Séance du vendredi 21 octobre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 10e session - 38e séance

I 1912
31. Interpellation de M. René Longet : Canton de Genève : quelle politique européenne ? ( )I1912

M. René Longet (S). J'aimerais poser quelques questions au Conseil d'Etat concernant la poursuite de l'engagement européen de notre canton.

La première question concerne le récent renouvellement du poste de délégué cantonal à l'Europe, puisqu'un successeur à Mme Tinguely a été nommé par le Conseil d'Etat, Mme Dubouloz, eurodéléguée cantonale, à qui nous souhaitons la bienvenue dans cette fonction. Quelle est la définition exacte de son rôle ? Le cahier des charges a-t-il évolué ? Quelle est la définition de la fonction de l'eurodéléguée dans les circonstances actuelles ? Peut-on nous décrire les tâches qui lui sont assignées et quelle est sa mission ?

Forts du score obtenu par l'Espace Economique Européen il y a deux ans dans notre canton, nous avons pensé qu'il serait nécessaire que les autorités des cantons, favorables à l'intégration européenne, contribuent ou en tout cas continuent à s'engager pour que le débat reste présent, pour alimenter la discussion dans tout le pays. Vous le savez certainement, différentes stratégies ont été articulées. Certains avaient lancé l'idée d'un appel de cantons à d'autres cantons, d'actions, d'information et de sensibilisation avec des collectivités publiques, des cantons, des communes où il y a matière à mieux se comprendre. Ma deuxième question est donc la suivante. Y a-t-il des idées plus concrètes dans ce domaine ? Avez-vous, par le biais notamment de l'eurodéléguée, des projets qui nous permettraient d'entretenir cette flamme européenne dans le pays ? L'année dernière était une année de morosité européenne sur tout le continent, mais Maastricht est finalement entré en vigueur. On parle déjà de l'après-Maastricht. On sait qu'en 1996 un nouveau débat portera sur une constitution européenne. On voit bien ce que signifie le fait de passer d'un traité à une constitution. Les votes tout récents de l'Autriche et de la Finlande montrent que le dossier ne s'enlise pas. A partir de cela il faut que la Suisse réagisse. Pouvez-vous me dire si vous avez des projets d'action, de soutien et de sensibilisation pour contribuer à relancer le débat dans d'autres régions du pays ?

Troisième question, toute simple, mais qui nécessitera un développement au niveau de la réponse : quels sont les liens que voit le Conseil d'Etat entre la politique régionale et la politique européenne ? Comment peut-on valoriser l'une par rapport à l'autre ?

La quatrième question concerne notre canton. Envisagez-vous une action d'information et de sensibilisation continue en direction de l'opinion publique à Genève même ? Un certain nombre d'idées sont certainement déjà sur la table. Des débats, des possibilités d'intervention sont-ils prévus ? Quelle est la part que pourra prendre le Conseil d'Etat, ou le canton, dans ce travail de sensibilisation pour lequel, encore une fois, nous sommes légitimés par la votation claire de la population ?

Dernière question. Quelle coopération concrète pouvez-vous envisager avec le secteur non gouvernemental ? Une complémentarité avec les mouvements de citoyens et les institutions qui travaillent en direction de l'Europe est-elle possible ? Si oui, sur quels principes cette complémentarité pourrait-elle se concrétiser, à votre avis ?

Je vous remercie par avance de vos réponses à ces questions.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Si je me donnais la peine de répondre avec précision à la série de questions de M. Longet, je retiendrais votre attention jusque tard dans la nuit. En effet, certaines questions justifieraient à elles seules pratiquement une conférence. Je ne le ferai donc pas.

Je me bornerai à vous dire ce qui suit. Pour ce qui est de l'entretien de la flamme européenne à laquelle vous avez fait allusion et notre action à l'intérieur du pays que vous avez évoquée, il est clair que, malgré notre déception, nous devons accepter la décision de notre pays. Lorsqu'on a le désir de faire partie d'une communauté européenne plus large, on doit d'abord être capable d'accepter les décisions majoritaires de notre pays fédéraliste. C'est pour cela que, depuis un certain nombre de mois, nous avons multiplié les occasions de contacts avec la Suisse alémanique. Nous avons reçu de nombreux groupes, notamment de jeunes étudiants venus de Suisse centrale, pour leur présenter la réalité quotidienne genevoise dans sa dimension régionale transfrontalière et pour leur faire comprendre les conséquences que cette décision a engendré pour Genève et à quel point l'acceptation de l'Espace Economique aurait modifié notre vie économique. C'est par un engagement dans un dialogue constructif, avec détermination et respect de l'interlocuteur, que nous pourrons entretenir et, peut-être, communiquer notre propre flamme à d'autres, pour permettre une évolution positive et un rapprochement avec les organisations européennes.

Vous demandez si notre vécu régional a une influence européenne. A mon avis, oui, parce que ce vécu s'appuie notamment sur une disposition du Conseil de l'Europe, qui avait été prise dans le cadre de la Conférence de Madrid. Celle-ci donne les bases de la convention des relations transfrontalières, pour lesquelles on est en train d'envisager un protocole additionnel qui donnerait aux régions des pouvoirs plus grands, la possibilité de négocier plus directement et plus librement avec nos interlocuteurs voisins. (Le brouhaha s'intensifie. Le président agite sa cloche.) Ce protocole pourrait être accepté d'ici moins d'un an si les difficultés auxquelles nous sommes confrontés sont surmontées.

Monsieur Longet, nous devons absolument rester en contact étroit avec l'Union européenne à Bruxelles, car plusieurs programmes nous intéressent, comme le programme Intereg, par exemple, dans lequel nous sommes partie prenante. D'autre part, nous ne perdons pas de vue que l'eurocompatibilité, notamment au plan législatif, n'est pas à écarter, même si à la veille du fameux 6 décembre nous avions imaginé voter et accepter neuf projets de modification des lois genevoises. Chaque fois que cela est possible, nous devons nous approcher de la législation européenne de manière à faciliter les relations avec celle-ci.

A part l'axe de l'Union européenne, vous ne serez pas étonné que j'évoque celui du Conseil de l'Europe, qui est aujourd'hui la seule instance dans laquelle la Suisse est partie prenante à part entière et dans laquelle nous pouvons développer des actions particulièrement intéressantes, au moment où le paysage européen se transforme complètement et au moment où nous étudions l'entrée de neuf pays nouveaux dans ce Conseil de l'Europe. Ces pays ne sont pas particulièrement expérimentés en matière de démocratie, mais ils pourront cheminer dans une direction qui créera un espace de paix, de solidarité et de prospérité au niveau du continent européen situé entre l'Atlantique et l'Oural.

Voilà, Monsieur Longet, ce que je puis vous dire, sans retenir plus longtemps l'attention de ce Grand Conseil. Notre nouvelle eurodéléguée a rejoint, d'une part, l'équipe du service des affaires régionales qui est impliquée dans les domaines que je viens de traiter, d'autre part, l'équipe des eurodélégués suisses, de manière à poursuivre le travail remarquable qui avait été engagé par Mme Tinguely. C'est dire que notre détermination d'aujourd'hui est aussi vive que celle d'hier !

M. René Longet (S). Je remercie M. Haegi pour sa réponse. Je ne doutais pas qu'il allait confirmer son engagement en la matière, qui est bien connu.

Néanmoins, j'aurais aimé obtenir un certain nombre de précisions. Je pense que vous vous rappelez des questions que je vous ai posées, notamment sur le rôle exact de l'eurodéléguée, sur la poursuite d'actions concrètes dans d'autres régions de Suisse, sur les liens avec les milieux non gouvernementaux ou sur les travaux de sensibilisation à Genève. J'espère, puisque je partage votre avis sur le fait qu'il ne faut pas retenir l'attention du Grand Conseil pendant des heures sur des sujets de ce type, recevoir une réponse écrite complémentaire. Si cela est possible, j'en serais très heureux.

Cette interpellation est close.