Séance du vendredi 16 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 31e séance

PL 7121
8. Projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA). ( )PL7121

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA) sont approuvées.

2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.

Art. 2

La présente modification entre en vigueur le 1er janvier 1995.

ANNEXE

Modifications aux statuts de la CIA.

Art. 24, al. 1 (nouvelle teneur)

Cotisation annuelle

1 Le taux de la cotisation annuelle est fixé à 24% du traitement assuré. Le taux est réduit à 3% pour les assurés de moins de 20 ans révolus. L'article 104 demeure réservé.

Art. 104 (nouveau)

Progression cotisation annuelle

L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:

a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er janvier 1995;

b) augmentation de 21,6% à 22,8 au 1er janvier 1996;

c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er janvier 1997.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les modifications apportées aux statuts de la CIA portent sur le point fondamental de l'équilibre financier de la caisse à long terme.

Rappelons que pour l'ensemble des caisses de prévoyance de droit privé l'équilibre financier est atteint lorsque l'institution de prévoyance dispose en tout temps des fonds nécessaires à couvrir l'intégralité de ses engagements tant à l'égard des pensionnés (pensions en cours de jouissance) que des actifs (prestations de libre passage) selon le système de la capitalisation, imposé par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) du 25 juin 1982.

I. Garantie de l'Etat

Les caisses de prévoyance de droit public peuvent s'écarter du principe de la capitalisation pour autant qu'une collectivité de droit public garantisse les prestations légales.

Pour la CIA, cette garantie existe à l'article 1, alinéa 3 de ses statuts:

II. Equilibre financier de la CIA

Pour la CIA, l'équilibre financier est jugé satisfaisant lorsque la fortune sociale de la caisse, sur la base de projections actuarielles sur 20 ans, est au moins égale:

Grâce à la garantie de l'Etat, la CIA peut donc se contenter d'une «demi-capitalisation», ce qui constitue une dérogation déjà considérable par rapport au système exigé normalement par la LPP.

III. Taux de la cotisation CIA

Sur la base des études effectuées par les actuaires-conseils de la CIA, en fin de chaque exercice, il apparaît que le taux de la cotisation de 20,25% des traitements assurés ainsi que les autres ressources de la CIA (rendement de la fortune, rappels, rachat, etc.) ne suffisent plus à garantir l'équilibre financier de la CIA pour les 20 ans à venir.

Suite à l'expertise actuarielle approfondie, effectuée sur la base des comptes de l'exercice 1991, les actuaires-conseils préconisaient, en date du 31 août 1992, d'adapter le taux de la cotisation à:

21% dès 1993

22,5% dès 1994

24% dès 1995

pour maintenir un degré de capitalisation de 50% sur 20 ans.

Compte tenu du délai écoulé depuis lors, un retard a d'ores et déjà été pris puisque les cotisations ne pourront être adaptées à 24% qu'en 1997 soit:

21,6% dès 1995

22,8% dès 1996

24% dès 1997

IV. Décision du comité de la CIA du 15 décembre 1992

Le comité, dans sa majorité, adopte les conclusions des experts et présente à l'assemblée des délégués du 25 mars 1993 un projet de modifications statutaires allant dans ce sens.

V. Décision de l'assemblée des délégués CIA au 25 mars 1993

L'assemblée des délégués, après une séance d'information donnée le 5 mars 1993, refuse le rapport de majorité du comité de la CIA, ainsi que le rapport de minorité (voir annexes I et II).

Il convient de noter qu'au sein des instances de la CIA les hypothèses de calcul et projections des actuaires n'ont pas été contestées; pour une majorité, cependant, la hausse de cotisations peut être évitée grâce à la pérennité et à la garantie de l'Etat qui peut augmenter indéfiniment.

VI. Décision du service de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du 25 août 1993

Suite au refus de l'assemblée des délégués de la CIA, tant les actuaires-conseils par lettre du 30 mars 1993 (voir annexe III) que le Conseil d'Etat par lettre du 1er juin 1993 (voir annexe IV) informent le service de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du fait que l'équilibre financier de la CIA n'est plus garanti à long terme, au sens de ses statuts.

En date du 25 août 1993 (voir annexe V) le service de surveillance des fondations décide d'imposer à la CIA une hausse progressive du taux des cotisations à 24%.

Cette procédure est actuellement pendante devant la Commission fédérale de recours.

VII. Décision de l'Assemblée des délégués CIA du 10 mars 1994

Parallèlement à la procédure décrite sous point VI ci-dessus, le comité de la CIA poursuivait diverses études dans le but de trouver un «compromis», acceptable pour l'assemblée des délégués, conduisant à une hausse plus faible des cotisations, soit 21,6% (au lieu des 24% préconisés par les experts), mais conduisant du même coup à une décapitalisation plus marquée, soit en dessous du seuil de 50%, qui constitue pour le Conseil d'Etat un minimum absolu.

L'assemblée des délégués a accepté le compromis proposé par une majorité du comité de la CIA (voir annexes VI et VII, rapports de majorité et minorité).

VIII. Les enjeux

Selon les projections établies par les actuaires-conseils de la CIA en avril 1993, on peut définir l'évolution à 20 ans (1992-2011) de la manière suivante:

Degré de capitalisation

Garantie de l'Etat

avec le taux actuel de cotisations à 20,25%

38,6%

7,1 milliards

avec le taux proposé par les experts à 24%

51,1%

5,6 milliards

avec le «compromis» à 21,6%

43,1%

6,6 milliards

IX. Position du Conseil d'Etat

Par lettre du 1er juin 1993, le Conseil d'Etat a pris formellement position contre toute modification des statuts de la CIA qui conduirait à renoncer à un degré de capitalisation de 50% au moins.

En effet, couvrir le 50% des engagements (pensions ouvertes et prestations de libre passage des actifs) doit être considéré comme un minimum compte tenu qu'à long terme un tel système ne couvre même pas la totalité des réserves mathématiques nécessaires au paiement des rentes; ce système, dit des capitaux de couverture, conduirait en effet à une cotisation de l'ordre de 27%.

S'écarter trop de ce principe a conduit d'ailleurs nombre de caisses de prévoyance en Europe à la limite de la cessation de paiement; ce n'est qu'au prix de lourdes contributions d'assainissement (qui sont réclamées tant aux cotisants actifs qu'aux pensionnés) que l'on tente aujourd'hui de reconstituer quelques réserves, ou au prix d'une baisse des prestations.

C'est pourquoi, malgré la situation difficile des finances cantonales, le Conseil d'Etat ne peut accepter de reporter sur les générations futures le prix d'une décapitalisation excessive de la CIA.

Il faut noter par ailleurs que l'actuel système financier de la CIA a été approuvé par le Grand Conseil le 20 février 1986; le rapport de la commission des finances (voir PL 5730A), chargée d'étudier le projet de loi mentionne déjà clairement les points suivants:

- la décapitalisation ne descendra en aucune façon au-dessous de 50% de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres en activité;

- la part patronale de la charge de cotisations n'excédera pas le 16% des salaires coordonnés» (soit au total 24% avec la contribution de 8% des salariés).

X. Coût

Compte tenu d'un montant total des traitements assurés CIA, de l'ordre de 1 milliard de francs, les coûts suivants devront être pris en compte soit par an:

Etat

Salariés

pour 1995, de 20,25% à 21,6% (+ 1,35%)

9 millions (+ 0,9%)

4,5 millions (+ 0,45%)

pour 1996, de 20,25% à 22,8% (+ 2,55%)

17 millions (+ 1,7%)

8,5 millions (+ 0,85%)

pour 1997 et années suivantes, de 20,25% à 24% (+ 3,75%)

25 millions (+ 2,5%)

12,5 millions (+ 1,25%)

Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver le projet de loi qui vous est soumis.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

ANNEXE 6

ANNEXE 7

Préconsultation

M. Christian Ferrazino (AdG). Deux mots sur ce projet de loi, puisque, malgré les quarante pages qui l'accompagnent, il n'est pas du tout fait mention de la situation de fait, telle qu'elle s'est déroulée depuis 1993 à l'intérieur de la CIA. Ce projet de loi est l'expression même du non-respect du fonctionnement démocratique de la CIA et je m'en explique en rappelant brièvement trois dates.

Tout d'abord, en 1993, au début de l'année, les actuaires de la CIA avaient proposé, dans un premier temps, un taux de cotisation à 24% et, en mars 1993, l'assemblée des délégués de la CIA a refusé cette augmentation. Je vous rappelle que le taux de cotisation annuel est de 20,25%. Tout en refusant d'augmenter ce taux de cotisation, elle a également refusé de passer à un autre système. Nous en étions donc restés au système de la capitalisation qui est le système actuel. Troisième temps. Nous sommes en août 1993, le Conseil de surveillance de l'institution lui impose de passer à un taux de 24%. Un recours contre cette décision est interjeté au Tribunal fédéral des assurances. C'est donc dire que cette décision a été contestée par des délégués de la CIA et des associations et qu'aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, le recours est toujours pendant. Nous ne connaissons pas la décision du Tribunal fédéral des assurances. Donc la décision de la commission de surveillance n'est pas entrée en force. Le dernier élément de fait, mais qui est le plus important, c'est que, parallèlement à la décision contestée par les délégués de la CIA auprès de l'autorité judiciaire, le comité et l'assemblée des délégués de la CIA sont parvenus à un compromis ayant trouvé grâce, non seulement aux yeux du comité, mais également agréé par l'assemblée des délégués, c'est-à-dire d'augmenter le taux de 20,25%, taux de cotisation actuel, à un taux moyen de 21,6%, un point c'est tout.

Aujourd'hui, ce projet de loi se moque totalement de ce compromis qui a trouvé l'aval des instances compétentes. Il se moque également totalement de la procédure judiciaire en cours, puisque l'on nous soumet cette question avant de connaître la décision du Tribunal fédéral. Par conséquent, la décision de la commission de surveillance n'est pas entrée en force. Je dirai que la situation est encore plus grave, car je me suis renseigné avant de prendre la parole sur cette question auprès des instances de la CIA pour savoir ce qu'il en était, s'ils avaient au moins été contactés. Monsieur Vodoz, vous dites : «Bien sûr !», mais le comité de la CIA n'est pas au courant de ce projet de loi, l'assemblée des délégués ne l'a pas reçu à l'heure où vous le soumettez au parlement.

C'est tout de même un monde, car, Monsieur Vodoz, cela va dans le sens d'une confrontation. Vous suscitez la confrontation dès le moment où vous proposez à ce parlement d'imposer à la CIA un taux de cotisation à 24%, ce qui est précisément la décision que l'assemblée des délégués a refusée. Vous savez qu'il existe aujourd'hui un compromis qui a trouvé grâce tant aux yeux du comité que de l'assemblée des délégués, sur un taux plus bas de 21,6%, et vous vous moquez de cette décision comme vous vous moquez de celle que le Tribunal fédéral devra rendre, puisque vous voulez que le parlement puisse se prononcer sur un taux à 24%, précisément refusé et ne tenant nullement compte de la décision de l'assemblée des délégués.

Voilà les éléments de fait que je voulais présenter pour que l'on puisse se prononcer en connaissance de cause sur un projet de loi dont l'exposé des motifs ne parlait pas de façon très claire, c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je récuse totalement les propos excessifs de M. Ferrazino. Comme président, puis comme vice-président de la CIA, j'ai participé à toutes les assemblées générales. A chacune d'elles, que ce soit à la première où avait été présenté le projet du comité acceptant le projet des actuaires-conseils portant l'augmentation de la cotisation par paliers jusqu'à 24%, ou à la seconde séance d'information, voire à la troisième dont vous trouvez le résumé en page 5 du projet de loi, avec en annexe l'ensemble des rapports de majorité et minorité, j'ai dit très clairement aux délégués, comme devant le comité de la CIA, que le Conseil d'Etat - puisque, en système de répartition, c'est la garantie de l'Etat qui importe - n'accepterait en aucun cas un taux de décapitalisation inférieur à 50%.

Or, le compromis trouvé au niveau de l'assemblée des délégués porte sur une augmentation limitée de la cotisation, mais à un taux de décapitalisation inférieur à 50%. Sur ce plan-là, le Conseil d'Etat - qui n'est pas constitué de spécialistes en matière actuarielle - pour être épaulé dans ce domaine, conformément à la loi sur la prévoyance professionnelle, a un rapport en main, comme l'ont le comité de gestion de la CIA et les membres de l'assemblée des délégués, soit les actuaires-conseils, désignés par l'autorité fédérale, qui recommandent depuis plusieurs années, pour l'équilibre de la caisse, une augmentation des taux de cotisations de la CIA.

Il ne s'agit pas de faire un bras de fer avec le comité de gestion de la CIA. Il en va d'une question de responsabilité. Vous pouvez imaginer qu'il n'est pas particulièrement agréable, pour le gouvernement et, notamment, pour moi, comme responsable des finances, d'avoir à devoir prendre des décisions d'augmentation de la cotisation puisque, à teneur actuelle des statuts, c'est l'Etat employeur qui couvre les cotisations pour deux tiers, l'employé couvrant un tiers. Cette augmentation progressive vient alourdir - cela est clairement indiqué - le projet de budget du Conseil d'Etat. Si nous avons pris cette décision et si le Conseil d'Etat m'a suivi sur cette question, c'est parce que les actuaires-conseils recommandent cette voie-là et que le Conseil d'Etat considère qu'il n'est pas possible de décapitaliser, et, par conséquent, d'accroître à terme la garantie déjà considérable de l'Etat.

Dans cette discussion, les jeux sont parfaitement clairs. A chacun des comités de gestion de la CIA, lorsque nous avons abordé ces problèmes - cela a duré près de deux ans - devant les assemblées de délégués et encore dans le cadre, bien entendu, des recours - ce n'est pas encore devant le Tribunal fédéral mais devant la commission fédérale en cette matière - j'ai expressément indiqué qu'il incombait au parlement d'examiner cette question. Deux motions sont d'ailleurs pendantes devant la commission des finances et les commissaires m'ont demandé à réitérées reprises de les renseigner sur la CIA et de leur remettre les documents issus de la CIA. Par conséquent, le projet présenté a donc pour but de savoir si vous acceptez, vous parlement, d'accroître la garantie de l'Etat en faveur de la CIA et une décapitalisation complémentaire en dessous de 50% - soit une augmentation de cotisation extrêmement minime - ou bien, comme le Conseil d'Etat dans le cadre de ses propres responsabilités l'a décidé, de ne pas décapitaliser en dessous de 50% dans cette caisse de répartition et d'augmenter par paliers les cotisations.

Le pourcentage de la caisse des fonctionnaires de l'Etat de Vaud, comme beaucoup d'autres, dépasse largement 24%. Si vous renvoyez ce projet devant la commission des finances, cette dernière recevra tous les documents dont vous avez déjà une partie en annexe - il y en aura d'autres, y compris le rapport des actuaires-conseils. Elle sera tenue au courant de l'évolution du recours dans ce cadre-là. Cette question est non seulement de nature actuarielle mais, en définitive, politique : savoir si l'on accroît la garantie de l'Etat ou pas, et, par conséquent, savoir si la cotisation doit augmenter ou pas. C'est dans ce cadre que le Conseil d'Etat, tout naturellement, prend ses responsabilités et vous soumet le problème. La commission des finances pourra travailler; elle auditionnera la CIA et ses organes.

Il n'y a pas de projet plus transparent. Dans un problème aussi complexe, aussi délicat et engageant très fortement nos responsabilités respectives, il était normal de venir en discuter devant vous. Je vous demande de renvoyer ce projet à la commission des finances.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

 

La séance est levée à 18 h 50.