Séance du
vendredi 27 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
20e
séance
M 917
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé (DASS) et d'autres instances publiques et privées, telles que communes et fondations. Ces associations remplissent un rôle indispensable. Elles répondent à des besoins spécifiques que l'Etat n'est pas toujours à même d'assumer.
Leur action complémentaire des différentes interventions des services et institutions officiels n'est pas remise en question. Au contraire, leur souplesse, leur spécificité et leur diversité permettent précisément à ces associations de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.
En 1993, le DASS a institué, sur la base d'un arrêté, une sorte de forum réunissant les acteurs du milieu social à Genève; il s'agit du Conseil de l'action sociale. C'est lors de l'une de ces réunions du CAS que M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat chargé du DASS, aurait émis le voeu que les associations soient fédérées.
En fait, cette idée n'est pas nouvelle. Elle était dans l'air depuis un certain temps et elle ne demandait qu'à se concrétiser. Par ailleurs, cette notion de fédération avait déjà été évoquée par certains commissaires des finances dans le cadre de l'étude du budget. Ce voeu a aujourd'hui été concrétisé puisqu'il est assorti d'un délai. Les associations sont invitées à se fédérer d'ici l'été prochain.
Dans la situation financière actuelle du canton de Genève, toute mesure de rationalisation propre à économiser les deniers publics doit être saluée. Or, le montant total des subventions accordées aux multiples associations - en l'état, une reconnaissance de leur activité - constitue un poste de dépenses important. La fédération envisagée permettrait sûrement une meilleure synergie des moyens engagés par ces différentes associations et leur structure.
Dans ce sens, la demande de la création de fédérations va vers une simplification des procédures. Plusieurs associations se sont alors étonnées de ne pas avoir été sollicitées de manière plus formelle, dont certaines, très importantes, n'ayant peu ou pas d'information car ne faisant pas partie du CAS.
La création de cette fédération semble donc impérative. Elle paraît même s'imposer d'elle-même. L'option politique de l'Etat doit transparaître dans cette volonté. La consultation à son sujet pourrait toutefois être plus claire et plus transparente. Le Grand Conseil devrait être informé de cette question; cette motion entend justement permettre au Conseil d'Etat d'apporter les précisions et explications requises. Plusieurs questions restent en suspens:
- quand et comment ont été consultées officiellement les associations?
- quels seront les critères appliqués à la création de ces fédérations?
- comment et par qui seront jugés les statuts de ces fédérations?
- comment s'effectuera le contrôle parlementaire sur ces subventions?
- comment le vote des subventions globales pour chaque fédération s'associe-t-il à une analyse et à une transparence souhaitable?
- comment seront analysées et contrôlées l'efficacité et l'utilité de chaque association?
- quelle restera la latitude du parlement d'accorder ou non une subvention?
- qui déterminera les critères de distribution des subventions?
- le comité directeur de la fédération concernée sera-t-il vraiment représentatif de la diversité des associations?
La création de ces différentes fédérations mérite d'être sérieusement étudiée. D'autres fédérations existent déjà, telles les cuisines scolaires ou les colonies de vacances. Ces modèles ont donné entière satisfaction. On s'inspirera vraisemblablement de ces structures anciennes et ayant fait leur preuve.
En vertu de ces différentes explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter favorablement cette proposition de motion.
Débat
Le président. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de la pétition 1037, comme cela a été demandé.
PÉTITION
concernant le regroupement des associations subventionnéesen fédérations
Devant la procédure mise en place par le département d'action sociale et de la santé (DASS) visant à faire obligation aux associations subventionnées de se regrouper en fédérations, les signataires ci-après en appellent au Grand Conseil.
Ils/elles demandent que
- la procédure actuelle décidée par le DASS seul soit suspendue et que le délai fixé au 15 juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations soit reporté;
- le Grand Conseil soit saisi de la question des fédérations et en débatte;
- le DASS indique clairement aux associations et au Grand Conseil quels sont ses intentions et ses buts;
- qu'il soit établi que les subventions 1995 et 1996 seront garanties aux associations subventionnées dépendant du DASS, sous la forme et les montants actuels.
N.B.: 685 signatures
Solidarité Femmes/Viol-Secours
96, rue de la Servette
1202 Genève
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le DASS. Ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques auxquels l'Etat n'est pas toujours à même de répondre. Leur souplesse, leur spécificité, leur diversité leur permettent de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.
En 1993, le DASS a institué sur la base d'un arrêté le Conseil de l'action sociale (CAS). Lors de l'une des réunions du CAS, M. Guy-Olivier Segond, sous le chapitre des divers, a émis le voeu que les associations soient fédérées. Ce voeu est aujourd'hui transformé clairement en obligation puisqu'un délai est fixé aux associations d'ici au 15 juin prochain.
Or la demande du DASS n'a jamais été faite de manière formelle et n'émane que de la décision unilatérale du conseiller d'Etat. Le Grand Conseil n'a jamais été interpellé sur la question. Les associations concernées n'ont jamais été consultées par le DASS et elles se voient aujourd'hui imposer des obligations sous la menace de se voir supprimer leurs subventions. En outre, le délai fixé au 15 juin 1994, s'il est pertinent dans la perspective de l'établissement du budget 1995 de l'Etat, est totalement irréaliste appliqué au réseau complexe des associations.
D'autre part, il s'avère que le système des fédérations est à plusieurs égards critiquable car
- Aucun contrôle parlementaire ne pourra plus être effectué sur la question des subventions, les députés ne pouvant à l'avenir plus voter les subventions association par association, mais se contentant de voter une subvention globale pour chaque fédération.
- Le Grand Conseil n'aura dès lors plus la possibilité d'accorder ou non la subvention en fonction de l'efficacité et de l'utilité de chaque association. Le DASS enlève au Grand Conseil sa responsabilité politique pour la déléguer à une institution privée. En cas de désaccord sur les subventions, les associations ne pourront plus s'adresser au pouvoir politique mais pourraient être contraintes à se «faire la guerre» entre elles.
- Le projet du DASS figera totalement le paysage associatif puisque rien n'est prévu pour le subventionnement à accorder à de nouvelles associations ou aux nouveaux besoins d'associations existantes.
- Le DASS ne fournit aucune réponse quant à la question de savoir de quelle manière de nouvelles associations pourront faire partie d'une fédération ou comment la fédération devra distribuer une subvention en cas de nouveaux besoins d'une de ses associations, ou encore quelles seront les voies de recours en cas de désaccord.
- La hiérarchisation et la complication du système ne feront qu'engendrer des tâches administratives au détriment du travail social en faveur des usagers.
- Les suppressions d'emploi au sein des associations sont à terme inévitables. Elles se feront au détriment des travailleurs sociaux, donc des usagers, car les structures administratives des associations sont de toute façon très légères.
- La liberté d'association - droit constitutionnel - est gravement remise en cause.
Pour tous ces motifs, le projet du DASS ne peut être accepté sans débat et décision du Grand Conseil et sans consultation des intéressés.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Les associations membres du Conseil de l'action sociale ont reçu instruction de se fédérer conformément à la volonté, paraît-il, de la commission des finances, afin de mettre fin à l'examen d'une multiplicité de subventions au profit d'enveloppes générales définies par domaine d'activités.
La présente motion n'a pas pour but de se prononcer sur l'opportunité de créer des fédérations ni sur les impératifs financiers qui guident la démarche puisqu'ils nous sont à ce jour inconnus. Mais nous sommes opposés à la manière. Il s'agit d'un transfert de compétence, celle de répartir les subventions du Grand Conseil aux associations regroupées en fédération.
Avec un système d'enveloppes globales, le Grand Conseil ne pourra plus se prononcer sur les subventions à accorder, association par association, mais il devra se contenter de voter une enveloppe. Dès lors, il n'aura plus la possibilité de contrôler l'efficacité et l'utilité de chaque association et d'y adapter les subventions en conséquence.
On comprend bien l'intérêt de la démarche dans la perspective de baisses substantielles des budgets alloués aux associations. Le Conseil d'Etat et la majorité du Grand Conseil se déchargent de la responsabilité de faire des choix et les délèguent au secteur privé. C'est de la confrontation entre associations que naîtront les arbitrages. Ces derniers pourraient conduire à des ajustements quasi automatiques par le bas, en particulier pour ce qui touche aux conditions de travail du personnel dans la mesure, en effet, où il pourrait y avoir dans la même fédération des associations dont le statut du personnel est un statut d'Etat, et d'autres qui ont un statut privé. Dans le cas où les budgets baisseront, et on nous promet de gros orages de ce côté-là, on comprend l'intérêt que peut avoir ce transfert de compétences pour le Conseil d'Etat. Les économies se feront, disons d'une façon naturelle, sans que ce dernier ait à se mouiller ou à se salir les mains.
Dans la mesure où il s'agit d'un manque de courage, d'une démission, l'histoire jugera de tels comportements. Mais il s'agit aussi d'un abandon de compétences de la part du Grand Conseil. Le Grand Conseil se doit donc d'être complètement informé pour pouvoir se prononcer. A ma connaissance, la commission des finances n'a jamais rien décidé sur ce point.
Nous sommes opposés aussi à la manière, parce que la démarche a été floue et assortie d'un chantage à la subvention. La demande de fédération a été faite dans un divers d'une séance du Conseil de l'action sociale, et aucune lettre n'a été adressée aux différentes associations.
Le 28 avril dernier, l'Association Clair-Bois a écrit au département. Cette association aurait été informée par la presse du projet de fédération. La Fondation Transport-handicap, n'étant pas membre du Conseil de l'action sociale, n'a été informée qu'au mois de mars, alors que le délai pour se fédérer tombe au mois de juin. Les associations sont encore inquiètes, car l'information manque. Elle manque sur les structures, sur la façon dont elles devront se fédérer.
Quels critères présideront à ces fédérations ? Les voies de recours en cas de désaccord et les statuts des fédérations, tout cela est dans un flou artistique. Elles sont aussi inquiètes parce qu'elles se voient imposer des délais impératifs et parce que si ces délais n'étaient pas respectés, on leur promet des coupures substantielles de subvention.
M. Segond aurait dit que, si la contrainte n'était pas de mise, les velléités d'indépendance sont porteuses de risques divers. Or, nous pensons que l'autoritarisme n'est pas de mise et que les conditions de la réussite de ces fédérations sont la concertation élargie sur des bases connues. Ce sont là les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir accepter de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Le Grand Conseil pourra de toute façon entendre les associations qui le souhaiteront, se saisir de la question, être informé complètement par le Conseil d'Etat, puisqu'une pétition a été déposée et qu'elle sera renvoyée à la commission des pétitions.
M. Nicolas Brunschwig (L). Aussi loin que je puisse me souvenir - j'ai fait quelques recherches pour être à peu près sûr sur ce thème - il ne s'agit pas d'une demande de la commission des finances en tant que telle.
Je rejoins les propos de Mme Calmy-Rey. Je pense que cette démarche pose un certain nombre de problèmes pratiques et politiques. Pratiques, parce que j'arrive difficilement à imaginer quel pourrait être le fonctionnement de telles fédérations, tout particulièrement par rapport à l'aspect subventions qui n'est pas négligeable.
Prenons un simple exemple. Comment de nouvelles associations pourraient-elles bénéficier de subventions, même si elles font un travail de qualité ou qu'elles répondent à des besoins qui, eux, sont réels ? Il y a aussi des problèmes politiques. Je pense que le Grand Conseil doit, par son processus budgétaire, déterminer ses priorités, et ceci passe par la détermination des subventions qui peuvent être données à l'une ou l'autre des associations. Je vois mal n'importe quelle structure se substituer au Grand Conseil par rapport à cet acte qui est fondamentalement politique et qui doit rester au Grand Conseil.
Il peut peut-être y avoir des synergies avec certains regroupements d'associations travaillant sur des objets communs suivant un projet plus clair et plus précis que celui qui est actuellement connu.
Enfin, je propose que cette motion soit renvoyée à la commission des finances, car la commission des finances a reçu un certain nombre de lettres d'associations, vu que les associations croyaient que cette demande venait de ladite commission. Nous pourrions alors auditionner ces associations, ce qui me semble être le minimum, et débattre de cette motion dans ce cadre.
M. Bernard Clerc (AdG). Tout à l'heure, M. Maitre trouvait que nous planions un peu haut dans le débat que, par ailleurs, j'ai trouvé de qualité. Je vais essayer de faire la démonstration qu'entre les théories générales et la pratique on peut faire parfois des liens intéressants.
En ce qui concerne cette proposition de M. Segond, il faut remarquer tout d'abord que les associations concernées n'ont pas été formellement avisées de cette mesure par un courrier écrit. En effet, cette question a été évoquée au Conseil de l'action sociale, et un certain nombre de ces associations ne font pas directement partie du Conseil de l'action sociale.
Cela pose un certain nombre de problèmes, car nous savons que, depuis trois ans, grosso modo, la plupart de ces subventions ont été bloquées, et qu'il y a déjà une perte de pouvoir d'achat pour ces associations dont certaines, notamment les plus petites, rencontrent des difficultés financières. Un regroupement en fédération pose un certain nombre de problèmes puisqu'il y en a soixante-cinq qui sont dans la liste des associations subventionnées. Si pour certaines le regroupement paraît évident, pour d'autres, pas du tout, car elles ont des champs d'intervention assez diversifiés.
D'autre part, si on envisage de donner les subventions à une fédération, je crains que l'on organise la gestion de la pénurie à l'intérieur de la fédération et que, dans ce cadre, malheureusement, il y ait des risques pour que les grandes associations emportent le morceau par rapport aux plus petites.
Le subventionnement de ces associations a quelque chose d'extrêmement positif puisqu'il permet, à partir de la découverte d'un besoin dans un secteur ou un autre, à la place que l'Etat intervienne directement, que le mouvement associatif intervienne directement. De ce point de vue, il est nécessaire de maintenir ce type d'intervention.
Dans l'exposé des motifs, une comparaison est faite avec la question des colonies de vacances, et nous avons justement un exemple peu probant d'une fédération qui fonctionnait bien. Mais, à partir de 1994, la clé de répartition entre les colonies de vacances à été légèrement modifiées, et cela peut mettre en péril les plus petites associations. Nous avons la démonstration que les choses ne sont pas aussi simples qu'on veut nous le démontrer. C'est pourquoi je propose le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Roger Beer (R). Je risque d'apporter quelques bémols aux propos tenus sur cette motion. Les radicaux, comme les autres partis, ont également leurs antennes et leurs intérêts dans certaines associations d'action sociale. Chez nous également, tout le monde s'affolait sur cette proposition de fédération et d'enveloppe unique.
Il faut rappeler que cette idée est dans l'air depuis un certain temps. Il est cavalier de dire que cela vient de sortir et que l'on est étonné. Un certain nombre d'associations ont pu réfléchir à leur fonctionnement et comment discuter avec des associations voisines ou agissant dans le même domaine.
On ne peut pas, d'une part, demander à un magistrat en particulier de faire des économies, de rationaliser et, d'autre part, s'agiter dans tous les sens dès qu'il y a une proposition, une tentative, voire un essai de mettre en liaison les différentes personnes, notamment les associations auxquelles sont accordées des subventions.
Il est difficile de faire un choix et d'arbitrer. Tout cela a été très bien expliqué par les différents préopinants, et pour cette raison je pense que le Conseil d'Etat doit faire preuve d'un peu plus de transparence et nous expliquer peut-être un peu plus clairement ses intentions et sa volonté en regard de ces associations pour que le Grand Conseil en soit saisi.
Mais, évidemment, lorsque j'entends mon collègue Brunschwig dire qu'il veut que l'on renvoie cela à la commission des finances - alors que partout on nous dit que la commission des finances est débordée; c'est clair qu'elle a beaucoup de travail ! - je m'étonne un peu. Je rejoins les autres propositions pour le renvoi au Conseil d'Etat.
(Remarques sur les bancs libéraux).
M. Roger Beer. Ah, vous avez changé d'avis ? C'est très bien !
Les libéraux. Mais non, mais non !
M. Roger Beer. C'était un lapsus ! Bon, d'accord. Dans ce cas, tout a été dit. On entendra la remplaçante ou la suppléante de M. Segond et nous demandons que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.
M. Philippe Schaller (PDC). Le dépôt de cette proposition de motion signée par tous les groupes politiques montre bien l'importance du secteur dit : «parapublic» dans le domaine social.
Il est d'ailleurs probable que l'importance de ce secteur ira en s'accentuant, compte tenu de la volonté de délégation, de la privatisation de certaines tâches publiques et de la marginalisation.
Il faudra trouver des relais et des complémentarités. Il faut espérer que l'unanimité des groupes politiques continuera, ces prochains mois, à soutenir les actions sociales dans le futur, dans l'esprit de solidarité exprimé ce soir. D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que la plupart des institutions, des ligues, des associations sont créées en marge de l'Etat dans l'objectif de palier aux carences de couverture sociale, puis que la plupart de ces organisations rapidement confrontées à l'insuffisance de moyens ont sollicité l'aide de l'Etat. Cette dernière le leur a accordé sous la forme de reconnaissance de leurs activités à caractère d'intérêt public. Ainsi, ceux qui aujourd'hui veulent leur faire subir un amaigrissement prônent le retour à des solutions caritatives et oublient bien vite que cette solution a déjà été connue et que la démonstration a été faite de l'impossibilité de maintenir des prestations sociales de qualité.
Venir au secours des associations est fort louable, mais leur rendez-vous vraiment service ? Je suis inquiet et je pense que vous l'êtes aussi. En effet, vous verrez dans un proche avenir venir la tempête qui va s'abattre sur ces petits navires qui tentent de survivre dans une mer fort houleuse. Ils seraient probablement mieux armés s'ils naviguaient dans de gros bateaux, et ceci le plus rapidement possible.
Je n'ai pas la même vision apocalyptique que Mme Calmy-Rey. La précipitation voulue du département de l'action sociale et de la santé tente de vouloir les mettre à l'abri du naufrage. Il est légitime qu'elles gèrent mieux leurs ressources à disposition. Il est évident que le pouvoir public manifeste son souci de contrôler plus étroitement l'usage qu'il est fait de ses deniers. Il est également légitime de les bousculer, de les obliger à se prendre en charge rapidement et à renforcer leur cohésion.
Je désire préciser certaines choses au niveau de la procédure. Le Conseil de l'action sociale a été créé par le Conseil d'Etat le 24 mars 1993. Il a tenu sa séance constitutive le 23 septembre, il a eu deux séances ordinaires les 27 et 28 avril et, lors de ces trois séances, il y a eu une volonté d'information. Les associations auraient pu, par leur relais, être informées jusqu'à la plus petite.
Notre action politique n'est pas de reconnaître une association ou une autre, mais de savoir quelles sont les actions et les moyens que nous voulons engager pour maintenir tel ou tel problème social bien identifié. Qui aura la compétence de décision, quelle subvention attribuer à quelle association ? Ces questions restent ouvertes et nous attendons le rapport du Conseil d'Etat. Nous serons attentifs quant aux moyens dont disposeront ces associations dans le futur, car elles sont une importance primordiale dans le tissu social et culturel genevois.
M. Pierre Marti (PDC). (Levant la main avec insistance.) J'ose simplement espérer que l'on ne diminue pas les subventions pour une paire de jumelles au Bureau de façon à ce que vous nous aperceviez lorsque nous levons la main !
Le président. Nous sommes deux, Monsieur le député, à avoir pris les interventions dans l'ordre où vous les avez demandées.
M. Pierre Marti. Fort étonnant, mais enfin, voient ceux qui peuvent voir ! Je ne voudrais pas revenir sur tous les propos qui ont été émis précédemment, mais rappeler combien il y a une complémentarité dans l'aide sociale à la population genevoise entre l'Etat et cette soixantaine d'associations qui représentent plusieurs milliers de bénévoles dont l'apport dans divers domaines est difficilement chiffrable en francs, et encore plus - malheureusement, Monsieur Schaller, je ne suis pas du tout d'accord avec vous - en efficacité, et surtout dans la qualité des relations humaines.
De nombreuses associations s'inquiètent de la mise en place de cette fédération et craignent une démobilisation de leurs membres et de leurs bénévoles. Pire... (Les députés se dispersent dans la salle - Conversations en aparté - Brouhaha.) ...on peut penser qu'elle bloquera toute initiative.
La raison de notre motion est de trois ordres et pose de nombreuses questions. Tout d'abord, l'information, tant au Grand Conseil qu'auprès des associations, qui a été très faible, même pour certaines totalement nulle.
Je vous rappelle simplement que Clair-Bois, qui touche le tiers du montant total des subventions... (M. Marti s'adresse aux députés. Merci de vous taire un petit instant. Il est 10 h 45 et l'on finira beaucoup plus rapidement si tout le monde se tait !) ...Clair-Bois n'a donc toujours pas été avisée officiellement et n'a même pas reçu de réponses à deux de ses lettres. Il n'y a eu aucune demande officielle.
Deuxièmement, en ce qui concerne la décision politique, nous n'aurons plus aucun contrôle parlementaire sur les questions des subventions. Le Grand Conseil n'aura plus la possibilité d'accorder ou non la subvention en fonction de l'efficacité ou de l'utilité de chaque association.
En cas de désaccord sur les subventions, les associations se feront une petite guerre, et jamais le pouvoir politique ne pourra dire quoi que ce soit.
Quant aux problèmes des critères et des délais, comme il l'a été dit, la plupart des associations n'ont été informées de ce projet que par la presse ou par l'Institut d'études sociales.
Il y a vraiment de quoi déstabiliser toutes les associations et, sur le plan de l'économie, comment parler d'une certaine économie dans les subventions. Je vous donnerai simplement deux ou trois chiffres. Sur les 27 millions de subventions, Clair-Bois reçoit à elle toute seule 9 millions, soit le tiers. Le deuxième tiers est distribué entre «Foyer-handicap», pour 2,5 millions, «Sidaccueil», pour 2,3 millions, «Agro», qui est une association pour les toxicomanes, pour 1,8 million et «Ensemble», qui est une petite fédération de compensation, pour 3,6 millions. Il reste donc 9 millions pour les cinquante-deux associations. Je vous laisse le soin de voir combien nous pourrons économiser dans tout cela. Mais nous devons absolument voter cette motion, en tout cas pour le nombre de bénévoles qui attendent encore de notre part que nous les considérions dans le travail important qu'ils font.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat ne siège pas non plus «in corpore» au Conseil de l'action sociale. C'est la raison pour laquelle la première chose à relever est qu'il y aura, quoi qu'il arrive, un délai jusqu'au 31 décembre 1994 pour tout projet de fédération quel qu'il soit.
La possibilité de pouvoir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat offre un autre intérêt. Effectivement, le paysage des institutions sociales est fort divers et il y en a un certain nombre qui, par leurs dimensions, ou plutôt par leur individualité nécessitent des infrastructures administratives qu'il serait parfois fort utile de mettre en commun pour pouvoir fonctionner, structurer et, finalement, consacrer le meilleur des moyens à des tâches de prestations plutôt qu'à des tâches d'administration. C'est un peu ce qui a poussé le département de la prévoyance sociale à faire cette demande de fédération.
Il est évident que le mouvement, tel qu'il s'amorce, crée des soucis, des observations, des réticences, et parfois aussi des remarques très justifiées, puisque, comme je l'ai dit, la situation est diversifiée. C'est donc l'occasion, avec ce délai et avec l'obligation pour le gouvernement de vous faire un rapport qui sera prêt et disponible d'ici le mois de septembre au plus tard, de pouvoir vous rendre compte de la situation telle qu'elle est, des propositions qui pourraient être émises et aussi des réflexions que se seront faites entre deux les associations, car elles aussi sont partagées entre l'intérêt de mise en commun, parfois leurs convergences et, quelquefois, des divergences qui n'ont pas toujours lieu d'être.
Vous aurez donc à en débattre et vous pourrez, si besoin est, en traiter en commission des finances ou dans toute autre commission qui sera saisie du rapport qui sera déposé et disponible pour le mois de septembre.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant la fédération des associations d'action socialesubventionnées par le DASS
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- qu'il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale, notamment subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé et que ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques que l'Etat et les communes ne sont pas à même d'assumer;
- que lors d'une réunion du Conseil de l'action sociale, M. Guy-Olivier Segond a émis le voeu que ces associations soient fédérées et que ce voeu semble transformé en obligation;
- que les associations concernées n'auraient, semble-t-il, pas été associées à la démarche par le département de l'action sociale et de la santé;
- que le Grand Conseil n'a jamais été saisi de la question et qu'il convient donc qu'il le soit par la présente motion,
invite le Conseil d'Etat
- à indiquer au Grand Conseil et aux associations quels sont ses intentions, ses buts et ses projets;
- à revoir le délai fixé au mois de juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations et permettre ainsi au Grand Conseil d'être informé sur cette question.