Séance du
vendredi 21 octobre 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
10e
session -
38e
séance
P 1023-A
Sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président, la commission des pétitions du Grand Conseil s'est réunie à 5 reprises, les 28 mars, 18 avril,9 mai, 16 mai et 30 mai 1994. Elle a entendu successivement les parties en présence ainsi que Me Mauro Poggia, avocat de la famille Wetzel et consorts. Elle a entendu également M. André Hediger, conseiller administratif de la Ville de Genève dont le dicastère coiffe le domaine public, ainsi queM. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports, assisté de M. Jean Lottaz, directeur des services financiers du même département.
Les pétitionnaires, en les personnes de M. Reynald Wetzel, de son épouse Mme Andrée Wetzel, de M. Jean-Claude Schauerjans et de M. Louis Bergdorf estiment qu'il y a deux poids et deux mesures dans la répartition des emplacements pour les métiers forains lors des différentes manifestations à Genève. Il semble qu'il n'y ait pas de gros problèmes pour les principales de celles-ci, telles les Fêtes de Genève ou celles qui ont lieu sur la plaine de Plainpalais (fêtes de l'An, Salon de l'auto, fêtes de Pâques) mais que les litiges surviennent lors du 14 juillet et du 1er Août surtout. Il y aurait également des problèmes pour les ponts de Saint-Gervais et Clair-Bois. La commémoration du 700e anniversaire de la Confédération avait donné lieu également à des discussions très vives. Ils se plaignent de l'hégémonie qu'exerce, dans les manifestations sujettes à problèmes, M. Fernand Moënnat, qui n'est pas issu d'une famille de forains mais est une pièce rapportée, ayant épousé une foraine. Celui-ci collabore habituellement avec M. Jacky Farine (dit Jack Yfar), imprésario connu et ancien député, en particulier pour les fêtes du14 juillet organisées par les Français de Genève, qui les ont mandatés pour ce faire. A cette occasion, M. Moënnat place tous ses métiers et ceux de sa famille (et de ses amis), ne laissant que la portion congrue à tous les autres forains, dont en particulier la famille Wetzel.
Les pétitionnaires aimeraient que les places de ces manifestations soient attribuées par le domaine public de la Ville de Genève pour éviter que certaines associations (privées ou semi-privées) organisatrices ne fassent jouer des relations particulières qu'elles entretiennent avec certains forains. Ils nous ont répété plusieurs fois qu'il s'agit d'une question de principe et pas d'intérêts bassement financiers car ils estiment que chacun a le droit de gagner son pain mais de manière équitable. Par contre, les Fêtes des promotions ne semblent pas poser de problème, les communes s'assurant toutes le concours de certains forains et ayant parfois même de la peine à trouver des carrousels disponibles.
Le 18 avril 1994, c'est M. André Hediger, conseiller administratif de la Ville de Genève, qui est venu en personne se faire entendre pour les problèmes du domaine public. Il nous a renseignés sur les questions d'autorisations, données par le département de justice et police et des transports, il nous informe que la Ville met un périmètre à disposition des forains et que ceux-ci doivent s'arranger entre eux ensuite pour la répartition des différents métiers. M. Hediger nous dit que le domaine public n'a pas de rapports directs avec les forains mais avec les comités de diverses manifestations seules. La Ville ne reçoit pas de royalties des forains mais une simple redevance au m2 plus l'électricité et l'eau. Il nous fait clairement savoir qu'en dehors du règlement régissant les installations des divers métiers, il ne tient pas à se mêler des différends entre forains et que c'est à eux de trouver un modus vivendi. Ledit règlement nous a d'ailleurs été transmis par les pétitionnaires eux-mêmes et vous le trouverez en annexe.
Le 9 mai 1994, c'est au tour de Me Mauro Poggia, avocat des pétitionnaires, d'être entendu. Celui-ci confirme ce que nous savions déjà, c'est-à-dire que le litige concerne surtout la Fête du 14 juillet et le monopole que s'en attribuent MM. Moënnat et Yfar. Comme le problème reste une affaire de droit public, il souhaiterait qu'une personne du domaine public de la Ville fasse le coordinateur neutre pour les attributions de places au lieu de MM. Moënnat et Yfar, qui sont en fait juge et partie dans cette affaire. Une commissaire constate que cela marche partout où ne sont pas ces deux messieurs.
Ceux-ci sont entendus à leur tour le 16 mai 1994 et nient tout ce qui leur est reproché par les pétitionnaires, leur attribuant à eux tous les torts. Ils insistent beaucoup sur le fait qu'ils doivent favoriser les contribuables genevois, arguant que les Wetzel sont en partie domiciliés sur le canton de Vaud. Or, vérification faite, M. Reynald Wetzel et son fils aîné Frank sont bien domiciliés à Versoix et payent leurs contributions publiques à Genève. M. Moënnat prétend aussi que les Wetzel ne sont pas des gens du voyage, allégation qui ne résiste pas à l'examen, la famille Wetzel étant foraine depuis le XIXe siècle et Mme Andrée Wetzel venant d'une famille du cirque.
Enfin, le 30 mai 1994, c'est au tour de M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports et ancien maire de Versoix, d'être entendu. De lui, nous apprenons les différentes ethnies et catégories qui constituent les gens du voyage. Il trouve regrettable que la Ville et certaines organisations aient confié la distribution des emplacements à M. Moënnat, qui semble bel et bien favoriser les amis de son clan. Mais ni l'Etat ni la Ville ne sont compétents pour régler ce litige.
Après avoir écouté patiemment tous ces intervenants, la commission estime qu'il est bien difficile d'agir dans un domaine si particulier dont les coutumes sont en dehors des normes habituelles. Les commissaires présents estiment qu'ils ne peuvent s'ériger en tribunal et que la parole des uns vaut peut-être bien celle des autres.
A titre d'information, une pétition semblable a été adressée au Conseil municipal de la Ville de Genève le 16 septembre 1993, qui a été classée par la commission des pétitions dudit Conseil en date du 28 mars 1994, ainsi qu'une pétition de la partie adverse (M. Moënnat), qui a subi le même sort le 28 mars 1994, tout cela assorti d'un postulat demandant au Conseil administratif de revoir le règlement idoine afin de l'adapter à la réalité de la pratique actuelle.
Elle vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, par 15 voix, soit la totalité des membres présents, de bien vouloir déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, tout en souhaitant que les forains, qui par ailleurs sont des gens actifs et qui méritent de gagner leur vie, arrivent à créer une association unique et représentative sur Genève, qui puisse prendre en main l'organisation interne et la distribution des emplacements lors de toute les manifestations auxquelles ils participent sur le territoire de la République, afin que ces querellles mesquines cessent et que la paix revienne parmi eux.
Annexes:
- Pétition 1023
- Pétition 323 A (au Conseil municipal de la Ville de Genève)
- Règlement concernant les fêtes foraines, de la Ville de Genève
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Dépôt: 9 février 1994
P 1023
PÉTITION
sur l'égalité de traitement entre les forains
Je vous informe être chargé de la défense des intérêts de nombreux forains genevois, lesquels rencontrent systématiquement des difficultés à exercer leur profession dans le canton, dans le cadre des manifestations organisées par la Ville de Genève.
Je vous remets en annexe copie de la pétition qui avait été adressée, le 16 septembre 1993, à la commission des pétitions du Conseil municipal de la Ville de Genève, avec ses annexes.
En résumé, mes clients demandent, afin que l'égalité de traitement entre les forains soit respectée, que le placement sur le domaine public de la Ville ait lieu sous le contrôle du Service du domaine public.
En effet, ce sont systématiquement des associations privées, voire des particuliers, qui se voient déléguer ce pouvoir, dont ils abusent en faisant jouer les relations particulières qu'ils entretiennent avec tel ou tel forain.
Cette situation n'est pas acceptable, car mes clients sont contribuables du canton et doivent pouvoir gagner leur vie normalement, sans chicane particulière et sans devoir, chaque fois, déployer une énergie démesurée, pour obtenir ne serait-ce que la reconnaissance de leurs droits au travail.
Dans la mesure où la Ville de Genève n'a pas encore pris position et risque fort de ne pas le faire, même si une délégation de mes clients a été aimablement reçue, je vous remercie de bien vouloir transmettre la préoccupation de mes clients à la commission des pétitions du Grand Conseil, afin que ce principe soit consacré non seulement lorsque les manifestations ont lieu sur le domaine public de la Ville de Genève, mais également des autres communes du canton.
Je reste évidemment à votre disposition, avec mes clients, pour vous exposer de vive voix leurs préoccupations.
En vous remerciant de la bienveillante attention que vous porterez à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le président du Grand Conseil, à l'assurance de ma parfaite considération.
N. B.: 1 signataire
Mauro Poggia, avocat
Rue du Rhône 29
1204 Genève
ANNEXE
ANNEXE
ANNEXE
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ANNEXE
Débat
M. Henri Gougler (L), rapporteur. Je rappelle que semblable pétition avait été adressée en son temps au Conseil municipal de la Ville de Genève, laquelle avait été purement et simplement classée.
Notre commission a été plus nuancée et l'a trouvée digne d'intérêt. Par contre, elle s'est estimée incompétente pour agir dans ce domaine. Elle a donc préféré la déposer sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Toutefois, ces débats auront abouti à un résultat qui semble assez concret, je veux parler de la création d'une association cantonale des forains et étalagistes genevois, dont le but sera de régler le problème des places dans les diverses fêtes du canton.
Je demande donc à l'assemblée de bien vouloir accepter ce rapport et son dépôt à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.