Séance du
vendredi 17 février 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
4e
session -
7e
séance
PL 7121-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des finances a étudié le projet de loi 7121 lors de ses séances des 7, 14 et 21 décembre 1994, tenues sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache.
Etaient présents: M. Olivier Vodoz, chef du département des finances, M. Jean-François Mabut, secrétaire général, M. Patrick Pettmann, directeur à l'office du personnel de l'Etat.
Il faut rappeler que ce projet de loi a été déposé le 4 juillet 1994, par le Conseil d'Etat.
Rappelons également que ce projet de loi du Conseil d'Etat fait suite à un rapport d'expert en prévoyance professionnelle reconnu au sens des articles 53 LPP et 370 PPZ du mois de septembre 1992 par MM. J.-P. Haymoz et M. Pittet, dont la conclusion est la suivante:
«Nous constatons que le financement actuel de la CIA n'est pas suffisant pour garantir son équilibre financier à terme dans le cadre du système financier décrit à l'annexe III des statuts. De ce fait, en vertu du mandat qui nous est dévolu en application de l'article 53, alinéa 2, LPP, nous demandons aux instances de la CIA de donner une suite positive aux recommandations qui suivent.
Afin de respecter les dispositions statutaires et légales en vigueur, il convient d'augmenter le taux de cotisation de 20,25% à 24%. Etant donné qu'il s'agit d'une augmentation sensible, la planification pourrait se faire progressivement.»
Pour bien comprendre l'analyse, il faut souligner que, dans le rapport d'expert 1991, il était noté, je cite: «D'une façon générale nous constatons en valeur relative une diminution régulière de l'accroissement annuel de la fortune sociale ces dernières années» et «Le résultat du développement de la caisse elle-même se caractérise par des charges toujours plus importantes dues à l'évolution du rapport démographique».
Historique
En 1977 déjà, le taux initial de cotisation avait été fixé à 20,25% et il représentait un compromis entre la proposition des experts de fixer le taux de 24% à 25% et celle de la commission «intercaisses» (CIA-CEH) qui recommandait 18% (19%). Les experts de conclure que si le taux de 18% (19%) devait être retenu, la caisse entrerait dans un processus de décapitalisation.
En 1981, les experts parlent de fixer le taux de cotisation à 24%. En 1986, nous pouvons lire: «Le système financier CIA ne garantit pas aux pensionnés la couverture intégrale de la valeur actuelle de leur pension. Ce système proposé implique une augmentation du taux de cotisation de 20,25% à 23% environ.» (Référence: Rapport en 4 parties du 25 mars 1993 ADE/022).
Le 15 décembre 1992, le comité de la CIA adopte les conclusions du rapport d'expertise actuarielle de septembre 1992.
Le 25 mars 1993, l'assemblée des délégués CIA refuse le rapport de majorité du comité CIA en évoquant que la hausse des cotisations peut être évitée grâce à la pérennité et à la garantie de l'Etat qui peut augmenter indéfiniment.
Le 1er juin 1993, le Conseil d'Etat, en qualité d'autorité de surveillance, approuve la décision du comité CIA visant à procéder à une hausse des cotisations par paliers successifs, soit:
21,6 % au 1er janvier 1994
22,8 % au 1er janvier 1995
24 % au 1er janvier 1996
De plus, le Conseil d'Etat se déclarait formellement opposé à une modification du système financier de la CIA qui irait dans le sens d'une diminution du degré de couverture des engagements de la caisse, fixé actuellement à 50%.
Il faut souligner que la CIA est une institution de droit public et qu'elle bénéficie de la garantie subsidiaire du canton de Genève prévue aux articles 69, alinéa 2, LPP et 45 OPP2 selon lesquelles «l'Etat s'engage à garantir le paiement des prestations dues par la caisse lorsque cette dernière n'est plus à même de faire face à ses engagements».
Il appartient donc à la caisse (comité et assemblée des délégués) d'assurer cet équilibre financier et de proposer au Conseil d'Etat les mesures requises pour parvenir à un équilibre. L'augmentation du taux de cotisation fait partie de ces mesures.
Le 10 mars 1994, le comité de la CIA a proposé à l'assemblée des délégués un compromis concluant à une hausse plus faible des cotisations, soit 21,6%, mais nous ne pouvons que constater que le degré de capitalisation selon projection à 20 ans devient inférieur à 50% de couverture et que la garantie de l'Etat se situe à 6,6 milliards de francs (voir exposé des motifs).
Cotisation Degré de capitalisation Garantie de l'Etat dans 20 ans dans 20 ans
20,25% 38,6% 7,1 milliards
21,6% 43,1% 6,6 milliards
24% 51,1% 5,6 milliards
Position du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat a pris formellement position contre toute modification des statuts de la CIA qui conduirait à renoncer à un degré de capitalisation de 50% au minimum. Il y a bon nombre d'exemples en Europe de caisses de prévoyance à la limite de la cessation de paiement. Malgré des finances cantonales difficiles, nous ne pouvons accepter de reporter sur les générations futures le prix de cette décapitalisation. L'actuel système financier de la CIA a été approuvé par le Grand Conseil le 20 février 1986. Le rapport de la commission des finances (voir PL 5730A) mentionne clairement: «Le système retenu entraîne une augmentation du taux de cotisation de 20,25 à 24% du salaire coordonné. Selon les calculs actuariels, ce taux devrait permettre d'assurer l'équilibre financier de la caisse pour ces 20 prochaines années.»
Une augmentation du taux des cotisations devait donc tôt ou tard intervenir si l'on entendait garantir à long terme un taux de capitalisation de 50% au moins.
Travaux de la commission
La commission des finances a commencé l'étude de ce projet de loi le 7 décembre 1994.
Audition de MM. Friedli, président du comité de la CIA
Biedermann, directeur de la CIA
Devaud, président de la commission juridique de la CIA
Ducommun, vice-président de la commission technique de la CIA
Dumont, président de la commission financière de la CIA
La CIA a acquis une certaine autonomie; ses instances sont amenées à faire des propositions selon les procédures démocratiques qui sont en cours et qui consistent à laisser la CIA élaborer ses statuts puis à les soumettre au pouvoir politique. Mais il y a également un problème technique concernant le système financier et le taux de cotisation. A partir du moment où le taux de cotisation ne respecte pas le système financier il en découle une situation difficilement gérable.
Discussion de la commission
Le débat met en évidence un élément important, celui de la garantie de l'Etat ainsi que le fait que la cotisation fixée est de 2/3 pour l'employeur et 1/3 pour l'employé (situation favorable par rapport à l'économie privée).
Il apparaît que les chiffres des experts ne sont pas contestés mais que deux thèses contradictoires sont soutenues:
- l'une par les instances de la CIA qui acceptent de laisser glisser le taux de capitalisation en dessous de 50% avec un taux de cotisation de 21,6%;
- l'autre par le Conseil d'Etat qui entend maintenir au moins un degré de capitalisation de 50% en portant progressivement le taux de cotisation à 24%, répondant en cela à une condition impérative que la commission des finances du Grand Conseil avait elle-même émise en 1986.
Audition des actuaires
M. .
L'actuaire nous rappelle que le problème du financement de la CIA remonte à 1975 et qu'en 1979 la CIA s'est vue dotée de nouveaux statuts prévoyant précisément l'introduction d'un système financier mixte. C'est en 1986 que la CIA a adopté celui qui consistait à constituer un fonds de réserves égal en tout temps à 50% au minimum des rentes en cours et des prestations de libre passage des actifs.
L'actuaire considère que nous ne pouvons pas nous situer en dessous de cette limite. Les actuaires sont opposés à la proposition du compromis de la CIA qui a pour but de descendre aux alentours de 40%. Se contenter d'une cotisation à 21,6% serait se décharger sur les générations futures qui devront prendre en charge une cotisation plus élevée.
L'actuaire conclut en disant que ce serait une erreur d'aller dans le sens d'une décapitalisation encore plus marquée et qu'il serait sage que le Grand Conseil suive le Conseil d'Etat dans son projet de loi. Un refus d'augmenter la cotisation provoquera une décapitalisation accélérée et la CIA va ainsi se trouver dans une situation problématique d'ici quelques années.
Point de vue du Conseil d'Etat et discussion de la commission
Il est manifeste que le problème principal qui motive le Conseil d'Etat est une question de responsabilité évidente; que face à cette situation bloquée, le Conseil d'Etat souhaite suivre les experts.
Cet avis a été contesté devant la commission fédérale de recours. La décision a tranché en faveur de l'autorité de surveillance et l'on se trouve devant l'échéance virtuelle du délai d'un recours devant le Tribunal fédéral. Il apparaît évident que le parlement ne peut pas prendre de risques compte tenu des montants considérables en jeux et que la proposition d'augmenter la cotisation, et par conséquent les charges de l'Etat, n'est pas proposée avec plaisir, mais il s'agit bien d'être responsable.
Vote d'entrée en matière sur le projet de loi 7121
10 oui (4 L, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E)
2 non (2 AG)
Article 1
10 oui (idem)
2 non (idem)
Article 2
La présente modification entre en vigueur le 1er juillet 1995
10 oui (idem)
2 non (idem)
Il s'agit de corriger l'article 104 des statuts de la manière suivante:
Article 104 (nouveau)
L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:
a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er juillet 1995;
b) augmentation de 21,6% à 22,8% au 1er juillet 1996;
c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er juillet 1997.
Vote final: la commission des finances accepte le projet de loi 7121 par 10 oui (4 L, 2 R, 2 PDC, 1 S, 1 E) et 2 non (2 AG).
Conclusion
En considérant que :
- les experts sont formels: si le taux n'est pas rehaussé, nous poursuivons un processus de décapitalisation;
- le taux de couverture n'a cessé de diminuer depuis 1979;
- le Conseil d'Etat, en sa qualité d'autorité de surveillance, est opposé à une modification du système financier de la CIA sous la forme d'une diminution du degré de couverture, d'autant plus que celle-ci bénéficie d'une garantie subsidiaire du canton de Genève qui assure le paiement des prestations dues lorsque la CIA n'est plus à même de tenir ses engagements;
- il n'est pas acceptable de décharger sur les générations futures la responsabilité de garantir une pérennité financière par une capitalisation insuffisante;
la commission des finances vous recommande d'accepter le projet de loi 7121 du Conseil d'Etat tel que modifié par ses soins.
RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE
Le projet de loi qui vous est soumis est présenté par la majorité comme indispensable à la réalisation des objectifs de la CIA, à savoir assurer l'équilibre financier de la caisse par rapport à ses engagements à l'égard des pensionnés. L'instance suprême de la CIA, son assemblée des délégués, ne partage pas cette analyse et a pris des décisions qui ne sont pas celles contenues dans ce projet de loi. Ces décisions ont été adoptées par toutes les instances de la caisse, y compris son comité dont la composition est paritaire, et cela à une très nette majorité
En refusant de reprendre les propositions de consensus adoptées par la CIA, le Conseil d'Etat et la majorité de la commission passe par-dessus le fonctionnement démocratique de cette caisse de retraite. A entendre le Conseil d'Etat, la CIA serait irresponsable en n'acceptant pas les hausses de cotisation prévues par le projet de loi. En quelque sorte les instances de la CIA seraient masochistes car elles prendraient le risque de ne pas pouvoir assurer le versement des prestations à ses assurés, ce qui est évidemment absurde. Ne pas suivre les propositions de la CIA constitue de fait un désaveu de son fonctionnement démocratique.
Sans entrer dans tous les détails de la procédure rappelons que la CIA postule une augmentation du taux de cotisation à 21,6% (actuellement 20,25%) alors que la majorité propose trois hausses successives: 21,6% en 1995, 22,8% en 1996 et 24% en 1997. Les deux propositions visent à assurer l'équilibre de la caisse jusqu'à l'an 2011, soit sur une période de vingt ans à dater des calculs actuariels effectués en 1992.
Le système financier de la CIA est un système mixte capitalisation/répartition. Les statuts prévoient que la fortune de la caisse doit être égale aux 240% de la somme des traitements assurés déterminants des membres actifs et ne doit pas être inférieure à la moitié de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres actifs.
Le Conseil d'Etat et la majorité de la commission ne retiennent, pour justifier les hausses de cotisation proposées, que le principe des 50% de capitalisation. L'argument essentiel étant que l'Etat offrant une garantie à la CIA l'augmentation de cette garantie consécutive à la diminution du degré de capitalisation deviendrait trop lourde. Or il faut bien voir que cette garantie n'a de sens qu'au cas où il n'y aurait pas de pérennité de l'Etat. Ce serait uniquement au cas où l'Etat devrait disparaître que la garantie serait mise en oeuvre. On le voit, nous nous trouvons dans un cas d'école plus qu'hypothétique! Au sujet de la décapitalisation il faut signaler qu'en 1979 le Grand Conseil avait accepté un système qui prévoyait un degré de capitalisation inférieur à celui qui serait atteint (environ 43%) avec la proposition de la CIA.
La CIA en proposant une hausse des cotisations à 21,6% conserve les deux sommes de référence (240% des traitements assurés et 50% de capitalisation) mais c'est alors la moyenne de ces deux sommes qui définit le montant minimum de la fortune sociale et qui permet d'assurer l'équilibre financier sur une période de vingt ans. A ce sujet il faut relever que les prévisions sur vingt ans comportent une part d'inconnues non négligeable. Ainsi les actuaires de la caisse ont effectué leurs calculs sur la base de paramètres dont certains sont par nature aléatoires. Premier exemple: le taux de croissance des salaires sur la période considérée est de 4% l'an. Qui peut aujourd'hui affirmer que dans quinze ans nous assisterons à une telle progression alors que, pour prendre la réalité présente, la progression actuelle dans le cadre du plan quadriennal est largement au-dessous de cette moyenne. Deuxième exemple: la variation des effectifs par année: qui peut aujourd'hui assurer que les effectifs seront stables, en diminution ou en augmentation sur vingt ans? Le pilotage sur une aussi longue période comporte à l'évidence des éléments d'appréciation qui ressortissent davantage à la voyance qu'à l'évaluation scientifique.
La proposition de la CIA s'appuie cependant sur ces projections à long terme mais elle a le mérite de ne pas anticiper des évolutions qui peuvent s'avérer fausses et permet un pilotage beaucoup plus fin. Cette proposition ne signifie aucunement un refus de principe de hausse de cotisation. Si, sur la période considérée, des éléments des paramètres retenus devaient s'avérer faux, la CIA et le Grand Conseil auraient la possibilité de réexaminer le taux de cotisation.
Notre Grand Conseil n'a pas compétence de modifier l'annexe au projet de loi 7121 prévoyant les nouveaux taux de cotisation. C'est pourquoi nous ne pouvons proposer d'amendement et vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi. De cette manière vous inviterez le Conseil d'Etat à déposer un nouveau projet de loi qui intègre les modifications aux statuts de la CIA telles qu'adoptées démocratiquement par cette dernière.
Premier débat
La présidente. La lecture d'une lettre ayant été demandée, je prie M. le secrétaire de bien vouloir procéder à sa lecture.
La présidente. Il n'est pas de ma compétence de suspendre de mon autorité les travaux sur ce projet de loi, surtout si personne au sein de cette assemblée ne le demande.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Je viens de prendre connaissance de ce courrier du 14 février 1995. C'est justement parce que le comité de la CIA a décidé, en mars 1994, une modification statutaire que le Conseil d'Etat, alerté par le service de surveillance, a proposé ce projet de loi.
J'aimerais rappeler que le service de surveillance des fondations a cette compétence et doit absolument veiller à ce que les caisses de prévoyance privées ou publiques remplissent les conditions dictées par l'ordonnance fédérale sur la prévoyance professionnelle qui, en fait, stipule que la fondation doit garantir un équilibre financier conformément à la loi et à ses statuts. La CIA, dans l'annexe II, article 25, de ses statuts définit l'équilibre financier à travers deux conditions qui doivent être réunies. Il faut, tout d'abord, que la fortune sociale de la caisse soit à un niveau au moins égal à 240% de la somme des traitements assurés déterminants des membres actifs. D'autre part - c'est véritablement deux solutions qui doivent être conjuguées - la fortune sociale ne doit pas être inférieure à la moitié de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres actifs.
Pourquoi ces deux conditions doivent-elles être réunies ? Tout d'abord parce que la première a une tendance à varier en fonction des effectifs, alors que la deuxième varie en fonction de l'évolution démographique des retraités, ce qui veut dire que, dans le rapport de minorité, le Conseil d'Etat ne s'est pas basé uniquement sur la deuxième raison. J'aimerais rappeler à M. le rapporteur de minorité - il est malheureusement absent - que ces statuts ont été proposés dans le projet de loi 5021 relatif aux nouveaux statuts de la CIA. Le Grand Conseil a accepté ces nouveaux statuts le 15 décembre 1978. Il est dit le contraire, en page 10 du rapport de minorité. C'est bien le Grand Conseil qui a la compétence de modifier ces statuts.
D'autre part, l'ordonnance fédérale repose sur l'analyse d'experts reconnus sur le plan fédéral des assurances sociales, ce qui explique que le recours qui avait été déposé à la commission fédérale des recours ait été rejeté. Ce rejet a été motivé essentiellement par le fait que seuls les experts ont la compétence d'évaluer si la caisse remplit ou ne remplit pas les conditions. Ces rapports sont à disposition de ceux qui le souhaitent depuis 1978. Tous les rapports établis par les experts sont unanimes et ont la même conclusion, c'est-à-dire alerter l'autorité de surveillance sur les difficultés à venir que rencontrera la CIA pour garantir son équilibre financier si elle ne modifie pas le taux de cotisation.
Le taux de couverture n'a, en fait, cessé de diminuer depuis 1979, puisqu'il était environ à 90% à cette époque. Aujourd'hui, il se situe à quelque 60%. Les experts sont formels sur ce processus de décapitalisation si le taux n'est pas rehaussé. Il n'est pas acceptable et il serait irresponsable de décharger sur les générations futures la responsabilité de garantir cette pérennité financière. Nous vous rappelons que les visions des experts portent généralement sur une durée de vingt ans, ce qui explique que, vingt ans auparavant, on peut, avec une faible modification du taux, apporter un redressement du niveau de capitalisation.
Je vous propose de suivre la proposition du Conseil d'Etat qui, dans sa sagesse habituelle et avec le sens des responsabilités, a réalisé ce projet de loi et de l'approuver comme la majorité de la commission des finances.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Je viens de prendre connaissance de cette lettre du cartel demandant la suspension des travaux. Je jugerais utile que nous débattions sur le contenu de cette lettre afin de savoir si nous sommes vraiment en situation de pouvoir trancher aujourd'hui. A ma connaissance pas.
La présidente. Je regrette, Monsieur Godinat, le projet de loi a été inscrit régulièrement à notre ordre du jour. Je viens de consulter le règlement, je n'ai absolument aucun article prévoyant de suspendre les travaux. Vous pouvez toujours demander le renvoi en commission, mais en tout cas aucune disposition légale ne me permet d'accéder à votre demande.
M. Gilles Godinat, rapporteur ad interim de minorité. Alors, je demanderai le renvoi en commission.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'allais précisément formuler cette proposition, car il faut quand même donner une explication un peu plus claire que celle que vous venez d'indiquer pour justifier cette demande de renvoi en commission.
Le projet de loi qui nous est soumis n'est rien d'autre que la reprise de la proposition faite en 1993 par cette commission. Cette proposition est intervenue antérieurement à la contre-proposition formulée par les instances de la CIA, c'est-à-dire le comité et l'assemblée des délégués qui se sont mis d'accord sur un taux intermédiaire de 21,4%. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est attaqué devant les instances judiciaires, puisque, vous l'avez rappelé tout à l'heure, une procédure est pendante devant le Tribunal fédéral et il n'est pas du tout impossible que le Tribunal fédéral annule la décision qui a été prise. Dans toute procédure judiciaire, il y a une incertitude permettant de penser que l'autorité saisie puisse annuler la décision attaquée.
Que ferions-nous si le Tribunal fédéral devait annuler cette décision et le Grand Conseil voter ce projet de loi ? Ce serait totalement absurde. La proposition de renvoi en commission a le mérite, d'une part, d'attendre la décision du Tribunal fédéral. Je crois qu'il faut être respectueux des décisions judiciaires et quand on sait qu'une procédure est actuellement pendante et qu'elle devrait se terminer vraisemblablement dans les semaines, voire dans les mois qui suivent, la moindre des choses serait d'attendre effectivement le résultat de cette procédure.
La deuxième raison, encore plus importante à mes yeux, c'est que la proposition que le comité et l'assemblée des délégués de la CIA ont formulée pour un taux intermédiaire entre celui pratiqué actuellement et celui proposé par le Conseil d'Etat dans son projet de loi n'a pas été examinée par les experts pour la bonne et simple raison que la décision rendue pas ces experts l'a été avant que cette proposition ne soit retenue par les instances de la CIA.
Enfin, une troisième raison militerait en faveur du renvoi de ce projet de loi en commission : c'est simplement le respect du fonctionnement démocratique d'une caisse de pension. Vous avez rappelé, Monsieur le rapporteur de majorité, que finalement le système financier de la caisse, qui est un système mixte de répartition avec fonds de réserve, était le résultat d'un compromis politique ayant été accepté par ce Grand Conseil en 1979. Le résultat qui est aujourd'hui dans la loi, c'est-à-dire les statuts de la CIA que le Grand Conseil a avalisés, donne une compétence aux autorités de la CIA - son comité et, souverainement, l'assemblée des délégués - pour prendre des décisions.
Aujourd'hui, il faut savoir que la proposition qui nous est faite, telle qu'elle est libellée dans le projet de loi du Conseil d'Etat, est contraire à la volonté des instances de la caisse. Ces trois éléments devraient nous amener à renvoyer en commission ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Sans entrer dans des aspects juridiques particuliers, je tiens simplement à rappeler à M. Ferrazino que la situation qu'il dépeint aujourd'hui était la même lorsque nous avons voté ce projet de loi en commission des finances. La commission fédérale de recours en matière de prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalides avait déjà rejeté le recours et le recours au Tribunal fédéral était pendant. Si le Conseil d'Etat a estimé qu'il était nécessaire de maintenir cet objet à notre ordre du jour et de voter aujourd'hui sur ce projet de loi, je pense qu'il a raison, malgré vos arguments, et je demande aux députés de refuser le renvoi en commission.
Mme Christine Sayegh (S). Vu les circonstances et notamment le recours au Tribunal fédéral pour examiner la compétence de l'autorité de surveillance à modifier les statuts et à nous présenter ce projet de loi, nous sommes favorables à un renvoi en commission.
Il est effectivement assez absurde de vouloir prendre ce soir une décision, car, si le projet de loi est accepté, il ne sera pas applicable, puisqu'il y a un effet suspensif et que l'on devra attendre la décision du Tribunal fédéral. Cela permettra peut-être aussi - puisqu'il y a eu un compromis de la CIA qui n'a pas été accepté par l'autorité de surveillance - de reprendre les négociations et d'arriver éventuellement à une entente, car ce contentieux risque de déboucher sur des ennuis très graves et un avenir très antidémocratique dans la manière de prendre les décisions de la CIA.
C'est pourquoi nous aimerions que le vote du Grand Conseil soit postérieur à la décision du Tribunal fédéral. Nous ne pouvons pas reporter le vote, donc, nous demandons le renvoi en commission.
M. Daniel Ducommun (R). En ce qui nous concerne, il n'y a pas de raison de suspendre nos travaux. Notre instance est compétente ce soir pour juger. Ne laissons pas les juristes couvrir à nouveaux nos responsabilités politiques. Nous refuserons donc le renvoi en commission.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Ce qu'a dit M. Ferrazino ne doit absolument pas changer vos positions dans le sens où la modification, qui a interpellé le service de surveillance des fondations, est bien une modification statutaire qui, en fait, imposait que le degré de capitalisation, fixé dans les statuts à 50%, soit situé à une valeur inférieure à ce 50%.
La proposition faite par l'assemblée des délégués prévoyait de fixer une cotisation à 21,6%, ce qui ne change absolument pas le problème à terme - le degré de capitalisation ou de couverture serait inférieur à 50% - d'autant plus que le Conseil d'Etat, en tant que responsable politique et autorité de surveillance, n'entendait pas modifier le degré de capitalisation à un niveau inférieur à 50%. Cela serait irresponsable. C'est pour cela que je vous propose d'accepter ce projet de loi.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Deux choses pour argumenter le renvoi en commission. Je ferai tout d'abord un petit rappel historique. Il est important de savoir que, lorsque la CIA discutait des modifications statutaires, le 30 août 1993, le service de surveillance des fondations a pris la décision de modifier les statuts et les taux de cotisation, alors que, formellement, c'est l'assemblée des délégués qui a ce pouvoir. Le Conseil d'Etat a la possibilité ensuite de donner force aux décisions de la caisse de pension.
La situation actuelle, c'est qu'il y a deux propositions. Je ne reviendrai pas sur des détails qui sont très bien expliqués dans le rapport de minorité, notamment sur le calcul proposé avec le taux de 21,6, il fait d'ailleurs partie du premier palier proposé dans le rapport de majorité. Il serait tout à fait possible, en commission, d'adopter ce premier palier qui fait l'unanimité et d'attendre le jugement du Tribunal fédéral pour pouvoir trancher sur les autres parties. Je tiens à rappeler que le recours au Tribunal fédéral a été fait après le vote en commission.
M. Claude Blanc (PDC). Il est bien clair que le Conseil d'Etat, sur injonction du service de surveillance des fondations, avait le devoir absolu de veiller à ce que la décapitalisation de la CIA soit arrêtée à temps et qu'il était dans ses cordes, dans son pouvoir et son devoir de demander au Grand Conseil de prendre la décision qui s'imposait de manière qu'on ne se trouve pas dans vingt ans avec une caisse qui ne sera plus en mesure d'assurer les prestations. Alors qui les assurera ? L'Etat devra, à ce moment-là, avec les impôts des générations futures, recapitaliser la caisse. Est-ce cela que vous voulez ? Si vous voulez que l'on remette en cause les prestations et que l'on arrive à la parité des cotisations - parce que tout est possible - il faut continuer ainsi.
Je crois qu'il vaut mieux accepter de prendre les mesures nécessaires à la survie de la caisse plutôt que de la voir remise en cause fondamentalement. C'est pourquoi nous nous opposerons au renvoi en commission et nous vous invitons à voter ce projet de loi.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je fais partie de la majorité de la commission qui a accepté ce projet de loi. Je ne suis absolument pas une spécialiste des questions du financement des caisses de pension et c'était des discussions extrêmement techniques. Il m'est cependant apparu que les arguments avancés par les actuaires étaient convaincants. Cela dit, je me suis élevée à plusieurs reprises en commission sur le côté un peu gênant de la procédure qui passe outre aux décisions de la CIA.
Par ailleurs, la commission des finances n'a plus siégé depuis le mois de décembre et c'est lors de cette dernière séance que nous avons voté ce projet de loi. Nous n'avons rien à notre ordre du jour. Il m'apparaît donc, dans un esprit de conciliation, que nous pourrions reprendre très rapidement ce projet de loi. Peut-être pas pendant la semaine des vacances mais la semaine d'après. C'est pour cela que je soutiens la proposition de M. Godinat, à savoir de revenir avec un projet de loi qui serait, je dirais, de transition pour une année et qui reprendrait la position de l'assemblée de la CIA. Suivant la décision du Tribunal fédéral, on reprendrait les deux tranches une année après. Je soutiens donc la proposition de renvoi en commission.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il s'agit de trancher sur la question du renvoi en commission et pas encore sur le fond. Je voudrais simplement dire que le projet de loi que vous avez sous les yeux a été déposé le 4 juillet 1994 et le point de vue de toutes les parties en cause a été entendu et recueilli lors des auditions demandées par la commission des finances du Grand Conseil. C'est précisément à la suite d'une décision de l'assemblée des délégués de la CIA que le Conseil d'Etat a été amené, prenant ses responsabilités, à vous présenter le projet de loi 7121 et, dans ce projet de loi, il y a la présentation équilibrée, complète, mise en évidence, du point de vue du Conseil d'Etat et de l'assemblée des délégués.
On nous demande aujourd'hui, comme ça, in extremis, de suspendre les travaux et de renvoyer ce projet en commission au motif qu'il y a une procédure pendante devant le Tribunal fédéral. J'aimerais vous dire que cette demande est manifestement dilatoire. Pourquoi ? Parce que, devant le Tribunal fédéral, les recourants - le Cartel intersyndical représenté par M. Fioux - demandent exactement le contraire, c'est-à-dire la suspension de la procédure devant le Tribunal fédéral jusqu'à ce que votre Grand Conseil ait tranché. (Rires épars.) Alors de qui se moque-t-on ?
Je voudrais vous donner connaissance, de façon que cela figure dans votre Mémorial, de l'ordonnance du 9 février 1995 que notre gouvernement a reçue du Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral nous demande de nous prononcer sur la requête d'effet suspensif des recourants. Il est dit, notamment, je cite :
«Considérant que les recourants requièrent préalablement le Tribunal fédéral de suspendre l'instruction du recours jusqu'à la détermination du Grand Conseil du canton sur la demande de ratification des modifications des statuts...».
Je crois donc que nous avons même aujourd'hui une demande expresse des recourants eux-mêmes à statuer immédiatement, et c'est ce que nous vous demandons de faire. (Applaudissements.)
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Maitre distille une certaine information, il s'avère que j'ai ici les conclusions préalables desquelles il ressort que le syndicat ne tient pas un double langage. Il est clair que vous ne manquez pas une occasion d'essayer de faire croire que les syndicats pourraient tenir des doubles langages, Monsieur Maitre, mais je peux vous dire... (L'orateur est contesté par la droite.) ...qu'en l'occurrence le langage... (Protestations de MM. Vaucher et Lombard.) Voilà, M. Vaucher se distingue avec M. Lombard ! On commence à connaître les habitués des invectives sur les bancs d'en face ! Allez-y ! Prenez un peu d'avance ! (Cacophonie générale, la présidente soupire.) Ça me permettra de continuer !
Monsieur Maitre, que demande le recours dans les conclusions préalables ? C'est que l'instruction soit suspendue jusqu'à décision du Grand Conseil, non pas seulement sur la demande de ratification de modification des statuts mais également sur l'augmentation des cotisations adoptées et acceptées sur proposition du comité de la CIA par l'assemblée des délégués de la CIA, du 10 mars 1994. Alors, Monsieur Maitre, votre sens de l'information ressemble beaucoup à celle de votre collègue Philippe Joye quand il fait publier des «Infos-rade» dans la presse locale. (L'orateur est chahuté par les députés de l'Entente.) Oui, c'est une manie, semble-t-il, au gouvernement, d'avoir un sens de l'information très limité.
Il semble, Monsieur Maitre, que vous ayez de la peine à comprendre cette notion même, qui est celle du respect du fonctionnement démocratique d'une caisse de pension. Cela n'est pas un motif juridique, mais un motif politique élémentaire de respecter le fonctionnement démocratique, Monsieur Gardiol, d'une caisse de pension. Les syndicats, dans leur recours, ne demandent rien d'autre.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Ferrazino a un art consommé d'essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! (Acquiescements sur les bancs de la droite.) Puisqu'on lit les textes, je vais vous lire complètement le texte de l'ordonnance du Tribunal fédéral. Puisqu'on parle de fonctionnement de notre régime démocratique, de notre régime d'Etat de droit, je voudrais vous dire que, en ce qui concerne le régime démocratique, je fais plus confiance au parlement qu'au comité de la CIA et, en ce qui concerne l'Etat de droit, je fais davantage confiance au Tribunal fédéral qu'à M. Ferrazino !
Pour le surplus, le Tribunal fédéral, lui-même, précise en toutes lettres :
«Considérant que les recourants requièrent préalablement le Tribunal fédéral de suspendre l'instruction du recours jusqu'à la détermination du Grand Conseil du canton de Genève sur la demande de ratification des modifications des statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève, qu'il y a lieu de statuer sur cette requête avant d'inviter la commission fédérale de recours et le service intimé à répondre au recours...».
Puis, on nous envoie un double de l'acte et on nous donne un délai pour nous déterminer à cet égard. Le Tribunal fédéral, lui, a manifestement compris ce que vous ne semblez pas avoir compris. Si vous le voulez, je vous donne volontiers son numéro de téléphone et son adresse !
Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce rapport en commission est rejetée.
M. Daniel Ducommun (R). Après ce numéro de M. Ferrazino, nous revenons d'une façon sereine sur le fond.
Notre groupe est préoccupé par la situation financière de la CIA. Nous défendons, ce soir, une option de raison et voterons à l'unanimité ce projet de loi, bien qu'il en coûte des charges supplémentaires et substantielles pour l'Etat employeur. Ce qui nous préoccupe au premier chef, c'est que la qualité des prestations offertes aux membres de la CIA soit maintenue à terme et qu'en aucune façon les acquis sociaux et les prestations ne soient remis en cause.
L'assemblée des délégués, dont nous ne remettons pas en cause le pouvoir démocratique, Monsieur Ferrazino, bien que sa composition paritaire soit discutable, et l'Alliance de gauche entretiennent des positions angoissantes lorsqu'elles déclarent brader progressivement la substance de la caisse sous la haute sécurité de la garantie de l'Etat. Nous considérons que ce point de vue est irresponsable. Nous devons nous référer à ce titre au rapport des experts, M. Vaudroz l'a confirmé tout à l'heure, qui déclare que le financement actuel n'est pas suffisant pour garantir l'équilibre financier de la CIA à terme et qu'il convient d'augmenter le taux de cotisation.
La commission des finances, notre parlement, notamment lors des modifications statutaires de la CIA en 1986, ont toujours eu une position précise : celle que la décapitalisation ne descendrait en aucune façon au-dessous de 50% de la somme des valeurs actuelles des pensions et des prestations de libre passage des membres en activité. Certains contestent cela. Ils veulent dans vingt ans un degré de capitalisation de l'ordre de 40% et un poids de garantie pour l'Etat de plus de 7 milliards. Ce n'est pas sérieux, d'autant plus que les paramètres de référence évoluent négativement, diminution des effectifs et augmentation plus modérée des salaires.
Si nous n'acceptons pas une hausse des cotisations sur trois ans à 24%, il faudra décapitaliser et, inévitablement, sur pression de l'autorité de surveillance, il faudra baisser les retraites. Nous ne voulons pas cela et, ce soir, nous serons du côté des gens raisonnables, nous voterons ce projet.
Mme Christine Sayegh (S). Doit-on augmenter les cotisations CIA ? Cette question délicate qui résulte de la dernière analyse actuarielle a suscité bien des remous au sein de la CIA dont le comité, dans sa majorité, avait répondu oui, alors que l'assemblée des délégués disait non. Non à une hausse, non à un changement du système financier actuel. Le système financier de la CIA adopté en 1986 et accepté par le Grand Conseil étant expliqué en détail dans le projet de loi, ses annexes et le rapport que nous avons sous les yeux, je ne reviendrai donc pas sur les explications déjà données.
Je constate simplement qu'après les divergences qui ont opposé les membres du comité, puis ceux de l'assemblée des délégués, il ressort un compromis, lequel accepterait une augmentation de la cotisation égale au premier palier qui avait été proposé par le comité dans sa décision du 15 décembre 1992, soit de passer de 20,25% à 21,06%. En acceptant ce compromis, on ne peut, selon les actuaires, maintenir les conditions du système financier actuel, puisque le taux de capitalisation qui devrait être de 50% serait réduit à 40%. Or, ni le comité ni l'assemblée des délégués ne sont d'avis de changer le système. Ce compromis, analysé par les actuaires, conduirait à une décapitalisation et donc à une modification du système qui ne garantirait plus les rentes des générations futures.
Dans cette situation bloquée, le Conseil d'Etat, autorité de surveillance, a pris une décision sous forme du présent projet de loi. Se posent alors deux questions. Celle de fond : doit-on ou non suivre les propositions des actuaires, reprises par la majorité du comité, puis par l'autorité de surveillance ? Les explications données en commission des finances démontrent que le taux de cotisation d'autres caisses ayant un système semblable à celui de la CIA sont de 27% pour la caisse des TPG, et l'Etat de Vaud applique le taux de 24% depuis plusieurs années. Le problème, à moyen terme, est que la décapitalisation va, comme pour plusieurs caisses cantonales en Suisse alémanique, contraindre la CIA à quitter le système de la primauté des prestations calculées sur le salaire assuré pour introduire le système de la primauté des cotisations, système d'épargne qui représente une régression au niveau social, puisque la quotité de la rente n'est plus assurée.
Les arguments des actuaires ont le mérite de la comparaison avec d'autres cantons et, en cela, ils sont convaincants. Le groupe socialiste ne peut adhérer à une thèse pouvant porter atteinte aux prestations et regrette qu'un accord n'ait pu être conclu. Cela s'explique, peut-être, par le fait que les fonctionnaires sont sur la défensive suite aux mesures prises par le Conseil d'Etat - réduction du personnel, gel des salaires et des primes de fidélité - ainsi que la crainte de voir se modifier la répartition de la part de cotisation CIA prise en charge par l'Etat. Sur ce dernier point, le chef du département des finances a donné des garanties en commission, à savoir que le Conseil d'Etat n'entend pas modifier le rapport actuel de deux tiers / un tiers, c'est-à-dire deux tiers des cotisations à charge de l'employeur.
La question de forme est tout aussi importante que le fond. Nous l'avons déjà évoquée au sujet du renvoi en commission. En effet, la décision de modification statutaire est proposée par l'autorité de surveillance contre l'avis du comité et de l'assemblée des délégués de la CIA. Cet acte d'autorité dérange, car il est antidémocratique et il crée un contentieux dont les répercussions seront certainement dommageables dans l'avenir et, peut-être, pour un long avenir.
Par ailleurs, la compétence de l'autorité de surveillance - nous l'avons vu suite à cette décision - est actuellement à l'examen devant le Tribunal fédéral et l'effet suspensif, assorti à ce recours, ne permet pas l'application de ce projet de loi immédiatement et avant l'entrée en force de la décision du Tribunal fédéral. Pour être constructif, il aurait été raisonnable d'inviter l'autorité de surveillance à poursuivre les discussions avec les instances de la CIA et de reporter le vote de ce projet de loi après que le Tribunal fédéral se fut prononcé. Il y a peut-être d'autres pistes à étudier, mais le Grand Conseil ayant un pouvoir très limité, celui d'accepter ou non la modification statutaire, il ne peut prêter son concours pour trouver une solution négociée autrement qu'en différant ce vote.
Malheureusement, nous devons décider aujourd'hui. Alors que les arguments de fond de ce projet paraissent pertinents, la forme n'est cependant pas satisfaisante. C'est pourquoi une partie de notre groupe ne votera pas et s'abstiendra.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Notre groupe acceptera cette hausse de cotisation, car nous pensons que, pour une caisse de pension d'Etat de cette importance, il est irresponsable de descendre au-dessous du seuil de 50% de capitalisation. Nous estimons également que la garantie de l'Etat, en cas de difficulté de versement aux pensionnés, est justement un argument en faveur de la décision de l'Etat de se soucier de ne pas trop décapitaliser et d'accepter la proposition des actuaires de monter le taux à 24%. C'est la responsabilité du Conseil d'Etat.
Cette proposition de hausser les cotisations ne date pas d'aujourd'hui et le comité de la CIA en a souvent débattu. Mais, actuellement, avec les soucis budgétaires de l'Etat, nous serions inconscients de la refuser. S'il est vrai que l'on demande déjà pas mal aux fonctionnaires en leur diminuant leur salaire, il est vrai aussi qu'ils ont des conditions très avantageuses avec cette caisse de pension par rapport aux autres caisses privées ou d'autres cantons. Il est toutefois une question éludée avec cette hausse de cotisation, c'est celle de la gestion de la fortune de la CIA. N'y aurait-il pas, là aussi, des choses à revoir et une nouvelle méthode de gestion ne devrait-elle pas être discutée parallèlement à la mesure prise d'augmenter les cotisations ? Mais ce n'est pas l'objet des discussions sur ce projet de loi.
Il est certain que le refus de l'assemblée des délégués, composée d'employés uniquement, apparaît comme un réflexe un peu égocentrique. Ils n'ont pas envie d'une hausse supplémentaire, ce que l'on peut comprendre. Mais c'est à l'Etat, organe de surveillance et qui, en cas de problèmes, doit garantir les versements, de prendre des mesures dictées par la commission d'experts et de se responsabiliser. De toute façon, si cette mesure s'avère excessive, rien n'empêche de revoir les cotisations à la baisse d'ici quelques années.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Mon groupe tient à féliciter le Conseil d'Etat d'avoir bien voulu élaborer ce projet de loi ainsi que de la fermeté et de la responsabilité légitime qu'il assume dans ce dossier.
Depuis des années, les experts recommandent des hausses de taux de cotisation. Leurs projections démontrent que dans les vingt ans à venir la CIA ne sera plus en mesure d'assumer ses engagements. Mais une partie des fonctionnaires, dont l'Alliance de gauche se fait le porte-parole, ne veulent pas en entendre parler. Si les réserves n'existent plus, il faut simplement décapitaliser et porter la garantie de l'Etat, c'est-à-dire notre garantie à nous les contribuables, à plus de 7 milliards. Certains, dont M. Spielmann, contestent et disent que cela est antidémocratique alors que cette garantie de 7 milliards nous concerne directement. C'est donc bien à nous d'assumer la hausse de la cotisation annuelle que la CIA refuse.
Je vous rappelle, Monsieur Ferrazino, que, dans le secteur privé de la gestion des fonds de prévoyance, ceux-ci doivent être capitalisés à 100%. En cas de décapitalisation, nos fonds de prévoyance sont soumis au contrôle des fondations qui, à ce moment-là, nous mettent sous tutelle. Nous avons beau argumenter en évoquant certains statuts à l'intérieur de notre fondation, nous ne pouvons pas discuter et c'est comme ça !
En l'occurrence, le problème est le même. Si ceux qui paient une partie des cotisations considèrent que la décapitalisation qui arrive est dangereuse, il est normal que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat s'en mêlent. De plus, vous pensez bien que, dans l'état actuel des finances de notre canton, ce n'est certainement pas de gaieté de coeur que notre gouvernement nous fait voter ce projet de loi. Mais, en réalité, il est responsable, et c'est pour cela qu'il le fait. Cette loi va coûter à l'Etat plus de 4,5 millions en 1995 au budget de fonctionnement, plus de 13 millions en 1996, plus de 21 millions en 1997 et, enfin, plus de 12,5 millions en 1998. Si notre gouvernement nous demande de voter cette loi qui va coûter en quatre ans au budget de fonctionnement plus de 51 millions dans l'état actuel des finances, vous vous rendez bien compte que c'est un souci de gens responsables qui le motive.
Mais, Messieurs de l'Alliance de gauche, vous faites partie de ceux qui, malgré les explications des experts, malgré le rejet de la commission fédérale de recours en matière de prévoyance, suite au recours du Cartel intersyndical de la fonction publique contre le service de surveillance, persistent et signent, et cela me désole. Je ne reviendrai pas sur les arguments très pauvres du rapporteur de minorité qui, malheureusement une fois de plus, n'est pas là, mais je relève que vous remettez en question les calculs des experts en disant que ceux-ci ressortent davantage de la voyance que d'une évaluation scientifique. Je vous dis, quant à moi, que votre rapport de minorité c'est du spiritisme, parce que, sur les trois séances que la commission a tenues sur ce sujet, votre rapporteur de minorité n'a été présent qu'à une seule. Il n'était là ni pour écouter les experts de la CIA, ni à l'audition du comité de la CIA, et il n'est pas là ce soir pour défendre son rapport. Je le répète, votre rapport c'est du spiritisme, et je réfute totalement vos arguments. Je vous prie donc d'accepter ce projet de loi.
M. Christian Grobet (AdG). Vos propos, Monsieur Gardiol - c'est une habitude chez vous - sont parfaitement désagréables. (Contestations, l'orateur hausse le ton.) J'aimerais vous dire que, s'il faut déplorer l'absence de quelqu'un aujourd'hui, c'est celle du conseiller d'Etat, membre de votre parti et responsable de ce dossier. (Brouhaha.) Alors, vous avez perdu une bonne occasion de vous taire ! M. Spielmann est un député parfaitement régulier et qui, aujourd'hui, a une obligation professionnelle. Il s'est excusé à cette séance. Votre remarque est déplaisante, et on pourrait regretter, comme je l'ai dit, l'absence de M. Olivier Vodoz, mais il a certainement également une bonne raison pour ne pas être là.
Nous n'admettons pas davantage le procès d'intention que vous nous faites, Monsieur Gardiol. On sait très bien qu'en matière d'expertise il y a des avis souvent forts divergents. Chaque parti recourt à son propre expert, et il appartient à des autorités indépendantes et neutres de juger. Peut-être que l'expert mis en oeuvre par l'autorité de surveillance des fondations a raison. Nous ne l'excluons pas. Mais vous ne pouvez pas non plus préjuger, Monsieur Gardiol, de la décision du Tribunal fédéral. Tout ce que nous nous sommes bornés à dire lors de ce débat, c'est qu'il fallait attendre la décision du Tribunal fédéral. Par voie de conséquence, je n'admets pas que vous nous accusiez ici de dire que nous prenons fait et cause dans un sens ou dans l'autre ou que nous sommes dogmatiques. Nous avons été clairs, nous souhaitons connaître la décision du Tribunal fédéral, et il est évident qu'à ce moment-là nous nous inclinerons comme vous-mêmes le feriez.
Nous avons également dit une chose que vous ne semblez pas entendre, ce qui est extrêmement regrettable. Je souscris aux propos tenus tout à l'heure par Mme Torracinta-Pache, à savoir que, dans la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons actuellement à Genève en matière d'emplois et de relations avec le personnel de l'Etat, je crois, Monsieur Gardiol, qu'il serait temps aujourd'hui de prôner le dialogue plutôt que la confrontation. En effet, le personnel ne reçoit plus les adaptations de salaire auxquelles il a droit en vertu de la loi, pour des motifs budgétaires que vous connaissez, ce qui a amené, circonstance exceptionnelle, des gardiens de la force publique à descendre dans la rue, ce qui est assez extraordinaire ! C'est vous qui voulez cette confrontation avec le personnel, et nous pensons que c'est une fausse politique. (Manifestations de lassitude sur les bancs de l'Entente.)
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur ad interim. Notre groupe proposera le refus de ce projet de loi pour deux raisons. Les taux proposés tiennent compte d'un avis différent de celui de l'actuaire mandaté. L'actuaire s'est basé sur une projection à vingt ans avec des taux fixes concernant la masse salariale, d'une part, et les effectifs, d'autre part. Or, ces deux éléments fluctuent. Il n'y a pas de garantie que dans vingt ans l'on se trouve de façon linéaire dans cette projection. Il faut adapter et procéder par étape. La décapitalisation actuelle est relative. Si l'on prend - comme cela est dit à la page 10 - la moyenne des deux sommes entre les 240% des traitements assurés et le 50% de capitalisation, nous sommes tout à fait dans la couverture nécessaire. C'est la décision prise par le comité de la CIA, lui-même, qui est un comité paritaire.
L'évolution actuelle dans les caisses de prévoyance tend vers une participation patronale s'alignant sur le deux tiers / un tiers. C'est une évolution que l'on observe. Actuellement, il serait préférable que ce Grand Conseil tienne compte des rapports de force sociaux, de la situation sociale dans ce canton, de l'évolution sociale et des propositions de dialogue qui sont faites par la CIA elle-même, en tenant compte du jugement du TF.
M. Claude Blanc (PDC). Dans ce débat, les députés de l'Alliance de gauche me font penser à des enfants qui s'amusent avec des allumettes ! Mais prenez garde de ne pas mettre le feu à la barraque, si vous me passez l'expression ! La CIA est tout de même une institution qui privilégie ses membres et peu d'entre nous bénéficient de conditions aussi avantageuses. La loi sur les incompatibilités nous oblige, évidement, à travailler ailleurs et à être assurés à des caisses de retraite qui n'ont pas du tout les mêmes avantages que la CIA.
La CIA garantit la primauté des prestations, alors que la plupart des autres caisses de pension ne garantissait que la primauté des cotisations. La CIA assure le paiement des cotisations à raison de deux tiers par l'employeur et un tiers par l'employé.
J'aimerais bien que tous les députés salariés me disent s'ils bénéficient de conditions aussi favorables. Nous sommes convaincus que nous devons maintenir le système de la CIA avec la primauté des prestations : deux tiers / un tiers pour les cotisations. Dans la République, il y a des personnes qui nous disent que ça suffit, qui font des comparaisons avec leur propre situation et qui pourraient bien, un jour, souffler sur le feu que vous êtes en train d'allumer et remettre en cause fondamentalement les statuts de la CIA.
Alors, en ayant voulu aujourd'hui faire semblant de défendre les assurés de la CIA, vous aurez en réalité mis le feu à la CIA et provoqué la catastrophe. Soit on décapitalise, soit le peuple imposera de changer le système de la CIA, et ce ne sera pas à l'avantage de ses membres. C'est pourquoi il faut que nous prenions nos responsabilités, que nous affirmions haut et fort que nous voulons maintenir la CIA dans ses structures actuelles, que nous voulons maintenir la primauté des prestations et le système de cotisations. Pour cela, nous devons prendre nos responsabilités et adapter ces cotisations.
M. Michel Balestra (L). Il est regrettable que ce débat soit très politisé, alors que, dans le cadre de la commission des finances, nous avions l'impression d'assister essentiellement à un débat technique. Tous les gens que nous avons entendus, qui étaient des professionnels soit de la CIA, soit des experts, ont affirmé qu'il était absolument indispensable de mettre en place ce projet de loi. Je crois qu'il ne faut pas jouer avec la sécurité sociale des employés de l'Etat et qu'il est indispensable de voter ce projet de loi ce soir.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le débat de ce soir n'est en réalité rien d'autre que la chronique d'un rendez-vous pris il y a une vingtaine d'années. Le Grand Conseil d'alors avait pris la décision justifiée d'introduire dans la loi sur le traitement des fonctionnaires des annuités supplémentaires, 13, 14 et 15 et de faire en sorte - contrairement à l'avis des actuaires, ce qui était un risque - que ces annuités supplémentaires soient intégrées dans le salaire déterminant pour l'ouverture du droit à la retraite.
Nous avons su, à partir de ce moment-là, qu'il y avait un risque, c'était le risque de la décapitalisation. Ce risque s'est concrétisé alors même que pendant de nombreuses années nous avons vécu cette expansion folle de l'administration cantonale qui amenait des cotisants supplémentaires et, par conséquent, des recettes supplémentaires à la CIA.
Aujourd'hui, un rendez-vous est pris, c'est le rendez-vous avec la responsabilité que nous devons avoir vis-à-vis de l'ensemble des retraités actuels et potentiels de la fonction publique. Il n'est tout simplement pas concevable d'envisager que la décapitalisation de la caisse se poursuive davantage encore.
Qu'il me soit permis de vous dire qu'en 1977 déjà les actuaires spécialistes de la caisse recommandaient que le taux de cotisation soit porté à 24 ou 25% et qu'à ce moment-là nous avons trouvé une sorte de mi-chemin.
Aujourd'hui, il n'est même pas proposé de vous demander d'adopter le taux que les actuaires-conseils proposaient en 1977, il vous est demandé d'augmenter de manière graduelle ce taux à 24% sur plusieurs années. C'était la proposition du Conseil d'Etat en qualité d'autorité de surveillance qui a approuvé la décision du comité de la CIA, décision qui n'a pas été approuvée par l'assemblée des délégués.
J'aimerais dire que l'autorité compétente dans ce domaine, c'est vous. C'est à vous qu'il appartient de prendre cette responsabilité vis-à-vis des assurés et des générations futures de travailleurs de la fonction publique. Nous ne pouvons tout simplement pas esquiver, éluder davantage nos responsabilités. Ce soir, l'heure a sonné, c'est tout simplement un acte de confiance envers cette caisse extrêmement importante qu'il vous est demandé de faire, voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, de manière absolument sereine mais très ferme, vous demande d'approuver ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administrationdu canton de Genève (CIA)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA) sont approuvées.
2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.
Art. 2
La présente modification entre en vigueur le 1er juillet 1995.
ANNEXE
Modifications aux statuts de la CIA.
Art. 24, al. 1 (nouvelle teneur)
Cotisation annuelle
1 Le taux de la cotisation annuelle est fixé à 24% du traitement assuré. Le taux est réduit à 3% pour les assurés de moins de 20 ans révolus. L'article 104 demeure réservé.
Art. 104 (nouveau)
Progression cotisation annuelle
L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:
a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er juillet 1995;
b) augmentation de 21,6% à 22,8 au 1er juillet 1996;
c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er juillet 1997.