Séance du
vendredi 20 janvier 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
3e
session -
3e
séance
P 1049-A
PÉTITION
contre l'expulsion de la famille C.
Mesdames etMessieurs les députés,
Les soussignés de toutes nationalités, amis et voisins de la famille C. demandent aux autorités responsables du sort de M. (7 ans), M. (4 ans) et M. (2 ans) et de leurs parents I. et M. de surseoir puis d'annuler leur expulsion prévue pour le 15 octobre 1994.
Il est inhumain de rejeter ces trois enfants albanais du Kosovo parlant français, bien intégrés à l'école et, pour la petite dernière, née à Genève.
Leur père a eu le courage de déserter l'armée serbe. Vouloir la paix dans l'ex-Yougoslavie, c'est aussi accueillir ceux qui fuient les armées.
N.B. : 1518 signatures
Les amis de la famille C.
p.a. Mme Michèle Sirvin et
Dr Maurcice Rey
5, rue des Cordiers
1207 Genève
La commission des pétitions s'est réunie pour étudier l'objet sus-mentionné les 7, 14 et 28 novembre 1994, sous la présidence respectivement de M. B. Lescaze (7 et 14 novembre) et de Mme L. Johner (28 novembre).
Auditions
Le 7 novembre 1994, la commission a auditionné Mmes Sirvin et Braun ainsi que M. Brun.
Il ressort de ces auditions que la famille C., originaire du Kosovo, vit à Genève depuis 1991 avec un statut de requérant d'asile. Les deux premiers enfants (7 et 5 ans) sont actuellement scolarisés aux Eaux-Vives, un troisième (2 ans) étant né à Genève. Les enfants ont fourni un gros effort d'intégration qui est attesté par les enseignants de l'école. Le deuxième enfant (5 ans) souffre d'une affection congénitale qui nécessite une intervention chirurgicale prévue le 16 novembre 1994.
La décision de renvoyer cette famille au Kosovo (au 15 octobre 1994) émane de l'Office fédéral des réfugiés. M. et Mme C. se sont ainsi vu retirer leurs documents d'identité, dans des conditions difficiles pour eux. Suite au rapport médical portant sur le cas susmentionné, l'office des réfugiés a cependant accepté de prolonger le délai d'expulsion de mois en mois, mais la situation d'insécurité perdure.
La famille vit actuellement de l'aide aux réfugiés car la situation du père ne lui permet pas de chercher un emploi.
La commission décide d'auditionner un représentant du département de justice et police et des transports afin de mieux s'informer de la situation précise de cette famille mais aussi de celle des Kosovars en général, ainsi que des possibilités d'intervention au niveau cantonal lors de décisions prises au niveau fédéral.
M. Gut est auditionné à cet effet le 14 novembre 1994.
M. Gut apporte un certain nombre de précisions d'ordre technique concernant les demandes de prolongation, le droit de recours, le droit de famille, l'admission provisoire, les considérations médicales. Il précise qu'en l'occurrence, tous les délais humanitaires sont respectés et que le prolongement du délai de renvoi pour raisons médicales a été prononcé. Celui-ci ne règle cependant pas le problème à long terme.
Discussions de la commission
Plusieurs députés s'indignent du possible renvoi de la famille C. au Kosovo, considérant l'insécurité politique qui y règne et le risque encouru. Ils souhaitent entendre une personne connaissant plus précisément la situation actuelle du Kosovo, mais cette proposition est rejetée par 7 voix contre(5 pour, 1 abstention). Par ailleurs, plusieurs députés estiment que le problème est général et déborde du cadre particulier de cette pétition et souhaitent avoir des précisions émanant du Conseil d'Etat sur la politique cantonale en matière de réfugiés. La proposition est faite d'auditionner à ce sujet le conseiller d'Etat. D'autres députés cependant estiment que l'information devrait plutôt se faire en plénière. Ils considèrent que, dans le cas particulier, l'affaire est close et n'est pas du ressort de la commission des pétitions, mais ils n'écartent pas la possibilité d'une autre action parlementaire sur le sujet en général. La proposition d'audition est rejetée par 6 voix contre (5 pour, 2 abstentions).
Relevons encore que la possibilité d'entreprendre d'autres actions parlementaires semble s'être concrétisée par le récent dépôt d'une motion, émanant d'un groupe de députés ne siégeant pas dans la commission, et allant dans ce sens, c'est-à-dire une demande d'information sur la politique cantonale générale en matière de réfugiés.
Par ailleurs, il faut également mentionner qu'au vu des problèmes politiques actuels, il aurait été décidé, au niveau fédéral, de surseoir pour toute expulsion au Kosovo jusqu'à fin janvier 1995.
La commission débat alors de la destination de la pétition; le renvoi au Conseil d'Etat est refusé par 6 voix (4 lib., 1 pdc, et le président, rad.), avec6 voix pour (1 éco., 2 soc., 2 adg, 1 pdc) et 1 abstention (rad.).
Finalement, la commission, dans sa majorité, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt de cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil à titre d'information.
Débat
Mme Barbara Polla (L), rapporteuse. Ce que j'aimerais ajouter concerne également le rapport suivant. S'il y a donc, dans ces deux rapports, un certain nombre de répétitions, c'est que les deux pétitions ont été traitées ensemble. Elles ont fait l'objet des mêmes auditions et d'une même discussion, mais chacune, évidemment, nécessitait un rapport séparé.
En ce qui concerne les demandes spécifiques, en particulier celles des amis de la famille C., il faut signaler que le moratoire concernant tout renvoi au Kosovo qui, au moment de la rédaction du rapport, était situé à fin janvier 1995, a été reporté à fin juin 1995, ce qui m'a été confirmé hier par le conseiller d'Etat, M. Ramseyer.
J'aimerais également souligner que les votes partagés concernant la destination de la pétition ont surtout été causés en commission par une disparité quant à ce que nous estimions être le meilleur moyen d'action parlementaire à entreprendre pour avoir, de la part du Conseil d'Etat, une information sur la politique générale en matière de réfugiés. Dans l'intervalle, comme vous le savez, une motion a été déposée dans ce sens. Dans ces conditions et pour ces différentes raisons, je vous propose donc, comme la majorité de la commission, de déposer ce rapport, ainsi que le suivant, sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Mme Anne Briol (Ve). Ces pétitions sont malheureusement un exemple concret du problème des ressortissants du Kosovo, problème relaté dans la motion sur ce sujet renvoyée au Conseil d'Etat en décembre dernier. Les expulsions des Kosovars en général ont été suspendues jusqu'à fin mai 1995, puisque aucune amélioration de la situation au Kosovo ne s'est fait ressentir. Cependant, cette échéance passée, le problème d'effectuer ces rapatriements dans les meilleures conditions se posera à nouveau. Ainsi, ces pétitions soulèvent le problème général, à ce jour toujours irrésolu, des ressortissants du Kosovo et c'est pour ces raisons que nous demandons le renvoi de ces pétitions au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
Mme Anne Briol (Ve). Il me semble que la majorité n'est pas très nette.
Une voix. C'est le moins qu'on puisse dire !
La présidente. Bien, Madame, nous allons voter par assis et levé. Nous revenons donc sur le vote de la pétition 1049-A.
Les conclusions de la commission sont mises aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Les conclusions de la commission sont adoptées par 39 oui contre 38 non. (Contestation de M. Nissim.)
La présidente. Il y avait 39 voix contre 38, Monsieur Nissim, en faveur du dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je ne suis pas très forte en arithmétique, mais entre 39 et 38 !
M. Chaïm Nissim (Ve). C'était 37 contre 38. Je m'excuse, je ne veux pas chipoter, mais...
La présidente. J'ai demandé à M. Stoller de préciser, il m'a dit 39 !
Des voix. Non, il a dit 37 ! (Fortes contestations.)
La présidente. Ecoutez, moi je suis dans une situation un peu difficile, voulez-vous que nous revotions ?
Des voix. Oui !
La présidente. Alors, nous revotons. Monsieur Stoller, je vous en prie !
Les conclusions de la commission sont mises aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Les conclusions de la commission sont adoptées par 45 oui contre 40 non.