Séance du
vendredi 27 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
19e
séance
M 715-A
La commission de l'aménagement, sous la présidence de Mme Martine Roset puis de M. Hervé Dessimoz, a examiné la proposition de motion citée en titre, les 30 mars et 13 avril 1994.
MM. Philippe Joye, conseiller d'Etat, Georges Gainon, chef de la division des plans d'affectation, Jean-Chr. Pauli, juriste, assistaient à ces deux séances, et M. Raymond Schaffert à la première d'entre elles.
Constat préliminaire
Cette motion, déposée et renvoyée en commission de l'aménagement il y a plus de trois ans, n'a pas été traitée par cette dernière faute d'informations ou d'éclaircissements à propos de l'affectation des terrains et en ce qui concerne les besoins exprimés par les organisations internationales.
Il s'avère par conséquent nécessaire, préalablement à toute planification d'aménagement, de dresser l'inventaire des données et celui des besoins. Parmi les données figurent notamment, outre les bâtiments existants à conserver: la station des tramways de la ligne 13, les projets d'extension de l'OMPI et de l'UIT, ainsi que l'impérative affectation universitaire de la campagne Rigot. Parmi les besoins, retenons pour l'instant outre les programmes des projets ci-dessus mentionnés: celui de la célébration du 50e anniversaire des Nations Unies qui aura lieu l'an prochain, les affectations possibles de la campagne Cramer et le contenu de la «Maison des droits de l'homme» offerte par la Confédération.
Mais il reste encore à connaître les besoins futurs de celles des 36 institutions internationales qui pourraient être intéressées et à établir les conditions des baux à venir. La concurrence d'autres villes comme Vienne, Paris, Londres ou Bonn incite à réduire les charges immobilières imparties aux diverses organisations.
Il ressort de ce constat préliminaire qu'il reste à entreprendre un important travail préparatoire avant d'établir le programme d'aménagement du secteur, qui servirait de base à l'élaboration d'un projet de plan localisé de quartier. Cette dernière étude pourrait faire l'objet d'un concours international que l'Etat pourrait organiser en collaboration avec la ville de Genève et la FIPOI.
Travaux de la commission
Les membres de la commission ont abondamment questionné le chef du département des travaux publics et de l'énergie de même que ses collaborateurs à propos non seulement du travail accompli au cours de ces dernières années mais encore des tâches d'inventaire, d'analyse et de programmation qui restent à entreprendre.
Il est ressorti de ce dialogue la nécessité de compléter les invites de la motion conformément aux remarques et voeux exprimés tant par les députés que par les représentants de l'exécutif et de l'administration.
Une sous-commission fut désignée afin d'élaborer la nouvelle mouture de la motion. L'une des auteurs de celle-ci prit part à ce travail.
Il ressort de cette concertation un texte modifié que la commission à l'unanimité vous suggère, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adresser au Conseil d'Etat.
ANNEXE
Débat
M. René Koechlin (L), rapporteur. Permettez-moi de citer l'éditorial dû à la plume d'une des journalistes qui suit régulièrement nos débats et qui dit à propos de la place des Nations dont il est ici question, je cite : «Longtemps, Genève a témoigné à son secteur international le même détachement qu'une chatte envers ses petits devenus grands. Qu'ils vivent leur vie et qu'ils me laissent vivre la mienne ! L'exemple le plus flagrant de cet abandon affectif étant la place des Nations : on aurait pu en faire un lieu significatif, architecturé à la gloire de la diplomatie multilatérale et de la concertation internationale. C'est resté un carrefour sans âme ni allure, les concours d'architecture lancés dans le passé s'étant enlisés dans l'indifférence générale.».
Eh bien, on peut dire que la commission de l'aménagement n'est pas restée indifférente au problème de la place des Nations. Elle l'a prouvé en apportant à la motion qui lui était soumise des amendements qui en renforcent la teneur et qui doivent être utiles à la poursuite de l'action et, nous l'espérons, à l'aboutissement d'un projet cohérent relatif à l'aménagement de ce lieu privilégié de notre canton.
C'est pourquoi la commission d'aménagement vous invite à voter à l'unanimité la motion qu'elle vous propose.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je ne remets pas en cause l'excellent rapport de la commission de l'aménagement.
Je veux simplement rappeler certaines réalités. En page 2, le rapporteur rappelle certaines réalités par rapport à des ville concurrentes comme Vienne, Paris, Londres ou Bonn. Ces villes sollicitent, en effet, la présence de ces organisations internationales. Mais nous, faisons-nous tout pour l'obtenir ? La Ville de Genève, par exemple, vient de voter un aménagement pour l'organisation internationale des télécommunications qui doit construire un bâtiment. Vous avez fait des propositions, mais avec de telles restrictions - fidèles en cela aux idées de Genève en la matière - que le projet a été retardé de plus de deux ans et demi. Le rapport veut montrer une unité, mais il ne signale pas cela.
Lorsque la Ville de Genève devra participer aux frais, vu les reports qu'exerce l'Etat sur les communes, il y a aura des grincements de dents. Il ne faudra pas dire, ensuite, que tout le monde est favorable à la venue des organisations internationales, alors que, dans le même temps, certains mettent des freins aux mesures d'encouragement.
M. Michel Ducret (R). Cette motion, complétée judicieusement en commission de l'aménagement, vient à la rencontre des préoccupations de notre groupe.
Que faut-il faire ? Il faut montrer notre détermination pour accueillir encore mieux les diverses organisations internationales qui ont contribué à la réputation de Genève dans le monde; détermination pour renforcer l'image de cette Genève qui représente aussi une part de notre économie. M. Lyon a raison de le relever : il y a de la concurrence. Mais on aimerait que ce même raisonnement s'applique à toutes les organisations internationales, je pense ici à la maison de l'Europe; détermination, également, pour renouveler notre urbanisme, l'aménagement du territoire dans une perspective ouverte et prospective et non plus conservatrice et passéiste - ce sont des éléments nécessaires à une relance dont chacun pourra bénéficier - détermination d'ouverture en ouvrant un concours international d'idées avec, si possible, un programme pas trop précis pour ne pas briser les imaginations.
Merci d'avance au chef du département d'en tenir compte. Certes, ce n'est qu'un début, mais ce lieu est symbolique. Il est concerné par les grands projets qui modifieront peu à peu notre environnement. Ce projet devra aussi intégrer certains problèmes de circulation privée, comme la traversée de la rade, et collective, comme le terminus du futur tram Cornavin/Nations, les liaisons avec de nombreuses autres lignes, du Park & Ride, etc. En outre, est-il souhaitable que ce concours tienne compte de la surface de la campagne Rigot, don de la Fondation Rockfeller à l'université de Genève dans le but d'y implanter des équipements universitaires et internationaux ?
Genève ne peut plus se contenter de ce carrefour non efficient, décoré de quelques aubettes pour attendre à l'abri des transports publics dispersés sur sa surface. Ce lieu est le centre de la Genève internationale, son image. Sans plan d'ensemble, on laisse construire des bâtiments à la hâte, mal étudiés, «inintégrables» dans un aménagement futur, telle la pseudo tour de six étages de l'extension de l'UIT, bazardée en catastrophe au nom des nécessités du moment, alors que cette demande traînait depuis sept ans dans les tiroirs du département des travaux publics !
J'ajouterai, pour conclure, que cette proposition va à la rencontre des intentions du Conseil municipal de la Ville de Genève qui vient d'accepter la motion 1182 demandant un schéma directeur pour l'ensemble du périmètre des organisations internationales et que, en 1990 déjà, le magistrat de cette commune alors en charge de l'aménagement, Michel Rossetti, avait demandé un aménagement de ce secteur Nations au Conseil d'Etat, lequel, à ce jour, n'a toujours pas répondu.
Toutes ces considérations conduisent le groupe radical à accepter cette proposition et à vous inviter à faire de même.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. L'article de la journaliste parlait d'une chatte et de ses chatons. Eh bien, le matou du DTPE se préoccupe beaucoup de la place des Nations !
J'aimerais évoquer cinq objets.
1) Nous cherchons à trouver un aménagement provisoire de qualité pour le cinquantième anniversaire. La collaboration avec la Ville de Genève sera indispensable, et il me semble que, pour l'instant, nous sommes sur la bonne voie. Pour cela, il faut évidemment que les magistrats de la Ville acceptent d'être un peu plus souples que ce que certaines de leurs déclarations récentes pourraient laisser croire.
2) J'ai déjà évoqué le programme possible autour de la place des Nations. Il y a la Maison dite du Sud, pour les quarante pays les moins favorisés, qui serait financée par le canton, et la Maison des droits de l'homme, qui serait financée par la Confédération.
3) Ce point est lié à la remarque de M. Ducret au sujet de la Fondation Rigot. Des séances ont eu lieu à ce sujet, dont la dernière a été extrêmement fructueuse. Nous sommes tombés d'accord avec l'université de Genève, qui représente les intérêts de la Fondation Rigot, s'agissant du legs Rockfeller sur lequel se trouve aussi le collège Sismondi, pour une mise à disposition des terrains selon un droit de superficie de nonante-neuf ans, par exemple; les modalités ne sont pas encore fixées.
Un élément nouveau et très positif est apparu : le recteur Weber m'a déclaré qu'il ne s'opposerait pas à conserver le collège Sismondi sur le terrain, ce qui est très important pour nous. En effet, cela nous tire - si j'ose dire - une épine du pied, car nous aurions eu beaucoup de peine à recaser ce collège. Nous prévoirions également, au front de la place des Nations, une antenne qui pourrait être consacrée à l'université, pour honorer la place importante qui est la sienne dans les organisations internationales. Nous aurions donc trois éléments, la Maison du Sud, la Maison des droits de l'homme et l'antenne universitaire.
4) Comme je vous l'ai dit en commission, nous sommes en train de mettre sur pied un concours international d'architecture, avec l'aide de l'architecte cantonal. Nous avons déjà eu des discussions préliminaires avec Mme Burnand, conseillère administrative, et nous sommes tombés d'accord sur les modalités globales de ce concours dont les termes vous seront présentés en temps utile. Nous pensons, entre autres, organiser un concours restreint à environ quinze concurrents, dont la moitié sont des Suisses. Nous pensons associer dans le jury, comme partenaires, la Ville, le canton de Genève, l'ONU et probablement un représentant des grandes - si j'ose dire - régies para-onusiennes telles que OMPI, UIT, etc.
5) En ce qui concerne le schéma directeur, M. Rossetti, avec lequel j'ai eu des entretiens, m'a rappelé que, lorsqu'il était en charge de l'aménagement à la Ville, il avait développé un concept. Celui-ci n'est pas oublié. Avant d'établir un projet de concours, nous allons faire le tri de tous les projets extrêmement nombreux qui nous ont été soumis au sujet de la place des Nations. Il y avait une hypothèque très lourde - levée la semaine passée seulement - concernant la délimitation du périmètre au sud de la place des Nations. Le fait que nous soyons en train de trouver un accord avec la Fondation Rockfeller est extrêmement positif et nous permet d'entrevoir un projet qui inclurait probablement la totalité de la parcelle Rigot.
Il a fallu sept ans pour terminer l'UIT - M. Ducret l'a rappelé. La solution actuelle n'est pas très satisfaisante du point de vue de M. Rossetti qui aurait aimé voir trois tours, dont une à l'emplacement de l'UIT, mais la longueur des négociations et les besoins de l'UIT en matière de place ont fait comprendre à tous qu'il y avait urgence.
En ce qui concerne l'OMPI, l'accord a été trouvé avec la Ville, qui a collaboré de façon extrêmement élégante pour ces deux objets, et je voudrais l'en remercier. Enfin, pour ce qui est de la souplesse du programme, je peux rassurer M. Ducret : notre programme ne sera pas rigide. En effet, le but, lorsqu'on fait appel à des architectes de renom international et national, est de faire le plein de leurs remarques.
Voilà ce que j'avais à dire à propos de cette motion.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant l'aménagement de la place des Nations
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que Genève a depuis fort longtemps la vocation d'accueillir les organisations internationales;
- les difficultés que rencontrent plusieurs d'entre elles pour faire face à leurs besoins en locaux;
- le site exceptionnel de la place des Nations qui peut et doit devenir l'image et le symbole de l'ouverture de notre cité au monde;
- l'incertitude qui subsiste quant à l'aménagemeent de ce lieu;
- les contraintes relatives à son affectation qui en rendent aléatoire toute planification,
invite le Conseil d'Etat
1. à mettre en oeuvre, le plus rapidement possible, en collaboration étroite avec la ville de Genève et les organisations internationales, l'aménagement de la place des Nations et de ses prolongements, en favorisant la création des bâtiments nécessaires aux besoins de diverses organisations internationales et universitaires;
2. à procéder, préalablement, à l'analyse des données et du site;
3. à établir en même temps l'inventaire des besoins;
4. à élaborer en conséquence un programme d'aménagement qui tienne compte des problèmes de circulation, de transports publics et de l'énergie, ainsi que des critères du «développement durable» tels qu'ils ont été élaborés par les Nations Unies;
5. à organiser un concours international d'idées - le cas échéant, de projets d'architecture - visant à obtenir une proposition d'aménagement du lieu qui réponde aux besoins consignés dans le programme et confère au site une fonction et un aspect à la mesure de sa qualité et de sa situation dans la cité;
6. à présenter au Grand Conseil, à la fin de chaque année, un rapport sur l'état d'avancement de ces études.