Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 8e séance

PL 7206
15. Projet de loi de MM. Bernard Annen, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Henri Duvillard, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Olivier Lorenzini, Pierre Marti, Jean Opériol et Olivier Vaucher modifiant la loi sur la procédure administrative (LPA) (E 3,5 3). ( )PL7206

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 4 (abrogé)

Art. 4A (nouveau)

Déni de justice

1 Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, eu égard au délai fixé par l'article 17A, son silence est assimilé à une décision.

2 Lorsque la requête soumise à l'autorité porte sur la délivrance d'une autorisation, celle-ci est considérée comme accordée, dans les termes de la requête, si l'autorité n'a pas statué dans les 10 jours de la réception d'une mise en demeure signifiée par le requérant après l'échéance du délai prévu par l'article 17A.

Art. 13A (nouveau)

Autorité de coordination

1 Si l'objet pour lequel une décision est demandée nécessite que plusieurs autorités rendent des décisions de droit cantonal ou fédéral, l'une des autorités est désignée comme autorité de coordination.

2 En règle générale, la première autorité saisie par le requérant fonctionne comme autorité de coordination.

3 Toutefois, à la suite d'un échange de vues, les autorités concernées peuvent désigner celle d'entre elles qui apparaît le mieux à même d'assumer cette fonction. Sont également réservées les dispositions chargeant une autorité fédérale ou cantonale déterminée de procéder à la coordination.

4 L'autorité de coordination a pour tâche d'harmoniser les diverses procédures conduisant aux décisions nécessaires. Elle peut prendre les dispositions indiquées pour conduire la procédure directrice.

Art. 17A (nouveau)

Délai de réponse

1 Sous réserve de dérogations fixées par d'autres lois, l'autorité doit, dans le délai de 15 jours dès réception de la requête, soit statuer, soit informer le requérant des mesures d'instruction auxquelles elle va procéder. L'autorité s'emploie sans tarder à l'établissement des faits en recourant, dans la mesure du possible, simultanément aux divers moyens de preuve prévus au chapitre III du présent titre et aux autres procédures préliminaires, telles la mise à enquêtes ou l'obtention de préavis.

2 Le requérant est informé de l'avancement de la procédure d'instruction et de sa clôture.

3 L'autorité statue dans les 15 jours suivant la clôture de l'instruction du dossier.

Art. 25, al. 6 (nouveau)

6 Les pièces et informations sollicitées sont communiquées à l'autorité requérante dans les 10 jours dès la réception de sa demande.

Art. 27, al. 4 (nouveau)

4 L'autorité impartit au tiers un délai pour lui communiquer les pièces et renseignements sollicités; en cas d'inobservation non justifiée de ce délai, elle renouvelle sa demande en l'assortissant de la menace des peines prévues par l'article 29.

CHAPITRE IV A

Préavis (nouveau)

Art. 45A (nouveau)

Délai

1 Lorsque la loi prévoit qu'avant de statuer, l'autorité doit recueillir le préavis d'instances compétentes selon le droit cantonal ou fédéral, l'autorité fixe un délai de réponse aux instances consultées.

2 A défaut de réponse dans le délai imparti, le préavis est considéré comme positif.

3 Lors de l'examen de requêtes ultérieures, les instances consultées sont liées par le préavis qu'elles ont délivré pour autant que les données sur lesquelles elles sont fondées ne se soient pas modifiées.

Art. 57, lettre d (nouvelle)

d) les décisions selon l'article 4A, alinéa 1.

Art. 63, al. 6 (nouveau)

6 Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié.

Art. 69, al. 4 (nouveau)

4 Si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l'affaire à l'autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.

Art. 77, al. 3 (nouveau)

3 Lorsque le recourant se plaint d'un déni de justice ou d'un retard injustifié, la juridiction de recours doit statuer dans le délai de deux mois dès le dépôt du recours.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Commentaires sur le projet de modification de la LPA (accélération des procédures)

I. Introduction

D'une manière générale, l'économie genevoise et suisse doit être dynamisée par une simplification des procédures d'obtention d'autorisation délivrée par l'Etat.

D'une manière plus particulière, le problème étant plus évident dans le domaine immobilier, il apparaît que la quasi-unanimité des investisseurs estime qu'il faut simplifier et raccourcir la procédure d'octroi des permis de construire. Le tableau 1 annexé au présent projet de loi illustre la position des acteurs économiques relativement au projet d'accélération de la procédure d'aménagement du territoire et le droit foncier.

Une enquête menée par la «Schweizer Bau Documentation» confirme à quel niveau il faut agir de toute urgence pour abaisser les prix de la construction en Suisse, soit:

 accélération des procédures d'autorisation;

 harmonisation des prescriptions et normes;

 limitation des possibilités de recours (voir tableaux 2 et 3 ci-après).

L'exemple fribourgeois montre que les collectivités publiques des trois niveaux, Confédération, cantons, communes, commencent à se doter des moyens d'accélérer les procédures. Sur le plan suisse, le Conseil fédéral a publié un message le 30 mai 1994 portant sur l'accélération de la procédure d'autorisation de construire (voir tableau 4). La Confédération se contente de formuler des obligations de caractère général à l'adresse des cantons sans créer un droit fédéral immédiatement applicable. Elle propose trois mesures. Les cantons devront:

1. fixer des délais pour le traitement de toutes les demandes d'autorisation de construire;

2. désigner une autorité responsable de la coordination en matière de construction et de plans d'affectation;

3. prévoir des autorités de recours uniques dans le domaine de la construction. Les Chambres fédérales n'ont pas encore délibéré, mais ce projet se heurte d'ores et déjà à l'opposition farouche des écologistes et des fédéralistes.

A Genève, un groupe de travail avait été formé sous l'égide de l'ancien président du département des travaux publics qui a rendu un rapport en date du 30 septembre 1992 intitulé «Groupe de travail sur l'accélération des procédures, rapport à l'attention du Conseil d'Etat». Ce rapport n'a guère été suivi d'effets. Sous la nouvelle législature, le président du département des travaux publics et de l'énergie a formé un nouveau groupe de travail (Groupe des «sages»), constitué de personnalités, qui ont probablement aussi pour mandat de se pencher sur l'accélération des procédures. Comme le relèvent les spécialistes du droit de la construction, Genève en est encore au stade des réflexions alors qu'au niveau fédéral et dans plusieurs cantons on a pris des mesures concrètes pour activer le traitement des dossiers par le biais d'une simplification et accélération des procédures (Droit de la construction 4/94, page 120).

Différentes initiatives ont abouti à la promulgation de lois ou de projets de loi, notamment en matière de construction (modification de l'art. 3, al. 7 de la LCI, projet de loi 7099 visant à modifier l'art. 4, al. 4 LCI). Le présent projet de loi vise, lui aussi, à contribuer à l'accélération des procédures d'autorisations à Genève.

II. Commentaires article par article du projet

a) Déni de justice

Selon le système actuel, alors que les articles 70 PA et 97 alinéa 2 OJ ouvrent expressément le recours contre les autorités qui refusent ou tardent à statuer, la LPA prévoit seulement, dans son article 4, alinéa 4, qu'un retard ou un refus sont assimilés à une décision.

Le projet déplace cet alinéa en tête d'un nouvel article 4a, lequel prévoit en outre, pour un certain type de décision, une autre conséquence.

En effet, en l'état actuel, la «décision» résultant d'un déni de justice est assimilée à un rejet.

Lorsque le requérant s'adresse à l'autorité pour obtenir une autorisation, il y a lieu de prévoir, en s'inspirant de l'article 4, alinéa 4 LCI, qu'un déni de justice doit plutôt être constitutif d'une autorisation.

L'article 4a, alinéa 2, du projet reprend ainsi le contenu de l'article 4, alinéa 4 LCI en le généralisant. Cette dernière disposition pourrait être abrogée après l'adoption du projet de modification de la LPA.

C'est le lieu de relever que l'on ne peut pas prévoir, dans tous les cas, que la décision demandée par le requérant est présumée rendue selon le désir du requérant; on pense, par exemple, aux demandes de subvention!

A toutes fins utiles, il convient de compléter les cas de recours par celui fondé sur un déni de justice (nouveaux articles 57, lettre d, et 63, alinéa 6, qui reprend l'article 70, alinéa 1 PA). De même, il est opportun de préciser que ce recours n'est pas soumis à un délai. De plus, l'autorité devra dans sa décision donner des instructions impératives à l'autorité inférieure (articles 63, alinéa 6, et 69, alinéa 4, du projet qui reprend l'article 70, alinéa 2 PA).

Enfin, on notera que l'article 77, alinéa 1 LPA prescrit aux autorités administratives de statuer dans le délai … d'un an qui suit le dépôt du recours! Lorsqu'il s'agit précisément d'un recours pour déni de justice, ce délai doit manifestement être abrégé. C'est pourquoi, le nouvel alinéa 3 de cette disposition fixe un délai de deux mois dans ce cas.

b) Autorité de coordination

La création d'une autorité de coordination chargée d'harmoniser les diverses procédures tendant à l'obtention de décisions qui sont toutes nécessaires à l'aboutissement d'un même projet est une idée lancée par le projet de modification de la LAT, en son article 25a, alinéa 1.

Elle est donc reprise, et précisée, à l'article 13a du projet.

c) Délai de réponse

L'actuel mode de calcul du délai de réponse prévu par les alinéas 1 à 3 de l'article 4 LCI ne donne pas entièrement satisfaction. Ces dispositions fixent un délai global de 60 jours, qui est prolongé ou suspendu dans certains cas.

L'utilisation extensive de ces possibilités de prolongation rend inefficace la prescription du délai maximum.

On peut tenter de remédier au défaut de ce système en ne fixant plus de délai maximum prolongeable mais en impartissant à l'autorité un délai pour se déterminer sur la base du dossier, une première fois lorsqu'elle reçoit celui-ci, et une deuxième fois, si une instruction s'est avérée nécessaire, pour rendre sa décision.

Entre ces deux étapes peut se dérouler la procédure d'établissement des faits, ou instruction.

Il n'apparaît pas possible de fixer un délai rigide maximal pour cette étape.

En revanche, on relève que la LPA ne contient qu'une disposition, à l'article 24, alinéa 1, habilitant l'autorité à fixer un délai de réponse, à savoir lorsqu'elle invite les parties à la renseigner.

Il faut étendre ce principe de fixation d'un délai aux autres cas d'établissements des faits, lorsque cela est possible.

Il en va ainsi en cas de communication de renseignements au sein de l'administration, ou en cas de demande de renseignements à des particuliers non impliqués dans la procédure (nouveaux articles 25, alinéa 6, et 27, alinéa 4).

Cependant, il n'apparaît pas possible de fixer un délai pour la convocation des témoins. Au contraire, dans le droit actuel, les lois prévoient plutôt des délais minimaux de convocation, par exemple de 48 heures en matière de citation devant le tribunal de police (articles 223, alinéa 1, et 22 CPP), ou 6 jours minimum en matière de procédure civile (article 218, alinéa 2 LPC).

D'autre part, pour les mesures telles le transport sur place ou l'expertise, il n'apparaît pas envisageable de fixer des délais, d'une façon générale, dans la LPA.

L'efficacité de l'article 17a du projet est subordonnée à la possibilité, pour l'administré, de contrôler l'avancement de son dossier. L'autorité doit donc le tenir au courant de ses démarches en cours et à venir.

A relever encore que des dispositions contraires au nouvel article 17a, tels les alinéas 1 à 3 de l'article 4 LCI, devraient être abrogées.

d) Préavis

Ici également, on s'est inspiré du projet de modification de la LAT, spécialement son article 25a, alinéa 2.

Cette modification a été reprise dans l'article 45a du projet de modification de la LPA.

Au surplus, on a renoncé à fixer dans la loi un délai dans lequel les préavis doivent être délivrés puisqu'il semble que le délai de 45 jours qui avait été prévu dans le projet de loi 6651, s'agissant des préavis des autorités municipales, avait été ressenti comme une ingérence dans l'autonomie communale.

Tels sont, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le présent projet de loi à votre bienveillante attention.

Annexes: Tableau 1: Appréciation des propositions visant à modifier la loi sur les constructions, l'aménagement du territoire et le droit foncier.

 Tableau 2: Importance des diverses réglementations.

 Tableau 3: Importance des conditions-cadres générales.

 Tableau 4: Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

ANNEXE

ANNEXE

ANNEXE

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Préconsultation

M. Thomas Büchi (R). Il devient urgent de modifier la loi sur la procédure administrative de notre canton, devenue trop procédurière, lente et compliquée. Nous vous proposons de la modifier afin de rationaliser les procédures d'autorisation et permis de construire délivrés à Genève. Cela est capital pour que l'économie suisse reste attractive sur la scène internationale et que les investisseurs potentiels ne se tournent de plus en plus vers l'étranger en raison du marathon administratif totalement irréaliste, long et compliqué qu'ils doivent effectuer. Chiffres à l'appui - il faut se rendre à l'évidence - en trois ans les investissements étrangers dans notre pays ont pris des allures de Titanic : 5,9 milliards en 1990, moins de 400 millions en 1993 !

La non-adhésion à l'Espace économique européen n'est pas le seul élément de cette catastrophe; elle est due au cumul de plusieurs facteurs. Il est par ailleurs curieux que Genève, qui se veut une plaque tournante à vocation mondiale, soit un des derniers cantons à n'avoir rien entrepris de sérieux pour effectuer un toilettage salutaire de sa loi sur les procédures administratives.

Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez remarqué, ce projet de loi n'est pas révolutionnaire, il est même plutôt timide comparé aux actions plus musclées entreprises par les autres cantons. Nous ne mettons en péril ni les droits populaires ni les possibilités de recours des citoyens, simplement nous voulons obliger l'Etat à gérer la procédure générale d'autorisation d'une manière pragmatique.

De toute évidence notre parlement doit voter ce projet de loi, afin de stimuler des énergies créatrices et favorables à la relance économique. Il faut qu'à l'étranger disparaisse au plus vite l'image néfaste ancrée dans bien des têtes pensantes : celle que la Suisse ressemble à s'y méprendre à un frein à main !

Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission.

M. Laurent Moutinot (S). M. Büchi parle de toilettage de la loi pour ce projet; en réalité, c'est un lessivage complet ! (Rires et quolibets.) Le micro fonctionne-t-il ? Oui, alors c'est parfait ! Bon, je vais parler un peu plus fort. (Cette remarque est accueillie avec enthousiasme.)

La procédure administrative peut certainement être améliorée. Le projet qui nous est soumis indique au début de l'exposé des motifs : «...l'économie genevoise et suisse doit être dynamisée par une simplification des procédures d'obtention d'autorisation délivrée par l'Etat.». C'est une pétition de principe qui peut être accueillie.

Mais toute la suite de l'exposé n'a trait exclusivement qu'au processus d'autorisation de construire. Sans nier l'importance du domaine immobilier, je rappelle que la procédure administrative s'étend, en la matière, à toutes les autorités communales et cantonales, ainsi d'ailleurs qu'aux établissements de droit public, et qu'elle s'étend à toutes les procédures administratives, y compris celles qui n'ont rigoureusement rien à voir avec un permis de construire.

Par conséquent, si l'on teste les nouvelles dispositions qui nous sont proposées avec certaines des procédures pour lesquelles il faudrait les appliquer, on arrive à des choses assez étonnantes, notamment avec cette proposition consistant à dire qu'à partir d'un certain délai, et si l'administré a fait une mise en demeure, le silence de l'Etat vaut réponse positive !

Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de port d'arme ? Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de vendre des toxiques ? Qu'en sera-t-il lorsqu'un administré demandera une autorisation de fonctionner comme office de consignation ? A l'évidence, on ne peut pas admettre, dans ce type d'hypothèse, que le silence vaille acceptation ! On ne peut d'ailleurs pas l'admettre non plus en matière d'autorisation de construire. L'idée est certainement pertinente de vouloir lutter contre les éventuels et regrettables silences de l'administration, mais supposer qu'un silence vaut acceptation est manifestement un aérolithe dans le monde judiciaire suisse ! Il vaudrait mieux, cas échéant, renverser la vapeur et prévoir qu'une absence de réponse vaut une décision négative, ouvrant de la sorte une voie de recours.

Parmi les autres dispositions proposées, il y a la multiplication de délais extrêmement courts qui vont entraîner un effet pervers, à savoir que l'administration, pour éviter de tomber dans le piège de ces délais, va multiplier des circulaires qui, forcément, répondront à la demande de délai en en créant un autre. Par conséquent, je crains que ce projet ne soit en définitive qu'un autogoal !

S'agissant des préavis, on applique la même règle : l'absence de réponse du service qui doit donner un préavis équivaut à une réponse positive. Je me demande ce qu'il faut penser en matière de construction de l'absence de réponse du service du feu, s'agissant d'un problème de sécurité !

En définitive, le point sur lequel - parce que certains sont positifs - je pourrai rejoindre les auteurs du projet est celui de la nécessité de mieux coordonner les procédures administratives et en particulier de désigner, comme cela est proposé à l'article 13 A nouveau, la création d'une autorité de coordination, lorsqu'un projet particulièrement important concernant différents départements justifie que l'on sache qui le pilote pour éviter des dérapages ou des absences de décision.

Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, ce projet soulève certes de bonnes questions; il n'y donne malheureusement, pour l'essentiel, pas de bonnes réponses, mais je suis persuadé que la commission judiciaire saura le faire !

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Laurent Moutinot ayant exprimé les propos que j'entendais tenir ce soir, je me bornerai simplement à relever ce qui me semble le plus important dans ce projet de loi et qui est de nature à nous inquiéter.

Par exemple, à l'article 4 A nouveau, alinéa 2, vous proposez, je cite : «Lorsque la requête soumise à l'autorité porte sur la délivrance d'une autorisation, celle-ci est considérée comme accordée, dans les termes de la requête, si l'autorité n'a pas statué dans les dix jours de la réception d'une mise en demeure signifiée par le requérant après l'échéance du délai prévu par l'article 17 A.».

Si j'ai bien compris, lorsque vous demanderez un permis de conduire, vous mettrez en demeure l'administration de le délivrer dans les dix jours, et si l'administration tarde à vous répondre, celui-ci vous sera octroyé automatiquement ! Tout de même, sur le plan juridique, un certain nombre de problèmes se posent.

Monsieur Büchi, vous avez fait des analogies avec d'autres cantons, mais vous auriez dû préciser que dans ces cantons l'unicité de l'autorité compétente n'existe pas comme c'est le cas à Genève, puisque cette autorité se situe sur le plan cantonal. Vous savez que certains cantons ont des conflits entre les communes et leur autorité cantonale, d'où les difficultés auxquelles vous avez fait allusion. Mais elles n'illustrent en rien les propos qui nous occupent aujourd'hui, car à Genève nous connaissons l'unicité de l'autorité compétente en la matière. Par conséquent, ce problème ne se pose pas.

Il n'est donc pas concevable, dans l'ordre juridique qui est le nôtre, de considérer l'inertie de l'administration comme valant réponse positive à une requête qui lui serait adressée. Au contraire, on devrait considérer, comme c'est le cas actuellement, qu'un défaut de réponse de l'administration vaut refus, soit déni de justice ou non-volonté de statuer. Contre cette non-décision le recourant pourrait être appelé à saisir, en l'occurrence, le Tribunal administratif, qui serait l'autorité de recours.

Voilà pourquoi nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet de loi en commission où nous proposerons ces amendements pour avoir un texte un peu plus conforme à l'esprit juridique de nos lois.

M. Bénédict Fontanet. Notre groupe accueille, bien sûr, favorablement ce projet, même s'il est un peu provocateur par certains de ses aspects !

Mais il n'empêche qu'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, dans le domaine de l'administration comme dans d'autres... - pour une fois je ferai plaisir à M. Kunz - (Une exclamation réjouie accueille cette remarque.) ...il en va beaucoup de la compétitivité des administrations respectives et de leur rapidité de réaction. Notre pays - c'est un constat qui a été fait des milliers de fois - souffre considérablement des lenteurs administratives dues au triple niveau de ces instances décisionnelles : communes, cantons et Confédération. C'est un élément très pénalisant en termes internationaux, qui dissuade certaines grandes entreprises ou multinationales de venir s'installer en Suisse. C'est ainsi, par exemple, que dans le cadre d'une éventuelle installation des usines «Swatchmobile» dans le canton de Berne, à Bienne, un des éléments décisionnels qui a poussé cette entreprise à ne pas s'installer en Suisse est celui de la lenteur et de la difficulté de nos procédures administratives, notamment dans le domaine de la construction.

C'est pour cela que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, de réfléchir à cette question, de modifier le cas échéant notre loi de procédure administrative pour l'améliorer. Un premier point nous apparaît comme essentiel : celui de la coordination. Il n'est pas admissible que des autorités cantonales, communales ou différentes autorités se renvoient la balle. Il faut coordonner leurs activités pour que l'administré ne soit pas ballotté. Il est également important que l'administration - qui est au service de l'administré qu'elle doit désormais concevoir comme un client - lorsqu'elle ne prend pas une décision dans certains délais reçoive une forme de sanction dès lors qu'elle ne répond pas aux légitimes attentes de ses administrés.

Nous examinerons ce projet avec intérêt en commission. Nous écouterons les propositions d'amendement de M. Ferrazino avec intérêt également. Ce projet va dans le sens du temps et de l'amélioration de nos procédures administratives, qui, encore aujourd'hui, sont beaucoup trop lentes.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Notre groupe accueille, bien entendu, favorablement ce projet de loi.

Comme cela a été dit, ce projet soumis à votre attention a pour but d'accélérer, en les rationalisant, les procédures d'autorisation délivrées par le canton. La quasi-unanimité des investisseurs suisses et étrangers estime qu'il faut simplifier et raccourcir la procédure d'octroi des permis de construire ou d'exploiter, afin de rendre son activité à la place économique suisse. Certains des exemples que je voulais vous donner ont déjà été cités, entre autres celui de la «Swatchmobile».

A part cela, je voulais vous rappeler le cas récent du laboratoire de recherche en microbiologie, qui a été délocalisé en France en raison des lenteurs et des oppositions rencontrées par le projet à Bâle-Ville. Cet exemple n'est malheureusement pas le seul, puisque les dernières statistiques parues cette semaine montrent qu'en 1992 les investissements pour la recherche et le développement de l'industrie suisse ont été plus importants à l'extérieur que dans notre pays.

Face à cette inertie et dans le cadre de sa politique de revitalisation, le Conseil fédéral a bien essayé de remédier à la situation en proposant de réviser la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), dans le but d'accélérer les procédures d'autorisation de construire. Eh bien, il faut déchanter, puisque le Conseil des Etats vient de refuser les pâles mesures proposées, afin d'obliger les cantons à fixer des délais pour le traitement de toutes les demandes d'autorisation, de désigner une autorité responsable de la coordination et de simplifier les voies de recours. La Chambre des cantons a estimé que ces propositions étaient une atteinte au fédéralisme, et qu'il incombait aux cantons de prendre ces mesures !

Heureusement, Monsieur Moutinot, beaucoup de cantons suisses n'ont pas attendu la non-décision fédérale pour agir ! Et pour bien vous démontrer que cela est possible dans certains cantons, depuis un certain temps déjà, on observe une tendance assez nette à la modification des procédures. Par exemple, les cantons du Valais, Soleure, Fribourg et Berne, ont apporté des correctifs importants à leur législation. Le canton de Berne a été, à ce jour, le plus audacieux, puisqu'il a opté pour une concentration généralisée des procédures en adoptant une nouvelle loi à ce sujet.

Je signale que Fribourg a fait le pas que Genève avait refusé de faire en 1992, en supprimant l'effet suspensif en cas de recours et en prévoyant des dommages et intérêts, en cas de recours abusif. Vous vous souvenez que le peuple avait refusé à Genève, suite au référendum, la loi que le Grand Conseil avait acceptée pour cinq cents voix seulement, Monsieur Grobet. Jusqu'ici Genève est restée à la traîne en matière de simplification et d'accélération des procédures d'autorisation en dépit d'une succession de groupes de travail, de groupes de sages et autres groupes de réflexion.

Il est urgent d'agir, sinon notre pays perdra toute crédibilité ! Genève devra assister, sans possibilité d'agir, à des délocalisations en Suisse et à l'étranger. Le projet de loi qui vous est présenté ne limite ni les droits populaires, Monsieur Moutinot, ni les droits de recours, mais il se contente bien modestement d'obliger l'Etat à gérer d'une façon rationnelle et efficace la procédure générale d'autorisation.

C'est dire que ces modifications de la procédure administrative ne concernent pas seulement le domaine de l'immobilier et de la construction mais bien l'ensemble des actes par lesquels l'autorité a compétence d'intervenir. Il s'agit principalement de prévoir qu'un déni de justice peut être constitutif d'une autorisation, de créer une autorité de coordination chargée d'harmoniser les diverses procédures tendant à l'obtention d'une décision et de remédier aux défauts d'inefficacité dont souffre la prescription du délai maximum de réponse. Il appartient à l'autorité d'inscrire le principe, que vous avez relevé, selon lequel lorsqu'une autorité doit donner un préavis dans un certain délai et qu'elle ne le fait pas, le préavis est considéré comme positif. Cette dernière disposition est très importante, puisque certaines autorisations exigent plusieurs préavis provenant des différents départements de l'administration.

Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'a rien de révolutionnaire; comparé à d'autres cantons, il est minimaliste ! En l'acceptant, après débat en commission, vous contribuerez à revaloriser l'attrait de Genève. Mais le plus important est que vous apporterez ainsi la preuve que les pouvoirs publics doivent tout mettre en oeuvre, dans le cadre du respect des droits collectifs et individuels, pour faciliter les initiatives et les projets privés créateurs d'emplois et d'avenir pour nos jeunes !

Une voix. Très bien, Gardiol ! (Applaudissements.)

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

 

La présidente. Certains députés m'ont fait part de leur désir de traiter en urgence la question des mesures de contrainte. Je vous rappelle que ce point de l'ordre du jour est précédé par trois points concernant le SAN.

Madame la députée, je soumets au vote votre proposition, mais j'estime qu'il appartient au Grand Conseil de décider s'il y a lieu ou non de modifier un ordre du jour, comme cela, en cours de séance, pour des questions urgentes.

M. Andreas Saurer(Ve). Je suis tout à fait conscient que nous demandons un certain changement de l'ordre du jour, et que cette proposition doit être soumise à l'approbation de ce Grand Conseil. Cependant, étant donné l'importance du débat que nous aurons concernant le SAN, je propose que nous arrêtions nos débats maintenant et que nous traitions tout de suite le point 40 concernant les mesures de contrainte.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

La présidente. Le débat portant sur les points 37, 38 et 39 est reporté à une prochaine séance. Nous abordons donc le point 40 ainsi que la motion dont vous avez accepté de débattre en urgence.