Séance du vendredi 23 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 33e séance

PL 7033-A
16. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (révision des taux d'imposition ) (D 3 1). ( -) PL7033
Mémorial 1993 : Projet, 4562. Commission, 4630.
Rapport de Mme Christine Sayegh (S), commission fiscale

Le Conseil d'Etat a déposé le 8 septembre 1993 un projet de loi tendant à réviser les taux d'imposition sur le revenu des personnes physiques.

Ce projet a été renvoyé le 16 septembre 1993 à la commission fiscale.

La commission fiscale, sous la présidence de Madame Christiane Magnenat Schellack puis de Monsieur Jean-Luc Ducret, s'est réunie tout d'abord en séance commune avec la commission des finances présidée par Madame Martine Brunschwig Graf les 22 et 29 septembre 1993, puis a ensuite continué ses travaux au cours de 8 séances, assistée par Messieurs Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, président du département des finances, Daniel Brauen, administrateur général de l'administration fiscale, Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales, Jean-François Mabut, secrétaire général du département des finances ainsi que Messieurs Denis Roy, directeur des services financiers de l'Etat, Dominique Frey, directeur adjoint de l'office cantonal de la statistique du département de l'économie publique ainsi que le professeur Fabrizio Carlevaro de l'université de Genève.

PREAMBULE

Dans un exposé des motifs très étayé, le Conseil d'Etat explique que le PL 7033 s'inscrit dans le cadre du plan d'assainissement des finances publiques.

Ce projet est commandé par l'affaiblissement de la croissance des revenus de l'Etat depuis 1987, la forte expansion des dépenses sociales et de la fonction redistributive de l'Etat, une augmentation considérable des charges financières et un développement continu des services publiques.

Les principaux objectifs sont:

a) moderniser le mode de calcul de l'impôt en substituant au barème par «tranches de revenu» un barème fonctionnel continu;

b) améliorer la transparence du système fiscal et réduire les coûts administratifs;

c) corriger les anomalies des barèmes actuels et réviser marginalement la charge fiscale.

Pour ce faire, le département des finances a sollicité du département de l'économie publique de l'université de Genève, une étude approfondie afin de concrétiser les objectifs définis et les appliquer à la taxation des revenus des personnes physiques.

PRESENTATION DE LA LOI

L'impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques est calculé suivant des barèmes spécifiant le taux d'imposition marginal. Ceci signifie que le revenu imposable est divisé en tranches auxquelles on applique un taux d'imposition croissant. Le terme «marginal» qualifie le taux appliqué à un accroissement du revenu.

Cette manière d'imposer engendre des iniquités au motif que le taux d'imposition marginal progresse par paliers.

Pour supprimer cette iniquité, il y a lieu de remplacer la progression exprimée en tranches de revenu par une progression du taux d'imposition marginal calculé pour chaque franc supplémentaire, à savoir remplacer la croissance du revenu imposable «en escaliers» par une courbe continue.

Pour ce faire, le professeur Fabrizio Carlevaro et ses assistants ont établi une formule mathématique prenant en considération tous les paramètres de la loi actuelle.

Cette formule moderne n'est pas pour autant révolutionnaire puisqu'elle respecte aussi bien le principe que les conditions de l'imposition actuelle du revenu des personnes physiques.

Elle a le mérite de pouvoir être illustrée par une courbe qui permet de calculer directement le taux d'impôt effectif applicable à un revenu déterminé ainsi que le taux appliqué à chaque franc imposable du revenu.

Cette représentation graphique du barème continu est un instrument beaucoup plus accessible au contribuable à une époque où l'informatique a développé de manière très large l'image, laquelle se substitue toujours plus souvent au texte.

Cette courbe fiscale est également un outil de travail indispensable pour apprécier la masse fiscale et l'évolution des barèmes.

Tant sur le plan de l'économie publique que sur le plan politique, les décisions que l'on souhaite prendre peuvent être immédiatement visualisées.

En effet, et comme l'a rappelé Maurice Allais, Prix Nobel des sciences économiques en 1988: «La formulation mathématique a l'inappréciable avantage de forcer l'esprit à la réflexion et à la précision. Elle donne la possibilité de découvrir toutes les conséquences et rien que les conséquences des hypothèses admises, et, par suite, de mettre complètement en évidence leur contenu effectif.».

Ainsi, les mathématiques peuvent être au service des décisions politiques, preuve en est le présent projet où la commission fiscale a demandé à ce que la courbe présentée respecte la double neutralité de l'impôt, à savoir tant sur la masse fiscale, que sur la taxation des revenus.

C'est donc le premier exemple d'application d'une volonté politique à l'aide d'une formule mathématique.

Les explications plus spécifiques complèteront cette présentation dans le commentaire article par article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Ce projet de loi mettait les commissaires devant deux options, soit une mini réforme qui se limitait à substituer à la progression de l'impôt par tranches de revenu une courbe de progression en francs, soit une maxi réforme qui nécessitait alors la discussion relative à l'introduction des quotients familiaux, du splitting, de toute la problématique des déductions fiscales et du moment où ces dernières doivent entrer en considération soit avant, soit après la détermination du revenu imposable.

En effet, la maxi réforme prévoyait une correction linéaire des barèmes fiscaux afin d'améliorer l'équilibre financier des comptes de l'Etat.

Les commissaires ont pris la décision par neuf voix et deux abstentions, de se limiter à l'étude de la mini réforme, d'étudier cette nouvelle conception mathématique du barème sans que cette dernière n'engendre une augmentation d'impôts.

Les commissaires ont toutefois admis que si l'on pouvait respecter une absolue neutralité quant à la masse fiscale totale, ceci était plus difficile pour la taxation à titre individuel puisque les tranches de revenu étaient réduites à des francs.

Le professeur Carlevaro et ses collaborateurs ont su traduire mathématiquement les conditions draconiennes que la commission fiscale a voulu et la majoration maximale d'impôts est de 100 F par an.

Cette majoration maximale se situe au niveau des salaires annuels de 20 000 F, mais on constate également que ce sont les mêmes revenus qui ont le plus fortement bénéficié de la suppression de la progression à froid conformément au tableau annexé.

Les écarts incontournables vu la modification du système vont manifestement vers une équité dans la taxation de l'impôt.

Après plusieurs remaniements du texte légal afin de passer d'une expression de spécialiste à un vocable accessible au contribuable, les dispositions des articles 30 à 33 B de la loi générale sur les contributions publiques ont été simplifiées et les courbes illustrant le barème fiscal ainsi que la formule mathématique y relative ont été placées en annexe de la loi.

Ces annexes font néanmoins partie intégrante de la loi et ont donc force de loi. Seul le Grand Conseil peut décider d'en modifier la teneur et il y lieu d'insister sur ce fait, car la pratique des annexes est récente et ne doit pas porter atteinte à la sécurité juridique.

Le projet de loi 7033 tel qu'il ressort des travaux de la commission se limite donc à reviser le mode de calcul de l'impôt selon la version adoptée par la commission fiscale du Grand Conseil le 20 mai 1994.

COMMENTAIRES ARTICLE PAR ARTICLE

Article 30 (nouveau)

Cette disposition fixe le montant forfaitaire des déductions personnelles en fonction de l'état civil des contribuables. Ce montant correspond au seuil d'assujettissement 1994.

Quant à l'alinéa 3, il vise les personnes taxées de manière limitée, au sens de l'article 32 C (nouveau), lesquelles ne bénéficient pas de la possibilité d'opérer des déductions personnelles.

Article 30 B (nouveau)

Cette disposition reprend la teneur de l'article 32, alinéa 2 actuel.

Article 31 A (nouvelle teneur)

Les conditions d'imposition des personnes seules avec enfants restent inchangées et le nouveau texte n'est qu'une modification technique en fonction des remaniements des dispositions législatives.

Article 32 (nouvelle teneur)

Cet article énonce le principe de l'imposition, son assiette et le mode d'application du taux d'imposition.

Article 32 A (nouvelle teneur)

Il s'agit du barème A (applicable aux contribuables célibataires, veufs, séparés de corps ou de fait, divorcés).

Spécification du barème continu flexible

L'opération a consisté à passer d'un taux d'imposition marginal qui progresse par paliers à un taux qui progresse de façon continue. Pour ce faire, le revenu imposable n'est plus divisé par tranches mais selon l'unité monétaire dans laquelle est exprimé le revenu, en l'espèce le franc suisse.

Il en résulte que le taux d'imposition croissant, s'appliquant à chaque franc de revenu imposable, ne peut plus être spécifié à l'aide d'un tableau mais fait l'objet d'une définition par l'intermédiaire d'une formule mathématique. La formule ainsi obtenue garantit la neutralité du taux d'imposition et répond donc aux deux conditions:

a) la minimisation des écarts par rapport au barème actuellement en vigueur;

b) la neutralité de la révision sur la production fiscale globale (absence de recettes supplémentaires).

Pour s'assurer de la révision neutre du barème A, cette dernière a été basée sur les données de l'année de taxation 1991 puis appliquée à l'année fiscale 1992.

Afin de supprimer la progression à froid, un paramètre spécifique a été introduit, lequel tient compte de l'année de référence, soit la première année de mise en vigueur du barème et de l'évolution du renchérissement annuel à Genève.

En respectant la neutralité de l'imposition fiscale actuelle, on constate que le taux d'imposition minimum du franc est de 0,22 % pour arriver à un taux maximum de 19 %.

Ces taux sont fixés dans la loi aux alinéas 2 et 3.

Article 32 B (nouvelle teneur)

Il s'agit du barème B (applicable aux contribuables mariés, non séparés de corps ou de fait)

Spécification du barème continu flexible des couples mariés

La loi actuelle prévoit l'imposition conjointe des revenus des époux vivant en ménage commun quel que soit le régime matrimonial. Dans un tel système, les revenus des époux sont additionnés et le revenu total du couple est imposé d'après un barème spécialement conçu pour eux. Pour éviter que l'imposition conjointe des époux ne décourage la constitution des familles, le barème B doit être décalé par rapport au barème A.

L'analyse des barèmes genevois actuels A et B montrent qu'ils sont différenciés quant au taux mais qu'ils comportent une liaison au niveau des tranches de revenu.

C'est pourquoi, en tenant compte des caractéristiques du barème B (seuil d'imposition et revenu imposable moyen des époux), il est possible mathématiquement d'arrimer le barème B sur le barème A, ce qui permet de reproduire au mieux le barème B actuel tout en corrigeant les irrégularités de progression du barème actuel.

En outre, le nouveau barème B respecte la règle fixée par le Tribunal fédéral relative à l'égalité d'imposition entre couples mariés et concubins. Enfin, un paramètre spécifique, semblable à celui de l'article 32 A, est également introduit pour supprimer la progression à froid.

Le taux marginal d'imposition est le même que pour le barème A et croît en conséquence entre 0,22 % et 19 %.

Ainsi, le barème est différent mais la progression est la même.

La formule mathématique qui en résulte respecte la neutralité sollicitée par la commission tout en rectifiant les irrégularités dues au système par tranches actuel.

Article 32 C (nouvelle teneur)

Le barème C qui figure dans l'actuel article 32 B est supprimé et remplacé par le barème A, car non seulement cette catégorie de contribuables est en constante diminution, mais encore la différence entre le barème A et le barème C n'est plus significative.

Article 33 (nouvelle teneur)

Conformément à la loi actuelle, les barèmes fiscaux doivent être adaptés au coût de la vie, ce qui est exprimé à l'alinéa 1.

Il a d'ailleurs été prévu dans la formule du calcul des barèmes les paramètres pour cette adaptation.

L'alinéa 2 précise que, moyennant certaines conditions économiques, il peut être proposé au Grand Conseil de déroger au principe de l'indexation des barèmes.

Bien que cette possibilité existe sans disposition légale spécifique puisqu'il suffit de déposer un projet de loi à ce sujet, la majorité de la commission a souhaité qu'elle figure formellement dans la loi.

(Cet alinéa a été accepté par quatre voix: 2 Rad, 2 Soc; 5 abstentions: 4 Lib, 1 PDCc et 3 oppositions AdG)

Article 33 A (nouvelle teneur)

Il s'agit de l'adaptation de certaines déductions admises sur le revenu brut (notamment frais médicaux, pharmaceutiques et dentaires, versement effectué à l'office cantonal des personnes âgées (OCPA), déductions sur le revenu des époux non séparés de fait ou de corps, le montant forfaitaire du seuil d'assujettissement et les différentes déductions personnelles). Cet article reprend le principe de l'article 33, alinéa 4 actuel et conserve le même pourcentage de variation de l'indice, soit 10 %.

La publication de la valeur de l'indice de renchérissement est faite sous forme de règlement.

CONCLUSIONS

Le passage à l'application d'un barème progressif continu en matière d'imposition fiscale est certainement une actualisation logique en regard des connaissances scientifiques et économiques ainsi que des possibilités informatiques en notre possession.

Toutefois l'étude de ce projet n'a pas été simple en raison de sa technicité et du vocabulaire spécifique employé par les spécialistes chargés des exposés explicatifs.

Il n'en reste pas moins qu'après s'être familiarisés avec les courbes fiscales et leurs paramètres, les commissaires ont été convaincus que cet outil moderne répond aux conditions limitatives d'une mini-réforme respectant la neutralité fiscale.

C'est ainsi que, par 9 voix (4 Lib, 2 Rad, 1 PDC, 2 Soc et 3 abstentions: AdG), la commission fiscale vous recommande, Mesdames, Messieurs les députés, de voter le présent projet de loi.

Annexes: - Tableau «Impôts selon le barème 1985, 1991, ancienne et nouvelle formule» (en %)

 - Idem (écart en points de %)

 - Courbe de la révision neutre du barème A 1991

 - Courbe de la révision neutre du barème B 1991

Premier débat

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Je vous signale une faute de frappe que vous aurez tous spontanément corrigée à la page 2 du rapport, aux deuxième et troisième alinéas, sous «Présentation de la loi» il est écrit «iniquité» au lieu de «inéquité».

Ce projet de loi avait deux ambitions. La première d'éliminer les inconvénients d'une progression de la taxation des revenus des personnes physiques par paliers et la seconde de revoir le taux d'imposition. Conformément à la volonté des citoyens et afin d'être efficace dans ses travaux, la commission fiscale a décidé de ne traiter que la première ambition et d'étudier le remplacement par une progression en francs et non plus en tranches de revenus du taux marginal d'imposition.

Si la formule mathématique vous paraît compliquée, c'est plutôt aux résultats que vous devez vous attarder, à savoir la courbe qui en résulte. La neutralité de l'impôt a été respectée tant au niveau de la masse fiscale globale qu'au niveau du taux d'imposition. Vous aurez certainement constaté un léger accroissement de l'impôt, au maximum 100 F par an pour certaines catégories de revenus, notamment entre 20 000 et 25 000 F et entre 100 000 et 150 000 F. Ces augmentations minimes - que l'on ne doit toutefois pas passer sous silence - s'expliquent par le fait que ces mêmes revenus ont été les plus privilégiés par la suppression de la progression à froid. C'est pourquoi j'ai aussi annexé à mon rapport, en page 18, un graphique qui vous montre la diminution de la charge fiscale résultant de la suppression de la progression à froid entre 1985 et 1991. Vous constaterez que cette légère augmentation est toujours très inférieure aux effets de ladite suppression. Vous constaterez également que la première courbe qui nous avait été présentée a été corrigée au plus près de la neutralité exigée. Cela procède d'une saine équité fiscale et l'on doit saluer ici les efforts du professeur Carlevaro et de ses collaborateurs pour le travail effectué. La courbe de progression du taux d'impôts est un instrument moderne et transparent qui permet de visualiser rapidement toute modification et de faciliter, en conséquence, la compréhension du contribuable.

Je vous invite donc à suivre les conclusions de la commission qui vous recommande, par neuf voix et trois abstentions, de voter le présent projet de loi.

M. Jean Spielmann (AdG). Nous souscrivons à l'idée qu'il faut trouver un instrument plus moderne pour modifier l'assiette fiscale sans avoir les inconvénients d'une modification par paliers et sans introduire de complications dans la législation. C'est une bonne idée de trouver un instrument de mesure permettant d'introduire des paramètres pour lisser la courbe, pour agir avec ponctualité et exactitude sur une modification fiscale en tentant d'en prendre les paramètres politiques au niveau de la progressivité de l'impôt, pour trouver un système de calcul qui évite les difficultés que nous avons connues avec la progression à froid. Sauf dans des cas marginaux, il n'était pas possible de modifier la courbe sans tenir compte des distorsions de ces dernières années - je n'ai pas besoin de rappeler les différentes complications intervenues suite aux barèmes-rabais successifs, que nous avions prévues lors de leur mise en place.

Je dois tout de même rectifier certaines appréciations complétées par le rapporteur. Si les modifications de l'assiette fiscale et les diminutions de la charge fiscale, par rapport à la suppression de la progression à froid et de la rectification des barèmes, ont effectivement touché certains contribuables davantage que d'autres, c'est aussi parce que ces contribuables sont ceux qui ont été les victimes de la progression à froid durant de nombreuses années. Je le répète, la progressivité de l'imposition fiscale s'arrêtait à un plancher de 75 000 F, cela durant toute la période de très forte inflation. Par conséquent, tous ceux qui avaient des revenus supérieurs à cette somme n'ont pas du tout été touchés par la progression à froid. On peut voir ces modifications sur le tableau de la page 18. Les revenus vers le haut ont subi moins de diminution en raison de la suppression de la progression à froid et des barèmes-rabais, précisément parce qu'ils se trouvaient trop hauts pour être touchés. Ensuite, les impôts spéciaux sur les gros revenus ont été introduits par voie de centimes additionnels qui n'étaient prélevés que sur l'impôt cantonal et qui ont été appliqués ensuite aux barèmes de base pour donner l'imposition que nous connaissions avant les décisions prises maintenant.

Nous sommes d'accord avec l'instrument de mesure mis en place, ce qui ne signifie pas que nous sommes satisfaits de la manière avec laquelle les impôts sont prélevés et des taux de progressivité. Mais il faut se mettre d'accord, quelles que soient notre option politique et notre conception de la perception fiscale, sur un instrument de mesure qui nous permet de discuter concrètement de la manière de modifier éventuellement, pour des raisons politiques, financières et économiques, les barèmes fiscaux. Nous pourrons le faire en toute connaissance en évitant l'introduction des multiples distorsions provoquées par les barèmes précédents.

Dernier problème qui mérite également d'être évoqué. Lors d'une modification d'un barème d'imposition de la fiscalité, on touche à des éléments tels que les déductions sociales sur le revenu. Il faut savoir si ces déductions doivent être effectuées avant le calcul de l'impôt, soit réduire le montant imposable, ou si elles doivent être effectuées sur la part de l'impôt à payer, ce qui est forcément différent. En effet, selon le système de modification que nous adopterons - il faut poursuivre ces réformes - la diminution et les déductions sociales sont très différentes au niveau du taux.

Aujourd'hui, paradoxalement, plus on gagne d'argent plus la diminution sociale est importante, puisqu'elle est toujours prise sur les tranches les plus élevées de la progression de l'impôt. On pourrait expliquer cela plus en détail, mais ce sont des problèmes compliqués qu'il faut traiter en commission. Les enjeux sont politiques. Aujourd'hui, rien n'est changé, mais ces problèmes restent en attente, car il faudra bien leur trouver des solutions.

Pour le moment, nous voterons cette modification technique qui permettra ensuite d'avoir un instrument beaucoup plus pointu et performant pour modifier l'assiette fiscale, ce qui me paraît nécessaire.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je vous remercie pour l'accueil réservé aux travaux de la commission fiscale sur ce projet extrêmement délicat et important. Vous devez vous rendre compte que vos collègues de la commission fiscale ont travaillé pendant de nombreuses séances avec l'appui - je le souligne - de l'université de Genève et du professeur Carlevaro et de son équipe d'assistants qui nous ont permis, par leur analyse mathématique, de mettre au point les formules qui se retrouvent dans la loi, d'une part, mais surtout de faire des simulations des résultats de ces formules pour vous, députés, et pour nous, Conseil d'Etat.

Aujourd'hui, par rapport au projet ambitieux que nous avions déposé, la première partie, dite technique, a abouti, comme on vient de le souligner. Cette partie répond exactement aux deux conditions posées par la commission fiscale de votre parlement, à savoir une double neutralité : neutralité au niveau global des revenus de l'Etat produits par la fiscalité - ce qui est le cas, puisque ces modifications n'apportent aucun revenu complémentaire à l'Etat - et neutralité de principe par rapport au contribuable individuel à quelques exceptions près - elles ont d'ailleurs été rappelées à juste titre ce soir - que l'on n'a pas pu corriger en raison d'une courbe extrêmement difficile résultant des ajouts successifs au fil des années. Cette double neutralité a été respectée.

Désormais, l'Etat de Genève est doté d'un instrument fiscal moderne qui va nous permettre d'adopter et d'adapter une politique fiscale aux souhaits de ce parlement. Dans le domaine social, précisément, il faudrait notamment savoir si une partie des déductions ne devrait pas porter sur le produit de l'impôt et non sur le revenu. D'autre part, il faudrait se déterminer sur une politique de la famille pour laquelle de multiples motions, résolutions et interventions de votre parlement, depuis plus d'une décennie, sont pendantes devant la commission fiscale de votre parlement. Grâce à la formule mathématique choisie, vous pourrez donc - ce que fera la commission fiscale d'ici quelques séances - reprendre le problème, notamment au niveau de l'imposition de la famille et débattre de problèmes tels que celui du quotient familial, du spleeting ou autres. Votre vote de tout à l'heure va permettre de doter l'Etat d'un instrument performant.

Je remercie Mme la rapporteuse de ce projet de loi - il était techniquement compliqué et les travaux ont été longs - de son rapport très clair. Je remercie les commissaires qui se sont penchés sur ces questions, ainsi que mes services de l'administration fiscale et de l'université. Dans certains domaines, nous avons tout à gagner à travailler - ce que nous faisons largement au département des finances - avec un certain nombre de départements de notre université.

Je vous remercie de faire bon accueil à ce projet et de le voter.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

loi

modifiant la loi générale sur les contributions publiques

(révision du mode de calcul de l'impôt)

(D 3 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 30 (nouveau)

Déductions

personnelles

1 Il est déduit du revenu net annuel de chaque contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé, un montant forfaitaire de 10 383 F.

2 Il est déduit du revenu net annuel de chaque contribuable marié, un montant forfaitaire de 20 662 F.

3 Les contribuables visés à l'article 32 C ne bénéficient pas des déductions des alinéas 1 et 2. Il en va de même pour le calcul de l'impôt dû en vertu de l'article 31 C.

Art. 30 B (nouveau)

Déduction

de veuvage

Il est déduit 2 000 F du revenu net annuel de chaque contribuable veuf âgé de plus de 60 ans et sans charge de famille.

Art. 31 A (nouvelle teneur)

Personnes seules avec enfant

1 Les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait et qui tiennent ménage indépendant avec leurs enfants mineurs à charge au sens de l'article 31, alinéa 3, lettre a, sont imposés selon l'article 32 B (barème B) et bénéficient de la déduction personnelle de l'article 30, alinéa 2.

2 Lorsque l'imposition selon le barème B prend fin parce que l'enfant devient majeur et que cet enfant constitue une charge de famille au sens de l'article 31, alinéa 3, lettre b, la déduction pour charge entière ou celle pour demi-charge prévue pour lui selon l'article 31 est majorée de 2 000 F, si le contribuable est seul à en assumer l'entretien sans contribution de l'autre parent.

Art. 32 (nouvelle teneur)

Structure

de l'impôt

1 L'impôt total de base dû par le contribuable sur la totalité de son revenu est égal à la somme de l'impôt dû sur chaque franc de ce revenu, après les déductions autorisées.

2 L'impôt dû sur chaque franc du revenu imposable est calculé en appliquant un taux d'imposition, appelé taux marginal, qui progresse de façon continue jusqu'à un taux d'imposition maximum.

3 Le taux effectif de l'impôt (appelé également taux réel ou taux moyen) s'obtient en divisant le montant total de l'impôt de base dû par le revenu imposable.

Art. 32 A (nouvelle teneur)

Taux de l'impôt

personne seule

(barème A)

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable du contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé, est déterminé par le barème A dont la formule mathématique figure à l'annexe A de la présente loi.

2 Le taux marginal minimum est de 0,22 %.

3 Le taux marginal maximum est de 19,00 %.

Art. 32 B (nouvelle teneur)

Taux de l'impôt

couple marié

(barème B)

1 Le taux marginal applicable à chaque franc du revenu imposable du contribuable marié, non séparé de corps ou de fait, est déterminé par le barème B, dont la formule mathématique figure à l'annexe B de la présente loi.

2 Le taux marginal du barème B est lié au taux marginal du barème A. Il croît entre les valeurs limites du taux marginal du barème A.

3 Le barème B est également applicable dans les cas prévus à l'article 31 A, alinéa 1.

Art. 32 C (nouveau)

Taux de l'impôt

cas spéciaux

Lorsque le contribuable n'est imposable dans le canton que sur une partie de son revenu en raison du statut dont il bénéficie ou dont son conjoint bénéficie en vertu de conventions ou accords sur les relations diplomatiques ou consulaires, ou accords de siège d'organisation internationales, les taux d'imposition applicables sont ceux du barème A.

Art. 33 (nouvelle teneur)

Adaptation au renchérisse-ment

1 Les barèmes fiscaux A et B sont adaptés, chaque année, en fonction de la variation de l'indice genevois des prix à la consommation.

2 Lorsque la situation économique générale l'exige ou la nature particulière du renchérissement le justifie ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat peut proposer, avec la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève, un projet de loi dérogeant au principe de l'indexation des barèmes.

Art. 33 A (nouveau)

Ajustement

des déductions

Lorsque l'indice genevois des prix à la consommation du mois de janvier a varié de 10% au moins par rapport au dernier ajustement, le Conseil d'Etat propose, avec la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève, un projet de loi ajustant les déductions prévues aux articles 21, lettres k, p et t, 30, 30 A, 30 B, 31 et 31 A alinéa 2.

Art. 33 B (nouveau)

Publication

des barèmes

Avant la fin de chaque année civile, le Conseil d'Etat publie, dans le règlement, la valeur de l'indice de renchérissement It mentionné à l'annexe C de la présente loi, les barèmes A et B de l'impôt sur le revenu (taux effectifs et impôts de base) pour des montants de revenu imposable jusqu'à un million de francs, ainsi qu'une illustration graphique des barèmes A et B (taux effectif et taux marginal).

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995, mais au plus tôt en même temps que la loi sur l'imposition des personnes morales, du ... (à préciser) et la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du... (à préciser).

Annexe A (Art 32 A)

Formule du barème A

1 La formule pour le calcul des taux d'imposition marginaux du barème A comporte deux membres de forme identique dont l'un entre pour 67% et l'autre pour 33% dans la formule.

tA(R) = 67% x t1(R) + 33% x t2(R)

où  t1(R) = tmin + (tmax-tmin)x [1- (1+R/Ct)-a1]

et   t2(R) = tmin + (tmax-tmin)x [1- (1+R/Ct)-a2].

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tA(R)désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque francs du revenu imposable (taux marginal du barème A);

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

tmin le taux d'imposition minimum (en %);

tmax le taux d'imposition maximum (en %);

Ct un paramètre destiné à l'adaptation du barème A au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

a1 et a2 deux paramètres de progressivité (nombres purs).

3 Le taux croît, entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres, commandant la courbe de progressivité du barème A:

tmin  = 0,22 %

tmax  = 19,00 %

a1 = 9108,17

a2 = 350,618

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème A donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500 000 F.

Annexe B (Art 32 B)

Formule du barème B

1 Le taux marginal du barème B est basé sur le taux marginal du barème A appliqué à la moitié du revenu imposable du contribuable marié. Ce taux est majoré en proportion de l'écart qui le sépare du taux marginal du barème A appliqué au revenu imposable total du contribuable marié. La proportion dans laquelle cet écart est pris en compte croît, entre deux limites, en fonction du revenu imposable et de deux paramètres commandant la courbe de progressivité de cette proportion:

tB(R) = tA(R/2) + q(R)x[tA(R+S)-tA(R/2)]

2 Les lettres et symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

tB(R) désigne le taux (en %) qui s'applique à chaque franc du revenu imposable (taux marginal du barème B);

tA(R) le taux d'imposition marginal du barème A;

R la valeur du franc imposé diminuée de 0,5 F;

S la différence entre la déduction personnelle pour un couple marié et la déduction personnelle pour une personne seule;

q(R) un facteur de pondération croissant en fonction du revenu, assurant la liaison du barème B avec le barème A, dont la valeur est comprise entre deux limites selon la formule suivante:

q(R) = qmin + (qmax - qmin) x [1- (1+R/2Ct)-b1]b2

b1et b2  désignent deux paramètres de progressivité du facteur de pondération q(R) (nombres purs);

Ct le paramètre technique utilisé dans la formule du barème A pour l'adaptation du barème au renchérissement (valeur en F), la lettre t désignant l'année d'acquisition du revenu;

3 Les paramètres fixes de la formule figurant à l'alinéa 1 ont les valeurs suivantes:

qmin = 0

qmax = 1

b1 = 61'982

b2 = 100'000

4 A titre illustratif et pour l'année de référence, l'application de la formule mathématique du barème B donne les courbes du taux effectif et du taux marginal suivantes. L'axe vertical exprime en pour cent le taux marginal, respectivement le taux effectif, et l'axe horizontal exprime en francs tous les niveaux de revenu imposable jusqu'à 500 000 F.

Annexe C (Art 33)

Calcul de l'adaptation des barèmes au renchérisse-ment

1 La formule pour le calcul de l'adaptation des barèmes A et B au renchérissement est la suivante:

Ct = Co x It

2 Les lettres et les symboles employés dans la formule ont la signification suivante:

Co est la valeur du paramètre d'adaptation des barèmes A et B au renchérissement pour l'année de référence, divisée par 100;

It un indice traduisant l'évolution du renchérissement entre l'année de référence et l'année d'acquisition du revenu, correspondant à la moyenne des indices mensuels genevois des prix à la consommation de septembre de l'année précédant l'année d'acquisition du revenu à août de l'année d'acquisition du revenu rapportée à l'indice du mois de juin de l'année de référence. Le rapport multiplié par 100 est arrondi à une décimale.

3 L'année de référence est 1993. Pour cette année:

Co =  532'568

I1993 = 100

 

La séance est levée à 19 h 10.