Séance du vendredi 16 septembre 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 9e session - 30e séance

PL 7111
7. a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le service de l'emploi et la location de services (J 4 1). ( )PL7111
PL 7112
b) Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi instituant une commission technique cantonale en matière économique (J 4 4). ( )PL7112
PL 7113
c) Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi sur le Conseil de l'éducation continue des adultes (C 2 6). ( )PL7113
PL 7114
d) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens (C 2 1). ( )PL7114

M. Pierre Vanek (AdG). Face à ces quatre projets de lois qui nous sont soumis à ce point de l'ordre du jour, je reste un peu perplexe. Je trouve que cela relève d'une démarche un peu surprenante et saugrenue. En fait, il me semble que le Conseil d'Etat a pris les choses à l'envers et par le petit bout de la lorgnette. Que nous proposent ces quatre projets de lois ? D'abroger deux lois et d'en modifier deux autres pour les mettre en conformité avec un règlement que le Conseil d'Etat a institué et a pris, sans avoir consulté ce parlement.

Or, je pense que ce n'est ni le lieu ni l'heure d'entamer un débat de fond sur cette question du conseil économique et social, car elle est importante et le Conseil d'Etat - si je ne me trompe pas - l'avait évoquée dans son discours de Saint-Pierre. Il est surprenant qu'on ne nous la soumette pas, que ce conseil économique et social ne soit pas institué par un projet de loi comme l'ont été, par ailleurs, un certain nombre d'institutions qu'il nous est proposé de supprimer aujourd'hui. A l'évidence ce sujet est suffisamment important pour faire l'objet d'un projet de loi qui soit discuté dans ce parlement. Le fait que le Conseil d'Etat pense que l'on doit légiférer pour mettre en conformité des projets de lois avec des règlements qu'il institue et qu'il prend seul me semble une procédure aberrante. Comme l'a dit hier M. Brunschwig, «la démocratie ne doit pas pénaliser la gestion de l'Etat.» !

En l'occurrence, quel que soit le débat que l'on ait sur le fond et les appréciations que l'on peut avoir sur les modes de concertation qu'il y a lieu de mettre en place entre les partenaires sociaux et l'Etat, on doit respecter une certaine hiérarchie et considérer que ce conseil économique et social est suffisamment important pour justifier une loi qui nous soit présentée en bonne et due forme.

Aujourd'hui, ces projets de lois devraient être retirés. Je demande au Conseil d'Etat de nous présenter, sous forme de projet de loi à débattre dans ce parlement, le document qui institue le conseil économique et social. Nous devons débattre des formes de la représentation dans ce conseil, des articulations entre le conseil économique et social et l'élaboration d'une politique économique et sociale par le parlement, du mode de fonctionnement de ce conseil et de son mode de financement. En effet, puisqu'on nous demande de voter des crédits pour ce conseil, il faut donc absolument le soumettre au parlement. Nous proposer ces quatre projets de lois avec, en annexe, la pièce essentielle - je veux parler de l'institution du conseil économique et social - revient à faire rentrer cet important problème par la petite porte. On peut avoir des doutes et des craintes sur la conception du Conseil d'Etat en matière de concertation - on a pu s'en rendre compte dans l'affaire de Montana - on peut en avoir encore davantage en voyant de quelle manière il tente d'introduire cette affaire «en douce» !

Cette affaire devrait être reportée. J'ai un doute - je ne suis pas juriste - quant à la légalité et la constitutionnalité de l'institution du conseil économique et social par simple voie de règlement. Je lis à l'article 123 de la constitution, je cite : «...que le Conseil d'Etat ne peut s'adjoindre comme comité auxiliaire que des commissions nommées temporairement.». Vous me direz que c'est un conseil et non pas un comité, mais c'est en substance la même chose. Il sert à aider le gouvernement dans l'élaboration de sa politique et donc, à mon avis, le Conseil d'Etat ne peut pas le faire sans passer par un projet de loi, puisque l'article 123 ne l'autorise à s'adjoindre de tels comités que temporairement. Or, le conseil économique et social - si j'ai bien lu - est en place pour six ans avec financement par voie du budget. Ce n'est donc pas une institution temporaire.

Un projet de loi doit donc nous être présenté et, ensuite, nous ferons le toilettage qui s'impose et nous modifierons les autres projets de lois.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Effectivement, c'est prendre cette affaire à l'envers et par le petit bout de la lorgnette, Monsieur Vanek, c'est avoir une vision du monde bien étriquée que de voir cette affaire sous le simple angle d'un juridisme étroit d'esprit. Le Conseil d'Etat était parfaitement fondé à mettre en place le conseil économique et social, comme il l'a fait, par voie réglementaire. Je veux bien concevoir qu'il vous déplaise que le Conseil d'Etat l'ait fait avant que vous ayez eu le temps ou la volonté de présenter un projet de loi à ce propos, mais c'est une excellente chose qu'il ait été mis en place. Les projets de lois qui nous sont soumis aujourd'hui ne mettent pas en place le conseil économique et social; ils représentent des mesures d'accompagnement du conseil qui a déjà été mis en place. Cela fait de longues années que nous, démocrates-chrétiens, appelons de nos voeux le conseil économique et social. Nous sommes heureux que le Conseil d'Etat, l'automne passé, ait enfin décidé de mettre en place une instance qui corresponde indubitablement à une nécessité.

Point de juridisme, tâchons d'être efficaces ! Ce n'est pas à coup de recours au Tribunal fédéral que l'on construit une politique, ce n'est pas à coup de considérations juridiques que l'on construit une politique et c'est pour cela que nous serons très heureux, nous démocrates-chrétiens, d'étudier ce projet de loi en commission.

M. René Longet (S). Notre groupe est l'un de ceux à avoir réclamé la constitution de ce conseil économique et social, aussi il se réjouit que cette institution voie le jour.

Mais, en même temps, nous avons d'emblée déclaré qu'un tel conseil avait besoin d'une base légale et, si nous pouvons adhérer au projet du Conseil d'Etat qui vise à abroger un certain nombre d'institutions dans la mesure où elles sont reprises par la fonction de ce conseil à créer, nous pensons qu'au moins le parallélisme des formes, Monsieur Fontanet, cher aux juristes de ce conseil et d'ailleurs, devrait nous suggérer de créer un tel conseil par la même voie que d'autres entités sont abrogées. Pour notre part, nous estimons que si ce conseil veut avoir une légitimité suffisante, si son rôle doit pouvoir être discuté sur la place publique, eh bien, c'est au Grand Conseil qu'il incombe de le créer.

Le Conseil d'Etat a négocié, les partenaires sociaux se sont mis d'accord : fort bien ! Mais il est un peu gênant, pour nous parlement, d'être complètement à côté de cette nouvelle institution. Il y a des ponts à créer entre ce conseil économique et social et le Grand Conseil. Il y a des ponts à créer entre notre conseil et l'opinion publique. Nous avons un certain nombre d'options et de débats à avoir sur le fond de la politique économique et sociale de ce canton, sur les objectifs que nous donnons à cette politique, sur les moyens que nous voulons qu'elle déploie, et ce conseil est un outil au service de cette politique.

Il nous intéresse de pouvoir nous prononcer sur sa mission, sur sa dotation. Certes, via le budget, nous aurons un tout petit pouvoir, mais nous n'aurons qu'un pouvoir sur le montant de l'enveloppe, mais pas un pouvoir de définition. Nous aimerions savoir, en particulier, comment ce conseil collaborera à la politique économique et sociale de ce canton, comment il s'articulera dans l'opinion publique et, finalement, quel est son lien avec le parlement. Ce conseil a un lien avec le Conseil d'Etat, mais il nous importe que ce conseil économique et social ait aussi un lien avec nous, Grand Conseil.

Pour toutes ces raisons, notre groupe est également favorable à l'idée que l'institution de ce conseil économique et social passe par une loi. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler en commission et de contribuer à cette solution si le Conseil d'Etat ne se ravise pas et ne nous présente pas de lui-même un projet de loi qui va dans ce sens.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le conseil économique et social est une affaire dont il a été question à plusieurs reprises devant ce Grand Conseil et cela depuis bien des années. Il me suffit de vous rappeler qu'en son temps M. Pierre Milleret avait proposé la création d'un conseil économique et social, démarche qui, à l'époque, n'avait pas recueilli l'approbation de tous, et il en était né une forme un petit peu différente de concertation avec certains acteurs économiques et sociaux, je veux parler de la COTEC, la commission technique en matière économique.

Depuis, les choses ont évolué. Le parti socialiste, dans une motion qu'il avait soumise à votre appréciation, avait réclamé, entre autres, la création d'un conseil économique et social. Depuis ce moment-là, les choses ont davantage évolué encore, et nous avons observé avec satisfaction que pratiquement dans tous les programmes de partis, lors de la dernière campagne électorale, on réclamait l'instauration d'une telle chambre de concertation sur les axes essentiels de la politique économique et sociale. Fort de cela, le Conseil d'Etat a poursuivi les négociations qu'il avait déjà engagées lors de la précédente législature pour créer un tel organisme qui, aujourd'hui, est effectivement souhaitable.

C'est ainsi que nous avons négocié avec les partenaires sociaux - les représentants des organisations syndicales et les représentants des organisations patronales - non seulement le principe, mais encore les modalités de la mise en place d'un conseil économique et social. Nous avons décidé d'aller vite et d'être opérationnels le plus rapidement possible. C'est pour cela que nous avons travaillé sur des bases essentiellement pratiques, qui nous ont conduits à adopter un règlement permettant au conseil économique et social d'être en fonction rapidement. Nous devrions avoir une assemblée constitutive probablement fin octobre/début novembre, engager un secrétaire général - il y aura donc un membre permanent dans ce conseil - et faire en sorte que ces travaux puissent être ouverts sans plus attendre.

Voilà le fond sur lequel nous sommes tous d'accord, voilà la méthode à propos de laquelle je constate que d'aucuns ergotent. Comme quoi il est difficile de contenter tout le monde ! Lorsqu'on est d'accord sur le fond, mais qu'il est difficile de l'admettre, alors on discute sur la méthode. Cela fait partie du jeu qui, semble-t-il, s'instaure, mais cela nous laisse relativement froids.

Le conseil économique et social est créé par un règlement adopté par le Conseil d'Etat de façon à éviter un double emploi et à marquer concrètement notre volonté d'intégrer en son sein un certain nombre de réflexions, qui ont lieu, par exemple, dans le cadre du CECA ou dans le cadre de la COTEC. Ces organismes sont fondés sur une loi. Il était logique que nous proposions à votre parlement l'abrogation de ces lois ou la modification de certaines d'entre elles, ce qui permettait à ce Grand Conseil d'avoir un débat de fond.

Mesdames et Messieurs, je vous suggère de renvoyer ces différents projets de lois à la commission de l'économie, de façon que vous puissiez débattre non seulement sur les modifications proposées, mais aussi, si vous le souhaitez, sur le fond. Le Conseil d'Etat est parfaitement prêt à recevoir vos suggestions. Si elles sont d'une pertinence qui nous aurait échappé jusqu'ici, nous les intégrerons dans le règlement qui, quoi qu'il en soit, permet à ce conseil économique et social d'entrer en fonction sans plus attendre.

Ces projets sont renvoyés à la commission de l'économie.