Séance du
vendredi 27 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
18e
séance
IU 15
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais, au sujet des interpellations urgentes, d'abord m'excuser auprès de ce Grand Conseil d'avoir à parler pendant six ou sept points consécutifs de l'ordre du jour. Ce n'est pas moi qui l'ai souhaité. J'aimerais aussi remercier M. Longet qui est le seul à avoir eu la délicatesse de m'envoyer son texte de manière à ce que je puisse m'y préparer.
Cette interpellation est importante, puisqu'elle a trait au CERA, et je me permettrai, dans la foulée de cette réponse, d'apporter la réponse que la presse attend depuis quelques heures avec beaucoup d'assiduité, à savoir quelle sera la position du Conseil d'Etat en ce qui concerne les Kosovars.
La position du Conseil d'Etat, sur le refus des centres fédéraux d'enregistrements d'ouvrir une procédure pour des requérants d'asile se présentant à eux, n'a pas changé. Elle est connue. Si nous pouvons comprendre le sens de la pratique fédérale - et c'est ce qu'un collaborateur de mon département a exprimé - nous ne pouvons accepter que l'Office fédéral des réfugiés prenne et applique des directives sans se soucier de leurs conséquences. Au niveau des cantons, nous estimons que, pour des raisons de politique humanitaire ou aussi pour des raisons d'ordre, il n'est pas possible de laisser ces gens à la rue. Ça les encourage à voler, à fabriquer, acheter, trafiquer des faux papiers, ce qui n'est pas précisément le but recherché par l'autorité fédérale. Bref, nous estimons que cette pratique fédérale crée plus de problèmes qu'elle n'en résout.
Cela étant, l'autorité cantonale n'a pas à pallier les carences fédérales, car, si elle le faisait, l'autorité fédérale serait encore moins soucieuse des conséquences de ses pratiques. Mais nous sommes reconnaissants aux oeuvres d'entraide qui se soucient de leurs conséquences humanitaires et c'est pourquoi le Conseil d'Etat les soutient financièrement de manière ponctuelle. Enfin, en ce qui concerne les propos d'un collaborateur de mon département, je rappelle qu'il n'y a aucun lien organique ou fonctionnel avec le CERA, qui est un service fédéral subordonné à l'autorité fédérale ouvrant la procédure d'asile des requérants, et l'office cantonal de la population qui s'occupe des requérants d'asile seulement après qu'ils ont été attribués à notre canton.
J'avais indiqué, il y a de cela un mois, à propos de la tempête soulevée autour du renvoi de sept Kosovars, que ce problème serait réglé pour le 26 mai. Il se trouve qu'entre-temps la situation a de nouveau évolué et que je suis en quelque sorte contraint de vous dire que je rapporterai sur la question à la fin du mois de juin. Des députés m'ont cependant prié de mentionner la position du département, alors je le fais aujourd'hui déjà. C'est par avance une réponse à la motion déposée à ce sujet il y a un mois. Je vous rappelle que, lorsqu'un requérant kosovar est débouté de sa demande d'asile ou qu'il n'a pas pu se faire reconnaître comme réfractaire et bénéficier comme tel d'une admission provisoire conformément aux directives fédérales, le canton doit exécuter les décisions fédérales de renvoi, devenues exécutoires.
Cela étant, l'office cantonal de la population pratique avec la plus grande prudence, dans le sens de ce que j'ai déjà affirmé à plusieurs reprises. Il n'y a pas pour ce pays de départs forcés sous contrainte policière, sauf évidemment les cas de trafic de drogue et les cas graves pénaux. Les dossiers ne sont donc pas transmis par l'office de la population à la police pour exécution du renvoi, ils restent à l'office de la population qui a pour mission de négocier de cas en cas les délais de départ avec les intéressés et avec l'autorité fédérale, de sorte que les départs qui ont lieu ne se font jamais sous la contrainte policière. Cette pratique nous permet de surseoir momentanément au renvoi, mais seul l'Office fédéral des réfugiés est compétent pour prononcer un moratoire généralisé.
Aujourd'hui, l'autorité fédérale reconnaît que, si les décisions sont exécutoires, il n'est pas possible de les exécuter pour raisons techniques. J'aimerais bien que vous soyez attentifs deux secondes ! Les décisions exécutoires de l'avis même de l'autorité fédérale ne sont pas exécutoires techniquement parlant, en d'autres termes, débrouillez-vous ! Il n'est pas possible de renvoyer ces Kosovars chez eux, ni même par les pays voisins. Personne ne les veut, la Macédoine les refuse, l'ex-Yougoslavie ne s'en occupe pas, l'Albanie ne les veut pas non plus. Personne ne veut recevoir ces Kosovars renvoyés de Suisse. En conséquence de quoi il n'y aura pas de renvoi par la force sur le Kosovo tant que ces renvois ne seront pas jugés possibles par l'autorité fédérale. L'armistice du 26 mai est donc prolongé sine die.
En attendant, la logique veut que l'autorité fédérale mette les Kosovars concernés au bénéfice d'une admission provisoire. Cela s'applique naturellement aux sept cas qui avaient un délai de départ fixé pour aujourd'hui et qui pourront séjourner chez nous jusqu'à ce que l'ODR en décide autrement. J'espère ainsi vous avoir pleinement rassurés sur l'objectivité, la bienveillance, la compréhension avec lesquelles nous traitons ce genre de cas. J'ajoute que j'ai rencontré le 20 mai dernier, à mon initiative, la communauté albanaise de Genève, ceci en compagnie des représentants d'AGORA et du Centre social protestant. J'ai dit fermement ce que j'avais à dire, j'ai écouté avec attention, j'ai eu l'impression que nous nous étions bien compris. Je souhaite qu'il y ait une suite positive à cette prise de contact.
Voilà quels étaient les renseignements que je souhaitais vous apporter en complément à ma réponse à l'interpellation de M. Longet, qu'une fois encore je remercie de m'avoir informé préalablement du contenu de son interpellation.
Cette interpellation urgente est close.