Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 7e séance

P 1047-A
9. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant la diminution des prestations aux associations chargées du transport de personnes handicapées. ( -)P1047
Rapport de Mme Liliane Charrière Urben (S), commission des pétitions

En date du 31 octobre 1994, la commission des pétitions, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, a pris connaissance d'une pétition adressée au Grand Conseil par Mme Christiane Charbonney à propos de la diminution de prestations en matière de transport de personnes handicapées. Cette requête, munie de deux signatures, a la teneur suivante:

PÉTITION

concernant la diminution des prestations sociales

Mesdames etMessieurs les députés,

Ayant entendu parler de la diminution budgétaire de 10% fixée par le département de l'action sociale et de la santé, et en souffrant de manière tangible (puisque la Fondation Transport-Handicap qui me véhiculait a décidé de m'exclure des personnes bénéficiant de ces moyens de transports, malgré un lourd handicap amputation de la jambe plus problèmes oculaires graves), je me permets de vous rendre attentifs au fait qu'une telle diminution de prestations touche malheureusement de nombreuses personnes déjà handicapées et dépendantes de notre société.

Par la présente, je vous demande donc d'étudier la possibilité de réattribuer ce pourcentage, en tout ou en partie, aux associations qui doivent en bénéficier de manière que les plus défavorisés ne soient pas définitivement exclus d'une civilisation qui tend à être à deux vitesses.

N.B.: 2 signatures

Christiane Charbonney

19, chemin Salomon-Penay

1217 Meyrin

Auditions

Mme Charbonney, qui se déplace à l'aide de cannes, est auditionnée le 21 novembre. Elle est accompagnée de la cosignataire de la pétition, elle-même en fauteuil roulant.

Ensuite d'accidents, Mme Charbonney a été amputée d'une jambe et porte une prothèse. Elle souffre également de problèmes de vue. Elle dispose d'un fauteuil roulant mais, par souci de moindre dépendance, elle s'efforce de se déplacer avec des cannes. Il lui est impossible d'emprunter les transports publics (inadéquation des sièges pour une personne portant une prothèse, risque de chute, équilibre instable, etc.). Mme Charbonney habite Meyrin et recourt, pour ses déplacements, principalement à Transport-Handicap, qui lui assurait jusqu'à récemment environ 40 transports par mois, soit 20 allers et 20 retours. Il lui arrive également de s'adresser à la commune de son domicile, au Centre social protestant, ainsi qu'à des parents, amis ou connaissances occasionnellement. Elle estime ses besoins de déplacements à 70-80 par mois (35 à 40 aller et retour).

Or, Transport-Handicap aurait décidé de lui supprimer toute prestation sous prétexte, d'une part, que Mme Charbonney n'est pas en fauteuil roulant, d'autre part, en raison de la diminution des subventions de l'Etat. Elle regrette, entre autres points, de n'avoir pas été informée avant cette prise de décision et suppose que d'autres personnes dans son cas sont également touchées.

Pour Transport-Handicap, ce sont Mme Cécile Perréard, présidente, et M. Pierre Marti, vice-président, qui sont entendus le même jour. Au préalable, ils exposent à la commission les objectifs, le fonctionnement, le statut, les ressources de cette fondation à but non lucratif. Le budget annuel de 3 millions de F est couvert par l'OFAS, par une subvention de l'Etat et par des dons privés. Le parc de véhicules de 22 unités est régulièrement renouvelé grâce à la prise en charge financière d'associations d'entraide.

Transport-Handicap organise deux types de courses:

 celles dites «conventionnelles» (personne qui se rendent à leur travail, écoliers, jeunes fréquentant des ateliers d'accueil), remboursées presque entièrement par l'office fédéral des assurances sociales et l'assurance-invalidité;

 celles dites «de loisirs» permettant à des personnes en fauteuils roulants de vivre «normalement». Les courses de loisirs sont subventionnées en grande partie par l'assurance-invalidité et par l'Etat. Huit francs sont à la charge du transporté (11 F dès 1995) et Transport-Handicap doit financer la différence, soit environ 12 F par course, ce qui amène la fondation à trouver chaque année 500 000 F auprès de collectivités, entreprises et privés.

Pour ne pas concurrencer les transporteurs professionnels, l'Etat fait obligation à Transport-Handicap de limiter son intervention exclusivement aux personnes en fauteuils roulants. En des temps meilleurs et pour rendre service, Transport-Handicap a cependant pu élargir occasionnellement le champ de ses activités en faveur de personnes handicapées, mais pas toujours en fauteuils roulants, qui, pour des raisons financières, ne pouvaient pas recourir à une ambulance ou à un taxi spécialisé. Malheureusement, en 1995, comme d'autres subventionnés, Transport-Handicap verra son allocation diminuée de 10%. D'où la nécessité de réorganiser la planification de ses interventions et d'appliquer strictement la restriction de ne transporter que des personnes en fauteuils roulants.

Pour ce qui est du cas de Mme Charbonney, elle a été transportée parfois avec son fauteuil roulant, parfois sans. Cette année, ses demandes ont beaucoup augmenté, passant de 25 à 50 déplacements par mois, ce que l'association ne peut assumer. Du courrier et des téléphones ont été échangés pour trouver une solution. Transport-Handicap n'a pas exclu Mme Charbonney de sa liste de personnes à transporter et accepte de continuer à raison de 4 fois par semaine, soit une trentaine de fois par mois, y compris en 1995. Mais il n'est pas possible de faire davantage, compte tenu des obligations envers d'autres handicapés et pour des raisons techniques également: timing incompressible, courses à vide pour aller chercher les gens, etc.

Indépendamment de ce cas particulier, se pose la question de la place des handicapés dans la cité: le souhait d'intégration, et par exemple le maintien à domicile reconnu par tous, impliquent que des mesures adéquates soient prises. Sur la demande du département des affaires sociales et de la santé, Transport-Handicap effectue une étude pour laquelle Pro Infirmis a déjà transmis une proposition: quelles mesures pratiques, quels dispositifs, quel financement prévoir, pour que ce voeu hautement louable d'intégrer les handicapés à la vie de la cité soit suivi d'effets concrets? Le rapport doit être déposé pour février-mars 1995.

A l'appui de leur exposé, Mme Perréard et M. Marti remettent à la commission une plaquette présentant les activités de Transport-Handicap. Ce texte est joint au dossier et les députés qui le souhaitent pourront le consulter.

Discussion

Les commissaires sont sensibles à la situation de Mme Charbonney et à l'effort notable qu'elle fournit pour garder une part d'autonomie, utilisant le plus souvent des cannes pour se déplacer plutôt qu'un fauteuil roulant.

En ce qui concerne les prestations de Transport-Handicap, la commission a été soulagée d'apprendre qu'il n'est pas question d'exclure Mme Charbonney et que cette association continuera à lui assurer une trentaine de transports par mois (4 déplacements aller et retour par semaine). En revanche, compte tenu de la situation (diminution de 10% de la subvention de l'Etat) et des diverses obligations de Transport-Handicap, il n'est pas possible d'augmenter ce nombre, au risque de «puiser» dans le quota octroyé à d'autres handicapés. Pour répondre aux autres demandes de transport de Mme Charbonney et outre les services qu'elle connaît déjà, il est suggéré qu'elle s'adresse soit à Pro Infirmis, soit au département de l'action sociale et de la santé pour obtenir la liste exhaustive des associations qui s'occupent de transport de handicapés.

Conclusion

Compte tenu des assurances reçues et à l'unanimité des commissaires présents, soit 14, la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1047 sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.