Séance du
jeudi 20 octobre 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
10e
session -
36e
séance
PL 7168
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
CHAPITRE II (du titre IV)
SECTION 5A
(nouvelle)
COMMISSION DES AFFAIRES INTERNATIONALES
Art. 202 A (nouveau)
1 Dès le début de la législature, le Grand Conseil nomme une commission des affaires internationales composée de 15 membres.
2 Cette commission examine les objets que le Grand Conseil décide de lui renvoyer, notamment des projets:
a) de prises de position sur un objet international;
b) de crédits relevant de l'aide humanitaire et au développement;
c) relatifs à la Genève internationale.
3 Elle peut recevoir des délégations d'organes internationaux, intergouvernementaux, gouvernementaux et non gouvernementaux qui en font la demande.
4 Elle est régulièrement informée par le Conseil d'Etat de la situation et des objets qui la concernent.
5 Elle fournit des préavis aux autres commissions auxquelles de tels objets sont renvoyés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le rôle international de Genève n'a plus besoin d'être souligné.
Il est nécessaire que le parlement soit mieux associé à l'évolution de la situation, donne son avis, participe en pleine connaissance de cause à l'interface entre le secteur local et régional, et le secteur international, et à l'évolution de la situation de ce dernier.
Cette préoccupation à elle seule justifie une commission permanente de notre Conseil, au même titre qu'il existe, déjà, une commission des affaires régionales.
Par ailleurs, en liaison avec ce rôle, notre Conseil est régulièrement saisi de projets de motion et de résolution concernant, en particulier, les droits de l'homme ou exprimant un avis sur un autre point préoccupant de la situation dans le monde.
La création d'une telle commission permettra de disposer d'une meilleure continuité et de davantage de compétence et de recul dans la préparation et la soumission au plénum de tels projets, ainsi que de moyens de suivi, par le biais d'auditions, par exemple, ou de l'acquisition d'une documentation.
Enfin, une telle commission pourra de manière judicieuse accompagner la réalisation, par l'exécutif, de la politique cantonale d'aide humanitaire et au développement telle que prévue dans les budgets votés par le Grand Conseil.
N'est-il pas significatif qu'un récent projet relevant de cette matière, soit un crédit destiné à aider un hôpital palestinien, ait été renvoyé, faute d'instance adéquate, à la commission des affaires régionales, appelée pour la circonstance commission des affaires régionales et mondiales...
Pour ces motifs, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter ce projet qui permettra d'associer mieux le Grand Conseil à la vocation et aux activités internationales de notre cité.
Préconsultation
M. Dominique Hausser (S). Ce projet de loi ainsi que la motion relèvent de la même logique. En effet, on constate de plus en plus fréquemment l'importance du lien entre les affaires locales et internationales. La Maison de l'Environnement, la Maison de l'Europe ou l'OMC sont, bien entendu, des points importants pour Genève. Ils en sont sa vitrine internationale et comprennent d'importants éléments d'aménagement du territoire qui doivent être traités au niveau local.
Il importe donc de «visibiliser» les outils de traitement de ces objets qui relèvent du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Cependant, on constate des difficultés au niveau du fonctionnement. Ce projet de loi vise à préciser les tâches du Grand Conseil ainsi que les outils dont notre parlement compte se doter pour se faciliter la tâche.
Cette commission des affaires internationales pourra ainsi traiter, avec un meilleur suivi, des prises de position comme les résolutions ou les crédits relevant de l'aide humanitaire ou du développement. Bref, tous les objets en lien avec la Genève internationale. En étant régulièrement informée par le Conseil d'Etat, elle favorisera ainsi les relations entre l'exécutif et le législatif. Voilà en quelques mots les raisons de ce projet que nous vous encourageons à soutenir largement.
Mme Anne Chevalley (L). J'interviens au nom du groupe libéral sur le projet de loi 7168 et sur la motion 942. Si l'intérêt que portent les auteurs de ces deux projets au rôle international que joue notre canton nous ravit et nous prouve combien il est justement perçu comme digne d'être, je cite, «pleinement défendu», le groupe libéral n'entrera néanmoins pas en matière pour les raisons suivantes.
Dans le domaine des affaires internationales, Genève ne peut agir que par délégation de la Confédération. Il est vrai que notre gouvernement s'est beaucoup et continue plus que jamais à s'investir et à s'engager à Berne, dans toutes sortes de démarches tendant à soutenir les organisations internationales, tant sur le plan politique que logistique. Ses récents efforts pour conserver, en notre ville, l'Organisation mondiale du commerce le prouvent.
Au demeurant, compte tenu du peu de pouvoir qu'aurait une commission des affaires internationales, nous voyons mal dans quelle mesure des délégations d'organes internationaux ou autres solliciteraient des auditions pour présenter tel ou tel projet ou suggestion. Le secteur international dans son ensemble est fort bien renseigné sur les voies à suivre grâce aux efforts déployés par nos autorités et à la disponibilité de nos conseillers d'Etat.
De plus, notre parlement possède une commission des affaires régionales parfaitement apte à remplir le rôle de commission permanente des affaires internationales. Il n'y a qu'à en modifier l'intitulé.
L'argument selon lequel un crédit destiné à un hôpital palestinien aurait été renvoyé à ladite commission est tout simplement ridicule. A quelques exceptions près, la plupart des projets à caractère international qui nous sont soumis consistent en des demandes de subventions ou de dons qui sont, sans exception, renvoyés à la commission des finances, sauf extrême urgence, naturellement.
Soyons sérieux ! Les commissions sont si nombreuses qu'il est impossible d'en caser une nouvelle dans le programme des semaines. C'est la raison pour laquelle, entre autres, le groupe libéral vous demande tout simplement de compléter ou de modifier l'intitulé de la commission des affaires régionales.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Mon groupe est également opposé à ce projet, tout d'abord pour des raisons de forme. Notre parlement est manifestement surchargé de travail. Nous siégeons dans la joie et la bonne humeur tous les vendredis. Il est impossible de réunir d'autres commissions permanentes en cours de semaine. Je ne vois pas, comme l'a dit ma préopinante, Mme Chevalley, comment il serait possible d'ajouter encore une commission permanente élargissant un peu les compétences de la commission des affaires régionales.
Ce projet de loi appelle, quant au fond, des commentaires qui me font dire qu'il n'y a pas lieu de suivre les auteurs du projet. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les auteurs, on aimerait bien vous voir dans les faits, lorsqu'il s'agit effectivement de promouvoir la Genève internationale, comme cela a notamment été le cas dans l'affaire de la Maison Europa. C'est dans les faits et dans les actes que nous aimerions vous voir promouvoir les affaires internationales, les relations internationales et les organisations internationales à Genève et non pas en nous demandant de constituer une commission qui serait susceptible de traiter de ces sujets.
Les affaires internationales, les relations internationales et les relations avec la Genève internationale sont manifestement du ressort de notre gouvernement fédéral, du Conseil fédéral. Dans le cadre de toutes ces affaires, le Conseil d'Etat genevois, seul habilité à représenter l'Etat de Genève, agit sur délégation des autorités fédérales et du Conseil fédéral. Au nombre d'intervenants déjà considérable qu'il y a dans notre canton dans ce domaine - le Conseil fédéral, la mission suisse auprès des Nations Unies, le Conseil d'Etat, le Conseil administratif de la Ville de Genève - je ne crois pas opportun de rajouter le Grand Conseil à la confusion qui existe parfois dans l'esprit de nos interlocuteurs de la Genève internationale.
Le Grand Conseil est-il à même de recevoir des délégations d'Etats étrangers et d'organisations internationales ? Je pense que cela n'est pas notre tâche. C'est manifestement celle de l'exécutif, qu'il s'agisse de l'exécutif fédéral ou de l'exécutif cantonal agissant sur délégation de l'exécutif fédéral.
Comment ferions-nous pour offrir toute la considération qu'elles méritent aux cent cinquante organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales ayant leur siège à Genève ? Allons-nous les recevoir ? Recevrons-nous également les missions qui sont presque aussi nombreuses que ces organisations ? Nous saisirons-nous d'affaires, certes importantes, comme le conflit bosniaque ou les droits de l'homme ? Il me semble que nous avons déjà suffisamment à faire dans ce qui est de notre domaine de compétence pour ne pas vouloir traiter de la politique internationale de la Confédération et de ce canton.
Cette commission que vous appelez de vos voeux, à teneur des dispositions que vous souhaiteriez nous voir adopter, est inutile. Elle procède d'une confusion des pouvoirs. Elle risque aussi de susciter, d'une part, une confusion dans l'esprit de nos interlocuteurs de la communauté internationale présente à Genève et, d'autre part, des blocages dans une matière qui n'en souffre que trop. Nous nous opposons donc fermement à ce projet. Parce que nous estimons qu'il est inutile, nous demandons la discussion immédiate et nous vous proposons de le rejeter en discussion immédiate.
M. Michel Ducret (R). L'idée séduisante de ce projet de loi, à mon sens, est qu'il a pour but de démontrer l'intérêt de ce Grand Conseil pour les affaires internationales, pour la Genève internationale beaucoup plus que pour les affaires internationales traitées par la Confédération ou qui sont de la compétence du Conseil d'Etat. Il y a un besoin d'information et de meilleure coordination sur certains sujets. J'ai soutenu ce projet de loi pour cette raison.
Il est vrai que cette Genève internationale est aujourd'hui, comme il y a cinquante ans, un élément clé de notre économie, de notre politique économique, de notre notoriété, de notre relative réussite, de nos possibilités de maintenir ces acquis.
Il me paraîtrait judicieux, en effet, de lier les activités spécifiques proposées pour cette commission avec celles des affaires régionales qui, à ma connaissance, n'est pas trop occupée, ce qui éviterait une inflation parlementaire. Je rejoins tout à fait la remarque de Mme Chevalley. Je crois que les motionnaires, dans leur ensemble, pourraient se rallier facilement à cette extension de compétence de la commission des affaires régionales, ce qui permettrait à cette commission de traiter de certaines affaires concernant la politique de Genève vis-à-vis de la Genève internationale. Ce serait un moyen de traiter efficacement ce problème, sans créer une inflation parlementaire. Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer ce projet en commission de manière qu'il puisse être amendé et que, peut-être, l'intitulé de la commission des affaires régionales puisse être modifié. Ainsi, cette commission pourrait traiter avec la Genève internationale pour ce qui est des compétences du Grand Conseil.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je m'associe à la demande de renvoi en commission de ce projet de loi. Je pense qu'il est très important que nous traitions les affaires internationales, et en particulier celles qui concernent des aides financières, avec beaucoup de soin. En cela, nous rejoignons les auteurs du projet de loi, même si nous n'avons pas souhaité cosigné ce projet. Nous estimons également qu'il est important de ne pas négliger les affaires régionales et nous aimerions donner plus d'importance à cette commission.
Beaucoup de domaines ne connaissent pas de frontières. Je ne citerai que l'environnement et le trafic. Je pense que notre législatif a tout intérêt à mettre en place une politique régionale d'envergure et à donner à sa commission parlementaire une plus grande importance. C'est pourquoi nous préférons, plutôt que de refuser ce projet de loi, nous associer à la demande de renvoi en commission où nous pourrons proposer que la commission des affaires régionales devienne la commission des affaires régionales et internationales. Cela permettra, d'une part, de donner plus d'importance aux affaires régionales et, d'autre part, d'avoir un lieu réservé pour traiter d'affaires internationales. Ainsi, le travail des députés ne sera pas alourdi par la création d'une nouvelle commission pour laquelle il faudra trouver des députés non occupés par une autre commission au même moment.
La proposition de discussion immédiate est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de discussion immédiate est adoptée par 46 oui contre 43 non.
Premier débat
Ce projet est rejeté en premier débat.