Séance du
jeudi 17 novembre 1994 à
17h
53e
législature -
2e
année -
1re
session -
41e
séance
PL 7177
Article 1
Principe
Dans le but de financer des mesures contribuant, grâce plus particulièrement au développement des transports publics, à une diminution des nuisances subies par la population du fait du trafic automobile, de manière à respecter les normes fédérales en matière de protection de l'air et de la protection contre le bruit, il est perçu une taxe dite «transports et environnement» dont le produit est intégralement affecté au financement de l'infrastructure des transports publics genevois et de la construction de parkings d'échange, par la Fondation des parkings, à l'entrée de l'agglomération urbaine.
Art. 2
Assujettissement
Est assujettie à la taxe «transports et environnement» toute personne physique ayant un emploi ou déployant une activité lucrative indépendante dans le canton.
Art. 3
Exonération
Les personnes imposées fiscalement à Genève sont exonérées du paiement de la taxe «transports et environnement».
Art. 4
Revenus soumis à la taxe
Le montant de la taxe est calculé en fonction du revenu brut provenant de l'activité de la personne assujettie.
Art. 5
Taux d'imposition
Le taux d'imposition de la taxe est de:
a) 1% pour les revenus bruts situés entre 30 000 F et 60 000 F par année;
b) 1,5% pour les revenus bruts entre 60 001 F et 90 000 F par année;
c) 2% pour les revenus bruts entre 90 001 F et 120 000 F par année;
d) 2,5% pour les revenus bruts entre 120 001 F et 150 000 F par année;
e) 3% pour les revenus bruts entre 150 001 F et 175 000 F par année;
f) 3,5% pour les revenus bruts entre 175 001 F et 200 000 F par année;
g) 4% pour les revenus annuels bruts supérieurs à 200 000 F.
Art. 6
Mode de perception
1La taxe due par un salarié est perçue à la source par retenue directe du débiteur du revenu de l'activité lucrative dépendante.
2La taxe due par une personne déployant une activité lucrative indépendante est perçue mensuellement sur la base du revenu brut réalisé pendant l'année qui précède celle au cours de laquelle la taxe est exigible ou, à défaut, sur le revenu de l'année en cours.
Art. 7
Déductions
1La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois est déductible de la taxe, sur présentation de cette carte, pour les personnes résidant hors du canton et se rendant à Genève grâce aux transports collectifs.
La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois combinée avec une carte annuelle d'un parking d'échange est déductible de la taxe, pour les personnes résidant hors du canton, qui se rendent à Genève avec une voiture utilisant un parking d'échange.
2La taxe est diminuée au pro rata de toute rétrocession fiscale à l'Etat applicable au débiteur de la taxe résidant hors du canton, qui serait accordée par son canton ou sa commune de domicile.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En dehors des impôts dont la perception relève de la compétence de la Confédération en vertu de l'article 41 de la Constitution fédérale, les cantons sont libres de percevoir des impôts et taxes pour couvrir leurs dépenses.
Dans le cadre de cette compétence réservée, le présent projet de loi propose d'instituer une taxe «transports et environnement» destinée à financer des mesures contribuant, grâce particulièrement au développement des transports publics, à une diminution des nuisances subies par la population, provoquées par le trafic automobile, de manière à respecter les normes fédérales en matière de protection de l'air et de protection contre le bruit.
On sait que les normes fédérales en matière de protection de l'air sont fréquemment dépassées à Genève et que celles en matière de protection contre le bruit le sont dans de nombreuses artères où la valeur d'alarme est fréquemment dépassée.
Les nuisances provenant du bruit résultent de l'intense trafic automobile que connaît notre canton. Quant à la pollution de l'air, elle est provoquée, selon le service cantonal d'écotoxicologie, pour plus de 80% par le trafic automobile.
Afin de réduire ces nuisances, qui portent non seulement atteinte à la qualité de vie mais surtout à la santé de la population, le plan directeur des transports s'est fixé comme objectif de favoriser un transfert modal en matière de transports de la voiture automobile au profit des transports publics.
Le développement des transports publics s'inscrit donc directement dans la politique de protection de l'environnement poursuivie par les pouvoirs publics.
Afin de financer le développement des transports publics destiné à diminuer les nuisances subies par la population de notre canton, il est légitime de percevoir une taxe spéciale, comme le Grand Conseil l'a du reste demandé par la motion 845, concernant le financement des transports à Genève, motion votée le 12 février 1993, au moment où le Grand Conseil, dans le cadre de la modification de la loi sur le réseau des transports publics, approuvait le plan du réseau «Horizon 2005», annexé à ladite loi.
Le produit de la taxe que le présent projet de loi propose d'instituer devra être intégralement affecté au financement de l'infrastructure des transports publics et de la construction de leur complément indispensable, les parkings d'échange.
Ces derniers doivent, en effet, favoriser le transfert modal recherché en amenant les automobilistes se rendant à Genève pour leur travail à déposer leur voiture à l'entrée de l'agglomération urbaine et à poursuivre leur déplacement au moyen des transports publics.
L'énorme augmentation du trafic automobile qui s'est produite ces trente dernières années provient essentiellement des personnes se rendant à leur lieu de travail en voiture. Il est donc légitime qu'ils contribuent au financement de mesures rendues nécessaires du fait des nuisances qu'ils provoquent, comme il est légitime que ceux qui se rendent à leur lieu de travail au moyen des transports publics contribuent à la couverture des charges financières générées par les transports publics, tenant compte du fait que ceux-ci sont largement subventionnés par les pouvoirs publics.
Rappelons à ce propos que ce sont plus de 130 millions de francs que l'Etat a versés aux Transports publics genevois en 1993, auxquels il faut ajouter 5,5 millions de francs de prise en charge des frais d'infrastructure du réseau. La loi sur le réseau des transports publics prévoit que ce montant doit atteindre 30 millions de francs par an dans le cadre de la réalisation d'infrastructures nouvelles.
Tenant compte de l'importance de l'aide de l'Etat financée par les contribuables genevois, le projet de loi prévoit d'exonérer ceux-ci du paiement de la taxe, ce qui devrait lever les réticences de ceux qui considéreraient qu'une taxe généralisée sur l'ensemble de la masse salariale genevoise pourrait être inopportune en période de difficultés économiques.
La taxe ne sera donc perçue qu'auprès des personnes ayant une activité lucrative à Genève, mais qui n'y paient pas d'impôts sur le revenu et la fortune. Il s'agit essentiellement des quelque 20 000 personnes travaillant à Genève mais résidant hors du canton (à l'exception des travailleurs frontaliers qui paient leurs impôts à Genève), et des quelque 12 000 fonctionnaires internationaux et 3 500 personnes travaillant dans des missions diplomatiques.
Rappelons à ce propos qu'en matière fiscale, le lieu d'imposition est en principe le lieu de travail. C'est pour cette raison que les travailleurs frontaliers paient leurs impôts à Genève, étant précisé que notre canton procède à une rétrocession fiscale à la France correspondant à la part des impôts perçus qui serait revenu aux communes.
En vertu des principes régissant notre système fédéraliste, les cantons sont toutefois souverains en matière fiscale, sous réserve des impôts et taxes perçus par la Confédération. Il en résulte que le canton de Vaud applique le système de l'imposition au lieu de domicile et n'a, à ce jour, concédé aucune rétrocession fiscale à notre canton, malgré les demandes réitérées du Conseil d'Etat. Il est donc légitime que les personnes tirant leurs revenus d'une activité lucrative à Genève, dont ils bénéficient de l'infrastructure, mais qui n'y paient pas d'impôts, participent, par le paiement d'une taxe, aux mesures contribuant à diminuer les nuisances que subit la population genevoise.
Cette participation fiscale se justifie d'autant plus que ces personnes, dont beaucoup se rendent à Genève en voiture, contribuent notablement à ces nuisances tout en bénéficiant, en général, d'une imposition fiscale plus faible que si elles résidaient dans notre canton. On sait, du reste, que de nombreuses personnes ont transféré leur domicile dans le canton de Vaud pour payer moins d'impôts, tout en continuant à bénéficier des avantages de notre canton.
Quant aux fonctionnaires internationaux et les personnes travaillant dans des missions diplomatiques, elles sont au bénéfice de privilèges fiscaux qui portent sur l'exonération fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Ces personnes ne sont, toutefois, pas exonérées du paiement de taxes correspondant à des prestations précises de collectivités publiques. Au vu de la distinction faite en matière de privilèges fiscaux entre les impôts qui bénéficient de ces privilèges et les taxes qui y échappent, les auteurs du projet de loi considèrent que la taxe peut être imposée à cette catégorie de personnes qui travaillent et résident à Genève sans y payer d'impôts.
Le taux d'imposition de la taxe «transports et environnement» varie en fonction de l'importance des revenus bruts de la personne assujettie, soit le taux minimum de 1% pour les revenus à partir de 30 000 F par année et 4% pour les revenus supérieurs à 200 000 F par année.
Ce taux progressif paraît raisonnable. Le produit de la taxe devrait atteindre plusieurs dizaines de millions de francs par année et contribuer d'une manière non négligeable dans la recherche de solutions permettant de répondre aux difficultés financières de l'Etat de Genève.
La taxe transports ayant notamment pour but d'inciter les travailleurs pendulaires à utiliser les transports publics, il est proposé qu'elle soit diminuée de la moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuel des Transports publics genevois pour ceux qui se rendraient à Genève au moyen de transports collectifs et achèteraient une telle carte. Il en est de même pour les automobilistes provenant de l'extérieur du canton et utilisant les parkings d'échange.
Enfin, afin d'inciter les autorités vaudoises à procéder à des rétrocessions fiscales, toute rétrocession dont bénéficierait l'Etat de Genève qui serait applicable à un débiteur de la taxe résidant hors du canton réduirait ladite taxe à due concurrence.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Lors de sa séance du 12 février 1993, notre Grand Conseil, en adoptant la loi sur le réseau des transports publics, avait voté simultanément - et, si je m'en souviens bien, à l'unanimité - une motion concernant le financement des transports publics, puisqu'il s'avérait que les moyens budgétaires risquaient d'être insuffisants, et préconisant la mise en place d'une taxe «transport» dans notre canton, selon un modèle qui existe en France.
A l'époque, le Conseil d'Etat avait déclaré ne pas être opposé à cette idée - du reste, le modèle avait été évoqué dans son projet - mais il avait fait valoir qu'il lui paraissait difficile, en raison de la situation économique, de prévoir des contributions de la part des entreprises. C'est la raison pour laquelle nous avons, à travers ce projet de loi, cherché une solution qui s'inspire de la volonté du Grand Conseil, sans conséquences néfastes pour les entreprises genevoises, vu les difficultés économiques que nous traversons.
D'autre part, il nous a paru légitime que cette taxe soit payée, en premier lieu, par les personnes qui travaillent à Genève, qui s'y rendent, car elles habitent en dehors du canton, mais qui ne payent pas leurs impôts à Genève, ou par les personnes qui travaillent et résident dans notre canton mais qui ne payent pas d'impôts non plus. Le principe d'une taxe - je le rappelle - est précisément de demander une contribution à certaines personnes pour une prestation donnée. A titre de référence, la taxe de séjour, qui a été introduite par ce Grand Conseil, se perçoit auprès d'une catégorie de personnes qui bénéficient de certaines prestations. Ce sont des personnes qui ne sont pas domiciliées à Genève et qui ne font pas partie des contribuables de ce canton.
Vous savez également que, depuis un certain nombre d'années, le Conseil d'Etat a tenté d'obtenir du canton de Vaud une rétrocession fiscale pour les personnes qui travaillent à Genève. En matière fiscale, sur le plan international, le principe général est que le lieu de travail corresponde au lieu d'imposition. Ce principe n'est toutefois pas appliqué en Suisse en vertu d'une jurisprudence du Tribunal fédéral qui admet l'imposition au lieu de domicile. Il en résulte que notre canton subit incontestablement un préjudice, qui pourrait être partiellement réparé par l'institution de la taxe préconisée par ce projet de loi.
Mais cette taxe a aussi un but environnemental. C'est la raison pour laquelle nous proposons de diminuer le montant de la taxe de la moitié du montant de l'abonnement des TPG pour les personnes qui prendraient une carte de libre parcours des TPG ou, encore mieux, une carte combinée avec un parking d'échange. Bien entendu, d'autres solutions peuvent être imaginées dans le cadre de ce projet de loi. Certains ont même préconisé que la totalité de la carte TPG, voire de l'abonnement CFF, puisse être imputée du montant de la taxe. Donc, les auteurs du projet de loi restent parfaitement ouverts à une discussion sur les modalités proposées.
Ce projet de loi a bien pour buts de faire avancer l'objectif soutenu par ce Grand Conseil et de tenter de solutionner le problème des contributions concernant les personnes qui travaillent à Genève et qui n'y payent pas d'impôts, ce qui représente une somme dont le canton devrait pouvoir bénéficier.
Nous vous remercions de l'accueil que vous réserverez à ce projet de loi.
M. Michel Balestra (L). Tout le monde à Genève reconnaît que la charge fiscale brute est trop lourde et que, pour créer des emplois, il faudrait la diminuer. Même le groupe «Solidarité», dans l'excellent «Courrier» de ce matin, partage cet avis. Tout le monde reconnaît que la sécurité sur les routes s'améliore grâce à la formation des conducteurs. Tout le monde reconnaît que, grâce aux catalyseurs, la qualité de l'air s'améliore et que cette qualité continuera de s'améliorer. Et presque tout le monde reconnaît, enfin, que si nous dotons Genève d'un contournement autoroutier, d'une traversée de la rade ainsi que de parkings visiteurs au centre-ville en suffisance, la qualité de l'air s'améliorera plus vite encore !
Ce projet de loi va à l'encontre de cette évolution, naturelle et souhaitable pour Genève, puisqu'il propose de ne soutenir, grâce à ce nouvel impôt, que les transports publics. Le groupe libéral est favorable à une complémentarité des transports publics et privés et, également, à une charge fiscale moins lourde.
Et pourtant, nous accepterons le renvoi en commission de ce projet ! Pourquoi ? Parce qu'il pose un vrai problème.
Genève offre des infrastructures à des hommes et des femmes qui ne participent pas à leur financement. Nous devons débattre de ce problème ensemble. Les libéraux, dans le projet pour Genève, proposent une autre solution : créer des conditions d'accueil qui incitent les actifs non résidants à s'installer à Genève en leur offrant des conditions meilleures au niveau fiscal, au niveau du logement, bref au niveau de la qualité de la vie en général que celles qu'ils peuvent y trouver aujourd'hui. Car reconnaissez que si la classe moyenne supérieure, qui s'est installée dans le canton de Vaud voisin, habitait Genève, nous aurions résolu une partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés, y compris une partie des problèmes de transports. Il est d'ailleurs intéressant de constater que M. Grobet n'ait pas pensé à ce principe élémentaire lorsqu'il était responsable de l'aménagement du canton et qu'il était en charge de ces dossiers !
Nous devrons évaluer ensemble - le mot est à la mode - les effets de ce projet de loi sur les entreprises qui devront percevoir cet impôt, mais qui, dans certains cas, dans une période où les augmentations sont difficiles à accorder, devront également les payer. S'il est vrai que nous avons intérêt à faire revenir les actifs non résidants... (L'orateur répond à la mimique étonnée d'un député.) Oui, vous avez l'air étonné, mais il faudra bien les payer, puisqu'on ne peut pas diminuer un salaire nominal. Vous le savez, c'est impossible ! Si une taxe supplémentaire est instaurée et qu'on n'a pas de marge pour procéder à une indexation, il faudra bien qu'elle soit à la charge de l'employeur. C'est comme cela que ça se passe si on veut conserver une bonne harmonie dans l'entreprise !
Je vous rappelle que les non-résidents sont passés de vingt mille, dans les années 1980, à septante mille, dans les années 1990 ! Il y en a un peu moins maintenant, puisque nous avons malheureusement perdu, comme tout le monde le sait, seize mille emplois. Nous avons intérêt, disais-je, à faire revenir les actifs non résidants, mais, si un impôt supplémentaire sur les frais de route influencerait un tel retour, nous devrons prendre garde à ne pas perdre nos entreprises qui sont, elles, courtisées par les communes vaudoises qui font la même réflexion que la nôtre, mais à l'envers !
Bref, le problème n'est pas simple, mais il existe, et il a le mérite de nous permettre d'examiner ensemble la meilleure manière de le solutionner. C'est pourquoi nous soutiendrons ce renvoi en commission.
M. Michel Ducret (R). La présente motion...
M. Claude Blanc. C'est un projet de loi ! (Rires.)
M. Michel Ducret. Merci, Monsieur Blanc !
Ce projet de loi part d'une bonne idée, même si elle n'est ni très originale, ni très neuve.
Il s'agit du versement d'une taxe pour les transports des municipalités et des communautés urbaines françaises qui avait inspiré, il y a plus de dix ans déjà, une association d'usagers des TPG, alors présidée par l'ancien député socialiste Jean-Luc Richardet. Cela nous avait incités à prospecter les possibilités d'introduire une telle taxe liée à l'emploi. Outre l'opposition, bien entendu, des syndicats patronaux, nous nous étions alors heurtés au chef du département des finances qui avait soulevé le problème de l'inégalité de traitement entre les travailleurs et pas seulement entre les entreprises, tout un chacun n'étant pas mis sur le même pied. Mais l'idée n'était pas morte pour autant, puisqu'entre-temps le Conseil d'Etat s'est penché sur le problème du financement du développement des transports publics, comme cela a été voulu, je le rappelle, par le peuple, à une large majorité, le 12 juin 1988.
Il est donc difficile de ne pas accueillir cette motion...
M. Claude Blanc. Mais, c'est un projet de loi !
M. Michel Ducret. Merci, Monsieur Blanc ! Il est donc difficile de ne pas accueillir ce projet de loi pour un examen approfondi en commission, ceci non sans évoquer le fait que l'Etat confédéral devrait davantage se préoccuper des besoins des collectivités urbaines de notre pays, si on considère le peu d'argent qui est versé pour les efforts de transports dans le canton de Genève, alors que nous subventionnons très lourdement, au niveau fédéral, la desserte de vallées très peu peuplées. Il y a là matière à se poser des questions !
Le groupe radical tient toutefois à souligner que, si la question posée lui semble bonne, ce n'est pas le cas pour la réponse proposée. Aux arguments bien démagogiques, qui consistent à faire payer tout le monde sauf les Genevois, il faut aussi opposer les problèmes engendrés par une telle mesure. Il faut commencer par le fait que ce projet recèle de quoi rompre la paix confédérale en ne visant, de fait, que nos voisins vaudois qui travaillent à Genève. Il risque également de compromettre nos efforts pour maintenir, voire renforcer, la Genève internationale en taxant l'emploi des fonctionnaires de ces institutions. C'est un secteur très sensible, dans lequel la concurrence est particulièrement rude et largement internationale. Je rappelle encore la nécessité pour nos entreprises de conserver des conditions concurrentielles valables, cela aussi vis-à-vis des employés qui y travaillent, surtout des employés qualifiés. Enfin, les cartes de transports publics ou de parcage liées à ces transports qui permettraient des réductions de la taxe proposée sont des cartes transmissibles, ce qui pourrait poser certains problèmes.
C'est donc avec ces premières réserves prudentes que le groupe radical acceptera le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances.
Toutefois, je ne voudrais pas conclure sans relever un fait historique que je gardais pour la bonne bouche. C'est le scoop de l'automne ! L'Alliance de gauche, par la voix des députés signataires du présent projet de loi, admet enfin qu'une pression fiscale trop élevée peut provoquer la fuite des contribuables, vers le canton de Vaud notamment ! C'est la première fois que ce fait est admis par écrit. Cela figure en bas de la page 5 du projet de loi, et valait bien la peine d'être relevé. Nous ne pouvons qu'encourager les députés de ce groupe à pencher encore davantage vers ce réalisme qui nous est cher, ce qui nous permettra enfin de dialoguer de façon constructive.
M. Andreas Saurer (Ve). Ce projet de loi soulève, de la part du groupe des Verts, trois remarques.
La première concerne l'objectif déclaré de ce projet de loi, à savoir la diminution des nuisances dues aux voitures; nous ne pouvons, évidemment, que souscrire à un tel objectif ! Cela dit, j'attire votre attention sur le fait que les déplacements motorisés des Vaudois ne représentent au total que 5% des déplacements pour tout le canton de Genève. Bien sûr, nous sommes confrontés au problème des pendulaires, c'est évident, mais je tiens à vous rappeler que l'écrasante majorité des pendulaires habitent dans le canton de Genève. Les Vaudois n'en constituent qu'une infime minorité. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour aborder le problème des pendulaires et se demander comment en diminuer le nombre. Mais il ne suffit pas de se préoccuper des pendulaires vaudois, dont le nombre est infime s'agissant des déplacements motorisés privés dans le canton.
Deuxième remarque. Vous proposez des taxes pour les Vaudois. Il me semble que le problème n'est pas de savoir s'il faut créer un impôt supplémentaire ou non, mais de savoir comment nous pouvons garantir une rétrocession des impôts que les Vaudois payent au canton de Vaud.
Troisième remarque. Ce sont des conventions internationales qui définissent le statut des internationaux, non seulement en Suisse mais dans tous les pays. Il faut donc aborder ce problème de front ! Si nous souhaitons imposer les internationaux - pourquoi pas - il faut aborder le problème sous l'angle politique et réfléchir à la manière de le faire. Il n'est pas très élégant de chercher une «petite solution juridique» à un problème qui est d'ordre politique.
En conclusion, nous partageons tout à fait le motif écologique de ce PL, mais le moyen utilisé a pour nous un petit relent anti-vaudois et anti-internationaux que nous ne pouvons partager ! Ce projet de loi soulève un problème tout à fait réel, c'est pourquoi nous sommes d'accord de le renvoyer en commission.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Nous avouons que ce projet de loi ne nous plaît pas beaucoup. D'abord parce que, s'il est vrai que le canton de Vaud nous pose quelques problèmes, il ne nous semble pas nécessairement utile de montrer les Vaudois du doigt dans un projet de loi. C'est par la péréquation intercantonale et par des négociations, même difficiles, que nous arriverons - je l'espère - à résoudre ce problème.
Il nous semble aussi que ce projet de loi, tel qu'il est présenté, touche au respect de la Constitution, car il engendrerait pratiquement une double imposition !
Malgré tout, nous ne nous opposerons pas à un renvoi en commission, car - comme cela vient d'être dit - ce projet de loi soulève un réel problème, celui du financement du développement des transports publics et des parkings d'échange. Nous pourrions d'ailleurs le mettre en parallèle avec l'idée de la contribution «transports».
Je tiens à rappeler ici, pour mémoire, que cela fait bientôt deux ans que ce Grand Conseil - tous partis confondus, à l'exception des libéraux - invitait le Conseil d'Etat à élaborer un projet de loi instituant, dans les plus brefs délais, une contribution «transports» destinée à couvrir des investissements en faveur des transports publics. Ces différents points pourraient être repris en commission. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien accueille avec intérêt ce projet de loi qui soulève un vrai problème, mais qui apporte de fausses réponses.
Nous, nous verrions plutôt ces réponses dans le domaine de l'aménagement du territoire. A un moment donné, à Genève, du fait d'une certaine politique, nous avons fait fuir la classe moyenne supérieure à l'extérieur du canton et, de ce fait, nous avons perdu une certaine masse d'impôts. Par une fiscalité dissuasive pour les hauts revenus, nous avons également favorisé la fuite de contribuables, que ce soit vers le canton de Vaud ou encore vers la France voisine. Nous sommes heureux de lire aujourd'hui, sous la plume des députés de l'Alliance de gauche, qu'une fiscalité trop forte est susceptible de faire partir un certain nombre de contribuables !
Il est vrai qu'il est aussi choquant de constater que certaines personnes, qui bénéficient d'infrastructures genevoises, échappent au paiement de l'impôt dans le canton de Genève, ce qui est le cas de celles qui habitent dans la région vaudoise voisine. Il faudra bien que nous trouvions une solution à ce problème. J'imagine que celle-ci sera plutôt trouvée par le biais d'une négociation avec les autorités vaudoises que par le moyen que vous proposez. En effet, je m'étonne, compte tenu du fait que M. Grobet et les cosignataires de son projet sont plutôt de fins juristes, que vous n'ayez pas vu que ce projet est manifestement contraire aux dispositions fédérales en matière de fiscalité. On est imposé au lieu de son domicile - les arrêts du Tribunal fédéral sont très clairs à cet égard - et non pas là où on perçoit son salaire. S'il était appliqué, ce projet de loi, à n'en pas douter, engendrerait une double imposition qui serait inadmissible.
De plus, votre projet n'est pas très courageux, car on propose d'imposer les personnes qui ne votent pas dans le canton, les Vaudois et un certain nombre de fonctionnaires internationaux; cette démarche est trop facile !
Votre projet est également créateur d'inégalité de traitement entre frontaliers français et frontaliers vaudois - ce qui me paraît impossible - entre indépendants résidant et travaillant à Genève, qui payent leurs impôts à Genève, et indépendants qui habitent dans le canton de Vaud tout en travaillant à Genève et qui, du fait de notre fiscalité, payent tout de même leurs impôts sur leurs revenus à Genève. Le fait de taxer les fonctionnaires internationaux et le personnel des missions, comme vous le suggérez, m'apparaît, a priori et sans avoir creusé plus avant la question, contraire aux accords de sièges qui lient la Confédération aux organisations internationales et aux différents Etats et contraires aux différentes conventions internationales applicables en la matière.
Cela étant, notre groupe ne s'opposera pas au renvoi de votre projet en commission, car il faut que nous trouvions un certain nombre de solutions à ce sujet. Cela est inévitable, compte tenu des difficultés de l'heure, mais il nous semble que les solutions proposées sont mauvaises.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Ce projet de loi présente tous les avantages et les inconvénients des idées simples !
Au niveau des avantages, l'idée est compréhensible, et donc elle est efficace. Au niveau des inconvénients, elle est peut-être simpliste, car elle ne donne pas une idée globale du contexte.
En fait, ce projet de loi concerne la commission fiscale, s'agissant des relations entre le canton de Genève et le canton de Vaud. Il implique de notre part une brève remarque préalable. Monsieur le député, il risque de provoquer une double imposition Vaud-Genève. L'imposition engendrée risquerait de ne pas être équitable, et elle serait donc à ce titre antisociale. Ces problèmes étant directement liés à la fiscalité, le gouvernement souhaite le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale.
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.
La présidente. Je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de suspendre nos travaux. Je vous prie, ainsi que le public qui est à la tribune, de bien vouloir vous rendre à la salle des Pas-Perdus pour participer à une réception donnée en l'honneur du nouveau Bureau.
La séance est levée à 19 h.