Séance du vendredi 21 octobre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 10e session - 38e séance

PL 7162
9. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (suppression de la collégialité à la Chambre des tutelles) (E 2 1). ( )PL7162

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 2 A, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les présidents et vice-présidents de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal de première instance, du Collège des juges d'instruction et de la Justice de paix sont élus par le Grand Conseil, parmi les juges de chacune de ces juridictions.

Art. 5 (nouvelle teneur)

1 Les juges de paix sont au nombre de 4, dont un président et un vice-président; ils ont, en outre, 4 suppléants. Chaque juge siège comme juge unique.

2 Un juge de paix préside la Chambre des tutelles.

Art. 75 B, al. 1 (nouvelle teneur)

1 La commission de gestion est composée du procureur général, qui la préside, des présidents de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal administratif, du Tribunal de première instance, du Collège des juges d'instruction, de la Justice de paix et du Tribunal de la jeunesse et de l'un des présidents de la Chambre d'appel des prud'hommes, désigné par la Cour de justice, ainsi que de 2 fonctionnaires à plein temps du pouvoir judiciaire.

Art. 2

Modifications à d'autres lois

  (E 2 3)

1 La loi de procédure civile, du 10 avril 1987, est modifiée comme suit:

Art. 412 (abrogé)

Art. 413 (nouvelle teneur)

Avocat d'office

1 Le président de la Chambre des tutelles transmet sans délai le dossier au président de la Justice de paix, qui examine si la désignation d'un avocat est nécessaire.

2 Dans l'affirmative, le président de la Justice de paix désigne lui-même l'avocat. Si le président de la Chambre des tutelles est en même temps président de la Justice de paix, il transmet le dossier au membre le plus ancien de cette juridiction, qui statue.

3 Les dispositions sur l'assistance juridique sont applicables.

4 Même si l'assistance juridique n'a pas été sollicitée ou accordée, l'Etat rembourse ses frais à l'avocat commis d'office et lui verse l'indemnité équitable prévue par le règlement si l'intéressé refuse de l'en défrayer. Le montant ainsi payé est recouvré par l'Etat auprès de l'intéressé.

Art. 414 (nouvelle teneur)

Appui socio-

médical

Si les circonstances le permettent, la Chambre des tutelles peut inviter l'intéressé à accepter les conseils d'un service social ou à se soumettre à un examen médical. Elle s'efforce d'amener l'intéressé à suivre le traitement préconisé ou à prendre toutes les autres mesures préventives appropriées.

** *

  (E 4 1)

2 La loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature, du 27 juin 1942, est modifiée comme suit:

Art. 2, lettre g (nouvelle teneur)

g) du président de la Justice de paix;

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 (E 4 3)

3 La loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 novembre 1919, est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 1, lettres a et b (nouvelle teneur)

a)

5% du minimum de la classe 31 pour le président de la Cour de justice, le président du Tribunal administratif, le président du Tribunal de première instance et de police, le président du Collège des juges d'instruction et le président de la Justice de paix;

b)

3% du minimum de la classe 31 pour le président du Tribunal de la jeunesse, le vice-président de la Cour de justice, le vice-président du Tribunal administratif, le vice-président du Tribunal de première instance, le vice-président du Collège des juges d'instruction et le vice-président de la Justice de paix.

Entrée en vigueur

Art. 3

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

des PL 7162 à 7167

INTRODUCTION

Dans le cadre de la réflexion demandée à tous les serviteurs de l'Etat en vue de rationaliser ses tâches, le pouvoir judiciaire a fait plusieurs propositions concernant l'administration de la justice pénale, civile et administrative.

Le volet pénal de ces propositions a déjà été partiellement réalisé grâce aux réformes que vous avez votées et la réflexion engagée se poursuit. Le Conseil d'Etat se réfère à ce sujet à son rapport du 13 octobre 1993 sur la motion 589 concernant les moyens destinés à lutter contre la criminalité économique.

Il en va de même du volet administratif. En effet, le transfert au Tribunal administratif des compétences de la Cour de justice en matière d'assurances sociales a d'ores et déjà été opéré et un groupe de travail composé de magistrats et de hauts fonctionnaires étudie actuellement la conformité de l'administration de la justice administrative dans notre canton aux exigences du droit fédéral et du droit conventionnel.

L'objet des présents projets de lois est de concrétiser les propositions du pouvoir judiciaire visant à rationaliser l'administration de la justice civile au travers d'une réorganisation de la Justice de paix et de la Chambre des tutelles et d'une modification de leurs compétences.

En plein accord avec le pouvoir judiciaire, le Conseil d'Etat soumet à votre approbation les réformes suivantes, dont certaines ont été élaborées en étroite collaboration avec la Chambre des notaires de Genève.

I. Suppression de la collégialité à la Chambre des tutelles.

II. Transfert du Tribunal de première instance à la Chambre des tutelles de la compétence pour ordonner les interdictions et les conseils légaux.

III. Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière d'établissement des attestations d'héritier dans les successions ab intestat et de garde des testaments olographes.

IV. Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière de mesures de sûreté relatives au dépôt et à la communication des testaments.

V. Modification de la procédure en matière d'inventaires fiscaux.

VI. Extension des compétences de la Justice de paix en matière de jugement et exigence du brevet d'avocat pour être élu juge de paix.

** *

Suppression de la collégialité à la Chambre des tutelles

INTRODUCTION

Actuellement, la Chambre des tutelles se compose de 3 juges de paix. Ces magistrats sont tenus de se réunir pour prendre, par exemple, des décisions de curatelle alors que des décisions plus importantes au niveau de l'exercice des droits civils, telles que la tutelle, sont prises par un juge unique du Tribunal de première instance.

De même, alors qu'un divorce et une mesure de curatelle instituée pour favoriser les relations personnelles entre l'enfant et le titulaire du droit de visite sont décidés par un juge unique du Tribunal, 3 juges de paix doivent se réunir pour choisir et désigner le curateur.

Observons encore, en ce qui concerne, par exemple, le droit de visite, qu'un juge unique du Tribunal de première instance décide de l'attribution des droits parentaux et du droit de visite, alors que 3 juges de paix doivent se réunir si les modalités fixées par le curateur pour ledit droit de visite sont contestées dans un cas particulier, par exemple, la quotité des vacances passées par l'enfant avec l'un ou l'autre des parents à une occasion déterminée.

La lourdeur de ce système fait perdre un temps considérable aux magistrats de la Justice de paix qui ont tous maintenant une formation de base égale à celle des autres membres du pouvoir judiciaire (brevet d'avocat).

Un changement de système s'avère donc souhaitable tant pour une meilleure rationalisation du travail que pour des motifs d'économie budgétaire puisque, actuellement, il est nécessaire de faire appel à des juges suppléants pour que la Chambre des tutelles soit dûment composée lorsque certains juges de paix sont absents ou récusés.

Il vous est donc proposé de changer la composition de la Chambre des tutelles en ramenant de 3 à 1 le nombre des juges de paix qui la composent. Cette modification, qui s'opère au travers d'une reformulation de l'article 5, alinéa 2 de la loi sur l'organisation judiciaire s'accompagne d'un toilettage des diverses dispositions faisant référence à la présidence de la Chambre des tutelles: cette dernière étant désormais composée d'un juge unique, les références à sa présidence ne se justifient plus. En parallèle, il est clairement énoncé que la Justice de paix, qui délègue ses membres pour siéger à la Chambre des tutelles, compte un président et un vice-président, à l'instar des autres juridictions.

COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE

Loi sur l'organisation judiciaire

Art. 2 A, al. 1 (nouvelle teneur)

Un juge de paix étant délégué par ses pairs pour siéger à la Chambre des tutelles, il ne se justifie plus de faire référence à l'élection du président et du vice-président de cette instance, mais bien à celle du président et du vice-président de la Justice de paix, juridiction composée de 4 juges.

Art. 5 (nouvelle teneur)

Alinéa 1: il est fait mention du président et du vice-président de la juridiction;

Alinéa 2: la composition de la Chambre des tutelles passe de 3 juges de paix à 1.

Art. 75 B, al. 1 (nouvelle teneur)

«... de la Chambre des tutelles et de la Justice de paix» est remplacé par «de la Justice de paix», car le juge de paix siégeant à la Chambre des tutelles ne sera pas forcément le président de la Justice de paix.

Loi de procédure civile

Art. 412 (abrogé)

Cette disposition qui, en cas de péril en la demeure, confère à un juge délégué de la Chambre des tutelles un pouvoir de placement provisoire sujet à ratification n'a plus de raison d'être dès lors que l'on prévoit que cette autorité n'est plus composée que d'un juge de paix.

Art. 413 (nouvelle teneur)

Alinéas 1 et 2: la notion de «juge délégué» est supprimée.

Alinéa 3: l'adjectif «légales» est supprimé, les dispositions relatives à l'assistance juridique se trouvant non seulement dans la loi, mais également dans un règlement. En outre, ces dispositions sont directement applicables.

Alinéa 4: cette disposition est calquée sur l'article 47, alinéa 2, de la loi sur la profession d'avocat.

Art. 414 (nouvelle teneur)

La référence au juge délégué est supprimée.

Loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature

Art. 2, lettre g (nouvelle teneur)

«Président de la Chambre des tutelles» est remplacé par «président de la Justice de paix».

Loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire

Art. 4, al. 1, lettres a et b (nouvelle teneur)

«Président de la Chambre des tutelles» et «vice-président de la Chambre des tutelles» sont remplacés respectivement par «président de la Justice de paix» et «vice-président de la Justice de paix». En harmonie avec l'article 2, il est fait référence au minimum de la classe 31 et non plus de la classe 30 (réforme du 14 septembre 1989).

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Transfert du Tribunal de première instance à la Chambre des tutellesde la compétence d'ordonner les interdictions et les conseils légaux

INTRODUCTION

Le droit fédéral confère aux cantons la latitude de désigner les autorités compétentes pour prononcer l'interdiction des majeurs et déterminer la procédure à suivre (art. 373 CCS).

Dans beaucoup de cantons, ce sont des autorités purement administratives ou politiques qui prononcent ces mesures et exercent les fonctions d'autorité tutélaire. Par exemple, à Lucerne, Nidwald et Uri, le Conseil communal est autorité tutélaire et peut prononcer les interdictions. Dans la plupart des cantons, les autorités tutélaires ne comportent pas de juristes.

A Genève, l'autorité tutélaire est exercée par la Chambre des tutelles, composée de juges pouvant théoriquement être élus sans avoir de formation juridique, ce qui explique l'obligation qui leur est actuellement faite de siéger à 3. Quant aux interdictions, elles sont prononcées par un juge unique constituant une des chambres du Tribunal de première instance.

Réunir ces compétences dans les mains d'un seul juge ayant une formation juridique complète, fonctionnant à la fois comme autorité tutélaire et juge des interdictions, est tout à fait conforme au droit fédéral. On observe, par exemple, qu'à Neuchâtel, l'autorité tutélaire est composée du président du Tribunal de district et de deux assesseurs. Dans ce canton, c'est l'autorité tutélaire qui est chargée de prononcer les interdictions, les conseils légaux et les curatelles. Le président ordonne les mesures provisoires et procède seul à l'instruction. A Genève, le fait que l'interdiction soit prononcée par un juge unique ne suscite aucune critique. Nous vous proposons de transférer cette compétence du Tribunal de première instance à la Chambre des tutelles dans sa nouvelle composition, soit un juge de paix. La Chambre des tutelles sera désormais compétente non plus seulement pour nommer les tuteurs (art. 379 CCS), instituer les curatelles (art. 392 CCS) et nommer les curateurs (art. 396 CCS), mais également pour prononcer les interdictions et instituer les conseils légaux (art. 373 et 395 CCS).

COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE

Loi d'application du code civil et du code des obligations

Art. 2, al. 2 (nouvelle teneur)

a) «survenance» remplace «surveillance» qui était le résultat d'une coquille;

b) par l'introduction de cette nouvelle disposition, la compétence pour prononcer les interdictions est transférée du Tribunal de première instance à la Chambre des tutelles;

c) il s'agit de la reprise de la lettre b) actuelle;

d) il s'agit de la reprise de la lettre c) actuelle, complétée par la mention du conseil légal;

e) à g) il s'agit de la reprise des lettres d) à f) actuelles, la lettre f) dans sa nouvelle teneur visant en outre la mainlevée de l'interdiction et du conseil légal.

Art. 8, lettre b, ch. 2 (nouveau)

Cette modification est sans rapport avec la précédente.

Lors des modifications apportées le 14 janvier 1993 à la loi d'application du code civil et du code des obligations pour tenir compte du nouveau droit de la société anonyme entré en vigueur le 1er juillet 1992, l'article 8, lettre b), chiffre 2 a été abrogé par erreur.

En effet, dans sa nouvelle teneur, l'article 699 du code des obligations prévoit comme précédemment la compétence du juge pour ordonner à la place du conseil d'administration la convocation de l'assemblée générale si un ou plusieurs actionnaires représentant ensemble 10% au moins du capital-actions le demandent.

Il vous est donc proposé de réintroduire une disposition analogue à celle abrogée par erreur.

Loi de procédure civile

Art. 406 (nouvelle teneur)

«Chambre des tutelles» remplace «le Tribunal».

Art. 407, al. 2 (nouvelle teneur) et 3 (nouveau)

Alinéa 2: il s'agit, comme dans les cas de privation de liberté à des fins d'assistance, de permettre au juge de faire nommer d'office un avocat à l'intéressé lorsque ce dernier n'en a pas et que l'assistance d'un défenseur apparaît nécessaire.

Alinéa 3: c'est la reprise de l'alinéa 2 actuel, «le Tribunal» étant remplacé par «la Chambre des tutelles».

Art. 408, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)

«La Chambre des tutelles» remplace «Le Tribunal» dans les deux cas.

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Transfert aux notaires des compétences de la Justice paix en matière d'établissement des attestations d'héritier dans les successions ab intestat et de garde des testaments olographes

1. Le dépôt facultatif (ou remise en garde) du testament olographe

Dans certains cantons, cette compétence est déjà confiée exclusivement aux notaires (Berne, Fribourg, Tessin, Valais, Bâle-Ville).

En effet, il est courant que le testament olographe soit confié par le testateur à un tiers, banque, avocat, notaire. Les notaires tiennent d'ailleurs un répertoire des testaments qui leur sont confiés conformément à l'article 31 de la loi sur le notariat. Les notaires sont par ailleurs déjà tenus de conserver les originaux des testaments publics et des pactes successoraux qu'ils instrumentent (art. 23 de la loi sur le notariat). Les notaires fonctionnent dès lors déjà actuellement de facto comme «organe de dépôt facultatif» au sens de l'article 505 CCS et il est logique que cette compétence leur soit formellement attribuée. Cela contribuera à faciliter le moment venu l'homologation systématique des testaments auprès du registre suisse des testaments mis sur pied par le Fédération suisse des notaires.

La compétence de conserver les testaments olographes (art. 505 CCS) peut dès lors, sans préjudice pour les justiciables, être confiée exclusivement aux notaires.

A cette fin, il convient d'abroger l'article 1, lettre b, LACCS et d'introduire l'article 36 nouveau LACCS qui vous est proposé.

2. L'attestation de la qualité d'héritier ab intestat

Actuellement, la qualité d'héritier ab intestat est établie soit par un acte de notoriété dressé par un notaire (art. 35 LACCS), soit par un certificat d'héritier établi par la Justice de paix (art. 1, lettre e) LACCS par analogie).

Cette compétence peut sans dommage pour le justiciable être confiée exclusivement aux notaires, ce d'autant plus qu'un acte de notoriété se révèle de toute façon indispensable pour toutes les personnes d'origine étrangère ou naturalisées et pour lesquelles la production d'actes d'état civil jouissant de la foi publique (art. 9 CCS) n'est pas possible.

En revanche, l'établissement d'un certificat d'hérédité dans le cadre de l'article 559 CCS (héritiers institués) devrait continuer à être l'apanage du juge de paix. En effet, il ne s'agit pas là de dresser un simple état des parentèles, mais aussi de trancher diverses questions préjudicielles qui peuvent se révéler délicates. L'intervention de l'autorité judiciaire (le notaire pouvant être mandaté par l'un ou l'autre des héritiers) paraît ici devoir être conservée.

Ce transfert de compétence s'opère par le biais d'une modification de l'article 35 de la loi d'application du code civil et du code des obligations.

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Transfert aux notaires des compétences de la Justice de paix en matière de mesures de sûreté relatives au dépôt et à la communicationdes testaments

Actuellement, les mesures de sûreté relatives au dépôt et à la communication des testaments sont de la compétence exclusive de la Justice de paix (art. 1, lettre e) LACCS). D'autres cantons confient cette compétence partiellement aux notaires.

A Fribourg, l'autorité compétente pour le dépôt du testament (art. 556 CCS) est le juge de paix. L'ouverture du testament est ensuite effectuée par le juge de paix assisté du notaire et la communication aux ayants droit (art. 557 CCS) est le fait du notaire. Quant au certificat d'hérédité (art. 559 CCS), il est le fait du notaire sous l'autorité et la signature du juge de paix. A l'examen de ces dispositions, on constate que le notaire apparaît en quelque sorte comme le greffier du juge. Cette situation s'explique par le fait que dans ce canton le juge de paix n'est pas un juriste.

Un système identique existe en Valais où la compétence générale, selon les articles 556 à 559 CCS, est dévolue au juge de commune qui est obligatoirement assisté d'un notaire en qualité de greffier.

La transposition de ce système à Genève ne paraît pas opportune: elle ne ferait que compliquer la procédure au lieu de la simplifier.

Au Tessin, le testament est déposé en main d'un notaire qui l'homologue chez le «pretore», lequel procède à son ouverture. Le testament est ensuite communiqué par le notaire aux intéressés qui lui sont indiqués par le «pretore». C'est également le notaire qui procède aux éventuelles publications selon l'article 558 CCS. Un système analogue existe en France où l'homologation du Tribunal n'est toutefois pas obligatoire.

Dans un tel système, la collaboration entre le notaire et l'autorité successorale permet de décharger partiellement cette dernière des tâches de communication des testaments qui sont très fastidieuses.

Il vous est proposé d'introduire à Genève une procédure de ce type, le dépôt des dispositions testamentaires s'opérant en main du notaire qui se voit chargé de toutes les opérations d'ouverture et de communication. Seule l'homologation reste de la compétence du juge de paix ainsi que les éventuelles mesures prévues à l'article 556, alinéa 3 CCS, de même que la délivrance du certificat d'hérédité selon l'article 559 CCS. Cette solution, qui n'implique aucune modification de l'article 1, lettre e) LACCS est concrétisée par l'introduction dans la loi de procédure civile des deux nouveaux articles, numérotés 497 A et 497 B.

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Modification de la procédure en matière d'inventaires fiscaux

INTRODUCTION

Actuellement, l'inventaire après décès est régi par les articles 44 et 46 de la loi sur les droits de succession (ci-après LDS). L'article 46, alinéa 6 LDS prescrit que «l'administration de l'enregistrement et du timbre fait procéder à l'inventaire par le juge de paix ou un notaire commis par ce dernier».

L'établissement d'un inventaire fiscal ne peut être évité compte tenu des dispositions impératives de l'article 97 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct. Cette formalité est en outre souvent opportune tant pour le fisc que pour les héritiers et ne fait pas double emploi avec l'établissement ultérieur de la déclaration de succession prescrite par les articles 29 et suivants LDS. Toutefois, l'administration fiscale renonce actuellement à établir un inventaire pour les successions relativement peu importantes.

L'intervention du juge de paix en matière d'inventaires fiscaux n'est pas indispensable, alors que depuis le XVIIIe siècle, le notaire joue un rôle primordial dans l'élaboration de ces actes.

Actuellement, depuis 1974 et avec l'accord du département de justice et police et des transports, les juges de paix sont souvent suppléés par des notaires pour l'établissement des inventaires fiscaux (2 après-midi par semaine sur 3). Dans ces cas-là, l'inventaire fiscal est dressé en une seule vacation, soit à la Justice de paix, soit au domicile du défunt.

Cette situation est insatisfaisante à plus d'un titre:

- il est le plus souvent impossible de dresser convenablement l'inventaire en une seule vacation: fréquemment, l'inventaire porte des mentions «à produire» qui sont ensuite complétées par le justiciable et l'administration fiscale sans le concours du juge de paix ou du notaire suppléant. Ces derniers se plaignent de faire un travail incomplet;

- des justiciables ne comprennent pas la perception de deux émoluments d'inventaire: l'un par le fisc, l'autre la Justice de paix. De fréquentes plaintes sont enregistrées à ce sujet;

- les justiciables ne comprennent pas non plus le rôle respectif du représentant du fisc, du juge de paix et du notaire suppléant. Ils ont tendance à confondre, vu l'intervention du juge de paix, l'établissement de l'inventaire fiscal et de l'inventaire civil (art. 553 et 581 CCS);

- l'Etat doit payer des frais de vacation au notaire suppléant;

- la tenue des inventaires fiscaux dans les locaux de la Justice de paix prive les magistrats de cette juridiction de leur unique salle d'audience.

Il vous est en conséquence proposé de modifier la loi sur les droits de succession pour que les inventaires fiscaux soient désormais dressés par le fonctionnaire délégué de l'administration fiscale ou par un notaire commis à cette fin par la Justice de paix à la demande des héritiers ou du fisc.

Le juge de paix n'interviendra donc plus en la matière, sauf pour commettre le notaire à des fins d'inventaire, compétence qui est déjà la sienne en matière d'inventaires civils (art. 494 de la loi de procédure civile).

Les émoluments actuellement perçus par la Justice de paix le seront par le fisc ou par le notaire, l'article 31 A du tarif des greffes en matière civile et prud'homale étant repris dans le règlement sur l'inventaire au décès ainsi que dans le règlement sur les émoluments des notaires.

La solution proposée présente les avantages suivants:

- décharger la Justice de paix de tâches pouvant être exécutées à satisfaction par un autre service de l'administration sans surcharge decelui-ci;

- constituer une économie pour l'Etat de l'ordre de 25 000 F par année (frais de vacation des notaires) sans entraîner de pertes de recettes;

- ne percevoir qu'un seul émolument d'inventaire simultanément à l'envoi du bordereau relatif aux droits de succession;

- bien séparer dans les faits et dans l'esprit du justiciable l'intervention du fisc sur le plan fiscal et du juge de paix sur le plan civil;

- garantir les droits de l'administré face au fisc en lui permettant de se faire assister par un mandataire professionnellement qualifié ou d'exiger que l'inventaire soit dressé par un notaire.

COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE

Loi sur les droits de successions

Art. 46, al. 6 (nouvelle teneur)

L'intervention du juge de paix n'est plus prévue que pour commettre un notaire aux fins de procéder à l'inventaire de la succession à la demande de l'administration de l'enregistrement et du timbre.

Art. 46, al. 7 (nouvelle teneur)

Il s'agit de la reprise du texte de la loi actuelle augmenté de la phrase: «la convocation précise que les héritiers ont le droit de se faire assister par un mandataire professionnellement qualifié ou de demander la commission d'un notaire à des fins d'inventaire ». La Chambre des notaires a insisté pour que les héritiers ne se retrouvent pas seuls face au représentant du fisc.

Art. 46, al. 11 (nouvelle teneur)

«Le fonctionnaire délégué du département» remplace «le juge de paix». La fin de l'alinéa tient compte de cette modification.

Art. 46, al. 13 à 15 (nouvelle teneur)

Il n'est plus fait référence au juge de paix.

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Extension des compétences de la Justice de paix en matièrede jugements; exigence du brevet d'avocat pour les juges de paix

1. Extension des compétences de la Justice de paix en matière de jugements

En raison de l'accroissement du nombre des causes déposées auprès du Tribunal de première instance, des capacités professionnelles des juges de paix et de l'allégement de leurs tâches induit par la redéfinition de leurs compétences, il vous est proposé de porter de 2 000 à 8 000 F le montant des litiges qu'ils peuvent trancher si les faits ne sont pas contestés, en cas de défaut de la partie citée ou encore à la demande des parties.

Il suffit pour cela de modifier en conséquence l'article 11 de la loi sur l'organisation judiciaire.

2. Exigence du brevet d'avocat pour être élu juge de paix

En application de l'article 60, lettre d) de la loi sur l'organisation judiciaire, les magistrats du pouvoir judiciaire doivent être titulaires du brevet d'avocat. Une exception est toutefois prévue à l'article 60 A LOJ pour les juges de paix et les juges assesseurs. A ce sujet, il y a lieu de relever que l'organisation judiciaire actuelle est basée sur la loi du 22 novembre 1941. C'est à l'occasion de l'entrée en vigueur de cette dernière que, pour la première fois, des conditions professionnelles d'éligibilité ont été exigées pour les magistrats qui, à cette époque, devaient être soit licenciés en droit, soit docteur en droit, soit porteurs d'un brevet d'avocat ou de notaire.

L'exception de l'article 60 A, alinéa 1 LOJ a été introduite dans des conditions particulières, ainsi que le relate le Mémorial des séances du Grand Conseil des 5 mai et 5 juin 1937. En effet, il en ressort que la commission chargée de présenter le projet de loi avait proposé à l'unanimité que tous les membres du pouvoir judiciaire soient soumis aux mêmes conditions professionnelles d'éligibilité. Seule l'opposition énergique d'un député avait permis l'amendement de ce projet. L'intéressé, qui était alors juge de paix et exerçait la profession de négociant, avait rappelé que depuis plus de 30 ans les juges de paix avaient été ouvriers typographes, bijoutiers, négociants, etc., et que l'essentiel pour cette juridiction était d'avoir un homme d'expérience connaissant bien la vie.

A 41 voix contre 36, il avait pu faire voter son amendement. L'article 60, lettre d) a subi une nouvelle modification en 1958, date à laquelle le Grand Conseil, après avoir longuement examiné l'opportunité d'introduire un examen spécial pour l'entrée dans la magistrature, a décrété que les magistrats du pouvoir judiciaire devaient tous être titulaires du brevet d'avocat.

Lors de cette modification, le cas des juges de paix, toujours soumis à l'exception de l'article 60 A, n'a pas été évoqué, ni discuté (Mémorial des 11 janvier 1958, p. 62 et suivantes et 22 octobre 1958, p. 2042 et suivantes).

Des faits qui précèdent, il appert que c'est en 1941, lors de l'introduction de la loi sur l'organisation judiciaire genevoise, que tous les magistrats de l'Ordre judiciaire ont été soumis à des conditions professionnelles d'éligibilité, sous réserve de ceux siégeant à la Justice de paix et à la Chambre des tutelles qui, à ce jour, peuvent encore être élus sans même être titulaires d'une licence en droit. Cette exception, motivée à l'époque par un intérêt particulier et un contexte différent, n'est plus justifiée aujourd'hui en raison des compétences toujours plus étendues des juges de paix, qui doivent indiscutablement bien connaître le droit pour assumer leurs fonctions.

Pour ces motifs, il se justifie de supprimer la référence aux juges de paix à l'article 60 A LOJ.

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Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.