Séance du vendredi 21 octobre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 10e session - 38e séance

P 1027-A
21. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant des mesures contre la scientologie. ( -) P1027
Rapport de Mme Evelyne Strubin (AG), commission des pétitions

En date du 28 mars 1994, la commission des pétitions prenait connaissance d'une pétition munie de 18 signatures, adressée au Grand Conseil en date du 18 mars 1994, par le GPFI (Groupement pour la protection de la famille et des individus) et dont le texte est le suivant:

PÉTITION

contre la scientologie

But

Demande la création d'une commission visant à prendre toutes mesures légales et autres pour protéger, porter assistance à toutes familles ou individus victimes de sectes poursuivant le culte de l'argent par la pratique des manipulations mentales de ses adeptes et la destruction de ceux qui en entravent le développement.

Inviter ainsi le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève à prendre d'urgence toutes mesures provisoires nécessaires allant dans le sens du but de la présente pétition.

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

La presse parle de plus en plus des individus victimes de la scientologie, secte qui pratique le culte de l'argent. (Définition acceptée par le Tribunal fédéral en date du 19 décembre 1992, pièce annexée.)

Si la scientologie s'en prend à des êtres fragiles pour leur soutirer leur argent et celui de leur famille, cette dernière s'en prend également à ceux qui en entravent le développement.

Il y a lieu aujourd'hui d'en parler.

Nous citerons:

1. Quelques textes relatifs à l'exploitation de la personne prise au piège (environ 1000 noms recensés à Genève):

«Obtenez des données. Obtenez tous les noms, dates, adresses, numéros de téléphone et autres renseignements qui pourraient être utiles à une investigation plus approfondie du cas, si on en avait besoin.»

(LHR. Bulletins techniques, vol. 12.)

«Quand quelqu'un s'inscrit, considérez que c'est pour la durée de l'éternité. Ne permettez jamais une approche du type «esprit ouvert». S'ils se sont engagés, ils y sont dans les mêmes conditions que le reste d'entre nous; vaincre ou mourir dans la tentation.

Ne les laissez jamais être à moitié scientologues. Les plus belles organisations de l'histoire ont été des organisations dures vouées à leur tâche. Aucun groupe gnangnan de dilettantes efféminés n'a jamais réalisé quoi que ce soit. Nous vivons dans un univers dur (...). Nous survivrons parce que nous sommes durs et dévoués. Quand nous faisons réellement et correctement l'instruction de quelqu'un, il devient un tigre.»

(RH. Fascicule HCOPL. Car. et Rép. 12.10.1985.)

«Cherchez à toucher les points clés par n'importe quel moyen; la directrice du club féminin, le secrétaire du président, le conseiller du syndicat. Gagnez bien votre vie avec ça, mais faites votre travail, maniez (manipulez, en termes sciento - n.d.l.r.) et améliorez les gens que vous rencontrez et créez une meilleure planète.»

(LHR. Lettre de règlement HCO, Rev. 26.10.1980.)

«Vous devez vous attacher à contrôler sans interruption chaque personne entrant dans votre bureau, depuis le moment où vous les amenez de la réception (...), à partir de ce moment jusqu'à l'étape finale où ils signeront le chèque, et même jusqu'à ce qu'ils aient franchi la porte. Ceci est la raison de 90% de mon succès. Les gens réclament qu'on les contrôle.»

(LHR. Volume administratif No 2.)

«Maintenant, nous en savons plus sur la psychiatrie que les psychiatres eux-mêmes. Nous pouvons faire un lavage de cerveau plus vite que les Russes (en 20 secondes nous obtenons une amnésie totale, contre trois années nécessaires pour rendre la loyauté à quelqu'un légèrement confuse. (resic)»

(LHR Bulletins techniques. Vol. 2.)

Contrat annexé

2. Quelques textes et directives donnés aux cadres supérieurs et aux membres actifs fervents de la secte, à appliquer à l'encontre de ses ennemis qualifiés par cette dernière de:

«SP»:  suppressifs

 ou

«Fair game»: gibier de potence (mot le plus utilisé).

«ennemi: Ordre «SP». «Fair game». Peut être privé de propriété ou blessé par tous moyens par tout scientologue sans qu'il encoure aucun reproche de la part de la scientologie. On peut le tromper, le poursuivre en justice, lui mentir ou le détruire.»

(Extrait de Hubbard Communications Office)

Saint Hill Manor. East Grinstead. Sussex, Oct. 1967.

«Si vous êtes attaqués, arrangez-vous pour que la question soit politisée, donnez l'impression au public, au gouvernement qu'ils sont tombés sur un barrage de flèches et un bombardement électronique, et que, s'ils continuent leurs attaques, cela provoquera leur propre désintégration. (...) Introvertissez ces différents groupes, contrôlez-les, la scientologie est le seul jeu sur terre où tout le monde gagne. Il n'y a pas d'actes néfastes à mettre bon ordre dans les choses.»

(LRH. HCO Lettre de règlement. Volume vert No 7 (réservé aux cadres supérieurs de l'organisation - n.d.l.r.), 15.08.1960.)

«Si vous êtes attaqués sur un point vulnérable par quelque individu ou quelque organisation que ce soit, fabriquez ou trouvez une menace suffisante contre eux pour les amener à négocier la paix. Débrouillez-vous pour vous mettre dans une position où vous aurez l'avantage, et alors posez vos conditions. Ne vous défendez jamais, attaquez toujours. Ne restez pas inactifs. C'est l'attaque imprévue sur l'arrière des premiers rangs de l'ennemi qui paie le plus.»

(LRH. HCO. Lettre de règlement. Volume vert No 7 (réservé aux cadres supérieurs de l'organisation - n.d.l.r.), 15.08.1960.)

«S'il se présente une menace à long terme, vous devez immédiatement évaluer la situation et provoquer une campagne de propagande noire, afin de détruire la réputation de la personne et la discréditer de telle manière qu'elle soit mise au ban de la société.»

(LRH. HCO. Lettre de règlement. 30.05.1974.)

«Il est possible qu'une personne ait un cancer de la peau, avec la Niacine. Au cas où cela se produirait, le cancer disparaîtrait complètement si on continue la Niacine».

(LRH. Fascicule HCOB- Rs-Rev. 21.04.1983.)

A la lecture de ces textes, vous conviendrez que cette secte porte et portera de plus en plus atteinte à nos familles, aux individus, donc à notre société et représente un réel danger.

C'est ainsi que nous sollicitons du Grand Conseil qu'il accède sans délai et en l'urgence à notre requête citée sous rubrique, en cette année 1994, année de la famille.

Nous vous remercions de nous tenir informés et vous prions de croire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à l'assurance de notre confiance et de nos sentiments dévoués.

N.B: 10 signatures

G.P.F.I.

Groupement pour la protection

de la famille et des individus

Case postale

1255 Vernier

La pétition était accompagnée d'articles de presse et de documentation sur la scientologie.

Introduction

En mai 1950, M. Lafayette Ron Hubbard publia un livre intitulé «La Dianétique, science moderne de la réalité mentale». Ce livre tente d'expliquer le mental humain. C'est en quelque sorte une méthode psychanalytique, tendant à aider les personnes à se débarrasser de toutes les influences négatives accumulées durant leur vie, à guérir de toutes les maladies psychosomatiques et à accéder à leur top niveau, au 100% de leurs capacités mentales et physiques de manière à obtenir, par la suite, la réalisation de leurs désirs, par une forme de pensée positive et volontariste.

Est-ce l'époque (maccarthysme, début des terreurs nucléaires) qui créa un terrain favorable, ou les techniques d'éveil de la personnalité de L. Ron Hubbard (inspirées du bouddhisme en premier lieu, du yoga et de la psychiatrie traditionnelle, entre autres) qui apportèrent à ceux qui ne les connaissaient pas l'impression de découvrir quelque chose d'extraordinaire? Toujours est-il que la Dianétique eut un vif succès, aux USA, tout d'abord, puis, à travers le monde. Ce succès permit à L. R. Hubbard de fonder la «scientologie» en 1952. S'inspirant de la Dianétique, mais en l'approfondissant, la scientologie fut également bien accueillie. Cependant, après quelque temps, elle souleva aussi plus de polémiques et en soulève toujours. En 1954, elle commença à s'instaurer religion aux USA et à se dénommer «Eglise de scientologie», terme très controversé par la suite. Introduite en France en 1959 elle s'étend actuellement sur 65 pays du monde. Huit millions d'adeptes seraient passés par la scientologie depuis sa fondation (voir art. «La vie», 10 juin 1993). En Suisse, elle est présente depuis les années 70 et existe depuis 20 ans à Genève (selon M. Colle, scientologue). Bien qu'il soit difficile de dénombrer ses adeptes, on peut dire qu'ils sont environ 2 000 en Suisse romande et entre 400 et 600 dans notre canton.

Lorsque débutent les travaux de la commission, ses membres sont loin d'en connaître autant que ce que contient le présent rapport sur celle que l'on appelle «église» ou «secte», selon ce que l'on pense d'elle.

Les travaux de la commission

Désirant éviter tout conflit rhétorique, la commission citera ses interlocuteurs dans leurs termes. Mais, quant à elle, elle utilisera, pour désigner «l'Association Eglise de scientologie de Genève», le terme «l'association».

Le 28 mars 1994

Après avoir pris connaissance de la teneur de la pétition et, après discussion, la commission décide de la traiter à l'unanimité. Elle désire entendre les pétitionnaires en premier lieu, afin de se faire une idée plus précise des faits énoncés.

Le 11 avril 1994

Audition de M. et Mme Robert-Louis Schreiner, ainsi que M. François Lavergnat

M. Lavergnat, membre du GPFI. Cependant, suite à cette expérience, il s'est documenté et a rencontré d'autres personnes avec qui il a décidé de déposer la pétition. Il reproche à la scientologie d'être plus intéressée par l'argent que par la religion.

Il constate que l'on ne trouve pas trace d'elle auprès des associations caritatives, dont lui-même s'occupe activement, car ces dernières, ainsi que les gens qu'on y rencontre, ne sont pas assez intéressants financièrement. Il arrive, selon lui fréquemment, que la «dépendance à la secte» dont sont victimes les adeptes finisse par mettre dans l'embarras financier des familles entières. En effet, il existe plusieurs caps payants à passer, dans l'instruction de cette technique mentale, avant d'arriver au grade supérieur. Chaque étape coûte cher, car il faut suivre des cours et l'on est susceptible de recalage. L'ascension totale finit par représenter des sommes excessives, que l'adepte peut avoir du mal à assumer. Il arrive alors qu'il engage des biens familiaux ou emprunte. La «secte» fait signer des contrats dont les membres ne reçoivent jamais copie, mais les fait respecter. Elle ne fait pas cadeau de son enseignement, même si l'adepte a déjà beaucoup dépensé, mais elle l'aide à obtenir des prêts qui, accumulés, ruinent peu à peu la personne. Nous apprenons également que les méthodes de Ron Hubbard sont employées dans deux établissements de traitement de la toxicomanie, tenus par des scientologues. Un, Narconon, aux Plans-sur-Bex/VD, l'autre en Suisse allemande. A la fin de leur cure, les toxicomanes peuvent rejoindre les membres de «la secte». Il y a également, selon lui, la société Trimlines, qui vend - par téléphone - des vitamines pour maigrir et de nombreuses autres sociétés affiliées à la scientologie. L'infiltration de services de l'Etat est, d'après lui, présentée comme possible, notamment par le biais de la Ste Pasche Informatic SA, qui donne des cours informatique, aux Services industriels entre autres. M. Lavergnat mentionne ensuite que les plaintes sont de plus en plus nombreuses à travers le monde. L'ADFI (Association pour la défense de la famille et des individus) désire poursuivre la scientologie pour ses agissements lorsqu'elle prétend être une religion. L'ADFI se prépare également à une intervention au parlement européen. Une autre plainte est en cours concernant les médicaments vitaminés, qui ont d'étranges effets et sont prescrits à haute dose, au point que les utilisateurs sont déphasés. A Milan, «la secte» a été condamnée récemment pour association de malfaiteurs, extorsion et abus sur incapables. Pour terminer, il nous informe que, depuis la parution du nom des pétitionnaires dans la presse, il a été menacé de plainte pénale, en tant que principal instigateur, et est harcelé de coups de téléphone anonymes.

A la suite de l'audition de M. Lavergnat, M. Schreiner nous expose avec émotion ce qui l'a amené, lui aussi, à être membre du GPFI et à signer la pétition. Il s'agit de la disparition, il y a de cela environ 5 ans, de sa fille Elise, après qu'elle a suivi la «secte». Il affirme que celle-ci recrute ses membres en priorité parmi les faibles, à savoir, les drogués, les malades, les alcooliques ou les personnes momentanément déprimées, par un divorce, un décès, etc. Dans le cas de sa fille, c'est précisément suite à une longue période de chômage qu'elle a répondu à une petite annonce. Elle travailla un temps pour la secte, puis y fut peu à peu incorporée. Ses parents n'ayant pas les moyens financiers pour lui payer ses cours, le prix de ceux-ci a été retenu sur son salaire. Elle ne recevait pas de fiche de paie, ne savait pas si elle cotisait à l'AVS, ni si elle avait des droits. La «secte», d'après M. Schreiner, ne respecte pas les lois sociales. Il a demandé un relevé à la chambre des tutelles, mais l'a dit infiltrée, au même titre que l'instruction publique. Peu à peu, l'état mental de sa fille se dégrada. Soudain agressive avec ses parents, Elise souffrit d'hallucinations et de tendances suicidaires et, au bout d'un certain temps, elle ne sut plus travailler, n'étant plus capable que d'«auditer». Pour finir, elle disparut, ne donnant plus de nouvelles à ses parents. Après avoir tout tenté pour la retrouver, son père déposa plainte. Un jour, alors qu'on lui avait dit qu'elle se trouvait à la maison mère des scientologues de Flag, aux USA, sa femme la rencontra dans la rue à Genève. Elle vendait des imprimés pour la scientologie. Sa mère voulut lui parler mais Elise se détourna d'elle et reste, depuis lors, silencieuse. Après ce témoignage difficile, M. Schreiner constate que la «secte» reprend régulièrement, pour justifier son statut d'église, le leitmotiv selon lequel elle est reconnue à ce titre par le fisc américain. Ce qui, d'après lui, est faux. Le service des impôts américain aurait, selon lui, simplement accepté de faire figurer «la secte» sur la liste des associations ayant obtenu pour leurs donateurs des déductions fiscales. La scientologie a interprété cela comme une reconnaissance à titre d'église, car il en figure beaucoup sur cette liste. Evoquant ensuite le problème moral, il cite un professeur en médecine qui a écrit que «les endoctrinements de la secte ressemblent à du lavage de cerveau». Ce qui est appelé «audition» est un moyen de manipulation du mental. Après l'«audition», comme M. Hubbard l'indique, l'adepte est conduit à l'état d'angoisse et devient un robot. M. Schreiner cite encore un psychiatre qui, s'exprimant devant la Cour d'appel de Toulon, disait, entre autres, que «la scientologie pouvait avoir recours à des méthodes d'intimidation pouvant conduire le sujet à la mort». L'inculpation d'une vingtaine de personnes aurait suivis. Ordre est donné aux adeptes de s'infiltrer partout, même dans les clubs de boulistes. Il rappelle l'interpellation de M. Gilles Petitpierre au Conseil des Etats et également celle devant le Conseil d'Etat vaudois. Des plaintes auraient été déposées pour pratique illicite de la médecine. En conclusion, M. Schreiner nous signale avoir été l'objet d'une contre-plainte de la part de la scientologie, concernant ses allégations au sujet des versements de cotisations AVS.

Comme solution, M. Lavergnat préconise la création d'une commission extra-parlementaire, car, d'après lui, l'importance du sujet mérite une étude pluridisciplinaire. Cette commission devrait trouver le moyen d'aider les personnes qui quittent la «secte» ruinées, moralement et financièrement. Il aimerait l'aide d'une personne experte (d'Info-Sectes par exemple) auprès de l'Etat, pour avoir plus de force, car il y a souvent contre-plainte, de la part de la scientologie, envers les plaignants. Fréquemment, notamment dans le cas d'une personne majeure, il n'est pas tenu compte qu'une fragilité passagère peut l'avoir transformée en proie facile. Il voudrait qu'il y ait reconnaissance des faits et assistance à personne en danger. Info-Sectes, d'après lui, mérite également une subvention. Enfin, il pense qu'il serait utile de modifier certaines lois. M. Choisy, directeur de Champ-Dollon a, par exemple, confirmé n'avoir pas trace de loi lui autorisant à interdire à la scientologie de s'introduire dans la prison et d'y faire circuler des livres.

M. Schreiner, quant à lui, insiste sur l'utilité d'une prévention tout public.

Après l'audition des pétitionnaires, la commission se penche sur les solutions proposées. La principale, émise par M. Lavergnat, évoque la création d'une commission extra-parlementaire. Elle présente de multiples désavantages. Considérant l'état actuel des fonds du gouvernement, son financement semble impossible. D'autre part, il faudrait un temps infini pour choisir des experts convenant à toutes les parties. Cette solution nous paraît donc à mettre de côté, pour l'instant, ainsi que celle d'une subvention à Info-Sectes. Les autres méritent réflexion, aussi la commission décide-t-elle de poursuivre elle-même les auditions, en entendant M. Paul Ranc expert sur la question de sectes.

Le 18 avril 1994

Le président de la commission nous informe que M. Paul Ranc a été contacté et a donné son accord pour être auditionné. Il mentionne également le fait qu'il a reçu de la documentation des pétitionnaires et des scientologues. Ces derniers ayant expressément demandé à être entendus, nous décidons de les auditionner également.

Le 25 avril 1994

Audition de M. Paul Ranc

Né à Paris et ayant suivi les études théologiques de l'Institut biblique de Nogent-sur-Marne, M. Ranc exerça dans diverses églises de France. En 1982, il fut consacré diacre de l'Eglise réformée du canton de Vaud. Son ministère l'amena à étudier l'histoire de l'Eglise et le phénomène des sectes. Il fut le créateur et principal animateur d'Info-Sectes durant plus de 10 ans. Il est maintenant membre du comité de l'ADFI et s'y consacre, ainsi qu'à ses conférences. Il est enfin l'auteur du livre «La scientologie, une secte dangereuse». Il nous confirme qu'il soutient le texte de la pétition, étant donné le danger représenté par ce que, lui aussi, appelle «la secte». Il fut personnellement témoin de drames familiaux, de menaces, de divorces, d'escroqueries financières pouvant aller de 3 000 F à 400 000 F. Par exemple, des électromètres sont vendus entre 15 000 F et 30 000 F, alors qu'ils coûtent environ 1 000 F à la fabrication. Les scientologues exercent, d'après lui, une pression morale qu'il faut dénoncer. Il cite la tactique de contre-plaine, dont on nous a déjà parlé et explique que la «secte» a un budget contentieux faramineux; elle est très au courant des astuces juridiques et a recours à de nombreux avocats. Elle intimide ses adversaires. C'est d'ailleurs pour ces raisons qu'Info-Sectes ne dépose que rarement plainte contre elle. Son action, se centrant plutôt sur les conseils, se limite à tenter d'aider les victimes, de réunifier les familles éclatées, etc. La scientologie est, selon M. Ranc, «la plus dangereuse des sectes». Elle use de méthodes contraires aux lois du pays et possède sa propre police, appelée l'Ethique, ainsi qu'un tribunal qui pratique l'exclusion. Dans certains pays, il a même été question de châtiments corporels. Il affirme que les écoles et les entreprises sont particulièrement visées, pour y répandre les préceptes de Ron Hubbard et que celui-ci a usé du terme église dans le seul but d'obtenir une exonération fiscale. A Lausanne, les scientologues ont fait plusieurs démarches pour obtenir le statut d'église. D'après lui, les cours donnés ne sont que de la pseudo-psychanalyse. Les établissements pour toxicomanes n'acceptent pas ceux qui n'en ont pas les moyens financiers et, si M. Ranc ignore la quantité de toxicomanes happés par la «secte», suite à des traitements, il connaît ce qu'ils subissent. Quatre heures de sauna par jour, un régime strict et des médicaments vitaminés sont prescrits. Le temps de sudation est 175 fois supérieur à ce qui est communément recommandé et les vitamines sont également diffusées à haute dose, notamment la A qui peut finir par être dangereuse. Il nous signale que la scientologie tenait un stand au Salon du livre cette année. Cette science, selon M. Ranc, n'est autre que de l'occultisme de haut vol. On parle même de traversée du mur de feu. En 1990, une commission rogatoire est venue de Lyon pour l'interroger dans le cadre d'une enquête sur la «secte». Quelques semaines après sa déposition, il fut attaqué par celle-ci pour faux témoignage et calomnie. Il raconte avoir également été l'objet de menaces depuis la parution de son livre, qui n'ont pour l'instant pas été exécutées. A titre d'indication, il signale qu'il y a environ 60 sectes différentes à Genève en ce moment.

Comme solution, il préconise, lui aussi, une campagne de prévention, notamment axée sur les jeunes. Il souhaite une aide de l'Etat aux victimes et des mesures décourageant les sectes de monter des escroqueries sur fond de pressions psychologiques.

Audition des représentants de l'«Association Eglise de scientologie de Genève». Mme Suzanne Montangero, Mme Françoise Conod et M. Jean-Pierre Colle

Mme Montangero est scientologue depuis 22 ans et y a atteint le grade le plus élevé, celui d'OT VIII. Elle vécut à Aigle où, sa mère étant décédée, elle s'occupa de son père. Elle affirme qu'il avait beaucoup de caractère et qu'être scientologue l'a bien aidée dans sa tâche. Sa famille ne lui a jamais reproché son appartenance à l'«Eglise», dans laquelle elle s'engagea à part entière à la mort de son père. Elle travaille actuellement pour la branche de Lausanne mais s'occupe des problèmes juridiques de celle de Genève.

Concernant la pétition, elle conteste la définition présentée comme étant acceptée par le Tribunal fédéral de «secte poursuivant le culte de l'argent». Ce qualificatif ressort bien d'un arrêt du Tribunal fédéral, lors d'un appel de «l'Eglise» de Lausanne, suite à un article du «Reader's Digest», mais elle a été volontairement sortie de son contexte. Elle reconnaît que suivre des cours peut être onéreux mais elle justifie ces coûts par l'offre de services, celui de «l'audition» étant plus élevé car particulier. Pour ce qui est des branches annexes, elle affirme qu'elles n'ont pas de liens avec les «Eglises». Les antennes comme Narconon ou Trimlines sont tenues par des scientologues, mais il se pourrait qu'ils soient musulmans ou catholiques. Les seules ventes sont les ouvrages de Ron Hubbard et les cours, qui assurent le fond de roulement de l'«Eglise» qui, elle, n'est pas subventionnée par l'Etat. Les personnes désirant être des membres actifs signent un contrat, sorte de règlement interne du mouvement qui indique à la personne ce que l'on attend d'elle. Nous apprenons également que les «Eglises» sont autonomes entre elles géographiquement, mais qu'elles paient des copyrights à la maison mère des USA.

Les fondements de la scientologie se trouvent, d'après Mme Montangero, dans le bouddhisme mais la base de l'«oeuvre» est constituée par les recherches de L. Ron Hubbard. Selon sa théorie, l'homme est un esprit immortel. Les scientologues méditent mais ont un credo qui montre que chacun garde sa foi. La croix, figurant sur certains documents, est un vieux symbole repris par M. Hubbard. Dotée de huit divisions, elle représente les différentes vies, matérielle, humaine, de groupe, du couple, etc. Lors d'une audition, les questions n'étant pas écrites, elles ne sont pas remise à l'adepte, elle n'en verrait d'ailleurs pas l'utilité.

A la lecture d'un dossier fourni par les scientologues, nous avons constaté qu'ils reprochent à la pétition de faire état de textes qui ont été annulés depuis longtemps. La commission s'étonne que ces écrits aient pu être retirés de l'«oeuvre», puisque seul son auteur, d'après ce que nous pouvons lire dans le dossier, avait le droit de les modifier ou de les abolir. Nous sommes également surpris de constater les gros moyens mis en oeuvre pour la défense et la propagande. Mme Montangero nous explique alors que c'est bien M. Hubbard qui a modifié, voire annulé, certains textes. Il les jugeait mal assimilés par les adeptes et pensait qu'ils avaient été transformés par des personnes extérieures, attirées dans l'«Eglise» par l'attrait de l'argent. Concernant la propagande, elle l'a dit commune à toutes les églises et explique que, s'ils sont souvent attaqués, c'est parce que Ron Hubbard a mis des données psychiatriques fondamentales dans ses écrits et qu'on y découvre beaucoup sur soi-même et ceux qui nous entourent. Ce fut la base du conflit qui oppose la scientologie aux psychiatres qui sont leurs pires ennemis. Face à ces attaques ils ont besoin d'une bonne défense, car la structure de l'«Eglise» peut prêter à des demandes de remboursement exagérées.

Questionnée sur Narconon, ses réussites, ainsi que sur l'éventuelle récupération des patients par la scientologie, elle répond qu'une réussite de 50% à 60% est enregistrée et que, sur 150 drogués guéris, il y en a 3 à Lausanne et 1 à Genève qui sont restés dans l'«Eglise». Au sujet des vitamines, elle dit que certaines maisons ont le droit d'en importer. Lorsque nous nous demandons pourquoi la scientologie n'a pas envoyé ces représentants de Genève, pour participer à l'audition, Mme Montangero nous indique que M. Colle a été chargé de représenter les autorités de Genève et que Mme Conod, elle, est porte-parole des membres passifs.

A propos d'Elise Schreiner, elle affirme que les scientologues n'ont aucun intérêt à garder cette «malheureuse fille» contre son gré. Elle ne sait pas où elle est, mais insinue que la disparition d'Elise peut être due aux méthodes d'éducation de son père.

C'est ensuite au tour de Mme Conod de se présenter. Elle est simple paroissienne OT III, mais connaît la scientologie depuis 18 ans. Elle avait quitté l'Eglise nationale protestante mais elle s'est aperçue des bienfaits de son instruction et retourne désormais au culte avec plaisir. La scientologie l'a aidée dans son métier de physiothérapeute et elle assiste maintenant des personnes qui approchent la mort, sans leur donner de drogues. Elle dit que la première chose qu'elle critique dans la pétition est qu'il a été annoncé 1 000 membres à Genève, alors qu'il n'y en a que 400. La seconde remarque est que le terme secte ne devrait pas leur être appliqué, car il qualifie actuellement des groupes malveillants, or, l'«Eglise» n'est ni malveillante ni un groupe au sein d'une autre religion. En troisième lieu, elle n'a retrouvé aucune trace de la citation mentionnée dans la pétition: «Obtenez des noms, des données...». Au sujet de l'assurance de discrétion que peuvent désirer les «audités», elle se borne à répondre que les personnes s'apercevant d'une indiscrétion peuvent porter plainte. Mme Conod déclare que l'histoire démontre que, lorsque ceux qui ont été des précurseurs ont lancé de nouvelles religions, ils furent également traqués au début.

La commission entend maintenant M. Colle. Il fait de la scientologie depuis 8 ans et n'a pas encore atteint le stade de Clair. A 20 ans, il buvait et s'entendait mal avec sa famille. Il a suivit un cours de communication, qui lui a permis de travailler à l'aéroport. A ce poste, il a appris la valeur d'un règlement et sait désormais suivre le groupe dans lequel il est. Aujourd'hui, il est veilleur de nuit dans une maison pour toxicomanes condamnés et internés, en plus de son travail à la scientologie. Il a formé les membres du personnel de l'association durant 2 ans et affirme avoir le souci de délivrer les messages de Ron Hubbard au plus près des textes. Il se dit rentré dans le droit chemin et s'est réconcilié avec ses parents. Il trouve incorrect, dans la pétition, que les articles aient été tronqués et sortis de leur contexte. Il explique les nombreuses attaques contre la scientologie par le fait que lorsqu'on se bat contre les drogues, on a affaire à des personnes influentes. D'autre part, il affirme que s'il est attaqué en tant que scientologue, il n'en devient pas forcément un ennemi de celui qui l'attaque. Il reconnaît avoir déjà beaucoup dépensé (60 000 F), mais dit ne pas le regretter. Le service le plus cher est de 2 000 F, les autres sont entre 90 F et 100 F. Certaines personnes mettent jusqu'à 100 000 F, c'est vrai, mais elles le font volontairement. Il existe également des cartes de membres qui donnent droit à des réductions. Concernant Elise Schreiner, la commission lui demande comment elle a pu ainsi s'éloigner de sa famille, alors que l'«Eglise» dit vanter les mérites des bons rapports familiaux. Il répond qu'il ne comprend pas ce qui s'est passé. Il doit y avoir eu une erreur. C'est justement Elise qui l'a fait rentrer en scientologie. C'est une malheureuse affaire. Peut-être avait-elle omis de nous signaler qu'elle avait subi une psychothérapie, auquel cas elle aurait dû avoir un traitement différent des autres.

Le 2 mai 1994

Le président de la commission nous signale que, dans un courrier accusant MM. Schreiner et Lavergnat de calomnies, les scientologues lui demandent de pouvoir consulter les procès-verbaux de la commission. Il a répondu que seul un député peut avoir accès à ces documents. Nous apprenons également que les médicaments vitaminés sont importés d'Allemagne ou d'Angleterre. Ils ne sont pas vendus en pharmacies et ils ne sont pas enregistré à l'OICM. La commission décide de demander à M. Vodoz ce qu'il en est du statut fiscal de la scientologie.

Le 9 mai 1994 et le 16 mai 1994

Le président de la commission nous informe qu'après s'être renseigné, M. Vodoz lui a certifié que la scientologie n'a pas le statut d'église et ne figure pas sur la liste des associations dont les donateurs ont des exemptions fiscales.

Le 30 mai 1994

Le président de la commission nous informe que tous les députés ont reçu le gros livre «Qu'est-ce que la scientologie?». Les scientologues reviennent également à la charge pour obtenir les procès-verbaux de la commission. Il demandera conseil au président du Grand Conseil, M. Burdet. La commission désire entendre quelqu'un du DIP pour en savoir plus sur les éventuelles infiltrations au sein du département.

Le 6 juin 1994

Le président, M. Lescaze, nous signale que nous entendrons M. Von Niederhausern, inspecteur à la Sûreté et, M. Saurer, député, qui a écrit à la commission pour lui demander d'être auditionné. Nous verrons après cela ce que nous ferons pour le DIP.

Le 13 juin 1994

Audition de M. Von Niederhausern, inspecteur principal de la Sûreté

Celui-ci nous apprend que ses services ont été alertés depuis 1975-1979 par des personnes dont les enfants sont partis dans les sectes, dont le but est de s'enrichir aux dépens des parents. Concernant la scientologie, plus particulièrement, il a reçu des témoignages de personnes ayant perdu jusqu'à 300 000 F. Il confirme l'utilité fiscale pour l'association de se voir accorder le statut d'église. Au départ, la présentation est gratuite puis, peu à peu, les prix augmentent. Les nouveaux venus sont souvent astreints à travailler pour l'organisation. Un scientologue repenti, ayant été recalé plusieurs fois, et ayant dépensé 350 000 F au lieu de 150 000 F a porté plainte. M. Von Niederhausern constate qu'il est difficile d'avoir recours à la justice. L'«Eglise» fait signer des reconnaissances de dettes en blanc auprès d'une banque à Berne, qui octroie les prêts. Il a reçu un témoignage d'un ancien OT IV de scientologie qui lui a confirmé que le terme église est usurpé. Il a également eu la preuve de certaines infiltrations des administrations de l'Etat et attire notre attention sur les possibilités de fuite à travers les pays. Il a appris que les scientologues donnent des commissions à leurs rabatteurs, et tient, d'un ex-membre, qu'aux USA l'«Eglise» ne reculerait devant rien pour abattre une personne qui se dresserait contre elle. Il nous signale que les membres du personnel ne sont pas payés avant 6 mois à 1 an. Il trouve difficile de prouver que les personnes lésées n'étaient pas capables de discernement. Cependant, dans le cas des vitamines, il pense qu'étant donné qu'elles ne sont pas inscrites à l'OICM, un patient lésé pourrait porter plainte. Il dit ne rien avoir trouvé de religieux dans cette «secte», lors des témoignages qu'il a entendus, mais qu'il y est surtout question d'argent. Il a également reçu de la scientologie une demande pour savoir où il en est dans ses travaux.

M. Von Niederhausern pense qu'il serait très utile de créer une structure, qui permette aux gens de venir se confier à des personnes compétentes et discrètes, en toute sécurité. En effet, tout le monde ne désire pas porter plainte et ses services ne peuvent avoir contact qu'avec une infime partie de ceux qui ont des problèmes liés à la «secte». D'autre part, il faut des personnes très compréhensives et connaissant bien la question pour recueillir des témoignages parfois difficile à confier. Il s'aperçoit que les victimes de sectes ne viennent pas forcément se confier à la police, ils ont peur qu'on les pousse à porter plainte, que les entretiens soient trop administratifs, ou ils craignent tout simplement d'être mal jugés. Une campagne d'information serait, selon lui, également nécessaire.

M. Saurer nous parle ensuite de ce qui s'est passé récemment avec sa fille. Alors qu'elle flânait au rondeau de Carouge avec des amies, elles furent abordées par un monsier, qui leur proposa de venir avec lui faire un test de personnalité de 200 questions qui prit 2 heures dans les locaux de la scientologie à la route de St-Julien. Puis on fit leurs courbes et les cinq jeunes femmes constatèrent avec surprise qu'elles avaient toutes des problèmes. On leur a ensuite passé un film et elles sont rentrées très tard. Ayant appris ces faits de la bouche de sa fille, M. Saurer décida de se rendre au local de la scientologie, afin de rencontrer la personne qui avait analysé sa fille. Il fut bien reçu, mais lorsqu'il demanda à voir les résultats du test, on lui dit que ce n'était pas possible. Son enfant étant mineure, on avait gardé son dossier au service juridique et celui-ci était fermé. Il demanda alors à prendre rendez-vous avec un responsable de ce service. On lui a répondu qu'il fallait téléphoner. En téléphonant, il apprit que le responsable était absent et ne put, en fin de compte, rencontrer cette personne avant plusieurs jours. Lorsqu'il fut enfin face à lui, il découvrit que son interlocuteur s'était renseigné. En effet, on lui dit clairement qu'il était membre du parlement et qu'il était difficile de lui donner toutes les informations. On s'est montré aimable avec lui, mais il n'a obtenu que de vagues informations, sur les prétendus troubles dont souffrait sa fille. En se renseignant sur les personnes qu'il avait rencontrées, M. Saurer découvrit que le monsieur qui avait abordé les jeunes filles dans la rue est professeur de gymnastique au CEPIA; un autre est veilleur de nuit à Vessy. Heureusement, les filles ont bien réagi et n'ont pas été perturbées par les résultats du test. On n'a pas cherché à leur vendre des cours, mis à part une brochure à 9 F qui a été proposée. M. Saurer trouve ce procédé anti-déontologique. Dans ce cas l'affaire commerciale est évidente, dit-il. Le gros livre envoyé aux 100 députés démontre que la scientologie n'est pas démunie. Il trouve inadmissible de s'attaquer à des enfants. Sa fille a moins de 16 ans, cependant on ne lui a même pas demandé son âge et, bien que son physique prouve à l'évidence qu'elle n'est pas majeure, on n'a pas demandé la signature de parents, pour laquelle une place est pourtant prévue sur le test. Il n'a pas non plus été proposé aux jeunes filles de téléphoner à leurs parents pour les prévenir de leur retard, dans le cas où ils s'inquiéteraient. Ces pratiques sont odieuses et ressemblent à celles des dealers. On déstabilise les gens, on les rend dépendants. Cela devient difficile à gérer pour les parents. Il voit en cela une menace, en dehors de toute considération politique.

M. Saurer pense également qu'il faut faire quelque chose au niveau du DIP. Mettre au point un texte préventif, qui informe dans le même temps les jeunes qu'il y a des psychologues dans les écoles pouvant répondre à leurs questions.

En fin de séance, le président de la commission nous signale qu'une nouvelle pétition, numérotée 1035, pour la création d'une commission consultative en faveur de la tolérance et du respect des libertés religieuses a été déposée, demandant plus de soutien pour les minorités religieuses et signée notamment par le Dr Franceschetti, scientologue notoire.

Discussion de la commission

Après avoir entendu tous ces témoignages et reçu une riche documentation, la commission ne peut que considérer le problème soulevé comme important. Les accusations contre la scientologie sont graves et nombreuses. La commission elle-même a constaté les pressions dont sont capables les scientologues. Elle s'est posé la question de savoir s'il fallait parler des sectes en général ou une association du même type. Cependant, étant donné que la pétition mentionne spécifiquement la scientologie et que celle-ci nous a été présentée comme «la plus dangereuse», nous avons décidé, après discussion, de ne pas aborder les autres sectes ou associations qui ne font pas parler d'elles et de centrer le débat sur la scientologie. Les commissaires considèrent unanimement qu'il est de leur devoir de proposer des mesures utiles pour protéger les personnes fragiles et principalement les enfants et adolescents contre les abus qui ont été portés à leur connaissance. Si la commission reconnaît aux scientologues le droit constitutionnel à la liberté de conscience, elle désire cependant qu'ils se conforment aux autres lois en vigueur dans notre canton, notamment en ce qui concerne la fiscalité, les droits des employés et la pratique de la médecine. La commission s'est également préoccupée des accusations d'éventuelles infiltrations et de prosélytisme à l'intérieur de l'administration. Des réponses plutôt rassurantes lui ont été données à cet égard.

Conclusions

Mesdames et

Messieurs les députés,

La commission décide à l'unanimité de proposer au Grand Conseil le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat en l'invitant à:

1. mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour éviter tout prosélytisme et toute utilisation de données administratives à des fins de propagande et de recrutement, notamment auprès des mineurs;

2. favoriser une étroite collaboration entre les associations d'information et de soutien aux victimes des sectes et les départements de l'Etat de Genève;

3. étudier la nécessité de faire intervenir le médecin ou le pharmacien cantonal dans le contrôle de prestations médicales apportées par des sectes, notamment de la distribution de vitamines par l'Association pour une Eglise de scientologie.

Glossaire

Auditer: audition que les responsables de la scientologie font passer à leurs membres, durant laquelle la personne doit parler des problèmes qui la touchent particulièrement, de ses expériences les plus perturbantes, etc. Bien que les scientologues soient contre cette définition, il y a une ressemblance entre ces audits et une séance de psychiatrie.

Flag: maison mère de la scientologie aux USA.

Electromètre: appareil électrique qui, apposé sur la personne, détermine son ton émotionnel. Utilisé durant les audits, il est censé servir à déterminer si la personne a dominé le problème dont elle est en train de parler.

Clair: grade en scientologie, personne qui n'a plus de mental réactif, c'est-à-dire qui s'est débarrassée de toutes les influences emmagasinées durant sa vie et qui commandent ses réactions.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ÉTATS-UNIS

La scientologie exemptée d'impôts

Un accord est intervenu au début d'octobre entre la direction américaine de la scientologie et l'administration fiscale des Etats-Unis (Internal Revenue Service, IRS). Depuis de nombreuses années, l'IRS refusait à beaucoup de filiales de la scientologie l'exemption d'impôts, accordée aux églises et associations sans but lucratif. De son côté, la scientologie ou ses membres avaient déposé des plaintes contre l'IRS et plusieurs de ses fonctionnaires, pour abus de pouvoir et autres. Elle avait, par voie d'annonces, demandé aux contribuables qui avaient à se plaindre de fonctionnaires des impôts de dénoncer ceux-ci auprès d'une association scientologue moyennant des primes.

Bien que les termes exacts de l'accord ne soient pas connus, il semble que les deux parties aient décidé d'arrêter les frais et d'effacer tout le contentieux. La scientologie abandonne ses plaintes, et l'administration accepte de considérer comme «charitables et religieux» plus de 150 groupes affiliés à la scientologie, au vu des déclarations fournies par eux sur leurs buts, leur fonctionnement, leurs structures, leur financement.

On sait tout de même que les documents fournis par la scientologie indiquent que celle-ci possède des actifs se montant à 400 millions de dollars, et encaisse près de 300 millions de dollars par an en paiements pour ses «conseils», la vente de livres, en revenus d'investissements, et autres. On y apprend aussi qu'elle dépense de grosses sommes en frais judiciaires, en publicité et en commissions de notre société, dans les administrations, les entreprises, les universités et même dans les ministères. Elles déstabilisent notre société dans le but d'établir un ordre dont elles seraient les maîtres, à l'image du modèle mis en pratique à l'intérieur de leurs groupes. Elles déstabilisent la cellule familiale biologique pour lui substituer une autre famille artificielle. Elles déstabilisent l'être humain, transformé malgré lui en «zombi». A l'image du mort sorti du tombeau qu'un sorcier met à son service, l'adepte mort à sa famille, à ses racines, à ses repères fondamentaux, est au service de la secte.

Une troisième annexe peut être consultée au secrétariat du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

(Vifs applaudissements de l'assemblée.)