaré leur carte d'électeur, il n'est tout de même pas normal de les priver de leur droit de vote, sous prétexte qu'elles se présentent au local de vote sans ce document. Cela nous semble inadmissible !
Vous me répondrez que tout le monde a été prévenu et que les explications sont claires. Le secrétaire général du département de l'intérieur me disait tout à l'heure que, lors du dernier scrutin fédéral, on avait même conduit des gens dans les bureaux électoraux pour qu'ils puissent voter de manière à réparer dans toute la mesure du possible les difficultés entraînées. Cela a été le cas en ville dans certains bureaux de vote, mais, moi, je connais des bureaux de vote à la campagne où des personnes âgées, qui se sont présentées sans leur carte électorale, n'ont pas pu voter. Je trouve cela inadmissible ! Je n'accuse personne, mais nous avons le devoir d'essayer d'améliorer la situation, tout au moins pendant une période transitoire.
La proposition de motion ne pourra probablement pas entrer définitivement dans la loi, mais elle devrait être appliquée provisoirement, le temps que les gens s'habituent et qu'ils puissent accomplir leur devoir électoral pour ces prochaines élections municipales. Il faut donc parer au plus pressé pour que tout le monde puisse voter.
M. Christian Ferrazino (AdG). L'objectif de ce Grand Conseil, lorsque nous avons procédé à ces modifications législatives, était de lutter contre l'abstentionnisme et de faire en sorte que les gens puissent voter par correspondance. Force est d'admettre que, finalement, la concrétisation de ces nouvelles mesures va précisément à l'inverse de ce que nous avions souhaité, puisque - cela a été rappelé tout à l'heure - dans certains bureaux de vote, un électeur sur vingt n'a pas pu voter selon les présidents de bureaux de vote, cette proportion étant encore plus grande dans certains bureaux !
Par conséquent, il est urgent à nos yeux, en vue des prochaines échéances municipales, de modifier ce mode de faire qui est manifestement insatisfaisant. Les difficultés matérielles existent et la solution proposée par cette motion est très simple et permet d'y remédier.
Nous avions adressé au Conseil d'Etat une demande allant dans ce sens, parallèlement au dépôt de cette motion. Le Conseil d'Etat nous a répondu par un courrier - dont nous avons pris connaissance aujourd'hui - que la solution proposée par cette motion ne pouvait pas être concrétisée dans l'immédiat pour les deux raisons suivantes :
1) Si le rôle des électeurs était réintroduit, il faudrait biffer tous les votes, tant par correspondance que ceux du local de vote. Cela est évident, puisque c'est le but recherché !
2) Rien n'empêcherait un électeur de voter deux fois : par exemple, le vendredi soir en se présentant au bureau de vote et le même jour en adressant par correspondance une autre carte d'électeur, qui serait reçue le lendemain seulement par la chancellerie.
Monsieur Haegi, il faut vous dire qu'il y a une manière très simple de pallier cette difficulté. En effet, le nouveau système que nous avons adopté a eu pour conséquence de supprimer deux jours de vote : le jour du vote anticipé, c'est-à-dire le jeudi, et un jour de vote dans les ouvertures normales : le samedi. Par conséquent, il est possible de récupérer le registre des électeurs à la fin des votes anticipés pour procéder, précisément, au biffage de tous les votes par correspondance et réintroduire le rôle des électeurs en vue des votes qui auront lieu le dimanche matin.
Tous les courriers reçus par la chancellerie jusqu'au samedi - pour ceux qui continuent à voter par correspondance - seront tracés par la suite. Bien évidemment, si la chancellerie devait remarquer qu'un citoyen avait déjà voté physiquement dans un bureau de vote, il suffirait d'annuler le vote par correspondance.
Non seulement ce n'est pas impossible matériellement mais, de plus, cela donne une garantie supplémentaire par rapport au problème soulevé par M. Dupraz avec le système du vote par correspondance. Le Conseil d'Etat ne semble pas très enclin à prendre des mesures pour faire en sorte que personne ne soit privé de son droit de vote aux prochaines élections.
Le deuxième argument évoque le fait que les jurés ont déjà été convoqués et qu'il faudrait convoquer deux mille jurés supplémentaires dans un délai relativement restreint. Tout le monde s'accorde à reconnaître que ce délai est court, Monsieur Haegi, mais, franchement, il ne me semble pas très difficile de convoquer ces jurés d'ici demain pour les prochaines élections municipales ! C'est tout à fait faisable, et je ne crois pas que cet argument soit sérieux ni suffisamment fort, eu égard au fait que notre préoccupation doit, précisément, faire en sorte qu'aucun citoyen ne soit privé de son droit de vote en fonction des prochaines élections municipales.
J'attire l'attention du Conseil d'Etat sur les résultats serrés qui peuvent intervenir dans certaines communes, et vous connaissez déjà les risques de recours qui pourront intervenir si on peut expliquer que ces résultats serrés sont dus au fait que certains électeurs n'ont pas pu se prononcer pour ne pas avoir leur carte électorale sur eux.
Vous nous dites qu'il est possible de se rendre au bureau que l'office cantonal de la population met à la disposition des électeurs. Il faut tout de même savoir que dans une commune comme celle d'Anières il nous a été indiqué que le parti radical - pour ne pas le nommer - avait mis sur pied un système de taxis, afin de permettre aux électeurs, qui venaient sans leur carte de vote, de se rendre le plus rapidement possible à l'office cantonal de la population pour chercher le duplicata et revenir au bureau de vote - en taxi radical - pour voter ! (Manifestation de réprobation.)
Plutôt que de laisser aux différentes formations politiques le soin d'organiser des transports en taxi pour que les électeurs sans carte puissent voter, il serait beaucoup plus simple, Monsieur Haegi, de faire en sorte que les personnes qui se rendent au bureau de vote - il y en a encore un certain nombre, bien heureusement - avec ou sans carte d'électeur, puissent voter. La motion ne demande rien d'autre !
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le groupe socialiste est cosignataire de cette motion, car il nous semble très important que tout le monde puisse voter lors d'élections serrées.
Néanmoins, permettez-moi de vous rappeler, en tant que rapporteuse de ce projet de loi, que nous avons débattu, pendant deux séances de commission, pour déterminer l'entrée en vigueur de cette loi. Le département responsable nous avait demandé que cela se fasse seulement en 1996, vu que ce changement de système est tout de même difficile et compliqué et qu'il change, de ce fait, les habitudes des Genevoises et des Genevois. Mais, lorsque nous avions voté sur son entrée en vigueur, je vous signale que seuls les «verts» et les «roses», c'est-à-dire les écologistes et les socialistes, avaient soutenu cette proposition, car nous étions conscients, justement, que l'entrée en vigueur de cette loi l'année où ont lieu deux grandes élections engendrerait des problèmes. Je trouve un peu navrant de devoir présenter une motion, parce que le travail n'a pas été bien fait en commission.
Malgré tout, nous soutenons cette motion, même si cela nous prend du temps et de l'argent, car nous sommes persuadés que le bon fonctionnement de la démocratie en vaut la peine !
M. Bernard Lescaze (R). Effectivement, le nouveau système de vote, comme tout nouveau système, a entraîné quelques ratés !
Mais, dans l'ensemble, en tant que président d'un local de vote - je signale pour les amateurs de mathématiques qu'un électeur sur vingt, lorsque la moitié a déjà voté par correspondance, cela représente 2,5% et non pas 5% - j'ai constaté qu'un certain nombre d'électeurs n'avaient pas pris leur carte de vote. Malheureusement, le parti radical ne peut quand même pas souscrire entièrement à la proposition de motion qui nous est faite, alors que le problème est bien réel et que nous en sommes conscients.
En effet, il y a, notamment pour les élections municipales du 2 avril, des problèmes pratiques dont aucun des préopinants - à croire qu'ils ne se sont jamais occupés d'un local de vote - ne semble être conscient. Lorsque M. Ferrazino nous dit qu'il est très facile de convoquer des jurés supplémentaires, il semble parfaitement ignorer que, quel que soit le nombre des jurés supplémentaires, plus le week-end approche et plus la météo s'annonce favorable, plus les excuses les plus farfelues surviennent. Nous sommes, bien entendu, par respect de la vie privée des électrices et des électeurs, contraints de les accepter, si bien que, généralement, on se retrouve avec un nombre relativement limité de jurés. Je tiens à la disposition de tous ceux que cela intéresse une liasse d'excuses diverses recueillies au cours de ces dernières années. Une dit, je cite : «Je ne peux absolument pas venir aujourd'hui, car je dois nourrir ma jument.» ! (Rires et remarques.) Convoquer des jurés supplémentaires me semble donc une chose impossible. C'est bien cela qui nous amène à considérer qu'entre deux maux il faut choisir le moindre. Quel est le plus ennuyeux ? Que certains électeurs sans carte ne puissent pas voter ou qu'il y ait du désordre parce que les gens ne sauraient plus - c'est le risque que présente votre motion - s'il faut ou non se présenter au bureau de vote avec la carte d'électeur. au moment des élections municipales du 2 avril ?
Lorsque ce Grand Conseil a accepté le changement de la loi, je n'ai pas pris la parole et je n'ai pas voté, car, personnellement, j'étais nostalgique de l'estampille. Je dois aujourd'hui reconnaître que le nouveau système de vote est plus rapide et plus pratique, pour ceux qui savent s'en servir. Je suis convaincu que tous les électeurs sauront s'y adapter très rapidement. Dans tous les cantons suisses on vote avec une carte électorale, qu'elle soit permanente ou non. Personnellement, je pensais que les électeurs sans carte seraient beaucoup plus nombreux. D'ailleurs, la plupart des gens ont pris la chose avec beaucoup de bonhomie, et, lorsqu'ils en ont eu le temps, ils ont été rechercher leur carte ou ils se sont rendus à l'office de la population.
L'important est, que ce soit ou non par la voie d'une motion, d'essayer, d'ici au 2 avril, de trouver pour les élections municipales un système qui autoriserait une certaine souplesse, puisque l'on sait - d'après ce que j'ai constaté avec d'autres collègues présidents de locaux de vote en ville - que le nombre de ceux qui viennent sans carte était à peu près le même partout. Si tout d'un coup on constatait qu'il y avait une énorme proportion d'électeurs sans carte de vote dans un arrondissement électoral, on pourrait soupçonner une irrégularité.
Pour la bonne marche du nouveau système que la grande majorité de ce Grand Conseil a voté, je pense qu'il faut rester fermes sur les principaux axes de ce système. Effectivement, pour l'instant, la carte de vote doit rester obligatoire. En revanche, l'idée de réintroduire un registre, notamment grâce à un crayon magnétique qui pourrait lire un code-barres me paraît tout à fait efficace, mais il est évident que ce n'est pas dans les dix jours qui viennent que cela peut être fait.
M. Christian Grobet (AdG). Comme M. Lescaze vient de le souligner, la loi qui a été votée au mois d'octobre a introduit plusieurs innovations. On peut reconnaître que certaines ont bien marché, même si nous continuons, quant à nous, à craindre que l'usage généralisé du vote par correspondance ne puisse entraîner des abus; mais ce n'est pas notre propos aujourd'hui. On constate que beaucoup de citoyens sont satisfaits de cette facilité.
Le remplacement de l'estampille par une enveloppe, qui avait conduit au problème dont vous vous souviendrez, Monsieur Lescaze, il y a quinze ans et qui avait amené le retour à l'estampille, suite à un recours consécutif à une mémorable votation, a marché cette fois, et il faut s'en féliciter, car cela facilite grandement le dépouillement.
Par contre, les conséquences de l'introduction de la carte de vote obligatoire, qui n'a pas suscité, à mon souvenir, de débat, en tout cas en séance plénière, ont visiblement été sous-estimées. Qui aurait pu s'imaginer - cela ne doit pas être votre cas, Monsieur Lescaze, ni le vôtre, Monsieur Haegi - qu'autant de personnes se présentent au bureau de vote sans leur carte de vote ? Lorsqu'un fait imprévu se présente, il faut en tenir compte ! On ne peut pas se contenter de prôner la fermeté, si cela pose des problèmes, en baissant les bras, parce que de toute façon on ne peut rien faire. Ce n'est pas vrai, on peut faire quelque chose !
La solution proposée par la motion n'est peut-être pas la meilleure, mais je n'ai pas l'ambition d'avoir l'imagination du service des votations, qui connaît toutes ces questions. Monsieur Lescaze, j'ai également été président d'un local de vote à une période où les citoyennes et citoyens étaient plus assidus et plus respectueux des convocations qu'ils ne le sont aujourd'hui, mais il y avait déjà, à l'époque, passablement de défaillances, raison pour laquelle - vous devez certainement le savoir en tant que président d'un local de vote - on convoque deux fois plus de jurés qu'il n'en faut. Et, en réalité, dans beaucoup d'élections ou de votations où la participation est faible, les jurés ne croulent pas sous le travail ! En tenant compte de l'importance du nombre d'électrices et d'électeurs qui recourent au vote par correspondance, on peut en déduire que la participation dans les locaux de vote ne sera pas considérable et qu'il ne faudra donc pas un régiment de jurés pour chaque local de vote, Monsieur Lescaze ! Tout est une question de bonne volonté : si demain les convocations sont envoyées, nous aurons les jurés nécessaires à disposition. Objectivement, cela me semble possible.
Cela étant dit, devant les difficultés on peut encore imaginer autre chose. D'abord, le biffage des noms sur les registres des électrices et électeurs qui ont fait usage de leur vote par correspondance. Donc le biffage au service des votations - vous en conviendrez - ne doit pas poser de problème, puisque lors des votations référendaires du mois de décembre, un nombre considérable d'électrices et d'électeurs - à peu près la moitié des votants - avaient usé de ce vote par correspondance. Leurs noms ont été biffés sur les registres; ce travail peut donc être fait. Biffer les noms le vendredi soir ne devrait pas poser trop de problèmes non plus.
Monsieur Lescaze, s'il y a un problème de jurés on pourrait s'abstenir de procéder au biffage le dimanche et se contenter de voir si le nom de la personne qui se présente a été biffé par le service des votations dans le cadre du vote par correspondance. En effet, la personne qui se présenterait sans carte de vote le dimanche matin serait «gonflée» d'avoir voté une demi-heure avant avec sa carte de vote ! Le dimanche, on pourrait donc se contenter de vérifier les noms de ceux dont les noms ont été biffés par le service des votations. Je crois que vous pouvez être d'accord, Monsieur Lescaze !
Si tous les noms n'ont pas été biffés et que l'on a un doute, on peut faire, Monsieur Haegi, ce qui se fait dans certaines circonstances par le président du local de vote : faire signer des déclarations sur l'honneur aux intéressés qu'ils n'ont pas déjà voté. En cas de resquille, ils seraient passibles d'une contravention. Si on n'arrive pas à obtenir les jurés en nombre nécessaire, il est possible de mettre en place ce système. Je demande instamment que cela soit fait, parce que l'on ne peut pas admettre que des électeurs en si grand nombre soient privés de leur droit de vote. Tout nouveau système fonctionne en parallèle avec l'ancien pendant une certaine période pour donner aux gens le temps de s'habituer, comme les régies lorsqu'elles ont dû passer au système informatique.
Avec un peu de bonne volonté et l'imagination dont fait preuve le Conseil d'Etat, je ne doute pas, Monsieur Haegi, que vous pourrez mettre en place le système que nous vous recommandons !
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Lescaze semble craindre que la réintroduction des registres électoraux ne jette le trouble dans l'esprit des électrices et électeurs. Mais, en réalité, le trouble dans lequel ont été jetés certains électrices et électeurs, suite aux innovations apportées, a été nettement plus important. Je ne suis pas sûre qu'il faille une seule élection pour dissiper ce trouble.
Souvent les gens les plus mal instruits de la nouvelle disposition électorale se recrutent parmi les gens les moins instruits en général. Nous en sommes plus proches, ici, dans les partis de l'Alliance de gauche. Ce sont souvent des personnes âgées également. Leur trouble est surtout dû au fait que le vote par correspondance leur apparaît comme une atteinte au secret de leur vote, et il sera bien difficile de dissiper ce doute, car il est tout à fait exact que le secret n'est plus garanti. C'est pourquoi, la plupart des personnes âgées refuseront d'utiliser la voie du vote par correspondance. Il faut donc faciliter le vote au bureau, avec la garantie que ces personnes puissent voter.
M. Armand Lombard (L). Le système mis en place par le Conseil d'Etat pour les élections et les votations amène un certain nombre de nouveautés qui ont été bien accueillies et qui ont bien fonctionné dans l'ensemble. Ce succès n'a rien de révolutionnaire, mais cela améliore la façon de voter, ce qui est une bonne chose. Nous soutenons vivement ce projet, comme la plupart des députés l'ont fait.
Je suis frappé par le blocage de l'Alliance de gauche vis-à-vis d'une nouvelle procédure, du conservatisme dont elle fait preuve par rapport aux acquis, comme c'est son habitude depuis un certain temps ! (Brouhaha.) Elle pleure les coutumes ancestrales et voudrait remettre les vieux systèmes en vigueur pour ne pas changer les habitudes. Elle considère que les personnes âgées ne peuvent pas changer les leurs, alors que c'est elle qui ne le peut pas. C'est grotesque ! (Remarques et quolibets.)
Ce Grand Conseil a récemment voté une loi comportant des modifications. Il est bien évident que ce n'est pas au bout de quinze jours que nous allons accepter de remodifier cette loi en raison d'un manque d'adaptation. Etes-vous malades ? Est-ce si difficile que l'on ne puisse s'y habituer ? Si vous ne pouvez pas vous adapter à un si petit changement, comment allons-nous faire pour changer quoi que ce soit dans cette République ! Vous êtes complètement endormis, complètement braqués et complètement conservateurs !
A entendre M. Grobet, je me demande s'il se croit déjà de retour à l'exécutif. Pour l'instant, il n'est qu'un député du législatif ! (Un rire sonore jaillit.) C'est l'exécutif qui gère. Le Grand Conseil a donné des fonctions à l'exécutif, a voté une loi pour remédier à un certain nombre de choses. Nous ne demandons à personne, et surtout pas à M. Grobet, de nous refaire une loi avec de nouvelles idées et combines de son crû, suggérant à M. Haegi ce qu'il devrait faire ! Mais ce n'est pas de votre ressort, Monsieur Grobet, et nous nous opposerons à cette motion, car nous faisons pleinement confiance au Conseil d'Etat pour régler la situation au mieux, pour voir quels sont les cas lamentables qui se sont présentés et dans quelle proportion.
M. Pierre Meyll (AdG). Bien que doyen de cette assemblée, je ne prendrai pas ma voix chevrotante, et j'espère ne pas être aussi long... barbant... que mon prédécesseur ! (Rires.)
Monsieur Lescaze, j'ai également été vice-président - en effet, dans ma commune j'ai toujours été dans le vice, je ne suis jamais arrivé à la présidence ! - d'un local de vote. J'ai donc eu l'occasion de constater que parfois les excuses données pouvaient être rigolotes. Mais parfois, des personnes âgées ont de la peine à s'adapter à la nouvelle méthode. Je ne crois pas que ce soit mon cas, n'en déplaise à M. Lombard, j'arrive à m'adapter ! Mais il est vrai aussi que la carte d'électeur présente un petit problème au point de vue du contrôle d'identité. Je pense que M. Ramseyer suivra mon allusion à une certaine élection administrative où on avait été jusqu'à confondre notre conseiller d'Etat actuel avec un quidam qui avait voté à sa place ! C'est vous dire qu'à Versoix il n'est pas si populaire que ça ! (Rires.)
Effectivement, il me paraît très simple de rétablir l'usage des registres, à moins que les électeurs aient beaucoup changé de domicile ces derniers temps. Dans les communes, on pourrait admettre, puisqu'on considère que le nombre d'électeurs ayant oublié leur carte est minime, comme nous le faisions parfois, de procéder à des consultations téléphoniques avec le bureau central de votations qui pourrait nous indiquer si les personnes dans ce cas ont effectivement voté ou non. A Versoix, nous n'avons pas les moyens d'affréter des taxis pour aller en ville et revenir, et lorsque les électeurs se présentent à midi moins le quart, nous n'avons plus la possibilité de les faire voter. Un simple coup de fil pour effectuer un contrôle permettrait de résoudre ce problème. Un petit effort doit être fait pour que cette adaptation se fasse sans pénaliser certains électeurs. Il n'est pas nécessaire de faire de la publicité au sujet de ces règlements pour assouplir la nouvelle loi. Cela permettra de faciliter le vote des personnes qui auront oublié leur carte et cela évitera de les décourager.
Merci, Monsieur Lombard, de m'avoir contraint à ne pas être long !
M. Bénédict Fontanet. Je rappelle à M. Lombard, au cas où il ne l'aurait pas remarqué, que les députés de l'Alliance de gauche ne sont pas les seuls à avoir signé cette proposition de motion. Jusqu'à plus ample informé, je ne fais pas partie de la formation de M. Ferrazino !
Une voix. Sous-marin !
M. Bénédict Fontanet. Je pourrais être un sous-marin, effectivement, mais, rassurez-vous, ce n'est pas le cas !
Lorsque M. Lombard nous dit que nous sommes malades, à part une grippe sous-jacente, je n'ai pas le sentiment d'être particulièrement malade du fait que j'ai signé cette motion. Je poserai la question aux quelques docteurs de mon groupe, mais je ne pense pas que ce soit rédhibitoire. (Remarques et quolibets fusent.) J'en parlerai à Schaller, mais il risque de m'achever ! (Eclats de rire.) Je n'ai pas non plus mangé de champignons hallucinogènes qui m'auraient fait signer cette motion dans un accès de delirium !
Cela étant, et plus sérieusement, le droit de vote est, dans notre démocratie semi-directe, quelque chose qui confine au sacré pour certains d'entre nous. C'est un élément essentiel de la démocratie. Les autorités : Grand Conseil, Conseil d'Etat, autorités judiciaires même, lorsqu'il faut corriger un certain nombre de travers, ont le devoir de faire en sorte que le droit de vote puisse être exercé par tous les concitoyens.
Qu'avons-nous tous constaté dans les arrondissements électoraux ? Que des personnes qui voulaient voter n'ont pas pu le faire ! En règle générale, les choses se sont mal passées vers 11 h 15, 11 h 30, dans les bureaux de vote le dimanche. Les pauvres présidents de bureaux - cela n'a peut-être pas été le cas de M. Lescaze qui a su désamorcer les «bombes» auxquelles il a eu affaire - ont passé un mauvais moment ! En tout cas, cela a été le cas dans le bureau de vote où j'ai été voter et dans lequel les responsables se sont fait traiter de «pourris» et «d'épouvantables personnages» !
Nous devons améliorer le fonctionnement du nouveau système de vote, car il a été mis en place peut-être un peu rapidement. Nous avons le devoir de tout faire pour faciliter le vote des électeurs, d'autant que les deux échéances électorales qui viennent sont très importantes, puisqu'il s'agit de renouveler nos autorités municipales et administratives.
S'il n'est pas possible d'appliquer le système préconisé par la motion que l'on en trouve un autre, mais que l'on fasse tout, absolument tout, pour rendre le vote plus facile à ceux qui ont oublié leur carte, qui l'ont égarée, ou qui l'ont jetée avec les publicités à la poubelle, pour qu'ils puissent s'exprimer démocratiquement ! Il en va de la crédibilité des opérations électorales qui auront lieu dans le cadre des élections municipales et administratives à venir.
Par contre, nous ne pensons pas - comme l'a dit M. Blanc - qu'il faille mettre des cautèles à cet égard pour une durée indéterminée. Nous devrions permettre à ceux qui ont oublié leur carte électorale de voter, tout au moins pendant une période transitoire. Cette mesure devrait être doublée d'une bonne campagne d'information, car, manifestement, la nôtre n'a pas été suffisante.
La loi pose aussi d'autres problèmes en matière d'abus, parce qu'on a retrouvé des dizaines d'enveloppes qui auraient pu être utilisées par des citoyens malhonnêtes dans les casiers destinés à jeter les imprimés de certains immeubles. Il faudra donc que le Grand Conseil examine rapidement ce point dans un proche avenir.
Nous devons tout faire pour que nos élections municipales soient crédibles et pour faciliter les opérations de vote. Nous faisons confiance au service des élections, qui a su s'adapter très rapidement, pour trouver une solution, qu'il s'agisse de registres ou de tout autre moyen pour que nos concitoyens puissent s'exprimer.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout à l'heure, M. Grobet a rappelé cet épisode, qui date de quinze ans, où Genève, tentant d'introduire cette réforme - cette révolution, devrais-je dire - consistant à passer de l'estampille à la carte de vote, avait fait rire la Suisse. Je n'ai pas pris les risques de mon prédécesseur en partant aux Maldives le week-end de cette nouvelle tentative, et j'ai pris certaines sécurités. Pour ceux qui ne le sauraient pas, mon prédécesseur avait dû rentrer d'urgence de l'île en question sur laquelle il se trouvait au moment de cet épisode.
Nous travaillons ensemble sur un changement de l'exercice des droits politiques depuis longtemps. Jamais nous n'avons pratiqué une concertation aussi poussée que celle-ci. Les partis, les députés y ont été invités et des démonstrations ont été effectuées. Tous les effets des nouveautés que nous suggérions ont donc pu être appréciées.
L'un de vous, Mesdames et Messieurs, avait-il imaginé que nous allions introduire ces modifications sans que cela ne perturbe de quelque manière que ce soit le comportement de tel ou tel électeur ? Aujourd'hui, le constat est totalement positif. Les électeurs consultés par sondage - vous avez peut-être vu qu'un questionnaire se trouvait dans l'enveloppe - ont exprimé leur satisfaction pour ce nouveau système : 80% le trouvent très bon, 18% le trouvent satisfaisant et 2% le trouvent mauvais. La presse, qui a été attentive quant à la mise en place de ce système, a reflété la sensibilité des habitants de ce canton pour dire qu'il était excellent.
On peut toujours imaginer des changements, puisque tout est perfectible, mais je suis inquiet à l'idée des propositions qui sont faites et qui sont de nature à semer le doute, alors que nous avons engagé une campagne d'information extrêmement forte pour que les gens comprennent bien le nouveau système. Je ne nous vois pas, à quelques jours des élections, que dis-je, alors que celles-ci ont déjà commencé depuis une dizaine de jours, dire aux électeurs que s'ils oublient leur carte de vote ils pourront quand même voter !
J'aborderai tout à l'heure le côté pratique du problème. La campagne d'information a été reconnue comme étant excellente, mais si nous nous en éloignons de quelque manière que ce soit nous l'affaiblissons, et il nous faudra encore un peu plus de temps pour que les gens comprennent ce qu'ils doivent faire. Cela va de soi ! En matière de marketing ce sont des choses évidentes. Dans un domaine comme celui des droits politiques, nous avons la responsabilité de faire en sorte que les électeurs puissent voter, mais en toute sécurité. Aujourd'hui, il ne faudrait pas - je ne le voudrais pas et je ne l'imagine même pas - que l'on puisse modifier la loi que vous avez votée.
L'exposé des motifs - vous me permettrez de le dire, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alliance de gauche - confirme ce que vous aviez dit en commission, puisque vous étiez contre cette réforme. Je n'utiliserai pas les propos de M. Lombard, mais il est vrai que vous vous êtes systématiquement opposés à cette réforme. Vous avez continuellement répété qu'il était important pour vous que le local de vote soit maintenu, car il représente en quelque sorte un lieu social où l'on pouvait se rassembler et recueillir parfois quelques signatures. D'ailleurs, c'est peut-être pour échapper à cette récolte de signatures que certaines personnes préfèrent utiliser le vote par correspondance. Quoi qu'il en soit vous avez rejeté ce système dès le départ.
Par conséquent, je ne suis pas étonné d'entendre vos propos. Vous déclarez qu'un nombre important d'électrices et d'électeurs ont été privés de leur droit. C'est faux ! Ils n'en ont pas été privés : ils n'ont pas utilisé un droit qu'ils pouvaient légitimement accomplir s'ils s'étaient donné la peine de lire le contenu de l'enveloppe qu'ils ont reçue. Il est impossible de quantifier les personnes concernées par cette situation, et rien ne nous permet d'affirmer qu'elles étaient nombreuses. Si elles avaient été aussi nombreuses que cela les réactions auraient été autres !
Vous dites qu'il suffit de réintroduire le contrôle des votants. Le considérant de la motion est donc bien une proposition de retour en arrière. Changer le système nous placerait dans une situation d'insécurité. Nous avons réuni les jurés pour leur expliquer le système. Tout à l'heure, M. Lescaze a parlé d'eux en connaissance de cause. Non seulement on a de la peine à les trouver mais 50% d'entre eux, au mieux, répondent aux convocations. Alors, cela me fait sourire lorsque j'entends dire que je pourrais envoyer une convocation demain matin et qu'ils vont arriver en courant et en masse pour répondre à la prestation demandée. Tel n'est malheureusement pas le cas !
La chose la plus importante est qu'il n'y a plus de rôles électoraux papier. Ils ont été remplacés par une base de données informatique et c'est la carte de vote, signée par l'électeur, qui permet de barrer informatiquement le nom du votant. Les enveloppes contenant les bulletins arrivant encore jusqu'au samedi à midi sont réparties, portées dans les locaux pour y être dépouillées avec l'ensemble des autres votes. Nous essayons, en effet, de faire le maximum pour que les choses se déroulent normalement.
Vous avez été à peu près tous en contact avec le service des votations et élections. Vous savez que tout est entrepris lorsque cela est possible. C'est la raison pour laquelle, lorsque M. Ferrazino nous dit qu'il suffirait d'un peu de bonne volonté pour pouvoir répondre à cette demande, je vous dis très sereinement : cela ne suffit pas ! Je suis incapable de prendre l'engagement devant votre Conseil de modifier quoi que ce soit aux dispositions prises en assurant la sécurité du vote, et ce n'est pas par manque de volonté. Je suis responsable du bon déroulement des élections, et ce dans des conditions juridiquement satisfaisantes. Je ne peux pas imaginer une improvisation, en séance plénière de ce parlement, pour trouver des solutions plus ou moins judicieuses. Ce n'est pas sérieux, et je crois que vous êtes capables de comprendre cela !
Je peux seulement m'engager à examiner avec attention ce qui se passera au cours du deuxième scrutin, de manière à procéder à des aménagements qui se révéleront peut-être nécessaires. La perspective de ce scrutin est d'améliorer l'information. Nous avons pris, influencés en partie par vos remarques, des initiatives, notamment en passant régulièrement des messages sur Radio-Lac invitant la population à aller voter et leur recommandant de prendre leur carte de vote. Hier, j'ai écrit à l'ensemble de la presse genevoise pour lui demander son appui, pour insister sur cette recommandation.
En début d'après-midi, nous avons eu une séance d'information au service des votations pour montrer comment nous pratiquions pour garder la sécurité du secret du vote, car cette question avait été posée à plusieurs reprises. Grâce à des collaborateurs motivés et compétents les votations et élections se déroulent dans de bonnes conditions dans ce canton. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de continuer à leur faire confiance et de ne pas voter la motion parce que, telle qu'elle est rédigée, je me trouve dans l'incapacité de l'appliquer.
Je vous assure des efforts que nous fournirons tant au niveau de l'information qu'au niveau des modifications si nous étions amenés à les entreprendre au vu de l'examen serein de la situation, lors de ces prochaines élections, c'est-à-dire sur des bases sérieuses. Il en va en effet du bon fonctionnement de nos institutions, et je vous remercie d'y penser.
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Haegi, la motion ne demande pas d'improviser, mais simplement d'utiliser, comme l'a souligné M. Fontanet, momentanément... (L'orateur détache chaque syllabe de ce mot pour le souligner.) ...c'est-à-dire jusqu'à la fin de cette année, les registres des électeurs tels que nous les connaissions. Il n'y a absolument rien de nouveau, et il ne s'agit donc pas d'improvisation, rassurez-vous sur ce point, Monsieur le président ! Les registres existent et, si vous ne les aviez plus, il serait facile de tirer des listings à l'aide de l'informatique. Quant à votre souci concernant le marketing politique que vous avez engagé, il n'est nullement remis en cause dans la mesure où il ne se posera aucun problème si les gens respectent les conditions posées, mais avec l'avantage que ceux qui n'auront pas leur carte d'électeur pourront tout de même voter dans les bureaux de vote. Nous garantissons ainsi pour tout un chacun la possibilité de pouvoir voter.
La proposition de motion est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La motion est adoptée par 50 oui contre 39 non.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la réintroduction du contrôle de voteavec les registres électoraux
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
qu'un nombre important d'électrices et d'électeurs ont été privés de leur droit de vote lors de la votation populaire du 12 mars 1995 du fait de l'introduction de la carte de vote obligatoire et du fait qu'ils ne l'avaient pas avec eux pour des motifs les plus divers lorsqu'ils se sont présentés à leur local de vote;
que cette conséquence très grave et imprévue de cette nouveauté porte atteinte à l'exercice du droit de vote des citoyens et va à l'encontre de la volonté de faciliter celui-ci;
qu'il faut impérativement éviter qu'une telle situation ne se reproduise lors des prochaines élections municipales;
qu'il suffit, à cet effet, de réintroduire le contrôle des votants selon le système pratiqué jusqu'à la votation du 12 mars 1995 et qui avait donné entière satisfaction, à savoir le traçage du nom des électeurs sur les rôles électoraux lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, système de contrôle de l'exercice du droit de vote que la modification apportée le20 octobre 1994 à la loi sur l'exercice des droits politiques n'avait pas aboli,
invite le Conseil d'Etat
à réintroduire le traçage sur les rôles électoraux du nom des électeurs lorsque ceux-ci exercent leur droit de vote, afin que ceux d'entre eux qui se présentent à un local de vote sans leur carte de vote puissent néanmoins voter.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je vous ai déjà dit que la réintroduction des registres est absolument irréalisable. Je vous confirme et vous assure que nous entreprendrons tout ce que nous pouvons pour améliorer les choses, mais nous ne pouvons pas appliquer la motion telle qu'elle est rédigée ! (Commentaires.)
M. Pierre Meyll (AdG). Monsieur Haegi, je vous demande de faciliter les choses, au moins pour les communes. Si nous nous référons aux registres des électeurs, nous pouvons voir si les électeurs ont voté ou non par anticipation ou correspondance. Ceux qui se présentent sans carte d'électeur sont une infime minorité, mais elle a son importance dans les communes, car parfois les résultats se jouent à quelques voix près. Je pense que tous ceux qui votent dans une commune sont d'accord pour que nous puissions procéder aux contrôles par téléphone. Cela nous faciliterait la tâche et régulariserait le scrutin.
M. Christian Ferrazino (AdG). La réaction de M. Haegi n'est pas acceptable !
Une décision a été prise par ce parlement. Elle a été mûrement réfléchie après une discussion nourrie. Les uns et les autres ont soulevé les difficultés, mais aussi la possibilité de réaliser ce que le Grand Conseil souhaite. C'est en connaissance de cause que cette décision est prise, et je suis tout de même sidéré d'entendre le représentant du gouvernement nous dire que nous pouvons bien voter ce que nous voulons : il n'y donnera pas suite, parce qu'il ne peut pas le faire !
Monsieur Haegi, il est tout à fait possible de réintroduire un système que nous avons utilisé pendant des années. (L'orateur est interpellé par M. Haegi qui fait des commentaires.) Vous n'avez plus de papier ? Monsieur Haegi, pour avoir des listings informatiques, il suffit d'appuyer sur un bouton ! C'est dans l'ordinateur ! Ne me dites pas que c'est une question de papier !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Vous êtes un bricoleur, et on ne bricole pas avec les élections !
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, s'il vous plaît, laissez terminer M. Ferrazino ! Je vous donnerai la parole ensuite si vous désirez la prendre !
M. Christian Ferrazino. Il est tout simplement inadmissible d'entendre de votre part qu'il n'est pas possible de donner suite à une décision majoritaire de ce parlement ! Je le répète, vous avez les moyens de le faire, et nous comptons véritablement à ce qu'une suite soit donnée dans ce sens par le Conseil d'Etat.
La commission législative s'est réunie le 1er novembre 1994 sous la présidence de Mme Françoise Saudan, présidente, et le 20 février 1995, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président, pour examiner l'initiative populaire dite «La Suisse», pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi. M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports a participé à nos travaux et a répondu à bon nombre de questions de la commission.
Conformément au nouveau droit d'initiative cantonal populaire, le présent rapport est déposé suffisamment à l'avance pour que le Grand Conseil puisse prendre, conformément à l'article 120 de la loi portant règlement du Grand Conseil, sa décision sur la validité de l'initiative avant le 19 juillet 1995, soit dans le délai de 9 mois, dès l'arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative publié dans la Feuille d'avis officielle le 19 octobre 1994.
Pour qu'une initiative soit recevable, elle doit remplir 5 conditions, soit:
Du point de vue de la recevabilité formelle:
1. l'unité de la matière;
2. l'unité de la forme;
3. l'unité normative.
Du point de vue de la recevabilité matérielle:
4. la conformité au droit supérieur;
5. l'exécutabilité.
La commission a examiné ces cinq conditions de manière approfondie.
1. Unité de la matière
L'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise exige que l'initiative populaire respecte l'unité de la matière, c'est-à-dire que ne soit posée au corps électoral qu'une question unique à laquelle il puisse être répondu par oui ou non.
Le titre même de l'initiative montre bien qu'elle vise deux buts distincts que sont la pluralité de la presse, d'une part, et le soutien de l'emploi, d'autre part, car même s'il peut arriver, comme dans le cas du journal «La Suisse», que ces deux buts se recouvrent, il s'avère dans la majorité des cas que les entreprises qui méritent un soutien à l'emploi ne sont pas des organes de presse, d'une part, et que la pluralité de la presse, d'autre part, peut nécessiter des mesures qui ne soient pas du domaine de l'emploi.
A cette vision de l'initiative, certains membres de la commission ont relevé que l'unité de la matière s'articule dans l'initiative autour du rôle économique de l'Etat, et en particulier des interventions, souhaitées par les initiants, de la Banque cantonale. Il a notamment été rappelé que le texte même de l'initiative, qui part de l'exemple du journal «La Suisse», veut concrétiser ses objectifs «tout en les étendant, en ce qui concerne plus particulièrement l'emploi, à l'ensemble des secteurs de l'économie».
La commission a voté que l'initiative 104 ne respecte pas l'unité de la matière par 6 voix (2 L, 1 PS, 1 R, 1 PDC, 1 V) contre 2 (AdG).
Dès lors que l'initiative ne respecte pas l'unité de la matière, le Grand Conseil doit, chaque fois que cela est possible, scinder l'initiative ou la déclarer partiellement nulle, selon que ces différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non (article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise). Dans le cas d'espèce, la commission a considéré que l'initiative devait être scindée, dès lors que chacune des parties de ladite initiative pouvait être valide en elle-même. La discussion s'est engagée sur la manière de scinder l'initiative 104. Certains commissaires souhaitaient scinder l'initiative en deux, soit un volet de défense de pluralité de la presse et un volet de soutien de l'emploi, alors que d'autres commissaires souhaitaient qu'elle soit scindée en trois sujets, à savoir la lutte contre les monopoles de presse, la modification des statuts de la Banque cantonale de Genève, et la politique de l'Etat de lutte contre le chômage. Certains commissaires, enfin, souhaitaient introduire un quatrième volet, soit le rôle des autres banques que la Banque cantonale dans la lutte pour l'emploi.
Le découpage de l'initiative en trois ou quatre parties correspond à une lecture de détails de l'initiative, puisque, effectivement, les différents volets qui y ont été repérés existent dans le texte même. Toutefois, il faut se rappeler que l'initiative est dite non formulée et qu'elle contient par conséquent des principes qu'il appartiendra au législateur de préciser. Il serait dès lors contraire au respect que le législateur doit avoir à l'égard de l'initiative de la morceler au-delà du strict nécessaire sur le plan constitutionnel.
C'est de la sorte que la commission a tout d'abord repoussé par 6 voix contre 2 la proposition de scinder l'initiative en quatre volets. Elle a de même rejeté l'idée de scinder l'initiative en trois par 5 voix contre 3 et a finalement accepté par 5 voix (1 L, 1 V, 1 R, 1 PS, 1 AdG), contre 1 (PDC) et 2 abstentions (L et AdG) de scinder l'initiative en deux sujets, à savoir:
1. pluralité de la presse;
2. soutien de l'emploi.
Ces deux volets correspondent, pour le surplus, au titre même de l'initiative.
La commission parvient donc à la conclusion que le non-respect de l'unité de la matière peut être sanctionné par la division de l'initiative en deux parties.
Il conviendra, dans l'examen des autres critères de validité de l'initiative, de vérifier chaque fois si l'un et l'autre des volets ainsi dégagés respectent les critères constitutionnels.
2. Unité de la forme
L'initiative 104 est une initiative dite non formulée au sens de l'article 65 de la constitution genevoise, en ce sens qu'elle formule une «proposition conçue en termes généraux».
Chacun des deux volets de l'initiative tels que dégagés plus haut respecte le principe de l'unité de la forme.
La commission est unanime à considérer que l'unité de la forme est respectée.
3. Unité normative
L'unité normative ou unité de genre exige qu'une initiative soit du niveau législatif ou du niveau constitutionnel sans mélange des deux. En l'occurrence, l'initiative 104 entend développer au niveau législatif le principe de la liberté de la presse garantie à l'article 8 de la constitution genevoise, de sorte que, s'agissant du volet lié à la diversité de la presse, l'unité normative est respectée.
S'agissant du volet de soutien de l'emploi, l'initiative demande à l'Etat de prendre diverses mesures qui, selon l'exposé des motifs, sont de niveau législatif, puisque les initiants proposent d'«inscrire dans la loi les moyens d'interventions dont dispose l'Etat en matière économique». L'unité normative est, par conséquent, elle aussi respectée.
4. Conformité au droit supérieur
L'initiative 104 étant de niveau législatif, elle doit respecter l'ensemble du droit qui lui est supérieur, à savoir le droit constitutionnel cantonal, l'ensemble du droit fédéral et, le cas échéant, les traités internationaux d'application directe.
La conformité au droit supérieur sera examinée pour chacun des deux volets de l'initiative.
1. Pluralité de la presse
L'initiative elle-même se présente comme une concrétisation de la garantie de la liberté de la presse prévue à l'article 8 de la constitution genevoise. Elle se place donc dans le cadre du droit constitutionnel cantonal. La liberté de la presse est également garantie à l'article 55 de la constitution fédérale et ces deux garanties ne diffèrent pas, pour l'essentiel, l'une de l'autre. Au sens classique, cette liberté garantit la non-intervention de l'Etat à l'encontre des organes de presse. Son contenu est négatif en ce sens qu'elle oblige l'Etat à une abstention. Pareille conception des libertés prête le flanc, depuis le XIXe siècle déjà, à la critique, d'aucuns souhaitent que les libertés classiques n'aient pas un seul contenu négatif mais également positif en ce sens que l'Etat aurait l'obligation d'agir pour favoriser l'exercice effectif des droits et libertés garantis. En matière de presse, la Confédération intervient depuis fort longtemps de manière positive, en particulier par des tarifs postaux préférentiels. Dans notre canton, l'Etat intervient également en fournissant à la presse des prestations telles que le banc qui lui est réservé à la tribune du Grand Conseil qui, pour inconfortable qu'il soit, distingue néanmoins la presse du reste du public.
Il est donc admissible pour un canton d'intervenir en matière de presse. Toutefois, cette intervention ne saurait en aucun cas viser un seul média, dès lors que l'intervention étatique doit respecter strictement le principe de l'égalité de traitement et de la neutralité de la part de l'Etat dans ses intervention dans le secteur privé.
En résumé, si les normes constitutionnelles genevoises et fédérales ne confèrent pas à la prese un droit à l'intervention de la collectivité publique en leur faveur, elles n'interdisent pas non plus aux collectivités publiques d'interventions positives en faveur de la presse à condition, bien sûr, que cette intervention ne soit pas discriminatoire, c'est-à-dire qu'aucun média ne soit favorisé par rapport à un autre.
2. Le soutien de l'emploi
La politique cantonale de l'emploi doit respecter l'article 31 de la constitution fédérale, soit la liberté du commerce et de l'industrie.
Dans le domaine qui nous intéresse, il est à noter que l'article 31 de la constitution fédérale n'interdit pas aux cantons toute intervention dans le domaine économique, cela à la condition que l'intervention étatique ne vienne pas fausser la libre concurrence. C'est ainsi qu'une intervention de politique sociale ou une intervention de promotion économique sont admissibles, en principe, dès lors que ce type d'intervention est justifié par un intérêt public pertinent et respecte le principe de la proportionnalité. En effet, une restriction à l'exercice d'un droit constitutionnel doit toujours cumulativement remplir trois conditions, soit de reposer sur une base légale en l'espèce les mesures à prendre telles que le souhaite l'initiative , être justifiée par un intérêt public pertinent et respecter le principe de la proportionnalité.
Il appert dès lors que le volet de l'initiative 104 de soutien de l'emploi ne heurte en aucune façon le droit fédéral. Ce sera toutefois au niveau de la concrétisation de l'initiative que pourront se poser différents problèmes, car selon la nature ou l'ampleur des mesures choisies, il se pourrait que lesdites mesures heurtent l'article 31 de la constitution fédérale ou, s'agissant de la Banque cantonale, la législation fédérale en matière bancaire.
La commission s'est par conséquent interrogée sur la question de savoir si elle devait examiner par avance les limites de conformité au droit supérieur, non pas de l'initiative en tant que telle, mais des mesures légales qui pourraient en découler. Elle a considéré qu'il s'agissait là d'un travail titanesque et, de surcroît, probablement inutile, dès lors que la palette d'interventions étatiques est considérable et que la commission législative ne saurait présumer des mesures que pourrait choisir la commission de l'économie et en définitive le Grand Conseil. La commission législative est, en revanche, prête à réexaminer la conformité au droit supérieur des mesures que pourrait prendre le Grand Conseil pour concrétiser l'initiative 104, si celui-ci le souhaitait ou si une autre commission du Grand Conseil le souhaitait en cours d'examen du fond de l'initiative.
La commission législative tient toutefois à fournir dans le présent rapport quelques précisions sur les limites possibles d'une intervention de l'Etat à l'égard de la Banque cantonale.
La Banque cantonale a été créée par l'article 177 de la constitution genevoise sous forme d'une société anonyme de droit public, ce qui signifie, conformément à l'article 763 du code des obligations, que la banque est soumise à la loi sur la Banque cantonale de Genève du 24 juin 1993 en premier lieu, et, pour le surplus, aux dispositions sur les sociétés anonymes (art. 620 à 763 du code des obligations). Ce statut a pour conséquence que la mission d'intérêt public dévolue à la Banque cantonale de Genève par la loi qui l'a créée empêche la banque de se prévaloir de la liberté du commerce et de l'industrie au sens de l'article 31 de la constitution fédérale, comme pourrait le faire n'importe quelle autre banque, et cela dans la mesure où les lois qui la contraindrait à suivre une politique déterminée n'iraient pas à l'encontre de sa mission fondamentale. En d'autres termes, la Banque cantonale de Genève peut se prévaloir de la liberté du commerce et de l'industrie si le législateur cantonal vient à restreindre sa liberté et notamment sa capacité concurentielle, à moins que les restrictions qui lui sont imposées ne ressortissent à l'exercice même de sa mission telle que définie à l'article 2, alinéa 1, de la loi sur la Banque cantonale assignant à cet établissement comme «but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région».
D'autre part, la Banque cantonale de Genève doit, dans son activité, respecter les règles contenues dans la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. La loi cantonale ne pourra dès lors en aucune manière imposer à la Banque cantonale des exigences contraires à celles de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. En particulier, les différents ratios entre les postes du bilan, tels qu'ils sont définis dans la législation fédérale sur les banques, ne pourront être modifiés.
Dans la mesure où il subsiste une possibilité d'interpréter l'initiative dans un sens conforme au droit supérieur, la commission est d'avis que le volet de l'initiative 104 sur le soutien de l'emploi est conforme au droit supérieur.
5. Exécutabilité
L'exécutabilité du volet sur la pluralité de la presse ne prête pas particulièrement à discussion et elle est considérée comme acquise par la commission législative. S'agissant de l'exécutabilité du volet sur le soutien de l'emploi, la commission considère ledit volet comme exécutable, tout en relevant que la marge d'intervention du législateur cantonal, notamment à l'égard de la politique menée par la Banque cantonale, est extrêmement réduite, dès lors qu'une intervention massive de l'Etat à ce niveau risque fort de heurter les règles fédérales en matière de banques ou en matière de sociétés anonymes, s'agissant en particulier des droits des actionnaires minoritaires. Il est à craindre que l'initiative ne soit exécutable que par des mesures de faible intensité, compte tenu de la marge limitée laissée par le droit fédéral aux cantons en la matière.
En conséquence, la commission législative vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de scinder l'initiative populaire 104, dite «La Suisse», pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi en deux volets consacrés, d'une part, à la pluralité de la presse et, d'autre part, au soutien de l'emploi, et de déclarer ainsi chacun des deux volets recevable.
Annexe: texte de l'initiative 104.
ANNEXE
IN 104
INITIATIVE POPULAIRE
dite «La Suisse»,
pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui a pour but de légiférer dans le sens ci-après:
En application de l'article 8 de la constitution genevoise consacrant la liberté de la presse, les autorités doivent prendre des mesures garantissant la diversité de la presse et veiller, conformément au droit fédéral, à ce que des situations de monopole ne se créent pas dans le secteur de la presse. A cette fin, elles doivent notamment intervenir concrètement pour contribuer au maintien de journaux existants et des emplois qui leur sont rattachés. Afin de contribuer aux objectifs énoncés ci-dessus tout en les étendant, en ce qui concerne plus particulièrement l'emploi, à l'ensemble des secteurs de l'économie, l'Etat doit, de manière générale, prendre notamment les mesures suivantes:
a) octroyer, à travers la Banque cantonale, un appui financier à des entreprises nouvelles, telles que la société coopérative créée pour sauver «La Suisse», ou à des entreprises assainies sur le plan financier, qui permettent le maintien ou la création d'emplois;
b) garantir dans tels cas les prêts consentis par la Banque cantonale ou d'autres banques ou institutions, lorsque des secteurs importants de l'économie locale sont en jeu;
c) verser, en s'inspirant à cette fin de la législation tessinoise en la matière, des subsides aux:
- entreprises engageant des chômeurs ou des jeunes qui viennent de terminer leur formation,
- ou à des secteurs d'activités menacés de fort chômage.
EXPOSÉ DES MOTIFS
RÉAGISSEZ CONTRE LA «CASSE» DE «LA SUISSE»
En date du 14 mars, «La Suisse» a cessé de paraître suscitant une très vive émotion dans la population de notre canton. Le personnel du journal décida alors de créer une coopérative pour reprendre sa parution, ce qui a entraîné un énorme élan de solidarité à Genève. Cet espoir a été trahi par ceux qui ne voulaient plus de «La Suisse», par les pressions de certains milieux économiques et surtout par l'inaction du Conseil d'Etat (pourtant élu sur le slogan «un emploi pour chacun»!), alors que ce dernier disposait des moyens d'agir et aurait dû intervenir, comme l'Etat l'a fait avec succès en d'autres occasions.
Face à ce désastre, il importe de réagir et d'en tirer les enseignements, en prévoyant d'inscrire dans la loi les moyens d'intervention dont dispose l'Etat et dont il pourrait disposer pour agir dans de tels cas. C'est le but de la présente initiative que vous êtes invités à signer, car il n'est pas possible devant la grave crise économique que nous traversons, que l'Etat continue à mener une politique de «laisser faire et laisser aller» avec pour conséquence que des pans entiers de notre économie risquent de s'effondrer avec les pertes d'emplois inacceptables qui en résultent. Les autorités doivent, de ce fait, mener une politique active de sauvegarde des activités économiques existantes et des emplois qui leur sont rattachés, ce qui amène cette initiative à proposer des mesures de portée générale étendues à l'ensemble de l'économie ou à certains secteurs de celle-ci, destinés à préserver les activités vitales pour la survie de notre économie locale, ce qui est à la fois moins coûteux et surtout plus efficace pour l'avenir que de verser de simples indemnités de chômage, de surcroît, limitées dans le temps.
Débat
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. Au moment où le Conseil des Etats adopte une vision extrêmement restrictive des droits populaires, notamment en matière d'initiative, la commission législative du Grand Conseil, quant à elle, s'en tient à une conception plus large qui est celle d'ailleurs toujours admise et toujours préconisée par le Tribunal fédéral. C'est donc dans le respect de ces principes que la commission législative propose de scinder en deux l'initiative dite «La Suisse», afin qu'elle puisse être soumise au peuple.
M. Christian Grobet (AdG). Il est exact que la constitution prévoit la possibilité pour le Grand Conseil de scinder en deux une initiative si le Grand Conseil estime que l'unité de la matière n'est pas respectée. Une telle décision doit toutefois rester exceptionnelle, et il faut que les objectifs de l'initiative soient clairement différents.
Pour le cas qui nous intéresse, l'exposé des motifs de cette initiative a très bien expliqué le lien entre ces différentes questions, et, à notre sens, il n'y a pas de motif justifiant la scission de cette initiative en deux. Nous pensons que le Grand Conseil est en train de s'engager sur une voie qui nous paraît fausse et qui risque de créer un mauvais précédent. Du reste, nous voyons déjà en lisant le rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative pour l'emploi, qui a été déposée également par les représentants syndicaux, que le Conseil d'Etat a l'air de considérer que cette initiative ne respecterait pas l'unité de la matière. C'est tout juste s'il n'aurait pas fallu traiter cette initiative par quinze initiatives distinctes !
Cette prise de position du Conseil d'Etat nous amène à considérer qu'il faut être extrêmement restrictifs avant de scinder des initiatives, car le but n'est pas de saucissonner des initiatives, mais de faciliter le fonctionnement de la démocratie.
Je rappelle à ce sujet que, lors de l'examen d'une initiative par notre Grand Conseil, il y a une quinzaine d'années, qui se rapportait au problème des transports publics, un avis de droit avait été sollicité à l'époque auprès du constitutionnaliste Aubert, qui, précisément, avait considéré qu'il fallait être tolérant à l'égard des initiatives de manière générale et ne pas se montrer trop formaliste et trop juridique. Je constate, malheureusement, que la position inverse est en train d'être adoptée. Nous le regrettons et notre groupe votera contre le rapport de majorité, car nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de scinder cette initiative.
Mise aux voix, cette initiative scindée en deux volets est déclarée valide.
IN 105
LANCEMENT D'UNE INITIATIVE
La Communauté genevoise d'action syndicale et le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs ont lancé l'initiative populaire suivante intitulée « Pour l'emploi, contre l'exclusion », qui a abouti.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
23 décembre 1994
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
23 mars 1995
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
23 septembre 1995
4.
Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge, au plus tard le
23 juin 1996
INITIATIVE POPULAIRE
«Pour l'emploi, contre l'exclusion»
Genève est confrontée depuis le second semestre de 1990 à un chômage important. Or, depuis cette période, tant au niveau de sa politique économique que du traitement social du chômage, le Conseil d'Etat n'a développé aucune action d'envergure, comme s'il considérait l'augmentation du chômage, et l'exclusion sociale qui en découle, comme une fatalité.
Face à cette attitude de laisser faire, la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT) lancent une initiative visant à contraindre les pouvoirs publics à adopter toutes les mesures adéquates en matière de politique économique et de traitement social du chômage.
A défaut de pouvoir supprimer le chômage par des mesures cantonales, CGAS et SIT se fixent pour objectif de rompre avec le laisser-faire, de créer un nouvel élan économique et social et, enfin, de mettre un terme à l'exclusion sociale qui découle du chômage de longue durée.
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 94 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui a pour but de légiférer dans le sens du texte figurant ci-après:
INITIATIVE POPULAIRE
«Pour l'emploi, contre l'exclusion»
A. Politique économique: créer des emplois, agir de manière anticyclique, réformer la fiscalité
1. Développer une politique économique
Il prend en compte la dimension régionale, la nécessité d'un développement durable et veille à l'amélioration des infrastructures afin de garantir des conditions-cadres attractives: transports (lien avec le réseau TGV, modernisation de l'aéroport), télécommunications, protection de l'environnement, qualité de la vie, formation et perfectionnement pro-fessionnels, logements pour toutes les catégories de résidants.
En tant qu'employeur, il développe une politique visant à maintenir les postes de travail dans la fonction publique pour lutter contre le chômage et préserver les prestations à la population, en concertation avec les syndicats.
1.2 La politique de promotion économique, en lien avec la région, vise particulièrement:
· les entreprises, à haute valeur ajoutée, destinées à l'exportation, notamment: biotechnologie, biomédical, haute technologie, protection de la nature, dépollution, technologie d'information, mécatronique;
· les entreprises de recherche: environement, culturel, santé;
· les entreprises privées et publiques utiles au rôle international de Genève: organisations internationales et humanitaires, tourisme, consultant;
· les emplois de proximité répondant aux besoins sociaux en constante évolution: personnes âgées, garde d'enfants, mais aussi dans les domaines culturels, sportif et associatif.
1.3 Les moyens disponibles s'adressent prioritairement aux PME et aux entreprises coopératives ou qui associent les travailleurs-euses à la gestion: cautionnement, prise en charge partielle des intérêts, allégements fiscaux transparents, aide administrative (recherche de terrains, subventions fédérales, permis de travail, marketing), mise en réseau avec des institutions de recherche (CERN, OMS, universités, EPFL), bonus à la rénovation.
L'Etat veille à ce que la Banque cantonale joue un rôle de soutien à l'activité économique locale et aux emplois ou qu'elle ne s'engage pas dans des projets contribuant à la spéculation.
L'Etat lutte contre la spéculation foncière qui déstabilise les entreprises au détriment de l'emploi.
1.4 L'Etat intègre la dimension régionale dans ses décisions, notamment en:
· s'assurant de la complémentarité des mesures régionales;
· équilibrant les pôles d'habitation et d'activités;
· dynamisant les échanges;
· organisant des réseaux de transports publics efficaces.
1.5 Le suivi et la transparence de la politique économique sont garantis par une structure à créer associant les partenaires sociaux et l'Etat et travaillant avec les banques. Cettre structure est également destinée à convoquer les entreprises qui ont annoncé à l'office cantonal de l'emploi (OCE) leur intention de licencier et à examiner toute mesure alternative aux licen-ciements.
Le Conseil d'Etat informe le Grand Conseil deux fois par an des mesures prises.
2. Agir de manière anticyclique
2.1 L'Etat s'engage dans une politique économique anticyclique de soutien à l'emploi dans les périodes conjoncturelles difficiles par le biais de son budget d'investissement et par la politique de l'emprunt. A cet effet, il constitue des réserves pendant les périodes favorables. Les critères utilisés pour définir une période conjoncturelle sont les différents indicateurs quantitatifs et qualitatifs de l'économie cantonale et des secteurs d'activité économique.
2.2 Les investissements sont prioritairement affectés à des réalisations représentant un caractère d'utilité publique, répondant aux besoins sociaux créateurs d'emplois et favorisant une politique régionale (développement des transports publics, construction de logements sociaux, infrastructures de formation). Ils sont, si possible, combinés avec des investissements privés de manière à dégager un effet multiplicateur de la politique d'investissement public. Les possibilités de mise en place de sociétés mixtes sont étudiées.
3. Réformer une fiscalité qui pénalise l'emploi
La fiscalité cantonale sur les personnes morales est réformée de manière à mettre sur pied un système d'imposition proportionel sur les seuls bénéfices et non pas sur l'intensité du rendement (= rapport bénéfice/capital), qui pénalise actuellement les entreprises à faible capitalisation. Un rééquilibrage en faveur de ces dernières, souvent fortes pourvoyeuses d'emplois, sera rétabli par une pression fiscale accrue sur les entreprises à forte intensité de capital pour un volume total de rentrées fiscales équivalant à celui d'aujourd'hui.
B. Emploi, formation, temps de travail
· permettre à qui le souhaite d'accéder à la formation, assurer une qualification de base aux nombreux-ses salariés-es non qualifiés-es auxquels-les Genève a fait appel jusqu'ici;
· permettre à qui le souhaite d'accéder à la formation continue, promouvoir une requalification ou une qualification supplémentaire pour le personnel moyennement qualifié.
· une «carte de crédit annuel» de formation permettant de suivre des cours professionnellement utiles dans une institution d'utilité publique et équivalant à 40 heures de cours;
· l'accès pour qui le souhaite à un bilan personnel après cinq ans de travail salarié et un an dans la même entreprise;
· une politique d'information de toutes les possibilités de formation;
· la mise sur pied d'une structure d'appui pour la réalisation des projets de formation des acteurs sociaux concernés (entreprises, associations professionnelles...);
· l'organisation à l'intention plus particulièrement du personnel non qualifié, de cours collectifs en vue de la préparation au CFC selon l'article 41 de la loi fédérale sur la formation professionnelle.
Une structure tripartite est mise en place. Elle associe l'office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP), l'office de la promotion économique et l'office cantonal de statistique (OCSTAT).
5. Encourager la création d'emplois par la réduction du temps de travail
· affectation prioritaire des gains de productivité à la diminution de l'horaire hebdomadaire du travail;
· maintien de la protection sociale;
· implication des travailleurs-euses de l'entreprise;
· accord des salariés concernés et des partenaires sociaux de la branche.
C. Traitement social du chômage: le chômage sans l'exclusion
6. Mettre un terme à l'exclusion
6.1
· L'Etat a pour tâche de mettre fin à l'exclusion due au chômage de longue durée par le développement des occupations temporaires (OT) utilisables chaque délai-cadre. Celles-ci sont d'une durée de 6 mois et interviennent dès la 1re année de chômage.
· Si le terme des indemnités journalières de la LACI intervient avant la fin du délai-cadre de prestation, une nouvelle OT - dont la durée doit permettre l'ouverture d'un nouveau droit LACI - est proposée.
· Le but de ces mesures est d'éviter tout recours à l'assistance publique pour les chômeurs-euses en fin de droit LACI.
6.2
· L'OT individuelle tient en principe compte des compétences de la personne à qui elle est proposée. Elle peut également faciliter un recyclage. Elle doit, en tout état de cause, viser à augmenter l'aptitude au placement. Pour ce faire, elle est jumelée avec un plan de formation intégré à l'horaire hebdomadaire de travail.
· Les mesures d'OT peuvent être combinées avec des mesures d'allocations d'initiation au travail (AIT) prévues par la LACI.
6.3 L'Etat assure la perte de gain des personnes en OT qui seraient en incapacité de travail.
6.4 Afin de trouver de nouvelles places d'OT, l'Etat crée ou encourage des programmes d'OT collectives dont le caractère d'utilité publique est fondamental; il établit un réseau de collaboration avec les associations et organisations sans but lucratif, les organisations non gouvernementales. Il peut autoriser, sous contrôle des partenaires sociaux, des projets précis d'OT dans le cadre d'entreprises.
L'Etat veille, par le biais d'un contrôle tripartite, à ce que les programmes d'OT collectives ne soient pas en concurrence avec les entreprises, qu'une OT, une AIT ou un stage ne remplacent pas un poste de travail ou que ces placements (stages, IT) ne soient pas des aides déguisées aux entreprises.
6.5 Toute personne au chômage depuis plus de 3 mois s'inscrit, en priorité auprès d'institutions d'utilité publique, pour effectuer un bilan, suivre des cours de techniques de recherche d'emploi (TRE), participer à un club d'emploi, à une entreprise d'entraînement, etc.
7. Réinsérer les sans-emploi
Le fonds genevois de chômage est transformé en fonds destiné à allouer des prestations sur le modèle actuel pour toute personne souhaitant se réinsérer sur le marché du travail et n'ayant pas droit aux indemnités fédérales de chômage.
8. Instaurer une contribution sociale généralisée (CSG)
Pour financer le nouveau programme d'OT, complémentaire à celui prévu aujourd'hui par la loi, et le fonds cantonal de chômage, une contribution sociale généralisée est instituée. Elle est prélevée en pour-cent, sans plafond, sur tous les revenus du capital, du travail et des transferts. Son montant est fixé au vu de l'estimation du coût des mesures envisagées et a un caractère temporaire dépendant des résultats de la lutte contre le chômage.
9. Faciliter le premier emploi
Pour les jeunes qui sont au chômage et à la recherche d'un premier emploi, l'Etat promeut, dès le 4e mois, toutes les mesures de perfectionnement professionnel, d'occupation et de stage. Le but est aussi de donner la première expérience professionnelle sous forme de stage aux jeunes sortant de formation. Ces mesures doivent être compatibles avec des programmes d'occupation à plein temps, de formation ou d'utilité publique, notamment des stages linguistiques, y compris à l'étranger.
10. S'assurer obligatoirement contre la perte de gain
Chaque chômeur-euse est assuré-e obligatoirement contre la perte de gain dans le cadre d'une assurance collective ou privée ou à l'assurance prestations cantonales maternité et maladie (PCMM). Les prestations sont versées sans restriction de risques et sans critère de permis de travail.
11. Réformer l'OCE: doter les services publics d'une nouvelle ambition
11.1 La mission du service public est d'assurer le placement des demandeurs-euses d'emplois dans le respect des conditions de travail définies règles usuelles de la profession.
11.2 Est interdit tout transfert de données ou de ressources vers des entreprises de placement privé et agences de travail temporaire.
11.3 L'Etat a pour tâche de réformer et professionnaliser le service de placement de l'OCE pour le rendre plus efficace. Le personnel est formé systématiquement et en nombre suffisant pour répondre aux normes Ofiamt(1 placeur-euse pour 100 chômeurs-euses) et aux qualités qu'exige le contact avec les chômeurs-euses.
11.4 Cette réforme doit permettre la création de plusieurs antennes polyvalentes et interprofessionnelles de l'OCE de manière à utiliser toutes les ressources de recyclage, de réinsertion et de placement. Les antennes travaillent en lien avec les partenaires sociaux et les bourses de l'emploi paritaires grâce à la création d'un conseil consultatif pour chacune de ces antennes. Le service de l'emploi informe de toutes les possibilités de formation par des documents pour les chômeurs-euses (centre de bilan, TRE, club emploi, etc., accrédités par les organes compétents).
11.5 L'autonomisation des antennes doit permettre la motivation des équipes, l'émulation et de trouver à terme des sources de financement complémentaires (notamment taxes prélevées sur certaines opérations de placement).
IN 105-A
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 5 décembre 1994, publié dans la Feuille d'avis officielle du 23 décembre 1994. De cette date, court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 23 mars 1995. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. La validité de l'initiative
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» (IN 105) peut poser un problème de recevabilité au niveau de l'unité de la matière, ainsi que cela ressort de la brève analyse qui suit.
1. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse répondre par oui ou non.
Ce principe n'exclut pas qu'une initiative contienne plusieurs propositions. Elles doivent toutefois avoir entre elles un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule initiative et une seule question soumise au vote. L'exigence d'un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative est nécessaire afin de garantir la libre formation de la volonté populaire, tant au stade de la récolte des signatures qu'au stade du vote. Il faut que les citoyens puissent clairement manifester leur volonté, et non pas qu'ils soient induits en erreur par un texte qui comporte plusieurs propositions, dont on ne pourra jamais dire si elles recueillent toutes leur assentiment.
En principe, l'exigence de l'unité de la matière est plus souple s'agissant d'un projet rédigé en termes généraux dans la mesure où il doit ensuite être concrétisé par le législateur. Ce dernier pourra en effet corriger les imperfections de l'initiative dans la procédure d'adoption de la loi.
Lorsque l'initiative ne respecte pas l'unité de la matière, on s'efforcera d'éviter son invalidation en la scindant en autant de parties qu'il y a de propositions.
La scission de l'initiative n'est toutefois possible que si toutes ses parties sont en elles-mêmes valides. Si, après scission, il s'avère que l'une des parties est nulle, elle n'est pas soumise au peuple. Encore faut-il que la partie restante ait suffisamment de substance pour que l'on doive considérer qu'elle aurait été signée pour elle-même par les partisans de l'initiative. Si tel n'est pas le cas, toute l'initiative doit être déclarée nulle.
L'initiative 105 comporte précisément, regroupées par thèmes, de nombreuses propositions ayant trait à une multitude de domaines, à savoir le développement d'une politique économique, l'action anticyclique, la réforme fiscale, le développement de la formation, l'encouragement à la création d'emplois par la réduction du temps de travail, le chômage sans exclusion, la réinsertion des sans-emploi, l'instauration d'une contribution sociale généralisée, des mesures propres à faciliter le premier emploi, l'assurance obligatoire contre la perte de gain, la réforme du service de placement de l'office cantonal de l'emploi.
Au vu de cette énumération et du développement de ses éléments dans le texte de l'initiative, on est enclin à considérer que l'initiative propose non pas un seul but, mais plusieurs buts distincts - même si, dans sa finalité, l'initiative est globalement orientée ver la protection de l'emploi - et plusieurs moyens pour les atteindre, moyens dont il n'apparaît pas de façon évidente qu'ils soient unis par un lien matériel suffisant, permettant d'affirmer, selon la jurisprudence, que l'exigence de l'unité de la matière est respectée.
En conséquence, le Grand Conseil sera probablement appelé à scinder l'initiative en autant de parties qu'il y a de propositions distinctes, ce qui présuppose un examen détaillé de l'initiative quant au fond.
A ce stade, il serait prématuré d'affirmer que toutes les propositions contenues dans l'initiative 105 peuvent être, a priori, considérées comme valides. Si, de l'avis du législateur, tel ne devait pas être le cas, il conviendrait alors de déterminer si les parties restantes conservent suffisamment de substance pour que l'on doive considérer que l'initiative aurait néanmoins été signée pour ces parties.
En conclusion, le Conseil d'Etat est d'avis que la scission de l'initiative par le Grand Conseil en plusieurs objets soumis au peuple, en raison du non-respect de l'unité de la matière, devrait permettre de la sauver (art. 66, al. 2, de la constitution).
2. Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme exige que les initiants choisissent entre l'initiative formulée et l'initiative non formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative non formulée et rédigée comme telle, au sens de l'article 65 de la constitution, l'unité de la forme est respectée.
3. Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
S'agissant d'une initiative conçue en termes généraux dite non formulée, il appartiendra au Grand Conseil d'en concrétiser, le cas échéant, la teneur par une ou des lois ou par une norme constitutionnelle.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité au droit supérieur
La multitude de domaines visés par l'initiative 105 non formulée ne permet guère de se prononcer valablement, au stade de la brève analyse du présent rapport et sans anticiper sur un examen détaillé des nombreuses propositions du texte, sur la conformité de l'initiative au droit supérieur.
On ne discerne toutefois aucun élément susceptible d'imposer le constat que l'initiative heurterait manifestement le droit supérieur. Le Conseil d'Etat se limitera donc au rappel des principes essentiels qui prévalent en la matière.
La conformité au droit supérieur suppose qu'une initiative cantonale ait un contenu compatible avec ce droit. Dès lors que l'on a affaire à une initiative non formulée, l'initiative doit respecter la constitution cantonale, ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.
En principe, il ne suffit pas que les objectifs poursuivis par l'initiative soient conformes au droit supérieur, il faut encore que les moyens proposés pour atteindre ces objectifs ne soient pas contraires à ce droit. S'agissant d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation ultérieure du texte. Il appartient alors au législateur de choisir parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants celles qui sont conformes au droit fédéral.
En outre, l'initiative devant être interprétée de manière conforme à la constitution fédérale, elle ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation.
L'initiative 105 étant conçue en termes généraux, la recherche d'une interprétation des voeux des initiants permettant le respect du droit supérieur, lors de la concrétisation ultérieure, est plus aisée que dans l'hypothèse d'une initiative formulée.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.
L'exécution de l'initiative doit être assurée par l'adoption d'un cadre législatif déterminant les conditions dans lesquelles les mesures prévues par celle-ci doivent être réalisées.
Il convient de relever à cet égard que les multiples propositions contenues dans l'initiative laissent présager un éventail d'objectifs potentiels relativement nombreux.
On ne saurait dès lors écarter la probabilité de voir surgir des difficultés d'interprétation au niveau de la concrétisation de l'initiative.
Ce grief ne saurait cependant constituer un obstacle tel à la concrétisation qu'il faille considérer l'initiative comme irréalisable et, partant, l'invalider pour cause d'inexécutabilité manifeste.
B. La prise en considération de l'initiative
L'initiative 105 traite une multitude de sujets touchant une grande variété de domaines:
- la promotion économique;
- l'action anticyclique de l'Etat;
- la réforme de la fiscalité;
- le développement d'une formation accessible à tous;
- la réduction du temps de travail;
- le traitement social du chômage.
Certains thèmes se rapportent à des domaines qui font déjà l'objet d'actions prioritaires de la part du Conseil d'Etat. A titre d'exemple, on peut notamment citer:
- promotion économique: depuis plus de 2 ans, le gouvernement mène une politique de promotion économique active ayant justement pour but, comme les auteurs de l'initiative le demandent, non seulement de créer de nouveaux emplois en attirant à Genève des entreprises offrant des produits et services à haute valeur ajoutée, mais encore en apportant une aide renforcée aux sociétés déjà établies sur notre sol afin de contribuer au maintien d'un maximum d'emplois existants. La justesse de la stratégie retenue est démontrée par les résultats extrêmement encourageants enregistrés jusqu'à ce jour. Alors qu'en 1993 nous avions compté, fait exceptionnel pour une première année, pas moins de 45 nouvelles entreprises ou développements marquants d'entreprises existantes, soit 420 emplois nouveaux engendrant au moins 400 emplois supplémentaires d'ici à 1995, 1994 a confirmé que ce premier succès n'était pas un simple hasard puisque les résultats obtenus ont été encore supérieurs avec environ 500 emplois créés;
- organisations internationales: que ce soit de manière directe ou en relation étroite avec la Confédération, le Conseil d'Etat a mis en place une véritable stratégie qui vise à établir des contacts directs, permanents et réguliers avec les responsables des principales organisations internationales, ainsi qu'à entreprendre de véritables actions de promotion de Genève en tant que lieu privilégié pour l'accueil de telles organisations;
- tourisme: ce domaine a été l'objet d'une attention toute particulière et, grâce à l'adoption par votre Grand Conseil de la loi sur le tourisme, Genève s'est dotée des moyens nécessaires pour développer ce secteur d'activités;
- formation: la création d'un «Centre de bilan», la sensibilisation des enseignants et des jeunes aux réalités de l'économie, les projets de réforme visant à dispenser une formation plus en phase avec l'évolution des exigences professionnelles représentent autant de mesures per-mettant de donner à chacun les meilleures chances de succès;
- exclusion due au chômage: une politique active en matière d'occupations temporaires, tant individuelles que collectives, une offre variée de cours de perfectionnement professionnel et de techniques de recherche d'emploi, la création de «clubs emploi» et d'une «entreprise d'entraînement», de même que l'instauration d'un revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS) assorti d'une contre-prestation, représentent autant d'actions menées à bien pour éviter à tout prix l'exclusion due au chômage;
- premier emploi des jeunes: des cours de perfectionnement ciblés, les allocations d'initiation au travail permettant de réduire la charge salariale qui pèse sur l'entreprise alors que le jeune est encore en phase de formation dans son premier emploi, ainsi que les stages en entreprises qui dans bien des cas se transforment en un engagement définitif, permettent d'apporter aux jeunes une aide efficace au moment où ils s'insèrent dans la vie pratique;
- réforme de l'office cantonal de l'emploi (OCE): la restructuration complète du service de placement actuellement en cours permettra d'offrir aux chômeurs un service plus personnalisé et mieux ciblé, augmentant ainsi leurs chances de trouver plus rapidement un nouvel emploi.
D'autres propositions, et tout particulièrement celles relatives au traitement du chômage, ne pourront être étudiées qu'à la lumière des décisions qui seront prises suite au débat actuellement en cours au niveau fédéral.
Enfin, certaines suggestions qui sont clairement du ressort du canton méritent probablement une étude plus approfondie, et le Conseil d'Etat est prêt, le moment venu, à entrer en matière sur ces dernières. Il conviendra toutefois d'identifier clairement, au préalable, s'il ne s'agit pas dans certains cas, en fait, de concrétiser sur le plan légal des situations préexistantes.
Telles sont les réflexions générales dont le Conseil d'Etat tenait à vous faire part en préambule à la discussion de l'initiative populaire 105 «Pour l'emploi, contre l'exclusion».
Il en ressort que le Grand Conseil devrait envisager de scinder l'initiative en plusieurs domaines clairement définis, de telle sorte que son traitement puisse être mieux coordonné et par là même facilité.
Débat
M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, je dirai un mot au sujet du vote qui vient de se dérouler pour l'initiative précédente. Vous avez donné le compte-rendu du résultat du vote en indiquant que l'initiative était recevable, mais il faut préciser qu'elle est recevable parce que scindée !
La présidente. Oui, parce que scindée ! C'est bien pour cela que j'ai lu les conclusions du rapport.
M. Michel Halpérin. D'accord !
S'agissant de l'initiative 105, nous avons sous les yeux le rapport du Conseil d'Etat, et je voudrais profiter de cette occasion, puisque nous en sommes au débat sur la validité formelle ou la recevabilité de l'initiative, pour vous rendre compte, à titre intérimaire, des travaux de la commission législative. Cette commission a déjà procédé à un examen de l'initiative 105 et elle a constaté que cette initiative, selon toute vraisemblance, ne répondait ni aux exigences d'unité de la matière ni à celles d'exécutabilité. Par conséquent, il y a une probabilité - pas encore une certitude - qu'elle soit à un moment ou à un autre l'objet d'un vote d'irrecevabilité de la commission.
Toutefois, la commission dans ses travaux a estimé qu'il lui incombait de se pencher sur la totalité des éléments d'appréciation de recevabilité d'une initiative et qu'elle devait notamment se pencher sur le problème de sa conformité au droit supérieur, qui est un des aspects de l'examen de cette recevabilité. Nous avons compté - parce que c'est un travail extrêmement difficile - sur le rapport du Conseil d'Etat à ce sujet. Or, force nous est de constater que, sur ce point en particulier, le rapport du Conseil d'Etat, tel qu'il nous a été livré ces jours-ci, est tout à fait lacunaire.
Par conséquent, la commission législative n'y trouvera pas les réponses avisées d'un juriste de la couronne sur ce sujet essentiel de la conformité au droit supérieur. Or, il me faut rendre attentive cette assemblée au fait que - je rejoins ici le débat que nous avons abordé hier au sujet des initiatives - l'initiative 105 comporte, sur à peu près neuf pages, le texte qui serait, le cas échéant, soumis au vote populaire, selon les décisions que notre Conseil serait appelé à prendre. De surcroît, il couvre une matière extrêmement abondante sur des sujets d'économie générale, avec des propositions particulières de nature différente les unes des autres.
Dès lors, il est très possible que certains aspects de cette initiative soient conformes au droit supérieur, que d'autres soient radicalement incompatibles avec ce droit supérieur et que d'autres encore soient susceptibles de l'être selon la manière dont ils seront traités au fond. De sorte que l'avis d'un juriste nous paraît essentiel. La commission législative, quelle que soit la compétence de l'un ou l'autre de ses membres, n'est pas outillée pour faire un travail d'une telle envergure. Elle souhaiterait donc que le Conseil d'Etat mette à sa disposition un des juristes de son administration pour y procéder, à défaut elle devra probablement mandater un professeur de notre université pour qu'il réponde à ces questions dans le délai qui, je vous le rappelle, est court, puisque le Grand Conseil devra statuer sur la recevabilité formelle d'ici le mois de septembre.
Je vous remercie, et si le Conseil d'Etat est en mesure de me répondre sur ce point il facilitera les travaux de la commission législative.
M. Christian Grobet (AdG). Ce que je disais tout à l'heure au sujet de l'initiative dite «La Suisse» se confirme. Je ne m'étonne pas que M. Halpérin, dont on connaît bien les positions, essaye aujourd'hui de nous convaincre que l'initiative 105 serait irrecevable.
Je note que vous aviez défendu avec le même talent, et avec beaucoup plus de flamme, la recevabilité de l'initiative sur laquelle le peuple s'est prononcé il y a une semaine au sujet de la Rôtisserie-Pélisserie qui, elle, posait des problèmes importants de recevabilité sans parler de ceux auxquels le Conseil d'Etat semble confronté au sujet de l'initiative sur la «Traversée de la rade».
Nous ne saurions nous satisfaire, Monsieur Halpérin, de l'avis d'un juriste de la couronne. Il fut un temps, du reste, où un professeur plus ou moins patenté était consulté systématiquement par le Conseil d'Etat et, comme par hasard, donnait des avis de droit négatifs sur les initiatives lancées par les milieux des locataires, ce qui nous a obligés à recourir jusqu'au Tribunal fédéral. Ces avis de droit n'ont pas résisté à la sagesse des juges fédéraux. A vrai dire, le Tribunal fédéral avait précisément - même si la jurisprudence de celui-ci peut évoluer - retenu les principes développés par le professeur Aubert, à savoir qu'il fallait être extrêmement ouvert s'agissant des initiatives, surtout lorsqu'elles sont non formulées, ce qui est le cas ici, le Grand Conseil pouvant, le cas échéant - c'est du reste son devoir - lui trouver des solutions.
Que n'ai-je entendu sur vos bancs, Monsieur Halpérin, sur le devoir de sauver à tout prix l'initiative de M. de Tolédo sur la Rôtisserie-Pélisserie ! Elle a fait naufrage ce dernier week-end, et certains d'entre nous s'en félicitent. Mais je rappelle que pendant quinze ans... (L'orateur répète ce chiffre pour insister sur la durée.) ...la droite a tenté de trouver une solution pour la sauver; c'est le contreprojet qui a été voté par ce Grand Conseil, lequel devait se substituer, en quelque sorte, à l'initiative, ce qui n'a pas été possible parce qu'il n'y avait pas de clause de retrait.
La philosophie du professeur Aubert est très simple. Il disait : in dubio pro populo ! (M. Vodoz fait une remarque à l'orateur.) Oui, il me reste quelques réminiscences de latin; elles ne sont certainement pas aussi bonnes que les vôtres, Monsieur Vodoz, mais cette expression est restée ancrée dans ma mémoire, parce que chaque fois que l'on discutait d'initiatives au Conseil d'Etat ou au Grand Conseil cette expression ressortait souvent, car elle figurait dans l'avis de droit du professeur Aubert. Elle a, du reste, été reprise par le Tribunal fédéral qui, justement, s'est montré extrêmement ouvert.
Alors, de grâce, ne commençons pas ici à ergoter autour d'une initiative qui préconise toute une série de solutions ! De deux choses l'une, ou le Grand Conseil accepte d'entrer en matière sur cette initiative, considérant qu'elle a du bon, et, si c'est le cas - comme elle l'a fait sur l'initiative du parti du Travail contre la spéculation foncière - on pourra trouver des solutions qui répondent au texte de l'initiative. Bien entendu, Monsieur Halpérin, vous êtes contre l'initiative, mais cela ne nous étonne pas, car c'est pour des motifs autres que des motifs juridiques. Evidemment, il est toujours facile d'invoquer le droit lorsqu'on est opposé à une initiative pour des raisons politiques. Il faut laisser le peuple trancher et, lorsqu'il a tranché, comme il l'a fait pour la rade, nous avons le devoir de trouver une solution, selon les thèses qui sont du reste défendues par le Conseil d'Etat s'agissant de la traversée de la rade.
Alors, de grâce, ne tenez pas un langage un jour et un autre le lendemain lorsqu'un objet ne vous plaît pas politiquement !
M. Michel Halpérin (L). Je ne doute pas, comme la plupart des membres de cette assemblée, que M. Grobet magister juris et politicae - puisque vous aimez le latin - soit un éminent spécialiste de la manière d'appliquer les textes juridiques selon le goût politique qu'on en a. Nous savons que vous avez une expérience irremplaçable sur ce sujet, et nous sommes heureux que vous en fassiez profiter le Grand Conseil.
La raison qui me pousse à reprendre la parole est, Monsieur le député, qu'il se trouve que vous n'êtes pas membre de la commission législative et que, par conséquent, vous avez l'excuse de nous apporter vos lumières à contretemps. Mais cette commission législative ne fait pas de politique; elle lit les textes et elle le fait consciencieusement. Le rapport qui a été lu tout à l'heure, et qui ne vous a pas plu, en est la meilleure démonstration.
Et si j'ai eu l'occasion, hier, d'exprimer ma préoccupation profonde de voir le mauvais traitement auquel les initiants finiront par conduire le droit d'initiative dans ses fondements mêmes, c'est parce que je prétends - cela m'est personnel - que, lorsqu'on croit faire voter tout un peuple sur un texte de neuf pages imprimées par une seule réponse, oui ou non, alors que le texte se décompose lui-même en vingt-sept chapitres et une quarantaine de sous-chapitres, on prend les gens pour des imbéciles !
Comme je sais que vous n'avez pas ce mépris de la population, je pars de l'idée que vous devriez, en juriste fin que vous êtes, vous intéresser aux réflexions collectives de la commission législative que j'ai l'honneur de présider et qui ne se livre pas aux petits jeux qui vous sont familiers !
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je suis un peu étonnée de ce débat juridique qui tourne seulement autour de la recevabilité de l'initiative, alors que personne n'aborde le fond ! Vous me permettrez, si cela ne vous gêne pas trop, d'aborder le fond.
M. Michel Halpérin. Ce n'est pas l'objet du débat !
Des voix libérales. Ce n'est pas à l'ordre du jour !
Mme Fabienne Bugnon. Ce n'est pas à l'ordre du jour ? Alors, je vais reprendre mon ordre du jour ! Excusez-moi, mais le numéro 15 de notre ordre du jour est bien l'IN 105, initiative pour l'emploi contre l'exclusion !
La présidente. Absolument !
Mme Fabienne Bugnon. Il faut prendre le point 15, Madame la présidente, ou le point 16 ?
La présidente. Nous sommes au point 15, Madame ! Mais si vous voulez, prenez la parole maintenant; vous ne la prendrez pas au point 16 !
Mme Fabienne Bugnon. Non, non, je la reprendrai au point 16, je vous en prie !
M. Laurent Moutinot (S). J'ai été surpris par l'exposé du président de la commission législative, puisque je participe aux travaux de ladite commission. S'il est vrai qu'il est intéressant que le Grand Conseil sache que cette commission accueille pour l'instant défavorablement l'IN 105 sur le plan de la recevabilité, j'aimerais également rappeler que nous n'en sommes qu'au début de nos travaux et que je n'exclus pas qu'une position plus favorable au respect de la volonté des initiants et aux droits populaires puisse prévaloir dans la commission législative et, ultérieurement, dans le Grand Conseil. La question de savoir dans quelle mesure nous avons besoin de nous entourer de l'avis d'experts n'est pas définitivement tranchée au sein de la commission. C'est un problème constant dans cette commission de savoir si nous sommes capables de faire un travail par nous-mêmes, si nous devons demander le rapport du Conseil d'Etat pour nous aider, le cas échéant si nous devons nous entourer d'autres avis encore.
Nous avons essayé, contrairement à ce qui s'était fait pour les initiatives antérieures, de précéder le Conseil d'Etat et de discuter entre nous avant le rapport du Conseil d'Etat. C'est une saine conception des choses, parce qu'elle permet à notre Grand Conseil de prendre sa décision, avant même de pouvoir suivre le Conseil d'Etat.
En tout état, la discussion sur la recevabilité de l'IN 105 n'est de loin pas terminée au sein de la commission législative et, si j'ai bien compris, les débats d'aujourd'hui pas davantage terminés au sein de ce Grand Conseil.
La présidente. Madame Bugnon, veuillez accepter mes excuses ! Rien ne précise dans le règlement qu'au cours du débat de préconsultation - c'était le cas - il ne soit pas possible de s'exprimer sur le fond. Je vous donne donc la parole.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Merci. Je ne vous en voulais pas, car j'ai bien eu l'impression que, vous, vous aviez tout à fait bien compris ! (Rires.)
Cette initiative pour l'emploi et contre l'exclusion est née de l'incapacité des dirigeants en place à maîtriser le chômage. Nous avons tous notre part de responsabilité, et il ne m'appartient pas de distribuer les bons ou les mauvais points. Certains n'ont pas cru que le chômage prendrait de telles proportions dans notre canton et d'autres n'ont pas eu le courage politique de proposer des solutions qui pouvaient heurter leur électorat.
La critique des autres permet également l'autocritique et force est de constater que, nous non plus, nous n'avons pas réussi à faire passer nos propositions en matière de lutte contre le chômage. Je vous rappelle une de ces propositions : le partage du travail et de l'emploi !
Mesdames et Messieurs, ce n'est pas de la tarte à la crème; c'est un projet de société auquel les réfractaires devront finir par se résoudre, à moins qu'ils restent favorables à une société à deux vitesses, où l'emploi comme les ressources ne pourraient être partagés.
Pour nous écologistes, le partage du travail est plus encore qu'un projet de société : c'est un projet d'avenir où le temps libre est pris en compte avec autant de valeur que le travail. Mais, comme tout projet, certains stades seront difficiles à aborder pour quelques-uns. En ce qui nous concerne, notre langage a toujours été clair. Le partage du travail doit s'accompagner du partage des revenus et donc de diminutions des salaires, à l'exception des bas salaires. C'est un projet ambitieux. C'est une refonte totale de la société, et les écologistes sont conscients qu'ils n'y arriveront pas seuls.
Notre groupe soutiendra l'initiative qui nous est soumise, même si la multiplicité des domaines qu'elle aborde rend l'unité de la matière si ce n'est impossible, du moins compromise. Comme nous l'avons proposé pour l'initiative dite «La Suisse» en commission, nous proposerons que cette initiative soit scindée en plusieurs volets qui pourraient être notamment : la promotion de l'emploi, la réforme de la fiscalité et le développement de la formation. Par ailleurs, le traitement social du chômage devrait passer, lui, par une réflexion accrue sur la réduction du temps de travail et sur les possibilités plus diversifiées du recyclage surtout à la portée de tous et toutes sans distinction de sexe ni d'âge. Le traitement de cette initiative - M. Halpérin vous l'a déjà dit - est en cours à la commission législative et il débutera, si cela n'est fait, à la commission de l'économie.
On s'apercevra que plusieurs projets de lois ou de motions, pendants à la commission de l'économie ou déjà renvoyés au Conseil d'Etat, pourraient répondre à certaines questions des initiants. C'est la raison pour laquelle une audition des initiants est indispensable. J'ouvre ici une parenthèse pour regretter sincèrement que la commission législative n'ait pas accepté ma proposition d'entendre les initiants. N'importe quel pétitionnaire est entendu par la commission des pétitions ou par les commissions spécialisées, même si sa pétition ne comprend qu'une seule signature. Des initiants qui récoltent plus de dix mille signatures méritent au moins le même traitement. J'espère donc que la commission de l'économie saura rectifier le tir !
IN 105
Cette initiative est renvoyée à la commission de l'économie.
IN 105-A
Ce rapport est renvoyé à la commission législative.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau unanime vous propose de reporter les points 17, 18 et 19 à 20 h 30, après le débat que nous aurons sur le projet de loi 7227, et de passer maintenant au point suivant. En effet, je crains que l'importance des débats sur ces trois points ne nous emmène trop loin dans la soirée, puisqu'il est déjà 18 h 50.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La présente demande doit s'inscrire aujourd'hui dans une réflexion globale concernant la restructuration des actuels Etablissements de la plaine de l'Orbe. En effet, son mode de fonctionnement ne correspond plus aux besoins posés par la population pénitentiaire détenue. Les catégories de détenus ont changé, les délits aussi et l'institution pénitentiaire traditionnelle se doit d'être adaptée à une nouvelle «clientèle».
Cette population est constituée notamment de condamnés dangereux, et les structures actuelles n'offrent pas toujours de mesures d'encadrement aboutissant à une réinsertion réussie. Les condamnés sont donc hélas, dans une très large majorité, récidivistes.
Ces personnes sont actuellement détenues dans les différents établissements pénitentiaires regroupés par le Concordat romand. Elles ne bénéficient pas d'un encadrement particulier, si ce n'est, pour le canton de Genève, celui dispensé par l'unité «La Pâquerette». Cette structure remarquable individualise les prises en charge mais ne peut pas assurer tant au plan de la sécurité que de la prise en charge thérapeutique très particulière des condamnés pour perversions sexuelles graves. Les prises en charge effectuées dans les autres établissements s'avèrent pour ces détenus particuliers parfaitement inopérantes; ni la rééducation par le travail ni l'isolement ne sont des réponses adéquates à cette pathologie relationnelle.
L'autorité de jugement peut infliger deux types de sanctions à l'auteur de ce type d'infraction pénale: d'une part une peine, et d'autre part des mesures (internement, etc.). Peines et mesures peuvent également être prononcées simultanément, si les conditions des deux sanctions sont cumulativement remplies. Dans cette hypothèse, le juge pénal suspendra le plus souvent l'exécution de la peine, pendant l'exécution de la mesure. Faisant l'objet d'une mesure, l'individu voit sa liberté supprimée ou diminuée en raison des caractéristiques de sa personnalité et non pas en raison de ce qu'il a fait. En d'autres termes, les mesures de sûreté ne poursuivent pas un but de répression de l'infraction commise, mais visent à intervenir sur la personne qui a commis un acte révélateur d'un état «anormal».
Concernant plus particulièrement les mesures applicables aux délinquants «anormaux», telles qu'instituées par l'article 43 du CPS, elles peuvent consister soit en le renvoi du délinquant dans un hôpital, en raison d'un état mental exigeant un traitement médical (art. 43, ch. 1, al. 1 CPS), soit en l'internement dans un établissement approprié garantissant la sécurité publique (art. 43, ch. 1, al. 2 CPS).
Dans le premier cas, la mesure tend à pourvoir à l'amélioration de l'état personnel du délinquant par un traitement adéquat, mais aussi à la neutralisation de l'individu par sa mise hors d'état de porter atteinte à la société. Dans le second cas, c'est essentiellement dans la perspective de neutraliser l'individu jugé dangereux que la mesure est ordonnée. Autrement dit, chacune des deux mesures visées par les alinéas 1 et 2 de l'article 43, chapitre 1 CPS poursuit un but d'utilité sociale, mais celle prise en application de l'article 43, chapitre 1, alinéa 1 CPS répond avant tout à un besoin personnel de traitement, impératif, d'utilité individuelle. Dans cette perspective, on ne saurait mésestimer la portée du choix du genre d'établissement voué à accueillir les destinataires de telles mesures.
Le nombre de ces détenus est assez peu élevé en Suisse romande et Tessin (cantons liés par le Concordat). Il serait judicieux que ces personnes soient encadrées dans une même unité, spécialisée dans ce type de déviance.
Dans une période de restrictions budgétaires importantes, il pourrait être assez mal vu de prévoir des dépenses supplémentaires pour une catégorie de la population, heureusement très minoritaire, celle des personnes ayant été condamnées pour des actes graves relevant de perversions sexuelles. Ces actes, lourdement répréhensibles au sens du Code pénal, sont condamnés à des peines de longue durée. Vouloir créer une unité spécialisée dans ce type de soins et d'encadrement hors du contexte pénitentiaire déjà en activité soulève l'ire des parlementaires et de la population qui jugent que cette population ne mérite pas d'investissement financier.
C'est pourquoi, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adresser cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Avant d'aborder le contenu de cette motion, une petite modification doit être apportée au texte que vous avez en votre possession. Cette fois, la «Tribune de Genève» a été plus rapide que le secrétariat du Grand Conseil, puisqu'elle a corrigé d'elle-même le sigle qui figure dans plusieurs pages : il s'agit du sigle EEP et non EEE.
Cette motion répond aux impératifs suivants :
- D'abord, assurer un encadrement tant au plan de la sécurité que thérapeutique.
- Reconnaître la problématique particulière des personnes condamnées pour perversions sexuelles graves.
- Intégrer cette problématique à la restructuration actuellement en cours aux Etablissement de la Plaine de l'Orbe, par le biais du groupe de réflexion EEP 2000.
- Permettre la réalisation de cette structure dans une perspective romande.
Le code pénal prévoit l'irresponsabilité totale dans son article 10, partielle ou restreinte dans son article 11, de l'individu et inculpé. Cette responsabilité est notamment mise en évidence par l'expertise psychiatrique. Celle-ci est utile au moment du jugement, mais ne garantit pas d'office un encadrement thérapeutique. Elle recommande si un traitement hospitalier ou ambulatoire est à recommander. Vous le savez, les crimes sexuels secouent fortement l'opinion publique et provoquent des réactions souvent dignes de la loi du talion.
La population, les parents des victimes ne comprennent pas comment des criminels sexuels peuvent, un jour, être remis en liberté, prêts à récidiver. Et leur incompréhension se justifie, car la question de la récidive se pose régulièrement. D'une part, il y a les personnes qui ont été condamnées à plusieurs reprises pour le même type de délits et celles qui sont condamnées pour la première fois après avoir commis une série de délits. Dans les deux cas de figure, les personnes ont agi, de manière répétitive, avec un comportement destructeur.
Dans les deux cas, ces condamnés purgent leur peine de prison dans des établissements ne pouvant pas assurer de prise en charge intensive, à la mesure des motifs de la condamnation. Les juges condamnent à des peines de plus en plus lourdes, alors que les établissements spécialisés, à part «La Pâquerette», n'existent pas.
Les peines sont de plus en plus lourdes, d'une part, parce que les crimes sexuels commis sur des enfants ou des adolescents sont reconnus comme extrêmement graves et, d'autre part, parce que les récidivistes échappent moins facilement à la justice. Quand une victime dénonce ou que la mise en scène signe un acte lié à la perversion sexuelle, la police enquête d'abord sur les agissements des personnes connues pour ce type de comportement.
La lourdeur des peines et le nombre croissant de condamnations pour crimes sexuels apparaissent dans les statistiques des établissements romands. Ainsi, celui qui accueille des condamnés primaires - donc condamnés pour la première fois, comme à Bellechasse - a moins d'auteurs de délits sexuels et pour de plus courtes périodes qu'un établissement accueillant des détenus récidivistes pour ces mêmes délits, comme c'est le cas à Bochuz. Ce phénomène est observé dans d'autres pays où des campagnes intenses d'information et de soutien aux victimes ont été mises en place. Les peines sont plus lourdes, car les faits sont reconnus comme plus graves, renforcées en été 1994 par une jurisprudence fédérale, et parce que la récidive influence la lourdeur de la condamnation. De plus en plus de personnes se verront condamnées pour ces délits et elles resteront plus longtemps en milieu pénitentiaire.
Qui sont-elles ?
Les psychanalystes et les psychiatres sont pour une fois d'accord : les origines de délits sexuels sont multiples, mais apparaissent chez des individus ayant une immaturité affective et sexuelle. Un point commun chez beaucoup d'entre eux : ils ont subi dans leur jeune âge des sévices sexuels. A part ces points communs, les cadres théoriques traditionnels sont bien en peine de brosser le portrait-robot psychologique : tous n'ont pas de caractéristiques psychotiques, tous n'ont pas uniquement de troubles de la personnalité.
Selon Georges Abraham, leur imaginaire est limité, ils ont besoin de ritualiser la mise en scène accompagnant l'acte sexuel, d'où la récidive. Etant donné leur sensibilité physique réduite, ressentant eux-mêmes difficilement la douleur, ils peuvent commettre des actes violents sur leurs victimes. Ayant été déjà condamnés, ils peuvent chercher à effacer les traces de leurs délits en tuant et en faisant disparaître la victime. Mais selon le seul médecin ayant observé ces personnes - M. Georges Abraham - il n'y a pas de théorie de la perversion sexuelle. Cela pose des problèmes thérapeutiques, car tout traitement repose sur une hypothèse, et celle-ci n'est pas claire dans le cas qui nous occupe.
Reste encore la délicate question de la demande thérapeutique. Là aussi, pas de constance. Pour demander de l'aide, il faut avoir conscience d'une défaillance. Chez les auteurs de délits sexuels, certains demandent des soins, d'autres les refusent, car ils ne reconnaissent pas la nature des délits qui leur sont reprochés. Deux types de soins sont habituellement proposés. L'approche psychanalytique, qui est longue, s'adresse à des personnes capables d'élaborer un tant soit peu leurs conflits, et remporte peu de succès, tant au plan de la demande que de la réussite. Si des pervers demandent des soins à un psychanalyste, ils le font souvent parce que leur entourage ou la justice les y pressent.
Cette même difficulté se rencontre dans l'offre plus purement psychiatrique. Le patient doit être demandeur pour qu'une thérapie lui soit proposée. S'il se considère comme normal il ne fait pas de demande. De plus, les rares psychiatres intervenant quelques heures dans les établissements pénitentiaires traitent des problèmes de crise, troublant le quotidien de la prison. Ces détenus recevront des soins en situation de crise - tentative de suicide, crises délirantes, dépression - mais regagnent leur unité pénitentiaire l'épisode aigu passé. Ces détenus ne reçoivent donc pas de soins à long terme.
La diversité des raisons ayant amené des pervers à commettre des crimes ou d'autres actes violents doit déboucher sur une série de réponses thérapeutiques s'adaptant aux problématiques posées, sans attendre une hypothétique demande formulée spontanément. La sacro-sainte demande est le fruit de l'errance de la psychanalyse et de la psychiatrie. Les actes qui ont été commis sont, eux, parlants.
A la question de savoir s'il n'est pas préjudiciable à ces personnes d'être regroupées dans un même dispositif de soins, M. Georges Abraham est formel : il n'y a aucun sadisme ni aucun danger à regrouper des personnes se distinguant par ce type de comportement, car elles savent très bien se défendre. Ces personnes coexistent actuellement avec les autres détenus et se distinguent par leur bonne conduite en milieu pénitentiaire. Ces détenus sont serviables, disponibles... souvent plus que les autres détenus et obtiennent de bonnes notes de conduite, lesquelles pèsent lourd au moment de l'évaluation pour une libération conditionnelle ou pour des sorties. Les regrouper permettrait de les observer dans un contexte différent, permettant certainement de mettre en évidence certains modes de communication particuliers.
Pour ma part, ayant eu l'occasion de devoir évaluer l'état de santé psychique de ces personnes, alors que je travaillais en milieu psychiatrique, je n'ai aucun état d'âme particulier à les imaginer regroupées dans une même unité ou un même dispositif de soins.
La présidente. Madame Blanc-Kühn, vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes !
Mme Fabienne Blanc-Kühn. J'ai tout de suite fini !
Trente-quatre personnes pourraient être concernées par ce type d'unité au niveau romand. Soyons pratiques ! Pourquoi les motionnaires ont-ils demandé à ce que cette motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat ? Tout simplement parce que le groupe EEP 2000 est en pleins travaux pour la restructuration de Bochuz et que nous perdrions du temps à renvoyer cette motion à la commission judiciaire qui demanderait à auditionner moult personnes, alors que les travaux s'effectuent actuellement au niveau romand, dans le cadre de la restructuration de Bochuz.
M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe accueille cette motion avec une certaine réserve, pour deux raisons. Tout d'abord, son intitulé nous pose un problème : les détenus condamnés le sont pour des délits et non pour des perversions sexuelles. Il y a là un glissement qui me laisse songeur, car cela manque de précision. Ensuite, je trouve que le fait d'assimiler l'article 43 aux délits sexuels sème la confusion au niveau des chiffres qui viennent d'être évoqués.
En effet, il me semble qu'il faudrait être plus précis, et affirmer qu'on a besoin d'une unité spécifique sans avoir, au préalable, entendu les équipes qui s'occupent de ces détenus depuis des années me paraît un peu léger ! Pour ma part, j'aurais préféré que l'on demande une audition à la commission des visiteurs de prison pour savoir si une telle unité devait être envisagée ou non, compte tenu des vingt ans d'expérience des équipes de médecine légale. Je souhaite donc avoir l'appréciation de ces équipes, notamment du professeur Harding. En effet, ce dernier est totalement opposé à la création d'une telle unité spécialisée. Je serais très intéressé de l'entendre en commission.
M. Andreas Saurer (Ve). J'émets un peu les mêmes réserves que mon collègue Gilles Godinat concernant cette proposition de motion.
En effet, l'invite crée une certaine confusion entre perversion sexuelle et délit sexuel. Cette confusion est significative. Vous parliez tout à l'heure de psychanalyse et de Freud, c'est peut-être le «sens latent» qui apparaît sous cette terminologie.
Je précise ma pensée. La perversion sexuelle, jusqu'à nouvel avis, ne constitue pas un délit et j'aurais même envie de revendiquer le «droit à la perversion sexuelle»... (Immense charivari; remarques et quolibets fusent de toutes parts. La présidente fait sonner la cloche pour ramener l'ordre.) Chacun pratique ses ébats comme bon lui semble; heureusement, cela ne constitue pas encore un délit sexuel, sinon je pense qu'il y aurait beaucoup de condamnés. J'ai l'impression que votre conception de la sexualité est très calviniste... (Rires.) ...mais je ne suis pas convaincu que Calvin avait dans ce domaine des conceptions aussi restrictives que vous. Vous semblez, en fait, préconiser ce que l'on pourrait appeler «ortho-sexualité socialiste», une norme dont je voudrais bien me distancer.
Cela dit, le problème soulevé par cette motion est l'utilisation de l'article 43. Je me suis renseigné auprès du Conseil de surveillance psychiatrique qui s'occupe de toutes les personnes concernées par cet article, ici à Genève. L'article 43 ne concerne pas seulement les pervers qui commettent des délits sexuels, mais l'ensemble des condamnés pour maladie mentale. Il s'avère que seulement six personnes sont condamnées et suivent un traitement hospitalier. Une trentaine de personnes suivent un traitement ambulatoire et, finalement, quatre ou cinq personnes seulement sont internées à Champ-Dollon. Mais, parmi ces quatre ou cinq personnes internées, aucune n'est internée pour cause de délit sexuel.
Il me semble donc que nous sommes en présence d'une stigmatisation extrêmement dommageable du délit sexuel. Je ne veux absolument pas minimiser cet acte dramatique, mais nous ne pouvons pas supprimer tous les risques. Tôt ou tard, nous devrons bien décider ce que nous allons faire des personnes condamnées pour de tels délits : je suis entièrement d'accord avec vous ! Mais, je le répète, aucune personne à Genève n'est internée en raison d'un délit sexuel. Une ou deux sont prises en charge ambulatoirement et, jusqu'à maintenant, selon les informations que j'ai reçues, leur prise en charge s'effectue à la satisfaction de tous.
Ces unités ne concernent donc absolument pas des personnes qui ont commis des délits sexuels, mais des personnes qui sont internées, parce qu'elles ont commis un crime grave en relation avec une affection mentale. Maintenant, que faut-il faire des internés à Champ-Dollon ou ailleurs ? La question est sans réponse pour le moment, et Champ-Dollon ne constitue certainement pas une solution adéquate. Faut-il créer une unité particulière à Orbe, ou faut-il étendre le quartier cellulaire pour des malades psychiatriques ? Je n'en sais rien ! Il me semble évident que cette motion doit être renvoyée dans une commission pour auditionner les personnes concernées. Il ne faut pas l'envoyer telle quelle au Conseil d'Etat, car elle est mal ficelée !
La présidente. Monsieur Saurer, quelle commission suggérez-vous ? Les visiteurs officiels de prison ?
Mme Elisabeth Häusermann (R). Suite aux différentes auditions et discussions qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des visiteurs officiels, il nous est apparu que le problème de la détention des détenus condamnés pour délits sexuels devait faire l'objet d'une analyse de fond. Il ne serait en effet pas admissible que la société, n'ayant pas le courage d'appliquer les mesures qui s'imposeraient à leur encontre, se contente de fermer les yeux et de laisser les autres détenus appliquer une justice sommaire. S'il est du devoir de la société de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les récidives de la part de ces condamnés, il est également de son devoir de veiller à ce que ces derniers puissent purger leur peine dans des conditions assurant à la fois leur propre sécurité et celle des autres.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je voulais juste dire quelques mots à notre «expert vert» !
L'assemblée. Aahh ! Bravo ! (Rires.)
Mme Fabienne Blanc-Kühn. Il y a quelques semaines, j'aurais dit notre expert écologiste, mais, vous voyez, je m'adapte à la nouvelle appellation de votre groupe, Monsieur Saurer !
Vous me choquez tout de même un peu en faisant des amalgames assez maladroits entre la sexualité et des crimes assez odieux, qui ont été perpétrés par des gens visiblement mal dans leur tête et qui nécessitent des soins. Si je peux admettre certaines maladresses entraînant une confusion entre l'article 43 et les personnes condamnées en dehors des mesures de sécurité, je pense que ces personnes méritent un traitement adéquat sur le plan romand.
En effet, il est inutile de vouloir créer une unité genevoise que nous avons déjà, par ailleurs, puisqu'il s'agit de La Pâquerette. Vous et M. Godinat clamez haut et fort qu'il faut absolument auditionner la personne responsable du service à Genève. Je voulais éviter de devoir le dire, mais je me vois contrainte de le dire : trois rendez-vous ont été pris avec M. Harding pour discuter de ce problème qui les a décommandés à chaque fois. Le seul argument qu'il a avancé au sujet des récidives est qu'il ne fallait pas en parler, car cela décourageait le personnel ! Je suis désolée, si toutes les infirmières de l'hôpital étaient démotivées à la suite des décès de patients, plus personne ne travaillerait dans les hôpitaux !
A mon avis, les délinquants sexuels ne sont pas seulement l'affaire de M. Harding et de l'IUML genevois. Ce problème est actuellement discuté au niveau romand dans le cadre de la restructuration de Bochuz, des crédits sont prévus, et il faut l'étudier dans ce cadre. Il faut dont renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que les choses aillent plus vite plutôt que d'ergoter des heures et des heures en commission judiciaire ou autre, à Genève, en n'obtenant, en définitive, aucun résultat. (Applaudissements.)
M. Philippe Schaller (PDC). Au-delà du débat qui oppose Mme Blanc-Kühn et M. Saurer, je crois que cette motion pose de multiples problèmes. Il est vrai qu'elle est quelque peu réductrice, d'une part, dans son libellé et, d'autre part, dans ses considérants.
Je pense, comme l'ont dit M. Godinat et M. Saurer, que cette motion doit être élargie à toutes les personnes délinquantes anormales concernées par l'article 43. Nous devrions pouvoir examiner cette motion à la commission de la santé. En effet, il faut définir un peu mieux les programmes sociothérapeutiques et pour quelles pathologies. Il faut examiner quelles sont les structures d'accueil existantes et quelles pourraient être les nouvelles structures d'accueil. Il faut également étudier l'aspect ambulatoire de la prise en charge de ces malades.
Une expérience a été effectuée à Bâle consistant à comparer des groupes de délinquants traités ambulatoirement et d'autres en prison : aucune différence dans les récidives n'a été constatée. Certains toxicomanes sont incarcérés, mais on peut se demander s'il ne vaut pas mieux trouver des programmes socio-éducatifs en dehors de la prison ? Cette motion ouvre un certain nombre de portes et il serait bon de la renvoyer à la commission de la santé, car ces problèmes relèvent principalement de la médecine.
La présidente. J'ai trois propositions de renvoi en commission : santé, judiciaire et visiteurs officiels.
M. Laurent Moutinot (S). Le député Saurer a interpellé M. Ramseyer pour lui demander quelle était sa définition de l'intelligence. Je dois par conséquent interpeller M. Saurer pour lui demander ce qu'est une «sexualité socialiste orthonormée» ! (Hilarité sur les bancs socialistes.)
Une voix. Il ne le sait pas lui-même !
M. Laurent Moutinot. En tout cas, je peux vous assurer qu'en tant que chef de groupe, ou en tant que membre du comité directeur, je n'ai jamais vu passer le moindre papier sur ce sujet ni la moindre instruction ! (Rires.) C'est une discussion que nous poursuivrons probablement à la buvette, car le sujet du sexe est évidemment inépuisable !
Plus sérieusement, et en tant que signataire de cette motion, j'aimerais rappeler que les délits graves en matière de sexualité sont des délits qui posent un double problème : à l'auteur et à la victime. La solution apportée actuellement n'est pas satisfaisante, ni pour l'auteur du crime ni pour la victime. Pourquoi ? Parce que l'auteur du crime est lancé dans ce fameux article 43 que je n'aime pas plus que les docteurs Godinat et Saurer et qu'il n'a pas l'espoir de sortie. C'est une solution qui n'est pas satisfaisante pour la victime, parce que ce type d'incarcérations privant de liberté sont floues et que la victime ne sait pas - si elle est toujours vivante - quand elle risque de se retrouver face à face avec son tortionnaire.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas l'intention de refaire l'ensemble de la psychiatrie et l'ensemble du droit pénal dans cette motion; nous voulons simplement nous limiter à la situation très particulière des délinquants extrêmement dangereux qui sont très peu nombreux. On ne peut pas, non plus, dépenser des millions pour ces gens.
En revanche, il existe au niveau romand une discussion visant à restructurer les établissements pénitentiaires. C'est dans ce cadre que l'on peut et que l'on doit penser à ce type de problèmes. C'est la raison pour laquelle je suis persuadé qu'il serait passionnant de discuter dans toutes les commissions du Grand Conseil des problèmes soulevés par la motion, mais l'important est que, dans la discussion actuelle au niveau romand sur ces questions, le Conseil d'Etat insiste pour que la prise en charge de ce type de délinquants soit faite de manière adéquate.
M. Gilles Godinat (AdG). Je retire ma proposition de renvoi à la commission des visiteurs officiels, et je me rallie à la proposition du docteur Schaller, soit le renvoi à la commission de la santé.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'accueille avec intérêt et attention cette motion.
Vous devez savoir - Mme Blanc-Kühn l'a rappelé - que la prise en charge de ce type de condamnés est envisagée dans le cadre du Concordat romand, dont l'article 12 précise : «Pour les délinquants anormaux, dangereux, et pour les détenus qui se révèlent mentalement anormaux en cours d'exécution, des sections de la prison de Champ-Dollon...». Or, il est exact - Mme Blanc-Kühn a raison - de mentionner que le quartier de sociothérapie «La Pâquerette» et le quartier cellulaire psychiatrique de Champ-Dollon ne sont que des réponses partielles aux besoins exprimés. Enfin, il est exact que, dans le cadre du projet EEP 2000 (Etablissement d'Exécution de Peines 2000), nous avons déterminé un certain nombre de modules qui sont indispensables. Parmi ceux-ci, figure le module qui s'adresse précisément à ce genre de prévenus et de condamnés.
Dès lors, je pense que le Conseil d'Etat peut parfaitement accepter cette motion et intégrer dans la discussion du projet EEP 2000 les préoccupations de Mme Blanc-Kühn.
J'ajoute cependant que le Conseil d'Etat n'a pas encore pris d'engagement quant à la construction de ce nouvel établissement d'exécution des peines de La Plaine de l'Orbe dont il sera saisi le 5 avril. Dans cette perspective, je remercie les motionnaires de m'avoir adressé cette motion.
Il est évident que cette réalisation va prendre un certain temps, puisqu'on en est au niveau du projet d'étude. Dès lors, je pense que l'on peut parfaitement débattre de ce sujet en commission. Personnellement, je comprends cependant la volonté des motionnaires comme étant une demande expresse que ce sujet soit précisé dans le cadre du projet EEP 2000. C'est pourquoi je préférerais que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.
La proposition de motion est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé est rejetée par 46 voix contre 30.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous soyez plus attentifs à l'avenir. En effet, lors du vote précédent, le scrutin laissait pratiquement apparaître une proportion de un tiers de oui / un tiers de non / un tiers d'abstentions ! Cela n'est pas très sérieux !
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
pour la création d'une unité de détention et de soins encadrant les détenus condamnés pour perversions sexuelles
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que les personnes condamnées pour perversions sexuelles graves sont détenues dans des établissements pénitentiaires ordinaires;
qu'elles représentent un taux de récidive important au moment de leur sortie de prison;
que des conditions de détention et d'encadrement thérapeutique particuliers doivent être prévues;
que le canton de Genève fait partie du Concordat romand sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et jeunes adultes (E 3 9,5);
que cette unité peut être prévue dans le cadre des travaux de EEP 2000 (Etablissements d'exécution des peines 2000),
invite le Conseil d'Etat
à transmettre la demande de création d'une unité spécifique d'accueil pour détenus condamnés pour perversions sexuelles graves au groupe EEP 2000 travaillant actuellement à la création d'un établissement pénitentiaire remplaçant les Etablissements de la plaine de l'Orbe (EPO), par l'intermédiaire du représentant du département de justice et police et des transports;
à organiser une étude sur le type de soins et d'encadrement pénitentiaire nécessaires pour cette population;
à assurer une formation professionnelle ad hoc pour les professionnels appelés à encadrer ces détenus;
à tenir informée la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de l'évolution de cette demande.
La séance est levée à 19 h 15.