Séance du vendredi 23 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 33e séance

PL 7123
14. Projet de loi de Mmes et MM. Nicolas Brunschwig, Bernard Annen, Michel Balestra, Claude Blanc, Claude Basset, Daniel Ducommun, René Ecuyer, Jean-Pierre Gardiol, Bernard Lescaze, Sylvia Leuenberger, Jean Montessuit, Christine Sayegh et Claire Torracinta-Pache sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques (D 1 4). ( )PL7123

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Système de contrôle interne

(système qualité)

Article 1

But

1 Les services de l'Etat, ainsi que les établissements publics et les organismes subventionnés (ci-après entités), mettent en place un système de contrôle interne adapté à leurs missions et à leur structure, dans le but d'appliquer les principes de gestion mentionnés aux articles 2 et 3 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

2 Les communes s'inspirent des principes des chapitres I et II de la présente loi, sous réserve des dispositions particulières qui leur sont applicables.

Art. 2

Définition

1 Le système de contrôle interne est un ensemble cohérent de règles d'organisation et de fonctionnement et de normes de qualité qui ont pour but d'optimiser le service au public, la qualité des prestations et la gestion des entités et de minimiser les risques économiques et financiers inhérents à l'activité des entités.

2 La mise en place et la maintenance du système interne de contrôle incombe à la direction des entités.

Art. 3

Certification

Toute entité est encouragée à soumettre son système de contrôle interne à une autorité de certification désignée par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE II

Surveillance interne de la gestionadministrative et financière de l'Etat

Art. 4

Principes

1 La surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat est assurée par l'inspection cantonale des finances (ci-après l'inspection).

2 Elle exerce cette surveillance selon les critères de la régularité, de la légalité et de la rentabilité, ainsi que selon les principes généraux de la revision et de l'audit.

3 Elle examine, au titre de la rentabilité, si les ressources sont employées de manière économique; elle analyse le prix de revient des prestations.

4 L'inspection est à disposition du Conseil d'Etat et de la commission des finances du Grand Conseil dans leur exercice de la haute surveillance de l'administration.

Art. 5

Entités concernées

L'inspection exerce son activité :

a)

auprès des départements, de la chancellerie et de leurs services;

b)

auprès des institutions cantonales de droit public;

c)

auprès des institutions privées dans lesquelles l'Etat possède une participation financière majoritaire ou une représentation majoritaire au sein des organes supérieurs de l'institution;

d)

auprès de tout organisme privé bénéficiant d'une aide financière de l'Etat.

Art. 6

Compétences

1 L'inspection est notamment compétente pour:

a)

la revision des comptes;

b)

le contrôle des valeurs du patrimoine et des inventaires;

c)

l'examen par rapport au système de contrôle interne de la réalisation des objectifs de la gestion à tous les stades de leur exécution, sous les angles juridique, comptable, économique, financier, organisationnel et informatique;

d)

la surveillance et la coordination des activités de revision exercées par des organes internes ou externes désignés.

2 L'inspection participe à l'élaboration des prescriptions sur le contrôle, la revision, la comptabilité, le service des paiements et la tenue des inventaires.

Art. 7

Déroulement

1 L'inspection a tout pouvoir d'investigation. Elle effectue son contrôle de sa propre initiative, selon un programme qu'elle soumet au Conseil d'Etat ou sur mandat confié par le Conseil d'Etat.

2 Dans le cadre de l'exécution de son mandat, les dispositions légales sur le maintien du secret ne peuvent pas être invoquées vis-à-vis de l'inspection.

3 L'inspection peut s'adjoindre des spécialistes lorsqu'un mandat de surveillance nécessite des connaissances particulières.

Art. 8

Rapports et droit d'être entendu

1 Toute intervention de l'inspection donne lieu a un rapport.

2 Préalablement à la rédaction de son rapport, l'inspection clôt son examen par un entretien final avec les responsables de l'entité. Elle discute notamment des mesures correctives déjà prises ou à prendre.

3 Les rapports sont remis au chef du département dont dépend l'entité examinée et au chef du département chargé des finances.

Art. 9

Contrôles par des experts ou fiduciaires

1 Le Conseil d'Etat peut confier des missions relevant des compétences de l'inspection à des mandataires externes spécialisés.

2 Les entités ou organes des institutions ou sociétés, visés à l'article 5, lettres b et c, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confient directement de telles missions à des mandataires externes spécialisés.

3 Le Conseil d'Etat peut dispenser l'inspection d'intervenir simultanément dans ces cas. Il appartient néanmoins à cette dernière de prendre connaissance des rapports établis par les mandataires externes et de formuler toutes observations qu'elle juge nécessaires à ce sujet à l'autorité qui a confié la mission.

Art. 10

Obligation de renseigner en matière de contrôle de gestion

Si, lors d'une revision, les mandataires externes constatent des défauts, des erreurs ou des lacunes dans la gestion des entités contrôlées, ils doivent en saisir à bref délai, par un rapport séparé, soit le conseiller d'Etat duquel relève le service ou l'institution en cause, soit l'autorité qui a confié le mandat.

Art. 11

Organisation

1 L'inspection est autonome et indépendante. Administrativement, elle dépend du département chargé des finances

2 Elle est placée sous la direction d'un fonctionnaire nommé par le Conseil d'Etat. Ce dernier en informe la commission des finances du Grand Conseil.

3 Le personnel de l'inspection est assermenté. Il doit vouer tout son temps à sa fonction et ne peut accepter aucune autre fonction rétribuée d'ordre public ou d'ordre privé.

Art. 12

Pouvoir réglementaire

Le Conseil d'Etat fixe, par voie de règlement, l'organisation et le fonctionnement de l'inspection.

Art. 13

Rapport annuel

1 Au début de chaque année, soit jusqu'au 30 avril, l'inspection adresse au Conseil d'Etat un rapport résumant son activité durant l'exercice écoulé. Il mentionne en particulier:

a)

la liste des entités contrôlées avec mention de l'étendue des travaux effectués;

b)

les conclusions générales sur les constatations faites, notamment sur d'éventuelles irrégularités, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre;

c)

les conclusions auxquelles donnent lieu les rapports de mandataires externes dont il a pris connaissance ainsi que les observations éventuelles qu'il a formulées à ce sujet.

2 Ce rapport est communiqué à la commission des finances du Grand Conseil et à la commission d'évaluation des politiques.

3 La commission des finances du Grand Conseil peut appeler le chef de l'inspection à lui donner les renseignements complémentaires dont elle pourrait avoir besoin pour l'exercice de son mandat.

Art. 14

Devoir de secret des experts et du personnel des fiduciaires

1 Les experts et le personnel des sociétés fiduciaires sont tenus au secret de fonction. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.

2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.

CHAPITRE III

Evaluation des politiques publiques

Art. 15

Principes

1 Il est créé une commission externe d'évaluation des politiques publiques (ci-après commission d'évaluation), chargée de seconder le Conseil d'Etat et le Grand Conseil dans leurs tâches d'évaluation des politiques de l'Etat et des services publics, ainsi que des entités dépendant de l'Etat.

2 L'évaluation peut s'étendre aussi aux entités qui ne dépendent pas directement de l'Etat, mais qui sont subventionnées par lui.

Art. 16

Mise en oeuvre

1 La commission d'évaluation agit en principe sur la base et dans le cadre de mandats, limités dans le temps, qui lui sont confiés soit par le Conseil d'Etat, soit par la commission des finances du Grand Conseil.

2 De tels mandats peuvent porter notamment sur:

a)

l'évaluation des politiques publiques du point de vue des principes de la proportionnalité et de la subsidiarité,

b)

l'évaluation de l'organisation des administrations et entités publiques en regard des buts politiques que le législateur leur assigne;

c)

l'évaluation du rapport coût/utilité des prestations et des dépenses consenties par rapport aux effets escomptés.

3 Lorsqu'il s'agit d'une entité dépendant de l'Etat ou d'une entité qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, le mandat est donné exclusivement par le Conseil d'Etat, agissant soit de son propre chef, soit à la demande de la commission des finances du Grand Conseil.

4 La commission d'évaluation peut engager de son propre chef un projet d'évaluation, après en avoir informé le Conseil d'Etat et avoir discuté avec lui le but, la portée et les modalités d'exécution du mandat. Elle en informe également la commission des finances.

Art. 17

Relations avec les autorités

La commission d'évaluation entretient des contacts réguliers avec le Conseil d'Etat et la commission des finances.

Art. 18

Relations avec l'inspection cantonale des finances

Le président de la commission d'évaluation reçoit personnellement les rapports de l'inspection. Il juge de l'opportunité de les diffuser aux membres de la commission d'évaluation.

Art. 19

Composition

1 La commission d'évaluation est composée de 16 membres désignés par le Conseil d'Etat, après consultation de la commission des finances du Grand Conseil.

2 Les membres sont choisis parmi des personnalités représentatives de la diversité culturelle et sociale du canton et qui se sont acquis par leur formation ou leur expérience une large autorité dans le domaine de la gestion économique et politique.

3 Ces personnes sont indépendantes. Elles ne peuvent appartenir en particulier ni à l'administration cantonale, ni aux pouvoirs politiques de l'Etat de Genève, ni aux conseils d'entités dépendant à un titre ou à un autre de l'Etat, ni à l'administration d'établissements de droit privé dans lesquels l'Etat détient une participation lui conférant une influence prépondérante.

4 Les membres de la commission d'évaluation sont assermentés.

Art. 20

Durée du mandat

1 Les membres de la commission d'évaluation sont désignés pour une période de 8 ans non renouvelable.

2 L'organe est renouvelé par moitié tous les 4 ans.

Art. 21

Nomination du président

1 Le Conseil d'Etat nomme pour 4 ans le président de la commission d'évaluation parmi les membres de celle-ci après consultation de la commission des finances. Il est rééligible.

2 La commission d'évaluation règle elle-même son organisation interne et son mode de fonctionnement.

Art. 22

Secrétariat

1 La commission d'évaluation dispose des services d'un secrétaire permanent, qualifié dans les domaines de l'audit et de l'évaluation des politiques, qui dépend administrativement de l'inspection.

2 Le secrétaire de la commission d'évaluation a le statut d'agent spécialisé.

Art. 23

Honoraires

Les honoraires des membres de la commission sont fixés par le Conseil d'Etat.

Art. 24

Secret

1 Les membres de la commission d'évaluation sont tenus au secret de fonction, de même que les personnes qui les assistent. Ils ne peuvent en aucun cas, lors d'une activité étrangère à leur mandat, faire état de renseignements dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de ce mandat.

2 Ils sont également tenus de garder le secret même après la fin de leur mandat.

Art. 25

Désistement

Les membres de la commission d'évaluation doivent se désister lorsque l'exécution du mandat met en cause directement ou indirectement leur intérêt personnel ou celui de l'institution ou de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ou exercent une fonction de direction ou d'administration.

Art. 26

Pouvoirs d'investigation

1 La commission d'évaluation peut exiger de l'entité soumise à évaluation, la communication de tout dossier, document ou renseignement en sa possession.

2 Demeurent réservées les dispositions légales ou réglementaires relatives au secret de fonction.

3 Sur demande expresse de la commission d'évaluation, le conseiller d'Etat dont dépend l'entité soumise à évaluation peut délier un fonctionnaire du secret de fonction.

Art. 27

Experts

1 La commission d'évaluation peut s'entourer de l'avis d'experts si elle juge nécessaire leur intervention pour l'exécution d'un mandat d'évaluation.

2 Dans ce cas, elle établit un budget qu'elle soumet à l'approbation du Conseil d'Etat.

Art. 28

Auditions

1 La commission d'évaluation établit la liste des personnes qu'il souhaite auditionner dans le cadre de l'exécution d'un mandat. Il adresse cette liste au conseiller d'Etat concerné, une semaine au moins avant l'audition.

2 Les personnes interrogées reçoivent le procès-verbal de l'audition. Elles peuvent apporter des observations à ce document dans un délai de 5 jours après réception.

Droit de réplique

3 Une fois que la commission d'évaluation a rédigé ses recommandations, elle les adresse à la direction des entités directement concernées. Celle-ci dispose d'un mois pour présenter son avis qui est consigné en annexe du rapport de la commission d'évaluation.

Art. 29

Rapports

1 La commission d'évaluation adresse ses rapports au Conseil d'Etat et à la commission des finances lorsque celle-ci est à l'origine du mandat.

2 Le rapport mentionne la méthode de travail, dresse la liste des personnes auditionnées et présente des recommandations et des propositions, ainsi que les mesures correctives déjà prises ou à prendre.

3 Au cas où l'exécution du mandat requiert un délai prolongé, la commission d'évaluation peut établir un ou plusieurs rapports intermédiaires.

4 Préalablement à l'établissement de son rapport, la commission d'évaluation fait connaître au Conseil d'Etat ou au conseiller d'Etat intéressé les conclusions auxquelles elle aboutit.

5 Une fois par an au moins, le Conseil d'Etat renseigne le Grand Conseil et la commission d'évaluation sur les mesures qu'il a prises pour faire suite aux conclusions et propositions contenues dans les rapports de cette dernière.

Art. 30

Suite d'un rapport demandé par la commission des finances

1 Lorsque la commission des finances du Grand Conseil confie elle-même un mandat à la commission d'évaluation, soit directement, soit par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, elle met en délibération le rapport.

2 Elle transmet ensuite ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il se prononce par écrit à ce sujet.

3 Si le rapport concerne une entité dépendant de l'Etat, ou qui, sans en dépendre, est subventionnée par lui, la réponse du Conseil d'Etat mentionne l'avis de l'entité en cause.

Art. 31

Rapport

annuel

1 La commission d'évaluation établit chaque année son rapport d'activité qu'elle adresse au Conseil d'Etat avant le 31 mars. Ce dernier le communique au Grand Conseil pour information.

2 Le rapport annuel contient au moins le mandat et les conclusions des rapports déposés durant l'année.

CHAPITRE IV

Dispositions particulières et finales

Art. 32

Missions d'organisation

1 Le Conseil d'Etat peut confier à un service de l'Etat, ou à des mandataires externes spécialisés, des missions d'organisation.

2 Les entités ou organes des institutions visés à l'article 5, lettre b et c, peuvent également, chacun pour leur part et avec l'accord du Conseil d'Etat, confier de telles missions à des experts ou à des sociétés fiduciaires.

Art. 33

Clause abrogatoire

La loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion, du 7 mai 1976, est abrogée.

Art. 34

Modification à une autre loi    (D 1 9)

La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit:

Art. 72 (abrogé)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi est déposé par les membres de la commission des finances du Grand Conseil.

Elaboré sur son mandat par les services du département des finances, il renforce les organes de contrôle, de surveillance et d'évaluation de l'Etat, leur indépendance et leurs pouvoirs d'investigation.

Il comble plusieurs lacunes de la loi actuelle sur le contrôle financier et le contrôle de gestion. Il instaure un contrôle de gestion permanent, fondé, d'une part, sur la certification des systèmes de contrôle interne des services par un organe spécialisé extérieur à l'administration et, d'autre part, sur l'examen par l'organe de surveillance interne dont les prérogatives sont étendues aux notions de rendement et de rentabilité.

Le présent projet de loi renforce également les pouvoirs de la commission de contrôle de gestion qui devient la commission externe d'évaluation des politiques publiques. Son champ d'activité est élargi, ce qui justifie le changement d'appellation. Ses compétences s'étendront de l'examen classique des coûts des services publics en regard de l'utilité des prestations jusqu'à et y compris l'examen de l'efficacité des lois, la répartition des tâches entre les secteurs privé et public et entre les collectivités, selon les principes de la subsidiarité et de la proportionnalité.

En outre la commission d'évaluation des politiques pourra décider seule de l'ouverture d'une enquête. Les conclusions de ses rapports seront rendues publiques une fois par an.

Le présent projet de loi reprend les propositions évoquées en commission. Il s'inspire en outre et fait la synthèse :

a) des propositions de la commission de contrôle de gestion;

b) des propositions du contrôle financier cantonal;

c) des réflexions issues de l'étude des motions 734 et 822 notamment;

d) des recommandations des instances académiques et professionnelles en matière de contrôle de gestion et d'évaluation.

Le présent projet de loi a pour but de remplacer la loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion, du 7 mai 1976 (D 1 4). Il s'inscrit dans le droit fil de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 13 octobre 1993 (D 1 9), en marge du traitement de l'initiative 100 «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève».

L'efficacité, la rationalité et l'économie sont des principes de gestion et d'évaluation qui s'imposent aux responsables des affaires publiques comme à ceux des affaires privées. Toutefois, la nature particulière les biens et des services publics, notamment l'absence d'un marché et d'une concurrence, le statut du personnel et les mécanismes politiques de choix et de régulation exigent de la part des services et des administrations publics une vigilance accrue de leurs modes de fonctionnement.

Les experts de l'OCDE notent deux grands dénominateurs communs à l'évolution des modes de gestion du secteur public : l'accent mis sur la mesure de la performance et les résultats et une plus grande souplesse de gestion grâce à une délégation des responsabilités de gestion des entités et agences publiques. Cependant, relève encore l'OCDE, «les efforts d'évaluation restent largement ad hoc et inadéquats dans la plupart des pays». (Evolution dans la gestion publique, Examen 1993, OCDE, Paris 1993.)

Les travaux de la commission des finances s'inscrivent donc dans un effort de longue haleine auquel s'attellent les collectivités publiques de tous les pays et qui visent à donner aux services publics une culture davantage axée sur les prestations et la satisfaction des usagers.

Le présent projet de loi tire sa légitimité d'une conjonction de quatre groupes d'événements:

1. Sensibilisé par les déficits considérables des comptes d'Etat depuis 1989, le Grand Conseil a adopté plusieurs motions enjoignant le Conseil d'Etat de lui faire rapport sur les moyens propres à améliorer la gestion économique, budgétaire et financière de l'Etat.

2. La commission des finances a étudié, pour sa part, au cours de nombreuses séances durant le premier semestre 1993, une loi sur la gestion administrative et financière, loi qui est entrée en vigueur au 1er janvier 1994. Au cours de ces travaux, plusieurs commissaires ont évoqué, à réitérées reprises, la problématique du contrôle de gestion.

3. L'initiative 100 «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève», demandant de soumettre l'Etat à un audit global, en cours d'examen, manifeste également cette exigence populaire forte d'une saine gestion des finances publiques.

4. Enfin, l'examen des derniers rapports de la commission de contrôle de gestion et les débats en commission ont montré que le contrôle de gestion actuel fondé sur un principe de milice devait être renforcé et rendu permanent et plus efficace. Les commissaires ont souhaité accroître l'indépendance des organes de surveillance, leur donner des moyens adéquats, augmenter la publicité des rapports et étendre le domaine des contrôleurs à l'évaluation des politiques et aux notions de coût/utilité des prestations publiques et de rentabilité.

La commission des finances a ainsi procédé à un examen général de la situation, elle a auditionné la commission de contrôle de gestion, ainsi que le comité de l'initiative 100, elle s'est enquise des procédures de contrôle en cours au niveau fédéral.

Elle a finalement acquis la conviction qu'une révision totale de la loi sur le contrôle financier cantonal et le contrôle de gestion pouvait constituer une réponse adéquate à l'ensemble des requêtes et des revendications déposées, y compris les exigences de l'initiative 100. Elle souligne que cette révision est le complément indispensable à la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève et s'inscrit dans un environnement général qui voit partout le renforcement des pouvoirs des organes de contrôle et de surveillance tant internes qu'externes.

Les groupes politiques et la commission de contrôle de gestion ont alors présenté une série d'amendements. Le département des finances s'est ensuite vu confier la tâche de reprendre ses matériaux et de rédiger un projet de synthèse.

Au total depuis le 12 janvier 1994, date du début des travaux de la commission des finances sur ce sujet, le projet a été discuté durant onze séances exactement.

Finalement tous les groupes se sont mis d'accord pour déposer le présent projet de loi devant le Grand Conseil.

Architecture du projet de loi

Le projet s'articule autour de 3 idées-forces:

a) l'introduction d'un système de normes de contrôle du fonctionnement des services et leur certification par un organisme spécialisé extérieur aux administrations;

b) la surveillance de la gestion administrative et financière avec un accent sur la révision des comptes, d'une part, et sur les notions de rendement et de rentabilité économique, d'autre part;

c) l'évaluation des politiques, il s'agit là d'un domaine nouveau qui doit offrir au Conseil d'Etat et au Grand Conseil un instrument approprié de mesure du succès ou de l'échec d'un programme ou d'une politique par rapport aux dispositions légales et budgétaires votées.

L'évaluation des politiques

C'est le principe le plus novateur de la loi. Il est le complément indispensable du contrôle de gestion. Cette dernière fonction fait l'objet elle-même d'un redéploiement; d'une fonction exercée par une commission de milice, elle prend la dimension d'une fonction permanente.

Le contrôle de la gestion est en premier lieu placé sous la responsabilité des services eux-mêmes. Il leur appartient de s'organiser en conséquence et se doter des instruments nécessaires. C'est d'ailleurs le but poursuivi par le système de contrôle interne (voir plus bas). La surveillance de la gestion est exercée, à un deuxième niveau, par le contrôle financier cantonal que la commission des finances a souhaité renommer «Inspection cantonale des finances» en raison précisément de l'élargissement de ses compétences. A un troisième échelon, la commission de contrôle de gestion, elle aussi rebaptisée, conserve ses compétences dans le domaine de l'examen des coûts du service public, mais cet examen s'étend aussi à l'évaluation concomitante de l'utilité de la prestation, de sorte que les 2 faces du rapport coût/bénéfice soient bien appréciés.

La commission de contrôle de gestion demeure l'organe extérieur supérieur d'examen du fonctionnement de l'Etat.

Sa nouvelle appellation de commission d'évaluation des politiques marque la volonté de la commission des finances d'ouvrir un nouveau champ à l'investigation des sages, précisons que ces nouvelles attributions ne limitent en rien le domaine de compétence actuel des experts. Une lecture attentive de l'article 16 du projet de loi démontre, en effet, que les prérogatives de la commission d'évaluation s'étendent bien du contrôle de gestion à l'examen de questions plus vastes et plus complexes, telles que la pertinence, l'efficacité, la rationalité de la répartition des tâches entre le secteur public et le secteur privé, la répartition des tâches entre les collectivités publiques entre elles, l'évolution des dépenses publiques par habitant, etc.

En outre, ce même article 16 consacre le principe de l'indépendance de la commission d'évaluation qui obtient le droit d'ouvrir une enquête de sa propre initiative. Le principe de publicité est également renforcé par la publication annuelle d'un rapport d'activité qui devra contenir au moins les mandats et les conclusions des rapports spécifiques.

Enfin, la création d'une fonction de secrétaire, expert en matière d'évaluation, augmentera sensiblement l'efficacité du travail de la commission tout en soulageant ses membres d'un certain nombre de travaux rédactionnels.

L'évaluation des politiques est une activité relativement nouvelle en Suisse. A ce jour, seul le parlement fédéral s'est doté d'un tel organe.

L'université de Genève conduit cependant, depuis plusieurs années, sous la direction du professeur Charles-Albert Morand, des travaux relatifs à cette problématique avec un accent particulier sur l'évaluation législative. Selon une communication récente que le professeur Morand a eu l'occasion de donner à l'invitation du Sénat français, les motifs qui militent en faveur du développement d'un tel instrument d'évaluation sont les suivants :

a) le souci d'assurer l'effectivité des lois et de freiner la croissance inflationniste des textes;

b) le souci de choisir des instruments d'actions plus adéquats qui prennent du champ par rapport à la législation autoritaire, laquelle mélange objectifs et moyens, et prétend dicter une conduite pour des décennies;

c) le besoin de réduire l'incertitude provoquée par une législation de type interventionniste cherchant à influencer des systèmes sociaux autonomes. Ce besoin de sécurité a débouché sur le développement des études d'impact préalables ou consécutives;

d) l'idée de favoriser l'apprentissage. C'est toute la problématique des lois expérimentales permettant d'acquérir une meilleure connaissance d'un domaine d'intervention et d'établir un consensus progressif autour d'une réforme qui ne fait pas l'unanimité.

Disposant de compétences académiques reconnues dans ce domaine, le canton de Genève pourrait favoriser l'acquisition indispensable d'expériences concrètes, nécessaires au développement d'un pôle d'excellence en matière d'évaluation.

La surveillance de la gestion administrative et financière

La création d'une inspection cantonale des finances correspond au développement récent des organes de contrôle interne dont la tâche s'étend aux notions de rendement et d'efficacité. Cette nouvelle dénomination s'accorde d'ailleurs pour partie avec la pratique actuelle du contrôle financier cantonal qui, pour exercer sa mission de révision, développe des activités d'audit de rendement et d'efficacité, notamment en matière informatique.

Cette nouvelle approche est préconisée par le «Manuel suisse de révision», en particulier dans son nouveau chapitre «Administration publique» dont la rédaction (confiée notamment au chef du contrôle des finances du canton de Berne) vient d'être achevée.

Il apparaît, en effet, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, qu'un dysfonctionnement de type organisationnel ou qu'un défaut d'objectifs clairs peut entraîner de graves conséquences financières. Il est dès lors pleinement justifié d'étendre le champ d'examen de l'inspection interne au fonctionnement d'un service en regard du système de contrôle interne qu'il s'est donné. Une bonne organisation est non seulement source d'économies, mais aussi facteur de réduction des risques spécifiques à chaque activité.

Un tel mandat est en outre conforme aux recommandations de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI) qui souligne la nécessité d'étendre la révision à l'examen de la rentabilité au sens large, ainsi que d'accroître l'indépendance et les moyens des organes de contrôle.

Le système de contrôle interne

Le système de contrôle interne est un mode d'organisation dans lequel chaque collaborateur est responsable de la qualité du produit livré, peu importe que le produit soit fini ou non que son interlocuteur soit un collègue, un supérieur, un autre service ou un usager du service publique. Dans chaque cas, en effet, il le considère comme un client qu'il a pour mission de satisfaire. Symétriquement, lorsque lui-même est client, il est en droit d'attendre d'un collègue, d'un supérieur, d'un autre service ou d'un fournisseur extérieur une prestation de qualité.

Le système de contrôle interne est donc un ensemble de règles d'organisation et de normes de gestion et de comportement que se donne une entreprise ou une administration à partir d'un cadre général (à l'Etat, la loi sur la gestion administrative et financière et ses directives et les règles de procédure) et dont le respect intelligent garantit la qualité des processus de «production» et, partant, la qualité des prestations livrées.

Le système de contrôle interne peut comporter divers instruments de gestion (charte, cahiers des charges, controlling, qualité totale, contrôle interne, etc.). Chaque entité est responsable d'adapter ces instruments à ses besoins selon le principe de la proportionnalité et de l'économie des moyens. En effet, si le contrôle diminue le coût du risque, il augmente le coût opérationnel.

La certification

Dans le secteur privé, le marché joue un rôle déterminant de sélection des entreprises. Cependant, même dans le secteur privé, la complexité croissante de l'organisation économique, l'obligation de satisfaire le client non seulement par le meilleur rapport qualité/prix possible, mais aussi celle d'anticiper ses besoins, de lui garantir une livraison dans les délais, de livrer des marchandises ou des services sans défaut, non polluants tout au long de la chaîne de production-consommation-élimination, pousse les entreprises à soumettre leur système de production à l'inspection régulière d'organismes spécialisés et indépendants.

Une telle démarche correspond à une assurance qualité. De plus en plus d'entreprises offrent cette garantie à leur clientèle, au public, à leurs actionnaires. Certaines s'en servent même comme argument de vente et élément constitutif de leur image de marque.

Cette évolution résulte finalement du constat que le prix qui a valeur traditionnellement d'indicateur sur le marché n'est plus toujours suffisant. Les clients ne se contentent plus du rapport qualité/prix standard, ils réclament des garanties supplémentaires sur les conditions de production, de commercialisation et d'élimination des produits.

En s'ouvrant au monde de la certification, l'Etat démontre qu'il ne craint pas de se mesurer aux exigences qui sont celles de l'économie générale. Il offre donc une garantie d'efficacité.

Commentaire article par article

Chapitre I

Système de contrôle interne (système qualité)

Art. 1But

Le contrôle financier est une activité bien définie et largement codifiée tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Le contrôle de gestion a pour but d'examiner si les ressources sont employées de manière économique et si le coût calculé des prestations est proportionnel à leur utilité, examen qui n'est pas toujours évident dans le secteur public en raison de la nature généralement non commerciale des prestations.

Le contrôle de gestion applique des règles qui laissent une large part à l'interprétation et qui sont souvent liées à la nature des prestations livrées et au contexte économique, social et politique. Il s'avère donc nécessaire de fonder le contrôle de gestion sur l'examen d'un système de contrôle interne qui renvoit la responsabilité de la gestion aux services eux-mêmes et celle de la qualité à chaque collaborateur.

Art. 2Définition

Le système de contrôle interne ne présente en soi aucune innovation. Il est assimilable à des règles de gestion dont le but est le pilotage d'un système de production de biens et de services et la finalité de garantir l'excellence d'un service, la qualité totale des prestations, la maîtrise des coûts.

Art. 3Certification

Tout système de contrôle interne peut être certifié par un organisme habilité. la notion de certification répond au constat que toute entité n'est jamais assez vigilante à l'égard de son système de contrôle interne, y compris de la qualité de ses prestations.

Cette constatation est particulièrement vérifiée dans les systèmes publics qui ne subissent pas la pression de la concurrence. En principe, l'organe de certification est extérieur et indépendant.

Chapitre II

Surveillance interne de la gestion administrative et financière de l'Etat

Art. 4Principes

Le terme «surveillance» a été préféré au terme «contrôle» utilisé dans le premier chapitre. Il est nécessaire d'éliminer autant que possible le risque d'ambiguïté. Le mot «contrôle» prend, en effet, dans le monde des gestionnaires, chaque jour davantage le sens anglo-saxon de maîtrise, pilotage, direction, commande, ajustement continu. C'est dans ce sens que le mot contrôle est utilisé dans le premier chapitre.

La notion classique de contrôle renvoie au «contre rôle», à la tenue à double des registres. Il s'agit suvent d'un acte de vérification formelle. Lorsqu'il est exercé par un tiers étranger au service, le contrôle est perçu comme une fonction statique qui intervient après l'achèvement d'un processus. La surveillance, en revanche, s'inscrit dans une dynamique. Elle vise en priorité à responsabiliser les chefs de service à travers la mise en oeuvre et le respect du système de contrôle interne et non à jouer un «contre rôle».

Le terme «inspection» désigne l'autorité chargée de la surveillance permanente des comptes et de la gestion.

L'inspection exerce son mandat selon différents points de vues. Un dysfonctionnement de type organisationnel peut en effet avoir des conséquences financières directes ou indirectes non négligeables. C'est la raison pour laquelle, fidèle à la tendance relevée dans plusieurs cantons et à la Confédération, la commission des finances a ajouté au rôle traditionnel du contrôle financier des compétences pour vérifier:

a) si les ressources sont employées de manière économique;

b) si la relation entre les coûts et l'utilité est correcte;

c) si les dépenses consenties ont l'effet escompté.

Ces notions sont mentionnées à l'alinéa 3 du présent article et à l'alinéa 1, lettre c, de l'article 16.

Art. 5Entités concernées

L'article 5 reprend l'article 1 de la loi actuelle avec quelques simplifications.

Art. 6Compétences

Cet article comble une lacune du système actuel et institue un contrôle de gestion permanent. L'évolution récente tend très clairement à attribuer au contrôle financier des compétences en matière de contrôle de rentabilité. Cette évolution s'inscrit dans la logique d'une intégration forte du contrôle au processus de production.

Le contrôle interne traditionnel, le contrôle de caisse et l'inventaire sont des fonctions assumées par des personnes désignées par les services en fonction de leur système de contrôle interne.

L'alinéa 2 consacre une pratique courante. La direction du contrôle financier cantonal a été étroitement associée à l'élaboration de la présente loi comme à celle de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève.

Art. 7Déroulement

Cette disposition est reprise de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève. L'organe de surveillance peut intervenir à tout moment (en respectant bien entendu le principe de la proportionnalité).

La remise d'un programme au Conseil d'Etat n'a qu'une portée informative, elle ne saurait réduire les droits d'intervention de l'inspection, ni son indépendance.

Art. 8Rapports et droit d'être entendu

Le principe du rapport et celui de la discussion finale figurent actuellement à l'article 9 du règlement de la loi actuelle.

Art. 9Contrôles par des experts ou fiduciaires

L'article reprend les termes de l'article 4 de la loi actuelle.

Art. 10Obligation de renseigner

Reprise de l'article 6 actuel, il n'est plus nécessaire de spécifier l'obligation de renseigner pour l'inspection, puisque son mandat s'étend désormais au contrôle de gestion.

Art. 13Rapport annuel

L'article 13 reprend les principes évoqués aujourd'hui par l'article 5 et répond au souhait de la commission de contrôle de gestion.

Chapitre III

Evaluation des politiques publiques

Art. 15Principes

Cet article renforce et élargit les pouvoirs de l'organe extérieur d'examen.

Les attributions de la commission externe d'évaluation portent sur l'évaluation des politiques.

La démarche d'évaluation peut s'intéresser à toutes les raisons des dysfonctionnements constatés, qu'ils soient d'origine économique, législative, politique ou structurelle. La commission pourra examiner, par exemple, la pertinence de la répartition des tâches entre le secteur privé marchand, le secteur privé bénévole et le secteur public, entre les collectivités publiques elles-mêmes, l'organisation des services et les méthodes de travail, le rapport coût/utilité des prestations, l'évolution des dépenses publiques par habitant en comparaison intercantonale, etc.

Art. 16Mise en oeuvre

La commission d'évaluation des politiques pourra ouvrir une enquête de sa propre initiative. Il s'agit d'une innovation importante qui accroît sensiblement le pouvoir de la commission.

La discussion préalable avec le Conseil d'Etat ne doit pas restreindre la portée de cette disposition, elle a pour but au contraire de coordonner et d'ajuster la lettre de mission et d'assurer ainsi une qualité optimale du rapport final.

Au surplus, l'article 16 reprend le libellé de l'article 9 actuel, à l'exception des termes «exclusivement» et «spéciaux».

Art. 20Durée du mandat

Le principe d'un seul mandat d'une certaine durée garantit à la fois la pérennité de la commission et l'indépendance de ses membres.

Art. 21Nomination du président

L'article 21 reprend le libellé de l'article 12 de la loi actuelle, en ajoutant que le Conseil d'Etat consulte la commission des finances avant la nomination du président.

Art. 22Secrétariat

La mise à disposition de la commission d'évaluation d'un(e) secrétaire permanent(e) qualifié(e) dans les domaines de l'évaluation législative et de l'évaluation des politiques est une proposition nouvelle. Elle a pour but d'améliorer l'efficacité du travail de la commission.

Le statut d'agent spécialisé, prévu à l'alinéa 2, limite la durée du mandat à deux périodes de 4 ans. Ainsi évitera-t-on à la fois le risque d'une prise de pouvoir du titulaire et celui de la routine.

Art. 24Secret

L'article 24 reprend l'article 15 de la loi actuelle sans modification.

Art. 28Auditions

Il s'agit d'une procédure nouvelle qui a pour but d'informer les départements sans porter préjudice au pouvoir d'investigation de la commission d'évaluation.

L'alinéa 3 est également une nouvelle disposition. Elle propose une solution plus adéquate en permettant un droit de réplique des entités avant l'établissement du rapport définitif.

Art. 24Secret

L'article 24 reprend l'article 15 de la loi actuelle sans modification.

Art. 29Rapports

L'article 29 reprend pour l'essentiel le libellé de l'article 21 de la loi actuelle.

Art. 31Rapport annuel

Entre le principe général de publicité des rapports de la commission d'évaluation et une confidentialité nécessaire à l'établissement d'une certaine relation de confiance entre la commission d'évaluation et les services, l'article 31 opte pour la voie médiane du rapport annuel, dans lequel figurent au moins le mandat et les conclusions des rapports particuliers.

Chapitre IV

Dispositions particulières et finales

Art. 32Missions d'organisation

Cet article reprend des dispositions existantes.

Art. 33Clause abrogatoire

Le présent projet de loi remplace la loi sur le contrôle financier et le contrôle de gestion.

Art. 34Modification à une autre loi

L'article 72 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève est repris sans modification aux articles 7 et 11 du présent projet de loi.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Préconsultation

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Si ce projet de loi provient de la nécessité, entre autres, de répondre à l'initiative 100 «Halte aux déficit», c'est également une réponse à notre motion 696, devenue 734, suite à des amendements, ainsi qu'à notre motion 822 qui demandait, en substance, une méthode de contrôle de gestion de l'administration, la mise en place d'un système d'audit pour évaluer les pratiques administratives, l'établissement des coûts réels des différentes prestations, l'analyse du rapport entre ces coûts et la qualité des prestations offertes par l'Etat, et, enfin et surtout, de faire appel à l'initiative et à la responsabilité des collaborateurs de l'administration pour étudier dans chaque département la possibilité de rationaliser les dépenses.

Le projet de loi qui vient d'être déposé et qui a fait l'objet d'un travail approfondi répond en grand partie à nos préoccupations, aussi nous l'acceptons.

Deux points ont toutefois été un peu laissés de côté et nous proposerons des amendements éventuellement en commission, je veux parler de la participation et de la responsabilité des collaborateurs de l'Etat, d'une part, et, d'autre part, du rapport qualité/prix. Si nous disons «oui» au contrôle du budget, à la rationalisation des dépenses et aux économies, nous pensons que le simple calcul financier qui consiste à supprimer une prestation n'est pas suffisant. Il faut évaluer le rapport «qualité des prestations offertes» et «besoins de la population». Parfois, même si le prix est élevé, cela devient un facteur secondaire devant la nécessité de garder un service pour la population.

Par conséquent, ces deux facteurs «rapport qualité» et «responsabilité des fonctionnaires» devront être revus dans ce projet de loi.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Ce projet de loi résulte, en fait, de l'insatisfaction constante et répétée des membres de la commission des finances qui ne peuvent pas assumer pleinement leur rôle, à savoir le contrôle des comptes et de la gestion du Conseil d'Etat. Ce contrôle est devenu extrêmement important en période de restrictions budgétaires où des choix politiques sont proposés, choix qu'il faudrait pouvoir faire en toute connaissance de cause, ce qui est malheureusement rarement le cas, même si les fonctionnaires et les conseillers d'Etat jouent le jeu de la transparence et de l'information.

Nous sommes une commission formée de députés de milice, et nous sommes souvent en position de faiblesse face à l'administration et au Conseil d'Etat. C'est pourquoi l'idée d'avoir des instruments plus performants à disposition, concernant à la fois un contrôle interne de la gestion financière et administrative de l'Etat ainsi qu'un contrôle externe chargé d'évaluer les politiques publiques, a recueilli l'appui de tous les groupes politiques.

Pour le groupe socialiste - et c'est ce qui me différencie de ma collègue, Mme Leuenberger - cette réflexion s'est amorcée bien avant le dépôt de l'initiative 100, et nous l'aurions menée avec ou sans cette dernière. Nous nous battrons pour que cette loi soit défendue en tant que telle et non pas uniquement comme un éventuel contreprojet à l'initiative 100.

Si des amendements doivent encore être présentés, nous les discuterons en commission des finances à laquelle je vous recommande de renvoyer ce projet.

M. Bernard Clerc (AdG). Au départ de ce projet de loi existait la volonté d'améliorer l'efficacité de la commission de contrôle de gestion. C'est ce qui avait motivé le travail au sein de la commission des finances et le rapport avec l'initiative 100 intitulée «Contre les dépenses abusives de l'Etat». Evidemment, nous nous y opposons fermement.

En fin de course, malheureusement, nous sommes arrivés à un projet de loi qui peut être à certains égards utilisé comme une machine de guerre contre le service public.

Je m'explique. En lisant l'exposé des motifs, nous nous apercevons que l'on parle constamment de notion de rendement, de rentabilité, de répartition des tâches entre les secteurs public et privé - ce qui ouvre évidemment largement la voie à des privatisations - de subsidiarité, de proportionnalité - mais on ne dit pas par rapport à quoi - et, du coup, d'utilité des prestations publiques. Nous sommes favorables à l'amélioration de l'efficacité du secteur public, mais nous pensons que cette amélioration passe par la participation du personnel, par l'allégement de la hiérarchie et en facilitant l'initiative de ce même personnel. C'est là qu'existent réellement des gains de productivité importants.

La lecture de l'exposé des motifs donne également l'impression que l'on arrive à un glissement où, finalement, l'organe d'évaluation des politiques publiques - quasiment par un audit qui serait censé être neutre - aboutirait, en fait, à proposer des solutions qui mettraient le parlement devant des faits accomplis, et nous n'aurions pas d'autre choix, au nom de la soi-disant objectivité ou analyse scientifique, que ceux proposés par cette commission.

Dans ce sens, nous exprimons donc les plus grandes réserves à propos de ce projet de loi.

M. Nicolas Brunschwig (L). Dans ces périodes extrêmement difficiles financièrement parlant, il paraît adéquat d'avoir des outils qui correspondent à la meilleure gestion possible. C'est sans doute dans cet ordre d'idée que l'année passée nous avons voté à l'unanimité, sauf erreur, une loi de finance - nous pouvons l'appeler ainsi - et cette année la commission des finances à la quasi-unanimité a décidé de déposer ce projet de loi qui renforce, restructure le système de surveillance de la gestion de l'évaluation des politiques publiques.

Cette loi est basée sur un triple niveau :

- Tout d'abord la volonté de renforcer et de responsabiliser les services eux-mêmes par rapport à cette tâche. Ce premier élément répond déjà au souci évoqué par Mme Leuenberger. Nous examinerons avec grand plaisir ce point pour voir si nous pouvons aller encore plus loin dans le cadre des travaux que nous aurons en commission.

- Le renforcement de l'inspectorat interne qui s'appelle pour l'instant le contrôle financier cantonal. Manifestement, cet organisme a des compétences et des possibilités pour effectuer un travail plus approfondi, qui ne s'arrête pas exclusivement à un strict contrôle financier. Ce service peut donner une appréciation sur la qualité de la gestion et des productivités des différents services de l'Etat, comme cela se fait d'ailleurs dans beaucoup d'organismes.

- Une commission externe qui existe actuellement sous le nom de commission de contrôle de gestion. Dans le cadre de ce projet de loi, elle a un nouveau nom, mais ce n'est pas un changement aussi fondamental que certains ont bien voulu le laisser entendre dans leurs déclarations. Il s'agit manifestement d'un renforcement des possibilités, de l'efficacité et des pouvoirs de cette commission externe.

C'est pour toutes ces raisons que le groupe libéral soutient ce projet de loi et se réjouit de l'examiner en commission.

M. Claude Blanc (PDC). Ce projet de loi est l'émanation de la presque totalité de la commission des finances. Nous étions d'ailleurs tous d'accord et, finalement, l'Alliance de gauche n'a pas cru devoir nous suivre. C'est dommage !

Monsieur Clerc, vos propos m'ont étonné. Vous avez le sentiment que ce projet de loi pourrait être utilisé comme une machine de guerre contre le service public, si j'ai bien compris ? Mais, Monsieur Clerc, la meilleure défense du service public, c'est son excellence. Si nous voulons le rendre excellent - parce que tout est perfectible - nous devons nous donner les moyens d'y parvenir. En essayant de faire apprécier la qualité du service public par des gens qui lui sont étrangers, mais qui ont, eux, l'expérience de la vie et de la conduite sérieuse d'affaires qui marchent, je crois que nous n'avons rien à craindre. D'ailleurs, nous aurons toujours le contrôle politique des résultats que l'on nous soumettra et nous ne pourrons que nous féliciter d'avoir des éléments qui, en tant que parlementaires de milice, comme le disait tout à l'heure Mme Torracinta-Pache, nous échappent. Personne n'a rien à craindre, à mon avis, à tout mettre à la lumière et à essayer d'améliorer le fonctionnement des services de l'Etat. Vous avez un vieux réflexe conservateur vis-à-vis du service public, mais si ce dernier est bon - je le répète - il n'a rien à craindre.

La commission de contrôle de gestion rajeunit son look, au propre et au figuré. On voudrait que ses membres s'investissent davantage. Un des éléments de ce projet de loi est qu'il faut les rendre indépendants par le fait qu'ils seront désignés pour huit ans et qu'ils ne seront pas rééligibles. Cela veut dire qu'ils n'auront pas peur de déplaire à l'autorité qui les a nommés. C'est une bonne garantie. La nomination d'un secrétaire permanent spécialiste en la matière permettra de structurer et de suivre les travaux. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat pourront en cueillir les fruits. C'est un progrès pour tout le monde, mais surtout pour la qualité du service public.

M. Daniel Ducommun (R). Nous sommes également favorables à ce projet, mais nous n'émettrons pas les réserves formulées par M. Clerc.

Je rappelle qu'au départ de nos travaux ce projet était conditionné par deux contingences :

La première était la restructuration de la commission de contrôle de gestion, car elle devenait poussiéreuse, manquait d'indépendance dans son action et d'initiative. Elle travaillait en coulisses, puisque la plupart d'entre nous n'avait pas connaissance de l'ampleur et de la qualité de ses travaux.

La deuxième était d'apporter une réponse crédible à l'initiative 100 sur un audit général de l'Etat. Le comité «Halte aux déficits» ne doit pas être condamné sur ses actions, car les problèmes qu'il soulève sont pertinents. Malheureusement, les solutions proposées par ce comité sont excessives et inadaptables. C'est la raison pour laquelle le relais avec la commission des finances semble de loin être la meilleure solution.

La révision de la loi est donc nécessaire. Avec la commission d'évaluation politique, qui sera le rôle de la commission de contrôle de gestion, on touche l'approche à la qualité et à une structure de contrôle plus moderne.

Nous sommes donc solidaires de ce projet.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je me réjouissais que ce projet de loi revienne en séance plénière, car tant de choses ont été dites ou écrites à propos de ce projet de loi et, notamment, de l'actuelle commission de contrôle de gestion qu'il était temps de remettre l'église au milieu du village, si vous voulez bien me passer cette expression.

En effet, ce projet de loi a permis de faire le point à la commission des finances et à l'intérieur du département des finances sur l'évolution des idées et des moyens à disposition des collectivités publiques en matière de contrôle de la gestion et du contrôle comptable. C'est la raison pour laquelle nos idées ont été inspirées par ce qui s'est fait de plus récent au plan fédéral, comme déjà dans certains cantons, en matière d'inspectorat cantonal et, enfin, par l'excellence des travaux en matière d'analyse législative et d'évaluation législative, dont, comme je vous l'ai dit lors de notre précédente séance, le professeur Morand de notre université est un spécialiste suisse. La construction présentée me paraît répondre aujourd'hui plus que jamais tant aux besoins de votre Grand Conseil - comme cela a été dit par certains députés - qu'à ceux de l'Etat.

Contrairement à ce que pense M. Clerc, il n'y a aucune machine de guerre construite contre la fonction publique, puisque, d'ailleurs, le contrôle interne - le premier étage - doit se faire au sein des services par les services eux-mêmes. L'inspectorat cantonal - le deuxième étage - voit ses pouvoirs encore renforcés, notamment au niveau du contrôle de la gestion et pas seulement du contrôle comptable. Et enfin - troisième étage - la commission externe d'évaluation des politiques publiques dont les critères essentiels, comme on l'a voulu, sont l'indépendance, davantage de transparence, davantage de publicité au niveau des conclusions des rapports, une saisine beaucoup plus claire de cette commission d'évaluation et des compétences qui permettent aux membres de cette commission - ce sera un gros travail de les recruter - d'effectuer un travail efficace, tant pour votre parlement que pour nous.

Il n'était donc pas question, pour le Conseil d'Etat, d'essayer d'éliminer l'actuelle commission de contrôle de gestion, mais il était nécessaire, pour le contrôle d'Etat, de renforcer - comme vous l'avez souhaité, d'ailleurs, via deux motions antérieures - l'organisme chargé de l'évaluation des politiques et de l'adéquation des lois, des moyens à disposition de l'Etat pour l'exécution de ces lois par un meilleur contrôle. Il ne s'agit donc pas du tout d'un affaiblissement de cette commission externe, mais d'un renforcement. C'est un instrument très important tant pour le parlement que pour le Conseil d'Etat.

Je me réjouis donc que ce projet soit renvoyé formellement en commission pour être adopté rapidement, après les discussions complémentaires issues des réflexions de vos groupes, de telle sorte qu'au 1er janvier 1995 nous puissions être dotés de ce nouvel instrument.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.