Séance du
jeudi 19 janvier 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
3e
session -
2e
séance
I 1915
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Madame Brunschwig Graf, lors de votre réponse à mon interpellation sur les hautes écoles spécialisées, au mois de novembre dernier, vous avez exprimé votre souci concernant l'avenir de l'école d'ingénieurs. Vos paroles étaient particulièrement encourageantes, je me permets de vous citer : «L'école d'ingénieurs de Genève ne peut pas ne pas devenir une HES.». Or, les chefs des départements de l'instruction publique romands ont fait un communiqué modifiant quelque peu ce tableau idyllique, je cite : «La volonté est unanime de privilégier une formule intercantonale dans la recherche de solutions efficaces.». Dès lors, les inquiétudes ont resurgi.
L'école d'ingénieurs de Genève - je l'avais déjà dit - a le profil idéal pour devenir une HES : expérience, masse critique, nombre de diplômés par rapport à la Romandie, etc. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure coûteuse - entendons-nous bien - mais d'utiliser ce qui existe et d'en demander la reconnaissance. Au surplus, ce statut HES serait intéressant sur plusieurs plans :
- Le plan financier, car la participation fédérale augmenterait.
- Le plan économique, car la richesse de la collaboration avec les petites et moyennes entreprises n'est plus à démontrer.
- Le plan régional et international, car la recherche pourrait s'organiser avec des instituts de formation suisses et étrangers.
- Le plan de la renommée, car il semble important que Genève puisse avoir une telle école.
- Le plan social, enfin, car si les formations devaient être transférées à Yverdon ou à Neuchâtel, par exemple, les difficultés financières occasionnées par les déplacements ou par le logement sur place empêcheraient plus d'un jeune d'accéder à ces études. Cela engendrerait une sélection par l'argent, ce qui est contradictoire avec le droit à la formation pour tous les jeunes. Certes, vous me direz qu'il y a des bourses d'études, mais, chacun le sait ici, elles ne sont pas toujours perçues par celles et ceux qui en auraient le plus besoin !
Pour toutes ces raisons, nous souhaiterions que vous défendiez fermement une HES à Genève. Or, les informations que j'ai reçues ne nous laissent pas beaucoup d'espoir. D'autres cantons, eux, se montrent très déterminés. Par exemple, ceux qui disposent des effectifs d'élèves suffisants - et se battent bec et ongles pour avoir leur propre HES.
Genève - comme je l'ai dit - possède le profil et la masse critique nécessaires. Dès lors, ma première question est la suivante :
1) Entendez-vous défendre, oui ou non, une HES à Genève ? Et, si oui, comment ?
Ma deuxième question porte sur le rôle de notre Grand Conseil.
2) Quand viendrez-vous devant notre parlement traiter de ce sujet important, pour que l'on en prenne connaissance et, surtout, pour que l'on puisse se prononcer ?
C'est en effet un sujet très complexe, et, pour l'instant, nous ne sommes avertis de ce qui se passe que par la presse. L'enjeu est extrêmement grave et important pour Genève. Or, nous sommes tenus à l'écart de toutes ces discussions, et nous craignons que le jour où nous serons, nous députés, enfin saisis d'un projet, tout soit décidé et que notre parlement n'ait plus qu'à en prendre acte. D'ailleurs, une motion sur ce sujet devrait déjà avoir fait l'objet d'un rapport de votre part !
Enfin, dernier souci et dernière question.
3) Si une structure romande devait se mettre en place, quel en sera le contrôle populaire ? Une instance bureaucratique intercantonale ne laisse aucune place à la démocratie : pas de référendum romand, pas d'initiative romande non plus ! Pourtant, l'école, la formation doivent pouvoir encore et toujours faire l'objet du choix du peuple. Comment pensez-vous défendre ces droits en acceptant une structure romande ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai sous les yeux la motion 801 qui invite le Conseil d'Etat «à entrer en discussion avec les autres cantons romands, afin de mieux coordonner les quatre universités romandes et d'utiliser plus efficacement les structures existantes en regroupant, dans la mesure du possible, les enseignements et en recherchant les synergies.». L'exposé des motifs dit, je cite : «Si, jusqu'à ce jour, il fallait garder une université par canton, comme garant et fleuron d'un système d'éducation propre, cette nécessité s'est maintenant estompée. Il est temps de partager, d'économiser, de rationaliser et, finalement, de revaloriser nos universités par des «potentialisations» et des stimulations mutuelles.».
Cette motion, déposée le 2 juin 1992, était signée par Mme et MM. Claire Torracinta-Pache, Jean Queloz, Robert Baud, Jean Spielmann et Robert Cramer. Madame Reusse-Decrey, si je me suis permis d'avancer dans la coordination romande c'est en sachant, d'abord comme députée et ensuite comme conseillère d'Etat, que sur ce plan et jusqu'à aujourd'hui cela correspondait à un véritable souhait de ce parlement. Cette motion est toujours devant la commission de l'université, et nous verrons ce que celle-ci in fine décidera. Les débats sur les exigences étaient jusqu'à présent parfaitement clairs; on reprochait plutôt au Conseil d'Etat de ne pas en faire assez !
S'agissant des hautes écoles spécialisées, j'aimerais faire deux remarques.
Ma déclaration, en réponse à votre interpellation, signifie que l'école d'ingénieurs ne restera en aucun cas en dehors du système. Lors d'une séance, qui a eu lieu le 2 décembre et qui a duré deux heures, tous les représentants des cantons romands ont exprimé leur refus de la cantonalisation et se sont engagés à collaborer et à mettre sur pied une ou plusieurs structures sur le plan romand. A l'issue de ce débat, nous avons mandaté un groupe de travail pour aller plus avant dans l'étude d'une solution globale. A ce stade, il n'est pas question de savoir comment sont répartis les enseignements, ni qui va faire quoi, mais d'étudier quel type de structure est la plus à même de répondre aux besoins romands. Je pourrais, Madame la députée, vous lire le message du Conseil fédéral, qui précise plusieurs fois l'exigence qui sera la sienne en matière d'autorisation, s'agissant de la coopération régionale, et qui rappelle également que les cantons doivent dépasser l'esprit cantonal.
Notre problème n'est pas simple. L'école d'ingénieurs n'est pas la seule à Genève à prétendre à un diplôme de haute école spécialisée. Le centre horticole de Lullier nous a clairement exprimé son souhait de ne pas rester isolé. L'école des arts décoratifs a également émis le voeu - répété pas plus tard que la semaine dernière - de ne pas rester à l'écart. Que risquons-nous à l'heure actuelle ? Rien du tout ! En effet, nous avons demandé à étudier les modèles et toute modification nécessitera aussi des modifications de lois. Mais je ne peux pas imaginer, Madame la députée, que vous envisagiez très sérieusement qu'un modèle romand puisse être soumis à référendum ! Par contre, des décisions de modifications proposées au parlement pourraient l'être.
Indépendamment du fait que les chefs de département se rencontreront au mois d'avril, que nous devons rencontrer les syndicats motivés par ces problèmes auparavant et que des travaux sont déjà en cours, je voulais vous dire, en conclusion, que je ne peux pas, en tant que cheffe de département, jouer le rôle qu'a joué M. Blocher lors de la campagne sur l'Espace économique européen. Il faudra rapidement changer de conseillère d'Etat si vous souhaitez que mon rôle se limite à défendre une position genevoise dans une conférence intercantonale sur le plan romand, même si nous avons une école de qualité. Je ne défendrai pas la suite de ce dossier si, par impossible, ce parlement me chargeait d'un tel message ! (Applaudissements.)
Cette interpellation est close.