Séance du
jeudi 17 novembre 1994 à
17h
53e
législature -
2e
année -
1re
session -
41e
séance
GR 58-1 et objet(s) lié(s)
10. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. C. P. G. , 1955, Italie, gérant de fortune, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
Le président. Le recours en grâce de M. C. P. G. a été retiré ce matin par le mandataire du recourant.
M. S. K. A. , 1958, Mali, employé, recourt contre la peine d'expulsion de cinq ans.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. M. S. K. A. a eu affaire à la justice de notre canton pour escroqueries. Sa situation est examinée par la commission de grâce, car des faits nouveaux ont surgi. Le recours en grâce porte sur la peine d'expulsion, or M. S. K. A. n'a jamais habité le canton de Genève. Il est domicilié à Bâle où il travaille comme aide-soignant dans un home pour personnes âgées. Il suit parallèlement des cours du soir de pilote d'hélicoptère, car il a travaillé plusieurs années à l'aéroport.
M. S. K. A. a été marié en Suisse et il a une petite fille aujourd'hui âgée de six ans. Ses démêlés avec la justice ont engendré des problèmes familiaux, et un divorce s'en est suivi. Son épouse est actuellement hospitalisée, car son état de santé est mauvais. La petite fille a donc été placée dans un home et elle n'a pour seul contact que les visites de son père selon les conditions du divorce.
La commission de grâce vous propose d'accepter la grâce de la peine d'expulsion pour les motifs suivants. M. S. K. A. a été condamné et il court le risque d'être expulsé de Suisse. Or, il se trouve que le canton de Bâle où il réside lui a donné un permis de travail à durée limitée et renouvelable, avec des conditions draconiennes... (L'orateur est gêné par les bavardages.) (Le président tape sur sa cloche pour ramener le silence.) Si ça vous dérange, il faut le dire ! (Rires.) Il me semble que les cas présentés par la commission de grâce mériteraient un peu plus d'attention ! M. S. K. A. a donc obtenu un permis de travail exceptionnel en raison de sa situation de famille, notamment des besoins de la petite fille, sous réserve de ne pas bouger de la ville de Bâle, que ce soit pour travailler ou pour se loger, avec, bien entendu, l'obligation de rembourser régulièrement les sommes escroquées. Ces montants sont relativement faibles, puisqu'ils se montent à 10 000 F, la première fois, et 7 000 F, la deuxième fois. Si ces conditions sont respectées, le canton de Bâle est prêt à lui renouveler un permis B.
La commission de grâce considère qu'il n'appartient pas à notre Grand Conseil de s'opposer aux décisions prises par les organes juridiques et politiques de Bâle, et vous demande donc d'accepter cette demande de grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté.
M. Z. F. M. , 1964, France, sans profession, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion, voire une réduction de celle-ci.
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. En avril 1986, M. Z. F. M. part pour les Indes. Ses quelques économies lui permettent de traverser tout le pays en car. Dans le courant du mois de mai, il se rend à Delhi où il rencontre, dans un bar, un arabe du nom d'A.. Ce dernier l'invite à plusieurs reprises, puis, après deux semaines, il lui propose de transporter 7,5 kg d'or à destination de la Suisse, tout en lui expliquant les raisons de ce transport.
M. Z. F. M. avait pour instruction de se rendre dans un hôtel de notre ville où il devait remettre son butin.
C'est à l'aéroport de Genève-Cointrin qu'il fut interpellé par les douaniers et c'est à ce moment-là que M. Z. F. M. découvrit le subterfuge : il transportait non pas de l'or mais 7,5 kg d'héroïne ! M. Z. F. M. se mit à la disposition de la police pour remonter la filière. Il faut relever que ce dernier n'est ni consommateur ni vendeur.
Il fut condamné, en juin 1987, à 18 ans de réclusion. Durant son incarcération, M. Z. F. M. saisit l'opportunité qui lui était présentée d'entreprendre des études en vue d'une formation professionnelle, ce qui était inespéré pour lui.
Dès 1988, il entreprit un cours par correspondance avec «Auxilia» puis avec le collège du soir de Genève, le service d'application des peines de Genève et le service de l'enseignement des Etablissements de la Plaine de l'Orbe, tout cela en vue de pouvoir être admis en classe de «raccordement» pour entreprendre une maturité commerciale.
Il poursuivit ses études en faisant les mêmes travaux et examens que les élèves du collège, tout en ayant des contacts avec le directeur et la doyenne.
En mai 1993, la première partie des examens finaux de sa maturité est organisée. Pour cela, il est transféré à la prison de Champ-Dollon. Il réussit les examens prévus, avec l'informatique en plus.
En juin 1994, il se présenta pour les examens de droit et de philosophie. La suite des examens s'effectuera en juin 1995. Dès lors, M. Z. F. M. sera titulaire de la maturité commerciale.
Il obtint encore plusieurs certificats. En novembre 1989, il obtint le «Preliminary Business English Examination Certificate» de la «British-Swiss Chamber of Commerce in Switzerland». En décembre 1992, il réussit le «First Certificate in English» organisé par l'Université de Cambridge. Puis, au mois de mars 1994, il obtint un diplôme d'espagnol délivré par le Ministère de l'éducation et des sciences ibériques.
M. Z. F. M. espère poursuivre ses études à l'université de Lausanne en HEC, et des contacts ont été pris avec le recteur de cette université. Il espère une réduction de sa peine de quatre, trois ou deux ans. Le rapport du directeur des Etablissements de la Plaine de l'Orbe lui est tout à fait favorable. Le procureur général de Genève est favorable à une réduction de peine de quatre ans.
La commission de grâce, quant à elle - et cela à l'unanimité - vous propose aussi une remise de peine de quatre ans.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine de réclusion à quatorze ans avec expulsion maintenue) est adopté.