Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 8e séance

M 972
7. Proposition de motion de Mme et MM. Fabienne Bugnon, Christian Ferrazino et Laurent Moutinot concernant la construction de logements HBM d'ici l'an 2000. ( )M972

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 la situation du logement à Genève, en particulier le manque de logements bon marché;

 la loi pour un plan d'urgence-logements du 21 juin 1991 prévoyant la création d'au moins 3 000 logements bon marché dans un délai de huit ans (I 5 23);

 le faible nombre de logements HBM construits depuis l'adoption de cette loi;

 la nécessité d'accentuer les efforts de l'Etat dans le domaine de la construction de logement sociaux,

invite le Conseil d'Etat

1. à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, réalisés ou en cours de réalisation depuis l'adoption de la loi instituant un plan d'urgence-logements;

2. à indiquer quelles sont les opérations prévues en vertu de cette loi;

3. à faire connaître les terrains recensés pour la construction de logements HBM, en précisant notamment s'il est prévu d'en édifier sur la parcelle rachetée à l'institut Battelle, route de Drize.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En juin de cette année, quatre ans se seront écoulés depuis l'adoption, par le Grand Conseil, de la loi prévoyant la création d'au moins 3 000 HBM en huit ans.

Au 31 décembre 1991, le nombre de HBM s'élevait à 3 679, sur un parc d'habitation comprenant, à cette date, 188 677 logements au total (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1992, page 149, annexe 1).

Il y a lieu de constater qu'au 31 décembre 1992, la statistique mentionnait exactement le même nombre de HBM (3 703), sur un nombre total de 190 743 logements existants (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1993, page 162, annexe 2).

Si l'on se réfère aux statistiques récemment publiées par l'OCSTAT (Annuaire statistique du canton de Genève, octobre 1994, page 154, annexe 3), Genève recensait 3 703 HBM au 31 décembre 1993, sur un nombre total de 192 301 logements existants.

C'est dire que la loi adoptée par le Grand Conseil le 21 juin 1991 n'a pas connu, à ce jour, de concrétisation réelle. Aucun logement HBM n'a été construit en 1993 et le nombre de logements HBM existant sur le marché est actuellement inférieur à 2% du parc locatif de notre canton !

Ce constat a de quoi nous interpeller. Ce d'autant plus que les modifications législatives apportées en juin 1992 à la loi générale sur le logement (révision des taux d'effort, augmentation des surtaxes) avaient été acceptées par le parlement en raison du fait, notamment, que le produit accru des surtaxes, qui devait résulter de cette réforme, serait affecté exclusivement, et en sus des moyens mis à disposition par le budget de l'Etat, à la construction de logements sociaux, «en particulier des logements prévus par la loi pour un plan d'urgence-logements, du 21 juin 1991» (art. 39, al. 3, LGL, entré en vigueur le 1er octobre 1992).

Nécessité d'une politique active en matière de construction de logements sociaux

Bien que la crise sévît déjà à l'époque où le Grand Conseil a voté, à l'unanimité, la construction de 3 000 HBM en huit ans, le volonté d'une politique active dans le domaine de la construction de logements sociaux était clairement affirmée.

. .

«Dans le domaine de l'habitat, nous poursuivrons, sans relâche, avec les investisseurs habituels, la construction de logements à caractère social» (Mémorial du Grand Conseil 1993, page 7674).

Quelques jours après son discours d'investiture, le même magistrat devait toutefois déclarer:

«Il est certes très positif de construire de nouveaux logements, mais il faut avoir la capacité de les entretenir. Il se trouve que bon nombre d'entre eux étaient dans un état déplorable. Il pleuvait à l'intérieur de certains immeubles et il fallait les rénover. Depuis deux ou trois ans, nous avons mis sur pied un programme de rénovation qui s'élève à 300 millions. Nous dépensons 30 millions par année pour rénover le parc immobilier HBM» (Mémorial du Grand Conseil 1993, page 8369).

Dans quelle direction l'Etat entend-il aujourd'hui diriger ses efforts?

En particulier, le Conseil d'Etat est-il prêt à démontrer, chiffres à l'appui, que le logement social demeure une réelle priorité?

C'est le sens de notre deuxième invite.

Des terrains qui dorment

Vu l'état des finances publiques, il serait incompréhensible de ne pas utiliser les terrains appartenant aux collectivités publiques pour abriter de nouvelles constructions HBM.

Ces terrains, qui ne rapportent actuellement rien à l'Etat, pourraient ainsi faire l'objet d'une valorisation sociale, en abaissant considérablement le coût total de l'opération.

Le Conseil d'Etat est ainsi invité à faire connaître le potentiel à bâtir qui a été recensé à cette fin et sa localisation.

C'est le sens de notre troisième invite.

Un coup de fouet pour la construction

S'il est un secteur où la demande ne fléchit pas, c'est bien celui du logement social.

Un effort de l'Etat dans ce domaine permettrait non seulement de respecter les engagements pris par le Grand Conseil, mais également de relancer le domaine de la construction, fortement touché par la crise.

La construction de nouveaux logements profiterait ainsi non seulement à la collectivité, mais également au secteur du bâtiment, qui en a bien besoin.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à la présente motion.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). En introduction à la présentation de cette motion, je vous demanderai de bien vouloir corriger une petite inexactitude dans l'exposé des motifs. En effet, le nombre de HBM existant en 1992 était identique à celui recensé en 1993, et non pas en 1991. Les statistiques annexées permettaient d'ailleurs de la corriger de soi-même.

L'idée de cette motion est justement venue à la lecture de ces statistiques, qui nous montrent qu'entre 1991 et 1992 seuls vingt-quatre logements HBM ont vu le jour. Entre 1992 et 1993, on n'en recense aucun ! Les statistiques de 1994 ne sont, à ma connaissance, pas encore publiées.

Nous avons pu lire dans la presse aujourd'hui, suite à une conférence de presse du Rassemblement pour une politique sociale du logement, quelques chiffres pour 1994, qui ne portent pas à croire qu'à ce rythme, Mesdames et Messieurs les députés, ce sera à la fin de ce siècle que nous verrons les trois mille HBM - votées par le Grand Conseil en juin 1991 - construites !

Je vous rappelle, en effet, que le 21 juin 1991 notre Grand Conseil a adopté une loi prévoyant un plan d'urgence pour la création de trois mille logements HBM dans un délai de huit ans. Arrivés à mi-parcours, force est de constater que le calendrier aura de la peine à être tenu.

Le but de cette motion n'est pas de relancer le débat ou la polémique sur le logement. Ce débat - vous vous en rappelez - a suscité de vives polémiques lors de la précédente législature. L'utilité de cette motion est bien de rappeler la volonté de ce Grand Conseil et d'insister pour qu'elle soit concrétisée, d'autant plus que la situation économique difficile que nous traversons accroît le besoin de logements destinés à des familles dont les revenus sont modestes. Renseignements pris, il y aurait plus de mille demandes de HBM en attente auprès du secrétariat des fondations immobilières de droit public. Ces demandes étant enregistrées, elles ne concernent donc que des familles qui répondent aux conditions fixées par la loi pour pouvoir occuper des logements sociaux.

On constate que la demande existe et qu'elle est même très importante, d'où l'urgence d'y répondre. Cette motion demande au Conseil d'Etat une information précise sur ce qui a été fait depuis l'adoption de la loi en 1991. A en croire les statistiques, c'est très peu !

C'est donc notre question posée par le biais de la première invite.

Elle demande ensuite et surtout, par ses invites 2 et 3, quelles seront les réalisations de ces quatre prochaines années, ainsi que leur localisation.

Seul un engagement clair du Conseil d'Etat permettra de rattraper le temps perdu et de réaliser le plan d'urgence logements voté par ce parlement.

C'est la raison pour laquelle je vous remercie de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

M. Olivier Vaucher (L). Concerné par cette motion, je me permets d'intervenir en précisant que je suis quelque peu surpris par le contenu de l'exposé des motifs. Tout d'abord, je ne m'attarderai pas sur les raisons pour lesquelles, en 1993, aucune réalisation d'immeuble HBM n'a pu être exécutée.

Vous évoquez, Madame et Messieurs les motionnaires, le fait que dans le discours de Saint-Pierre, en décembre 1993, le président du Conseil d'Etat a souligné sa volonté de poursuivre sans relâche la construction de logements à caractère social. Je peux vous affirmer aujourd'hui que cette promesse a été parfaitement tenue ! J'en veux pour preuve les quelque deux cent vingt-trois logements HBM qui vont être remis à la location en 1996. De plus, des projets avancés sont en cours, qui, je l'espère, seront réalisés au plus tard d'ici 1997 et qui mettront à disposition de la population quelque deux cent trente logements supplémentaires. Cela fait au total quatre cent cinquante-trois logements, auxquels s'ajouteront cent nonante logements qui sont à l'étude sur les parcelles de Battelle et de Cressy.

De même, je me permets de rappeler l'acquisition qui a été faite, à fin 1992, d'immeubles anciens à rénover qui ont augmenté notre parc d'environ deux cent quatre-vingts logements. Je ne m'attarderai pas sur les projets d'achat de parcelles ou d'immeubles en cours.

Sous la rubrique «Des terrains qui dorment», les motionnaires font état des parcelles propriété des collectivités publiques en suggérant d'en faire l'inventaire de potentialité et aussi de les mettre en valeur. Je tiens à dire ici que les fondations immobilières de droit public n'ont pas attendu cette motion pour s'en occuper !

Par contre, je me permettrai de soutenir la troisième invite des motionnaires, en priant les deux conseillers d'Etat concernés de renforcer l'équipe, en effet trop faible, des deux personnes chargées d'établir la potentialité des parcelles de l'Etat. Cela nous permettrait d'obtenir un rapport précis avant la fin du mois de mai prochain et de déterminer ce que nous pouvons construire sur ces parcelles.

Enfin, je tiens à rappeler que nous avons dû renoncer aux projets très avancés de mise en valeur de nos parcelles sur certaines communes qui - cela est bien compréhensif - se sont opposées à l'augmentation de logements sociaux sur leur territoire. En accédant au désir de ces communes, nous avons dû renoncer à la construction de quelque trois cents logements, qui auraient pu être terminés en 1996 !

En conséquence de tout ce qui précède, je me permets de dire aux motionnaires que leur démarche est à mes yeux totalement superflue vu l'immense effort en cours réalisé par les fondations, en collaboration avec MM. Haegi et Joye, conseillers d'Etat, et ne puis que conclure en disant que le Conseil d'Etat in corpore tient parfaitement bien ses engagements ! D'ici l'an 2000, certes, les trois mille logements ne seront pas entièrement réalisés, mais bon nombre auront été mis à disposition de la population. Ma collègue Michèle Wavre ne pourra que confirmer mes propos. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Kunz (R). Le Grand Conseil, en 1991, a voté, sans se préoccuper de leur financement, la construction en huit ans de trois mille logements HBM, cela à une époque où les finances publiques étaient déjà catastrophiques ! Ce fut une erreur considérable, car chacun aurait pu, aurait dû, se rendre compte alors que cette loi serait inapplicable ou en tout cas seulement très partiellement applicable ! En effet, comment un grabataire pourrait-il se retourner pour sortir son porte-monnaie ?

M. Christian Ferrazino. Tu parles de toi ? (Rires.)

M. Pierre Kunz. Réclamer aujourd'hui l'application de cette loi du 21 juin 1991 et faire le procès de ceux qui seraient chargés, s'ils en avaient les moyens, de l'appliquer relèvent de la provocation pure et simple, ce qui n'étonnera personne !

En revanche, ce qui est étonnant, c'est l'incohérence d'une démarche provenant de députés qui prétendent rechercher le bonheur des locataires de ce canton; ils en sont même convaincus ! Car, dans les milieux que M. Ferrazino et M. Moutinot représentent, il me semble que ceux qui réfléchissent savent pertinemment, eux, que le système actuel d'aide à la construction et au financement du logement social ne répond plus ni aux besoins actuels de la population ni aux possibilités financières de l'Etat, qui, comme chacun le sait, intervient quasiment et exclusivement à fonds perdu. C'est ce que disait le SIT au Rassemblement pour une politique sociale du logement en 1992 déjà. Et c'est - Ô miracle ! - ce qu'a enfin reconnu ce même Rassemblement hier dans sa conférence de presse !

Alors, serait-ce parce que M. Lachat a succédé à M. Ferrazino au secrétariat de cette association ? Serait-ce parce qu'un certain réalisme semblerait succéder ainsi au dogmatisme ? L'avenir le dira !

Monsieur Ferrazino, Monsieur Moutinot, lorsque des députés radicaux, voici quelques semaines, ont proposé d'engager en urgence la réforme du système de financement des logements d'utilité publique, parce que - disaient-ils - notre canton n'a plus les moyens de poursuivre la folle politique actuelle, vous avez cru malin ou opportun de traiter ces députés de «fous», «d'irresponsables» et de «casseurs» ! Les fous, les irresponsables et les casseurs ne sont-ils pas en réalité ceux qui restent attachés à un système dépassé, intenable ? Ceux qui continuent de croire et de faire croire qu'il suffit d'édicter des lois pour changer le monde !

Monsieur Ferrazino, Monsieur Moutinot, vous et vos amis n'avez jamais voulu tenir compte des réalités économiques et financières ! Eh bien, ces réalités finissent toujours pas se venger, notamment en balayant vos belles constructions légales et réglementaires ! Et nous en avons une illustration aujourd'hui avec cette loi du 21 juin 1991 et ces trois mille logements HBM qui ne pourront pas être construits d'ici 1999 !

Mesdames et Messieurs, il faudrait rejeter cette motion, parce qu'elle est sans intérêt ! Et ce ne sont pas les rengaines relatives «aux terrains qui dorment» ou au «coup de fouet pour la construction» qui pourront donner ne serait-ce qu'une once de crédibilité à cette motion ! Pourtant, les radicaux sont disposés à en accepter le renvoi au Conseil d'Etat, qui devrait y trouver l'occasion d'expliquer aux Genevois pourquoi il est devenu indispensable - plutôt que de tenter de poursuivre un programme chimérique de trois mille logements prévus par la loi en question - de repenser et de réformer d'abord les mécanismes du système d'aide aux logements d'utilité publique.

Quoi qu'il en soit, les radicaux vous soumettront sous peu de nouvelles propositions allant dans ce sens. (Aahhh de satisfaction ironique.)

M. Christian Ferrazino (AdG). Nous venons d'entendre deux positions : celle du parti libéral et celle, à la droite du parti libéral, de M. Kunz ! Alors, je commencerai tout d'abord par le parti libéral et ensuite j'en viendrai à l'extrême droite représentée par M. Kunz ! M. Fontanet s'amuse, je vois qu'il a demandé la parole, je lui laisserai donc le soin de répondre, car il doit faire son propre ménage !

M. Bénédict Fontanet. Moi, j'ai le sens de la famille !

M. Christian Ferrazino. Je pensais que vous aviez le sens de la famille au sens large, Monsieur Fontanet !

Monsieur Vaucher, je trouve inquiétant de vous entendre déclarer que tout va bien, et même très bien ! Vous êtes content du Conseil d'Etat, ce qui n'est guère étonnant de la part d'un membre du parti libéral ! Monsieur Haegi, vous ne prenez pas beaucoup de risques, quoi que vous fassiez ce sera forcément bien dans la bouche de M. Vaucher !

Pour moi, il faut s'arrêter aux chiffres rappelés par Mme Bugnon et qui figurent en annexe de cette motion. En effet, que vous le vouliez ou non - vous n'y étiez pas pour certains et c'est peut-être mieux ! - les chiffres indiquent qu'en 1993 il y avait trois mille six cent septante-neuf HBM. L'année suivante, on est passé à trois mille sept cent trois logements. Ce sont les chiffres de l'office cantonal de la statistique.

Vous arriverez bien à faire un petit calcul avec moi, Monsieur Vaucher ? Cela fait vingt-quatre logements de plus en une année ! En 1994, l'année suivante, on est toujours au même stade : de trois mille sept cent trois à trois mille sept cent trois - vous arrivez à me suivre ? - cela fait zéro ! (Rires.) Cela signifie qu'en trois ans seulement vingt-quatre HBM ont été construites ! Et ce soir, nous entendons M. Vaucher prétendre que nous sommes les meilleurs en mettant vingt-quatre HBM sur le marché ! Mais ce n'est pas tout : il nous dit que d'ici 1997 il y en aura d'autres !

Monsieur Vaucher - et je réponds aussi à M. Kunz qui regrette que le Grand Conseil ait voté, en 1991, cette loi à l'unanimité - je ne crois pas que le Grand Conseil se soit unanimement trompé, car avant d'adopter cette loi, il a entendu les déclarations du Conseil d'Etat. Relisez le Mémorial de l'époque, cela vous intéressera, Monsieur Kunz ! Le Conseil d'Etat disait précisément qu'il convenait d'attirer l'attention du Grand Conseil sur le fait que construire trois mille logements en moins de dix ans engendrerait de nombreuses dépenses et que, la situation économique en 1991 étant ce qu'elle était, il fallait prendre cet engagement de façon consciente pour pouvoir le réaliser. C'est donc bien sur la base de ce constat d'une situation économique difficile que cet engagement a été pris ! (L'orateur est interpellé et contesté par M. Kunz.) La preuve de la nécessité de cette motion, Monsieur Kunz - merci de me le rappeler...

La présidente. Monsieur Kunz ! (La présidente, fâchée, rappelle M. Kunz à l'ordre en faisant sonner sa cloche.)

M. Christian Ferrazino. Madame la présidente, ça lui fait du bien de s'exprimer ! (Rires.)

Le mérite de cette motion, justement, est de rappeler qu'au rythme adopté depuis l'acceptation de cette motion ce n'est pas à la fin de ce siècle, ni même à la fin du siècle prochain, que l'on arrivera à l'objectif fixé ! Monsieur Haegi, vous savez pertinemment que l'engagement pris devant ce Grand Conseil et voté par lui, voulu par le parlement, ne sera pas respecté ! On peut se livrer à des petits calculs simples : vingt-quatre logements en trois ans, cela fait deux cent quarante en trente ans, soit deux mille quatre cents en trois cents ans ! (Rires et applaudissements.)

Je crois que c'est M. Kunz qui a parlé de la conférence organisée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement. Je ne sais pas quel journal vous lisez, Monsieur Kunz, mais, apparemment, vous n'avez pas lu le bon, car vous avez dit le contraire de ce qui y a été exposé ! Mon ami David Lachat, qui m'a succédé au poste de secrétaire, ne dit pas autre chose que ce que le Rassemblement a toujours dit, à savoir que l'effort de l'Etat en matière de logement social est beaucoup trop faible. D'ailleurs, si vous aviez lu l'article jusqu'au bout, vous auriez constaté que M. Haegi s'est vu gratifier d'un carton jaune par M. Lachat, précisément parce que la volonté manifestée par ce parlement n'a pas été respectée par le Conseil d'Etat dans la mise sur le marché des nombreux logements HBM.

Voilà le sens de cette motion. Certains souhaitent enlever des invites et n'en retenir que d'autres. A mon avis, elles sont pertinentes toutes les trois ! D'une part, elles nous permettront non pas d'entendre les grands discours creux de certains - je pense à vous, Monsieur Kunz ! - mais d'obtenir un certain nombre de chiffres : quelles sont les HBM qui ont été construites et à quel endroit, quelles sont les HBM qui ont été projetées à la construction et pour quelle date, et, enfin, de faire un recensement des terrains de l'Etat afin de pouvoir mieux cerner les endroits où des constructions pourraient être réalisées rapidement.

Certains ont voulu trouver un esprit polémique à cette motion - Mme Bugnon l'a rappelé tout à l'heure - or les motionnaires n'étaient animés - et le sont toujours - que de la seule volonté de voir le Conseil d'Etat respecter enfin le désir manifesté par ce Grand Conseil en juin 1991, lorsque ce parlement a adopté cette loi pour la construction de trois mille logements avant la fin de ce siècle !

M. Laurent Moutinot (S). Je ne rajouterai pas grand-chose aux propos de M. Christian Ferrazino, si ce n'est de m'étonner, une fois encore, des réactions suscitées par la moindre motion portant sur le logement !

Nous avons simplement voulu - ce qui ne paraît pas étonnant - demander où en est l'application d'une loi votée par ce Grand Conseil en 1991. Nous entendons - comme d'habitude, lorsque l'on pose des questions sur le logement - des anathèmes parfaitement déplacés et des analyses pour le moins audacieuses. Les analyses de M. Vaucher et de M. Kunz sont contradictoires, ce qui est surprenant. Pour une fois, Monsieur Vaucher, nous souhaitons que vous ayez raison et que les choses aillent aussi vite que vous le dites !

Il est vrai que les mêmes sommes sont dépensées pour le logement social depuis de nombreuses années et que l'inflation engendre une baisse dans la réalisation. C'est la raison pour laquelle, probablement, ces HBM tardent tant à être disponibles.

Je rappelle aussi que, s'il y a eu, et s'il y a, dysfonctionnement dans le domaine du logement social, Monsieur Kunz, c'est que les HLM, et plus précisément les HCM, n'arrivent plus à répondre à la demande de ceux qui ont véritablement besoin de l'aide de la collectivité, d'où la nécessité, unanimement reconnue à l'époque par le Grand Conseil, de mettre principalement l'accent sur les HBM. Notre préoccupation à ce sujet a engendré une question d'une simplicité et d'une évidence - me semble-t-il - incontournable : celle de savoir où nous en sommes, ce qui est prévu et ce qui peut être fait pour que les décisions du Grand Conseil de l'époque soient respectées !

Monsieur Kunz, vous nous annoncez des projets en la matière. S'il s'agit de projets radicaux, je les examinerai, mais s'il s'agit de vos propres projets, je serai inquiet, parce que votre motion précédente nous laissait apparaître une vision du logement social totalement inapplicable à Genève !

M. Bénédict Fontanet. M. Ferrazino m'a laissé le privilège de répondre à M. Kunz, avec lequel je ne serai pas d'accord ce soir. Monsieur Ferrazino, il est rare que nous soyons d'accord, mais nous allons nous rejoindre...

M. Bernard Lescaze. Ça devient inquiétant !

M. Bénédict Fontanet. Non, non, ne vous inquiétez pas pour moi, Monsieur Lescaze ! J'assume ! (Rires.)

Je préciserai simplement que M. Kunz ne fait pas partie de ma famille. On ne choisit pas sa famille : on choisit ses amis ! Je me ferai donc un plaisir de répondre à M. Kunz. Nous avons, nous démocrates-chrétiens, le coeur large, comme vous le savez. Simplement nous devons constater, à la séance de la reprise du soir, les effets parfois ravageurs du Gamay à la pause de 20 h ! (Rires.) Je suis sidéré par ce discours, car il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises lois, celles que l'on applique et celles que l'on n'applique pas !

Il n'est pas normal, dans notre canton, de ne pas pouvoir se loger dans de bonnes conditions sans qu'un logement soit subventionné, tout cela parce que le marché genevois du logement ne permet pas de produire des logements suffisamment bon marché pour que la majorité de la population puisse s'y loger. Notre système nous est envié par bien d'autres cantons en Suisse, même s'il n'est pas parfait, mais il m'apparaît que le système de subventionnement à la pierre a fait ses preuves et qu'il a largement démontré ses qualités. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, si ce système n'existait pas on ne construirait pas beaucoup dans ce canton, et la crise, déjà considérable dans le secteur de la construction, serait potentialisée.

Par voie de conséquence, nous démocrates-chrétiens, c'est bien volontiers que nous accueillons cette motion et que nous la renverrons au Conseil d'Etat. Nous referons encore le traditionnel débat que nous avons sur le subventionnement à la pierre et le subventionnement à la personne, qui revient périodiquement tous les six mois dans ce Conseil ! Moi, je persiste à penser que c'est le meilleur des systèmes - même s'il doit être un peu amélioré dans le cadre des lois HLM - et qu'il faut s'y tenir. Le système du subventionnement à la personne donne l'impression de faire la charité à des gens pour qu'ils puissent se loger décemment, ce qui est un inconvénient, à mon avis, et qui me semble peu admissible !

C'est pourquoi nous renverrons bien volontiers cette motion au Conseil d'Etat.

M. David Hiler (Ve). Je me sens tout de même obligé de donner une ou deux informations à M. Kunz à propos de la position du SIT, parce que le sujet est important.

L'idée du Rassemblement et de ses forces internes est que si dysfonctionnement du système il y a c'est qu'il ne fonctionne pas assez pour ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire la clientèle des HBM. C'est donc plutôt à l'égard des HLM qu'un certain nombre de critiques ont été émises dans les milieux proches du Rassemblement. Mais d'autres solutions sont à l'étude dans des séminaires ouverts au public. M. Kunz devrait les fréquenter !

Ce qui m'inquiète véritablement dans la prise de position de M. Kunz - c'est pour cela que j'interviens - c'est qu'il se trouve que j'ai lu l'ensemble de la littérature publiée par la Chambre genevoise immobilière et l'Union genevoise des intérêts immobiliers depuis 1918. Or, ces milieux de droite n'ont jamais attaqué l'aide à donner aux plus démunis. Ils ont attaqué une déviation du système, considéré que la classe moyenne était quelque peu avantagée par ces systèmes, et ils ont regretté, de ce fait, que l'initiative individuelle ne soit plus encouragée. Mais jamais, ô grand jamais - puisque, au contraire, d'une certaine manière, ce sont les ancêtres du parti libéral qui ont lancé, en leur temps, le logement philanthropique - on n'a entendu quelqu'un oser dire qu'il ne fallait pas aider ceux qui en avaient le plus besoin !

C'est pourtant exactement ce qu'a dit M. Kunz ! Vous me permettrez tout de même de craindre le type de société sur lequel vos propositions aboutiraient, parce que si votre discours n'appelle pas ouvertement à l'exclusion, alors je ne vois pas où il veut en venir ! Lorsque les gens ne veulent plus aider les plus pauvres, il me semble que cela est grave ! (Applaudissements.)

M. Olivier Vaucher (L). Suite aux interventions de M. Ferrazino et M. Moutinot, permettez-moi d'apporter quelques compléments d'information.

Monsieur Ferrazino, je constate, une fois de plus, que vous n'avez pas écouté les chiffres que j'ai donnés à propos du nombre de logements. Je peux vous les redonner, s'il le faut : j'ai la liste sous les yeux, avec l'emplacement et la date de réception et de mise en location de ces logements. En général, Monsieur Ferrazino, vous n'écoutez que vous-même, et vous avez de la difficulté à entendre le discours des autres !

Monsieur Moutinot, j'aimerais vous réconforter ! Vous nous faites part de votre étonnement face à la réaction suscitée par la motion. Je crois qu'elle est tout à fait normale de la part de personnes comme Mme Wavre - qui est une de mes collègues dans les fondations - et moi-même, vu le travail et les efforts immenses que nous déployons pour pouvoir mettre en application la loi votée en 1991.

Monsieur Ferrazino, pour ne pas polémiquer, je n'ai pas évoqué les raisons pour lesquelles quelque quatre cents logements n'ont pas pu être réalisés dans les années 1990 à 1993. Je ne reviendrai pas là-dessus, vous me comprenez certainement ! Tout est à faire, mais les efforts sont poursuivis. Près de huit cents logements seront mis sur le marché dans les deux prochaines années, ce qui n'est pas négligeable ! De surcroît, Monsieur Ferrazino, j'ai le privilège d'avoir dans ma fondation un membre de l'Alliance de gauche. S'il était présent au Conseil, il pourrait vous informer de tous les efforts qui sont déployés.

M. Pierre Kunz (R). Du côté de M. Ferrazino ou de M. Moutinot, je comprends bien que l'on n'apprécie pas mon discours, qui a au moins le mérite de la clarté !

Par contre, j'avoue que je suis surpris de la réaction de M. Fontanet, car j'ai l'impression d'entendre son père dans les années 1960... (Rires.) ...défendre un système qui, à l'époque, effectivement, donnait toute satisfaction ! Monsieur Fontanet, ne pas avoir aujourd'hui le courage, quand on est jeune comme vous, qu'on n'a pas encore quarante ans... (Rires et remarques fusent.) ...de reconnaître qu'il faut construire le monde de demain, cela me semble inquiétant ! Ça, c'est pour mes amis !

Une voix. Il t'en reste ! (Eclat de rire général.)

M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les députés des bancs de l'opposition qui vous êtes exprimés, vous devrez au moins reconnaître que, contrairement à ce que vous affirmez, vous ne pourrez jamais trouver dans mes interventions la moindre attaque contre la nécessité de construire des logements sociaux, que ce soient des HLM ou des HBM ! Je vous le répète, jamais vous ne pourrez trouver ces mots dans mes écrits...

L'assemblée. Aahh ! (Commentaires et remarques vont bon train.)

Une voix. Et dans le Mémorial ?

M. Pierre Kunz. ...ni d'ailleurs dans le Mémorial ! Il est trop facile d'interpréter comme cela vous arrange ! Je pourrais aussi me livrer à ce petit jeu, mais je m'en abstiendrai toujours, soyez-en certains !

Vous qui vous référez à ma mauvaise interprétation du discours du SIT et du Rassemblement pour une politique sociale du logement, j'ai sous les yeux un texte de ce dernier qui reprenait des propositions présentées par le SIT, en 1992 déjà. Je ne vais pas vous en faire toute la lecture, mais je me contenterai de vous en lire un passage. Je cite : «Le programme de réalisation des trois mille logements HBM, alors qu'il a été voté par le Grand Conseil, est mis de côté.». Il ajoutait : «...et on ne parle même plus du fameux bonus-loyer.».

Cela prouve que certaines personnes, au sein des mouvements qui défendent les locataires, sont honnêtes, courageuses et qu'elles réfléchissent !

M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Kunz, je vous remercie de me citer, parce que c'est moi qui ai écrit cette phrase ! (Rires.) Vous devriez me lire plus souvent ! Mais, apparemment, comme vous avez quelque difficulté à comprendre vos lectures, j'aurai le plaisir de vous les expliquer !

Il fallait comprendre dans la phrase que vous avez lue que, précisément, le subventionnement HLM ne pouvait plus continuer comme il fonctionne aujourd'hui. (L'orateur est interpellé par M. Kunz.) Oui, j'y viens, mais, avec vous, il faut procéder de manière pédagogique ! Je vais le faire par étape ! Oh, doucement ! (Rires.)

Lors d'un précédent débat portant sur le subventionnement - M. Fontanet avait eu l'occasion de le relever - débat que nous avions eu suite à la motion d'un député un peu illuminé de ce parlement - je ne sais plus de qui il s'agit, mais cela vous rappelle peut-être quelque chose, Monsieur Kunz ! - nous avions mis en évidence le fait qu'on ne pouvait pas continuer à subventionner impunément les HLM. Pourquoi ? Mais parce que, au bout de vingt ans, l'Etat n'a plus aucun contrôle sur ces logements, et vous savez qu'avec les jurisprudences que nous connaissons cela provoque l'explosion des loyers, et, de ce fait, ces logements n'ont absolument plus rien de social !

Par conséquent, vu l'état des finances de l'Etat, nous devions avoir des priorités, et la plus importante est le texte que nous avons sous les yeux. Oui, Monsieur Kunz, le texte que vous lisez et relisez ! Mais je peux vous l'expliquer oralement ! La priorité est de porter les efforts sur les HBM. Quelle est la différence, Monsieur Kunz, entre les HLM et les HBM ? Eh bien, les premiers sont en main de propriétaires privés qui obtiennent un subventionnement à l'exploitation des pouvoirs publics, mais pendant une période très limitée. Au-delà de cette période, ils sortent du contrôle de l'Etat, ce qui fait que les loyers explosent, et ces logements perdent leur caractère social.

Par contre, les HBM - c'est l'objet de notre motion et de la loi du 21 juin 1991 - se trouvent dans des immeubles qui restent indéfiniment en main des pouvoirs publics, par le biais des fondations de droit public. C'est pour cela que le parlement a voté la construction de ces trois mille HBM. Voilà l'intérêt, Monsieur Kunz, de mettre sur le marché des logements dont les loyers sont bas pour les personnes qui en ont vraiment besoin, d'autant qu'ils manquent cruellement à Genève. Vous savez que ces logements sociaux représentent moins de 2% de la totalité du parc locatif. Ce chiffre figure dans le texte que vous avez sous les yeux. C'est dommage qu'il ne vous ait pas interpellé.

Monsieur Kunz, je lis également les journaux de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève, que vous devez certainement lire attentivement ! Elle nous annonce l'organisation d'un grand débat, un marché international des professionnels de l'immobilier - nous en aurons peut-être des échos, puisque je vois que M. Philippe Joye est invité à y participer - sur le thème suivant : «On peut à nouveau construire et investir à Genève !».

Nous ne demandons rien de moins que cet effort de construction et d'investissement se fasse dans le cadre des HBM, en application de la volonté manifestée par ce Grand Conseil.

M. Bénédict Fontanet. Je suis heureux de faire l'objet de la sollicitude de M. Kunz, mais je tiens à le rassurer, je n'ai pas le sentiment de m'être trompé de parti...

M. Bernard Lescaze. De génération !

M. Bénédict Fontanet. Non, non, il m'a bien dit que je m'étais trompé de parti et de génération ! Même si j'ai beaucoup de respect pour mon père, je ne me trompe pas de génération non plus ! Les années 1960 sont de nouveau à la mode, Monsieur Kunz, et peut-être qu'en matière de logement vous feriez bien de vous y reporter, notamment s'agissant des fameuses lois Dupont qui ont été votées à la fin des années 50 et au début des années 60.

Je vous sais gré d'ailleurs de me laisser le panache de la jeunesse et de l'énergie; vous n'en manquez pas non plus. Mais, lorsque vous peignez ce système HLM-HBM comme étant un système catastrophique faisant faillite, je ne vois pas à quoi vous vous référez, parce que je n'ai pas le sentiment - et je peux prétendre connaître un tout petit peu et le marché du logement et le marché de la construction, compte tenu des activités professionnelles qui sont les miennes - que ce soit le cas. A mon avis, ce système est satisfaisant, il fonctionne bien, même s'il peut être amélioré.

Nous attendons donc avec plaisir les propositions du groupe radical en la matière. En effet, jusqu'à présent, vous nous avez dit que tout était nul et qu'il fallait tout stopper, mais vous ne proposez rien de bien constructif !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. D'ores et déjà, j'accepte volontiers cette motion. C'est en effet l'occasion de mettre par écrit un certain nombre de chiffres qui apporteront des précisions au flou de ce qui a été dit ici, et je proposerai un amendement :

«à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés, ou en cours de réalisation...».

Mais je ne vous ferai pas attendre plus longtemps pour vous donner des renseignements précis. Nous avons, depuis le vote de l'initiative pour la construction des trois mille logements HBM, réalisé deux cent onze logements, qui ont représenté 66,5 millions et qui ont été dotés à hauteur de 13,8 millions, grâce à votre accord.

Nous avons deux cent vingt-quatre logements en construction, qui représentent 80 millions et des dotations de pratiquement 23 millions. Nous avons en projet près de quatre cent cinquante logements. Je les situe pour être précis : à la route de Saint-Julien, à l'avenue Soret - c'est un projet assez important d'une soixantaine de logements - à l'avenue de la Roseraie, au Nant-de-Crève-Coeur à Versoix, à la rue Jean-Simonet, à la rue de Lancy, à la route du Pont-de-la-Fin, au périmètre Battelle et au périmètre Cressy. J'espère pouvoir ajouter le nom de Lancy, et souhaite également que le plan localisé de quartier de Thônex-Vallard - dossier bloqué depuis bientôt quinze ou vingt ans - pourra enfin avancer. Nous ne sommes pas responsables de ce blocage.

Et puis, sans vouloir polémiquer, si nous avions pu construire quelques logements sociaux à Sécheron, cela n'aurait pas été négligeable. Si l'on pouvait en construire sur le périmètre de Tavaro, cela serait également très positif. Quand la Ville de Genève déclare qu'il faut laisser des friches industrielles et ne pas construire de logements sociaux sur le périmètre de Tavaro, comprenez, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il n'est pas toujours simple de trouver des terrains appropriés pour réaliser le programme que vous appelez de vos voeux et que j'aimerais conduire à son terme dans la mesure que je préciserai tout à l'heure. Les projets que je viens d'évoquer représentent plus de 130 millions et 25 millions environ de dotations.

Cela étant, durant la même période, nous avons acheté et rénové des immeubles : nonante-cinq logements pour 14,5 millions et 5,5 millions de dotations. Nous avons à l'étude environ onze immeubles, deux cent quatre-vingts logements pour 32,5 millions et 11,5 de dotations. Nos projets d'achat portent sur vingt-cinq logements, pour un montant de 6,5 millions et 2,2 millions de dotations. Le total de ces achats d'immeubles se monte à 53,5 millions et le total des dotations à 19,2 millions. Les rénovations terminées s'élèvent au nombre de huit cent cinquante-huit. C'est bien de vouloir construire, mais encore faut-il entretenir ce qu'on possède déjà ! Je vous l'ai déjà dit et je vous le répète : les travaux se situent à hauteur de 43 millions environ et deux cent trente-quatre logements sont en cours de rénovation. (L'orateur est gêné par les bavardages des députés libéraux. La présidente tape sur sa cloche pour ramener l'ordre.) Franchement, ce n'est pas très sympa !

La présidente. Mesdames et Messieurs les libéraux, c'est votre conseiller d'Etat qui s'exprime !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Les rénovations en cours portent sur un montant de 14 millions, les projets de rénovation sur cinq cent quarante-huit appartements et 38 millions. C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons lancé un programme de rénovation de nos immeubles qui touche mille six cent quarante appartements et qui représente 95 millions de travaux ! Notre plan décennal concernant les rénovations s'élève à 300 millions de travaux. Jamais un programme aussi soutenu n'a été conduit dans le domaine des HBM ! Alors, oser dire qu'il ne se passe rien est tout à fait faux ! Peut-être n'avez-vous pas eu l'opportunité de prendre connaissance de ces chiffres, mais je sais qu'un certain nombre de personnes dans cette salle les connaissait, ce qui ne les a pas empêchées de s'exprimer comme elles l'ont fait. Si mes propos ont pu les rassurer, tant mieux !

Il est vrai que le programme des trois mille logements n'est pas engagé, et la situation ne nous permet pas de penser qu'on pourra le réaliser. On peut penser ce qu'on veut du ton employé par M. Kunz, mais au moins son discours comporte une certaine lucidité par rapport aux chiffres et au temps dont on dispose. Un programme de trois mille logements - l'ancien Conseil d'Etat l'avait dit à cette époque... (L'orateur voit M. Grobet discuter avec M. Ferrazino.) Allez, Monsieur Grobet, soufflez donc à M. Ferrazino ce qu'il devra dire tout à l'heure !

Une voix. Il n'a pas besoin de ça !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. En effet, en principe il n'a pas besoin de ça !

Une voix. Vous voulez qu'on vous aide ?

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Non, ce n'est pas nécessaire !

M. Christian Grobet. Essayez de construire !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Oui, c'est cela ! Vous avez empêché de construire pendant douze ans, alors je vous en prie !

Ce programme représente 1,2 milliard. Ce sont des chiffres exacts. Pour pouvoir le conduire à son terme, ce sont plus de 350 millions de dotations qu'il faudra verser. C'est une réalité. Quand certains prétendent que rien n'a changé depuis 1991, c'est faux ! Si les choses ne se présentaient pas très bien en 1991, aujourd'hui, elles se présentent encore plus difficilement. Nous n'avons pas été freinés dans notre élan pour cette seule raison, mais également parce que les disponibilités en terrains étaient insuffisantes pour réaliser des HBM à un prix raisonnable.

Mesdames et Messieurs, pourquoi ai-je commencé par acheter des immeubles anciens ? Parce qu'en 1991/92 les constructions ainsi que les terrains coûtaient trop cher. Cela aurait été faire un mauvais usage des deniers publics que de concentrer des sommes excessives sur quelques réalisations. Il était plus intelligent d'acheter des immeubles anciens à des prix raisonnables. Ce n'était pas s'éloigner de l'initiative que de le faire, puisque celle-ci prévoit, précisément, que nous pouvons acheter des immeubles anciens. Sept cent cinquante appartements sont prévus dans le programme en question. C'est une bonne partie de ce programme de l'initiative et de celui du Conseil d'Etat que j'ai pu réaliser avec votre aide; c'est dire que le programme est engagé.

Dès qu'il a été possible de construire à un prix moins élevé, j'ai dit clairement aux représentants du Rassemblement que je serai loyal dans mon engagement, et que nous soutiendrons tous les projets que nous pourrions soutenir. C'est ce que nous faisons.

Nous n'atteindrons probablement pas le chiffre des trois mille logements, mais vous aurez la satisfaction d'avoir apporté indiscutablement une contribution déterminante pour que les logements sociaux, dont nous avons absolument besoin, soient réalisés. J'ai même indiqué que l'objectif de trois mille logements ne suffisait pas. Mais il ne faut pas seulement parler de HBM, même si ce mot sonne bien à l'oreille; il faut parler d'une politique sociale de manière plus globale. Certains appartements HLM coûtent meilleur marché que des HBM ! Certains appartements libres coûtent meilleur marché que des HBM ! Ce qui intéresse les locataires c'est d'avoir un loyer raisonnable pour un appartement qui soit agréable. C'est donc dire que la politique sociale ne passe pas seulement par les HBM. Le sujet est plus vaste que cela, et les spécialistes de ce secteur le savent bien.

J'ose espérer qu'au cours de ces prochains mois nous aurons les soutiens nécessaires pour pouvoir débloquer un certain nombre d'opérations qui nous permettront de réaliser le programme évoqué.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été plus long que je ne le suis d'habitude, parce que je tenais à vous donner des précisions et à localiser les objets que nous avons réalisés, ou ceux sur lesquels nous avons des projets. Mais c'est un véritable plaisir pour moi de vous préparer un document en bonne et due forme, qui vous précisera ce que nous avons fait et quelles sont nos intentions, en sachant d'ores et déjà que je peux compter sur l'unanimité de ce Grand Conseil pour activer cette politique en matière de construction de logements sociaux.

La présidente. Monsieur Christian Ferrazino, c'est la troisième fois que vous prenez la parole !

M. Christian Ferrazino (AdG). Je prends acte des constats qui viennent d'être faits par M. Haegi.

Tant mieux si l'effort du Conseil d'Etat se manifeste et continue à se manifester ! Seulement les chiffres que vous avez cités ont été remis au Rassemblement. Cela est vrai, mais alors il faudrait préciser qu'ils portent sur une période allant de 1990 à 1994, soit avant l'adoption de la loi par ce parlement, puisque - je vous le rappelle - elle remonte au mois de juin 1991. C'est dire que le nombre exact est malheureusement bien inférieur à celui qui découle des statistiques que vous venez de donner. C'est ce que le Rassemblement a d'ailleurs souligné.

Vous aviez certainement raison de répondre ainsi à la loi, puisque sept cent cinquante logements devaient être achetés, mais, Monsieur Haegi, vous citez deux cent quatre-vingts logements achetés, nonante-cinq logements achetés et rénovés et un projet d'achat de vingt-cinq logements. Mais acheter des logements ne crée pas de logements, puisqu'ils existent déjà ! L'effort doit porter en priorité sur la construction de logements, Monsieur Haegi !

Je vois que M. Gardiol m'écoute avec attention, tant mieux, car ce que je vais dire intéresse vos milieux ! Construire aujourd'hui des logements sociaux en fonction d'une demande existante, c'est permettre au secteur du bâtiment la relance qu'il attend depuis longtemps. Il ne faut donc pas se cantonner à acheter des logements existants, qui ne procurent aucun logement supplémentaire sur le marché. En construisant des HBM vous répondez au double souci qui est celui d'augmenter le parc locatif dans son ensemble et de permettre un redémarrage du secteur de la construction.

Enfin, pour terminer, j'aime vous entendre dire, Monsieur Haegi, que le logement social doit rester une priorité. Je partage cette préoccupation, mais j'en tire des conclusions qui ne sont pas forcément les mêmes que les vôtres ! En effet, j'ai cru comprendre qu'à votre instigation le Conseil d'Etat avait déposé un projet de loi devant ce parlement, actuellement examiné en commission du logement, pour qu'une partie des deniers publics réservés au logement social soit versée à des gens dont les revenus atteignent 100 000 F par année pour pouvoir acquérir leur propre logement. Alors, si nous nous mettons d'accord sur la notion de logement social et qu'il faut donner une priorité au logement social, vous m'accorderez que ce n'est pas pour aider des personnes dont le revenu est déjà très confortable.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je suis surpris des remarques de M. Claude Haegi. En tant qu'ancien magistrat de la Ville de Genève, je suis étonné qu'il ne soit pas favorable à la diversification dans les communes, soit l'habitat, le commerce et l'industrie. Il dit également que la Ville de Genève s'oppose à des constructions sur les périmètres de Sécheron ou de Tavaro.

Je rappelle - ce qui n'est pas sans rapport avec son mandat de maire de la Ville de Genève et conseiller administratif - l'affaire des Acacias, avec la perte de la Tarex, l'affaire de la SIP, qui a fait perdre un secteur industriel à Plainpalais, l'affaire des Charmilles, où on a créé une importante zone de logements, et c'est tant mieux ! Les secteurs industriels et artisanaux de Genève doivent le rester. Je suis surpris que vous ne soyez pas pour la diversification. Vous qui avez été magistrat de la Ville de Genève, Monsieur Haegi, vous auriez dû vous souvenir de votre ancienne fonction ! La commune d'Onex souffre de ce manque de diversification pour avoir tout axé sur le logement, et l'on voit ce que cela occasionne s'agissant des centimes additionnels.

M. Christian Grobet (AdG). Puisque mon ancien collègue, Monsieur Haegi, m'a pris à partie, je vous donne rendez-vous dans trois ans !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Ça, je l'ai bien compris !

M. Christian Grobet. Mais vous ne savez pas pourquoi je vous donne rendez-vous ! (Rires.) Je vous donne rendez-vous - pas pour ce que vous imaginez ou pour ce que certains imaginent ! - mais pour faire le bilan en matière de construction à Genève, après quatre ans de votre gouvernement.

Vous avez fait allusion au secteur de la construction à l'époque où je dirigeais le département des travaux publics. Lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, on construisait à Genève, tous secteurs confondus, pour 1,2 milliard de francs. A la fin des années huitante, on a dépassé la barre des 3 milliards de francs, en francs constants...

M. Claude Blanc. Avec des crédits supplémentaires !

M. Christian Grobet. Oh, écoutez, on en reparlera, Monsieur Blanc ! (Rires.) On en reparlera, parce que j'ai présenté beaucoup de crédits de bouclement sans dépassement réel, et vous le savez ! (Les députés libéraux interpellent l'orateur.) Le volume de la construction a triplé à Genève, et, en moyenne, il y a eu plus de deux mille nouveaux logements par année. Monsieur Haegi, je vous le répète, je vous donne rendez-vous dans trois ans, et on verra si le Conseil d'Etat en fait autant !

M. Armand Lombard. Vous êtes prétentieux !

M. Christian Grobet. Monsieur Lombard, je ne suis pas prétentieux. Je dis simplement que l'on verra les résultats ! Le reste, c'est du blablabla ! Ce sont les chiffres qui comptent.

C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas satisfaits de la manière dont l'initiative des trois mille logements HBM a été concrétisée, car le Conseil d'Etat a consacré beaucoup d'argent à l'achat d'immeubles. Certains immeubles ont peut-être été rachetés à bon escient, suite à des erreurs de gestion d'une institution publique - institution viagère, qui remonte à 1850, gérée par vos amis, comme vous le savez - qui voulait vendre des immeubles d'habitation. Et vous avez bien fait d'éviter cette erreur en rachetant ces immeubles à cette caisse d'assurances sur la vie pour lui sauver la mise.

Comme l'a souligné M. Christian Ferrazino - je me permets de le relever à mon tour - le but de l'initiative, même si elle laissait la possibilité d'acheter des immeubles, portait essentiellement sur la construction de logements nouveaux. Je veux bien admettre qu'il n'est pas facile de réaliser un tel objectif, mais le résultat nous paraît insuffisant. On ne compense pas la création de logements nouveaux par l'achat d'immeubles anciens, ce d'autant plus que, en période de basse conjoncture dans le domaine de la construction, il est évident que les crédits auraient été plus utiles s'ils avaient été affectés à la construction de logements plutôt qu'à l'achat d'immeubles. Du reste, le silence de M. Gardiol à ce sujet est étrange, lui qui, il n'y a pas si longtemps, déposait des motions démagogiques au nom de la FMB pour faire plus d'efforts dans le domaine de la construction. Or, l'achat n'est pas un investissement productif. La rénovation, par contre, joue un rôle positif et nous saluons vos efforts dans ce sens.

Vous avez évoqué le manque de terrains pour les logements HBM. Je crois savoir qu'il y en a tout de même un certain nombre de disponibles. Par voie de conséquence, l'initiative vient à point nommé pour effectuer le recensement des terrains de l'Etat. J'en connais, et vous les connaissez aussi ! (M. Daniel Ducommun interpelle l'orateur.) Oh, Monsieur Ducommun, je sais que les radicaux ont des problèmes après une certaine heure !

La présidente. Monsieur Ducommun, cela suffit !

M. Christian Grobet. M. Ducommun participe à des repas bien arrosés, et il a de la peine...

M. Daniel Ducommun. (Avec force.) Monsieur Grobet, sortez du commun pour une fois ! (Rires.)

M. Christian Grobet. Mon Dieu ! (Rires.) Quelle élévation ! Vous, vous feriez mieux de retourner à la buvette !

Pour terminer, cette motion permettra de faire un bilan global, et c'est avec beaucoup d'intérêt que nous l'attendons.

M. René Koechlin (L). La question posée par les motionnaires est parfaitement légitime. En ce qui me concerne, il y a fort longtemps que je me la pose. Et je n'ai pas attendu l'initiative des trois mille HBM pour le faire.

Des HBM, il y a des années que je cherche à en réaliser ou que je m'efforce de promouvoir ce type de logements, par idéalisme personnel, parce que je suis conscient de la nécessité de construire des logements bon marché, avec l'aide des pouvoirs publics, pour toute une catégorie de la population. Je suis étonné que M. Grobet n'ait pas évoqué, lui qui pendant douze ans présidait le département des travaux publics, les difficultés en tout genre rencontrées par ceux qui veulent construire de tels logements, difficultés nombreuses qui émanent de toute sorte de milieux.

D'abord, il y a les entraves politiques. Lorsque vous présentez un projet de HBM dans une commune, avec tous les éléments en main pour le réaliser, celle-ci manifeste une réticence polie, car la clientèle concernée n'est pas des plus intéressantes d'un point de vue fiscal. Les communes en veulent bien, mais à dose homéopathique, pour reprendre les termes de conseillers municipaux de tous bords !

Et puis, il y a les difficultés structurelles et économiques. En effet, lorsqu'on se propose de construire, il faut d'abord trouver des terrains et, qui plus est, des terrains dont le prix n'est pas prohibitif pour ce type de constructions. Les instances propriétaires, que ce soit une commune ou l'Etat, par le biais d'une fondation, refusent de mettre leurs terrains à disposition à un prix raisonnable. J'en connais pourtant qui pourraient faire l'affaire. Le projet, de plus, doit être économique. Or, des projets de logements économiques, j'en ai plein mes tiroirs; toutefois, ils impliquent un certain nombre de restrictions nécessaires. Par exemple, ils ne comportent pas de sous-sol, et les places de parking sont en surface. Essayez d'obtenir des communes, ou des services publics concernés, des places de parking exclusivement en surface et vous verrez la réponse qu'ils vous donneront ! Ces problèmes d'ordre structurel et technique sont réels. Ils ne font qu'amplifier les difficultés rencontrées pour construire ces logements.

Il y a enfin les entraves administratives dont je vous ferai grâce, car elles sont nombreuses, comme pour n'importe quel autre projet d'ailleurs.

Il est facile de réclamer des logements économiques lorsqu'on est demandeur. Mais lorsqu'on est à la place de celui qui cherche à les offrir, honnêtement et sincèrement, je peux vous dire que cela n'est pas facile. Pourtant, ce n'est pas la volonté qui fait défaut. Monsieur Grobet, si vous êtes intellectuellement honnête, vous reconnaîtrez que j'ai cherché maintes fois à réaliser de tels logements.

Je sais gré au conseiller d'Etat chargé du logement d'accepter cette motion, car elle est un stimulant de plus, utile non seulement sur le plan politique, mais aussi sur les plans technique et professionnel. J'y suis donc favorable, tout en sachant qu'une motion n'est qu'un texte et du papier, un manifeste d'intentions qui se traduit par des questions posées à l'exécutif cantonal qui, lui, en dépit de toute la bonne volonté qu'il prodiguera, ne pourra pas obtenir les résultats sensationnels auxquels on pourrait s'attendre. Nous devons tous contribuer à aider l'exécutif et, avec lui, les personnes qui cherchent à réaliser ce type de logements; alors peut-être qu'on en réalisera davantage, mais c'est une condition sine qua non ! (Applaudissements.)

M. Jean Opériol (PDC). J'aimerais simplement décanter et «objectiviser» le débat.

Il est certain que les propos de M. Koechlin sont parfaitement vrais. Nous pourrions imaginer ce soir un scénario extrêmement simple, positif et sain, au terme duquel les dotations en fonds propres, dont les fondations HBM ont besoin pour réaliser leurs immeubles, seraient votées sans sourciller par ce Grand Conseil. Trois mille HBM, c'est environ 1 milliard à 1,3 milliard de construction et c'est 300 ou 400 millions de dotations en fonds propres ! Nous avons déjà voté, à réitérées reprises, de telles dotations au crédit des fondations qui ont réalisé des HBM, mais à votre avis elles n'en ont pas assez fait.

Comme M. René Koechlin l'a souligné - je le répète - devant un scénario le plus favorable possible : à savoir un consensus général pour une politique sociale du logement digne de ce nom, nous nous trouvons face à la réaction des communes, qui sont toutes opposées, systématiquement et souvent pour des raisons fiscales évidentes et crédibles, à l'implantation de tels logements chez elles. Ces communes, comme le canton, ont des problèmes de trésorerie, de budget, et ce n'est évidemment pas la population des HBM qui les intéresse. Au contraire, elles préfèrent une population d'accédants à la propriété.

Ma proposition est la suivante : il faut renvoyer cette motion à la commission du logement, dont la première tâche sera d'inviter les communes genevoises et l'Association des communes genevoises à s'expliquer sur cette attitude absolument «négativiste» en la matière. Quand elles nous auront expliqué qu'elles n'en veulent pas ou qu'elles n'en veulent plus, nous serons dédouanés et nous aurons bonne conscience !

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je ne pensais pas intervenir dans ce débat qui ne se passait pas trop mal, avant que M. Grobet, perturbateur de ce Grand Conseil... (Manifestation.) ...vienne de nouveau nous démontrer qu'il a toujours été blanc comme neige et que sa politique relevait de celle de l'agneau le plus gentil du troupeau !

Monsieur Grobet, si la FMB souhaite effectivement que notre canton réalise plus de travaux aujourd'hui, elle soutient également totalement le plan quadriennal mis en place par le Conseil d'Etat. Ce plan répartit le mieux possible les investissements, les autres tâches dans le domaine du social, tout en conservant des chiffres acceptables pour limiter le déficit du budget de l'Etat et, à terme, le rétablissement des finances de l'Etat.

Vous avez évoqué la progression des sommes investies dans la construction pendant ces dernières années, qui sont passées de 1,2 à 3 milliards. Eh bien, Monsieur, je vous dirai que nos entreprises ont dû s'adapter à cette forte demande. Vous avez donc créé artificiellement des places de travail. En effet, durant toutes ces années, l'Etat aurait dû injecter l'argent nécessaire à la construction en complément du secteur privé pour faire tourner cette industrie. Alors, au lieu de dilapider les fonds publics comme vous l'avez fait pour atteindre 3 milliards d'investissement, vous auriez mieux fait d'en garder un peu pour réaliser aujourd'hui une politique anticyclique. (L'orateur est chahuté.) Pire, Monsieur Grobet, les dépassements de crédits, qui vont bientôt être présentés devant ce Grand Conseil, prétéritent les emplois futurs. En effet, ces millions de dépassements empiéteront sur les investissements futurs de l'Etat, tout cela parce que les chantiers n'ont pas été très bien coordonnés.

Je regrette d'entendre de tels propos de la bouche de l'ancien chef du département. Les blocages dont il est responsable et les recours qu'il a manipulés dans notre République ont découragé beaucoup d'investisseurs extérieurs au canton, vous le savez, et, malheureusement, ceux-ci tardent à revenir !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Gardiol, je ne sais pas si cela valait la peine d'intervenir pour dire des choses aussi pitoyables.

M. Jean-Pierre Gardiol. C'est vous qui m'avez attaqué le premier !

M. Christian Grobet. Vous avez réussi en deux minutes à me rendre responsable d'avoir trop construit à Genève et en même temps d'avoir été à l'origine des blocages. Il faudrait savoir ! J'ai trop autorisé ou j'ai trop bloqué ? Il faudrait tout de même choisir ! Personne n'est un agneau. Que vous fassiez de moi votre bouc émissaire, je le veux bien, mais alors choisissez entre vos deux versions, car cela ne tient pas debout !

D'autre part, Monsieur Gardiol, vous avez un certain culot de prétendre que j'ai dilapidé les fonds publics dans la mesure où les projets de construction que j'ai eu l'honneur de réaliser dans le cadre du département des travaux publics ont tous été votés par ce Grand Conseil ! Le Conseil d'Etat - vous le savez aussi bien que moi - ne peut pas réaliser des projets de construction sans qu'ils soient votés au préalable par ce Grand Conseil. Votre intervention à ce sujet est donc parfaitement grotesque. A vrai dire, je ne pensais pas répondre à des remarques aussi basses !

Je voulais intervenir - une fois n'est pas coutume - pour souscrire intégralement à l'analyse de M. Koechlin. Vous me permettrez, Monsieur Koechlin, d'ajouter encore deux points sur lesquels vous serez probablement d'accord. Vous avez cité quatre difficultés.

Il y en a une cinquième : je veux parler des exigences non pas du département des travaux publics, qui ne fait qu'appliquer la loi sur les constructions, mais de celles des services chargés du contrôle des logements subventionnés. Sur le plan qualitatif, les exigences fixées sont très élevées. Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur mes propos; il ne s'agit pas de faire du bon marché qui, comme vous le reconnaissez vous-même, est toujours cher à l'entretien. On peut faire de la construction de bonne qualité mais qui soit simple. Il est vrai que les critères exigés sont extrêmement élevés pour ce genre de logements et, d'ailleurs, les milieux de la construction s'en plaignent. Ce problème doit être revu pour que ces logements HBM, sans tomber dans une qualité médiocre, n'aient pas les mêmes qualités de confort que les logements de plus haute catégorie.

Je souscris également aux propos de M. Opériol s'agissant de l'attitude pitoyable des communes. Hélas, toutes les communes sont réticentes à l'accueil de tels logements, quoique la Ville de Genève échappe à cette constatation. Je me souviens du temps où M. Ducret essayait de faire comprendre à certaines communes qu'il était plus intéressant fiscalement d'avoir des locataires de logements HLM que des propriétaires très endettés, qui, pouvant déduire fiscalement leurs intérêts hypothécaires, étaient finalement de mauvais contribuables. Souvent les communes se faisaient des illusions sur l'importance fiscale des locataires par rapport à des propriétaires.

Enfin, je voudrais soulever un dernier aspect du problème. Pourquoi les HBM ne se sont-elles pas réalisées ? Parce que pendant huit ans le Conseil d'Etat ne l'a pas voulu : il voulait des HLM ! Cela ne venait pas du département des travaux publics ! Je n'ai pas besoin de faire un dessin ! Je ne tiens pas non plus à critiquer quiconque, puisque cette politique était menée par le Conseil d'Etat.

Par contre, je vais rendre hommage à M. Haegi, car à son arrivée au Conseil d'Etat il a relancé la construction HBM, même si elle n'est pas suffisante. Tout ce que nous vous demandons, Monsieur Haegi, c'est que cette politique soit davantage axée sur la construction que sur l'achat. Les solutions existent malgré les difficultés. Le travail en commission consistera à les analyser pour essayer de les aplanir. Il faut interpréter notre motion dans un sens constructif, parce que nous tirons sur la même corde !

M. Laurent Moutinot (S). M. Opériol a demandé le renvoi de cette motion en commission. Il me semble que cela est inopportun, car elle manque de précisions s'agissant des chiffres, des opérations et des terrains. Seul le Conseil d'Etat est en mesure de nous les donner, et ce n'est pas à la commission du logement que nous pouvons faire cette étude.

En revanche, le problème soulevé par M. Opériol est intéressant et important, c'est-à-dire la collaboration entre les communes et l'Etat pour la construction de logements. Mais ce sujet n'est pas directement lié à cette motion et ce problème ne concerne pas seulement les HBM.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous propose, à une autre occasion et par un acte parlementaire adéquat, de revenir sur le rôle des communes en matière de logement.

M. Bernard Lescaze (R). Certains problèmes soulevés ce soir sont effectivement très importants. Contrairement à ce que pense le dernier préopinant, M. Opériol a dit quelque chose de capital, directement lié à cette motion, si nous avons réellement la volonté de ne pas être hypocrites et de faire des HBM comme tout le monde a l'air de le souhaiter, puisque c'est la catégorie de logements dont nous avons besoin.

Dans le tableau annexé par les motionnaires, on constate que neuf communes seulement peuvent être mises au tableau d'honneur pour abriter des logements HBM. Toutes les autres - absolument toutes - n'ont aucun logement HBM ! Or, des députés qui siègent dans ce parlement font partie de ces communes. Nous ne sommes pas complètement déconnectés - du moins, je l'espère, contrairement à ce qu'a l'air d'insinuer M. Moutinot - de la vie communale.

Nous devons prendre notre bâton de pèlerin pour faire adopter la possibilité de construire des logements HBM dans ces communes, comme c'est le cas à Genève - que j'ai l'honneur de représenter en partie ici - comme c'est le cas à Vernier, etc. Bien entendu, je n'ai pas l'illusion de penser que l'on va construire des HBM à Cologny, à Céligny, à Vandoeuvres ou à Chêne-Bougeries, mais nous avons tout de même des députés dans d'autres communes. Je remercie M. Opériol d'avoir mis le doigt sur ce problème. Quant à M. Koechlin, qui est un député très influent - notamment dans une des communes que je viens de mentionner - il aura, je le pense, à coeur d'aider les magistrats concernés pour résoudre ce problème. Tout le reste n'est que littérature !

M. Olivier Vaucher (L). Je voudrais juste dire à M. Lescaze que, contrairement à ce qu'il croit - et je fais également partie d'une commune - si certaines communes n'ont pas d'immeubles HBM, elles subventionnent leurs logements communaux pour que les loyers de ceux-ci correspondent à des loyers HBM !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. J'ai rencontré, il y a quelques semaines, les représentants des syndicats de ce canton pour évoquer les problèmes du logement. L'un deux a utilisé le mot «paix du logement» pour définir la situation dans laquelle nous nous trouvions, sans dire qu'il était totalement satisfait de la situation, mais reconnaissant que les tensions que nous avons connues n'étaient en tout cas pas les mêmes qu'avant et que la situation s'était largement décrispée.

Le débat de ce soir le confirme malgré les mots que vous avez échangés - pas toujours d'une folle tendresse - car il démontre, en réalité, qu'il y a un dénominateur commun : la volonté politique unanime de ce Grand Conseil de mener une politique active dans le domaine du logement. Ce soir, vous me comblez ! Je me sens particulièrement bien préparé pour revenir dans quelques semaines avec le train de crédits qui permettra d'engager la phase suivante du programme HBM dont nous avons parlé. Nous serons à l'aise également pour parler de terrains bon marché, puisqu'il en faut pour réaliser ce programme.

Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de ne pas schématiser la situation d'une manière extrême en ce qui concerne les communes. Certaines ont subi des concentrations regrettables par manque de politique de diversification du logement. Ces erreurs ont été commises dans tous les pays. Nous avons destiné l'espace d'Onex aux logements sociaux, et, ce faisant, nous avons pénalisé gravement cette commune en négligeant son équilibre. En ne lui laissant pas la liberté de choisir les activités qu'elle voulait développer, on la privait également d'un développement harmonieux.

Nous devons tenir compte de ces paramètres, car, lorsque la commune a un nombre d'habitants relativement réduit, un projet de plusieurs centaines de logements transforme les données et provoque des investissements considérables. Vous ne pouvez pas mettre les communes de ce canton ainsi au pilori, sans dialogue préalable pour les convaincre d'accepter des logements diversifiés. C'est ce que je tente de faire en imaginant des modifications de la loi générale sur le logement pour assouplir celles qui concernent les HLM. Nous travaillons avec le Rassemblement et avec la Chambre genevoise immobilière pour trouver une formule qui nous permette d'obtenir ce panachage social.

M. Lyon a cru devoir me rappeler que j'avais été magistrat de la Ville; comme si je l'avais oublié ! Je vous rappelle, Monsieur Lyon, que, lorsque je me trouvais à la Ville et que nous avons dû négocier avec l'Etat le problème du périmètre des Charmilles, nous nous étions, M. Segond et moi-même, particulièrement battus pour que le même nombre de mètres carrés soit maintenu dans les immeubles qui devaient longer la rue de Lyon, immeubles qui sont restés en zone industrielle. Ces mètres carrés n'ont pas été construits et ne le sont toujours pas aujourd'hui. D'ailleurs, s'ils avaient été construits nous aurions eu des difficultés à trouver des acquéreurs. Il faut tenir compte de certaines réalités. Monsieur Lyon, c'est comme cela ! Avant d'énoncer que l'on veut une diversification il faut tenir compte de l'évolution. Aujourd'hui, on n'installe pas des industries au coeur des villes : c'est une réalité ! Parler de friche industrielle sur Tavaro me semble une aberration, mais j'ose espérer qu'à la Ville comme ici se dégagera un courant empreint de bon sens qui nous permettra de construire quelques logements.

Monsieur Grobet, vous me donnez rendez-vous dans trois ans pour savoir si nous aurons réussi à construire autant de logements qu'à une époque passée. Si nous ne sommes pas confrontés à des oppositions systématiques et plus ou moins occultes de gens plus ou moins concernés qui interjettent des recours à chaque fois qu'un projet est présenté, nous y arriverons peut-être ! Il y a même des touristes de l'opposition dans ce canton que l'on retrouve à peu près dans tous les quartiers - même s'ils ne sont pas concernés - et qui sont largement responsables des blocages que nous avons rencontrés pour construire. Puissions-nous écarter ces touristes de l'opposition et on construira ! (Des applaudissements et des bravos fusent.)

La présidente. Je mets aux voix l'amendement suggéré par M. Claude Haegi.

M. René Koechlin (L). Madame la présidente, avant de parler d'amendement, je vous rappelle qu'il a été demandé que cette motion soit renvoyée en commission.

La présidente. C'est exact, Monsieur Koechlin, le renvoi en commission prime.

. .

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. M. Moutinot avait raison, lorsqu'il rappelait le cadre de la discussion. Dans quelques semaines, je vous proposerai le projet pour les 30 millions et vous discuterez automatiquement des HBM en commission. Je vous suggère, Monsieur le député, pour éviter d'avoir deux débats sur le même sujet, d'attendre ce moment-là.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement suggéré par M. Claude Haegi, à savoir modifier la première invite de cette motion :

«à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés ou en cours de réalisation...».

Cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant la construction de logements HBM d'ici l'an 2000

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 la situation du logement à Genève, en particulier le manque de logements bon marché;

 la loi pour un plan d'urgence-logements du 21 juin 1991 prévoyant la création d'au moins 3 000 logements bon marché dans un délai de huit ans (I 5 23);

 le faible nombre de logements HBM construits depuis l'adoption de cette loi;

 la nécessité d'accentuer les efforts de l'Etat dans le domaine de la construction de logement sociaux,

invite le Conseil d'Etat

1. à préciser le nombre de logements HBM et leur localisation, achetés, à acheter, réalisés ou en cours de réalisation depuis l'adoption de la loi instituant un plan d'urgence-logements;

2. à indiquer quelles sont les opérations prévues en vertu de cette loi;

3. à faire connaître les terrains recensés pour la construction de logements HBM, en précisant notamment s'il est prévu d'en édifier sur la parcelle rachetée à l'institut Battelle, route de Drize.