Séance du vendredi 16 décembre 1994 à 17h
53e législature - 2e année - 2e session - 49e séance

PL 7150-A
5. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat relatif au financement de la Fondation universitaire romande de santé au travail. ( -) PL7150
Mémorial 1994 : Projet, 3707. Commission, 3724.
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des finances

La commission des finances a étudié ce projet de loi dans sa séance du 19 octobre 1994 tenue sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache, en présence de MM. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, Jean-Paul Pegallo, directeur du budget, et Eric Baier, secrétaire adjoint du département de l'instruction publique.

Comme le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, la fusion de l'unité de médecine du travail (UMTE) de l'université de Genève et du Centre universitaire d'études des problèmes d'écologie du travail (ECOTRA) avec les institutions vaudoises similaires permet de constituer «une masse critique de patients atteints de maladies professionnelles qui est beaucoup plus importante que celle actuellement couverte par le seul canton de Genève ou le seul canton de Vaud».

La fondation universitaire romande de santé au travail a été créée le18 janvier 1994 par acte notarié. Il s'agit d'une fondation de droit privé. Le projet de loi présenté vise à doter la future fondation d'un crédit budgétaire identique à celui qui était affecté à ses activités genevoises, comme le prévoit la convention signée entre les cantons de Genève et Vaud. Le montant de 819 000 F correspond aux salaires des personnes occupées plus une somme de 30 000 F pour frais de fonctionnement.

Les 9 collaborateurs de l'université de Genève touchés par ce transfert ont reçu des propositions de contrat de travail. Quatre personnes ont accepté de transférer leurs activités à Lausanne, 2 étaient au bénéfice d'un contrat à terme se terminant au 30 septembre 1994 et 3 collaborateurs ont refusé.

La création de cette fondation répond en tous points à la motion 869 concernant la dotation budgétaire du Centre universitaire d'études d'écologie du travail (ECOTRA) qui pourra donc être considérée comme devenue sans objet après le vote du projet de loi.

En revanche, les collaborateurs UMTE/ECOTRA ont tenu à faire part à la commission des finances de plusieurs désaccords avec le projet de loi. Ils ont regretté, par lettre du 26 septembre 1994, que la subvention versée à la nouvelle fondation romande ne précise ni le nombre de postes concernés ni la qualité des personnes engagées. Ils regrettent la délocalisation du personnel, faute de la création d'une antenne genevoise et la privatisation de la structure. Ils rappellent aussi que le but de l'ergonomie «n'est pas de prendre en charge des maladies professionnelles, mais essentiellement de les prévenir». Ils soulignent que les 4 personnes qui ont accepté leur transfert ne représentent que 2 postes et demi de travail, dont certains titulaires ont un mandat à terme. Ils estiment donc qu'on ne saurait parler d'insuffler le dynamisme d'ECOTRA à la nouvelle structure alors que cette responsabilité ne reposerait que sur un poste et demi de permanents. Enfin, les signataires s'inquiètent du reclassement toujours en suspens des collaborateurs qui ont refusé leur transfert, de la non-indexation prévue de la subvention et de l'absence d'un poste de rang professoral en ergonomie.

Le 19 octobre 1994, la commission des finances a auditionné3 représentants d'ECOTRA, soit Mme Elisabeth Conne-Perréard,MM. Arnaud Bousquet et Jean-Jacques Meyer. Les 3 représentants d'UMTE/ECOTRA ont fait remarquer que la collaboration Vaud/Genève concernait davantage la médecine de pointe que la santé au travail dont l'effort se veut avant tout préventif. A leur avis, l'équipe d'ergonomie genevoise est démantelée par la création de la fondation romande. Genève risque d'être dépossédée de ses prérogatives en la matière et la fondation pourrait se retrouver plus vaudoise que romande.

Face aux questions des commissaires qui font remarquer que les salaires figurant dans la convention ne sont pas obligatoirement rattachés à des personnes et qu'un institut de travail pluridisciplinaire peut entraîner des synergies, les personnes auditionnées estiment que l'ergonomie doit être implantée localement pour pouvoir maintenr les contacts avec les personnes qui font appel à ses services. Avec le transfert à Lausanne, on risque de perdre les acquis genevois, notamment avec l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, en particulier dans des mandats de formation, car Genève est considérée comme le canton pratiquant la plus forte culture d'entreprise. On y compte d'ailleurs 15 inspecteurs du travail contre 3 dans le canton de Vaud.

A la question d'un commissaire s'interrogeant sur ce que les auditionnés attendent de la commission des finances, ceux-ci précisent qu'ils ne sont pas opposés à la fondation romande de santé au travail, mais souhaitent qu'elle puisse garder une antenne genevoise. Or, selon M. Eric Baier, secrétaire adjoint au département de l'instruction publique, cet élément a été maintenu tout au long de l'élaboration du projet. La difficulté provient précisément du fait que les deux personnes qui auraient pu animer cette antenne genevoise ont refusé de signer les contrats de travail proposés. Si, dans des mandats ultérieurs, la fondation constate qu'elle a besoin de locaux à Genève, elle décidera elle-même des modalités de leur financement.

En réalité, sous couvert d'un certain protectionnisme genevois, puisque les auditionnés font même valoir une éventuelle perte fiscale pour Genève, se dissimule un souci certain de maintenir des situations personnelles. Comme le souligne le représentant du département de l'instruction publique, le statut de droit privé de la fondation offre plus de liberté et de souplesse pour augmenter ou diminuer les prestations offertes en fonction de la demande. Il faut savoir que, dans le domaine de l'ergonomie, les mandats représentent 50% et la Caisse nationale suisse d'assurance se montre prête à financer des projets de recherche. Trois personnes ont refusé la nouvelle convention, préférant conserver à Genève leur statut de droit public. Dans deux cas, la procédure de reclassement au sens de l'article 24 de la loi relative au personnel de l'administration cantonale a échoué, alors que le troisième cas est en attente au Service de protection de la jeunesse.

Si les auditionnés jugent que le projet de loi 7150 ne tient plus compte du risque de démantèlement d'une équipe interfacultaire à la base pourtant de l'ergonomie à Genève, le représentant du département de l'instruction publique souligne que l'idée de fusionner les institutions genevoise et vaudoise, dans le domaine de la santé publique est ancienne et que tout le monde y a longtemps été favorable, ce que ne nient pas les représentants d'UMTE/ECOTRA.

Il s'agit actuellement de participer à une nouvelle dynamique ayant son centre à Lausanne et il y a une réaction de peur face à ce déplacement.

Les auditionnés se sont présentés comme des hommes de terrain passant une bonne part de leurs journées à recueillir des données et à mesurer certains aspects dans le monde du travail. Ils participent également à des activités de formation en étroit contact avec les milieux professionnels et craignent que la nouvelle fondation romande ne porte avant tout sur la médecine de pointe. Ils regrettent que leurs efforts sur l'implantation réussie d'un réseau à Genève soient perdus à terme.

Conclusion

La commission des finances relève que l'idée fondamentale qui a présidé au rapprochement des activités de Vaud et de Genève dans le domaine de la santé publique est d'exploiter de manière plus intéressante les mandats qui vont être confiés à la fondation romande. Le projet inclut des perspectives pour d'autres cantons romands comme le Valais, Fribourg ou Neuchâtel.

Le montant de 819 000 F comprend les 6 postes et demi de travail plus 30 000 F de frais de fonctionnement. Il ne grève pas le budget de l'Etat puisque son financement est assuré par prélèvement sur le budget général de l'université, conformément à l'article 2 de la convention du 18 janvier 1994 instituant la fondation. Les ressources de cette dernière proviennent de trois sources: les subventions fédérales, les mandats privés et les subventions cantonales. A ce titre, il convient de souligner l'effort considérable du canton de Vaud, largement supérieur à celui de Genève puisqu'il finance30 personnes dans la nouvelle fondation.

Au bénéfice de ces explications, la commission des finances vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, par 11 oui et 3 abstentions (AdG), d'accepter le projet de loi tel que présenté par le Conseil d'Etat, projet qui répond également à la motion 869.

Premier débat

M. Gilles Godinat (AdG). J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir sur le problème du transfert des unités genevoises d'ECOTRA et de l'unité de la médecine du travail dans la Fondation universitaire romande de la santé au travail. A l'époque, j'avais attiré l'attention de ce parlement sur le fait que nous assistions à une privatisation en douceur de ces unités avec la disparition probable de l'unité d'ergonomie. C'est ce qui est en train de se confirmer. Aujourd'hui, j'ai l'occasion de poser quelques questions à Mme Brunschwig Graf et je vais la saisir.

Madame la présidente, ce transfert a-t-il impliqué des licenciements, oui ou non ? A notre connaissance, oui !

Y a-t-il eu des propositions de postes de remplacement ? Si oui, lesquels ?

Sur ce point, la subvention inscrite au budget se monte à 819 000 F et concerne deux postes et demi sur Lausanne. Avez-vous l'intention de donner cette subvention entièrement à la Fondation vaudoise Genève-Vaud ou voulez-vous la garder ? Y a-t-il une rétrocession prévue ? Cette ligne budgétaire paraît disproportionnée par rapport au transfert de deux postes et demi.

M. Dominique Hausser (S). Si nous saluons l'idée d'un regroupement des forces au niveau romand, ce projet de loi nous pose tout de même un certain nombre de problèmes dans sa formulation. Il est dit en page 3 du rapport que M. Baier, secrétaire adjoint au département de l'instruction publique, a maintenu la possibilité d'avoir plusieurs antennes qui seraient localisées sur différents lieux de la Romandie. Mais il a expliqué que cela ne pourrait pas se faire parce que les deux personnes concernées à Genève ne voulaient pas poursuivre leurs activités dans une fondation de droit privé.

Il me semble que si c'est bien la politique voulue par les «financeurs» de la fondation en question et qu'ils désirent véritablement décentraliser la fondation, je ne vois pas en quoi le fait qu'une ou deux personnes décident de ne pas poursuivre leurs activités dans cette organisation empêche de poursuivre cette politique.

Deuxième point. On nous demande de voter un crédit de 819 000 F pour alimenter le fonctionnement de cette fondation de droit privé. Il aurait été particulièrement pertinent que le rapporteur mentionne le budget général de cette fondation et la participation financière des autres acteurs de ce budget, et, en particulier, du canton de Vaud. De même, il aurait été intéressant de savoir dans quelle mesure la participation romande, c'est-à-dire Vaud et Genève, était véritablement impliquée.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Contrairement aux conclusions du rapporteur, il y a eu une abstention supplémentaire socialiste : la mienne. Je ne me suis pas opposée à ce projet de loi, parce qu'en fait nous avons été mis devant le fait accompli, puisque la fondation avait déjà été créée. En revanche, j'avais quand même émis quelques doutes sur le statut juridique choisi, c'est-à-dire la fondation de droit privé et je n'avais, en l'occurrence, pas été convaincue par les arguments de M. Baier. Je vous remercie d'en prendre note.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je n'ai pas sous les yeux toutes les réponses aux questions posées. Je ne répondrai donc, dans le cadre du budget, qu'à certaines d'entre elles.

Je peux vous dire - j'imagine que M. Godinat l'aura lu dans le rapport - que le transfert de 819 000 F ne représente pas deux postes et demi, mais six postes et demi, plus 30 000 F de frais de fonctionnement !

Ces 819 000 F que vous votez ne représentent pas un crédit supplémentaire que nous transférons. Ce sont les salaires qui étaient payés et prévus dans les budgets ordinaires, alors que le regroupement n'était pas encore effectué. Ce n'est donc pas un crédit supplémentaire au budget. Un transfert à la rubrique 318 permet justement de procéder au versement de ce montant à la fondation. Je vous donnerai tout à l'heure les détails du budget de cette fondation.

Pendant plusieurs mois, il y a eu des discussions avec toutes les personnes concernées par un transfert à Lausanne. Non seulement il y a eu des discussions avec les intéressés sur les horaires de travail, mais, depuis, il a été en plus prévu dans le budget de la fondation de droit privé des indemnités durant plusieurs années qui compensent, justement, le déplacement nécessaire de ceux qui iront travailler à Lausanne. Depuis le début de cette année, toutes les négociations ont abouti, sauf dans un cas dont je suis saisie actuellement. A l'époque que nous vivons et compte tenu des possibilités de travail offertes, il me paraît tout à fait équitable de dire que tous les efforts ont été faits pour trouver une solution satisfaisante pour ces personnes.

Nous sommes dans un système de fondation de droit privé. C'est la forme qui a été choisie, et je ne crois pas qu'elle pose de problème particulier, si ce n'est dans l'esprit de ceux qui craignent le mot «privé».

Je tiens à dire que ce projet de loi est conforme aux modèles recommandés par ce parlement et, notamment, par la commission des finances, à savoir regrouper les forces, tenter, là où cela est possible, des coopérations avec notre canton voisin et trouver des formes de collaboration qui soient plus rationnelles et plus intelligentes. Ce regroupement était nécessaire, parce que la somme critique de travail qui devait être effectuée dans cette fondation n'était pas suffisante sur le plan cantonal. Il est donc un modèle du genre, non pas parce qu'il rentre dans la théorie d'une privatisation - en effet, je ne crois pas, compte tenu des montants et de la façon dont cela est financé, que l'on puisse crier haro sur la privatisation - mais parce que c'est une coopération intelligente qu'il faut appliquer.

Je le répète, au moment de la rubrique budgétaire concernée, je donnerai des informations détaillées sur le budget global de cette fondation.

M. Gilles Godinat (AdG). Madame, j'avais pris la peine de lire le rapport en entier. Je souligne, du reste, une contradiction entre la page 2 et la page 4. En effet, en page 2, il est dit que sur neuf collaborateurs quatre ont accepté les propositions faites; ces quatre personnes représentent deux postes et demi. Alors, pourquoi financer six postes si Genève n'est concerné que par deux postes et demi ?

Enfin, à ma connaissance, toutes les personnes concernées n'ont pas reçu de telles offres, aussi j'aimerais avoir une réponse précise à cette question.

Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

relative au financement de la Fondation universitaire romande de santéau travail

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Subvention annuelle

1 Afin de favoriser les activités communes engagées par les cantons de Vaud et Genève dans le domaine de la santé au travail, une subvention annuelle est versée à la fondation universitaire romande de santé au travail.

2 Dès le 1er janvier 1995, cette subvention de819 000 F est inscrite au budget de l'Etat, sous la rubrique 35.00.00-361.12 (université).

3 Son financement est assuré par prélèvement sur le budget général de l'université sans que celui-ci ne soit augmenté du fait de cette nouvelle attribution.