Séance du
vendredi 21 octobre 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
10e
session -
38e
séance
I 1913
Mme Claire Chalut (AdG). En octobre 1995, l'ONU fêtera, dans le calme, son 50ème anniversaire.
La création de la SDN fut, pour les peuples au lendemain de la grande boucherie de 1914-1918, un grand espoir. Elle devenait pour eux le symbole de la paix universelle. De plus, l'adhésion de la Suisse à la Société des Nations avait été acceptée lors d'un référendum le 16 mai 1920. La SDN lui garantissait sa neutralité.
Au cours des années, la SDN céda la place à la création, en 1944, de l'ONU, qui connut au cours de ces cinquante années un développement considérable. Elle compte, aujourd'hui, cent quatre-vingt-quatre pays membres, mais la Suisse, elle, ne les a toujours pas rejoints.
Le caractère universel de l'ONU s'est encore accentué par l'entrée en force de l'Afrique, de l'Asie et de nations récemment constituées, dans les différents organes qui la composent. En effet, aucune autre institution que celle-ci ne représente en son sein toutes les formes de civilisation, toutes les formes de régimes politiques et sociaux, ce qui est à la fois un privilège et lui confère une valeur inestimable. Bien sûr, cette cohabitation aussi diverse ne va pas sans poser de problèmes dans la poursuite des objectifs que l'ONU s'est fixés - et qu'elle se fixe encore - la promotion de la paix et l'entente entre les peuples.
Le monde est aux abois : les inégalités apparaissent de plus en plus criantes et aucun continent n'est épargné. Les guerres et la misère tuent des millions de personnes. Les tâches assignées à l'ONU deviennent de plus en plus complexes.
C'est dans ce contexte difficile que, dans l'automne 1995, certaines villes - dont Genève - fêteront cet anniversaire. Pourtant, l'ONU - certes confrontée à des difficultés financières - ne souhaite pas investir des sommes pour marquer cet événement, mais préfère poursuivre et donner de l'importance à ses tâches sur le terrain. (Brouhaha. Les députés se dispersent dans la salle.)
En revanche, l'on apprend que Genève tient à organiser ces festivités en y consacrant globalement entre 5 et 6 millions de francs !
(L'oratrice est visiblement gênée par le bruit.) Mais c'est quoi ce bruit ?
(Agacée, elle continue son intervention.) Je pose donc les questions suivantes :
1) Au vu de ce qui précède, ne pensez-vous qu'il est un peu présomptueux - alors que l'ONU tient à une certaine réserve - que l'on consacre, à l'heure des restrictions budgétaires et des privatisations, une telle somme ?
2) Face aux situations tragiques subies par un grand nombre de peuples, au lieu d'un étalage de moyens financiers...
(L'interpellatrice s'interrompt à nouveau en raison du brouhaha.) Monsieur le président, c'est un peu pénible de parler dans une espèce de... Excusez-moi, je suis un peu «mal foutue», c'est peut-être pour ça ! (Eclat de rires général.) C'est casse-pieds, il y a un truc qui sonne là et puis c'est «chiant» quoi ! (L'assemblée est pliée de rire et les quolibets vont bon train.)
Le président. Reprenons notre calme ! Continuez, Madame !
Mme Claire Chalut. Ah, c'est l'horreur ! Alors, je recommence au point 2. (Les rires redoublent.)
2) Face aux situations tragiques subies par un grand nombre de peuples, au lieu d'un étalage de moyens financiers, Genève - une fois n'est pas coutume - ne pourrait-elle pas se montrer plus digne, plus en relation avec le souhait de l'ONU ?
3) Sur quel budget la part de l'Etat sera-t-elle prélevée ? Quel est le montant de cette dernière ?
4) Pourquoi le choix d'une telle somme et sur la base de quels critères ? Avec qui ces festivités seront-elles - si elles ont lieu - mises sur pied ?
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Le 50ème anniversaire des Nations Unies doit correspondre au voeu des Nations Unies d'abord. C'est leur anniversaire et non celui de Genève. Nous ne devons pas perdre cet élément de vue. Il a fallu le répéter au cours de ces derniers mois aux personnes qui l'oubliaient. On ne fête pas un anniversaire sans demander à celui qui est directement concerné comment il entend le faire.
Les circonstances m'ont permis, Madame, de parler de cet anniversaire avec le secrétaire général des Nations Unies et de comprendre dans quel sens il entendait le fêter. Madame, lorsque vous dites que l'année prochaine l'ONU fêtera dans le calme son 50ème anniversaire, j'aimerais que vous ayez raison. (MM. Unger et Annen parlent fort.) Mais si l'ONU fêtait son anniversaire... (M. Haegi est visiblement importuné.) C'est inouï ! Mais regardez ça ! (M. Haegi rit.)
Mme Claire Chalut. Pourtant, ce sont vos potes ! (Grand éclat de rires.)
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Si l'ONU fêtait son anniversaire cette année, ce ne serait hélas pas dans le calme. Il faudrait pour cela que la situation internationale évolue. Lorsqu'une organisation comme celle-ci fête un tel événement, elle doit le faire avec retenue. Ce n'est pas une fête comme les autres lorsque - comme vous l'avez dit tout à l'heure - le monde est déchiré.
Madame, le Conseil d'Etat a signé une convention avec les Nations Unies concernant les projets liés à cet anniversaire, de manière à respecter leur volonté pour ce grand rendez-vous. Cela étant, un comité présidé par M. Dominique Föllmi a été mis en place. Ce dernier avait lancé un concours d'idées qui a abouti à de nombreux projets, mais tous ne pouvaient être retenus. Le Conseil d'Etat les a examinés, en a parlé avec les Nations Unies, avec le comité d'organisation, et il a donné un accord de principe sur une série de projets sans dire qu'il allait les financer. Ce n'est pas parce qu'on cherche des sponsors privés qu'il faut admettre que n'importe quel projet soit organisé sous prétexte que l'on aurait de quoi le financer. Certains projets ont été agréés au niveau de New York et ont été déclarés par les Nations Unies : «projets universels». C'est, en quelque sorte, un «superlabel» des Nations Unies. Certains projets ont le label de Genève et ils ont été agréés par les Nations Unies, mais ils sont moins intéressants que celui-ci.
Alors, Madame, je ne vais pas énumérer, ce soir, devant ce Grand Conseil, la liste des projets. Ceux-ci seront encore affinés sur le plan financier au cours de ces prochains jours, et M. Föllmi a décidé avec les Nations Unies qu'une conférence de presse serait organisée à la fin du mois de novembre sur ce point. Il y a encore quelques semaines de travail pour préciser les choses.
En ce qui nous concerne, au niveau du canton, nous avons déclaré que nous voulions marquer le 50ème anniversaire des Nations Unies par un apport substantiel pour permette aux Nations Unies de travailler dans des conditions différentes et, surtout, pour faire un geste particulier. C'est dans cet esprit que nous avons proposé de nous engager dans la construction de la Maison dite «universelle», pour permettre aux pays qui n'en ont pas les moyens financiers de supporter des charges d'installation à Genève dans les meilleures conditions. C'est une manière de marquer la vocation universelle de Genève. C'est plus important, à notre avis, même si c'est moins spectaculaire. C'est en tout cas ce qui a été décidé pour cet anniversaire.
Par ailleurs, le secrétaire général des Nations Unies a souhaité qu'un grand concert classique soit organisé à Genève et retransmis en «mondovision». Des personnes travaillent sur ce projet et sur d'autres également. Une exposition au dialogue de paix est organisée. Nous avons également l'intention de recevoir à Genève, dans le cadre d'un projet «jeunes», des jeunes de tous les pays du monde. Ce projet sera conduit en collaboration avec les communes genevoises, pour les accueillir, et en contact étroit avec l'UNESCO. Un gros travail est effectué à ce niveau et ce projet a été agréé et souhaité par les Nations Unies. D'autres réalisations ont été envisagées. Le Conseil d'Etat a prévu de dépenser 1,3 million de francs pour ces projets, montant qui figure d'ores et déjà au budget 1995.
Voilà ce que je puis vous dire ce soir. Je comprends tout à fait l'esprit de votre interpellation. Croyez que le Conseil d'Etat en est bien conscient ! Il n'est pas toujours facile de freiner les enthousiasmes, et, pourtant, nous devons refuser catégoriquement un certain nombre de projets. Ce n'est pas bien compris par ceux qui les ont imaginés, parce qu'ils l'ont fait avec conviction, mais nous devons respecter certaines règles, desquelles nous ne saurions nous éloigner. Je vous assure en tout cas que l'esprit tel que vous l'avez défini correspond à celui du Conseil d'Etat.
Mme Claire Chalut (AdG). Je crois que le Conseil d'Etat a bien compris que mon interpellation n'est pas dirigée contre l'ONU, loin de là ! Je voulais seulement le confirmer pour que les choses soient bien claires !
Cette interpellation est close.
M. Claude Blanc. On va à la soupe !