Séance du
jeudi 23 juin 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
8e
session -
25e
séance
I 1901
M. René Longet (S). J'aimerais partir du constat que nous avions fait la semaine dernière quant à l'accord au sein du monde politique genevois sur l'importance du secteur international pour Genève. J'aimerais, sur cette base, poser trois questions au Conseil d'Etat.
Quand on regarde l'histoire récente de Genève, les trente ou quarante dernières années, on se rend compte que les relations entre la population genevoise et les organisations internationales n'ont pas toujours été empreintes de la meilleure compréhension, n'ont pas toujours été au beau fixe. Encore aujourd'hui, malgré la prise de conscience assez forte du rôle qu'elles jouent pour notre avenir, il y a encore, me semble-t-il, une grande ignorance réciproque. Un certain nombre de mesures et d'initiatives ont été prises et sont en voie de développement pour rapprocher les deux communautés, la communauté internationale établie à Genève et la Genève locale et régionale. Il y aura bientôt le cinquantenaire des Nations Unies à Genève; une fondation pour Genève a notamment été créée.
Ma première question est la suivante : le Conseil d'Etat peut-il nous dresser le tableau des efforts en cours sur ce plan et nous présenter également un concept d'ensemble sur la durée ?
J'estime que, par exemple, le dossier de la Maison de l'environnement soulevé tout à l'heure par voie de résolution n'est pas un dossier clos sur ce plan, et que ça aurait été - et ça le reste - une excellente occasion de rapprocher la Genève internationale de la Genève locale. J'aimerais être sûr que dans cette dynamique du rapprochement et dans ces propositions à développer, on exploite toutes les possibilités d'interface qu'offrent les organisations et leurs activités sur le territoire genevois. Je compléterai donc ma question par la question suivante : quel projet concret et durable de création d'interfaces le Conseil d'Etat voit-il ?
Ma deuxième question est la suivante. Je me réfère, notamment, à un dossier qui nous avait préoccupés il y a quelques années, c'était la tentative faite par la Suisse et par Genève d'obtenir pour Genève le secrétariat de la commission du développement durable qui, finalement, a été établi à New York. Et nous avons bel et bien l'impression que, même si aujourd'hui les choses se sont peut-être rodées par rapport au dossier d'une organisation internationale, par rapport au double enjeu que constituent pour Genève le contact avec la Berne fédérale et le contact avec les organisations elles-mêmes, donc principalement avec New York - malgré tout le travail qu'il faut faire en direction d'un certain nombre de capitales et d'une promotion de Genève - presque tous les départements sont concernés.
Il y a les travaux publics avec la FIPOI, justice et police avec toutes les questions de sécurité, l'économie publique dans la mesure où il y a des problèmes d'autorisation de travail, les finances avec les problèmes d'exonération, encore d'autres départements dont les chefs, heureusement d'ailleurs, s'intéressent de près aux questions que l'on peut traiter avec telle ou telle organisation, que ce soit la santé, l'environnement, les droits de l'homme ou d'autres thèmes. Ce qui fait que, pratiquement, l'ensemble des départements ont affaire à cette question. Dans le dossier de la commission du développement durable, cela n'avait pas simplifié les choses: il y a eu plusieurs contacts parallèles avec Berne, plusieurs voies parallèles. Il me semble qu'il serait temps qu'à Genève nous ayons non seulement un département des affaires régionales mais également un département des affaires internationales. Je me dis que s'il y a un canton qui devrait avoir un ministre des affaires étrangères, c'est bien le nôtre et la Genève internationale mérite bien un point de chute. Je pose la question au Conseil d'Etat. Que pense le Conseil d'Etat d'instituer une véritable délégation aux affaires internationales, voire de charger un département, à l'instar du département chargé des affaires régionales, des affaires internationales ?
La troisième question découle de celle-ci. Une telle concentration de compétences me paraît aussi extrêmement nécessaire pour savoir de manière précise et anticipée ce qui se développe dans le système international. Dans un système international en pleine évolution, où de nouveaux besoins ne cessent d'émerger, il faut être extrêmement bien informé pour savoir quelles offres on peut faire, quelles sont les propositions qui ont des chances d'aboutir, quels sont les besoins, que ce soit en matière de commerce et d'environnement, mais aussi de désarmement et de droits de l'homme, ou d'autres questions encore, où la place de Genève peut être intéressante et où Genève peut jouer un rôle. Il me semble qu'un tel centre de compétences plaide également pour qu'il y ait un lieu au sein de l'administration qui soit plus spécialement chargé de cela.
Actuellement, comment se passe l'observation concrète de l'évolution des besoins du système international ? Sur quelles compétences pouvez-vous compter ? Pouvez-vous faire appel à des experts extérieurs et n'est-ce pas un argument de plus pour avoir un lieu qui soit un département des affaires internationales ou, du moins, une délégation spécialement consacrée à cela ?
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Vous n'ignorez pas que nous sommes devant une situation nouvelle en ce qui concerne la place internationale de Genève, que les conditions dans lesquelles nous traitons avec les organisations internationales sont évolutives et que nous sommes soumis à une concurrence particulièrement importante. Un dossier a aujourd'hui un caractère brûlant, c'est celui de l'OMC. Ce matin encore, nous étions, dans le cadre de la délégation suisse, réunis au Centre international de conférences et, devant les délégués d'une soixantaine de pays, nous avons présenté la candidature suisse et genevoise à cette occasion.
Je puis vous dire que, pendant trois heures, nous avons eu à répondre à beaucoup de questions. La délégation était notamment formée, et c'est la première fois que cela se produisait, de quatre conseillers d'Etat pour répondre aux questions de cette assemblée des délégués. Je vous dirai à ce sujet, pour compléter l'information, que, demain matin, c'est l'Allemagne qui se déplace dans la même salle pour présenter son dossier et elle le fait avec la volonté de réussir dans sa démarche. Nous ne manquons pas d'atouts, mais, indiscutablement, nous ne pouvons plus fournir les mêmes prestations que nous offrions jusqu'à présent. Il y a lieu, en effet, d'anticiper et Monsieur Longet, vous avez raison, on ne peut pas être simplement «réaction», mais il y a lieu d'évaluer les problèmes qui seront posés dans un avenir relativement proche.
C'est pour cela que nous ne cessons de multiplier les contacts à Genève pour commencer, car nous avons la chance d'avoir la possibilité de rencontrer tous les jours des ambassadeurs des cinq continents. Nous avons là une source d'informations importante, nous sommes à leur écoute pour pouvoir façonner la politique du canton et de la Confédération. A la fin de la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de me rendre au siège des Nations Unies à New York, d'y rencontrer le secrétaire général des Nations Unies, de passer un certain nombre d'heures au secrétariat des Nations Unies à New York et de parler à des ambassadeurs, là encore pour pouvoir mieux évaluer les changements concernant le paysage international dans lequel nous évoluons.
En vous disant cela, je réponds donc d'une manière précise à votre question, et j'espère que je vous tranquillise quant à l'engagement du gouvernement dans ce domaine, de manière à ne plus être pris de court. Je crois que ce matin nous avons fourni une prestation que l'on peut juger satisfaisante par rapport à la situation dans laquelle nous étions. Une attitude nouvelle - qualifiée de nouvelle en tout cas par les délégués qui sont intervenus et portent des jugements positifs sur la prestation que nous fournissions - s'est dégagée.
Monsieur Longet, vous avez parlé des départements concernés. Il y en aura toujours un certain nombre par la force des choses. Il y a les relations extérieures et il y a les problèmes quotidiens relativement au confort des organisations internationales. Nous avons décidé qu'il y aurait un département et un seul chargé des problèmes quotidiens : c'est celui de justice et police et des transports, avec un certain nombre de fonctionnaires désignés pour répondre à ces questions pratiques. Si nous avons choisi ce département, c'est parce qu'il doit traiter toute une série de problèmes. Ça ne veut pas dire qu'il va les régler définitivement, il va faire le «dispatching» concernant des problèmes qui étaient, par exemple, évoqués ce matin concernant, notamment, le logement ou la question des permis de travail, que sais-je ? Cette décision a été appréciée, c'est donc dire qu'en ce qui concerne votre deuxième question sur la gestion des problèmes quotidiens à Genève, nous avons concrétisé ce que vous souhaitez et que, dans notre politique extérieure, nous sommes particulièrement actifs afin de ne pas être pris au dépourvu.
Au sujet de votre première question concernant les interfaces, nous n'avons pas abandonné cette piste et j'aurai l'occasion de m'exprimer assez prochainement dans le domaine de l'environnement pour vous dire comment évolue ce dossier pour lequel vous portez un intérêt tout particulier. Dans le domaine de l'environnement, l'interface est plus aisée que dans d'autres secteurs, mais il est vrai qu'elle est possible également dans d'autres domaines, et nous nous y employons. Mais je vous le dis très franchement, ce n'est pas une de mes premières préoccupations, ce qui ne veut pas dire que je banalise ce sujet. Mais aujourd'hui, les problèmes les plus essentiels sont ceux que j'ai évoqués. Voyez-vous, si nous devions ne pas réussir dans cette démarche de l'OMC, on fragiliserait l'ensemble de la place internationale. Ça ne veut pas dire que nous soyons définitivement dans une situation mauvaise, mais ce serait alors une sérieuse sonnette d'alarme qui serait tirée, car la force de Genève est précisément de réunir des organisations internationales diverses qui se complètent, car aujourd'hui, il y a toujours des interférences entre les unes et les autres. L'intérêt pour les fonctionnaires internationaux, pour les diplomates qui sont à Genève, c'est d'avoir à disposition cet ensemble d'agences spécialisées qui leur permet de mieux gérer les problèmes qu'ils ont à traiter.
Voilà, Monsieur le député, ce que je puis vous dire avec un certain nombre de précisions sur les questions que vous avez posées.
M. René Longet (S). Je ne doutais pas, Monsieur le président du Conseil d'Etat, de l'engagement du Conseil d'Etat, encore ce matin même, sur ce dossier très important. Je vous remercie des réponses, mais, en fait, j'avais posé des questions plus précises et je serais très heureux si vous pouviez, à l'occasion d'une séance ultérieure, donner une appréciation plus concrète. Faut-il ou non charger un département des affaires internationales, pas seulement comme entrée et pour l'intendance, en quelque sorte, mais pour le suivi et aussi pour l'extérieur, pour les relations avec Berne, pour anticiper les évolutions ?
J'avais aussi parlé d'une vue d'ensemble de tous les efforts qu'il faut faire pour rapprocher les communautés internationales et locales. L'interface qui aurait été fournie à l'occasion de la Maison de l'environnement est un exemple. Je serais très heureux, Monsieur Haegi, si vous pouviez me répondre au mois de septembre, après une lecture plus précise des questions que je vous ai posées. Ce serait un petit complément d'information sur ces points-là.
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Monsieur Longet, je n'entends pas revenir au mois de septembre sur cette question, à moins qu'il y ait des faits nouveaux. Je vous ai répondu avec précision. En ce qui concerne les problèmes quotidiens, un département a été désigné. En ce qui concerne certains types de prestations, comme celle consistant à présenter un dossier devant la communauté internationale, nous fonctionnons en groupe.
Le gouvernement est suffisamment uni, travaille avec suffisamment de clarté en ce qui concerne ses objectifs, pour qu'il n'ait pas besoin de prendre des décisions complémentaires. Le sujet sur lequel je reviendrai à une autre occasion, dans le cadre d'informations générales que je donnerai, c'est sur l'interface, mais pour le reste, je considère, Monsieur Longet, avoir répondu à vos questions.
Cette interpellation est close.
La séance est levée à 23 h 30.