Séance du jeudi 26 mai 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 7e session - 17e séance

P 1004-A
11. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier la pétition : Augmentation des taxes étudiantes ? Réduction du personnel ? Préservons les conditions d'études et de travail de l'université». ( -)P1004Rapport de majorité de Mme Yvonne Humbert (L), commission de l'universitéRapport de minorité de M. Jacques Boesch (AG), commission de l'université
Rapport de majorité de Mme Claude Howald (L), commission de l'université
Rapport de minorité de Mme Erica Deuber-Pauli (AG), commission de l'université

Sous la présidence de M. Pierre Kunz, la commission de l'université s'est penchée, lors de ses séances des 20 janvier et 10 février 1994, sur la pétition 1004. Mme M. Brunschwig Graf, présidente du département, et M. E. Baier, secrétaire adjoint, ont participé aux travaux.

PÉTITION

des étudiants et du personnel de l'université

Augmentation des taxes étudiantes? Réduction du personnel? Préservons les conditions d'études et de travail à l'université!

Peut-on défendre une université démocratique, dispenser une formation plus large, féminiser l'université notamment en créant des postes, améliorer les conditions d'études et de recherche, tout en concédant les économies voulues par les autorités?

Pétition des étudiant(e)s et du personnel de l'université

adressée au Conseil d'Etat, au Grand Conseil et au rectorat

1. Nous refusons l'augmentation des taxes d'écolage (le rectorat veut les porter à 1000 F par an pour tous), car il faut ouvrir davantage l'université et non en limiter l'accès par quelque nouvelle barrière que ce soit: la formation est la richesse essentielle de la société helvétique.

2. Nous refusons toute limite d'âge pour devenir assistant (limite prévue: 27 ans) ou maître-assistant (limite existante: 32 ans), mesures allant directement à l'encontre de l'ouverture des postes universitaires aux femmes et aux sans-maturité ayant repris des études.

Ces mesures vont à l'encontre de la démocratisation des études; nous leur opposons les propositions suivantes induisant d'importantes économies et permettant de créer de nombreux postes.

3. A court terme: une contribution salariale modulée, afin de maintenir le nombre de postes de travail malgré les économies en cours: - 0,5% pour les plus bas salaires (assistant, aide technique, secrétaire-2, bibliothécaire, laborant); - 0,75% pour les bas salaires (technicien, maître-assistant); - 1% pour les salaires moyens (administrateur et adjoint, collaborateur scientifique); - 2% pour les hauts salaires (chargé d'enseignement) et - 2,5% pour les plus hauts salaires (chargé de cours, prof. assistant, MER); - 3% (prof. adjoint); - 4% (prof. école); - 5% (prof. ordinaire ou invité). Cela représente une économie de plus de 6 millions de F. Compte tenu du fait que les salaires inférieurs à 4000 F sont exemptés de cette contribution, l'économie est d'environ 4,5 millions (soit 76 postes d'assistants ou 74 postes de secrétaires-2). Cela permet de réduire les écarts salariaux, en ne supprimant aucun poste et en maintenant l'encadrement étudiant au niveau actuel. La durée de cette mesure doit être discutée (de 3 à 5 ans).

4. A long terme: afin de partager le travail, tout en maintenant de bons revenus et le nombre actuel de postes, nous proposons:

- de transformer, lors des mises au concours, les postes de professeur ordinaire (salaire moyen 176 000 F), invité (même salaire moyen), d'école (salaire moyen 155 000 F) en professeur adjoint (salaire moyen 138 000 F); cette somme permet de créer de nouveaux postes sans augmenter les dépenses (par exemple un professeur ordinaire = un professeur adjoint + 66% d'assistant ou + 55% de secrétaire);

- de ramener à 100% le taux d'occupation de toute personne cumulant plus d'un plein-temps (travaillant aussi dans une autre université).

L'assemblée générale de l'université du 6 mai 1993.

APIUM, ASAMA, CUAE

c/o M. D. Lopreno

5, rue Le-Corbusier

1208 Genève

N. B.: 4019 signatures

La commission de l'université a entendu les pétitionnaires, soit des représentants des étudiants et du personnel de l'université, ainsi que M. L. Weber, recteur.

La pétition 1004 pose des questions relatives:

- aux taxes d'écolage dont l'introduction est prévue à terme;

- à la limite d'âge imposée pour devenir assistant/e ou maître-assistant/e qui va, selon les pétitionnaires, à l'encontre de l'ouverture des postes universitaires aux femmes et aux sans-maturité ayant repris des études.

Elle oppose aux constats énoncés ci-dessus des propositions qui respectent le principe de démocratisation des études, permettant de réaliser des économies et de créer de nombreux postes, soit:

- à court terme, une contribution salariale modulée des collaborateurs qui garantisse le maintien des postes de travail, mesure dont la durée doit être limitée;

- à long terme, la transformation des postes de professeurs ordinaires, invités, d'école en postes de professeurs adjoints et la réduction à 100% du taux d'occupation de toute personne cumulant plus d'un plein-temps.

En ce qui concerne les taxes d'écolage, le tableau qui figure ci-dessous donne les moyens d'apprécier la situation telle qu'elle se présente actuellement en Suisse.

Débat de la commission

La taxe de 500 F par semestre qu'il est prévu d'instaurer, quoiqu'elle ne fasse l'objet d'aucun projet de loi, paraît nécessaire à la majorité de la commission, qui admet le principe de l'introduction d'une taxe non différenciée pour les Genevois, les Confédérés et les étrangers, comme c'est le cas dans la plupart des universités suisses. L'affectation de cette taxe n'est pas décidée, raison pour laquelle le rectorat n'entre pas en matière à son propos, mais est disposé à y réfléchir si l'intégralité du montant des taxes est consacré à l'encadrement des étudiants.

Il est à noter que le libre accès aux études reste garanti par le dispositif des allocations d'études et pour la prise en compte par l'université des cas d'étudiants qui rencontrent des difficultés d'ordre financier. De plus, il est entendu que cette taxe ne s'élèvera pas à des montants rédhibitoires.

De toute manière, il est clair que si une modification des montants des taxes d'écolage intervient, un projet de loi sera soumis à l'attention du parlement, qui devra alors se prononcer sur l'affectation éventuelle de ces taxes.

En ce qui concerne la limite d'âge, il est à noter qu'elle ne relève pas d'un règlement, mais de directives qui sont appliquées avec souplesse par le rectorat. On peut se poser la question de savoir si des directives, de quelque ordre qu'elles soient, sont édictées pour gérer les cas d'exception, ou plutôt pour être appliquées dans la règle.

En terme de politique salariale, Genève doit être concurrentielle pour attirer des professeurs et les conditions offertes sont un des éléments de la politique universitaire qui est suivie en matière de recrutement.

La rémunération modulée telle qu'elle est proposée dans la pétition restreindra la marge de liberté de l'université.

En ce qui concerne les professeurs adjoints, la loi vient d'être modifiée et rend la disposition proposée inutile. Il serait cependant opportun qu'une réflexion soit menée en termes de carrière pour les enseignants à l'université, ce qui conduira à envisager de manière novatrice le cursus vers l'ordinariat et les charges de professeur invité ou extraordinaire.

Enfin, à propos du taux d'activité le rectorat admet que certains professeurs cumulent les charges et que quelques-uns d'entre eux dépassent largement le 100% de taux d'activité. S'il est difficile de repérer les enseignants concernés, le rectorat est attentif à ce problème et agit de cas en cas et avec souplesse, en vue de régulariser ces situations. Le rectorat et la majorité de la commission sont sensibles au fait que, parfois, le cumul est dû au fait que, dans certains domaines, les experts ne sont pas légion, ce qui peut expliquer que, temporairement, le taux de 100% soit dépassé.

Cependant, il y a lieu de veiller à ce que cette situation soit sous contrôle à court terme.

Conclusion

La Commission, par 6 voix contre 5, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1004 à titre d'information sur le bureau du Grand Conseil.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

C'est par une courte majorité de 6 oui contre 5 non que la commission de l'université a décidé de ne pas renvoyer la pétition des étudiants et du personnel de l'université au Conseil d'Etat, mais de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.

Il est certain que la pluralité des questions soulevées par cette pétition n'a pas joué en sa faveur. Pourtant il faut saluer le fait qu'en abordant à la fois les questions de taxes d'écolage, de limites d'âge des mandats d'assistant(e)s et de maîtres assistant(e)s, de politique salariale, de nomination des professeurs ordinaires et de limitation du taux d'occupation des enseignants, les pétitionnaires ont souhaité apporter la preuve qu'ils ne bornaient pas leurs propos à des revendications, mais cherchaient à contribuer à trouver des solutions qui fussent budgétairement viables.

1. Taxes d'écolage

Aucun membre de la commission, ni les pétitionnaires eux-mêmes n'ont contesté la justesse d'une harmonisation des taxes. L'instauration d'une taxe unique est apparue à tous comme bien préférable à l'existence de taxes différenciées comme elles le sont actuellement entre Genevois (65 F), confédérés (365 F) et étrangers (565 F).

Toutefois, la minorité formée par les députés de l'Alliance de gauche, du Parti socialiste et du Parti écologiste n'a pas jugé opportun de profiter de cette occasion, ou d'utiliser ce prétexte, pour augmenter les taxes annuelles à 1000 F, au mépris du principe de démocratisation des études mis en place sous le gouverment d'André Chavannes. Elle a préféré se rallier à la proposition des pétitionnaires d'une taxe qui représentât la moyenne des taxes existantes, soit environ 350 F pour tous.

L'étudiant doit, pensons-nous, être autosuffisant. Or, le fonctionnement de plus en plus scolaire de l'université laisse désormais peu de temps au travail temporaire, au demeurant rendu difficile par l'étendue du chômage.

Aussi, l'application de taxes exagérées rendra-t-elle nécessaire la pratique généralisée des dérogations pour raisons sociales. L'expérience de la distinction entre étudiants aisés et économiquement faibles, toujours mal vécue, s'en trouvera renforcée.

La formidable avancée de l'accès démocratique aux études supérieures, qui faisait l'orgueil de notre système, s'en trouvera elle aussi frappée.

2. Limites d'âge pour assistant(e)s et maîtres assistant(e)s

La limitation à l'âge de 27 ans de l'accès au poste d'assistant(e) et à celui de 32 ans de l'accès au poste de maître assistan(e) va également à l'encontre de la démocratisation des études. Elle se heurte, au surplus, à la loi sur l'égalité des chances de carrière entre hommes et femmes et à la loi sur la formation continue.

Le rectorat a fourni des explications conciliantes. Il ne s'agit que d'une directive, déclare-t-il, qui souffre des exceptions dans chaque cas où cela est utile et juste. Généralement, pourtant, les directives du rectorat sont appliquées avec rigueur.

A quoi sert donc d'édicter une directive si un grand nombre de candidats doit être mis au bénéfice d'une dérogation?

Toutes ces dérogations, nécessaires aux femmes, dont la maternité ou les déplacements imposés par ceux du conjoint, interrompent le cursus universitaire, aux sans maturité, aux étudiants diplômés dans le cadre d'une formation continue, aux étudiants à cursus universitaire tardif, sont absurdes.

Il y a quelques années, le rectorat a établi que 60% de dérogations avaient été accordées pour la nomination des maîtres-assistant(e)s.

3. Diminuation des hauts salaires

Etudiants et personnel intermédiaire ont eu le mérite d'assortir leur opposition à l'augmentation des taxes de propositions de solutions financières destinées à améliorer l'équilibre budgétaire de l'université.

La réduction modulée proposée donne 9%, soit presque les 10% d'économie souhaités par le rectorat, sans supprimer de postes, les plus hauts salaires étaient prétérités de 800 F.

Il est faux de croire que l'excellence ne s'obtient que par de hauts salaires (voir la France, l'Italie, l'Allemagne). L'environnement socio-culturel joue sur les candidats aux postes un rôle d'attraction au moins aussi important. Et à cet égard, Genève offre de très multiples attraits.

Les députés de gauche et écologistes se demandent pourquoi la direction de l'université et le Conseil d'Etat s'attachent si fermement à jouer la démocratisation des études contre les hauts salaires des professeurs ordinaires. Car le résultat de cette politique est dans des séminaires de 60 à 80 étudiants, qui souffrent d'un manque d'encadrement et favorisent l'abandon des plus faibles, qui ont précisément le plus besoin d'attention pédagogique.

La Suisse et Genève, qui sont à la traîne de l'Europe en matière de nombre d'étudiants et qui, pourtant, ont besoin de cerveaux et de personnel de plus en plus qualifié dans toutes les branches de l'économie et tous les milieux sociaux, ne peuvent se payer le luxe d'une université à faible niveau d'encadrement pédagogique, décourageant l'accès à l'université et ne favorisant que la politique de prestige des nominations sur la base du maintien de très hauts salaires.

4. Au lieu de professeurs ordinaires, des professeurs adjoints

Hypercompétitifs, les salaires des professeurs ordinaires figurent parmi les 6-7% des salaires les plus hauts de Suisse.

Par le jeu des départs à la retraite d'ici l'an 2000, 100 postes de professeurs ordinaires se seront libérés. Les pétitionnaires proposent de transformer ces postes en 150 à 160 postes de professeurs adjoints et postes intermédiaires, selon les besoins.

A noter que les professeurs adjoints ont des salaires qui ne sont pas augmentés d'indemnités, tandis que les professeurs ordinaires sont au bénéfice d'indemnités pour une moyenne de 4000 F par année.

L'université continue d'augmenter de plus de 300 unités étudiant(e)s par année. C'est le taux moyen le plus fort de ces dernières années. On arriverait, dans l'hypothèse des pétitionnaires, à maintenir le même taux d'encadrement.

Le rectorat ne s'oppose pas d'ailleurs à la politique préconisée par les pétitionnaires dans ce domaine, quitte à nommer par la suite ces professeurs adjoints à l'ordinariat.

5. Limitation du taux d'occupation des enseignant(e)s à 120%

Cette question a été longuement débattue, mais sans permettre de dégager une véritable analyse de la réalité, qui reste largement cachée. Il est question de revenus de professeurs à 175%, parfois même sur des budgets entièrement publics, de protection de la sphère privée, etc.

S'il est évident que l'université peut utilement profiter du travail de ses enseignant(e)s à l'extérieur et que cette intégration est même souhaitable dans un certaine nombre de domaines pointus de la recherche, pourquoi ne pas limiter les charges à des emplois à temps partiel. Le plafonnement du revenu permettrait d'imposer cette solution.

Au surplus, en période de chômage, le plein-temps à l'université ne doit pas «dérober» le temps des autres.

Nous vous engageons, Mesdames et Messieurs les députés, à vous rendre aux arguments développés dans le présent rapport de minorité. La prise en considération de la pétition 1004 serait de nature à favoriser la poursuite de la réflexion à l'université, ce que le rectorat lui-même admet, et à apporter au climat qui doit accompagner les nécessaires changements dont l'université a besoin un esprit d'ouverture.

Aussi vous recommandons-nous le dépôt de cette pétition auprès du Conseil d'Etat.

Débat

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Je vais rajouter deux ou trois choses à l'excellent rapport de ma collègue Erica Deuber-Pauli. Elle rapportait sur une pétition qui me fait particulièrement plaisir. Non seulement cette pétition dénonce quelques noirs desseins que l'on veut commettre à notre université, entre autres par l'élévation des taxes universitaires, mais elle réussit le tour de force de réunir les étudiants, des membres du personnel et des professeurs. Ces personnes ont proposé des solutions, se sont engagées et ont ouvert quelques perspectives intéressantes.

Cette situation explique pourquoi les commissaires qui ont examiné cette pétition ont été partagés en leur vote final, puisque six personnes ont voté pour et cinq contre, ce qui explique bien qu'il y a des convergences indiscutables. Du reste, Mme Howald le concède dans son rapport.

Pour revenir aux points principaux, en ce qui concerne les limites d'âge pour devenir assistant, on constate que les dérogations sont si nombreuses qu'elles deviennent, finalement, plus fréquentes que l'application du règlement. Donc, à ce propos, je pense qu'il faut maintenir en l'état ce qui existe, car la modification prévue contreviendrait tant à la loi sur la formation continue qu'à l'égalité des chances entre hommes et femmes.

Les étudiants et les autres pétitionnaires, avec une certaine candeur, se sont posé la question de savoir pourquoi, au lieu de nommer des professeurs ordinaires, on ne nommerait pas davantage de professeurs adjoints. Ainsi, les professeurs ordinaires seraient peu à peu remplacés. Cette mesure ne toucherait pas la qualité des prestations, mais offrirait, par contre, un dégagement de ressources pouvant être consacrées à un meilleur encadrement. Comme vous le savez, au vu des restrictions budgétaires, cet encadrement s'est singulièrement amenuisé. La limitation du taux d'activité d'un certain nombre de professeurs permettrait à l'université de s'engager dans un thème d'actualité : celui du partage du temps de travail. Il faut bien avouer qu'un plein-temps assure une rémunération parmi les mieux évaluées dans le monde universitaire. Là aussi, ce dégagement de ressources permettrait d'étoffer l'encadrement et favoriserait la recherche.

Enfin, pour en venir aux taxes, la proposition de les augmenter autant est manifestement exagérée. Zurich est là pour nous le rappeler : l'introduction d'une taxe à 1 000 F a provoqué une diminution sensible des immatriculations. La démonstration d'une atteinte directe à la démocratisation des études est donc faite. Nous ne pouvons souscrire à une telle chose et nous proposons que ces taxes ne dépassent pas 300 ou 350 F afin qu'elles restent abordables à tout le monde.

Voilà les quelques propos que je voulais développer. Dès lors, je vous propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et non de la classer. Ce Grand Conseil devient le théâtre d'une nouvelle habitude, celle de classer les pétitions en les déposant sur le bureau du Grand Conseil, ce qui est une manière directe de ne pas vouloir entrer en matière. Je crois que cette pratique désabuse quelque peu les personnes qui prennent le temps de réfléchir, de s'engager et d'ouvrir de nouvelles perspectives, ce que je regretterais. On vient de parler de leçons de civisme à donner, là nous pouvons faire la démonstration que ce que nous suggèrent les pétitionnaires n'est pas purement ignoré. Je vous invite donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Cette pétition correspond tout à fait à la politique de gestion universitaire que nous défendons. D'ailleurs, l'année passée, lors des comptes rendus 1992, nous avions dit, je cite : «Au temps des années d'abondance, le collège des professeurs a pu bénéficier de privilèges salariaux et de conditions de travail favorables. Ils demandaient et ils obtenaient. On ne peut pas les en blâmer.».

Mais aujourd'hui, en période de conjoncture difficile, il nous paraît évident que tous ceux qui ont bénéficié de ces années d'abondance doivent comprendre que l'important n'est plus la conservation de leurs privilèges, mais le maintien des prestations offertes aux étudiants. Cela passe par l'ouverture, par exemple, de postes plus proches des étudiants et moins coûteux, tels que les maîtres-assistants qui sont les véritables courroies de transmission entre le savoir et les élèves. Cela passe également par le renoncement à l'augmentation des taxes universitaires ou des frais d'écolage.

Le rapport de majorité plus que succinct n'apporte aucune réponse réelle aux questions posées par les étudiants mais reconnaît qu'il y a des problèmes qu'il faudra résoudre et que le Conseil d'Etat s'y consacrera. Comment peut-on simplement déposer sur le bureau du Grand Conseil une pétition provenant des milieux universitaires et signée par plus de quatre mille étudiants qui, plus est, pose de bonnes questions et propose des solutions intéressantes ? C'est une forme de mépris absolu envers les jeunes qui forment l'université et qui représentent notre avenir intellectuel. Puisque le Conseil d'Etat va se pencher sur ces questions, alors que le Grand Conseil lui renvoie cette pétition afin qu'il tienne compte des revendications estudiantines et des solutions que proposent les étudiants.

Quant au problème spécifique des taxes universitaires, il va de soi que nous trouvons un montant unique de 1 000 F trop élevé et que nous soutenons la position de la rapporteuse de minorité. Nous approuvons donc et soutenons le rapport de minorité, donc le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Christine Sayegh (S). Comme cela vient d'être relevé, cette pétition 1004 soulève des problèmes d'actualité et les pétitionnaires ont eu le mérite de prendre position de manière claire et étayée sur des questions comme les taxes d'écolage, la limite d'âge des assistants et des maîtres-assistants et le maintien des postes de travail, tout en proposant des solutions.

Concernant les taxes, notre parti soutient le principe de cette taxe unique d'écolage, contrairement aux pétitionnaires, estimant effectivement qu'elle est indispensable, mais souhaite qu'elle soit affectée à l'encadrement des étudiants, soit au corps intermédiaire.

Quant à la limite d'âge, j'ai lu avec étonnement le rapport de majorité, et je regrette que la rapporteuse de majorité ne soit pas présente, car, lors des travaux sur la nouvelle loi sur l'université, elle a été auditionnée et était formellement opposée au principe de la limite d'âge, ce qui ne se retrouve pas dans son rapport. La limite d'âge dans ce domaine est un mauvais critère, car il est discriminatoire et sans fondement. L'université doit remplir son rôle, le rôle que la loi lui attribue, et, notamment, celui de permettre l'accès à une formation de haut niveau. Les critères à retenir doivent avoir un lien avec le but poursuivi. Les critères doivent avant tout être ceux de la compétence et des connaissances.

Quant aux solutions financières, les pétitionnaires proposent à court terme de réduire les écarts salariaux pour maintenir le nombre de postes pour une durée de trois à cinq ans. Cette mesure de solidarité mérite une réflexion constructive en cette période de chômage. A long terme, les pétitionnaires sont préoccupés, à juste titre, par le partage du temps de travail. Ce principe du partage du temps de travail répond également à la prévention du chômage.

Le groupe socialiste soutient pleinement le rapport de minorité et vous recommande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, il est urgent de traiter les vraies questions et de prendre des mesures utiles.

M. Jean-François Courvoisier (S). Pour compléter le rapport de Mme Deuber-Pauli, je voudrais ajouter un argument supplémentaire pour s'opposer à la nouvelle limite d'âge proposée pour la nomination des assistants à l'université. Le prétexte de cette limite d'âge semble être que les assistants nommés à un âge trop avancé et devant ensuite quitter leur enseignement après avoir été cinq ans assistant et cinq ans maître-assistant se trouvent trop âgés pour s'intégrer au secteur privé. Si le souci de l'avenir des assistants peut paraître louable, la qualité de l'enseignement que vous offrez aux étudiants nous semble beaucoup plus importante.

Il est possible, et même probable, qu'un assistant plus âgé ait acquis une expérience pédagogique ou reçu une formation dans une autre matière que celle qu'il devra enseigner. Ces expériences ne peuvent qu'être profitables à ses étudiants et il serait bien sot d'écarter ce candidat au profit d'un plus jeune moins expérimenté. Que cette limite d'âge soit un règlement susceptible de dérogation ou une directive appliquée avec souplesse, ce qui revient au même, elle ne servira jamais les intérêts des étudiants. Il faut donc la refuser.

M. Bernard Lescaze (R). La majorité de la commission vous propose simplement de déposer à titre de renseignement cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Les raisons que la rapporteuse de majorité a exprimées dans son rapport sont parfaitement claires. Cette pétition, en réalité, pour la plupart de ses objets, si intéressante puisse-t-elle être, est devenue sans objet. Les questions de limite d'âge, de salaires modulés, de professeurs adjoints ou de taux d'activité ont toutes, d'une manière ou d'une autre, trouvé réponse ou, à l'heure actuelle, font l'objet de mesures précises de la part du rectorat. Nous avons même, en ce qui concerne les professeurs adjoints, modifié récemment la loi.

La seule chose qui pouvait faire problème, en raison de l'intérêt immédiat des étudiants, est l'augmentation éventuelle des taxes d'écolage. Quelle que soit la position finale que nous aurons à ce sujet, ce n'est pas au travers d'une pétition que ce problème pourra être traité, puisque le chef du département de l'instruction publique nous a assuré que, au cas où cette augmentation interviendrait, le Grand Conseil aurait à se prononcer à ce sujet. En conséquence, cette pétition doit simplement être déposée à titre de renseignement, puisqu'elle n'apporte rien de nouveau.

M. Pierre Vanek (AdG). Je n'entendais pas intervenir, mais j'ai changé d'avis en entendant M. Lescaze dire que toutes les questions posées par cette pétition ont trouvé une réponse positive.

A l'évidence, cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat. Ce n'est pas parce que l'on a pris un peu de retard dans le traitement de cette pétition qu'on ne doit pas en prendre acte convenablement. Ce qu'a dit M. Lescaze signifie que les questions posées par cette pétition ont été les bonnes questions. Lorsque M. Lescaze soutient que la question de la taxe universitaire n'a pas à être traitée par le biais d'une pétition, c'est traiter un peu légèrement le droit de pétition, comme l'a aussi évoqué mon collègue Jacques Boesch. Les problèmes qui se posent aux citoyens ont à être traités par eux, entre autres par ce moyen de démocratie directe qu'est la pétition. Cette question est posée ce soir au Grand Conseil dans des formes parfaitement régulières. Il n'y a aucune raison pour disqualifier ce procédé en soutenant que les 4 019 étudiants qui ont signé cette pétition n'ont pas à se prononcer sur ce sujet. On parlait de civisme tout à l'heure et je pense que le traitement de cette pétition est une leçon par la négative parfaitement déplacée.

Quant à la question de l'université de Zurich, 10% de réduction du taux...

(Des députés trouvant que M. Vanek parle trop fort protestent. M. Chaïm Nissim se lève et éloigne le micro de la bouche de M. Vanek.) Mais on peut baisser le potentiomètre ! Ça fera des économies ! (Rires et applaudissements.)

La constatation d'une baisse de 10% des immatriculations à l'université de Zurich est un fait dont il faut tenir compte. La hausse des taxes d'écolage à l'université est, à l'évidence, une restriction supplémentaire à la démocratisation des études, et, finalement, des études complètes allant de l'école enfantine à l'université, en passant par le parascolaire. A l'évidence, l'université publique devrait également être gratuite. (Applaudissements.) En tout état de cause, il est absolument inadmissible de procéder à une hausse de cette importance.

Sur la question de la limite d'âge, le rapport de minorité indique que de si fréquentes dérogations sont accordées que cela devient la règle. Cela pose un problème de cohérence et d'arbitraire, car les dérogations sont à bien plaire et il n'existe aucune obligation de procéder à de telles dérogations. Pour des personnes avec un cursus un peu atypique, cette mesure est discriminatoire et devrait être abrogée.

On doit manifestement soutenir le point de la pétition qui propose de faire des économies, mais de manière non linéaire et avec intelligence. Jusqu'à maintenant, si je suis bien renseigné, l'essentiel des mesures d'économies a été réalisé de manière linéaire et arbitraire. En l'occurrence, cette pétition contient une réflexion qui doit être soutenue. Quant aux salaires des professeurs, les chiffres indiqués ne comprennent pas certaines indemnités supplémentaires. Ces salaires permettent non seulement de vivre largement mais aussi d'attirer les professeurs d'un bon niveau. Les mesures préconisées dans la pétition devraient être soutenues.

A l'évidence, cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat, et il n'y a que de mauvaises raisons pour le refuser.

M. Bernard Clerc (AdG). Je suis étonné par les propos tenus par notre collègue Bernard Lescaze. Ensemble, nous avons auditionné le rectorat dans le cadre de la commission des finances. Le rectorat lui-même a reconnu un certain nombre de problèmes, notamment l'encadrement des étudiants qui a passé, en quelques années, d'un assistant pour cent étudiants à un assistant pour cent quarante étudiants. Le rectorat a précisé que les mesures d'économies avaient porté essentiellement sur l'assistanat et non au niveau des professeurs. Je trouve donc curieux, dans un débat sur une pétition qui pose le problème, que M. Lescaze oublie tout d'un coup ce qui s'est passé il y a quelques semaines.

En ce qui concerne le taux d'activité des professeurs, M. Lescaze lui-même, qui connaît bien le dossier, s'est inquiété de savoir ce qu'il en était du taux d'activité des professeurs, car il avait, disait-il, un peu l'impression que les questions restaient au niveau des doyens et que cela n'allait pas assez à la base, jusqu'à chaque professeur. Je trouvais sa remarque tout à fait pertinente. Mais, tout d'un coup aujourd'hui, sa position se transforme comme par enchantement. Chacun sait aussi qu'un certain nombre de professeurs ont des activités annexes... (Contestation de M. Annen.) Oui, oui, oui, Monsieur Annen ! Par exemple, chacun sait que des professeurs de droit renommés font parfois des avis de droit pour le Conseil d'Etat ou des arbitrages qui leur rapportent des sommes considérables. (Grognements sur les bancs de la droite.) Et je trouve curieux qu'on n'en tienne pas compte lorsqu'il s'agit de parler d'économies à l'université. Voilà pourquoi je vous propose à mon tour de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Bernard Lescaze (R). (Applaudissements.) On ne...

Le président. Je rappelle que les manifestations sont interdites à la tribune. (Quelques rires narquois.)

M. Bernard Lescaze. On ne peut pas, au travers d'une pétition, si intéressante soit-elle, si importants que puissent être ou paraître les problèmes traités, résoudre l'ensemble des questions actuellement soulevées par l'université. Ceux qui m'interpellent ce soir, en réalité, le savent bien.

Nous connaissons tous la situation de l'université. Elle n'est pas facile. Nous nous sommes simplement, dans le cadre de l'examen de cette pétition, à la commission de l'université, efforcés d'examiner point par point les problèmes précis qui étaient traités. Or ce soir, la rapporteuse de majorité n'a malheureusement pas pu être là. J'essaie, au pied levé, de montrer à l'ensemble de ce Grand Conseil que c'est à bon droit et avec des arguments solides que la majorité a finalement décidé que cette pétition devait être déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Nous n'avons éludé aucune des questions soulevées. Vous nous parlez des doubles emplois de certains professeurs, des cumuls de charges. Nous avons répondu à cette question, qui ne pouvait être que marginale dans l'examen de cette pétition, puisqu'il est écrit en toutes lettres : «Il y a lieu de veiller à ce que cette situation soit sous contrôle à court terme.».

Mais il faut savoir que l'essentiel de la pétition visait la crainte légitime qu'avaient certains étudiants d'être pris par surprise par une éventuelle augmentation des taxes fixes de l'écolage, puisque, depuis une vingtaine d'années, cet écolage avait été, pour les étudiants genevois et pour certains étudiants confédérés, abaissé à une somme très basse. Il se trouve d'ailleurs qu'il y avait là une situation relativement injuste vis-à-vis des étudiants étrangers et que, dans la perspective notamment de l'intégration européenne, il est clair qu'une refonte des taxes universitaires devrait amener une égalité entre les Genevois, les Confédérés et les étrangers. Et je m'étonne - je ne l'ai pas entendu il est vrai - que ce soit la gauche qui puisse contester cette égalité. (Protestation indignée sur les bancs de la gauche.)

Nous avons proclamé la fidélité de la majorité à ce que l'on appelle la démocratisation des études. Mais il ne faut pas confondre la démocratisation de l'accès aux études avec une gratuité absolue. Cela n'est pas possible, toute chose a son prix. La commission, dans sa majorité, a bel et bien spécifié, au cas où les taxes fixes seraient augmentées, qu'il conviendrait que celles-ci soient affectées en priorité à un encadrement des étudiants, notamment à des moniteurs, et le député Clerc est bien placé pour savoir que - notamment à la commission des finances, lorsque nous avons examiné les comptes de l'université - cette question a été soulevée. Nous avons expressément demandé qu'au cas où il y aurait des taxes fixes plus élevées - mais nous devrions encore l'accepter au Grand Conseil; c'est donc pour l'instant une hypothétique réelle, et non irréelle puisqu'il est question de cela - nous devrions, à ce moment-là, dans le budget de l'université, avoir une ligne budgétaire séparée pour qu'on soit assuré que les sommes provenant des taxes fixes soient consacrées à l'encadrement des étudiants.

Que voulez-vous de plus à l'occasion de l'examen d'une simple pétition ? Refaire l'ensemble de la politique universitaire ? Non, cela n'est pas possible ! Ce n'est pas sérieux ! Les réponses ont été apportées. D'autres réponses viendront par la suite en temps opportun, et c'est pourquoi la majorité de la commission vous demande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Quelques applaudissements.)

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Si je n'ai pas été suffisamment précis lors de mon intervention, je vais rappeler deux ou trois choses. La commission de l'université examine actuellement deux documents, soit, d'une part, un projet de loi émanant d'un petit groupe de personnes extérieures à l'université, instituées en lobby visant au renforcement du rectorat - ce projet bidon provoque des discussions et un tollé d'oppositions comme nous n'en avons vu que rarement à la commission de l'université - et, d'autre part, une pétition signée par plus de quatre mille personnes de l'université.

Cette courte majorité s'apprête à faire passer à la poubelle une pétition de quatre mille personnes et d'accréditer comme une chose pertinente un projet fantoche d'un petit groupe de personnes extérieures à l'université. Voilà la réalité des travaux de la commission. La commission, qui n'a pas fait abstraction de toute sagesse, de toute réflexion et de toute intelligence dans ce débat, s'est retrouvée avec une majorité d'une voix pour examiner cette pétition qui a l'avantage de proposer un certain nombre de solutions simples. Vous voulez des recettes ? En voilà ! Vous voulez la démocratisation des études ? Eh bien nous vous montrons comment ne pas y attenter de manière directe ! Vous voulez le partage du temps de travail ? Voilà quelques solutions très simples et très pertinentes.

Ce qui dérange est peut-être de vouloir soustraire l'université à ses fins de recherche et d'enseignement, à son rôle véritable dans la Cité. On veut l'asservir à d'autres desseins, ce que le monde universitaire n'est pas prêt à accepter. Il est vrai, Monsieur le président, que quelques personnes manifestent à la tribune. Continuons à traiter l'université comme d'aucuns s'apprêtent à le faire, et vous verrez que des personnes ne manifesteront pas seulement à la tribune !

Une voix libérale. Ah, des menaces !

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je crois que M. Lescaze n'a pas très bien écouté ce que nous avons dit précédemment. Nous ne sommes pas foncièrement opposés à une augmentation éventuelle des écolages. Nous avons demandé que cette augmentation, si elle se concrétise, soit affectée à l'encadrement des étudiants. Ce sont surtout des assistants qui manquent actuellement à l'université. Notez que c'est une façon très simple d'introduire un numerus clausus qui ne dit pas son nom ! En effet, les étudiants qui ont le moins de facilités ou qui accèdent plus difficilement à l'université sont les premiers à se noyer, puisqu'il n'ont pas suffisamment d'aide et d'encadrement.

Je suis étonnée par le côté lénifiant du rapport de majorité qui dit : «Peut-être bien que oui ! Peut-être bien que non ! Après tout, c'est pas si compliqué que cela !». Bref, on arrondit les angles !

Mme Howald avait défendu de manière virulente l'accès des femmes à des postes à l'université. Elle n'est pas là aujourd'hui, c'est son propre choix, mais un point m'étonne. Elle a oublié - amnésie étonnante ! - ce qu'elle déclarait il y a moins d'une année, à savoir la question des directives qui n'en sont pas, le droit de certains à des dérogations. Je pense que ces dérogations sont un peu accordées à la tête du client ou de la cliente. Alors, de deux choses l'une : soit il existe des directives claires et précises disant qu'au-delà de 27 ans on ne peut plus devenir maître-assistant, et de cela nous n'en voulons pas, soit il est dit clairement qu'il n'y a pas de limitation d'âge pour devenir maître-assistant.

Quant aux activités multiples des professeurs, Monsieur Lescaze, il est vrai que nous en avons parlé à la commission de l'université. Mais il est également vrai que la question est loin d'être réglée. Nous savons tous que des professeurs, parfois pour des raisons dues à la pénurie de professeurs dans des domaines bien particuliers au moment où ils ont été engagés, ont effectivement une double activité qui se développe soit entre plusieurs départements de l'Etat, soit entre une activité extérieure et une activité au sein de l'université. Nous savons parfaitement qu'il peut y avoir un intérêt à ce que des professeurs d'université aient à la fois un pied à l'université et un pied à l'extérieur sur le terrain.

Nous demandons expressément que les situations dépassant 120% soient dénoncées et rendues impossibles. Nous pouvons soutenir cette demande des étudiants et demander au Conseil d'Etat qu'il prenne un engagement sur ce plan. Les vagues promesses de faire attention à l'avenir ressemblent aux avertissements donnés à un enfant pour qu'il traverse dans les lignes. La première chose qu'il fait est de traverser en dehors lorsque personne ne le regarde. Nous promettre que l'on fera attention est beaucoup trop vague, trop lénifiant. Nous demandons au Conseil d'Etat de vérifier, cas par cas, les doubles activités qui dépassent 120 à 130%, de ne pas les renouveler dans l'avenir et, si possible, d'y remédier déjà maintenant. Je vous propose donc de soutenir le rapport de minorité.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Encore un complément de réaction aux propos tenus par M. Lescaze. Certes, l'état de l'université est préoccupant, et je pense que l'état des universitaires va aussi le devenir tant par les conditions financières que d'encadrement qui leur sont laissées. J'ajouterai que je remarque que les partis de droite ont une constance dans l'équité. Comme mes collègues Liliane Charrière Urben et Christine Sayegh l'ont déjà relevé, nous ne sommes pas opposés à une égalité des taxes pour tous les étudiants quelle que soit leur origine, mais, chez vous, l'égalité prend une forme particulière, comme pour la retraite des femmes où l'on passe à 64 ans au lieu de 62 ans... (Vague de protestations.)

M. John Dupraz. Eh, on n'a rien dit, et moi j'suis contre !

Mme Liliane Maury Pasquier. Et les mêmes taxes pour les étudiants, à la hausse, comme toujours !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. On peut entamer ce qui apparaît comme étant la fin de ce débat en rappelant un certain nombre d'éléments. Le premier élément concerne les taxes pour étudiants. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, la possibilité de poursuivre le régime dans lequel nous sommes, à savoir un traitement différencié en ce qui concerne les Genevois et les Confédérés. Cela nous a été communiqué à plusieurs reprises par des cantons universitaires appartenant au concordat que nous signons et dont nous bénéficions. Dès mon entrée en fonction, cet élément m'a été rappelé.

Il est donc indispensable que l'université de Genève, eu égard au concordat qu'elle a signé, s'engage à traiter sur un pied d'égalité les Genevois et les Confédérés. Dans la situation où nous nous trouvons, il n'est pas possible d'envisager de descendre la barre à zéro, malgré le souhait de certains. Cela est d'autant moins envisageable que les élèves étrangers payent 500 F par semestre.

Voilà la raison pour laquelle j'ai dit à la commission de l'université, à la commission des finances et à l'Association des étudiants que j'ai reçue récemment qu'il était souhaitable d'adapter les taxes universitaires au minimum au niveau des Confédérés mais, si possible, à 500 F par semestre pour tous. Je l'ai dit en relevant un autre fait qui n'a pas été évoqué ici. Vous vous souvenez que ce parlement a voté, à l'aube de la dernière législature, une loi d'encouragement aux études qui est, dans le système que nous connaissons, le meilleur de Suisse et qui permet à des étudiants, dont les parents n'ont pas de revenus suffisants, de bénéficier d'allocations d'entretien. Le fait d'y avoir droit les exonère automatiquement de la taxe dont ils devraient s'acquitter, quelles que soient les écoles.

Je n'ai entendu personne s'élever ici contre la pratique d'autres écoles professionnelles, comme le conservatoire de musique, dont les écolages ne sont pas négligeables. Je parle de la formation professionnelle du conservatoire de musique et non pas d'une formation facultative.

On a parlé de l'université de Zurich où une diminution du nombre d'étudiants a été constatée. Il semble que cette diminution soit liée au fait que les facilités qui permettaient aux étudiants de préserver leur statut d'étudiant une fois leurs études terminées pour bénéficier de certains avantages aient été supprimées. Ces renseignements nous ont été donnés lorsque nous nous sommes intéressés aux raisons pour lesquelles il y avait deux mille étudiants en moins à Zurich.

Je vous répète très clairement ce que j'ai dit à la commission de l'université, à la commission des finances et à l'Association des étudiants. Si vous voulez améliorer l'encadrement de première année, si vous souhaitez que l'université bénéficie de structures suffisantes, particulièrement en première année, je peux m'engager ici à ce que les taxes telles qu'elles seraient fixées soient affectées effectivement à cet effet. Je l'ai dit aux commissions concernées et aux étudiants, je le redis ici. Ce ne sont pas de vagues promesses, de vagues évocations. Cela sera suivi sur le plan budgétaire.

Je vous rappelle que vous aurez, en tant que parlementaires, à vous prononcer sur cette modification de la loi. J'aimerais rappeler que la démocratisation des études, comme le député Lescaze l'a dit au cours du débat, n'est pas nécessairement liée à la gratuité. C'est l'honneur de ce canton d'avoir un dispositif qui permet de veiller à ce que les inégalités matérielles et sociales puissent être compensées. Rien ne sera jamais parfait, c'est vrai ! Mais ce dispositif est important. Il est loin d'être négligeable.

S'agissant des assistants, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents arguments concernant l'âge des assistants. Mais il y en a un que je n'ai pas entendu. Il concerne la relève à l'université et la solidarité avec les étudiants. Je n'ai pas remarqué le moindre intérêt pour que le statut d'assistant - qui permet de faire un doctorat durant une période donnée, de renforcer ses connaissances universitaires tout en bénéficiant d'un avantage financier pour subsister - puisse bénéficier à un plus grand nombre. Le statut d'assistant n'est pas destiné à durer, ni à offrir une situation professionnelle stable. Lorsque l'université estime qu'il est souhaitable que, passée une certaine période, les étudiants et assistants puissent, à la suite de leurs études, s'intégrer dans la vie active, elle le fait souvent sur la base d'expériences.

Vous parlez des exceptions. De nombreuses exceptions sont dues aux problèmes qui touchent les femmes et à la loi sur l'université que vous avez votée et qui demandait précisément à l'université de tenir compte de la situation particulière des femmes. Je vous engage vivement à ne pas regretter ces exceptions, à accepter ces directives parce qu'elles sont aussi un gage de chance pour les étudiants qui, terminant leur licence, espèrent, eux aussi, devenir assistants. L'université a besoin de cette relève.

Le troisième point concerne le salaire des professeurs. Nous sommes d'accord avec les étudiants en ce qui concerne les salaires de ceux bénéficiant, pour des raisons diverses, d'occupations supplémentaires. J'ai étendu cette demande à l'ensemble de mon département, parce qu'il est vrai que cette pratique existe et que, dans ces temps difficiles, les personnes exerçant une activité à 120 ou 130% laissent moins d'heures disponibles à ceux qui souhaiteraient être maîtres-suppléants et bénéficier d'une charge dans l'enseignement. En donnant des cours à l'extérieur, et notamment dans des établissements subventionnés, certains font une sorte de détournement des opportunités offertes à d'autres de disposer d'une place et d'un premier emploi. C'est aussi vrai en ce qui concerne la répartition des charges des professeurs d'université. Ce sujet a été abordé sérieusement, particulièrement pour les facultés très directement concernées. Cette politique générale ne concerne pas le simple cas de l'université.

Le quatrième sujet traite du problème des professeurs ordinaires et des professeurs adjoints. Ce problème a été réglé par une loi votée récemment et qui permet justement de mettre en vigueur cette possibilité d'avoir des professeurs adjoints lorsqu'il n'est pas nécessaire de nommer des professeurs ordinaires.

Je terminerai par l'évocation - qui paraît très sympathique - de la répartition des salaires et du «tassement» des salaires des professeurs. Il est vrai que, dans un premier temps, cette mesure semble sympathique, solidaire et être un bon moyen pour régler certains problèmes budgétaires. Mais je crois, à long terme, qu'aucune université, dont la vocation n'est pas seulement régionale et qui veut rayonner par la qualité de ses professeurs venant d'horizons divers, ne peut se permettre de pratiquer ce genre de politique salariale à l'égard de ses professeurs. Tout cela a longuement été expliqué à la commission de l'université. Toutes ces explications ont donné lieu à des questions, des argumentations et, finalement, des décisions.

Je vous engage très fermement, pour l'avenir de l'université et pour renforcer son encadrement dans des circonstances budgétaires difficiles, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Christine Sayegh (S). Je crois qu'il y a une erreur sur l'interprétation de la limite d'âge. Aujourd'hui, bien des personnes peuvent faire des études, pas seulement au sortir du bac. D'ailleurs, on remarque également qu'avec trois ans de formation professionnelle on peut entrer à l'université sans avoir passé la maturité. Donc, je pense qu'il n'y a pas une opposition entre supprimer la limite d'âge ou ne pas en mettre et limiter la durée de l'assistanat. Des personnes qui entreprennent une deuxième formation ou qui commencent plus tard leurs études doivent également avoir accès à l'assistanat.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Madame la députée, je me permets de vous rappeler que le passage à l'assistanat est aussi un moyen de faire une carrière universitaire. L'un des soucis de l'université, qui avait d'ailleurs été évoqué au moment où la loi sur l'université concernant les femmes a été traitée, est que, passée une certaine période, la perspective de carrière universitaire est très limitée. En conséquence, il a paru préférable d'évaluer les possibilités véritables à l'intérieur de l'université en fonction des potentiels, notamment celui de l'âge.

Je rappelle encore une fois, et vous l'avez dit vous-même, qu'il y a des exceptions en fonction des situations, des profils et des possibilités réelles de carrière. Ces éléments sont précisément les raisons pour lesquelles on pratique des exceptions. C'est également pour cela que la limite d'âge, telle qu'elle est, n'est qu'une directive qui n'est pas appliquée de façon rigide et peut être assouplie en fonction des situations des uns et des autres.

M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Monsieur le président, malgré vos hochements de tête signifiant que vous êtes très pressé de passer sur les problèmes de l'université, je vais... (Vives protestations.) Eh bien, s'il faut y passer encore une heure, on le fera ! (Manifestations rageuses. M. Halpérin proteste.) Mais, Monsieur Halpérin, si ce n'est pas ce soir, cela sera la prochaine fois.

Le président. On y passera tout le temps que vous voulez, Monsieur Boesch, mais le Grand Conseil viendra le 3 juin.

M. Jacques Boesch, rapporteur ad interim de la minorité. J'y serai, Monsieur le président ! Je crois qu'en classant verticalement ou horizontalement cette pétition il reste tout de même une ambiguïté. J'en veux pour preuve la nécessité pour Mme Martine Brunschwig Graf d'argumenter sur les problèmes qui ont été posés. En fait, les questions posées par cette pétition sont pertinentes. Qu'on le veuille ou non, elles devront être traitées. Les évacuer simplement en déposant la pétition sur le bureau du Grand Conseil n'est pas une bonne solution. Je crois, Madame la présidente, qu'il faut accepter ces questions, continuer à y apporter des réponses circonstanciées et à y réfléchir. Je vous conjure de ne pas passer la main ainsi. Pour bien manifester cette volonté, je demanderai l'appel nominal (Appuyé.) pour que chacun puisse se prononcer individuellement sur ce sujet. (Vague de mécontentement sur les bancs de la droite.)

Le président. Madame la secrétaire, veuillez vous préparer à faire l'appel nominal. Je compte sur un silence suffisant pour qu'on puisse entendre vos réponses.

Celles et ceux qui acceptent les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, répondront oui, et celles et ceux qui les rejettent répondront non.

Les conclusions de la commission sont adoptées par 52 oui contre 40 non.

Ont voté oui (52) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Dominique Belli (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Jean-Claude Genecand (DC)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Jean Montessuit (DC)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Françoise Saudan (R)

Philippe Schaller (DC)

Micheline Spoerri (L)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté non (40) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Anne Briol (E)

Fabienne Bugnon (E)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Christine Sayegh (S)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre Vanek (AG)

Etaient excusés à la séance (5) :

Erica Deuber-Pauli (AG)

Claude Howald (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Laurent Rebeaud (E)

Nicolas Von der Weid (L)

Etaient absents au moment du vote (2) :

Andreas Saurer (E)

Max Schneider (E)

Présidence:

M. Hervé Burdet, président.