Séance du
vendredi 23 septembre 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
9e
session -
34e
séance
M 900-A
En réponse à la motion susmentionnée, il a été possible d'établir la statistique suivante, basée sur les relevés de compte fournis par l'Office fédéral des questions conjoncturelles, lequel gère, pour toute la Suisse, le registre des réserves de crise (RéCri) bénéficiant d'allégements fiscaux (état au 31 décembre 1993):
Branche économique
Nombre
Nombre
RéCri
RéCri
RéCri
d'entreprises
d'emplois
constituées
libérées
au 31.12.1993
F
F
F
Industrie du bois
2
100
80 000
(50 000)
30 000
Métallurgie
1
200
186 000
(186 000)
0
Industrie des
machines
2
776
4 014 500
(3 614 500)
400 000
Industrie horlogère
1
225
3 500 000
0
3 500 000
Construction
5
330
1 123 000
(215 000)
908 000
Commerce de
détail
1
720
300 000
0
300 000
Transports routiers
1
34
25 000
0
25 000
Services financiers
1
20
1 142 825
(700 000)
442 825
Services
informatiques et
de conseil
2
66
552 500
(152 500)
400 000
Services de santé
1
83
700 000
0
700 000
Services à la
collectivité
1
850
450 000
0
450 000
18
3 404
12 073 825
(4 918 000)
7 155 825
Il convient de préciser, à l'appui de cette statistique, ce qui suit:
1. Les réserves de crise visées par la motion 900 sont celles qui ont été constituées à partir de 1988, conformément à la loi fédérale sur la constitution de réserves de crise bénéficiant d'allégements fiscaux, du20 décembre 1985 (RS 823.33), ainsi qu'à la loi genevoise sur les allégements fiscaux pour les réserves de crise, du 16 décembre 1988(D 3.8.5).
A teneur de ces lois, les entreprises employant au moins 20 personnes peuvent constituer des réserves de crise au moyen de versements déductibles de leur bénéfice imposable au titre de charges justifiées par l'usage commercial. Une fois constituées, ces réserves de crise sont assimilées d'un point de vue fiscal à des réserves ouvertes constituées au moyen de bénéfices imposés.
Les réserves de crise ne peuvent être utilisées (en jargon technique libérées) que pour assurer l'équilibre de l'évolution conjoncturelle et combattre le chômage. Lorsque la preuve de l'utilisation conforme aux prescriptions des montants libérés n'est pas apportée par l'entreprise, ces montants sont soumis à l'imposition au taux maximum, indépendamment des autres bénéfices.
2. Les réserves de crise mentionnées au point 1 doivent être distinguées de celles constituées en application de la loi fédérale sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée, du 3 octobre 1951 (RS 823.32), ainsi que de la loi cantonale sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée, du 8 mars 1952 (D 3 8).
Les réserves de crise constituées en application de ces lois n'ont pas bénéficié de la déduction fiscale au moment de leur constitution, mais n'ont fait que donner un droit futur à un remboursement de l'impôt (appelé ristourne) au moment de l'affectation des réserves en question à la création d'emplois en période de chômage. Le mode d'allégement fiscal prévu dans la législation de 1951/1952 est dès lors diamétralement opposé à celui mis en place en 1985/1988.
Lorsqu'une même entreprise possède, sans les avoir libérées, des réserves de crise en vertu de la législation de 1951/1952 ainsi que de celle de 1985/1988, elle doit en premier lieu utiliser les réserves constituées conformément à la législation antérieure.
3. En l'état, il reste à Genève 5 entreprises qui ont encore des réserves de crise constituées antérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle législation. Aucune d'entre elles n'a constitué à ce jour de nouvelles réserves, de sorte que la question de la relation entre les deux types de réserves ne se pose pas.
4. Toutes les entreprises comprises dans la statistique annexée qui ont libéré tout ou partie de leurs réserves de crise constituées sous l'empire de la nouvelle législation sont tenues d'apporter la preuve à l'Office fédéral des questions conjoncturelles, d'ici au 31 décembre 1995, de leur affectation à des mesures de relance, ce par quoi il faut entendre toute mesure propre à promouvoir un taux d'occupation équilibré ou à renforcer à long terme la compétitivité de l'entreprise. Parmi ces mesures on peut citer, notamment, les travaux de construction, l'acquisition, la fabrication et l'entretien d'installations techniques, la recherche, le développement et l'amélioration de produits, procédés ou services, la promotion des exportations ou encore le recyclage et le perfectionnement professionnel des travailleurs.
En conclusion, il ressort des explications qui précèdent que la possibilité d'affecter une partie du bénéfice imposable à la constitution de réserves a été utilisée par un nombre relativement restreint d'entreprises à Genève (18, pour un total de 796 entreprises dans toute la Suisse au 31 décembre 1993). Il apparaît de plus que l'affectation des montants de réserves libérés est destiné à renforcer la compétitivité de l'entreprise, ce qui inclut - mais ne se limite pas à - de lutter contre le chômage. Il est enfin trop tôt, à teneur des délais impartis aux entreprises par les autorités fédérales pour fournir la preuve de l'utilisation correcte des réserves, pour pouvoir tirer des conclusions précises sur l'efficacité des mesures de relance prises par les entreprises lors de l'utilisation des réserves de crise.
Une chose est toutefois certaine, à savoir que les entreprises qui ne seraient pas en mesure d'apporter la preuve de l'affectation correcte des montants de réserves de crise libérés, seront astreintes à payer un impôt distinct annuel au taux maximum sur lesdits montants qui ont pu être fiscalement déduits lors de la constitution des réserves.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Rassurez-vous, je serai très bref. Je constate avec stupéfaction qu'un nombre extrêmement limité d'entreprises font appel à ces réserves pour bénéficier d'allégements fiscaux, puisque le nombre total représente 0,08% de toutes les entreprises du canton et 1,3% de tous les emplois.
D'autre part, je suis étonné de voir, alors que tout le monde admet que nous traversons une crise conjoncturelle et structurelle importante, que certains secteurs fortement touchés comme, par exemple, la construction n'ont libéré que 19% de leurs réserves de crise. D'autres secteurs, apparemment moins touchés, comme les services financiers, ont quant à eux libéré 61% de leurs réserves. Cela m'amène à me demander - nous devrons, au sein de notre groupe, réfléchir à ce problème - si cette loi a une quelconque utilité du point de vue du maintien de l'emploi et de la défense des postes de travail.
M. Nicolas Brunschwig (L). Monsieur Clerc, il est vrai que cette loi n'est pas réellement utilisée, car elle comporte un certain nombre d'inconvénients. On peut donc constater, avec cet exemple, que même des lois ayant pour but des incitations fiscales ne sont pas toujours suivies si elles ont des inconvénients. C'est un exemple concret tout à fait frappant. Un des inconvénients majeurs de cette loi est que les liquidités doivent être bloquées dans une banque avec des taux de rémunération assez faibles et que la plupart des entreprises, en ce moment, ont besoin d'un maximum de liquidités pour éviter d'avoir recours à des lignes de crédits bancaires. C'est une des limites importantes de cette loi. Peu d'entreprises ont fait usage de cette possibilité, sans doute pour cette raison majeure.
La deuxième raison du peu d'argent ressorti de ces réserves de crise, comme vous pouvez le voir dans le rapport du Conseil d'Etat, c'est que des grandes entreprises qui ont fait usage de ces possibilités ont eu sans doute, pour la plupart, une certaine prévoyance et la possibilité de surmonter la crise sans utiliser ces réserves de crise. Voilà probablement les deux raisons expliquant qu'un nombre relativement peu élevé d'entreprises utilisent cette possibilité.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). En complément des éléments donnés par mon collègue Brunschwig, je voulais juste rappeler à M. Clerc - qui ne connaît peut-être pas très bien la structure des entreprises du bâtiment - qu'il y a effectivement 1 200 entreprises à Genève regroupant les branches de l'industrie de la construction; la structure de celle-ci est formée pour environ 90% d'entreprises employant entre une et dix personnes. Il est donc évident que le nombre d'entreprises pouvant réaliser ce fonds est très limité, puisqu'il fait appel aux entreprises disposant au moins de vingt salariés.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.