Séance du
vendredi 16 septembre 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
9e
session -
31e
séance
No 31
Vendredi 16 septembre 1994,
soir
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Roger Beer, Hervé Dessimoz, Catherine Fatio, Jean Montessuit, Jean-Pierre Rigotti, Micheline Spoerri, députés.
3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
Le président. A la demande de Mme Martine Brunschwig Graf, actuellement à Kandersteg où elle fait un exposé devant les cadres du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie, sur invitation de M. Adolf Ogi, les points portant sur l'instruction publique sont reportés à notre séance du 23 septembre.
La lettre du SIT que je vous ai annoncée lors de notre séance de 14 h 30 sera renvoyée à la commission des affaires sociales et non à celle de l'économie, ce qui a été jugé plus approprié par le chef du département.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. (M. Vanek parle à voix haute.)
Le président agacé. Madame Calmy-Rey, vous avez la parole. Monsieur Vanek, assis ! (Rires.)
M. John Dupraz à M. Vanek. Le cabot, à la niche !
Mme Micheline Calmy-Rey, rapporteuse de la minorité. Monsieur le président, je ne vous cacherai pas que, tout à l'heure, j'ai eu honte de la façon dont se sont déroulés les débats et je ne souhaiterais pas que l'on continue sur le ton que nous avions adopté précédemment.
Mesdames et Messieurs de l'Entente, vous avez voulu un gouvernement monocolore, vous avez tenu à en exclure les socialistes ! Il faut maintenant en assumer les conséquences sans feindre d'être surpris parce que le consensus est plus difficile. (Protestations sur les bancs de l'Entente.) S'il vous plaît, un peu de bonne foi aussi !
Je voudrais répondre aux arguments qui ont été évoqués. Premièrement, nous ne voulons pas d'une extension déguisée des conventions collectives. Ça n'est absolument pas le but de l'amendement proposé. Deuxièmement, cet amendement, contrairement à ce qui a été prétendu, ne pose pas de problème juridique. Je pense qu'une partie des députés qui ont argumenté dans ce sens n'ont même pas lu l'amendement qui figure en page 20 du rapport de minorité. Je vais donc le relire, je cite :
«Le Conseil d'Etat définit par arrêté les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, auxquelles doivent souscrire unanimement les associations professionnelles intéressées.».
Cela signifie que le verrou est la règle de l'unanimité. Or, que je sache - je me répète mais cela me semble nécessaire - la règle de l'unanimité ne touche pas le problème juridique et n'est pas contraire à quelque jugement du Tribunal fédéral. Ce serait mauvaise foi que de le prétendre. De plus, cet amendement est pratiquement le même que celui figurant à l'alinéa 2 du projet de loi actuel, à l'exception, bien entendu, de la règle de l'unanimité.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). M. Blanc ainsi que d'autres membres dans ce parlement nous font des procès d'intention. M. Blanc, en employant un ton, une hargne et des termes méprisants, qu'il a malheureusement trop souvent tendance à utiliser dans cette enceinte, fait qu'immédiatement le débat déraille, ce que je déplore.
Monsieur Blanc, vous nous traitez d'hypocrites, vous dites que, dès le départ, nous avions l'intention de refuser cette loi. C'est faux et j'en veux pour preuve que les socialistes ont voté l'entrée en matière sur cette loi en commission et que, tout à l'heure, ils feront de même. De plus, si les amendements proposés par Mme Calmy-Rey passent, nous accepterons cette loi. Je vous prie donc de ne pas nous traiter d'hypocrites !
Vous dites : «D'emblée vous avez posé des conditions inacceptables sur le plan juridique.». Je ne veux pas répéter ce qu'a dit Mme Calmy-Rey, mais je vous rappelle qu'il y avait deux avis de droit. Je ne cite même pas celui du professeur Berenstein - on pourrait penser qu'il est peut-être partial - mais l'autre dit clairement que les exigences que nous posons sont acceptables sur le plan juridique.
A M. Lombard, qui nous reproche de parler avec notre coeur, je répondrai que si nous parlons avec notre coeur, eh bien, j'en suis fière. J'aimerais lui dire qu'il a peut-être parlé avec sa tête, mais qu'il l'a fait avec une certaine vulgarité et c'est encore une fois une chose que je déplore.
Ensuite, j'aimerais rappeler que le parti socialiste et les autres partis de gauche de cette enceinte ont été élus pour défendre les plus défavorisés. C'est donc leur rôle et leur devoir de défendre ceux qui sont nombreux dans les professions de la vente. Je ne vois pas en quoi vous vous étonnez de notre position. J'aimerais répéter ce qui a déjà été dit, mais qui me frappe tellement. Nous avions là une possibilité de nous réunir : vous, en défendant les avantages de cette ouverture nocturne qui, d'ailleurs, profiterait à l'ensemble de la population, et nous, en vous proposant un amendement acceptable, défendant ceux qui sont les moins protégés dans le secteur de la vente. Encore une fois, vous voulez démontrer qui gouverne. Je trouve cette position regrettable, ce d'autant plus que si vous votez nos amendements, nous voterons la loi.
M. Bernard Clerc (AdG). Lorsque l'on parle du coeur, on ironise, lorsque l'on donne des chiffres comme je l'ai fait tout à l'heure et des éléments d'analyses par rapport au marché de l'emploi, on dit que ce n'est pas sérieux. On se demande quels sont les arguments que l'on peut développer dans ce parlement sans être traité de moins que rien.
Je dois dire d'ailleurs que la réaction assez vive de M. Kunz, directeur du Centre Balexert, ne m'a pas surpris. C'est probablement que mes arguments étaient pertinents. J'aimerais revenir sur quelques points. M. Brunschwig trouve qu'il est paradoxal que je prenne la défense du petit commerce, car les conditions de travail dans le petit commerce ne sont pas bonnes. Il ne s'agit pas de ça, mais de revenir sur ce qui a été dit dans le rapport de majorité prétendant que l'ouverture nocturne des magasins permettra de maintenir l'emploi. Mon intervention a démontré que c'est faux et la concentration de la distribution qui s'en suivra fera que des emplois disparaîtront dans les petites entreprises et cela vous ne pouvez pas le nier, c'est irréfutable.
Autre point sur lequel j'aimerais revenir, c'est la question de l'ouverture elle-même. Plusieurs interventions ont démontré qu'il s'agit effectivement d'un premier pas. On a parlé de réformette, M. de Tolédo a cité la Commission des Cartels et estime qu'il faut supprimer les heures de fermeture. M. Lombard a parlé explicitement d'un premier pas, il faut donc être clair. (Rires.) Oui, jeu de mots ! Il faut savoir qu'en acceptant cette loi nous ouvrons la voie à l'ouverture nocturne des magasins toute la semaine et plus tard que 20 h. Il ne faut pas s'en cacher.
En ce qui concerne l'accord des partenaires sociaux. On a dit et répété, du côté de la majorité, que tout le monde est d'accord, que tout baigne, à la limite il n'y aurait qu'un problème de législation fédérale qui empêche d'aboutir à cet accord. Mais n'oublions pas les vendeuses et les vendeurs qui, dans leur grande majorité, sont contre cette ouverture prolongée. Je ne pense pas que, dans ces conditions, on puisse dire qu'il y a l'accord de tout le monde. N'oublions pas la majorité des petits commerçants qui sont opposés à cette ouverture prolongée. Dans ces conditions, parler d'accord général, c'est falsifier la réalité.
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur. Evidemment, on peut interpréter le sondage que l'on a reçu de la FAC comme étant contre, mais il faut savoir aussi - et cela est très bien expliqué à la page 2 - que l'exigence des syndicats relayée par les partis politiques d'introduire un amendement stipulant que l'octroi d'une ouverture prolongée jusqu'à 20 h une fois par semaine devra dépendre du respect des usages dans la branche et que les petits commerçants ne veulent pas être soumis à cette superconvention. On nous a expliqué qu'il ne s'agissait pas forcément d'une superconvention. Il ressort du texte de la FAC que les petits commerçants veulent négocier eux-mêmes leur convention. Ils le disent plus loin, je cite :
«Notre fédération est favorable aux conventions collectives par profession, aux groupes de profession, ceci afin de préserver une saine concurrence, de maintenir l'image de marque et de concourir au dynamisme de nos métiers.».
On peut, bien sûr, interpréter comme l'on veut les propos des petits commerçants d'un côté comme de l'autre. Ils nous écrivent clairement ce qu'ils veulent faire. Si vous n'avez pas confiance en eux, je ne sais pas comment vous pouvez les défendre.
Je voulais dire autre chose afin de recentrer le débat. Nous avons fait en commission un travail de longue haleine. Nous avons pris soin d'auditionner le maximum de monde. Il est vrai que nous aurions pu auditionner encore d'autres personnes, mais la commission avait décidé que, d'ici la fin du mois de juin, elle rendrait un rapport pour cette séance. Le Comité travail et santé a pu s'exprimer, ses représentants nous ont dit : «C'est le temps consacré au travail payé qui doit baisser.». Donc, le débat porte sur un autre domaine, à savoir un domaine de productivité, et je crois qu'il échappe certainement à cette enceinte.
Le consensus, nous l'avons recherché. Je vous rappelle que le projet de loi proposait simplement que les magasins puissent rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h et que les conditions relatives, notamment l'occupation du personnel, soient fixées par le département, d'entente avec les associations professionnelles intéressées. Aujourd'hui, on vous propose, grâce à l'appui de M. Manfrini et de son analyse pertinente en matière juridique, à l'article 14, trois alinéas que je ne vais pas vous relire, si ce n'est le dernier, qui dit :
«Dans les limites de la législation fédérale sur le travail, le Conseil d'Etat, en élaborant son règlement, veille notamment à ce que, à défaut d'accords entre les partenaires sociaux dans la branche, l'octroi des autorisations n'entraîne pas de détérioration de la situation du personnel.».
Nous avons été aussi loin que nous le pouvions, malgré le fait que vous avez d'autres revendications, et je comprends que vous ne vouliez pas désavouer les syndicats, mais il faut, pour notre part, que nous raisonnions en termes juridiques compatibles, compatibles surtout avec le droit fédéral. Je voudrais préciser qu'il ne s'agit pas d'une extension déguisée, mais d'une extension pure et claire des conventions collectives, et ça, nous vous l'avons dit, nous ne pouvons pas l'accepter. Nous préférons que ces conventions soient négociées directement entre les partenaires sociaux et nous devons nous borner à regarder que tout se passe correctement. La loi doit rester aussi loin que possible des partenaires sociaux tout en prenant conscience de la concurrence existante.
On pourrait discuter encore longtemps de ces soixante minutes. Le client est très mobile et nous sommes tous des consommateurs. Je crois que nous avons tous été une fois le soir dans une station service pour acheter un article ou un autre. Il y a une réalité économique, on ne peut pas l'ignorer. Le commerce genevois attend un geste et il faut agir dans ce sens.
Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Vous me permettrez de prendre la parole pour répondre à quelques propos qui viennent d'êtres tenus. Je crois qu'il y a malentendu, malentendu dans la lettre de la FAC, et quelques incompréhensions dans les propos du rapporteur. Nous proposons un amendement unique demandant qu'il soit inscrit dans la loi la règle de l'unanimité des partenaires sociaux. Nous ne demandons pas que le rapport de conditions soit inscrit dans la loi. Il sera inscrit dans un arrêté et non pas dans la loi
Une voix. Ça change quoi ?
Mme Micheline Calmy-Rey, rapporteuse de la minorité. Mais ça change les arguments que vous venez d'évoquer ! Vous dites qu'il n'est pas possible d'inscrire le rapport de conditions dans la loi. Cela fait un moment que vous le dites, alors que ce n'est pas le but de l'amendement. Nous reprenons l'amendement Manfrini dans l'alinéa 2 prévoyant que le Conseil d'Etat fixe par arrêté les conditions de l'octroi d'une ouverture prolongée, et nous ajoutons simplement : «la règle de l'unanimité des partenaires sociaux». C'est tout. Ensuite, l'extension d'une superconvention collective. Là encore, les propos sont inexacts. Je l'ai dit tout à l'heure, partout où il y a des conventions, elles s'appliquent. Il en existe dans le secteur non alimentaire, elle sera appliquée. Là où il n'y en a pas, ou, dans le cas où ces conventions existeraient de façon partielle, à ce moment-là, la constitution d'usage devrait être négociée. Nous n'avons jamais prétendu qu'il s'agirait d'appliquer des conventions existantes à des gens qui n'en bénéficieraient pas pour le moment.
Encore un mot. Il est important que la donne sociale soit prise en compte. Vous avez beaucoup parlé de compétitivité, d'amélioration des conditions de la concurrence des commerces, d'accord. Mais la dimension sociale est aussi très importante dans ce débat et je vous demande vraiment de prendre en compte la situation des vendeurs et des vendeuses, des 6 000 personnes travaillant dans un secteur qui, déjà en tant que tel, n'est pas favorisé et qui, elles-mêmes, vivent des conditions de travail très difficiles. Vous ne prenez pas de risques juridiques en votant l'amendement que la minorité vous propose, car celui-ci est calqué sur l'amendement Manfrini avec seulement, en plus, la règle de l'unanimité pour éviter que les conditions de travail ne se péjorent.
J'argumenterai plus tard sur le contenu de l'amendement, puisque je le présenterai en deuxième débat. Pour le moment, j'en resterai là.
M. Pierre Vanek (AdG). Je croyais que l'usage était de redonner la parole à celui qui avait été interrompu brutalement, en l'occurrence par une suspension de séance. Je reprends...
Le président. Nous avons changé de séance, Monsieur Vanek.
M. Pierre Vanek. Fort bien ! Merci de cette précision, Monsieur le président. Je me permets de reprendre le point sur lequel j'ai été un peu vif avec M. Lombard, ce dont je m'excuse. J'ai été vif avec lui, car c'était la troisième fois que l'on m'interrompait et je trouve un peu déplorable la manière dont se déroule ces débats. A l'instant, M. Dupraz s'est permis de dire à mon égard : «le cabot, à la niche !». Si ce genre de pratiques se généralise, je suis assez grand pour me défendre et nous aurons d'autres suspensions de séances. Je préférerai que ce soit le président de ce Grand Conseil qui se charge d'assurer un minimum de sérénité à nos débats en réprimandant les gens qui déraperaient, comme l'a fait M. Dupraz.
Je voulais faire observer à M. le président qu'au cours du débat j'avais demandé la parole pour une motion d'ordre et qu'en principe celle-ci est immédiatement mise aux voix, sans débat. Un député peut en tout temps interrompre le débat pour inviter le Bureau à faire appliquer le règlement. C'est ce que j'avais l'intention de faire au cours d'une des interventions, je ne me rappelle plus si c'était celle du Bon Génie, de la Pharmacie Principale ou de Balexert. (Rires.)
Je vous rappelle que l'article 24 du règlement dit que, dans les séances du Grand Conseil et des commissions, les députés ayant un intérêt personnel direct à l'objet soumis à la discussion ne peuvent intervenir ni voter. J'aurais donc espéré que ces Messieurs qui, évidemment, ont un intérêt direct dans cette affaire, aient la pudeur de s'abstenir lors du vote, mais aussi dans ce débat, ce qui nous permettrait de le faire dans des conditions plus conformes à notre règlement. Ou alors, doit-on interpréter leurs interventions comme signifiant que ce projet de loi n'a aucun intérêt pour le commerce genevois ?
Je voulais faire une observation à M. Lombard lorsque, tout à l'heure, il parlait de «casseurs» à notre égard et de «casseurs d'extrême-gauche». D'abord, sur l'étiquette, Monsieur Lombard, vous êtes assis plus à droite que je ne le suis à gauche et si vous persistez à employer cette étiquette qui, pour vous, a une connotation négative, j'interviendrai en parlant du député d'extrême-droite Armand Lombard. Il serait préférable d'éviter ce genre d'échanges. Quant aux casseurs, quand on vient de faire ce que vous avez fait hier en votant la fermeture de la clinique de Montana, on sait, et la population... (Protestations de la droite. Manifestations bruyantes de M. Dupraz.)
Le président. Monsieur Dupraz, taisez-vous !
Une voix de l'Alliance de gauche. Enfin, enfin !
M. Pierre Vanek. Je crois que la population saura repérer où sont les véritables casseurs dans ce parlement. Nous avons fait, jusqu'à maintenant, essentiellement un travail de défense. On nous reproche un manque de propositions, mais nous sommes face à une offensive systématique dans toute une série de domaines et nous défendons un minimum d'acquis sociaux et les prestations à la population. Aussi, nous traiter de «casseurs» est passablement saugrenu.
A la suite des propos tenus par mon collègue Max Schneider, pour le groupe écologiste, j'ai eu vraiment le sentiment - et j'en suis désolé - que dans cette affaire le groupe écologiste ne défendait pas un point de vue réellement écologique. A mon avis, d'un point de vue écologique - l'écologie c'est important, ce n'est pas un gros mot, il est plus important peut-être que le mot économie - le fait d'avoir une extension systématique de l'ouverture des magasins - quand je dis systématique, c'est que l'on nous a dit, et notamment M. de Tolédo, que c'était un premier pas, une étape est une orientation, notamment en matière de consommation d'énergie, allant vers une augmentation tout à fait contraire aux objectifs que se fixe cette République en la matière. C'est un des motifs pour lesquels - les autres sont valables également, mes collègues l'ont expliqué - je voterai contre ce projet de loi.
Vous avez reçu un petit tract rose du Syndicat Action qui dit :
«Ouvrir 1 h 30 de plus par semaine, c'est augmenter d'autant la durée hebdomadaire des 6 000 vendeurs et vendeuses qui connaissent déjà les conditions de travail les plus pénibles et les salaires les plus bas.».
Du point de vue d'une certaine écologie humaine, celle des conditions de travail, nous devons refuser ce projet. Nous avons entendu, lors du débat de préconsultation, Mme Howald évoquer pour le parti libéral, dans une envolée quasi lyrique, le développement du «shopping-loisir» comme une activité culturelle et valable qu'il fallait encourager et que cette loi allait dans ce sens. Le fait de considérer que le développement d'une société de consommation ou le shopping deviennent une activité de loisir et une activité culturelle est évidemment aux antipodes de toute conception écologique. A l'évidence, la défense d'une société de consommation plus ample n'est pas dans les vues de ceux qui, dans cette enceinte, se considèrent comme des écologistes, et dont je suis.
Le président. Monsieur Vanek, je n'entendais pas vous priver de la possibilité de déposer une motion d'ordre. Simplement, je fais appel à vos compétences d'arithméticien pour vous rappeler qu'elles sont approuvées par deux tiers de l'assemblée. Si vous voulez bien faire un petit compte mental, vous verrez que c'est assez peu probable qu'une motion d'ordre quelconque soit votée dans ce parlement.
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas à vous de juger de la probabilité d'un vote et de ne pas appliquer le règlement. C'est inadmissible ! (Manifestations de mécontentement à l'égard du président de la part des députés de l'Alliance de gauche.)
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). En tant que membre de la commission de l'économie, je ne m'attendais pas à un pareil débat ce soir sur les fermetures retardées. Ayant participé aux travaux de cette commission, je pensais que la raison ferait que l'on trouverait un consensus dans cette affaire. A la page 17 du rapport de minorité de Mme Micheline Calmy-Rey, il est dit :
«Les travaux de la commission ou comment ce qui semblait un consensus peut devenir un affrontement.».
Alors il faut expliquer pourquoi nous en sommes arrivés là. M. Lombard, dans le début de son intervention, a bien fait comprendre que l'on pouvait trouver un consensus. La deuxième partie étant plutôt violente. Je l'ai regretté, car, en commission, il a été pour le dialogue.
De plus, M. Fontanet, chef du groupe DC, déclarait qu'il soutenait de façon inconditionnelle son conseiller d'Etat préféré. Mais si nous en sommes là ce soir, c'est justement à cause de son conseiller d'Etat préféré, ce n'est pas à cause de la commission des députés. Les syndicats sont intervenus, nous ont écrit, ont été auditionnés et, dans un premier temps, ils nous ont dit qu'il serait préférable de transformer la loi. Ils ont vu, avec leurs juristes, qu'il y avait un certain nombre de problèmes. Ils nous demandaient de présenter l'arrêté qui résulterait de la loi. J'ai demandé à M. Maitre - vous ne pourrez pas dire que c'est de la provocation - qu'il présente à la commission, puisqu'une majorité voterait les nocturnes, l'arrêté qui ressortirait pour donner un certain nombre de garanties. Il nous a répondu qu'il ne pouvait pas nous le donner tant que la loi n'était pas votée. Mais enfin, où sommes-nous ? Il faut arrêter, il faut être sérieux !
Lorsque l'on peut éviter un référendum, trouver des solutions, ne serait-il pas préférable d'éviter toutes ces étapes ? Eh bien non ! Le conseiller d'Etat nous dit : «Je ne peux pas présenter l'arrêté.». Cela aurait rassuré les syndicats et aurait donné des garanties. Voilà pourquoi, ce soir, on nous accuse de soutenir un rapport de minorité, de soutenir un référendum que les syndicats feront, voilà où nous en sommes ce soir. Il est vraiment regrettable que la droite et la gauche s'affrontent quand le responsable aurait pu tout prévoir. J'accuse M. Maitre d'avoir été incapable, dans cette affaire, de trouver la solution. Je le regrette, Monsieur le président, mais ce débat est faussé par une erreur de l'exécutif.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais répondre en deux mots à mon excellent ami Pierre Vanek qui prétend savoir, comme toujours avec beaucoup de certitudes, ce qu'est l'écologie et comment cela fonctionne. Je ne prétends pas le savoir, je sais que c'est en tout cas une chose beaucoup plus compliquée que ce que vous pensez, Monsieur Vanek. Il est vrai, lorsque l'on est écologiste, que l'on cherche à se préoccuper tant des conditions de travail des vendeuses que dans quelle société l'on vit. Est-ce que l'on vit dans une société de consommation dans laquelle les gens sont poussés à consommer de plus en plus de choses inutiles ? Mais il est vrai aussi que, lorsque l'on est écologiste, on se préoccupe d'une notion qui est la liberté des gens. Si les gens ont envie d'aller acheter et si les vendeuses ont envie de venir vendre, (Rires.) dans des conditions de travail respectables, avec des compensations sociales intéressantes, on ne peut quand même pas, au nom de l'écologie, empêcher ces gens de venir acheter, et ces vendeuses de venir vendre... (M. Spielmann fait une remarque concernant Creys-Malville à M. Nissim.)
Oui, mais il n'y a pas que Malville, Monsieur Spielmann. Il y a une intrication de plusieurs facteurs et on ne peut pas réduire un problème comme celui des nocturnes à la consommation d'énergie. Il y a aussi d'autres aspects. Il n'est pas si simple de dire : «Ah, mais vous allez ouvrir les magasins une heure de plus, vous allez augmenter la consommation d'énergie, c'est une catastrophe.». On peut aussi imaginer qu'il y ait d'autres variantes entrant dans le...
M. Claude Blanc. Les bougies !
M. Chaïm Nissim. Il n'y a pas que les bougies ! Il y a aussi les lampes économiques et d'autres paramètres que l'on peut envisager dans ce problème des nocturnes. Il n'est pas si simple de dire : «Vous n'êtes pas des écolos, vous êtes des séides du patronat ou des espèces de magouilleurs.». J'avais une deuxième question pour Micheline Calmy-Rey, à propos de l'amendement qu'elle veut présenter, mais nous en discuterons en deuxième débat.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). C'est un véritable soulagement d'entendre parler ici du véritable problème, c'est-à-dire de l'hypocrisie. C'est un véritable soulagement d'entendre parler d'hypocrisie dans la bouche de M. Blanc, pas mon mari, donc, l'autre ! (Rires.) Enfin, quelqu'un qui parle vrai, enfin quelqu'un qui parle de ce qui a amené la commission de l'économie à ce résultat, enfin quelqu'un qui sait que la commission de l'économie est allée aussi loin qu'elle le pouvait, c'est-à-dire nulle part, entraînée par M. Maitre !
Le président du département de l'économie publique a soudainement fait volte-face alors qu'un accord avait abouti entre les partenaires sociaux sur le fait de conditionner l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 20 h au respect des conditions de travail en usage dans le secteur. Voilà pourquoi nous sommes dans une telle impasse, et la véritable hypocrisie est de prétendre que la difficulté est juridique pour cacher l'absence de volonté politique. Sur le plan juridique, l'affaire est tout à fait possible. La Ville de Lausanne est en train d'y réfléchir. Donc, qu'on ne ramène pas constamment cet argument sur le tapis.
Afin de clarifier la situation et de chasser toute hypocrite velléité, j'adresserai à M. Maitre les questions suivantes :
Pouvez-vous nous confirmer ici ce que vous avez dit aux partenaires sociaux, c'est-à-dire que l'arrêté du Conseil d'Etat sera basé uniquement sur le même modèle que celui qui porte sur les deux nocturnes, c'est-à-dire ne comprenant que le respect des dispositions de la loi sur le travail et la pause négociée dans les conventions collectives, c'est-à-dire les pauses d'un quart d'heure ?
Pouvez-vous nous dire à quelle heure aura lieu la libération des vendeuses et des vendeurs ? Si c'est à 20 h ou 20 h 30 ?
Pouvez-vous nous dire, en cas de non-respect de l'amendement Manfrini, ce qui se passera au niveau des entreprises? Quelles conséquences y aura-t-il ?
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). J'aimerais brièvement répondre à quelques remarques qui ont été faites par les uns et les autres, et tout d'abord à M. Clerc. Vous vous interrogez, Monsieur Clerc, sur la question du vocabulaire. Je vous proposerai quant à moi trois possibilités : «nocturne» mais ce serait jusqu'à 22 h, «fermeture retardée» jusqu'à 21 h, mais je préfère le terme d'«ouverture prolongée» pour le débat qui nous anime aujourd'hui, car je vous rappelle qu'il ne s'agit que de 60 petites minutes, comme je l'ai précisé tout à l'heure. Sur les notions d'économies dont vous nous avez fait part et dont je vous remercie d'ailleurs, je pense qu'un élément vous manque.
Dans le commerce, le problème essentiel qu'il faut résoudre, c'est la fréquentation. Vous cherchez à mettre en opposition les petits, les moyens et les grands commerces. Plutôt les petits et les grands, parce que les moyens, pour l'instant, nous les avons un peu oubliés. Je vous dirai que de nombreuses expériences montrent que les petits commerçants installés à côté des centres Migros et Coop, par exemple, font d'assez bonnes affaires parce qu'un grand commerce est un commerce attractif et, dans le commerce, nous savons qu'un bon concurrent n'est jamais à craindre, car il nous amène de la clientèle. C'est un mauvais concurrent que nous craignons, parce que si celui-ci donne une mauvaise qualité de service, à l'évidence les clients ne viennent plus et nous en perdons tout autant que lui, puisque c'est une zone qui devient désaffectée.
Je vous donnerai simplement l'exemple de la Placette. Lorsque cette grande surface s'est ouverte, tous les petits commerçants de la place Grenus craignaient pour leur sort et pensaient qu'ils allaient tous faire faillite. Le plus mauvais d'entre eux a doublé son chiffre d'affaires. Pourquoi ? C'est très simple, il y a des milliers de nouveaux clients qui viennent à cause de la Placette. Alors, vous me direz : «Ailleurs, il y en a peut-être qui ont perdu de la clientèle.» C'est possible, et sur ce point-là je vous suis, car il y a, effectivement, une délocalisation de la clientèle. Mais moi je préfère encore que cette délocalisation ait lieu à Genève plutôt que de l'autre côté de la frontière.
A Mme Cuénod, j'aimerais dire la chose suivante. Vous vous inquiétez des travailleuses qui vont devoir travailler plus tard le soir en disant : «Une heure de plus, c'est une heure de trop.». Vous avez raison, mais vous semblez ignorer un petit détail. Lorsque les deux Migros se sont installées en France voisine, avant même qu'elles ouvrent et avant même qu'elles commencent le recrutement, il y a eu des centaines de candidatures spontanées de jeunes femmes voulant travailler. C'est une vérité et cela signifie simplement que là-bas on travaille jusqu'à 21 h tous les jours, y compris le samedi. Alors ici, ce serait trop de travailler une fois par semaine jusqu'à 20 h ? Je livre simplement cela à votre réflexion. Je n'en tire pas d'autres conclusions que ce que je dis, mais ça veut tout simplement dire, à mon avis, que, finalement, cette heure additionnelle, ce n'est pas si grave que ça pour les travailleurs.
A Mme Calmy-Rey, je voulais simplement préciser une chose. Si j'ai bien compris votre amendement, il vise essentiellement à protéger les 6 000 travailleurs non encore protégés. Mais quand même, est-ce que le pouvoir de persuasion des syndicats est si faible que vous avez besoin d'inscrire cela dans la loi ? Car si ces travailleurs étaient vraiment exploités, ils n'auraient pas besoin de lois pour les protéger, les syndicats devraient être débordés de demandes de protection. J'espère que vous m'expliquerez cela tout à l'heure, je n'ai pas très bien compris. Quant à nous, nous aimerions bien être protégés par la loi pour nous garantir que nos clients viennent chez nous.
A M. Vanek, pour terminer. D'abord, j'aimerais le remercier de la publicité qu'il a faite pour le Bon Génie et la Pharmacie Principale et je me réjouis de savoir qu'il est un de nos clients, du moins je le souhaite, et qu'il apprécie nos services ! (Rires.)
M. Pierre Vanek. Non !
M. Jean-Philippe de Tolédo. Eh bien, c'est sans doute parce que vous n'êtes jamais venu et que vous allez peut-être en France ! Je vous rappellerai qu'à la fois le Bon Génie et la Pharmacie Principale sont signataires de la convention collective, comme d'ailleurs les trois quarts des commerces genevois. En réalité, nous, nous sommes évidemment rattachés à une convention collective, mais nous n'avons aucune raison de l'imposer à ceux qui ne veulent pas la signer. Ce n'est pas notre rôle, ce n'est pas le rôle de la loi. C'est le rôle des syndicats de persuader ceux qui, soi-disant, sont exploités. En fait, Monsieur Vanek, vous avez parfaitement raison quand vous dites que nous défendons deux systèmes de sociétés différentes. Effectivement, le vôtre, c'est celui de la croissance zéro - vous l'avez esquissé tout à l'heure, je croyais que c'était une notion dépassée, mais je vois qu'elle est encore vive dans votre esprit - et des petites fleurs. Nous, nous voulons une Genève tournée vers l'avenir, une Genève internationale et, avec notre nouveau gouvernement, nous souhaitons mieux vivre Genève. (Applaudissements de l'Entente.)
Mme Claire Chalut (AdG). J'imagine que beaucoup de choses ont déjà été dites, mais, quand même, j'aimerais juste faire remarquer une petite chose. Si nous avons demandé l'inscription dans la loi de quelques garanties concernant les conditions de travail, c'est bien parce que nous ne sommes pas sûrs de les avoir. A telle enseigne que la commission de l'économie a travaillé sur ce sujet pendant plusieurs séances et nous étions sur le point de trouver un accord. Il a fallu les éléments que mon collègue a donnés tout à l'heure pour tout faire capoter. En outre, j'ai trouvé très regrettable que certains membres de la commission retournent leur veste lors des séances parce que l'on auditionnait les patrons des grands magasins.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. L'intervention du Conseil d'Etat porte sur deux points : la méthode, d'une part, et les enjeux, d'autre part.
En ce qui concerne la méthode, je voudrais tout d'abord rappeler qu'il y a eu une initiative populaire proposant une nocturne jusqu'à 21 h 30, avec possibilité d'employer le personnel jusqu'à 22 h, qui a été rejetée et c'est une des données politiques dont on doit tenir compte. C'est la raison pour laquelle, cette initiative populaire ayant eu lieu en 1988, un certain nombre d'années se sont écoulées avant que l'affaire soit remise sur le métier. Le gouvernement l'a souhaité en raison du développement de la situation extraordinairement concurrentielle devant laquelle se trouve le commerce de détail genevois. Mais il a souhaité le faire sur la base d'une certaine méthode, précisément celle qui avait manqué à l'initiative populaire de 1988, c'est-à-dire une discussion préalable entre les partenaires sociaux.
Les partenaires sociaux se sont mis autour de la table de la discussion dans le cadre de la renégociation de la convention collective sur le commerce de détail non alimentaire. Dans le cadre de cette convention, ils sont parvenus à un accord global incluant notamment une «fermeture retardée» jusqu'à 20 h. C'est le terme de la convention collective, vous voyez qu'il y a de la sémantique également dans la convention où l'on parle de fermeture retardée jusqu'à 20 h. J'ai personnellement trouvé que cet accord était une bonne chose parce qu'un accord solide dans une convention collective c'est, en tant que tel, un élément important de la stabilité des conditions-cadres dans lesquelles peuvent se développer les acteurs du commerce de détail, mais j'ai trouvé que 20 h c'était relativement peu. C'était un petit pas, mais comme il avait fait l'objet d'une négociation entre les partenaires sociaux, le gouvernement a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'aller au-delà et que cet accord entre les partenaires sociaux, limitant la fermeture retardée à 20 h, devait être respecté.
Qu'avons-nous fait depuis ? Nous avons été saisis de cet accord des partenaires sociaux au sujet de la fermeture retardée jusqu'à 20 h. Nous avons mis en place la procédure usuelle dans le cadre de la loi sur les heures de fermeture des magasins, c'est-à-dire celle de la commission consultative ad hoc réunissant l'ensemble des partenaires intéressés, y compris les milieux représentant les consommateurs. C'était en janvier 1994. Il y a eu un accord de principe tout à fait clair pour dire : «Allons de l'avant avec une fermeture retardée jusqu'à 20 h.». Certains souhaitaient plus, d'autres étaient peu favorables, mais, en définitive, à la suite de la discussion que j'ai instaurée, un consensus est intervenu. Restait alors à savoir de quelle manière nous allions concrétiser le principe de cet accord en l'insérant dans la loi sur les heures de fermeture des magasins. C'est alors que nous avons négocié avec les partenaires sociaux. Ceux-ci sont représentés, notamment, dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi. Nous avons une réunion mensuelle, nous passons un après-midi chaque mois ensemble pour discuter de manière concertée des conditions de travail et notamment dans le secteur du commerce de détail.
Les partenaires sociaux ont été saisis d'un projet fixant les conditions-cadres, en quelque sorte la règle du jeu pour cette fermeture retardée. La proposition que je leur ai transmise est, en définitive, assez simple. Il s'agit de reprendre, pour cette fermeture retardée à 20 h, c'est-à-dire moins ambitieuse que celle existante pour les deux nocturnes de décembre, le même mécanisme que celui utilisé pour les nocturnes de décembre jusqu'à 21 h 30. En d'autres termes, nous fixons par arrêté les conditions applicables au personnel. J'y reviendrai dans un instant. Contrairement à ce que d'aucuns ont dit, non seulement cette concertation a eu lieu, mais elle a abouti à un accord. Je voudrais vous citer le procès-verbal de la séance du Conseil de surveillance du marché de l'emploi du 8 avril 1994. Il est dit :
«M. Maitre propose d'agir de la même manière que pour les ouvertures nocturnes de décembre en fixant, dans un arrêté du département et non pas dans la loi, les conditions à remplir pour un certain nombre de motifs juridiques.».
Réponse :
«A l'unanimité, les membres du Bureau du Conseil jugent cette suggestion très judicieuse et elle est donc approuvée.».
Il y a donc unanimité des partenaires sociaux à ce moment-là sur les mécanismes, mécanismes que vous retrouvez aujourd'hui dans la loi à cette différence près qu'à la suite de l'amendement proposé par Me Manfrini, nous sommes allés un peu plus loin encore, nous avons pris un risque juridique. Mais j'estime que, politiquement, ce risque est normal, supportable, je reviendrai d'ailleurs dans un instant sur cette question.
C'est par la suite que les choses se sont un peu gâtées et que les enchères sont montées. Il y a eu une publication du Syndicat Action, et moi, je n'ai pas l'habitude de me référer à autre chose que ce que je peux constater en toute certitude, c'est-à-dire notamment aux textes. Qu'a-t-on constaté après l'accord unanime des partenaires sociaux, dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi ? Les syndicats représentés par Action ont publié une documentation tout à fait détaillée, fixant entre autres leur stratégie. Et ils disent très clairement : stratégie syndicale, et je cite, c'est en encadré de façon à mieux en souligner encore l'importance :
«Ouvrir les magasins jusqu'à 20 h doit permettre de contraindre toutes les entreprises intéressées à respecter la convention collective.».
C'est là que ça ne joue plus et que les petits commerces ont dit, à mon avis, à juste titre : «Nous ne sommes pas de cette partie.».
Pourquoi ne pouvons-nous pas contraindre les entreprises à respecter une convention collective ? C'est parce que les entreprises qui ne sont pas signataires d'une convention collective et qui seraient contraintes de la respecter se verraient, en réalité, imposer l'extension obligatoire d'une convention collective sans que les critères permis pour cela par le droit fédéral soient réunis. Je voudrais vous dire que nous ne pouvons pas le faire à propos de conventions collectives et nous ne pouvons même pas le faire à propos des usages. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'aimerais vous rappeler que, dans le cadre de ce Grand Conseil, lorsqu'à propos de la loi sur le service de l'emploi, s'agissant de notre volonté de contraindre les entreprises de travail temporaire à respecter les usages dans la branche, cette disposition de l'article 8 de la loi a été cassée par le Tribunal fédéral dans un arrêt du mois d'avril dont les considérants ont été publiés au mois de juin.
J'aimerais vous dire qu'à un moment donné il faut savoir si, oui ou non, on est pour cette fermeture retardée. Parce que dire que l'on est pour une fermeture retardée en imposant des conditions dont on sait pertinemment qu'elles la rendraient illégale revient à dire que l'on est contre, mais il faudrait avoir le courage de l'affirmer complètement. J'aimerais dire que la concertation a été exemplaire, elle a abouti à un accord et c'est à la suite de cet accord que les enchères ont monté pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de discuter ici. Dans le cadre de la commission du Grand Conseil, nous avons eu cinq séances complètes traitant uniquement de cet objet, où nous avons pu nous expliquer, où nous avons cherché des solutions et nous avons même cherché une solution allant plus loin que ce que proposait le Conseil d'Etat. Avec mon accord et à ma demande, nous avons mandaté un homme de loi pour qu'il mette en place un texte qui, conformément au droit fédéral et dans les limites de celui-ci, aille le plus loin qu'il était possible d'aller sans rendre notre texte illégal et par conséquent exagérément fragile, puisqu'il serait mis à mal au premier recours. Voilà pour la méthode.
J'en viens maintenant aux enjeux. Les évoquer, cela nous invite à retenir d'abord un fait dont personne n'a parlé. Le commerce de détail est actuellement le premier employeur du canton s'agissant de la répartition des emplois par branches, et l'un des enjeux c'est de veiller à ce qu'à la suite de mauvaises actions ou erreurs du gouvernement, du parlement ou de l'opinion publique dans l'appréciation des faits, le commerce de détail, premier employeur, ne devienne pas le deuxième ou le troisième, non pas parce que les autres auraient progressé, mais parce que ce secteur aurait perdu des emplois. C'est un des enjeux fondamentaux. En matière d'enjeux, il faut se souvenir également de la situation concurrentielle tout à fait exceptionnelle devant laquelle se trouve le commerce de détail genevois. Il n'y a aucun autre lieu en Europe où vous trouvez une ceinture aussi proche de celle où s'exprime le commerce de détail genevois, c'est-à-dire la ceinture française environnante et la ceinture vaudoise immédiatement proche de notre canton où les conditions d'exercice du commerce de détail sont aussi différentes de celles que nous connaissons chez nous. En termes de concurrence, cela se connaît.
L'enjeu, c'est celui de la délocalisation du commerce de détail. Voulons-nous continuer à ce que la Migros ouvre des magasins à Thoiry, à Etrembières, simplement pour y récupérer une partie de la clientèle genevoise qu'elle ne parvient plus à servir ici ? Voulons-nous que la Placette continue à ouvrir des magasins en terre vaudoise, à Chavannes-de-Bogis, en l'occurrence, simplement pour y récupérer une partie de la clientèle qu'elle ne parvient plus commodément à servir ici ? Est-ce cela que nous voulons en matière de défense de l'emploi ? J'avais cru pouvoir, sur ce point, obtenir au minimum une forme de compréhension de la part de celles et ceux qui lancent aujourd'hui des initiatives sur l'emploi.
Le petit commerce, c'est également un enjeu dans le cadre de cette affaire sur les fermetures retardées. Venir prétendre, comme cela a été dit - mais on est davantage discret sur cet argument aujourd'hui et pour cause - que les conditions devant désormais présider à l'exercice des activités du petit commerce, dans le commerce de détail alimentaire, sont les conventions d'entreprises Migros et Coop, c'est tout simplement une énorme absurdité, c'est un coup de poignard dans le dos du petit commerce. Je m'étonne sur ce point de la position du groupe écologiste, car le petit commerce c'est l'animation des quartiers, le petit commerce a besoin de vivre avec des conditions devant être manifestement plus souples parce qu'il ne peut pas faire autrement, sauf à vouloir prendre le sinistre pari qu'on peut désormais se passer du petit commerce.
Ce petit pas - parce que c'est un petit pas, et nous aurions souhaité aller plus loin mais nous voulons en rester là parce qu'il trouve son origine dans un accord entre les partenaires sociaux - c'est une goutte d'eau, et je suis surpris de voir que pour une goutte d'eau, certains, politiquement, se sentent complètement noyés. Ce petit pas est un signe que nous devons donner aux acteurs de la vie économique de ce canton. Il est possible d'assouplir un peu un certain nombre de conditions permettant de continuer à exercer tout simplement son métier, à faire vivre les gens que l'on emploie.
Puisque l'on parle des gens que l'on emploie, qu'il me soit permis de vous dire, en termes de conclusion, que de nombreux pays connaissent les nocturnes, de franches nocturnes, jusqu'à 21 h 30 ou 22 h. Tous les cantons qui ont légiféré à propos des nocturnes soit l'on fait directement, soit ont délégué les compétences aux communes. Aucun canton n'a cherché à régler les conditions de travail en introduisant des nocturnes, parce que tous les cantons savent que c'est une question appartenant au législateur fédéral et réglée grâce aux accords entre partenaires sociaux ou aux rapports directs sur la base d'un contrat de travail entre employeur et employé. Genève est le seul canton qui l'a fait. Nous l'avons fait jusqu'ici avec succès, dans le cadre des arrêtés pris par le département de l'économie publique, après concertation avec les partenaires sociaux pour les deux nocturnes de décembre. Il faudra bien que l'on nous explique comment est-ce qu'il est possible que des nocturnes soient organisées en concertation avec les partenaires sociaux - alors qu'elles vont jusqu'à 21 h 30, respectivement 22 h - et que, sur la base du même mécanisme, il est absolument impossible de les mettre en place s'agissant de nocturnes allant jusqu'à 20 h ? Il faudra vraiment que l'on nous explique cela et, si l'on prenait la peine de nous l'expliquer, probablement que l'on serait tous d'accord de voter cette loi telle qu'elle est. (Applaudissements de l'Entente.)
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). J'aimerais juste apporter quelques précisions. S'il y a eu unanimité au sein des partenaires sociaux, celle-ci portait sur la forme de l'arrêté et non pas sur le contenu. Je note au passage, Monsieur le président, que votre soutien au petit commerce est louable, mais je note qu'il s'agit surtout d'un soutien aux petits commerçants et que vous avez choisi la FAC contre le système des partenaires sociaux traditionnels.
A part cela, je n'ai pas trouvé de réponses aux questions que je vous ai posées et je vous demande encore une fois d'y répondre.
M. Max Schneider (Ve). Je ne sais pas si M. Maitre m'a bien compris, mais il était bien clair que la convention collective régissant la Coop et la Migros ne devait pas forcément être appliquée par les petits commerçants. Il est évident que ceux-ci ont d'autres conventions et feront d'autres arrangements, sinon ils n'arriveront pas à s'en sortir. J'avais une autre question concernant le fameux rapport sur les majorités entre employeurs et employés. Vous ai-je mal compris, car vous me parlez d'unanimité ? Mais pour l'instant, cette majorité n'est pas encore acquise à Genève. 534 employeurs avaient dit oui, mais l'unanimité est-elle obtenue aujourd'hui à Genève ?
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). J'espérais une réponse de la part du chef du département de l'économie publique par rapport à mon intervention sur l'affaire de la non-présentation de l'arrêté. Il est passé sur le sujet en montrant qu'il était le meilleur, qu'il avait trouvé toutes les solutions. Ce qui me surprend, c'est que, tout à l'heure, dans le même département, vous avez accepté le renvoi des projets de lois pour créer un conseil économique et social. Si je comprends bien, vous êtes en train de lâcher les «chauds partisans» de ce conseil économique et social que sont MM. Thorel et Beer.
Vous êtes des militants de l'Espace économique européen, mais il faut vous dire que si nous en faisons partie un jour, les nocturnes ne seront plus jusqu'à 20 h, mais beaucoup plus tard. Dès lors, d'autres combats se préparent sur ce problème.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je vais répondre très brièvement. Tout d'abord à Mme Fabienne Blanc-Kühn s'agissant de la FAC. La FAC représente parmi d'autres, mais non pas de manière exclusive, des petits commerçants. Il est normal que le département de l'économie publique entretienne des rapports avec cette organisation comme il le fait avec d'autres organisations syndicales ou patronales. Je crois d'ailleurs que, dans ce domaine, je suis bien suivi, puisque la CGAS a également approché tout récemment la FAC pour essayer de trouver un accord et je trouve que c'est une bonne chose ! En effet, la CGAS peut probablement découvrir, à cet égard, le monde des petits commerçants qu'elle semble ignorer. La FAC est donc un des partenaires de la discussion. Votre question est d'ailleurs intéressante parce que si on la met en rapport avec l'amendement de Mme Calmy-Rey, elle montre la difficulté du chemin qui pourrait conduire à l'unanimité. Cet amendement proposant l'unanimité est un leurre parce que, dans ce domaine, il est douteux que l'unanimité puisse être obtenue. C'est encore une fois une façon comme une autre de dire que l'on n'est pas d'accord avec les nocturnes.
S'agissant de l'arrêté, Monsieur Lyon, c'est le même, selon la même structure, que ce qui est réalisé pour les nocturnes de décembre. Concernant les conditions de travail, vous devez comprendre que ce sont les partenaires sociaux qui fixent et se mettent d'accord sur les conditions de travail et qui transmettent cet accord au département. Le département l'enregistre et en fait une condition de l'ouverture nocturne du mois de décembre. Il ne m'est donc pas possible d'élaborer un arrêté dont le contenu est du ressort des partenaires sociaux. Mais, néanmoins, la structure de cet arrêté est largement connue.
Nous avons dit - et il y a eu un accord unanime à cet égard avec les partenaires sociaux - que le mécanisme utilisé pour cette mini-nocturne à 20 h est celui aujourd'hui employé pour les deux nocturnes de décembre jusqu'à 21 h 30 - 22 h, c'est-à-dire sur la base d'un arrêté ayant la même structure reposant sur un accord des partenaires sociaux. Il n'y a donc pas de différences, et les partenaires sociaux savent parfaitement de quoi il en retourne. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, de manière unanime, ils ont été d'accord avec la structure proposée.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Monsieur le président, je me permets de vous signaler que je désire savoir à quelle heure les vendeuses et les vendeurs seront libérés. Est-ce à 20 h ou à 20 h 30 ?
Le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le titre et le préambule sont adoptés.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). J'aimerais que M. le conseiller d'Etat me dise à quelle heure les vendeurs et les vendeuses seront libérés. Est-ce à 20 h ou à 20 h 30 ? Je le prie de nous donner une réponse.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame, je vais vous donner deux réponses. L'heure qu'il est maintenant, c'est 18 h, l'heure qui est dans la loi, c'est 20 h.
Des voix de gauche. Mais ça veut rien dire !
Article unique (souligné)
Mis aux voix, l'article 9, al. 1 (nouvelle teneur) est adopté.
Article 14 (nouvelle teneur)
Le président. Nous sommes en présence d'un amendement figurant dans le document qui vous sert de rapport, à la page 20, et dont le texte est le suivant :
«Le Conseil d'Etat définit par arrêté les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, auxquelles doivent souscrire unanimement les associations professionnelles intéressées.».
Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Cet amendement a pour objectif d'introduire la règle de l'unanimité pour fixer les conditions d'octroi de l'ouverture prolongée qui figureront dans l'arrêté du Conseil d'Etat. M. Maitre nous a dit que le contenu de l'arrêté qu'il envisage serait le même que celui fixant les conditions des ouvertures nocturnes du mois de décembre. Cela signifie que la seule condition qui sera appliquée sera celle du quart d'heure de pause supplémentaire. Elle ne nous suffit pas.
L'autre argument en faveur de la présentation d'un tel amendement, c'est de dire que dans la formulation actuelle de l'alinéa, il y a un risque que le Conseil d'Etat autorise de fait l'ouverture retardée jusqu'à 20 h sans aucune condition. Par exemple, si les conditions relatives à l'occupation du personnel sont fixées d'entente avec le département et les associations professionnelles concernées, sans la règle de l'unanimité, comme le prévoit le projet de loi, qu'arrive-t-il en cas de désaccord des partenaires sociaux ? L'article 14, alinéa 3, stipule que, dans ce cas, le Conseil d'Etat veillera à ce que l'octroi des autorisations n'entraîne pas de détérioration de la situation du personnel. Quand on voit cela et que l'on se souvient de ce que M. Maitre nous a dit en commission, à savoir que le département n'avait pas le pouvoir d'interdire l'ouverture jusqu'à 20 h sous prétexte - je reprends ses propres termes - que certains établissements refuseraient de respecter les usages de la branche, à partir de ce constat nous ne voyons plus comment le département pourrait interdire l'ouverture jusqu'à 20 h sans condition.
Je crois que M. Maitre a été clair. Le quart d'heure de pause supplémentaire, nous n'appelons pas ça une amélioration des conditions de travail pour les 6 000 vendeurs et vendeuses. M. Maitre nous dit que nous sommes contre l'ouverture prolongée parce que nous souhaitons prendre en compte la donne sociale. Pour reprendre son propre raisonnement, il dit qu'il est pour l'amélioration des conditions de travail des vendeurs et des vendeuses; il le dit toujours, mais chaque fois qu'on lui propose une solution, chaque amendement qu'on lui soumet pose des problèmes juridiques qu'il met tout le temps en avant, alors qu'il sait pertinemment que le problème juridique, dans cette histoire, n'est pas un vrai problème, mais que c'est plutôt la volonté politique qui manque.
Nous aussi, nous voulons une Genève tournée vers l'avenir, mais pas une Genève tournée vers un avenir excluant les gens défavorisés. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir voter l'amendement que nous vous présentons.
M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai une question, car il y a quelque chose dans cet amendement que je ne comprends pas. Imaginons, pour simplifier, qu'il n'y ait que dix magasins à Genève avec chacun un seul employé. Imaginons que dans neuf de ces magasins...
M. Michel Balestra. Avec deux employés ! (Eclats de rires.)
M. Chaïm Nissim. Non, non ! ...patrons et employés soient d'accord avec les conditions-cadres et qu'un seul ne le soit pas. Dans un cas comme celui-ci, avec l'amendement que propose le parti socialiste, les autres magasins pourraient-ils quand même ouvrir ? Est-ce que l'arrêté ne pourrait pas être pris ? C'est cela que j'aimerais comprendre. J'ai entendu des gens à droite qui disaient oui et des gens à gauche non. J'aimerais savoir ce que je vote.
Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Pour répondre à M. Nissim, nous souhaitons qu'il y ait l'unanimité des partenaires sociaux. Nous prétendons que la règle de l'unanimité des partenaires sociaux est nécessaire pour que l'arrêté comporte des garanties permettant d'améliorer les conditions de travail des 6 000 personnes qui, actuellement, ne sont pas protégées.
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur. Madame Calmy-Rey, il est clair que nous refusons cet amendement. Nous l'avons examiné en commission, je vous le rappelle, et il n'est pas applicable, car nous sommes dans une économie de marché, dans un pays à libre concurrence, libre concurrence que nous voulons renforcer. Nous ne pouvons imaginer un seul instant obliger le Conseil d'Etat à trouver les moyens nécessaires pour avoir l'unanimité des associations professionnelles intéressées.
J'aimerais simplement attirer votre attention sur l'amendement que nous avions proposé. En pages 15 et 16 du rapport, Me Manfrini explique correctement les possibilités laissées au Conseil d'Etat. Il a, avec notre amendement, la possibilité, puisque c'est un régime d'autorisation dérogatoire à caractère discrétionnaire, d'intervenir. A la page 62 du rapport, sous les lettres iii, il est dit :
«Enfin, la dernière partie du troisième alinéa vise à ce que, dans la pesée des intérêts, l'autorité tienne compte des conséquences sociales pour le personnel de l'octroi de l'autorisation.».
Alors, à moins d'accuser le Conseil d'Etat et la majorité de ce Grand Conseil de ne pas vouloir tenir compte des intérêts des vendeurs - ce qui semble être le cas et ce qui est totalement faux, car nous sommes interpellés par ce qui se passe dans le secteur de la vente - on ne peut qu'aller dans le sens de ce qu'écrit Me Manfrini. La protection pour le travailleur existe donc, c'est écrit noir sur blanc dans les considérations nous ayant amenés à rédiger cet amendement.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. L'article 14, tel qu'il résulte des travaux de votre commission et tel qu'il a été adopté par la majorité de celle-ci est clair en ce sens qu'il pose un certain nombre de conditions mais essaie de le faire dans les limites du droit fédéral. C'est un risque juridique qui a été pris. J'ai eu l'occasion, et je l'ai dit à Mme Calmy-Rey, de soumettre cet amendement à l'appréciation d'autres juristes spécialistes du droit du travail qui estiment que cette disposition est à l'extrême limite de ce qu'il est possible de faire. Selon eux, il aurait été préférable de s'en tenir à la version du Conseil d'Etat. Nous sommes d'accord sur le plan politique d'aller plus loin, de renforcer encore le texte tel que vous l'avez à l'article 14.
Je précise et je répète qu'aucun canton suisse, jusqu'à présent, n'a été aussi loin que ce que fait le canton de Genève et ne s'est posé la question des conditions de travail, et ils savent bien pourquoi. Maintenant, Madame, j'en viens à l'amendement que vous suggérez. Cet amendement présente une impossibilité et une contradiction, parce que vous savez parfaitement que l'unanimité n'est pas possible à obtenir. Vous avez des situations beaucoup trop différentes et, par conséquent, des divergences d'intérêts vont surgir. Vous le savez bien. La preuve, c'est que la FAC elle-même est particulièrement divisée. Maintenant, la bizarrerie de votre proposition, c'est que vous recherchez l'unanimité des associations professionnelles. Cela est intéressant et moi, à votre place, j'aurais également mentionné les organisations syndicales.
Vous recherchez uniquement l'unanimité des associations professionnelles, c'est un bel hommage à la rue de Saint-Jean. J'aimerais simplement vous dire que celles-ci, dans le cadre du dialogue avec les partenaires sociaux, sont les associations d'employeurs. Personnellement, cet amendement, à supposer par pure hypothèse, ce qui n'est pas le cas, qu'il soit intéressant et que l'on puisse entrer en matière, serait en tout état de cause faux, parce que ce serait une rupture dans le dialogue social. Nous, ce que nous souhaitons, c'est une concertation entre les organisations syndicales, d'une part, les associations professionnelles, d'autre part, formant ensemble les partenaires sociaux. Nous ne voulons pas de rupture dans le dialogue entre partenaires sociaux et votre amendement l'induit très clairement.
Mme Micheline Calmy-Rey, rapporteuse de la minorité. Vous êtes de mauvaise foi, Monsieur le président !
Mis aux voix, l'amendement de Mme Micheline Calmy-Rey est rejeté.
Mis aux voix, l'article 14 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, les articles 14 A (nouveau) et 15 (nouvelle teneur) sont adoptés.
M. Dominique Hausser (S). Nous avons posé à plusieurs reprises la question de savoir si les employés seraient libérés à l'heure de fermeture des magasins telle que mentionnée, c'est-à-dire 20 h, ou bien trente minutes plus tard comme c'est le cas lorsque l'on ferme à 21 h 30. (Manifestation de lassitude sur les bancs de l'Entente.)
Je vous rappelle que, dans l'article 9, alinéa 1, il est mentionné que les magasins peuvent fermer à 19 h 30. Or, l'alinéa 2 précise que les employés doivent être libérés à 19 h. Je sais qu'il existe déjà des commerces à Genève ne respectant pas cet alinéa 2, en particulier un établissement dirigé par un des députés radical de cette enceinte...
Des voix. Des noms !
M. Dominique Hausser. M. Kunz !
Troisième débat
M. Pierre Vanek (AdG). Je demande l'appel nominal, ainsi que l'application de l'article 24 du règlement. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent le projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Le projet est adopté par 49 oui contre 41 non et 1 abstention.
Ont voté oui (49) :
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Dominique Belli (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Anne Chevalley (L)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Françoise Saudan (R)
Philippe Schaller (DC)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Nicolas Von der Weid (L)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (41):
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Anne Briol (E)
Fabienne Bugnon (E)
Micheline Calmy-Rey (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (E)
Sylvie Hottelier (AG)
Liliane Johner (AG)
René Longet (S)
Jean-Pierre Lyon (AG)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)
Liliane Maury Pasquier (S)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Maria Roth-Bernasconi (S)
Andreas Saurer (E)
Christine Sayegh (S)
Max Schneider (E)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
S'est abstenu (1) :
Chaïm Nissim (E)
Etaient excusés à la séance (7) :
Bernard Annen (L)
Roger Beer (R)
Hervé Dessimoz (R)
Catherine Fatio (L)
Jean Montessuit (DC)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Micheline Spoerri (L)
Absente au moment du vote (1) :
Sylvia Leuenberger (E)
Présidence :
M. Hervé Burdet, président.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins
(J 3 14)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les heures de fermeture des magasins, du 15 novembre 1968, est modifiée comme suit:
CHAPITRE II
Fermeture le soir
SECTION 1
Principes généraux
Art. 9, al. 1 (nouvelle teneur)
Heures normales de fermeture
1 Sous réserve des régimes particuliers indiqués ci-après, ou prévus par le règlement, et des dispositions relatives aux fermetures retardées, les magasins doivent être fermés, du lundi au vendredi à 19 h 30, le samedi à 18 h pour les magasins appartenant essentiellement à la branche de l'alimentation et à 17 h pour les autres magasins.
SECTION 3
Fermeture retardée (intitulé, nouvelle teneur)
Art. 14 (nouvelle teneur)
Fermeture hebdomadaire
1 Une autorisation peut être accordée par le département permettant aux magasins de rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h en dérogation aux heures normales de fermeture.
2 Le Conseil d'Etat définit par règlement les conditions d'octroi de cette autorisation dérogatoire, après consultation des partenaires sociaux intéressés.
3 Dans les limites de la législation fédérale sur le travail, le Conseil d'Etat en élaborant son règlement veille notamment à ce que, à défaut d'accords entre les partenaires sociaux dans la branche, l'octroi des autorisations n'entraîne pas de détérioration de la situation du personnel.
Art. 14 A (nouveau)
Fermeture en décembre
Pendant la période du 10 décembre au 3 janvier, les magasins peuvent rester ouverts, en plus de l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 20 h, 2 soirs jusqu'à 21 h 30 avec faculté de servir la clientèle jusqu'à 22 h. Les conditions relatives, notamment, à la compensation des heures supplémentaires et à l'occupation du personnel sont fixées par le département d'entente avec les associations professionnelles intéressées.
Art. 15 (nouvelle teneur)
Désignation des soirs
Le département, après avoir pris l'avis des associations professionnelles intéressées, désigne chaque année le soir pour la fermeture retardée hebdomadaire. Il procède de la même manière pour les 2 soirs de décembre.
Le président. Il nous reste maintenant deux possibilités. La première consiste à poursuivre l'ordre du jour selon son ordre numérique, à faire une pause aux environs de 19 h et à reprendre avec le Service des automobiles et de la navigation au point 77, vers 20 h 30. L'autre possibilité, c'est d'attaquer tout de suite le point 77. (Les députés indiquent au président qu'ils penchent pour la première possibilité.)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la mondialisation de l'économie et l'accroissement de la concurrence provoquent des craquements dans le tissu économique et social;
- que sous l'influence des facteurs conjugués de l'augmentation des performances en productivité et des réserves de capacité de production des entreprises, les besoins en main-d'oeuvre diminuent à un rythme angoissant et que même une reprise nous laissera une situation difficile du point de vue de l'emploi;
- que les économies qui créeront des emplois seront celles qui sauront s'orienter vers l'avenir et qu'il convient en conséquence de mener une politique économique active pour aider les entreprises à se moderniser et à affronter les mutations,
invite le Conseil d'Etat
- à réaliser une étude prospective sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement;
- à étudier la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation en particulier pour les petites et moyennes entreprises;
- à mettre sur pied un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation dans le cadre du Conseil économique et social pour permettre une articulation entre les acteurs sociaux et économiques et déterminer les zones d'intervention pour favoriser l'innovation, la recherche de capital risque, la commercialisation et l'exportation;
- à définir des mesures en faveur de l'investissement dans la production et la reconversion industrielles et des services ainsi que pour l'introduction de nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La crise que nous subissons est la plus longue du siècle. Elle dure depuis 3 ans. Elle est d'abord conjoncturelle mais, la mondialisation de l'économie et la guerre économique provoquent des craquements dans le tissu économique et social ce qui détermine de profondes transformations structurelles dont les effets ne sont pas négligeables sur l'ampleur et la durée de la crise. La concurrence, exacerbée par le rétrécissement des marchés oblige les entreprises à rationaliser et innover dans tous les domaines. Les performances en productivité globale explosent et font imploser les besoins de main-d'oeuvre à un rythme angoissant. En période normale, ce processus de développement de la productivité permettrait un partage des résultats entre le capital et le travail sous forme pour les travailleurs, d'améliorations des conditions générales de vie et de travail et pour les patrons, d'investissements pour l'avenir et de rémunération du capital exposé au risque.
Hélas, en raison de la crise et de la guerre économique toutes ces améliorations de productivité ainsi qu'une partie des marges sont utilisées pour contrer la concurrence. Si bien que l'équilibre financier des entreprises qui sont en mesure d'investir est souvent rendu aléatoire par un fort endettement. Et surtout, il se crée des capacités productrices non employées. En cas de retour de conjoncture, ces capacités peuvent être mobilisées sans faire appel à l'embauche de main-d'oeuvre. Il n'y aura presque pas de création de nouvelles places de travail.
Ainsi, les effets conjugués de la dépression conjoncturelle ajoutés à la formidable augmentation des capacités de production nous préparent un avenir proche difficile. Même en cas de reprise des affaires.
Face à cette situation, la passivité ne convient pas. Une stratégie de politique économique audacieuse, un peu volontariste mais pas tout-à-fait chimérique peut être définie et mise en place. Elle devrait selon nous reposer sur 4 plans précis d'action:
1. Productivité et innovation (tant dans le domaine technique que social). Un modèle de partage du travail appliqué pourrait constituer une innovation sociale.
2. Capital risque: l'affaire de la «Suisse» a démontré que le type d'entreprise nouvelle ou assainie comme celle de la coopérative sont des entités économiques dépourvues de fonds propres et n'offrant ainsi aucune des garanties ordinaires pour recevoir des prêts bancaires. Ce n'est pas de financement dont elles ont besoin, mais d'un apport de fonds propres sous forme de capital risque.
3. Commercialisation, exportation, financement et marketing.
4. Formation professionnelle, recyclage, formation continue et réinsertion.
Les auteurs de la présente motion n'entendent pas aborder la totalité de ces pistes. Les invites adressées au Conseil d'Etat traitent de productivité et d'innovation. La première demande concerne la réalisation d'une étude prospective sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement. L'état des lieux engloberait en outre les ressources technologiques de la région genevoise ainsi que son potentiel d'innovation. Il s'agit de déterminer les conditions d'adaptation de notre économie au contexte de la concurrence internationale. Avec la progression de l'intégration des marchés, la mobilité des capitaux, de la technologie et des connaissances, la vocation de la politique économique est plus que jamais de favoriser l'attrait de notre place économique.
Pas de commentaires particuliers sur la question de la garantie des risques à l'innovation, sauf pour remarquer que la demande est une demande d'étude et que l'objectif pour les pouvoirs publics est de contribuer par sa politique à créer un climat propice aux investissements «innovateurs». Le financement de l'innovation par les banques reste en effet problématique car ces dernières sont tenues de respecter des règles de sécurité souvent incompatibles avec les caractères d'un projet innovateur présenté par une nouvelle PME.
Avec la mise sur pied d'un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation, nous recherchons le développement de lieux de rencontre et une articulation entre divers acteurs sociaux économiques pour déterminer des zones d'interventions dans lesquelles il serait bon d'agir pour susciter l'intérêt, chercher des partenaires, provoquer des croisements ou des convergences de fertilisation et d'innovation.
Enfin, la définition de mesures en faveur de l'investissement comprend des mesures fiscales, d'encouragement de la recherche, voire des aides plus directes. L'Etat ne doit pas se contenter de garantir des projets innovateurs, mais prendre des mesures actives favorisant la reconversion de secteurs économiques en mutation.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vient de désigner les membres d'un tout nouveau Conseil économique et social. Il s'est donc donné un moyen de réfléchir à une stratégie de politique économique. La présente motion se veut une contribution concernant la productivité et l'innovation et au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous engageons à l'accepter.
Débat
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Monsieur le président, une seconde ! J'ai oublié mon chocolat sur la table du milieu... (Rires.) et, pour tout vous avouer, j'ai de la peine à quitter le débat sur l'ouverture prolongée des magasins et à me concentrer sur la motion que nous avons l'honneur, mon collègue Pierre-Alain Champod et moi, de vous présenter.
Pour les raisons évoquées dans l'exposé des motifs et sur lesquelles je ne reviendrai pas ici, une politique économique audacieuse et un peu volontariste est tout à fait possible et peut être mise en place. Elle devrait reposer, selon nous, sur quatre plans d'action : la productivité et l'innovation, le capital-risque, la commercialisation, la formation professionnelle, le recyclage et la formation continue.
La présente motion se veut une contribution sur le premier point et n'entend pas englober tous les autres. Nous proposons, premièrement, la réalisation d'une étude prospective, une sorte d'état des lieux dynamique dans le but de déterminer les conditions d'acceptation de notre économie au contexte de la concurrence internationale. (Brouhaha.)
Monsieur le président, je pourrais vous demander de faire fermer la porte de la buvette.
Une voix. A clef !
Le président. La buvette ?
Mme Micheline Calmy-Rey. A clef !
Le président. Je vous signale que ce n'est pas de la buvette que vient le bruit. Il vient de là ! (Montrant du doigt un groupe de députés sous la tribune.)
Mme Micheline Calmy-Rey. Ah bon, moi j'entends qu'il vient de là-bas !
Le président. Je prie les personnes que le sujet n'intéresse pas de sortir de la salle, et les autres d'écouter silencieusement.
Mme Micheline Calmy-Rey. Merci, Monsieur le président. Je constate que l'on a parlé tout à l'heure de compétitivité, d'économie, bla-bla-bla, bla-bla-bla... mais, quand le sujet vous est présenté concrètement, personne ne s'y intéresse !
Je disais que cette motion se veut une contribution dans le domaine de la productivité et de l'innovation, qu'elle propose, premièrement, une étude prospective dans le but de déterminer les conditions d'adaptation de l'économie genevoise au contexte de la concurrence internationale. La deuxième demande est une demande d'étude portant sur la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. La garantie des risques à l'innovation a été, à l'époque, vous vous en souvenez, soumise à votation populaire et avait été largement acceptée dans le canton de Genève. Donc, ce que nous demandons, ce n'est pas la mise en place d'une garantie des risques à l'innovation, mais une étude portant sur la possibilité de mettre en place une telle garantie.
Troisièmement, nous cédons finalement à la mode des conseils, dont le conseil économique et social, et nous demandons la mise sur pied d'un conseil cantonal de la productivité et de l'innovation qui pourrait prendre place dans le contexte du conseil économique et social. Enfin, nous proposons au Conseil d'Etat d'être plus actif dans la définition de mesures concrètes en faveur de l'innovation. Je vous demande de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Armand Lombard (L). L'aspect positif de la motion qui nous est soumise est de parler de reprise et d'envisager le développement industriel et technologique genevois. J'aimerais vous rappeler les principaux objectifs du groupe libéral dans ce domaine.
Tout d'abord, augmentation de l'emploi, meilleure flexibilité dans le temps et dans l'âge des travailleurs. Deuxièmement, augmentation de l'esprit d'entreprise avec moins de directives, moins de contrôles, davantage d'instruments financiers aussi. Troisièmement, un partenariat, mais le développement réel d'un partenariat entre l'Etat, le privé et la société civile, et pas des actions dirigées par l'un ou par l'autre. Quatrièmement, l'aspect de la reprise que nous souhaitons le plus, c'est la réorganisation des services de l'Etat qu'il nécessite.
Si j'en viens à la motion qui nous est soumise, elle ne répond pas véritablement à ces quatre priorités, et oserais-je susurrer, sans être vulgaire, qu'elle est cette fois-là faite avec la tête, mais sans grand coeur. Elle paraît dénoter de la sécheresse et de la technocratie sans dynamique économique. Pour nous, c'est insuffisant.
Le conseil qui nous est proposé, il est discutable, puisque nous avons devant nous la création du conseil économique et social, que nous avons, par ailleurs, toute une action du Conseil d'Etat par les commissions de l'emploi, par le conseil de surveillance de l'emploi, par des échanges avec les entreprises en difficulté. Il en était récemment question à la commission de l'économie en ce qui concerne Tavaro, et nous avons pu constater un grand effort des services du département de l'économie publique pour être en contact avec les entreprises. Par conséquent, il ne nous paraît pas souhaitable, ni nécessaire, d'ajouter encore un autre conseil, avec d'autres gens qui palabrent. Le conseil économique et social suffit, et il n'est pas bon, à notre avis, de recréer un second organe.
Garantie de risque à l'innovation, certainement pas ! Nous chercherons à stimuler le goût du risque.
Zone d'intervention pour les investissements, certainement pas ! Nous recherchons plus de libertés, nous ne considérons pas l'Etat comme un deus ex machina en ce qui concerne le développement économique de Genève. Enfin, l'Etat a déjà fait part de ses priorités dans ce domaine.
Des mesures en faveur de l'investissement. A l'évidence, il en faut, mais pas créées par l'Etat seul, mais par l'Etat en partenariat, et ces développements doivent être opérés dans le domaine financier par la création d'un deuxième marché boursier, de pépinières d'entreprises, par un fonds régional d'investissements ou par d'autres solutions. Ainsi donc, cette motion ne correspond pas à notre projet, mais nous acceptons pourtant de la renvoyer en commission. Je propose la commission de l'économie, pour en discuter. Non pas avec l'espoir d'en sortir grand-chose, mais au moins pour tenter un consensus, une discussion qui, peut-être, une fois - et une fois n'est pas coutume - permettra à la commission de sortir avec quelque chose de positif, plutôt qu'un combat amer.
M. Pierre Kunz (R). Je crains, Madame et Monsieur les motionnaires, que vous soyez tombés dans le travers des peuples méditerranéens dont Malraux disait que : «...depuis la Grèce Antique, ils prennent les discours pour des actions.». (Rires.) Par ailleurs, dans votre texte, il me semble que vous confondez un peu trop rapidement bureaucratisme et efficacité. Mais enfin, puisqu'il faut concerter, concertons, et renvoyons la motion en commission !
M. Claude Blanc (PDC). Pour continuer sur le même ton, j'avais lu quelque part - c'était des Français qui le disaient, mais je ne sais plus lesquels - qu'à Genève quand on avait renvoyé un projet en commission, on pensait que le problème était résolu. Je crois que c'est ce que nous allons faire, nous allons renvoyer ce machin... (Rires.) comme disait un autre Français célèbre, en commission, en espérant qu'il se résoudra...
M. Claude Blanc. Serait-ce que je n'ai pas assez de voix, Monsieur le président ?
Le président. C'est exactement ça !
M. Claude Blanc. Alors, je vais m'efforcer d'en avoir plus. Nous allons donc renvoyer ce machin en commission pour essayer d'en faire quelque chose, bien qu'il soit l'illustration parfaite de ce que je disais tout à l'heure à Mme Torracinta. Vous n'arrêtez pas de pleurnicher sur les mauvaises conditions de l'économie, d'inventer des commissions, des structures, des études prospectives, et chaque fois qu'il s'agit de faire un geste concret pour améliorer les conditions de travail de l'économie, vous refusez de le faire. C'est ce que j'appelle de l'hypocrisie, je maintiens et je signe.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je n'interviendrai pas sur le fond de la motion que nous avons proposée puisqu'elle va être renvoyée en commission et nous sommes tout à fait d'accord avec ce renvoi.
Je souhaiterais revenir sur le discours de M. Blanc. Depuis quelque temps, il intervient dans ce Grand Conseil en usant de propos tout à fait vulgaires, il nous traite de pleurnichards, de machins. Monsieur Blanc, je vous rends la monnaie de votre pièce, vous êtes un vieux machin macho ! (L'assemblée s'écroule de rire.)
Cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Principe
1 Les effets des lois votées par le Grand Conseil doivent être évalués régulièrement.
2 Sont exemptées de cette obligation les lois dont les effets sont négligeables.
Art. 2
Nature de l'évaluation
1 L'évaluation consiste en une analyse approfondie conduite de manière scientifique des effets prévisibles ou des effets produits par une loi.
2 Lorsque les effets sont de peu d'importance, l'analyse peut être sommaire.
Art. 3
Objet de l'évaluation
Doivent particulièrement être pris en considération les effets de ces lois:
a) sur les finances du canton et des communes;
b) sur l'économie;
c) sur l'emploi;
d) sur la vie et la santé de la population;
e) sur les conditions sociales de la population;
f) sur l'environnement.
Art. 4
Evaluation prospective
Les projets de lois qui sont soumis à évaluation en vertu de l'article 1 doivent comprendre dans l'exposé des motifs une définition claire des buts poursuivis ainsi qu'une analyse des effets présumés que ces actes peuvent produire.
Art. 5
Evaluation rétrospective
1 Les lois qui doivent être évaluées en vertu de l'article 1 doivent faire l'objet, au plus tard 5 ans après leur édiction, d'un rapport analysant les effets produits.
2 Les rapports sont établis à la demande du Grand Conseil et peuvent être portés à la connaissance du public.
Art. 6
Organe d'évaluation
1 Le Grand Conseil élit un organe d'évaluation légis-lative pour procéder aux évaluations rétrospectives prévues à l'article 5, composé de 15 personnes.
2 Cet organe doit être constitué par des experts indépendants et choisis pour leur compétence dans le ou les domaines soumis à l'évaluation.
3 Les experts sont libres pour déterminer le type de données à récolter, la démarche méthodologique et les critères d'appréciation en fonction de l'évaluation qui leur est demandée.
4 Une évaluation coût-efficacité doit en tout cas être effectuée.
Art. 7
Commission du Grand Conseil
Une commission permanente prépare les prises de position du Grand Conseil sur les rapports d'évaluation établis par l'organe d'évaluation législative.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La modernisation de l'Etat et de l'administration est une préoccupation tant des Etats, des parlements que des citoyens, et ce dans la plupart des nations attachées aux valeurs de la démocratie.
Cette réforme de l'Etat et de l'administration passe par une redéfinition, (ou une définition?), des tâches respectives des autorités exécutives et législatives quant aux moyens qu'elles doivent se donner pour contrôler l'adéquation des actes qu'elles produisent en regard des buts fixés et des effets obtenus par lesdits actes.
Si l'on dit communément que gouverner, c'est prévoir, qu'est-ce que légiférer?
La législation a pour but de produire des certitudes pour le présent et de régler des incertitudes pour le futur (Höland). En d'autres termes, la loi émet des règles normatives, pour une application immédiate; et cela est sans nul doute indispensable. Mais la loi ne peut pas toujours prendre en compte la survenue de changements au niveau de la société, qu'il s'agisse de changements liés à une évolution sociale, technologique, scientifique, conjoncturelle, environnementale. Ainsi donc, légiférer, c'est aussi produire des actes qui comportent un certain nombre de risques: les effets produits par une loi correspondent-ils aux effets attendus par sa conception? Au cours du temps, l'évolution sociale, technologique, scientifique, conjoncturelle, environnementale n'est-elle pas en mesure de conférer à cette loi des effets qui étaient imprévisibles au moment où elle a été adoptée? Ces effets, que l'on pourrait qualifier d'«effets secondaires», ne sont-ils pas en mesure d'aller à fin contraire des buts initialement poursuivis?
Le système politique est un système temporel par excellence. C'est pour cette raison qu'il ne peut assumer la totalité des risques qui lui sont imposés et qu'il renvoie donc cette charge au système juridique (Luhmann). Or, comme nous l'avons déjà vu plus haut, la législation est dès lors conduite à assumer des propositions normatives qui, même si elles peuvent paraître se situer dans un contexte temps/action maîtrisable, sont parfois amenées à déborder sur les nombreuses inconnues ou incertitudes de l'avenir. Comment alors résoudre le problème dès lors que l'on touche à des domaines aussi rapidement évolutifs que le sont par exemple sur le plan technologique la médecine, l'énergie, l'environnement, ou dans le domaine économique et social la formation professionnelle, l'emploi, la prévoyance sociale?
Voici quelques-unes des raisons qui, pour nous, sont des arguments essentiels pour vous proposer un projet de loi concernant l'évaluation législative.
Ce projet poursuit plusieurs objectifs: bien sûr il doit contrôler l'efficacité des acrtes de l'Etat, mais il est susceptible de réconcilier des oppositions autour de faits plutôt que de les aviver autour de dogmes; il pourrait enfin présenter des faits qui seraient autant d'éléments de persuasion face à des groupes d'intérêts ou face à une opinion publique dont le scepticisme croissant représente probablement la cause majeure d'un abstentionnisme préoccupant.
L'évaluation des lois pourrait sans doute, mieux que la législation ne le fait actuellement elle-même, restituer les thèmes de société fondamentaux dont elle s'occupe aux différents partenaires de la communauté afin de permettre, entre eux, une communication plus rationnelle.
Préconsultation
M. Pierre-François Unger (PDC). Le projet de loi signé par une majorité des partis représentés dans ce Grand Conseil a pour but de nous permettre de réfléchir sur les outils dont un Etat moderne a besoin pour favoriser une action parlementaire de qualité la plus proche possible d'une société en rapide évolution.
Les lois ont constitué pendant longtemps des actes destinés avant tout à produire et à maintenir des règles de juste conduite. Depuis une centaine d'années, toutefois, l'Etat moderne est intervenu de manière à faire évoluer l'appareil législatif afin qu'il influence de manière incitative ou de manière coercitive le comportement des acteurs de la société. C'était bien entendu pour tenter de résoudre les problèmes que cette société rencontre et parfois qu'elle se crée. Les Etats ont, dès lors, promulgué des lois afin de donner une direction, un sens au comportement des particuliers, des entreprises, de l'administration, bref, de tous les acteurs de la société.
Certaines lois ne représentent plus, dès lors, une valeur abstraite valable pour une durée indéfinie. Elles sont plus souvent des mesures destinées à atteindre un but; elles n'ont donc de sens que s'il y a adéquation entre leurs effets et les objectifs visés. Si, jusqu'à la chute du mur de Berlin, il existait deux pôles vivant chacun sur des certitudes et sur des «contre-certitudes», les deux modèles d'espoir d'avant 1989 ont fait long feu. Pour les démocrates que nous sommes, une seule voie demeure, celle d'une société démocratique que nous souhaitons riche de sensibilités et de nuances mais qui toutes prennent en compte, à des degrés divers, les valeurs essentielles que sont la liberté, la prospérité - sans lesquelles il n'y a pas de partage possible - la solidarité, la qualité du système éducatif, la lutte contre toute forme d'exclusion, la lutte pour la préservation du patrimoine historique, culturel ou écologique.
Cela, nous le devons aux générations présentes et à venir, et c'est pour cela que nous devons concevoir, discuter, voter, modifier et, espérons-le, prochainement évaluer les lois dans les années à venir. Le rôle des lois a changé, les modèles de sociétés miracles ont disparu. Comment pouvons-nous, dès lors, générer les ressources qui permettront aussi bien de stimuler la motivation des citoyennes et citoyens, de réunir les moyens nécessaires à une politique sociale et éducative digne de ce nom, tout en maintenant la qualité du monde dans lequel nous vivons ?
Gouvernement et parlement seront, dès lors, contraints à ce que j'appellerai un tâtonnement législatif pour atteindre les objectifs poursuivis. La loi doit devenir remède, plutôt que potion magique, traitement efficace, plutôt qu'illusion folklorique; bref, son efficience doit pouvoir être démontrée et ce au prix d'effets secondaires acceptables. Les buts poursuivis par le projet de loi qui vous est présenté sont simples. Il nous faudra désormais évaluer nos actes, si possible de manière prospective, et, pour le moins, les conséquences de ces actes après les avoir mis en application. En d'autres termes, il ne s'agit ni de plus d'Etat, ni de moins d'Etat, mais, espérons-le, de mieux d'Etat. Ce sont les effets de nos actes à plusieurs niveaux qu'il faudra considérer. Bien sûr, une analyse coût/efficacité des politiques publiques devra-t-elle être effectuée, mais un projet de loi actuellement en examen à la commission des finances devrait pouvoir permettre de répondre à ce type de préoccupations.
Nous estimons toutefois indispensable d'évaluer également l'influence des actes de l'Etat sur l'économie, l'emploi, la vie et la santé de la population, ses conditions sociales et sur l'environnement. C'est ainsi que nous pourrons débattre autour de faits plutôt que dans un monde pointilliste. Mais rassurons tout de suite celles et ceux qui craindraient que l'évaluation législative ne fasse de la loi une production scientifique pure, interdisant toute expression politique. Il n'est pas question d'empêcher les sensibilités politiques quelles qu'elles soient de proposer les solutions leur paraissant les mieux à même de résoudre les problèmes rencontrés. En revanche, parions que la mise en vigueur d'une évaluation des lois permette de produire moins de textes, mais de meilleure qualité, plutôt que des textes approximatifs dont parfois l'insuccès entraîne la profusion.
En conclusion, j'espère, par ce projet de loi, que nous pourrons oeuvrer dans le cadre de nos mandats vers une action parlementaire exemplaire, plus proche d'une société dont la vitesse d'évolution impose des outils d'appréciation de plus en plus performants.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne pense pas que nous ayons été sollicités pour contresigner ce projet de loi, du reste, nous ne l'aurions pas fait, car nous n'y sommes pas favorables. Nous pensons, en effet, que ce Grand Conseil est déjà surchargé de travail. Il n'y a qu'à se référer à l'ordre du jour particulièrement long de la présente session. D'autre part, nous pensons que c'est à l'administration, au Conseil d'Etat, dans le cadre de l'application des lois de constater si, à un moment donné, elles posent des problèmes d'application méritant d'être revus. Constituer une sorte d'organe d'évaluation permanente avec le travail considérable que représente la mission qui lui serait confiée en vertu de l'article 3 du projet de loi nous paraît manifestement excessif et nous sommes, à la limite, étonnés que des partis politiques qui, en général, demandent à la fois des économies et surtout un travail moins intensif de législation, fassent des propositions pareilles.
Nous pensons, en fait, que derrière ce projet de loi et, contrairement à ce que le préopinant vient de dire, il y a probablement une volonté de procéder à des démantèlements législatifs en se fondant sur l'avis d'experts. A ce sujet, la notion d'experts indépendants, vous me permettrez de le dire, est véritablement extrêmement sujette à caution.
Vous avez dit tout à l'heure que vous souhaitiez que les textes de lois ne soient pas approximatifs, mais d'une qualité aussi bonne que possible. Eh bien, ce souci nous le partageons et il sera d'autant mieux respecté si le Grand Conseil travaille sérieusement, c'est-à-dire examine avec sérénité et calme les projets de lois en commission, sans les voter au pas de charge en séance plénière.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je remplace ma collègue Sylvia Leuenberger. Elle se demandait hier si ce projet de loi ne faisant pas, dans une certaine mesure, double emploi avec celui venant deux points plus loin dans notre ordre du jour, qui parle d'évaluation des politiques publiques et qui est en train d'être concocté par la commission fiscale.
M. Bernard Lescaze (R). Effectivement, le projet 7118 n'est pas un doublon avec le projet d'évaluation des politiques publiques tel que la commission des finances vous le propose.
Ce n'est pourtant pas là-dessus que j'aimerais intervenir, mais simplement pour répondre au président Grobet, car je suis extrêmement surpris de son conservatisme en la matière. En effet, ce qui est proposé par le projet 7118 sur l'évaluation législative n'est rien d'autre, au fond, que ce qu'il connaît et que l'on appelle, en matière d'aménagement du territoire et d'architecture, une étude d'impact. Je crois savoir que le département des travaux publics, sous une présidence qu'il connaît particulièrement bien, a beaucoup défendu les études d'impact et je suis donc extrêmement surpris de le voir aujourd'hui, dans un autre domaine, s'opposer véhémentement aux études d'impact.
J'aimerais d'ailleurs dire qu'en réalité les procédures d'évaluation avec une commission d'experts, telles que le prévoit notre projet, ont été pratiquées à Genève même il y a plus d'un siècle, mais on l'a totalement oublié. Ce n'est pas le système des lois à l'essai, mais à Genève, il y a exactement 102 ans, lorsque l'on a voulu introduire le système d'élection de ce Grand Conseil à la proportionnelle, comme on ne savait pas exactement ce à quoi on allait aboutir, on a commencé - et on l'oublie - par faire une élection à blanc. Au vu du résultat, à ce moment-là, on a décidé de faire adopter définitivement le système de la proportionnelle. C'est pourquoi je vous invite à renvoyer ce projet en commission.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Un mot pour vous dire qu'évidemment le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à ce que ce projet soit renvoyé à la commission des finances. Pourquoi ? D'abord, parce qu'il a déjà, depuis un an, fait l'objet d'une réflexion sur ce problème qui, effectivement, n'est pas nouveau. Vous devez savoir, et vous le lirez de manière plus détaillée dans le projet de loi 7123 figurant au point 36 qui, malheureusement, pour des questions d'imprimerie, alors qu'il avait été déposé dans les délais, reviendra à une prochaine séance, que notre université de Genève, sous la direction du professeur Morand, est pionnière en matière d'évaluation législative et travaille dans ce sens.
On peut discuter, et je l'ai indiqué aux auteurs de ce projet de loi, sur l'opportunité des structures qu'il vise. Mais il est clair, et la Confédération fait également oeuvre de pionnière dans ce domaine, que le travail effectué par la commission des finances depuis plus d'une année à propos de l'initiative 100 qui revient devant vous au point 36 mérite d'être examiné et complété par les travaux de ce projet de loi. Dès lors, je ne m'oppose pas au renvoi à la commission des finances, et le projet 7123 sera étudié, de mon point de vue, de concert avec le projet 7118.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA) sont approuvées.
2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.
Art. 2
La présente modification entre en vigueur le 1er janvier 1995.
ANNEXE
Modifications aux statuts de la CIA.
Art. 24, al. 1 (nouvelle teneur)
Cotisation annuelle
1 Le taux de la cotisation annuelle est fixé à 24% du traitement assuré. Le taux est réduit à 3% pour les assurés de moins de 20 ans révolus. L'article 104 demeure réservé.
Art. 104 (nouveau)
Progression cotisation annuelle
L'augmentation du taux de la cotisation annuelle de 20,25% à 24% intervient selon les modalités suivantes:
a) augmentation de 20,25% à 21,6% au 1er janvier 1995;
b) augmentation de 21,6% à 22,8 au 1er janvier 1996;
c) augmentation de 22,8% à 24% au 1er janvier 1997.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les modifications apportées aux statuts de la CIA portent sur le point fondamental de l'équilibre financier de la caisse à long terme.
Rappelons que pour l'ensemble des caisses de prévoyance de droit privé l'équilibre financier est atteint lorsque l'institution de prévoyance dispose en tout temps des fonds nécessaires à couvrir l'intégralité de ses engagements tant à l'égard des pensionnés (pensions en cours de jouissance) que des actifs (prestations de libre passage) selon le système de la capitalisation, imposé par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) du 25 juin 1982.
I. Garantie de l'Etat
Les caisses de prévoyance de droit public peuvent s'écarter du principe de la capitalisation pour autant qu'une collectivité de droit public garantisse les prestations légales.
Pour la CIA, cette garantie existe à l'article 1, alinéa 3 de ses statuts:
II. Equilibre financier de la CIA
Pour la CIA, l'équilibre financier est jugé satisfaisant lorsque la fortune sociale de la caisse, sur la base de projections actuarielles sur 20 ans, est au moins égale:
Grâce à la garantie de l'Etat, la CIA peut donc se contenter d'une «demi-capitalisation», ce qui constitue une dérogation déjà considérable par rapport au système exigé normalement par la LPP.
III. Taux de la cotisation CIA
Sur la base des études effectuées par les actuaires-conseils de la CIA, en fin de chaque exercice, il apparaît que le taux de la cotisation de 20,25% des traitements assurés ainsi que les autres ressources de la CIA (rendement de la fortune, rappels, rachat, etc.) ne suffisent plus à garantir l'équilibre financier de la CIA pour les 20 ans à venir.
Suite à l'expertise actuarielle approfondie, effectuée sur la base des comptes de l'exercice 1991, les actuaires-conseils préconisaient, en date du 31 août 1992, d'adapter le taux de la cotisation à:
21% dès 1993
22,5% dès 1994
24% dès 1995
pour maintenir un degré de capitalisation de 50% sur 20 ans.
Compte tenu du délai écoulé depuis lors, un retard a d'ores et déjà été pris puisque les cotisations ne pourront être adaptées à 24% qu'en 1997 soit:
21,6% dès 1995
22,8% dès 1996
24% dès 1997
IV. Décision du comité de la CIA du 15 décembre 1992
Le comité, dans sa majorité, adopte les conclusions des experts et présente à l'assemblée des délégués du 25 mars 1993 un projet de modifications statutaires allant dans ce sens.
V. Décision de l'assemblée des délégués CIA au 25 mars 1993
L'assemblée des délégués, après une séance d'information donnée le 5 mars 1993, refuse le rapport de majorité du comité de la CIA, ainsi que le rapport de minorité (voir annexes I et II).
Il convient de noter qu'au sein des instances de la CIA les hypothèses de calcul et projections des actuaires n'ont pas été contestées; pour une majorité, cependant, la hausse de cotisations peut être évitée grâce à la pérennité et à la garantie de l'Etat qui peut augmenter indéfiniment.
VI. Décision du service de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du 25 août 1993
Suite au refus de l'assemblée des délégués de la CIA, tant les actuaires-conseils par lettre du 30 mars 1993 (voir annexe III) que le Conseil d'Etat par lettre du 1er juin 1993 (voir annexe IV) informent le service de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du fait que l'équilibre financier de la CIA n'est plus garanti à long terme, au sens de ses statuts.
En date du 25 août 1993 (voir annexe V) le service de surveillance des fondations décide d'imposer à la CIA une hausse progressive du taux des cotisations à 24%.
Cette procédure est actuellement pendante devant la Commission fédérale de recours.
VII. Décision de l'Assemblée des délégués CIA du 10 mars 1994
Parallèlement à la procédure décrite sous point VI ci-dessus, le comité de la CIA poursuivait diverses études dans le but de trouver un «compromis», acceptable pour l'assemblée des délégués, conduisant à une hausse plus faible des cotisations, soit 21,6% (au lieu des 24% préconisés par les experts), mais conduisant du même coup à une décapitalisation plus marquée, soit en dessous du seuil de 50%, qui constitue pour le Conseil d'Etat un minimum absolu.
L'assemblée des délégués a accepté le compromis proposé par une majorité du comité de la CIA (voir annexes VI et VII, rapports de majorité et minorité).
VIII. Les enjeux
Selon les projections établies par les actuaires-conseils de la CIA en avril 1993, on peut définir l'évolution à 20 ans (1992-2011) de la manière suivante:
Degré de capitalisation
Garantie de l'Etat
avec le taux actuel de cotisations à 20,25%
38,6%
7,1 milliards
avec le taux proposé par les experts à 24%
51,1%
5,6 milliards
avec le «compromis» à 21,6%
43,1%
6,6 milliards
IX. Position du Conseil d'Etat
Par lettre du 1er juin 1993, le Conseil d'Etat a pris formellement position contre toute modification des statuts de la CIA qui conduirait à renoncer à un degré de capitalisation de 50% au moins.
En effet, couvrir le 50% des engagements (pensions ouvertes et prestations de libre passage des actifs) doit être considéré comme un minimum compte tenu qu'à long terme un tel système ne couvre même pas la totalité des réserves mathématiques nécessaires au paiement des rentes; ce système, dit des capitaux de couverture, conduirait en effet à une cotisation de l'ordre de 27%.
S'écarter trop de ce principe a conduit d'ailleurs nombre de caisses de prévoyance en Europe à la limite de la cessation de paiement; ce n'est qu'au prix de lourdes contributions d'assainissement (qui sont réclamées tant aux cotisants actifs qu'aux pensionnés) que l'on tente aujourd'hui de reconstituer quelques réserves, ou au prix d'une baisse des prestations.
C'est pourquoi, malgré la situation difficile des finances cantonales, le Conseil d'Etat ne peut accepter de reporter sur les générations futures le prix d'une décapitalisation excessive de la CIA.
Il faut noter par ailleurs que l'actuel système financier de la CIA a été approuvé par le Grand Conseil le 20 février 1986; le rapport de la commission des finances (voir PL 5730A), chargée d'étudier le projet de loi mentionne déjà clairement les points suivants:
- la décapitalisation ne descendra en aucune façon au-dessous de 50% de la somme des valeurs actuelles des pensions en cours de jouissance et des prestations de libre passage des membres en activité;
- la part patronale de la charge de cotisations n'excédera pas le 16% des salaires coordonnés» (soit au total 24% avec la contribution de 8% des salariés).
X. Coût
Compte tenu d'un montant total des traitements assurés CIA, de l'ordre de 1 milliard de francs, les coûts suivants devront être pris en compte soit par an:
Etat
Salariés
pour 1995, de 20,25% à 21,6% (+ 1,35%)
9 millions (+ 0,9%)
4,5 millions (+ 0,45%)
pour 1996, de 20,25% à 22,8% (+ 2,55%)
17 millions (+ 1,7%)
8,5 millions (+ 0,85%)
pour 1997 et années suivantes, de 20,25% à 24% (+ 3,75%)
25 millions (+ 2,5%)
12,5 millions (+ 1,25%)
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver le projet de loi qui vous est soumis.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
ANNEXE 5
ANNEXE 6
ANNEXE 7
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Deux mots sur ce projet de loi, puisque, malgré les quarante pages qui l'accompagnent, il n'est pas du tout fait mention de la situation de fait, telle qu'elle s'est déroulée depuis 1993 à l'intérieur de la CIA. Ce projet de loi est l'expression même du non-respect du fonctionnement démocratique de la CIA et je m'en explique en rappelant brièvement trois dates.
Tout d'abord, en 1993, au début de l'année, les actuaires de la CIA avaient proposé, dans un premier temps, un taux de cotisation à 24% et, en mars 1993, l'assemblée des délégués de la CIA a refusé cette augmentation. Je vous rappelle que le taux de cotisation annuel est de 20,25%. Tout en refusant d'augmenter ce taux de cotisation, elle a également refusé de passer à un autre système. Nous en étions donc restés au système de la capitalisation qui est le système actuel. Troisième temps. Nous sommes en août 1993, le Conseil de surveillance de l'institution lui impose de passer à un taux de 24%. Un recours contre cette décision est interjeté au Tribunal fédéral des assurances. C'est donc dire que cette décision a été contestée par des délégués de la CIA et des associations et qu'aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, le recours est toujours pendant. Nous ne connaissons pas la décision du Tribunal fédéral des assurances. Donc la décision de la commission de surveillance n'est pas entrée en force. Le dernier élément de fait, mais qui est le plus important, c'est que, parallèlement à la décision contestée par les délégués de la CIA auprès de l'autorité judiciaire, le comité et l'assemblée des délégués de la CIA sont parvenus à un compromis ayant trouvé grâce, non seulement aux yeux du comité, mais également agréé par l'assemblée des délégués, c'est-à-dire d'augmenter le taux de 20,25%, taux de cotisation actuel, à un taux moyen de 21,6%, un point c'est tout.
Aujourd'hui, ce projet de loi se moque totalement de ce compromis qui a trouvé l'aval des instances compétentes. Il se moque également totalement de la procédure judiciaire en cours, puisque l'on nous soumet cette question avant de connaître la décision du Tribunal fédéral. Par conséquent, la décision de la commission de surveillance n'est pas entrée en force. Je dirai que la situation est encore plus grave, car je me suis renseigné avant de prendre la parole sur cette question auprès des instances de la CIA pour savoir ce qu'il en était, s'ils avaient au moins été contactés. Monsieur Vodoz, vous dites : «Bien sûr !», mais le comité de la CIA n'est pas au courant de ce projet de loi, l'assemblée des délégués ne l'a pas reçu à l'heure où vous le soumettez au parlement.
C'est tout de même un monde, car, Monsieur Vodoz, cela va dans le sens d'une confrontation. Vous suscitez la confrontation dès le moment où vous proposez à ce parlement d'imposer à la CIA un taux de cotisation à 24%, ce qui est précisément la décision que l'assemblée des délégués a refusée. Vous savez qu'il existe aujourd'hui un compromis qui a trouvé grâce tant aux yeux du comité que de l'assemblée des délégués, sur un taux plus bas de 21,6%, et vous vous moquez de cette décision comme vous vous moquez de celle que le Tribunal fédéral devra rendre, puisque vous voulez que le parlement puisse se prononcer sur un taux à 24%, précisément refusé et ne tenant nullement compte de la décision de l'assemblée des délégués.
Voilà les éléments de fait que je voulais présenter pour que l'on puisse se prononcer en connaissance de cause sur un projet de loi dont l'exposé des motifs ne parlait pas de façon très claire, c'est le moins que l'on puisse dire.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je récuse totalement les propos excessifs de M. Ferrazino. Comme président, puis comme vice-président de la CIA, j'ai participé à toutes les assemblées générales. A chacune d'elles, que ce soit à la première où avait été présenté le projet du comité acceptant le projet des actuaires-conseils portant l'augmentation de la cotisation par paliers jusqu'à 24%, ou à la seconde séance d'information, voire à la troisième dont vous trouvez le résumé en page 5 du projet de loi, avec en annexe l'ensemble des rapports de majorité et minorité, j'ai dit très clairement aux délégués, comme devant le comité de la CIA, que le Conseil d'Etat - puisque, en système de répartition, c'est la garantie de l'Etat qui importe - n'accepterait en aucun cas un taux de décapitalisation inférieur à 50%.
Or, le compromis trouvé au niveau de l'assemblée des délégués porte sur une augmentation limitée de la cotisation, mais à un taux de décapitalisation inférieur à 50%. Sur ce plan-là, le Conseil d'Etat - qui n'est pas constitué de spécialistes en matière actuarielle - pour être épaulé dans ce domaine, conformément à la loi sur la prévoyance professionnelle, a un rapport en main, comme l'ont le comité de gestion de la CIA et les membres de l'assemblée des délégués, soit les actuaires-conseils, désignés par l'autorité fédérale, qui recommandent depuis plusieurs années, pour l'équilibre de la caisse, une augmentation des taux de cotisations de la CIA.
Il ne s'agit pas de faire un bras de fer avec le comité de gestion de la CIA. Il en va d'une question de responsabilité. Vous pouvez imaginer qu'il n'est pas particulièrement agréable, pour le gouvernement et, notamment, pour moi, comme responsable des finances, d'avoir à devoir prendre des décisions d'augmentation de la cotisation puisque, à teneur actuelle des statuts, c'est l'Etat employeur qui couvre les cotisations pour deux tiers, l'employé couvrant un tiers. Cette augmentation progressive vient alourdir - cela est clairement indiqué - le projet de budget du Conseil d'Etat. Si nous avons pris cette décision et si le Conseil d'Etat m'a suivi sur cette question, c'est parce que les actuaires-conseils recommandent cette voie-là et que le Conseil d'Etat considère qu'il n'est pas possible de décapitaliser, et, par conséquent, d'accroître à terme la garantie déjà considérable de l'Etat.
Dans cette discussion, les jeux sont parfaitement clairs. A chacun des comités de gestion de la CIA, lorsque nous avons abordé ces problèmes - cela a duré près de deux ans - devant les assemblées de délégués et encore dans le cadre, bien entendu, des recours - ce n'est pas encore devant le Tribunal fédéral mais devant la commission fédérale en cette matière - j'ai expressément indiqué qu'il incombait au parlement d'examiner cette question. Deux motions sont d'ailleurs pendantes devant la commission des finances et les commissaires m'ont demandé à réitérées reprises de les renseigner sur la CIA et de leur remettre les documents issus de la CIA. Par conséquent, le projet présenté a donc pour but de savoir si vous acceptez, vous parlement, d'accroître la garantie de l'Etat en faveur de la CIA et une décapitalisation complémentaire en dessous de 50% - soit une augmentation de cotisation extrêmement minime - ou bien, comme le Conseil d'Etat dans le cadre de ses propres responsabilités l'a décidé, de ne pas décapitaliser en dessous de 50% dans cette caisse de répartition et d'augmenter par paliers les cotisations.
Le pourcentage de la caisse des fonctionnaires de l'Etat de Vaud, comme beaucoup d'autres, dépasse largement 24%. Si vous renvoyez ce projet devant la commission des finances, cette dernière recevra tous les documents dont vous avez déjà une partie en annexe - il y en aura d'autres, y compris le rapport des actuaires-conseils. Elle sera tenue au courant de l'évolution du recours dans ce cadre-là. Cette question est non seulement de nature actuarielle mais, en définitive, politique : savoir si l'on accroît la garantie de l'Etat ou pas, et, par conséquent, savoir si la cotisation doit augmenter ou pas. C'est dans ce cadre que le Conseil d'Etat, tout naturellement, prend ses responsabilités et vous soumet le problème. La commission des finances pourra travailler; elle auditionnera la CIA et ses organes.
Il n'y a pas de projet plus transparent. Dans un problème aussi complexe, aussi délicat et engageant très fortement nos responsabilités respectives, il était normal de venir en discuter devant vous. Je vous demande de renvoyer ce projet à la commission des finances.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
La séance est levée à 18 h 50.