Séance du
vendredi 17 juin 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
8e
session -
23e
séance
I 1897
M. Laurent Moutinot (S). M. le président Vodoz n'est pas là et il me semble que mon interpellation s'adresse à son département. Je souhaiterais qu'il soit présent, mais je vais quand même poser les questions.
Le président. M. Vodoz était là il y a quelques minutes.
Une voix. Le voilà ! (Aahh de satisfaction.)
M. Laurent Moutinot. Depuis la Révolution française, l'impôt doit être prévu par une loi. Nous discutons souvent dans cette enceinte de modifications quelquefois mineures. Or, le débat sur la valeur locative n'a pas eu lieu dans cette enceinte, mais ailleurs. Pourtant, les montants en cause sont importants. Je sais bien qu'il s'agit, en l'occurrence, de l'impôt fédéral direct, mais, néanmoins, l'administration cantonale a prêté la main à cette démarche. C'est la raison pour laquelle j'adresse ces quelques questions à M. Vodoz.
1) Il est paru dans la presse que le nouveau système engendrait une baisse de la valeur locative pour 60% des propriétaires, une valeur inchangée pour 30% et augmentée pour 10%. Ces chiffres sont-ils exacts ?
2) Quelle est le bénéfice ou la perte en francs pour le fisc fédéral ?
3) Il a été dit, en particulier dans une séance d'information de la Chambre genevoise immobilière, la chose suivante, je cite : «Nous avons dû, avec le concours de l'autorité fiscale cantonale, avec laquelle nous avons travaillé la main dans la main, nous opposer de manière très ferme à ce que désirait l'autorité fiscale fédérale.». Est-il exact que l'administration fiscale cantonale a travaillé la main dans la main avec la Chambre genevoise immobilière ? Et, si oui, sur la base de quel mandat donné par notre Conseil ou sur la base de quelle directive politique ?
4) S'agissant du fameux questionnaire, on observe, en page 4, que le prix au mètre carré va de 270 F le mètre pour les petits logements à 100 F le mètre pour les grands logements. Pourquoi ces chiffres ? Comment ont-ils été élaborés ? Il s'agit là d'une question très technique, je l'admets, mais je souhaiterais tout de même savoir comment ces paramètres ont été déterminés.
5) Enfin, je n'ai a priori rien contre le système d'un questionnaire pour déterminer la valeur locative. Le canton de Genève envisage-t-il d'utiliser une telle méthode pour calculer la valeur locative dans le système fiscal genevois ? Dans cette hypothèse, il serait indispensable que nous ayons un débat au Grand Conseil parce que cela implique une décision politique fondamentale. Faut-il taxer plus ou moins la valeur locative ? C'est à nous de répondre à cette question. Ce n'est pas par le choix d'un questionnaire ou d'une méthode de calcul que l'on peut modifier aussi fondamentalement l'assiette de l'impôt et, par conséquent, les résultats fiscaux !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je répondrai à l'occasion d'une prochaine séance, compte tenu des questions précises et des chiffres qui nous sont demandés sur les gains et les pertes. Ce sera pour la rentrée de septembre, puisque, en l'état, nous n'avons dépouillé qu'environ 10% des questionnaires.
Néanmoins, j'entends, et sans que cela constitue ma première réponse, dire deux choses à M. Moutinot. Je rappelle, comme vient de le faire l'interpellateur, qu'il s'agit exclusivement de la valeur locative de l'impôt fédéral direct. La Confédération a souhaité s'assurer que la taxation pour déterminer les valeurs locatives, qui sont donc un revenu immobilier théorique, soit uniforme sur tout le territoire suisse. C'est pourquoi l'administration fiscale fédérale procède à des enquêtes périodiques dans tous les cantons. Elle intervient également auprès des cantons pour que les valeurs locatives taxées soient revues lorsque des différences dépassent 30%. C'est la raison pour laquelle à Genève, en 1990, le taux de l'impôt fédéral direct des villas a été majoré de façon extrêmement importante.
C'est en raison des demandes successives de la Confédération qui allaient grever très fortement les propriétaires d'appartements et de biens immobiliers, toutes situations sociales confondues, que le département cantonal des finances a suggéré - à l'instar de ce qui s'est fait dans le canton de Fribourg et dans le canton de Vaud, par exemple - que nous établissions, sur la base d'un questionnaire agréé par l'autorité fédérale, une valeur objective des biens immobiliers. C'est ce questionnaire qui a été élaboré, qui a fait l'objet de consultation dans les différents milieux immobiliers et qui a été envoyé aux contribuables. Mais, contrairement à ce que dit M. Moutinot, et même si apparemment - on me l'a rapporté, puisque je n'étais pas à cette assemblée de la Chambre genevoise immobilière - certaines personnes du comité de cette organisation se seraient flattées de ce que vous venez de rappeler, les membres de la commission fiscale de ce Grand Conseil savent bien ce qui a été entrepris, puisque j'ai eu l'occasion d'en parler à la commission fiscale, et dans quel esprit ce questionnaire a été introduit.
Votre commission fiscale a entendu un de mes collaborateurs, M. Hepp, qui traite ces dossiers; ils ont pris connaissance, eux aussi, tous partis confondus, du caractère effarant des attaques dont l'administration fiscale a fait l'objet à ce sujet. Des tracts ont été envoyés à tous les propriétaires de villa; j'en cite un : «Menaces sur votre villa, prenez garde au fisc !». Des lettres m'ont été adressées par une association genevoise dont le contenu disait : «Nous ne pouvons malheureusement nous rallier, vu les conséquences catastrophiques qu'entraîneraient vos décisions pour plus de 12 000 petits et moyens propriétaires.». Ou encore : «Nouvelle déclaration fiscale fédérale : les propriétaires sont inquiets». Ils étaient convoqués à deux assemblées pour indiquer qu'ils devaient lutter contre ces mesures. La nouvelle valeur locative des villas inquiète les propriétaires genevois. Des critiques violentes nous ont été adressées, au-delà de ce qui est acceptable. Heureusement, je crois qu'aujourd'hui les auteurs de ces attaques ont enfin compris qu'elles n'étaient pas fondées.
Nous avons voulu - je crois que c'est reconnu - qu'à Genève désormais, comme ailleurs en Suisse, il y ait des valeurs objectives de telle sorte que, entre des villas acquises il y a fort longtemps et celles acquises récemment, il y ait une certaine équité. Monsieur Moutinot, je vous donnerai plus de renseignements en septembre après avoir dépouillé l'ensemble des questionnaires. Nous devons cependant traiter des centaines de recours suite à la précédente valeur locative fixée. Des propriétaires de villa ou d'appartement acquis il y a fort longtemps, qui n'ont subi qu'une augmentation de 20% décennale, verront, il est vrai, leur valeur locative extrêmement faible augmenter. En revanche, des propriétaires de villas qui ont acquis leur propriété il a quelques années seulement, à l'époque où l'immobilier était élevé, verront, en raison de cette valeur locative objective, leur valeur locative fédérale baisser quelque peu.
Chez nous, il y a deux valeurs locatives : la valeur de l'IFD et la valeur cantonale qui, elle, permet un abattement jusqu'à 40%. Nous avons décidé de ne pas changer la valeur cantonale et d'appliquer en l'état les valeurs objectives exclusivement à l'impôt fédéral direct.
Monsieur Moutinot, lorsque nous aurons dépouillé tous les questionnaires, je répondrai précisément aux quatre questions posées, mais je voulais répondre immédiatement à la question de nature plus politique que vous avez posée au milieu de votre interpellation !
Le président. Nous prenons note que la suite de la réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.