Séance du vendredi 21 octobre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 10e session - 38e séance

P 848-B
6. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition «Attentat rue Simon-Durand 9». ( -) P848
 Mémorial 1990 : Rapport, 2182.

1. Le 20 octobre 1989, vers 23 h, un incendie volontaire détruisait la porte palière des locaux de l'Université ouvrière de Genève (UOG) au1er étage du no 9 de la rue Simon-Durand, dans un immeuble abritant également, au 2e étage, le Centre de contact Suisses-Immigrés (CCSI).

 Cet acte criminel, survenant alors que des manifestations xénophobes et des attentats contre des requérants d'asile commençaient à se multiplier dans notre pays, suscitait un vif émoi au sein de la population, l'UOG et surtout, le CCSI travaillant en effet tous deux à promouvoir l'intégration des étrangers dans notre société.

 Le 8 novembre 1989, M. Gérald Crettenand, coordinateur du CCSI, et 879 autres personnes déposèrent une pétition demandant que tout soit mis en oeuvre pour identifier les auteurs de l'attentat et qu'une enquête approfondie soit menée dans les milieux de l'extrême-droite locale dans un but de prévention de tels actes.

 Entendus par la commission des pétitions, les représentants du CCSI firent part de leur inquiétude face à la montée de la violence et de l'intolérance à Genève et dans le reste de la Suisse. Pour sa partM. Laurent Walpen, chef de la police, indiqua que cette dernière avait poussé ses investigations jusque dans les milieux extrémistes puisqu'il existait de fortes présomptions, mais pas de certitude, que cet acte ait été commis par des personnes proches de ces milieux. Il ajouta que l'enquête préliminaire était terminée et que le dossier avait été transmis au Parquet, qui jugerait de la suite à donner à cette affaire.

 Dans son rapport du 30 mars 1990, la commission des pétitions souligna qu'en agressant des associations telles que le CCSI, les auteurs de ces attentats tentaient de créer un climat de peur et de méfiance en ouvrant la voie à l'intolérance, avec tous les abus et les injustices qu'elle engendre. Elle exprima son inquiétude face à la montée de la violence dans notre pays, des manifestations racistes et xénophobes et des issues qu'elles avaient eues dans d'autres cantons. Elle émit l'avis que, par l'éducation dès le plus jeune âge, on devrait inculquer le respect des autres et apprendre à admettre et à tolérer les différences. Dans cet esprit, la commission des pétitions proposa au Grand Conseil de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il entreprenne toutes les démarches en son pouvoir pour faire toute la lumière sur cette affaire et indique les mesures qu'il entendait prendre pour éviter les excès de racisme dans notre canton (P 848-A). Cette pétition fut renvoyée au Conseil d'Etat le 17 mai 1990.

2. L'exercice de l'action publique étant du ressort du procureur général (art. 4 du code de procédure pénale, CPP), à qui la police judiciaire est subordonnée (art. 104 CPP), le Conseil d'Etat, par l'intermédiaire du chef du département de justice et police, a interpellé le Ministère public sur les suites données à cet acte criminel. Le procureur général a répondu qu'une procédure pénale avait été ouverte sous no P 35027/89, mais qu'elle avait été classée, l'enquête préliminaire effectuée par la police n'ayant pas permis de recueillir des indices suffisants à l'encontre d'une ou plusieurs personnes déterminées.

 Le Conseil d'Etat ne peut que prendre acte de ce qui précède, car il ne dispose pas de compétences ou de moyens qui lui permettent de mener des investigations indépendamment de celles conduites par les autorités instituées à cet effet.

3.a) S'agissant des mesures propres à éviter les excès de racisme à Genève, il y a lieu de relever, à l'instar des commissaires, qu'il s'agit à la base d'un problème d'éducation.

 A ce sujet, on rappellera que la préparation à la vie dans une société complexe et multiculturelle qui change rapidement et s'ouvre sur l'Europe et le monde constitue une des priorités de l'école publique genevoise. Cette mission éducative doit contribuer à développer la tolérance à l'égard des minorités, des immigrés, des réfugiés et favoriser l'ouverture aux autres cultures, la défense des droits de l'homme et le refus des discriminations en tous genres.

 La politique suivie en cette matière a été exposée de manière détaillée dans le rapport du Conseil d'Etat du 10 juin 1991, sur la pétition «Ecole et développement» de la jeunesse étudiante chrétienne, Genève (P 694-A), auquel il convient de se référer.

b)

Enfin, au niveau de la répression, la lutte contre les manifestations de racisme et de xénophobie passe par l'insertion dans le code pénal suisse d'une norme incriminant ces comportements.

 Le Conseil d'Etat rappelle que dans sa réponse du 28 mars 1990 à la consultation ouverte à ce sujet par les départements fédéraux de justice et police et des affaires étrangères, il s'est prononcé sans réserve en faveur de l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, du 21 dé-cembre 1965 et a approuvé la révision correspondante du code pénal suisse et du code pénal militaire.

 Cette dernière n'est pas encore entrée en vigueur, le référendum lancé contre elle ayant abouti.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.