Séance du
vendredi 27 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
20e
séance
M 824-A
La commission de l'économie, au cours de la dernière législature, sous la présidence de M. Torrent, a procédé à l'étude du projet de motion n° 824 au cours de sa séance du 21 juin 1993. L'objet étant resté en suspens pour complément d'informations, son étude a été reprise par la commission de l'économie dans sa nouvelle composition, sous la présidence de M. Blanc, au cours de ses séances du 13 et 20 décembre 1993, du 10 et 31 janvier 1994 et du 7 février 1994, ainsi que lors d'une séance de sous-commission le 17 janvier 1994.
Ce faisant elle a bénéficié de la présence de M. Jean-Philippe Maitre, président du département de l'économie publique, de M. Jean-Claude Manghardt, secrétaire général du département de l'économie publique, de M. Bernard Berger, secrétaire adjoint du département de l'économie publique, de M. Bernard Gabioux, directeur au département de l'économie publique, de M. Michel Thiébaud, directeur de l'office cantonal de l'emploi et de M. Pierre Karcher, directeur du service de placement de l'office cantonal de l'emploi.
La commission a procédé à l'audition de Mme C. Drago, chef de l'agence Centre Jeunes de l'office cantonal de l'emploi.
1. Introduction
Partant de l'idée que la société fait aujourd'hui un grand effort pour donner une formation aux jeunes, que ceux-ci peuvent rester sans travail après leur apprentissage, que l'insertion des jeunes dans la société passe par leur insertion professionnelle, les motionnaires ont souhaité, par leur motion, offrir un pont à tous les jeunes qui se retrouvent dans l'impossibilité de trouver une place de travail juste après leur apprentissage, proposition fondée sur un compromis entre un encouragement financier pour l'employeur par le biais de fonds payés par les caisses de chômage et un appui aux jeunes acceptant un salaire inférieur pour leur première expérience professionnelle.
2. Etat actuel de la problématique
La proposition de motion concernant le placement des jeunes qui débutent dans leur vie professionnelle étant relativement ancienne (dépôt: 16 octobre 1992) et ayant subi un début d'analyse par la commission de l'économie de l'ancienne législature, qui l'a transmis comme objet en suspens à la commission de l'économie dans sa nouvelle composition, il a été décidé de commencer son étude par l'état actuel des statistiques du chômage à Genève. Pour se faire, la commission de l'économie a entendu M. Michel Thiébaud, le 13 décembre 1993, dans les locaux de l'office cantonal de l'emploi en son agence de Montbrillant. Il ressort de cet entretien que le nombre total des chômeurs à Genève en novembre 1993 était de 16'086 (chômeurs complets: 14'813; chômeurs partiels: 1273). Ce chiffre représente 7.8% de la population active. Parmi ces personnes, 2694 (soit 17% des chômeurs inscrits) font partie de la classe d'âge de 15 à 24 ans. De plus, il s'avère que 579 sortaient d'apprentissage et 974 de formation scolaire.
Si l'on place l'analyse sous l'angle des chômeurs de longue durée, le total pour Genève à fin novembre 1993 était de 3988. 363 (9%) de ces chômeurs faisaient partie de la classe d'âge 15-24 ans.
Si l'on analyse plus en détail les chiffres, il apparaît que 35% de tous les chômeurs ont moins de 29 ans, et que la classe 15 à 19 ans représente 6%, 20 à 24 ans représente 42% et 25 à 29 ans représente 52% des jeunes chômeurs (< 29 ans). Par ailleurs, la répartition entre les sexes révèlent 55% de jeunes hommes et 45% de jeunes femmes.
3. Niveaux de formation des jeunes chômeurs sortant d'une formationde base et recherchant leur premier emploi
Suite à l'audition de Mme C. Drago, chef de section à l'agence Centre Jeune-Agence Gare des Eaux-Vives de l'OCE, les commissaires ont pu avoir une meilleure idée du niveaux de formation concernant les jeunes à la recherche de leur premier emploi, dont la moyenne d'âge est de 22,61 ans. On constate chez eux 4 grands niveaux de formation:
a) sans formation
b) certificat fédéral de capacité et formations professionnelles assimilées
c) autres diplômes (enseignement secondaire supérieur)
d) universitaire;
a) sans formation: un certain nombre de jeunes s'inscrit au chômage sans avoir de profil clairement défini, ayant pour la plupart rencontré des problèmes d'ordre professionnel. Ils représentent 6% de la population considérée. Ils ont une prise de contact au Centre Jeune, mais le travail d'orientation est confié au Service des jeunes travailleurs de l'OOFP. il est très important de mettre l'accent sur cette catégorie de jeunes sans diplôme, car dans leur cas il est nécessaire de pousser et d'organiser une formation. Cette démarche est importante pour les jeunes eux-mêmes et également pour la société puisqu'il s'agit de chômage «compressible».
b) CFC et formation professionnelles assimilées: cette catégorie est composée par l'ensemble des formations en entreprise reconnues par l'OOFP. Ces jeunes chômeurs représentent 49% de la population des jeunes à la recherche de leur premier emploi. Ce sont principalement des jeunes issus des formations du secteur tertiaire qui sont touchés, ce qui représente bien l'activité économique genevoise de ce secteur. Pour les autres, ce sont principalement les dessinateurs-techniques, les électriciens et monteurs-électriciens, mécaniciens, menuisiers et ébénistes et laborants en chimie. Il est intéressant de relever que les jeunes disposant de formation spécifique sont relativement épargnés.
Toutefois, une remarque s'impose: les apprentis constituent pratiquement la moitié de la population considérée. Ce phénomène s'explique par les spécificités de la formation duale (nécessité de suivre conjointement cours et enseignement pratique en entreprise), puisque environ un 1/4 des apprentis interrompent leur apprentissage ou n'obtiennent pas le diplôme. Il s'agit d'un chômage «d'attente», puisque les jeunes s'inscrivent au chômage pour avoir un temps de réflexion quant à leur avenir professionnel.
c) autres diplômes (enseignement secondaire supérieur): ces jeunes représentent 25% de la population considérée. Ils viennent d'horizons différents: école supérieure de commerce, école d'ingénieurs, école de culture générale, collège, arts décoratifs et diverses autres écoles. Dans cette catégorie, les situations individuelles diffèrent fortement suivant le type de diplôme obtenu, car certaines écoles sont des tremplins vers d'autres formations (université par exemple). En conséquence, un bon nombre de ces jeunes ne restent au chômage que le temps de commencer une nouvelle formation. De plus certaines possibilités de formation complémentaire existe, en particulier la formation commerciale pour les porteurs de maturité organisée par le DIP depuis 1987.
d) universitaire: ces chômeurs représentent 20% de la population considérée. Ils sont issus principalement des facultés des sciences économiques et sociales, des lettres et de droit. Ces 3 facultés représentent 80% de ces jeunes chômeurs universitaires. Remarquons qu'un nombre très faible d'universitaires s'inscrit au chômage sans avoir obtenu de diplôme. Ce fait entraîne donc une part «incompressible» de chômage, puisqu'ils sont arrivés au terme de leur spécialisation professionnelle. Dès lors, l'insertion passera souvent par une réorientation, synonyme de retour à une autre formation universitaire.
Tous ces jeunes à la recherche de leur premier emploi sont reçu au Centre Jeunes pour un entretien ayant pour but de les écouter et de trouver une adéquation entre leurs réalités et le monde du travail. Des cours, approuvés par la commission d'insertion professionnelle, peuvent être suggérés, mais non imposés, pour pallier les lacunes éventuelles dans la formation. Par ailleurs, il existe des mesures déjà en vigueur en faveur des jeunes qui seront développées plus loin dans ce rapport. Pour faire face à ces entretiens, Mme Drago est à la tête d'une équipe de 12 personnes, aidées de 10 autres collaborateurs responsables de l'insertion des jeunes dans le marché du travail.
En conclusion de cette analyse, on peut raisonnablement penser qu'il n'y a pas un, mais plusieurs types de chômage des jeunes. Pour certains à la formation incomplète, il s'agit d'un chômage de transition. Pour d'autres, le chômage est «incompressible» puisque dû au nombre de débouchés et non à la formation. Selon ce constat, il est tout de même possible de penser que le chômage des jeunes peut être améliorer par des mesures appropriées, qui devraient principalement toucher le domaine de la formation. A terme, l'assurance chômage peu motivante en tant que telle devrait être remplacée par des mesures plus dynamiques, véritable plate-forme vers l'emploi dans un second temps.
4. Mesures préventives ou actives en faveur des jeunessur le marché du travail
Les mesures préventives ou actives prévues par l'OFIAMT en faveur des jeunes sur le marché du travail ont comme bases légales la loi sur l'assurance-chômage (LACI) du 25 juin 1982, l'ordonnance d'application (OACI) du 31 août 1983 et l'arrêté fédéral urgent du 19 mars 1993 (votation populaire du 26 septembre 1993). Les mesures peuvent être individuelles ou collectives, appliquées par les canton avant, pendant et après le chômage. Les mesures sont les suivantes: système de placement; cours de reconversion, perfectionnement et intégrations professionnels; conseils et assistance dans la recherche d'emploi; stages de formation et de pratique en entreprise privée; stages pratiques et linguistiques; prise de premier emploi; programmes d'occupation; allocations d'initiation au travail; contributions aux frais de déplacement; test d'aptitude professionnelle; aide pour une formation de base supplémentaire (mesure cantonale); créations d'activités indépendantes (aides cantonales).
Deux mesures ont particulièrement retenu l'attention de la commission, soit les stages de formation et de pratique en entreprise privée et l'allocation d'initiation au travail. Les stages ont débuté en 1993 à Genève dans le cadre de «Genève gagne». Il s'agit de stages de 3 mois dans les entreprises destinés aux jeunes sans expérience professionnelle. Ils procurent un début d'expérience utile pour leur curriculum vitae. Ils sont financés à 80% par la Confédération et à 20% par l'employeur. En 1993, plus de 500 jeunes ont bénéficié de ces stages dont le 30% a abouti à des emplois stables, ce qui est remarquable. D'autre part, l'allocation d'initiation au travail est une mesure incitative qui dure 6 mois et pendant lesquels la Confédération prend en charge 60% des deux premiers mois, 40% des deux suivants et 20% des deux derniers mois. Le reste de la participation financière est à la charge de l'employeur.
5. Travaux en commission
La motion 824 est relativement ancienne, puisqu'elle fut déposée le 16 octobre 1992. Renvoyée en commission de l'économie, elle a été examinée lors de la dernière législature par ladite commission le 21 juin 1993 sous la présidence de M. Jacques Torrent. En raison des modifications fédérales à ce moment-là et de mise en place de dispositions cantonales, la discussion de cette motion ne s'est pas poursuivie dans l'attente de nouveaux amendements éventuels. Elle fut ensuite reprise par la commission nouvelle législature sous la présidence de M. Claude Blanc le 10 janvier 1994. La première impression était la suivante: la motion était relativement ancienne, beaucoup d'éléments ayant changé, et son texte était flou et peu concret. De plus, l'analyse des chiffres susmentionnés montrait que le problème du chômage des jeunes dépassait le cadre des apprentis et devait être considéré dans son intégralité. Cette position a fait l'unanimité dans la commission.
Le chômage des jeunes étant une préoccupation majeure de l'ensemble des commissaires et une priorité majeure du Conseil d'Etat, le sujet de la motion semble trop important à tous pour être abandonné. Par conséquent, il est décidé de créer une sous-commission qui se chargerait de reformuler les invites de la motion M 824 (vote: 7 pour, 6 abstentions). La sous-commission était formée par Mme Chalut, Mme Spörri, M. Belli, M. Champod; M. Schneider et a été présidée par M. Blanc. Elle a rapidement travaillé et a pu proposer une première version de la motion amendée. M. Jean-Philippe Maitre a salué avec intérêt le travail de la sous-commission, car il pense que le développement de la prise en charge du traitement social du chômage nécessitera forcément des moyens supplémentaires et que cette motion renforcera les engagements pris par le Conseil d'Etat lors de la mise en place du budget 1994 en faveur du chômage des jeunes. De plus, les propositions de la commission représentent des pistes de négociations avec l'OFIAMT.
Les principales idées développées dans la motion sont les suivantes: allongement de la possibilité de prise en charges des jeunes chômeurs pour favoriser leur insertion en couplant la possibilité d'un stage de formation de 6 mois avec une allocation d'initiation au travail, augmentation du personnel et des surfaces des locaux pour recevoir les jeunes, spécialisation de leur prise en charge, développement des collaborations entre les diverses instances s'occupant des jeunes au chômage, diffusion de l'information.
La proposition de couplage des stages de formation et d'allocation d'initiation au travail nécessite une explication plus approfondie sur les plans technique et de financement. Un jeune à la recherche de son premier emploi peut bénéficier d'un stage de formation qui était auparavant de 3 mois et qui passe en 1994 à 6 mois. Durant cette période, 20% du salaire est payé par l'employeur et 80% par la Confédération. De l'expérience «Genève gagne», il semble que le taux d'insertion soit de 30% après ces stages. Pour les 70% résiduels, il serait alors possible de continuer par une allocation d'initiation au travail qui est également d'une durée de 6 mois. La période couverte pourrait alors être de 1 an en tout, en cas de nécessité. Sur le plan financier, en un an, la part totale de l'employeur serait de 40% et celle de la Confédération de 60%. La représentation graphique de cette proposition figure en annexe afin de permettre un aspect visuel de compréhension. M. Maitre estime que cette proposition est réaliste et qu'elle pourrait être négociée avec l'OFIAMT avec de bonnes chances de succès à cause de son aspect incitatif.
A ce stade de la discussion, il est indispensable de relever que toutes tendances politiques confondues et avec leur sensibilité propres, tous les commissaires ont oeuvré avec beaucoup de ferveur et d'esprit de collaboration afin de faire aboutir cette motion en faveur des jeunes à la recherche d'un premier emploi. Cette collaboration se voulait être un signe d'encouragement et de considération de la classe politique envers ces jeunes.
Au vu des explications données par M. Maitre et du travail préliminaire de la sous-commission, le texte de la motion a alors été repris par la commission considérant après considérant et invite par invite. Sur quoi, l'accord s'est fait entre les commissaires et le président du département de l'économie publique sur des amendements aux considérants et aux invites dans le sens suivant:
Pour les considérants:
- vu le nombre important de jeunes (environ 10%) qui se retrouvent au chômage;
- vu les moyens consentis par la communauté pour que les jeunes puissent accéder à des apprentissages, à des écoles professionnelles ou non professionnelles, ou à l'université;
- vu les effets dévalorisants sur le plan humain et culturel, que provoque le chômage, en particulier pour les jeunes;
- vu les conséquences économiques et sociales qu'engendre le chômage des jeunes pour la société.
Pour les invites:
invite le Conseil d'Etat
- à développer, avec les partenaires sociaux, les milieux économiques et les entreprises, les mesures permettant aux jeunes d'avoir les meilleures chances d'insertion professionnelle;
- à renforcer les mesures déjà appliquées, notamment stages de formation, initiation au travail, occupation temporaire y compris pendant la période d'indemnisation, stages linguistiques, entreprise d'entraînement. A prendre en considération la mise sur pied des entreprises tremplins et de stages à l'étranger susceptibles d'être financés par la LASI;
- à accentuer les efforts pour le placement des jeunes, par le développement du Centre Jeune;
- à envisager d'introduire une allocation d'initiation au travail pour les jeunes qui restent sans emploi après leur stage initial de formation;
- à renforcer l'offre faite aux jeunes de suivre un programme de formation continue, cours de recherche d'emploi, cours de perfectionnement, formation de base en cas de nécessité;
- à développer la collaboration entre le Centre Jeune, le Centre de Bilan, l'Office d'orientation et de formation professionnelles, et les Associations professionnelles;
- à diffuser largement l'information sur les moyens à disposition pour trouver un emploi.
En conséquence, la commission de l'économie a accepté le texte de cette motion telle que amendée avec 9 oui (3 AG, 2 socialistes, 1 PEG, 1 PDC, 2 radicaux) et 4 abstentions (libéraux) et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Dominique Belli (R), rapporteur. Je désire ajouter quelques éléments à mon rapport. Pour tous les députés et l'ensemble du Conseil d'Etat, le problème du chômage est une priorité absolue, en particulier lorsqu'il concerne les jeunes.
C'est dans cet esprit, en reprenant cette relativement ancienne motion, que l'ensemble de la commission de l'économie s'est mise au travail afin de proposer des pistes au Conseil d'Etat qui pourront être défendues pour les jeunes Genevois au niveau de l'OFIAMT, par exemple.
Par ailleurs, je tiens ici à relever l'esprit collégial avec lequel la commission a travaillé, allant même jusqu'à la création d'une sous-commission pour approfondir ses connaissances dans ce dossier. Tous ces efforts ont été faits, je tiens à le souligner, avec une volonté politique évidente. Il s'agit d'un signe tangible que la classe politique dans son intégralité veut donner à la population des jeunes chômeurs pour leur dire que tout ce qui pourra être fait pour améliorer leur statut par les parlementaires le sera.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je remercie M. Belli pour son rapport, bien sûr, mais aussi et surtout pour les efforts qu'il a déployés pour que la commission de l'économie arrive à trouver un terrain d'entente sur ce thème, malgré l'abstention finale du groupe libéral.
En effet, il n'est pas courant dans ce parlement que sur un objet concernant le chômage on se retrouve avec un seul rapport. Durant toutes ces dernières années, il y avait toujours un rapport de majorité et un rapport de minorité. Espérons que ce n'est pas un accident de parcours, mais que cela traduit une volonté politique de prendre en considération la réalité de nombreuses personnes qui, dans notre canton, sont privées d'un emploi.
Le chômage des jeunes est un vrai problème. En effet, au terme d'une formation qui a demandé des efforts, quoi de plus déprimant que de se retrouver sans emploi, sans la possibilité de mettre en pratique le savoir acquis par la formation, sans la possibilité de gagner sa vie et de pouvoir conquérir son indépendance financière ?
Avec les événements survenus en France l'automne dernier, on a vu que le chômage des jeunes était un problème social qui pouvait devenir explosif si on ne prenait pas des mesures pour y répondre.
D'aucuns diront que les jeunes ne sont pas seuls à souffrir du chômage. C'est exact et c'est la raison pour laquelle, lors de la précédente législature, le groupe socialiste a fait de nombreuses démarches pour proposer des améliorations de la législation existante sur le chômage à Genève. Nos propositions ont malheureusement été rejetées par la majorité du Grand Conseil.
Les solutions proposées par cette motion ont l'avantage de ne proposer pas que le simple versement d'indemnités. Si les indemnités peuvent certes résoudre les problèmes financiers, elles ne sont pas, à elles seules, satisfaisantes. En effet, il est important de proposer, en plus des indemnités journalières, des stages, des cours, des initiations au travail. Bref, de permettre au jeune chômeur d'acquérir une expérience professionnelle, d'utiliser ses aptitudes et ses connaissances.
D'ailleurs, nous avons toujours soutenu, pour les jeunes et les moins jeunes, les mesures de formation offertes aux chômeurs et les occupations temporaires. Ces dernières, même si elles représentent une charge financière importante pour l'Etat, sont une bien meilleure solution que l'assistance publique qui a, elle aussi, un coût non négligeable.
Le rapport décrit avec précision les données statistiques sur le chômage des jeunes ainsi que les mesures proposées - je n'y reviendrai donc pas. Les propositions qui vous sont soumises ce soir sont modestes par rapport à l'importance du problème du chômage à Genève. C'est un petit pas qui va dans le bon sens, raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à soutenir la motion telle qu'elle ressort des travaux de la commission.
Mme Claire Chalut (AdG). Comme cela vient d'être dit, la commission a travaillé d'une façon très collégiale durant quelques séances. Il est vrai qu'au terme de ces séances de travail, on a été surpris par l'abstention très courageuse de nos adversaires libéraux. C'était assez décevant, surtout après nous avoir dit et répété à quel point le problème du chômage et de la création d'emplois les préoccupait. C'est la raison pour laquelle j'ai été étonnée et un peu déçue par leur abstention.
A part cela, j'invite ce parlement à soutenir cette motion telle qu'elle est présentée.
M. Max Schneider (Ve). Je voudrais faire remarquer à l'ensemble de ce Grand Conseil que ce n'est plus la motion que nous avions proposée qui a été acceptée en consensus en commission. J'aimerais bien remercier M. Belli qui a pratiquement rédigé une nouvelle motion à lui tout seul et qui nous la soumise ensuite en vue d'un consensus.
Je regrette, comme l'a d'ailleurs mentionné ma collègue, l'état d'esprit de certains, je ne dis pas de tous, mais de certains députés libéraux, qui n'ont pas compris la priorité qu'il faut donner aujourd'hui aux jeunes qui cherchent un emploi. Seule la rentabilité économique leur importait. Il manquait ce côté social pour les jeunes et je regrette ce manque de solidarité.
La motion que nous avons préparée s'adressait plus spécialement aux apprentis et M. Belli l'a fait élargir aux apprentis et aux étudiants qui sortent de l'université pour commencer leur vie professionnelle. Avec le contenu de cette motion, le Conseil d'Etat a les possibilités de lutter contre la marginalisation des jeunes qui n'ont pas d'espoir. C'est une motion qui se voulait pleine d'amour et d'espoir.
M. Maitre avait proposé de faire une différenciation entre ceux qui travaillent, ceux qui veulent chercher un emploi, donc qui sont subventionnés par l'OFIAMT et par l'OCE, et les jeunes qui n'ont pas envie de travailler mais qui touchent tout de même des salaires relativement élevés tout en restant au chômage. Nous étions prêts à entrer en matière sur ce sujet, mais on ne l'a pas mis dans cette motion.
Je souhaite que les effets pervers pourront être contrôlés, notamment par l'OCE, à savoir qu'il n'y ait pas des «profitards» derrière les employeurs qui engagent des gens uniquement pendant quelque temps, uniquement parce qu'il y a des subventions, et ensuite les congédient et bénéficient des effets de cette motion.
Je remercie tous ceux qui ont soutenu l'esprit positif qui régnait dans cette commission et qui soutiendront cette motion ce soir. Je regrette la disposition d'esprit de certains libéraux qui ont pensé uniquement à l'argent avant de penser à la solidarité avec les jeunes. Je dis bien, certains libéraux, car il est vrai que d'autres ne pensent pas uniquement comme des banquiers. Toutefois, il est scandaleux que des gens résument les problèmes à une question de rentabilité économique pure et oublient complètement la réalité des jeunes aujourd'hui, qui s'occupent seulement de leur bien-être, et non pas de celui de tous.
M. Armand Lombard (L). Si M. Schneider regrette la position des libéraux, moi je regrette parfaitement les leçons et les «pleurnichades» de M. Schneider à propos des libéraux. Nous avons là un problème de chômage, des jeunes pour lesquels nous souhaitons trouver des emplois et créer des emplois. Nous n'avons besoin ni de vos leçons ni de vos «pleurnichées». Vous n'avez simplement qu'à vous occuper de ces jeunes, alors, tâchons de le faire tous ensemble. Si les libéraux, à certains moments de la discussion, ont jugé bon de devoir ramener le débat, c'est que nous pensons qu'il y a deux sortes d'actions :
1) Des mesures d'assistance doivent être prises pour ces jeunes qui se trouvent, soit en fin d'études ou sans en avoir fait, et sans pouvoir travailler, au milieu d'une crise économique. On devrait trouver de nouvelles pistes pour l'assistance des jeunes pendant la période courte, espérons-le, du chômage. Une partie du groupe libéral a particulièrement insisté et est resté très vigilant sur ce problème.
2) Pour la création d'emplois, qui est la deuxième solution, me semble-t-il, face au chômage et face à l'absence de travail, il faut créer des postes d'emplois, réintroduire ces jeunes dans les meilleures conditions possibles dans une filière d'emplois qui leur permettra, cette fois, non pas à court mais à long terme, de travailler et de s'intégrer à la société.
Ces deux mesures doivent donc être complémentaires. Je ne comprends pas pourquoi on se met à opposer ce court terme d'assistanat à ce long terme de création d'entreprises. Cette motion est bonne, ses invites ont été ramenées à des proportions parfaitement réalistes. Il ne sert à rien de faire de mauvais procès aux uns et aux autres. Le travail en commission s'est déroulé comme il doit se faire, chacun amenant, selon sa tendance, sa pensée et ses espoirs, ce qu'il connaît du marché, les éléments qui peuvent être positifs.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le placement des jeunesqui débutent dans leur vie professionnelle
LE GRAND CONSEIL,
- vu le nombre important de jeunes (environ 10%) qui se retrouvent au chômage;
- vu les moyens consentis par la communauté pour que les jeunes puissent accéder à des apprentissages, à des écoles professionnelles ou non-professionnelles, ou à l'université;
- vu les effets dévalorisants sur le plan humain et culturel, que provoque le chômage, en particulier pour les jeunes;
- vu les conséquences économiques et sociales qu'engendre le chômage des jeunes pour la société,
invite le Conseil d'Etat
- à développer, avec les partenaires sociaux, les milieux économiques et les entreprises, les mesures permettant aux jeunes d'avoir les meilleures chances d'insertion professionnelle;
- à renforcer les mesures déjà appliquées, notamment stages de formation, initiation au travail, occupation temporaire y compris pendant la période d'indemnisation, stages linguistiques, entreprise d'entraînement. A prendre en considération la mise sur pied des entreprises tremplins et de stages à l'étranger susceptibles d'être financés par la LASI;
- à accentuer les efforts pour le placement des jeunes, par le développement du Centre Jeune;
- à envisager d'introduire une allocation d'initiation au travail pour les jeunes qui restent sans emploi après leur stage initial de formation;
- à renforcer l'offre faite aux jeunes de suivre un programme de formation continue, cours de recherche d'emploi, cours de perfectionnement, formation de base en cas de nécessité;
- à développer la collaboration entre le Centre Jeune, le Centre de Bilan, l'Office d'orientation et de formation professionnelles, et les Associations professionnelles;
- à diffuser largement l'information sur les moyens à disposition pour trouver un emploi.
Annexe: graphique «Stages et allocation d'initiation au travail».
ANNEXE