Séance du vendredi 16 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 30e séance

PL 7158
8. Projet de loi du Conseil d'Etat : a) abrogeant la loi sur le fonds cantonal genevois de chômage (J 4 7); b) modifiant la loi en matière de chômage (J 4 5). ( )PL7158

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur le fonds cantonal genevois de chômage, du 14 avril 1978, est abrogée et le fonds est dissous.

Art. 2

Entrée en vigueur

La loi entre en vigueur simultanément à l'entrée en vigueur de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du ... (à préciser).

Art. 3

Disposition transitoire

Les prestations faisant l'objet d'une décision exécutoire au moment de l'entrée en force de la présente loi continuent à être servies jusqu'à concurrence de la fortune disponible à la date de ladite entrée en vigueur.

Art. 4

La loi en matière de chômage, du 10 novembre 1983, est modifiée comme suit:

Art. 7, lettre d (nouvelle teneur)

d) les prestations servies en vertu des dispositions contenues dans la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du ... (à préciser).

Art. 21, al. 2 (nouvelle teneur)

al. 3 (abrogé)

2 L'Etat assure le complément financier nécessaire en vue de garantir le versement des prestations selon les conditions de la présente loi.

Art. 27, lettre c (abrogée)

EXPOSÉ DES MOTIFS

A l'appui de ce projet de loi d'abrogation, vous trouverez ci-après quelques indications techniques, financières et politiques justifiant la démarche législative proposée.

1. Rappel historique

Le 1er avril 1977 est entrée en vigueur la nouvelle conception de l'assurance-chômage obligatoire, appelée «régime transitoire». Un des principes de base de cette nouvelle législation fédérale a été de supprimer l'affiliation individuelle en procédant à la perception des cotisations par le canal des caisses de compensation AVS.

Dès lors s'est posé le problème de l'utilisation de la fortune des caisses de chômage accumulée pendant de nombreuses années au moyen des cotisations de leurs membres. Le législateur a résolu le problème à l'article 32 de l'arrêté fédéral du 8 octobre 1976, prévoyant, en substance, que les deux tiers de la fortune existant au 1er avril 1977 devaient être attribués à une fondation de droit privé (concerne les caisses privées) ou à une fondation de droit public (pour les caisses publiques), en poursuivant un but de caractère social.

La commission de surveillance de la caisse cantonale genevoise d'assurance contre le chômage a proposé, vu l'origine des fonds, la création d'une fondation de droit public à but social, respectant la volonté du législateur fédéral.

La fondation mise en place en 1978 était surtout destinée à permettre le versement d'une allocation sociale en faveur des personnes qui, pour des raisons diverses et fréquemment indépendantes de leur volonté, ne remplissent pas ou plus les conditions de base nécessaires à leur indemnisation par l'assurance-chômage.

2. Activités du fonds cantonal

Dans la mesure où la fortune de la caisse cantonale de chômage s'élevait, au 1er avril 1977, à 26,2 millions de francs au moment de sa dissolution, c'est donc un capital de 17,3 millions de francs qui a été affecté à la fondation nouvellement créée, à savoir les deux tiers.

L'entrée en vigueur du fonds cantonal genevois de chômage n'a pris effet cependant qu'au 1er janvier 1978 - cette année-là constituant la première période d'activité.

Si durant les exercices initiaux la fortune du fonds a pu se maintenir à un niveau plutôt élevé, c'est avant tout parce que le produit des actifs couvrait encore les dépenses courantes. Or, par la suite, en raison de la hausse progressive du chômage dans notre canton, le fonds a été mis à plus forte contribution, non seulement à raison des prestations directes versées à des personnes ayant épuisé leurs droits à l'assurance fédérale, mais aussi du fait que le fonds avait pour mission de contribuer notamment au financement des prestations en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail (PCMM) accordées en vertu de la loi en matière de chômage (J 4 5). Cette contribution du fonds aux PCMM a d'ailleurs cessé; les PCMM ne sont donc désormais financées que par les cotisations des assurés et une subvention de l'Etat de Genève.

Le tableau chiffré ci-après montre clairement l'ampleur et le rythme de décapitalisation du fonds:

Décembre 1977

17,6 millions de F

1978

17,8 millions de F

1979

16,6 millions de F

1980

16,6 millions de F

1981

17,0 millions de F

1982

17,3 millions de F

1983

17,3 millions de F

1984

17,4 millions de F

1985

17,0 millions de F

1986

16,9 millions de F

1987

16,5 millions de F

1988

15,7 millions de F

1989

15,5 millions de F

1990

14,9 millions de F

1991

13,6 millions de F

1992

11,7 millions de F

1993

8,3 millions de F

Or, compte tenu de l'augmentation du nombre de prestations accordées à l'heure actuelle, le fonds se décapitalise à un rythme élevé - ce qui tarit d'autant ses sources de revenus; de ce fait, on peut estimer qu'au printemps 1995, le fonds ne disposera plus des actifs nécessaires pour faire face à ses obligations.

Vu ce qui précède, les organes du fonds (direction et conseil de fondation) n'ont pas manqué de s'inquiéter de la décapitalisation rapide de l'institution en question et ont tout naturellement attiré l'attention du Conseil d'Etat sur la nécessité de prendre les mesures adéquates pour garantir la survie éventuelle du fonds - comme cela est prévu dans la loi J 4 7 à son article 4.

3. Transformation du fonds cantonal

Considérant l'augmentation croissante du nombre de personnes en fin de droits dans le cadre des dispositifs en vigueur et la nécessité de contrôler et coordonner les dépenses liées à la lutte contre le chômage dans le canton de Genève, le Conseil d'Etat a saisi l'occasion de la présentation du projet de loi 6629 B sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droits pour redéfinir le rôle et le sort du fonds cantonal.

Dans ce contexte aussi, notre Conseil, a estimé ainsi que le nouveau système institué par le projet de loi (PL 6629 B) sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit venait logiquement se substituer aux dispositions régissant le fonds cantonal de chômage et qu'il n'était dès lors ni nécessaire ni concevable, vu la situation des finances de l'Etat, de recapitaliser ledit fonds. La commission sociale du Grand Conseil, chargée d'étudier le projet de loi 6629B, en a été dûment informée. Il convient en effet de privilégier dorénavant la voie du RMAS - au demeurant souhaité par tous les partis; au surplus, le RMAS représente aujourd'hui un système d'aide nouveau et mieux adapté.

Vu ce qui précède, le Grand Conseil est donc invité à abroger formellement la loi sur le fonds cantonal de chômage, du 14 avril 1978 (J 4 7), et à procéder aux modifications formelles à d'autres lois, afin de permettre la mise en place et en vigueur dans les meilleurs délais du projet de loi 6629 B - étant précisé que le solde éventuel des actifs du fonds au moment de l'entrée en force de la loi instituant le RMAS sera affecté à la couverture des prestations qui en découlent.

A propos des modifications formelles de la loi cantonale en matière de chômage, il sied de souligner ce qui suit:

A l'article 7, lettre d:

La loi renvoie expressément à la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (revenu minimum d'aide sociale et allocation d'insertion).

A l'article 21, alinéas 2 et 3:

Les prestations complémentaires en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail (PCMM) demeurent en tant que telles inchangées. La répartition de leur financement est en revanche modifiée.

L'adaptation de l'article 21 de la loi concourt à ratifier en droit une situation existant dans les faits. En effet, aujourd'hui déjà, le fonds cantonal ne participe plus, faute de ressources suffisantes, au financement des PCMM. Il convient donc de confirmer que ce financement est réalisé par les cotisations des chômeurs ainsi qu'une subvention de l'Etat, assurant le complément financier nécessaire.

A l'article 27, lettre c:

La situation des demandeurs d'emploi prévue à la lettre c de l'article 27 demeure couverte par l'article 27, lettre d. En effet, un chômeur en fin de droit peut demeurer inscrit à l'office cantonal de l'emploi en vue d'obtenir l'appui du service de placement.

Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.

Préconsultation

Mme Claire Torracinta-Pache (S). J'ai l'impression que le Conseil d'Etat travaille de plus en plus vite; c'est impressionnant ! D'ailleurs, M. Maitre vient d'y faire allusion. Mais je me demande si, avec ce projet de loi, on ne met pas un petit peu la charrue avant les boeufs ! J'aimerais simplement rappeler que ce projet de loi est directement lié au projet de loi qui vous proposera l'introduction d'un revenu minimum d'aide sociale pour les chômeurs en fin de droit et que bien que ce projet de RMAS, comme on l'appelle déjà, ait été accepté dans les deux commissions concernées, à savoir la commission des affaires sociales et la commission des finances, il n'a pas encore été accepté par cette assemblée. Il n'est donc pas possible d'entamer des discussions sur le point du projet de loi 7158 avant d'avoir accepté l'autre.

J'aimerais également rappeler que ce projet de loi a soulevé quelques surprises et quelques colères dans certains milieux. En effet, il semblerait que le conseil de fondation qui s'est réuni le 26 août n'avait pas été averti de cette dissolution. Il l'a été après la séance officielle dans une discussion informelle, ce qui est tout de même un peu surprenant.

Enfin, il me semblerait bon de s'assurer que le revenu minimum d'aide sociale, s'il est accepté par ce parlement, sera versé à toutes les personnes qui bénéficiaient de ce fonds. Cela dit, nous ne nous opposons pas au renvoi en commission de ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais voler à votre secours, Madame Torracinta-Pache - une fois n'est pas coutume - (Rires.) pour dire que, effectivement, ce projet de loi vient en union - si j'ose dire - avec le projet que vous avez évoqué.

Il ne pourra être effectif que lorsque le projet de loi 6629 aura été voté par ce parlement. Compte tenu du fait que la commission des affaires sociales, d'une part, et la commission des finances, d'autre part, ont donné un préavis favorable, je pense que l'on peut espérer que le projet de loi 6629 sera accepté par ce parlement à la prochaine session du Grand Conseil.

Il serait bon, dans la foulée et contrairement à l'usage, de renvoyer ce projet de loi 7158 non pas en commission de l'économie, car cela sera un nouveau problème pour elle, mais à la commission des affaires sociales, laquelle avait déjà traité un projet de même nature qui, en fait, vient prendre le relais de la loi qu'il est question d'abroger ici. Si vous le voulez bien, je propose le renvoi de ce projet à la commission des affaires sociales.

M. Pierre Kunz (R). Je ferai simplement remarquer à Mme Torracinta-Pache que, pour les radicaux, la célérité avec laquelle travaille le gouvernement est particulièrement bienvenue. A ce titre, je rappelle ce qui circule beaucoup au sein des milieux radicaux en ce moment, je cite : «L'avenir n'appartient plus aux gros qui mangent les petits, mais aux rapides qui mangent les lents.».

C'est la raison pour laquelle nous acceptons le renvoi de ce projet en commission. (Remarques et quolibets fusent.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il ne s'agit pas de savoir qui mange quoi...

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Mais à quelle heure on mange ?

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat....mais de savoir quel est le système qui succède valablement à un autre. Nous avons actuellement un système, le fonds cantonal genevois de chômage, qui est en réalité un système d'aide sociale issu de l'entrée en vigueur de l'assurance fédérale obligatoire de chômage et qui avait permis, à l'époque, de constituer ce fonds. Aujourd'hui, il se décapitalise. Probablement que dans le milieu de l'année prochaine il n'y aura plus de ressources du fonds en tant que tel, et il faudrait le recapitaliser par voie budgétaire.

Nous avons donc fait la réflexion suivante : est-il opportun de recapitaliser le fonds par la voie budgétaire, soit de laisser subsister un système qui a incontestablement vieilli dans ses mécanismes d'approche d'aide sociale, ou faut-il, au contraire, faire entrer en vigueur un système nouveau, moderne, celui du revenu minimum d'aide sociale avec l'allocation d'insertion ? Le Conseil d'Etat a opté pour la deuxième alternative. C'est la raison pour laquelle, heureusement et à la suite d'une concertation très approfondie, le projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» a été mis sous toit à la commission sociale. Il vient également d'être approuvé par la commission des finances, de sorte qu'il va pouvoir être soumis à votre appréciation en séance plénière lors de la prochaine session du Grand Conseil.

Il va de soi que l'un et l'autre de ces deux projets sont liés, et il est bien clair qu'il ne serait pas concevable que le fonds cantonal genevois de chômage soit abrogé sans que l'on ait la garantie formelle de l'entrée en vigueur du système «revenu minimum d'aide sociale» et «allocation d'insertion», puisque ce système est destiné à succéder au premier.

Voilà ce que je voulais dire pour rassurer chacun. Je crois que c'est une bonne suggestion que ce projet de loi soit renvoyé à la commission sociale. Ainsi, ceux qui ont dû étudier le projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» et qui, par conséquent, connaissent bien le sujet, peuvent également se prononcer en connaissance de cause sur l'abandon du premier système auquel le deuxième «revenu minimum d'aide sociale» est appelé à succéder.

J'ai entendu Mme Torracinta-Pache dire que les partenaires sociaux n'auraient pas été valablement consultés. Pour que les choses soient bien claires, je tiens à dire qu'en date du 25 juillet, soit avec un mois d'avance, une séance extraordinaire du conseil du fonds a été convoquée. A cette séance extraordinaire assistaient les partenaires sociaux, les représentants des organisations syndicales et des associations professionnelles et les associations patronales. Nous n'étions pas moins de trois conseillers d'Etat à assister à cette séance pour présenter les caractéristiques du projet de loi «revenu minimum d'aide sociale» aux partenaires sociaux du fonds cantonal et pour leur exposer le choix du Conseil d'Etat de mettre en place un système moderne, nouveau, efficace. Ce choix implique, par conséquent, l'abandon du fonds cantonal genevois de chômage que nous n'avons pas l'intention de recapitaliser. La discussion a été très claire et ceux qui participaient à cette séance ont été dûment avertis.

Nous avons, par conséquent, immédiatement après cette séance, travaillé sur le projet de loi d'abrogation du fonds cantonal genevois de chômage, qui est aujourd'hui soumis à votre approbation et que nous vous remercions de bien vouloir étudier de manière plus approfondie en commission.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission des affaires sociales est adoptée.