Séance du vendredi 18 novembre 1994 à 17h
53e législature - 2e année - 1re session - 43e séance

P 1030-A
14. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le violence à la télévision. ( -)P1030
Rapport de Mme Janine Berberat (L), commission des pétitions

Sous la présidence de M. Bernard Lescaze, la commission des pétitions a étudié, les 30 mai, 6 juin et 3 octobre 1994, la pétition suivante:

PÉTITION

pour protéger nos enfants de la tentation de la violence

ATTENTION: enfants en danger!

N'en faisons pas des assassins

Les récents drames de Liverpool et de Vitry-sur-Seine démontrent de façon manifeste le danger que représente la diffusion de films de violence, de tortures, d'horreur et de guerre à la télévision aux heures de grande écoute.

Nous exigeons l'arrêt immédiat de la diffusion de telles émissions.

Nous demandons des programmes consacrés à la poésie, à la chanson et à la paix.

     N.B.: 40 signatures

     Michel Monod

     Av. du Lignon 56

     1219 Le Lignon

Cette pétition a été déposée le 2 avril 1994, co-signée par 43 personnes, dont plusieurs représentants le mouvement Vivre sans armes.

Auditions

Le 30 mai: Mme Agnès Hatt, MM. Michel Monod et Raymond Rauss.

M. Monod précise que sa pétition s'inscrit dans une action de solidarité et s'accorde à l'initiative de l'association des Amis de la vie à Paris.

Celle-ci a été lancée sur un plan international et demande aux différentes chaînes de télévision une plus grande responsabilité envers leurs jeunes téléspectateurs en diffusant des films et des émissions plus appropriés à leur âge et facultés de compréhension.

Pour les pétitionnaires, la banalisation et la répétition de la violence la rendent acceptable à l'enfant qui a, alors, beaucoup de mal à démêler le vrai du faux dans ses propres actes (ex. drames de Liverpool et Vitry s/Seine). S'ils reconnaissent que la Télévision suisse romande n'est pas la «pire», il n'en demeure pas moins, que les «flash-annonces» pour les films de minuit ne passent que les scènes les plus osées et violentes aux heures de grande écoute. Ils souhaiteraient que ces passages soient plus discrets.

Certes, la responsabilité des choix incombent essentiellement aux parents, mais ceux-ci trouvent que le rapport de force «parents-télévision» est par trop inégal dans une société où le petit écran joue un rôle de baby-sitter et de dénominateur commun entre les jeunes. Ils pensent que les programmateurs connaissent, par définition, les films qu'ils présentent et seraient mieux à même d'opérer des sélections.

Dans le registre «violence-extrême», les pétitionnaires dénoncent vigoureusement les cassettes vidéo qui devraient faire l'objet d'une plus grande surveillance de la part des magasins.

Le 6 juin: MM. Guy Perrot, directeur de l'Hospice général, Pierre Delaspre, animateur à la commission cantonale des centres de loisirs et de rencontres, Claude-Alain Perret, conseiller social au C.O. de Sécheron et Denis Schmidt, éducateur au Foyer Pierre Grise. Tous sont membres de la commission cinéma-spectacle.

Les images de violence diffusées et répétées, autant dans les téléfilms que dans les informations sont une réalité, mais leur perception est différente. Pour le téléjournal, elles sont accompagnées de commentaires et font plus appel à la raison qu'à l'émotion.

Il n'en va pas de même des téléfilms où, à la différence du cinéma, le spectacle est continu et a un pouvoir de séduction et de suggestion permanent auquel les enfants résistent difficilement. Ils passent en général plus de temps devant la TV (1000 h/an) qu'à l'école (820 h/an).

La banalisation de la violence peut induire des comportements où la force brutale est un moyen de vaincre et de satisfaire ses désirs. Elle peut entraîner, pour certains sujets, un mimétisme ou provoquer une confusion, où fiction et réalité se mélangent et conduisent à des sentiments d'insécurité et d'intolérance.

Alors que faire? M. Delaspre propose quelques pistes

- Par une autodiscipline, le diffuseur, en renonçant aux séries violentes, renforcerait sa crédibilité et donc, son audience.

- En diffusant des programmes différents, en incitant des créations plus intelligentes et imaginatives, le diffuseur développerait un contre-modèle, allant à contre-courant des modes. La concurrence c'est aussi faire autrement.

- En se dotant d'un code de déontologie et en le faisant connaître, la TSR pourrait jouer un rôle de pionnier.

- L'information sur les programmes pourrait être plus développée par la presse en général et la presse spécialisée. Une indication des créneaux d'âge, (âge légal et âge d'adéquation) permettrait une meilleure appréciation des choix pour les parents et les éducateurs.

- Par une sensibilisation à l'image l'école apprendrait à l'enfant à mieux développer son sens critique. Au C.O. des fiches cinéma étaient distribuées pour recommander des films que les jeunes n'auraient pas forcément choisis. On pourrait encourager ce genre d'expériences.

Mais pour nos invités, les cassettes vidéo sont certainement un problème plus aigu et difficile à maîtriser. Des jeunes «gattent» l'école pour regarder, en groupe, des cassettes «hard». Les clubs semblent échapper à tout contrôle.

Le 3 octobre: M. Raymond Vouillamoz, directeur des programmes de la Télévision suisse romande.

Par son rôle même la télévision est confrontée au problème soulevé par la pétition. M. Vouillamoz voit deux cas d'images de violence: celles de la fiction et celles des actualités.

Concernant la fiction, depuis 2 ans, les films considérés violents et érotiques sont diffusés tard le soir, accompagnés d'un logo rouge et des bandes de lancement donnent un avertissement au public. La télévision les signale également par son service de marketing, mais les journaux ne le reprennent pas forcément. L'émission Spécial Cinéma, quant à elle, diffuse tous les films, car c'est son rôle de donner un large panorama de la production mondiale du cinéma. La TSR est tributaire du marché actuel et soumise à une dure concurrence: on reçoit plus de 30 chaînes à Genève.

Si cette année Cannes a décerné une de ses plus hautes distinctions à un film particulièrement violent, c'est qu'il est, peut-être, l'expression d'une inquiétude, d'un mal-être profond et d'un courant artistique qui existent.

Concernant les infos télévisées, la TSR ne peut cacher la réalité. Toutefois, elle est très attentive à ne pas passer des images violentes si elles ne sont pas indispensables à la compréhension de l'événement.M. Vouillamoz souligne que tout film, toute séquence montrant une violence exercée sur une minorité ou prônant le racisme et l'exclusion n'est pas diffusée. Sur ce sujet, la direction est intransigeante et répond aux règles de déontologie que la TSR s'est fixées.

Par ailleurs, c'est une erreur de penser que la violence fait «grimper l'audimat», au contraire, elle divise. Les émissions qui rassemblent les familles sont celles qui ont la plus grande audience. La télévision, au même titre que les autres activités, demande une surveillance des parents. Les regards d'enfants doivent être accompagnés de regards d'adultes.

Répondant à la question sur la possibilité de censurer des séquences de films, M. Vouillamoz précise que la TSR ne peut le faire sans l'accord de son auteur, mais ajoute que des films et des séries jugés trop violents sont refusés.

En tant que directeur des programmes, il fait partie des groupes d'examens de films. Des fiches sont également envoyées à des éducateurs, mères de famille, etc. La TSR utilise aussi les publications de l'Office catholique du cinéma en France et les publications de Télérama mais, concernant l'indication d'une tranche d'âge (âge réel et âge d'adéquation), il lui paraît difficile de la définir. D'une part, la perception d'un canton à l'autre est différente et d'autre part, sur quels critères se baser? Ce serait le début de la censure.

Il ajoute enfin que la direction reçoit un courrier très, important auquel elle répond. Les romands sont proches de leur télévision et réagissent vite. La télévision est faite pour le public et à ce titre, elle se doit d'être à son écoute.

Discussions

La violence est incontournable et vouloir l'occulter est aussi dangereux que la prôner. La télévision est avant tout le reflet de notre société et il apparaît évident d'y retrouver aussi des images de violence sans pour autant qu'elles l'encouragent.

La commission reconnaît que la TSR est attentive à ce problème, tant dans la fiction que dans les informations. Elle ne peut pas toujours en dire autant des chaînes voisines. Toutefois, le rayon d'actions des députés se limite à des frontières que ne connaît pas l'image.

S'il incombe avant tout aux parents de guider les choix de leurs enfants, des commissaires relèvent que dans certains cas, ils ne sont pas à même de le faire. L'école ou les éducateurs devraient pouvoir assurer des relais par des discussions en classe.

Enfin, la commission reste très préoccupée par la vente et la location de films vidéo, domaine dans lequel une rigueur ne semble pas être observée. Peut-être vaudrait-il la peine d'établir un contrôle plus sévère sur l'âge des jeunes clients.

Conclusions

La commission a traité cette pétition avec beaucoup d'attention et d'intérêts. Cependant, elle trouve les exigences de ses auteurs par trop exclusives et irréalisables. Réglementer ou légiférer davantage ne changerait rien au problème soulevé et serait contraire au droit fondamental de la liberté d'expression et d'opinion.

Elle vous propose donc, à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, son dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.