Séance du
jeudi 16 juin 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
8e
session -
22e
séance
I 1899
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Le programme Energie 2000 a été lancé au lendemain de l'acceptation par le peuple suisse d'un moratoire dans le domaine des installations nucléaires. C'est le Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie qui assure le suivi et l'organisation de ce programme, à savoir le département de M. Ogi.
J'aimerais parler ce soir de l'une des actions d'Energie 2000. En février 1994, les responsables de ce programme ont lancé, par voie de conférence de presse à Zurich, la vignette intitulée : «économise l'énergie !». Elle est destinée à être apposée sur certains types d'appareils peu gourmands en énergie. Cette innovation ne fut malheureusement pas bien répercutée en Suisse romande, d'où l'idée, dans la tête de certains responsables d'Energie 2000 à Berne, de faire appel à des spécialistes de la conférence de presse à Genève; j'ai nommé la «Coordination énergie». Je vous rappelle qu'elle est composée des partis écologiste, socialiste et de l'Alliance de gauche et des mouvements de protection de l'environnement tels que le WWF, l'ATE, la SPE.
Bien que souvent en désaccord avec le programme Energie 2000 qui prévoit, entre autres, une augmentation de puissance des centrales nucléaires, et ce malgré le moratoire, notre coordination a décidé de collaborer avec les responsables d'Energie 2000 sur ce point précis. En effet, nous nous trouvions en parfait accord sur cette idée de vignette proche du label vert. Nous avons donc convoqué cette conférence de presse en invitant aussi tous les partenaires possibles et imaginables dans le domaine de l'énergie et parmi eux l'OCEN.
Mes questions à M. Joye sont dès lors les suivantes :
1) Est-il normal que le directeur de l'OCEN, M. Jean-Pascal Genoud, ait tenté de remuer toute la République par moult interventions à Berne et même en très haut lieu jusqu'au directeur de l'OFEN pour faire annuler cette conférence de presse, sous prétexte qu'il était inconcevable qu'Energie 2000 s'affiche avec d'affreux antinucléaires notoires ?
2) Est-il normal que trois hauts fonctionnaires de l'OCEN aient été délégués à cette conférence de presse, que nous avons refusé d'annuler ? Disposent-ils donc de suffisamment de temps pour se permettre de venir à trois pendant deux heures pour assister à nos exposés ? Bien que très flattés par leur présence, il nous semble qu'un seul délégué aurait suffi !
3) Est-il normal, puisque sur place, que ces représentants n'aient absolument pas apporté leur soutien à cette vignette ? Avaient-ils des instructions dans ce sens ? D'autres représentants d'associations ont apporté publiquement, durant cette conférence de presse, leur appui à cette action d'Energie 2000, comme la Fédération romande des consommatrices qui a été très claire à ce sujet.
4) D'ailleurs, est-il normal que, depuis la parution de ce petit label «économise l'énergie» sorti en février, l'OCEN n'en ait pas encore parlé, n'en ait fait aucune publicité, ni dans sa documentation, ni dans le «Journal de l'Energie» qui vient de paraître, alors que la conception cantonale votée par ce Grand Conseil l'y oblige, par l'article E 4 dans le domaine des économies d'électricité qui stipule : «Il faut contribuer à la mise en place de modes d'étiquetage des appareils qui soient compréhensibles pour la population.» ?
5) Enfin, est-il normal que toute cette affaire continue d'avoir des répercussions à Berne, à savoir :
- La semaine dernière, au Conseil national, M. Narbel a interpellé M. Ogi pour lui demander comment il pouvait cautionner une collaboration entre Energie 2000 et des antinucléaires à Genève.
- Des excuses officielles sont exigées de certains collaborateurs d'Energie 2000.
- Des risques semblent se dessiner sur les activités professionnelles d'un député ici présent, M. Nissim, à la fois engagé par Energie 2000 pour certains mandats et membre de la «Coordination énergie», et qui était présent à cette conférence de presse.
Je remercie M. Joye de m'apporter des réponses à ces questions.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je réponds aux questions de Mme Reusse-Decrey.
1) Est-il normal que le directeur de l'OCEN soit intervenu par rapport à une conférence de presse organisée par Energie 2000 avec «Coordination énergie» ? Toute l'activité d'Energie 2000 est centralisée à Berne et un accord de principe existe entre Energie 2000 des cantons et Energie 2000 fédérale. Les conférences de presse doivent donc être annoncées et préparées d'un commun accord. Dès lors, je pense qu'il est normal que M. Genoud soit intervenu. Suite à votre remarque selon laquelle M. Genoud serait intervenu de façon intempestive, je vous lis sa lettre à M. Schmid, vice-directeur de l'Office fédéral de l'énergie :
Monsieur le vice-directeur,
Veuillez trouver ci-joint copie d'une invitation adressée à un très large public genevois par la «Coordination énergie» et le groupe d'action d'Energie 2000.
Sans douter du bien-fondé de cette conférence de presse, permettez-moi, une fois encore, de m'étonner de la procédure. En effet, à plusieurs reprises, j'ai attiré votre attention sur la nécessité à mes yeux d'harmoniser et de coordonner les démarches entre l'Office fédéral de l'énergie et les cantons afin d'optimiser nos chances de réussite pour atteindre nos objectifs. Force est de constater le peu de crédit accordé par l'OFEN aux structures cantonales mises en place.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur...
Je pense que cette lettre n'a rien d'agressif. J'ai fait entre-temps la connaissance de M. Quiner et de M. Schmid, respectivement le sous-directeur et le directeur de l'Office fédéral de l'énergie, et je leur ai demandé une explication à ce sujet. J'ai reçu la lettre suivante le 15 juin, dans laquelle M. le conseiller d'Etat écrit :
L'office cantonal nous a informés que Mme Elisabeth Reusse-Decrey a déposé au Grand Conseil genevois l'interpellation suivante. Il nous est difficile de comprendre cette question, puisque d'après nos informations - c'est M. Quiner qui parle - l'OCEN ne freine pas du tout le travail d'Energie 2000. Au contraire, il l'encourage et il collabore très activement.
Nous nous permettons de citer quelques exemples :
A) La législation genevoise - c'est un Bernois qui parle - très complexe dans le domaine de l'énergie, est régulièrement adaptée aux dispositions constitutionnelles cantonales et à la législation fédérale. Genève est l'un des rares cantons, avec Neuchâtel et Zurich, à avoir adopté une conception cantonale de l'énergie qui va dans le sens des objectifs d'Energie 2000, ce dont nous nous félicitons. Nous espérons qu'elle sera réalisée.
B) Le canton de Genève a déjà réalisé ou prévu de nombreuses mesures allant dans le sens du programme Energie 2000. Parmi celles-ci, le concept énergétique des bâtiments publics, l'intégration d'une nouvelle technologie, le logiciel GEPI, la transformation de lampes halogènes dans l'administration cantonale, les programmes Aurore, Aurella, Augure, Solar 3 et le projet et location de véhicules électriques.
C) Dans le domaine de l'utilisation des énergies renouvelables - autre point important - le canton de Genève a favorisé l'énergie solaire, nous espérons que d'autres projets se réaliseront, notamment l'utilisation du potentiel bois, le projet franco-suisse de centrale thermique fonctionnant aux déchets de bois et l'utilisation des rejets de chaleur des entreprises.
D) Dans le domaine de la production/diversification d'énergie, la modernisation de la centrale de Verbois, la construction de la centrale du Seujet, le projet de l'utilisation de la chaleur produite par l'usine d'incinération des ordures et des travaux de forages géothermiques, qui n'ont malheureusement pas donné les résultats escomptés, vont aussi dans le sens des objectifs d'Energie 2000.
Le travail réalisé par l'OCEN et le canton de Genève figure, comme pour tous les autres cantons, dans un rapport intitulé «Etat de la politique énergétique dans les cantons». Ce document décrit tout ce qui est réalisé dans le cadre du programme de la Confédération.
Pour notre part, nous ne pouvons que nous féliciter de l'excellent travail effectué par l'OCEN dans le domaine de l'énergie. Ces rapports sont publics. Nous ne manquerons pas de vous en faire parvenir plusieurs exemplaires pour vos députés, si tel est votre souhait. Ainsi que nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises à M. Jean-Pascal Genoud, notre collaboration avec votre office est très bonne. Nous vous l'avons redit de vive voix, lors de notre récent entretien du 31 mai qui avait pour but de dresser un état de la politique énergétique genevoise.
2) Je terminerai en vous lisant la réponse du chef du Département fédéral des transports, M. Ogi, à M. Nardel, Conseiller national, ce qui sera une réponse à la deuxième question de Mme Reusse-Decrey :
Monsieur le Conseiller national,
J'ai bien reçu votre document du 7 juin 1994. Vous vous référez à l'invitation à la conférence de presse «Coordination énergie» qui a eu lieu le 10 mai 1994 à Genève.
Lors de cette conférence, la vignette à coller sur les appareils peu gourmands en énergie a été présentée à la presse et au public romands. La vignette décernée aux appareils de bureau économiques a été élaborée par un des groupes d'action participant au programme Energie 2000. Auparavant, la présentation de cette vignette à Zurich a obtenu un écho favorable dans la presse alémanique.
M. Schmid, directeur du programme «Energie 2000», a été informé par M. Genoud, chef du service cantonal de l'énergie à Genève, que la conférence allait avoir lieu. Ne pouvant accepter la manière avec laquelle cette conférence de presse a été préparée, M. Schmid a immédiatement demandé au responsable Energie 2000 de cette action en Suisse romande, M. Charles Weinmann, d'assurer une présence équilibrée parmi les participants ainsi qu'une présentation impartiale. Il a aussi pris les dispositions nécessaires pour que les contacts avec la presse soient mieux préparés.
Par leur présence, Mme Purro de l'état-major «Energie 2000» ainsi que M. Charles Weinmann ont assuré, du côté «Energie 2000», le bon déroulement de la conférence de presse. Le directeur de l'OCEN avait été également invité. M. Genoud s'est montré satisfait du déroulement des opérations et de la conférence qui a eu un écho favorable dans la presse romande.
Trois hauts fonctionnaires étaient présents pendant deux heures; un délégué aurait suffi. C'est une question d'appréciation, mais vous voyez que cette question a quand même soulevé pas mal de vagues, puisqu'elle a fini sur le bureau du Conseil national.
3) Soutien à la vignette : nous soutenons cette vignette, Madame !
4) Publicité OCEN : je vais vérifier que cette publicité soit faite, mais il est un peu paradoxal que vous soyez fâchée que la publicité ne soit pas faite et que vous n'invitiez pas l'Office cantonal de l'énergie à une manifestation où, précisément, vous voulez lancer cette même vignette.
5) Les répercussions à Berne : vous en avez entendu parler ! Enfin, point délicat, qui est pour moi absolument tiré de nulle part : aucune excuse officielle, en tout cas au département de l'OCEN, du Conseil d'Etat n'a été demandée à qui que ce soit. M. Nissim, notre député turbulent et sympathique, avec lequel je suis souvent en désaccord et parfois tout à fait d'accord, n'a rien à craindre du point de vue des mandats qu'il pourrait recevoir d'Energie 2000; j'y veillerai personnellement, parce que, Dieu soit loué, en Suisse on sait encore faire la différence entre les opinions personnelles et les petits avatars qui ont trait à des conférences de presse dont il ne faut pas surestimer l'importance.
Une voix. Bravo !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je prends note avec satisfaction que «Coordination énergie» pourra continuer à faire des conférences de presse et à travailler avec Energie 2000, et ce avec le soutien de l'OCEN.
Je note, malgré tout, qu'il a fallu la présence de M. Weinmann pour faire une présence «équilibrée» à la conférence de presse !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Ce sont vraiment des problèmes de petite importance. Je suis sûr que nous arriverons à collaborer parfaitement. Je n'ai rien contre «Coordination énergie», au contraire. Vous n'avez pas mentionné tout le monde; vous avez oublié Solidarité Est et le groupe chrétien-social !
Cette interpellation est close.