Séance du jeudi 19 janvier 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 3e session - 2e séance

P 1048-A
a) de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant des téléphones pour tous les patients de l'hôpital cantonal. ( -) P1048
Mémorial 1994 : Renvoi commission des pétitions, 4098.
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission des pétitions
P 1048-B
b) de la commission de la santé chargée d'étudier le postulat de la pétition 1048. ( -) P1048
Mémorial 1994 : Renvoi commission de la santé, 5231.
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission de la santé
M 960
et Proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Philippe de Tolédo, Pierre Froidevaux, Gilles Godinat, Henri Gougler, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Dominique Hausser, Liliane Johner, Liliane Maury Pasquier, Danielle Oppliger, Barbara Polla, Andreas Saurer, Philippe Schaller, Micheline Spoerri et Nicolas Von der Weid considérant les suites à donner à la pétition 1048 de l'Association Dialogai. ( )M960

14. Rapports :

P 1048-A

En date du 31 octobre 1994, la commission des pétitions, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, prenait connaissance d'une pétition munie de 1774 signatures, adressée au Grand Conseil en date du 3 octobre 1994 par l'association Dialogai (association homosexuelle), dont le texte est le suivant:

PÉTITION

Des téléphones pour nos conjoints, nos amis, nos parents !

A l'heure de la communication et des technologies, il n'est toujours pas possible d'obtenir une ligne de téléphone dans les chambres communes de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève. La relation qui existe entre les patients et leur entourage doit-elle être négligée ?

Pour une meilleure communication à l'intérieur comme à l'extérieur de l'hôpital, nous exigeons que chaque patient puisse, s'il le désire, bénéficier de son propre appareil téléphonique, comme c'est le cas dans la plupart des hôpitaux suisses.

N.B. : 1774 signatures

Dialogai

Association homosexuelle

Case postale 27

1211 Genève 7

Travaux de la commission

Le 7 novembre 1994, la commission auditionnait les pétitionnaires

MM. Charbonney, Max et Esnault demandent, dans une première partie, que chaque patient de l'Hôpital cantonal puisse bénéficier d'un téléphone. Actuellement, seules les chambres des patients hospitalisés en privé ou en semi-privé bénéficient de cet avantage. Les chambres communes n'ont souvent qu'un appareil (alors qu'il y a 7 ou 8 lits par chambre) et les téléphones dans les couloirs ne peuvent pas, selon la gravité des cas des malades, être utilisés.

Les pétitionnaires argumentent que le téléphone est un moyen de communication élémentaire qui peut apporter de grandes satisfactions aux malades. Ils demandent donc que chaque patient puisse disposer de son propre appareil avec son propre numéro d'appel.

Dans une deuxième partie, les pétitionnaires expliquent qu'ils ont profité du 1er décembre 1993, Journée mondiale du sida, pour lancer leur pétition. En effet, le problème soulevé par l'insuffisance de téléphones n'est qu'une portion d'un énorme problème dû au gigantisme et au dysfonctionnement de l'hôpital.

Avec une grande dignité, ils exposent des cas douloureux constatés ou même personnellement vécus. Ils aimeraient attirer l'attention au sujet de problèmes graves que l'on rencontre à l'hôpital, en particulier dans les chambres où l'on « entasse » 8 patients. L'Hôpital de Genève est, paraît-il, le seul de Suisse à installer ensemble des malades du sida avec des malades souffrant d'autres pathologies. Pour des sidéens en fin de vie, la situation devient tout à fait inacceptable lorsqu'ils se sentent rejetés par des compagnons de chambre. Même en France voisine, les salles d'hôpital ont un maximum de 4 lits.

Un autre problème est celui de la confidentialité. On assiste à des consultations collectives, des anamnèses sont faites en présence d'autres patients, le secret médical est négligé. Même en salle de chimiothérapie il est impossible de trouver du calme et de la solitude.

Il y a aussi un problème relationnel. Les infirmières, par manque de temps, privilégient la technique. Elles n'ont pas le temps de parler au patient. Il manque de la coordination dans les soins.

Au centre des urgences, la situation est inacceptable. Les malades du sida qui devraient être isolés à cause de leur déficience immunitaire doivent attendre plusieurs heures.

Un mécontentement profond de la part des usagers de l'hôpital se manifeste alors qu'on constate du mépris de la part de l'administration. Une fois passée la porte de l'hôpital, le malade n'est plus considéré comme un citoyen.

Les pétitionnaires terminent en souhaitant voir moins d'examens et plus de disponibilité pour aborder les problèmes humains.

Audition de M. Jaquemet, directeur de la logistique hospitalière

L'Hôpital cantonal a été équipé d'un central qui devait tenir jusqu'en 1995. La capacité d'utilisation prévue à l'origine a déjà été doublée et malgré cela elle ne répond pas à la demande qui ne cesse d'augmenter. Il a fallu passer de l'ancien système au mode numérique. Cela a pris du temps, il a fallu trouver de l'argent (PL 6407) pour la remise à niveau de l'installation avec capacité nécessaire pour équiper chaque lit d'un téléphone. Les problèmes à résoudre sont nombreux et pas simples.

Le programme a abouti à un nouvel ensemble et l'hôpital a bénéficié d'une prise en charge du constructeur. La mise en place des téléphones a commencé avant la pétition, prévue en deux étapes. La deuxième phase d'installation est actuellement en cours et d'ici avril 1995 tous les malades pourront disposer d'un téléphone, ce qui représente 1700 raccordements.

M. Jaquemet a ainsi répondu à la première partie de la pétition.

Discussion de la commission

La commission s'est rendu compte que cette pétition comprenait deux parties: la première se limitant à l'installation de téléphones à l'hôpital et la deuxième soulevant des problèmes de fond sur le fonctionnement de l'hôpital.

La commission a décidé de ne traiter que la première partie de la pétition, c'est-à-dire l'installation des téléphones, et d'en transmettre à la commission de la santé la deuxième partie. La pétition est donc scindée en pétition 1048 A et en pétition 1048 B. La commission de la santé, qui s'est déjà penchée sur les problèmes soulevés par le texte de la pétition 1048 B, pourra compléter ses réflexions et son étude.

Quant à la pétition 1048 A, la commission, estimant que la requête formulée est sur le point d'être réalisée, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, par 14 voix, son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

ANNEXE

P 1048-B

Dans son rapport de commission déposé le 21 novembre 1994 au secrétariat du Grand Conseil, la commission des pétitions, chargée d'étudier la pétition de l'association Dialogai demandant des téléphones pour tous les patients de l'Hôpital cantonal, a proposé de transférer à la commission de la santé la lettre accompagnant la pétition des plaignants. En effet, les doléances soulevées par les pétitionnaires font partie de l'étude globale entreprise ces derniers mois par la commission de la santé sur le fonctionnement des hôpitaux genevois. (Se référer au rapport 1048-A pour les détails de l'audition des pétitionnaires.)

La commission de la santé, sous la présidence de M. Jean-Philippe de Tolédo, et en présence de M. A. Rodrik, chef de cabinet du DASS, s'est donc penchée le 25 novembre 1994 sur les problèmes soulevés par la lettre d'accompagnement et l'audition des pétitionnaires de Dialogai. Il lui a paru évident que le problème des téléphones n'était qu'un prétexte pour porter à la connaissance des députés d'autres problèmes dus en grande partie au dysfonctionnement de l'hôpital.

Pour répondre au grief de la trop grande occupation des chambres communes de l'hôpital, M. A. Rodrik a expliqué qu'un programme à longue durée portait sur une diminution du nombre de lits par chambre. Il ne faut pas oublier que Genève a le plus grand hôpital universitaire de Suisse et pas d'hôpital public non universitaire, ce qui explique certaines choses. Il est donc compréhensible que des anomalies se présentent à l'intérieur de cette grande maison.

Le 1er décembre 1994, Journée mondiale du sida, tous les journaux ont proposé une réflexion à leurs lecteurs sur l'épineux problème de société engendré par le sida. Le sida est une épidémie mondiale. Une personne infectée par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) peut transmettre le virus durant toute sa vie. On connaît heureusement bien les voies de transmission et les possibilités de s'en protéger. Une stratégie de lutte contre le sida se fonde sur la conviction que l'individu est capable d'apprendre, de s'informer et d'adapter ses comportements, notamment en matière de santé. C'est en reprenant ces principes qu'a été élaborée la campagne STOP SIDA.

Quant au corps médical, il doit s'adapter à ce nouveau type de malades. La commission de la santé reconnaît que les problèmes soulevés par le postulat de la pétition 1048 sont réels et pense qu'il y a des lignes de conduite à transmettre au département à l'intention de l'hôpital. C'est pourquoi, unanime, elle a décidé de rédiger la motion ci-jointe adressée au Conseil d'Etat qu'elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver.

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. J'aimerais préciser à tous les députés que c'est la commission des pétitions qui a été saisie d'une pétition de Dialogai demandant des téléphones pour tous les malades de l'hôpital. Cette pétition était accompagnée d'une lettre. La commission des pétitions qui a traité assez facilement la pétition concernant les téléphones, puisque tous les patients auront à leur disposition un téléphone à partir du mois d'avril, a décidé de renvoyer au Grand Conseil, à titre de renseignement, la première partie de la pétition pour la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Madame la présidente, peut-être faudrait-il traiter la pétition 1048 pour elle-même, vu que la commission a décidé qu'elle devait être déposée à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil ? 

La présidente. Oui, Madame !

Je soumets donc au vote la proposition de la commission, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

P 1048-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1048-B

M 960

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Une lettre faisait suite à cette pétition. Elle a été renvoyée à la commission de la santé, qui, elle, s'est penchée sur les problèmes évoqués. La commission a pensé que le problème des téléphones n'était que le sommet d'un iceberg qui cachait d'autres problèmes plus importants.

En novembre, nous avons voté une refonte de la loi sur les établissements publics médicaux. Pour y parvenir, la commission de la santé a planché pendant plusieurs mois sur chaque article avant de proposer le projet qui est passé. Les hôpitaux universitaires de Genève vont donc vivre une réforme hospitalière. C'est pourquoi, lorsque la commission de la santé a été saisie de la pétition 1048, elle a poursuivi ses réflexions. Même s'il ne s'agissait pas d'une nouvelle pétition, la commission a estimé nécessaire de donner une réponse à la lettre qui accompagnait la pétition 1048.

Si la commission de la santé au complet vous propose d'approuver la motion 960, c'est qu'elle pense que le postulat de la pétition lancée par Dialogai soulève une réflexion sur les attentes réelles des usagers de l'hôpital. Le but général de cette motion est de prouver que le respect dû au patient, quelle que soit sa situation, est indispensable. La relation entre le patient et le professionnel de la santé est très complexe sur les plans pratique, humain et juridique. Elle dépend beaucoup de la pratique et des moeurs qui règnent dans ce domaine. Le cadre légal accorde aux patients une place importante, mais le problème est de le faire passer dans les faits. Cette motion incite le Conseil d'Etat à poursuivre une politique qui privilégie le droit des patients.

C'est pourquoi la commission unanime vous propose d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Andreas Saurer (Ve). La dernière invite de cette motion demande que l'hôpital tienne compte non seulement des «proches» mais aussi des «êtres chers». Cela signifie une nette extension par rapport à la législation actuelle. Une expérience un peu triste a été vécue récemment à l'hôpital où un homosexuel n'a pas pu être présent, comme il l'aurait souhaité, lors des derniers jours de la vie de son ami. Il est donc très important que cette notion de «proches» ne soit pas appliquée à la seule famille légale, mais à la famille affective, si vous me permettez ce terme. J'insiste donc sur l'importance d'élargir autant que faire se peut cette notion de «famille» et de «proches».

Pour ce qui est des lieux adéquats, j'attire votre attention sur le fait que la situation est relativement grave à l'hôpital. Lorsqu'on examine un patient il faut également effectuer une anamnèse, et, pour ce faire, le patient doit pouvoir exprimer des choses plus ou moins intimes. Or, dans les salles communes, comportant six ou sept personnes, on se contente de tirer un rideau, ce qui fait que l'isolation phonique laisse quelque peu à désirer ! Les patients ne peuvent absolument pas exprimer ce qu'ils voudraient par manque de confidentialité des lieux.

Je souhaite que le Conseil d'Etat envoie une lettre à la direction de l'hôpital, voire au collège des chefs de service ou à l'instance adéquate, pour insister lourdement sur la nécessité de pouvoir effectuer ces entretiens médicaux dans des locaux prévus à cet effet, car les structures le permettent. C'est l'évidence même pour la médecine privée, et je ne vois pas pour quelle raison il n'en serait pas de même pour la médecine hospitalière !

M. Henri Gougler (L). J'ai effectué une partie de ma formation à Lausanne et l'autre à Genève. A Lausanne, s'il n'y avait pas de box à disposition, nous pouvions procéder à une anamnèse - c'est-à-dire l'histoire du malade, qui, par essence, est confidentielle - dans une salle de bains ou une salle indépendante. Ce n'est malheureusement pas le cas à Genève pour notre hôpital. Il faut absolument remédier à cette situation, parce que c'est assez déplorable pour le patient comme pour le médecin !

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

considérant les suites à donner à la pétition 1048 de l'association Dialogai

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la pétition 1048 de Dialogai, association homosexuelle;

- le rapport de la commission des pétitions suite à l'audition des pétitionnaires et des documents laissés par ceux-ci lors de leur audition;

- la loi sur les rapports entre membres des professions de la santé et patients (K 1 30),

invite le Conseil d'Etat

- à poursuivre la politique qui est celle tant de l'autorité fédérale que du canton en ce qui concerne le VIH, à savoir, en particulier:

a) le respect des libertés individuelles;

b) la solidarité et la lutte contre toutes formes de discriminations ouvertes ou insidieuses;

- à maintenir une organisation des hôpitaux publics visant à éviter l'isolement et la discrimination à l'égard de patients, notamment de ceux qui sont malades du sida;

- à veiller au respect de la sphère privée et de la dignité des patients, même et surtout en salle commune;

- à inciter les directions des hôpitaux publics à prévoir des lieux adéquats pour les anamnèses et les situations de fin de vie;

- à encourager et renforcer les programmes de formation du personnel tant en ce qui concerne le VIH et les personnes atteintes de cette affection que, d'une manière plus générale, l'évolution contemporaine complexe des notions de famille, proche et être cher:

- à prendre en compte, dans l'évolution future des hôpitaux publics, la présence en ces lieux des familles, parents, proches et êtres chers, dans toute la mesure compatible avec le processus de soins et de l'enseignement ainsi que la sécurité des patients et du personnel, comme cela se pratique depuis longtemps en pédiatrie.