Séance du
jeudi 26 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
17e
séance
No 17
Jeudi 26 mai 1994,
nuit
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 20 h 45.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Erica Deuber-Pauli, Claude Howald, Alain-Dominique Mauris, Laurent Rebeaud et Nicolas Von der Weid, députés.
3. Correspondance.
Le président. Les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Elles seront renvoyées à la commission des pétitions.
M. Pierre Vanek (AdG). (M. Vanek reste assis.) (Des voix : Debout ! M. Vanek se lève en souriant.) Excusez-moi, c'est une manie ! (Applaudissements.) J'aurais aimé... (Sifflements et exclamations.)
Le président. C'est une intervention ou un numéro de cirque ?
M. Pierre Vanek. Non, c'est une demande de lecture de la pétition.
Le président. Avançons, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Tout à fait. Je demande que soit lue la pétition concernant l'occupation temporaire des chômeurs.
Le président. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de cette pétition.
Pétition
pour le développement des programmes d'occupation temporaire
comme réponse au chômage de longue durée
Vu la situation qui règne sur le plan économique et la stagnation à un bas niveau du marché de l'emploi régional et local;
vu les conséquences que cette situation entraîne, à savoir le chômage prononcé et persistant qui sévit dans le canton de Genève;
vu le nombre important de chômeuses et de chômeurs qui ont épuisé leurs droits aux prestations tant sur le plan fédéral que cantonal;
vu la nécessité de s'opposer à la marginalisation, voire à l'exclusion des personnes victimes du chômage de longue durée;
les soussigné(e)s demandent:
a) la suppression des dispositions de la loi cantonale en matière de chômage qui limitent l'accès aux postes d'occupation temporaire (art. 26);
b) que la durée des occupations temporaires (art. 25 de la loi cantonale en matière de chômage) soit déterminée de telle sorte que les personnes qui en bénéficient puissent rester couvertes par l'assurance-chômage si elles ne trouvent pas de travail.
De manière plus générale les soussigné(e)s attendent du Grand Conseil qu'il adopte les mesures nécessaires pour faire face au problème des chômeurs en fin de droits. Dans ce sens les soussigné(e)s demandent notamment:
- le recensement des chômeurs et des chômeuses dits «en fin de droits» et leur inclusion dans les statistiques publiées par l'office cantonal de l'emploi;
- que des programmes de réinsertion professionnelle et sociale soient mis sur pied pour ces personnes.
EXPLICATIF
Demande a)
Cette pétition demande la suppression de la «limitation de l'occupation» contenue dans l'article 26 de la loi cantonale en matière de chômage.
Actuellement de nombreuses personnes, victimes du chômage de longue durée, ayant bénéficié d'une première occupation temporaire (OT) sont privées de possibilités d'un emploi en occupation temporaire en raison du deuxième délai cadre.
Le texte actuel de l'article 26:
Demande b)
Cette pétition demande de fixer la durée des occupations temporaires (OT) de manière à ce que le chômeur reste assuré par l'assurance-chômage au cas où il n'aurait pas retrouvé un emploi sur le marché du travail.
Les durées fixées par l'article 25 ne sont pas adéquates à la situation actuelle.
En réalité, l'occupation d'une durée de 8 et 12 mois n'est plus pratiquée par l'office cantonal de l'emploi (OCE) et celle limitée à 3 mois ne permet d'acquérir ni un minimum d'expérience suffisant pour augmenter les chances de retrouver un emploi, ni le renouvellement du droit à la couverture par l'assurance-chômage. La durée minimale exigée de cotisation étant de 6 mois, il s'agit de prévoir des durées variant entre 6 et 12 mois.
Le texte actuel de l'article 26:
L'esprit de la pétition
Pour les auteurs de la présente pétition, la seule vraie solution au chômage consiste en un réel partage du travail. En attendant que ce but devienne une réalité, le développement des programmes d'occupation temporaire (OT) constitue une réponse appropriée au chômage de longue durée.
N.B.: 1968 signatures
Association de défense des chômeuseset des chômeurs(ADC)Rue Saint-Laurent 81207 Genève
4. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Cette déclaration concerne l'initiative cantonale en vue de l'adoption d'une loi concernant l'aménagement de la zone Rôtisserie-Pélisserie (IN 4), ainsi que le projet de loi 5606 de MM. Alain Peyrot, Claude Fischer, Dominique Ducret et Arnold Schläpfer modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (création de zones protégées).
Le 28 mars 1980, onze associations de quartier ont déposé à la chancellerie l'initiative populaire 4 munie de 18 300 signatures en vue de l'adoption d'une loi comportant l'aménagement de la zone Rôtisserie-Pélisserie. Le texte de cette initiative ayant été déclaré en partie inconstitutionnel, notamment sur la base d'un avis de droit du professeur Blaise Knapp, le Grand Conseil décidait, en 1983, de soumettre l'examen de cette initiative à une commission ad hoc ayant pour mission d'établir une formulation plus adéquate du voeu des initiants.
Ainsi est né le projet de loi 5606 proposant de modifier la loi sur les constructions et les installations diverses en y insérant de nouvelles dispositions relatives à la création d'une zone protégée et servant de contre-projet à l'IN 4, sous la forme d'un plan de zone dont le périmètre est limité au terrain visé par ladite initiative. Dans sa séance du 22 juin 1984, le Grand Conseil adoptait en deux débats le projet de loi et renvoyait le troisième débat à une date ultérieure.
L'examen de ce projet de loi a été repris au printemps de cette année. Me Pierre-Louis Manfrini en confirmait le bien-fondé à titre de contreprojet à l'IN 4 et recommandait les principes à suivre afin de satisfaire aux exigences de procédure instituées par l'article 34 de la LAT. La commission d'aménagement de votre Conseil a décidé, à l'issue de ses travaux, de proposer au Grand Conseil de soumettre au corps électoral le texte de l'IN 4 et le projet de loi 5606 auquel des amendements ont été apportés le 25 de ce mois.
Dans le projet d'article 93, l'expression «une salle de spectacle» est supprimée, tandis que, dans l'alinéa 2 du projet, on complète cet alinéa en disant : «avec la salle de spectacle existante de l'Alhambra».
Les amendements apportés au projet de loi lèveront ainsi tout doute quant au maintien ou à la suppression de la salle de l'Alhambra et les électeurs pourront se déterminer en fonction de deux textes clairs et précis dont l'un - le texte de l'initiative - implique la démolition de la salle de l'Alhambra, alors que le texte du projet de loi amendé par la commission d'aménagement écarte expressément cette éventualité.
J'ai une deuxième déclaration à faire qui concerne les plans localisés de quartier de la Maison Europa. Le Conseil d'Etat a décidé de retirer les projets de plans localisés de quartier no 27 965 B, C et D pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, il y a un fait nouveau. Les CFF ont abandonné leur projet de construire des bâtiments d'activité et d'habitation sur leur parcelle 4 128 à l'ouest du périmètre considéré. Il n'y a donc plus de possibilité de protéger du bruit, venant des voies CFF, le bâtiment de logement envisagé sur la parcelle dite «du Foyer». En conséquence, il n'était plus concevable de construire un tel bâtiment, ce qui permet de rendre cette parcelle à sa destination première, soit un terrain disponible pour compléter les installations sportives au bénéfice du cycle d'orientation de Sécheron, ce qui, dans le cadre de l'instruction du dossier, avait fait l'objet d'une demande constante du département de l'instruction publique.
D'autre part, ces projets de plan n'ont pas été élaborés en fonction du programme de la Maison Europa. Il convient de rappeler qu'à l'origine le PLQ ne prévoyait à cet endroit que des bâtiments de logement.
Par ailleurs, le projet de Noga Invest est satisfaisant sur le plan urbanistique et doit encore être amélioré sur le plan architectural. Il n'empiète pas sur les terrains de l'Etat. Enfin, il faut signaler qu'il se situe en zone ordinaire. Par conséquent, l'adoption d'un plan localisé de quartier n'est pas obligatoire mais facultative, comme l'indique l'article 1, alinéa 1, de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités.
5. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Le président. Monsieur René Koechlin !
M. René Koechlin (L). Sommes-nous au point 7 de l'ordre du jour, Monsieur le président ?
Le président. Nous sommes au point 5 «Déclaration du Conseil d'Etat et communications».
M. René Koechlin (L). Non alors, ça ne peut pas me concerner, Monsieur le président ! (Rires amusés.) J'ai demandé la parole au point 7. Vous aviez passé au point 7 tout à l'heure, Monsieur le président !
Le président. Projets de lois : il n'y en a pas. (Des voix : Oui, oui...!) Dépôt de motions... (L'assemblée proteste avec virulence. Sifflements. Des voix : Non ! Stop !)
M. René Koechlin (L). Monsieur le président, si nous sommes au point 7, j'ai à dire quelque chose.
Le président. Nous sommes au point 7. (Voix agacée du président.)
M. René Koechlin (L). Merci, Monsieur le président ! (Ton ironique de l'orateur.) Je tiens à annoncer le dépôt de quatre projets de lois... (Une voix : rien que cela !) ...proposés par des députés des groupes démocrate-chrétien, libéral et radical. Il s'agit des projets de lois suivants :
de Mmes et MM. Florian Barro (L), Hervé Dessimoz (R), John Dupraz (R), Yvonne Humbert (L), René Koechlin (L), Jean Opériol (DC) et Martine Roset (DC) modifiant l'article 19, al. 3, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987. (PL 7097)
de Mmes et MM. Hervé Dessimoz (R), John Dupraz (R), René Koechlin (L), Geneviève Mottet-Durand (L), Martine Roset (DC), Jean Opériol (DC) et Olivier Vaucher (L) modifiant l'article 19, al. 2, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987. (PL 7098)
de MM. Thomas Büchi (R), Jean-Claude Dessuet (L), Michel Ducret (R), René Koechlin (L), Pierre Marti (DC), Jean Opériol (DC) et Olivier Vaucher (L) modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (Délais de réponse). (PL 7099)
de Mme et MM. Thomas Büchi (R), Jean-Pierre Gardiol (L), Janine Hagmann (L), René Koechlin (L), Jean Opériol (DC), Michel Ducret (R) et Pierre Marti (DC) modifiant l'article 3, alinéa 6, de la loi sur les constructions et installations diverses (LCI) (Procédure accélérée). (PL 7100)
M. Jean Spielmann(AdG). J'annonce le dépôt prochain d'un projet de loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques. (Grondement de mécontentement.)
Le président. Ces projets figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
b) de propositions de motions;
Le président. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
M. Luc Gilly(AdG). J'annonce le dépôt prochain d'une motion demandant le prolongement du moratoire pour les objecteurs à Genève, étant donné que de nombreux objecteurs vont être bientôt condamnés. J'aimerais que ce moratoire soit prolongé de manière claire jusqu'à ce que le service civil entre véritablement en vigueur.
Le président. Les motions ne doivent pas être annoncées.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Sylvie Châtelain, Mireille Gossauer-Zurcher, Maria Roth-Bernasconi, Dominique Hausser, Micheline Calmy-Rey.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- qu'il existe une multiplicité de responsabilités institutionnelles dans le domaine du préapprentissage ou de la formation préprofessionnelle;
- que nombre de ces institutions ont été créées à l'initiative de privés, puis reconnues d'utilité publique, mais sans être coordonnées;
- que le nombre de jeunes non intégrés dans les filières existantes ne cesse d'augmenter,
invite le Conseil d'Etat
- à rendre compte au Grand Conseil des différentes institutions publiques ou subventionnées qui prennent en charge le domaine du préapprentissage ou de la formation préprofessionnelle;
- à étudier l'évolution des besoins en la matière au vue du resserrement du marché de l'emploi et des apprentissages;
- à présenter les moyens que le département de l'instruction publique entend mettre en oeuvre pour répondre à l'augmentation des besoins;
- à présenter un projet de coordination à partir des institutions existantes.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Population concernée
En dix ans, Genève a perdu plus de 1500 places d'apprentissage. Comme conséquence directe, de nombreux jeunes libérés de la scolarité obligatoire et recherchant une formation professionnelle se retrouvent sans solution et souvent dans la rue.
Ces jeunes proviennent de la 8e ou de la 9e du CO (en échec) (cycle d'orientation), des classes ateliers du CO, des EFP (écoles de formation pré-professionnelles), des classes d'accueil pour élèves non francophones (CO + CASPO (classes d'accueil du post-obligatoire), etc.
Cette catégorie représente actuellement quelques 200 jeunes.
A ceux-ci s'ajoutent ceux qui, ayant commencé un dixième degré (ECG (école de culture générale) ou apprentissage), abandonnent ou échouent, faute de motivation ou de bagage scolaire suffisants.
Cette seconde catégorie représente elle aussi plus de 200 jeunes.
Enfin, un troisième groupe est constitué par des jeunes sans statut officiel, ainsi que de requérants d'asile, à qui Genève n'offre aucune formation au-delà de la scolarité obligatoire.
2. Situation actuelle
En ce qui concerne la formation des jeunes, Genève a fait énormément dans le secteur gymnasial, notamment par la création de l'ECG.
La formation préprofessionnelle n'a pour l'instant pas représenté une priorité du département. Elle a souvent été introduite à l'initiative de milieux privés, d'où l'existence d'une multiplicité d'institutions, non coordonnées:
- ateliers divers: atelier ABC, atelier X, atelier de la FOJ (Fondation officielle de la jeunesse), ASTURAL;
- SGIPA (Société genevoise d'intégration professionnelle d'adolescents et d'adultes);
- au DIP: les classes de formation pratique et d'encouragement à la formation professionnelle des CASPO.
Même si ces offres de formation sont précieuses, elles restent insuffisantes (comme démontré ci-dessus) et ne s'inscrivent pas dans un concept de formation coordonné et cohérent.
3. Mission de l'instruction publique
Suivant le modèle de certains cantons, nous souhaitons que le département de l'instruction publique crée une structure de coordination cohérente.
De plus, au vu des besoins existants, il est urgent d'étendre les possibilités d'accueil des jeunes concernés et ceci pour la rentrée 1994 déjà.
Au bénéfice de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'appuyer la proposition de motion que nous formulons.
Débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Permettez-moi de présenter brièvement les propos de cette motion. Depuis dix ans, mille cinq cents places d'apprentissage ont disparu à Genève. Je me réfère à un article du «CO-Information» d'avril 1994 que je cite : «De nombreux jeunes gens et jeunes filles souhaitent entreprendre un apprentissage dès la fin de la 9ème année du cycle d'orientation et ce n'est pas seulement lorsqu'ils ont échoué à un examen qu'ils doivent s'inscrire dans une école de la scolarité postobligatoire, mais parce que les places d'apprentissage manquent.
»Année après année, le processus se répète et ce sont les aînés - 16 ans et plus - qui quittent le collège, l'école supérieure de commerce ou d'autres écoles et qui occupent les places disponibles.»
La pression quantitative et qualitative de la demande sur les places d'apprentissage augmente de telle façon qu'elle marginalise ceux et celles dont le niveau de scolarité est le moins élevé. De ce fait, les jeunes provenant des 8èmes du CO, des classes d'atelier du CO ou de 9èmes du CO mais non promus, ceux des écoles de formation préprofessionnelle de l'instruction primaire, ceux des classes d'accueil pour enfants non francophones sont en situation difficile dans la compétition à la place d'apprentissage. Ce manque de places d'apprentissage ainsi que l'insuffisance de formation de certains candidats nécessitent des solutions multiples, notamment une augmentation des places d'apprentissage, une redéfinition des classes préparatoires de l'école d'ingénieurs et de l'école de commerce, ainsi que de l'école de culture générale, enfin une prise en compte élargie des besoins en matière de classes de préparation à l'entrée dans les formations professionnelles.
Tel est le propos de cette motion. Les classes préprofessionnelles ne constituent pas, et ne doivent pas constituer, une voie d'exclusion. Au contraire, elles sont une autre chance sur la base d'une pédagogie libérée des exigences strictement académiques pour atteindre des objectifs de formation scolaire et de motivation à l'apprentissage au sens large. Elles doivent aussi être en prise directe avec les milieux professionnels. Or, à Genève, s'il existe une ouverture totale des degrés du postobligatoire, ce n'est pas le cas pour les structures publiques ou privées de formation préprofessionnelle.
Dans le premier cas, le nombre de classes suit le nombre d'élèves inscrits, alors que pour les classes ou ateliers de préapprentissage le nombre de places est relativement fixe. Que l'on apprécie ou non d'entendre parler de numerus clausus, le fait est que nombre de jeunes gens sans place d'apprentissage et sans possibilité scolaire d'entrer dans un dixième degré gymnasial ne trouveront pas, pour la rentrée, de place dans ces structures préprofessionnelles.
D'autres jeunes choisiront de faire un dixième degré à l'ECG, faute d'avoir trouvé une orientation professionnelle. Malheureusement, ils feront vite partie des élèves obligés de quitter cette école en raison d'un manque de motivation et de mauvais résultats scolaires. La SGIPA - Société genevoise pour l'intégration professionnelle d'adolescents et d'adultes - et les autres structures préprofessionnelles offrent quelque cent quatre-vingts places de préapprentissage au prorata des subventions ou des financements qui leur sont accordés.
Etant donné l'absence de coordination, il n'existe pas de centralisation de la demande. Cependant, le recoupement des informations permet d'affirmer que les places manquent. Tous ces jeunes dans la rue ne manqueront pas d'inquiéter le service de la protection de la jeunesse.
Différentes discussions ont été lancées dans les milieux concernés en relation avec le département. La motion invite à une coordination pour répondre à la demande, d'une part, sur le plan qualitatif pour l'orientation et l'accueil et, d'autre part, sur le plan quantitatif en nombre de places. Les réflexions à plus long terme sont évidemment nécessaires devant les modifications des structures de populations concernées par les apprentissages et les classes préparatoires des écoles secondaires. Les réflexions porteront évidemment sur l'alternative de l'intégration et de l'exclusion.
A côté de ce travail de réflexion à moyen terme, qui ne pourra avoir de réalisation concrète avant 1996 ou 1997, il devrait être possible de répondre rapidement, dans le cadre des structures existantes, à des demandes en augmentation. Toute réponse ne doit pas forcément se transformer en institution taillée dans le marbre, mais doit être, au contraire, souple, concertée et coordonnée.
Il ne s'agit pas de créer une nouvelle école, mais de coordonner ce qui existe, de répondre à l'ensemble des besoins et de réfléchir à un concept global de formation préprofessionnelle qui prenne en compte les offres actuelles et qui puisse s'adapter à l'évolution économique et scolaire.
M. Gilles Godinat (AdG). Il me paraît important de souligner quelques points. Tout d'abord, la motion part du constat d'une césure entre l'enseignement obligatoire et l'enseignement postobligatoire. Cette césure a été confirmée par différents rapports, notamment le rapport établi sur mandat du DIP.
Deuxièmement, il existe actuellement des «filières-passerelles» avec la filière pour les études et la filière pour la formation professionnelle. Or il s'avère que ces filières ne remplissent pas leurs fonctions et n'atteignent pas vraiment leurs buts, puisqu'elles font office de salles d'attente dans certaines situations. On a estimé actuellement à plus de cinq cents les élèves qui attendent une formation plus adéquate dans les différents secteurs de l'enseignement obligatoire avant le passage en postobligatoire.
Sans entrer dans les détails, j'aimerais souligner que ces élèves manquent d'un bagage en mathématiques et en français et d'une structure qui soit adaptée à leur contexte social et familial, le plus souvent défaillant. Je pense qu'il faudrait, comme l'a dit Mme Maulini-Dreyfus, adapter les structures aux besoins de ces élèves dans une perspective à plus long terme.
Mais, par contre, on constate une urgence dans la mesure où l'estimation des besoins qui a été faite - les chiffres dont nous disposons ne sont évidemment pas encore très précis - permet de dire que pour la prochaine rentrée, uniquement dans les classes d'accueil des dix-sept cycles d'orientation, il y a soixante élèves en plus. Actuellement, soixante élèves sont donc en difficulté. Il n'est en effet prévu pour la rentrée qu'une classe de douze élèves.
Il faut donc résoudre d'urgence ce problème, puisque la seule classe proposée en supplément est une classe d'accueil du secondaire postobligatoire, alors que la commission mandatée en proposait trois.
La motion invite donc le département à prendre des mesures urgentes pour la rentrée 1994.
M. Bernard Annen (L). Cette motion soulève un certain nombre de problèmes qui, de notre point de vue, ne peuvent pas rester au stade d'une séance plénière. Nous vous proposons donc de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je crois qu'il faut effectivement renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation. Je constate que ce n'est pas la seule motion déposée sur la base de rapports incomplets qui circulent dans certains milieux et qui finissent sur les tables des députés, alors que ces rapports traitent de travaux en cours.
En l'occurrence, cette agitation autour du préapprentissage et de l'entrée en apprentissage a des raisons d'être dans la mesure où il faut se saisir des problèmes. Je signale que ces problèmes ont été saisis et sont en voie de résolution pour une bonne part. Par ailleurs, je suggère que la commission de l'enseignement reçoive les toutes dernières informations concernant ces travaux, étant donné qu'il y a eu récemment une séance avec les partenaires de l'enseignement qui traitait justement de ce sujet.
Le rapport dont vous faites état, de façon fort incomplète, ne traitait même pas de ce qui concerne l'offre dans les institutions. Les partenaires qui participaient à la séance de hier ont découvert avec quelque surprise la multitude de possibilités qui peuvent exister. Multitude est un terme un peu exagéré, mais la variété des offres est bien réelle. Lorsque l'on veut traiter un problème, on commence effectivement par faire l'inventaire des besoins, mais aussi l'inventaire de l'offre. Cela a été fait et une réponse sera apportée.
Il n'y a donc pas lieu de savoir s'il y aura une ou deux classes d'accueil du secondaire postobligatoire ou encore d'autres systèmes. Je souhaite qu'on ne mélange pas tout, car, dans les demandes de ces différents milieux, il y a effectivement une demande pour des solutions dites de «préapprentissage». Mais, à part cela, on trouve aussi d'autres souhaits que vous traiterez à la commission de l'enseignement et qui vont beaucoup plus loin qu'il n'est souhaitable. En effet, si l'objectif à moyen terme est de créer un intermédiaire entre le cycle d'orientation et la voie professionnelle qui devient, malheureusement, une voie dépotoir, ce n'est pas la solution. Il faut faire en sorte que les élèves, qu'ils passent par une structure ou une autre, aient de meilleures chances d'intégration, ce qui est en cours et sera prêt pour la rentrée. La commission de l'enseignement en sera très largement informée, sans qu'il ne soit nécessaire de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la violence en milieu scolaire se développe de manière inquiétante;
- qu'en France, notamment, la violence et le racket ont déjà fait des victimes dans les écoles;
- que notre pays n'est pas épargné et qu'une aggravation est constatée;
- qu'un séminaire sur la violence a été organisé à Genève, en décembredernier;
- qu'il faut agir avant que le problème ne s'aggrave encore,
invite le Conseil d'Etat
- à l'informer sur ce qui se fait actuellement à Genève, en matière de prévention de la violence dans les écoles;
- à étudier la possibilité d'intégrer au programme actuel, au niveau enfantin, primaire et secondaire, une information régulière sur la violence à l'école et sur ses conséquences;
- à promouvoir, d'entente avec les enseignants, des colloques sur ce sujet.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Une grande part de l'enfance, puis de l'adolescence se déroule dans les milieux scolaires.
L'école est chargée de l'instruction de nos enfants, mais elle prend également une part non négligeable à leur éducation. Certains parents estiment même que l'école «change» leurs enfants. Cela fait partie de la réalité de la vie et doit être vécu comme une évolution normale et positive.
Par contre, si l'on doit absolument admettre qu'un enfant est confronté à une situation nouvelle, on ne doit pas tout accepter.
Il n'est pas admissible qu'un enfant refuse d'aller à l'école par peur d'aller en récréation par exemple.
Or, les préaux de récréation sont de plus en plus souvent le théâtre de violences inouïes.
En France, en Angleterre et ailleurs, la violence a déjà fait de nombreuses victimes dans les écoles tous degrés confondus; notre pays n'est pas épargné par cette violence qui s'exprime de plusieurs manières:
- violences verbales,
- violences physiques,
- déprédation du matériel, etc.
On peut, bien entendu, réfléchir au monde dans lequel nous vivons et en tirer la conclusion que nos enfants sont si souvent confrontés à la violence (télévisuelle, par exemple) qu'il n'est pas étonnant qu'elle entre dans leur comportement quotidien.
On peut aussi se dire qu'à force de réfléchir, la violence s'installe tranquillement et qu'il arrivera un moment où nous ne pourrons plus faire face.
Certaines villes de Suisse ont pris le problème à bras-le-corps.
A Berne, un psychologue du service de la jeunesse a été mandaté pour intervenir directement dans les écoles, quand la violence surgit. Son travail n'est pas basé sur la prévention, mais plutôt sur une «thérapie de choc» consistant à raconter des scènes violentes aux enfants et à solliciter leur réaction.
Les cantons de Zurich et de Saint-Gall proposent, quant à eux, des cours de formation continue pour les enseignants, afin de leur apprendre à comprendre la violence et à mieux la contrôler.
Le canton de Neuchâtel a également créé, par le biais de son université, pour les enseignants, un cycle de cours sur la non-violence.
A Fribourg et à Genève, des séminaires sont organisés afin de réfléchir aux raisons de cette aggravation de la violence en milieu scolaire.
Dans certaines communes, à Meyrin par exemple, une quinzaine a été organisée avec comme thème la violence dans la rue, mais aussi dans les divers lieux de rencontre de la commune. Elle s'est également penchée sur la violence et le racket dans les écoles.
Tous ces exemples montrent que le problème n'est pas ignoré et que le but de cette motion est plutôt de donner un élan et une cohérence à des actions qui sont encore trop discrètes par rapport à l'acuité du problème.
Rien ne pourra être entrepris sans une très large collaboration des enseignants et des parents, c'est pourquoi les invites de cette motion devront faire l'objet d'une consultation auprès de leurs associations respectives.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un accueil favorable à notre proposition de motion.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Lors de notre dernière séance, alors que cette proposition devait être débattue, je me demandais comment j'allais vous la présenter sans avoir l'air de dramatiser la situation.
Malheureusement, les faits m'ont donné le fil conducteur de mon intervention, puisque, en amenant mes enfants à l'école l'après-midi même, je me suis retrouvée face à un attroupement de cent à deux cents enfants qui attendaient l'un d'eux pour le «buter», selon leurs propres termes, car il venait de casser à coups de poing le nez de l'un de leurs camarades.
M. John Dupraz. C'est la Bosnie ton école !
Mme Fabienne Bugnon. Il y a quelques semaines, une ambulance emmenait un enfant victime de plusieurs fractures suite à une bagarre. Voilà les incidents les plus récents mais aussi les plus graves pour une seule école.
J'ai donc eu la confirmation que je ne dramatisais pas, que les préaux étaient souvent - comme cela est souligné dans l'exposé des motifs - le théâtre de violence inouïes, et pas seulement dans l'école de mon quartier. Ce ne sont pas des cas isolés. M. Belli, mon collègue radical qui a cosigné cette motion en tant que pédiatre à l'hôpital des enfants, vous apportera quelques témoignages supplémentaires.
J'ai pu observer cette violence entre les enfants tant par mon activité professionnelle qu'en parlant avec des enseignants, des parents et surtout des enfants qui redoutent le moment de la récréation par peur de se faire taper, insulter ou même racketter, puisqu'il semble également que cette pratique est en train de s'installer.
D'ailleurs, la commune de Meyrin, très récemment, a mis sur pied une quinzaine sur la violence. Plusieurs débats ont eu lieu au cours desquels les parents, les enseignants et les enfants ont amené des témoignages. Des questions ont été posées, des pistes de réflexion lancées. Tout cela a permis l'édition d'une brochure très intéressante. Mais cela ne suffit pas.
On s'aperçoit bien que, s'il y a des prises de conscience, que ce soit au niveau enfantin, primaire ou secondaire, tout le monde aimerait bien remédier à des situations difficiles, mais qu'il n'y a aucune concertation ni démarche commune.
J'ai fait une petite recherche et je me suis aperçue que d'autres cantons s'étaient davantage préoccupés du problème de la violence à l'école et qu'ils avaient intégré dans leurs programmes des cours de non-violence, des séminaires ou d'autres actions comme relaté dans l'exposé des motifs.
A Genève, exception faite de petites actions isolées, nous n'avons pas trouvé de mesures générales de prévention. Le but de cette motion est, d'une part, de demander à Mme Brunschwig Graf de bien vouloir nous renseigner sur ce qui se fait actuellement ou s'est fait au département de l'instruction publique et, d'autre part, d'étudier la possibilité d'intégrer aux programmes actuels une information sur la violence à l'école et les conséquences qu'elle peut avoir. Enfin, nous demandons que des colloques à l'intention des enseignants soient organisés, car certains profs nous ont avoué être démunis devant des situations qu'ils n'arrivaient pas à maîtriser. Une attitude inadaptée pouvait en effet amener un surcroît de tension plutôt que l'apaisement recherché.
J'ai parlé principalement de violences physiques, mais je crois que la violence verbale, avec son cortège d'insultes, est plus grave encore. Elle est souvent empreinte de racisme, de xénophobie et d'exclusion sociale. A cet égard, les enfants ont besoin de recevoir une information sur le droit à la différence : droit d'être étranger, droit d'avoir une situation sociale différente, etc. Sur ce point, le rôle de l'école nous semble essentiel, d'autant plus que le message reçu par les enfants est ensuite véhiculé dans les familles.
Voilà les quelques informations supplémentaires que je souhaitais apporter à cette proposition de motion que je vous demande de bien vouloir renvoyer, soit directement au Conseil d'Etat, soit à la commission de l'enseignement.
M. Dominique Belli (R). Le problème de la violence à laquelle l'enfant doit faire face est un des problèmes majeurs de la population infantile : violence de tiers adultes, violence intrafamiliale, parentale ou fraternelle, dont on aura l'occasion de reparler plus tard au sujet de la motion 914. Ce phénomène est à considérer dans un ensemble de violences présenté au monde de l'enfance : images de guerre souvent impitoyables des informations télévisées, séries télévisées et bandes dessinées souvent violentes, etc. Tout ces éléments ont fait, petit à petit, de la violence un phénomène devenu - je le déplore vivement - acceptable aux yeux d'une grande majorité de la population en général.
Cela est un volet partiel de la problématique et la violence scolaire en est un autre. En effet, depuis longtemps déjà, dans d'autres pays que la Suisse, la violence a fait son apparition dans les collèges, puis les écoles, touchant ainsi des enfants de plus en plus jeunes. Dès lors, il n'y avait absolument aucune raison que la Suisse et Genève en particulier soient épargnés. Les phénomènes sont malheureusement de plus en plus fréquents.
Les pédiatres et chirurgiens-pédiatres ont à traiter des entorses, des fractures ou des commotions cérébrales dues à des actes de violence pratiqués dans le cadre de l'école ou dans des préaux d'école. Des exemples d'enfants attachés pendant des heures à des grilles de préau ou victimes d'un climat de terreur instauré par des groupes d'enfants vis-à-vis d'autres enfants sont devenus monnaie courante et fréquemment rapportés aux associations de parents d'élève dont je fais partie d'ailleurs.
Tout cela m'inquiète, car, à mon avis, ces exemples ne sont que le sommet de l'iceberg. Par conséquent, sans faire preuve d'un esprit négatif et pessimiste, je pense qu'il serait approprié de s'occuper de ce problème pendant qu'il en est encore temps, car essayer de promouvoir la prévention sera toujours plus rentable que de payer tardivement les pots cassés. Dans cette optique, je vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement pour analyser en profondeur ce phénomène et proposer des mesures préventives adéquates.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est dit, notre groupe ayant souhaité cosigner cette motion vu l'urgence et la gravité de la situation.
Cependant, nous souhaiterions aller un peu plus loin. En effet, nous affirmons qu'il ne suffit pas de faire une heure de formation à la non-violence, puis une heure de maths, une heure de français, une heure d'instruction civique, comme cela est proposé. Il s'agit d'un tout dans l'éducation, dans la pédagogie. Nous reviendrons d'ailleurs prochainement avec une motion pour essayer d'instaurer - cela prendra plus de temps - une pédagogie des valeurs au sein de l'école afin d'assurer un suivi. On peut faire de l'initiation à la paix aussi à travers un cours de mathématiques.
M. Pierre Vanek (AdG). Si cette motion révèle un problème réel, je pense qu'il faut être relativement prudent et, malgré ce qui a été dit, ne pas dramatiser les incidents qui se produisent. Il faut essayer d'avoir un tableau général. L'exposé des motifs, en décrivant des violences inouïes et très fréquentes dans les préaux, dresse un tableau un peu noir de la situation.
Sur le fond, je pense qu'il y a effectivement un problème à prendre en main. La motion invite à intégrer dans les programmes scolaires cet aspect des choses, à diffuser une information sur la violence, à organiser des colloques avec les enseignants. Or je crois que pour l'essentiel - même si toutes ces propositions sont positives, et je soutiendrai cette motion - la violence, comme d'autres domaines de l'éducation, ne se règle pas à coup de programmes, d'information ou de colloques d'enseignants seulement. Il y aurait un risque à traiter les choses de manière purement cosmétique. Je rejoins là ce que vient de dire Mme Reusse-Decrey.
L'élément essentiel pour traiter le problème de la violence et trouver des solutions satisfaisantes dans tous les cas concrets reste l'enseignant dans son travail quotidien et non dans un créneau particulier, dans une tranche du programme consacrée à la violence. Le travail de l'enseignant doit s'exercer d'une manière constante, dans tous les domaines de son activité. Pour aller même un peu plus loin, je dirais que, dans une certaine mesure, il est normal qu'un certain nombre de situations conflictuelles, y compris violentes, se posent dans des cadres scolaires et qu'il appartient au pédagogue de les prendre en main et de les résoudre de manière positive, d'arriver à les traiter pédagogiquement de manière intelligente. Si on donne aux enseignants le moyen de faire cela, une mauvaise chose peut se transformer en une bonne chose et avoir un sens éducatif. Cela peut permettre à l'ensemble d'une classe d'aller de l'avant, de se développer sur le plan des relations sociales et sur la manière dont les élèves les vivent et les vivront à l'avenir.
Je parlais d'une crainte de voir le problème traité de manière cosmétique pour la raison suivante : il y a un «os» par rapport à cette question et «l'os» c'est qu'il faut donner les moyens aux enseignants de faire ce travail. A mon avis, la question de fond est le problème des effectifs des élèves dans le primaire.
Nous avons eu quelques informations qui se voulaient rassurantes sur la question. Mais nous savons qu'il est prévu un afflux de six cent cinquante élèves à l'école primaire pour la prochaine rentrée scolaire et d'environ neuf cents élèves pour les deux années suivantes, ce qui représente une augmentation considérable. Pour ces six cent cinquante élèves, seules douze classes vont être ouvertes, alors que l'effectif total des enseignants des classes primaires sera diminué de douze postes. Donc, douze classes en plus et seize postes en moins. Une trentaine de postes d'appoint, de GNT, de maîtres spécialisés, de sport, etc. vont être supprimés. A mon avis, là réside un problème concret en rapport direct avec ceci : si on ne donne pas aux enseignants les moyens - notamment sur le plan des effectifs - de faire leur travail dans de bonnes conditions, nous allons vers une situation qui peut favoriser une non-résolution de la violence.
Donc je soutiendrai cette motion, mais j'estime que le problème de fond est ailleurs et qu'il ne faut pas mettre ce problème de la violence dans une case particulière et ne pas l'envisager dans le contexte global de l'enseignement. En matière d'enseignement, peut-être plus qu'ailleurs, une vision globale des problèmes est indispensable.
M. Max Schneider (Ve). Je ne suis pas du même avis que M. Vanek. Je pense qu'il faut recentrer la violence dans son juste débat et ne pas forcément tout mélanger. Bien des enfants sont éduqués à la violence, simplement par la télévision, par tout ce qu'ils voient depuis leur plus jeune âge. Les enseignants ont plusieurs manières d'y répondre. Ils peuvent y répondre par une violence verbale, ils peuvent aussi être doux et trouver des solutions à l'amiable. Les enseignants sont face à un défi très important. Ils ont un travail très difficile à faire puisque les enfants, en sortant de l'école, sont, au moyen de leur poste de télévision, devant la violence la plus virulente.
Etre enseignant n'est certainement pas très facile. Mais il existe tout de même des solutions pour répondre à ce que demande cette motion, tout de même très limitée. On peut aller un peu plus loin. Je souhaite que le problème soit traité au département ou en commission. On appelle «techniques de non-violence active» les théories mises en pratique notamment par Martin Luther King ou par le prix Nobel Perez Estivel. Il y a là un travail formidable à faire parce que, si nous savons répondre à la violence par la violence, nous n'avons jamais été éduqués à la non-violence active. Il y a différentes étapes dans la non-violence active : étudier les divergences avec l'autre, écouter et être ouvert à l'autre pour ensuite exprimer son point de vue sans forcément l'offenser, essayer de trouver des solutions sans chercher à humilier l'autre ou à vouloir être le «gagnant». Ces étapes sont souvent méconnues du public et même des enseignants et, bien évidemment, des élèves.
Pour terminer, j'aimerais souligner que, vendredi passé, au cycle du Foron, les parents d'élève se sont réunis avec des enseignants parce qu'ils avaient des difficultés face à des problèmes - cela me paraissait incroyable, mais c'est vrai - de racket dans cette école. Les enfants n'osent plus aller à l'école avec quelques francs en poche de peur que les plus forts les leur prennent. Il y a donc un problème profond et je ne pense pas, Monsieur Vanek, que seul l'effectif des classes soit en cause. On devrait aussi introduire à Genève cette non-violence active, et je souhaite que Mme Brunschwig Graf nous donne une réponse positive à ce sujet.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Vais-je résister à l'appel de M. Max Schneider ? (Rires.) J'ai cru pendant un instant que j'allais être d'accord avec M. Vanek lorsque, dans sa première partie, il a parlé du rôle des enseignants, de ce que cela impliquait par rapport à la gestion de la violence, des conflits et de ce que l'on peut transmettre aux élèves.
Mais M. Vanek n'a pas dit que, derrière la gestion des conflits et pour faire face à la violence, il faut peut-être commencer à former les enseignants. Cela n'a pas été reconnu comme tel et n'est pas nécessairement inclus dans la formation initiale ou continue que l'on donne aux enseignants. Les enseignants se trouvent fort démunis, que ce soit face à la violence scolaire, face à la violence du monde extérieur ou face à la violence verbale telle qu'ils peuvent la rencontrer dans le monde des adultes. Le problème est réel. Je me réjouis que ces problèmes soient traités à la commission de l'enseignement. Pour pouvoir véritablement transmettre, il faut avoir la connaissance, la formation et la force nécessaires pour gérer ces problèmes.
J'ajouterai pour M. Pierre Vanek que le département de l'instruction publique n'est pas encore formé seulement d'enseignants. En l'occurrence, les seize postes dont il parle ne touchent pas l'enseignement primaire, enseignants stricto sensu, mais concernent l'organisation administrative. Lorsqu'on parle d'enseignement, d'instruction publique, on a parfois l'impression que cette maison ne fonctionne qu'avec des enseignants. Je tiens tout de même à dire que nous faisons des efforts qui ne portent pas sur le front mais sur des structurations utiles.
Je referme la parenthèse et je souhaite vraiment que la commission de l'enseignement échappe pour une fois au débat budgétaire, au débat sur la rentrée - elle a l'occasion de le soulever quand elle veut - et qu'elle traite vraiment du fond du problème, y compris de la formation des enseignants dans ce domaine. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Actuellement, la situation en matière d'éducation civique se présente de manière différente suivant le type d'établissement scolaire dans lequel l'on se trouve. En effet, dans les écoles professionnelles telles que le CEPIA et l'école de commerce pour les apprentis, une heure d'éducation civique par semaine est dispensée aux élèves de deuxième année, ce qui correspond à une exigence de l'OFIAMT. Par contre, le collège, l'école de commerce et l'école d'ingénieurs ne donnent pas ce type d'enseignement de manière obligatoire. Celui-ci est intégré au cours de géographie à l'école de commerce, au cours d'histoire au collège et dans une option de sciences humaines à l'école d'ingénieurs. Les professeurs chargés des cours précités ne sont pas obligés de donner cette formation politique à leurs élèves : le choix est laissé à leur bon vouloir. Par conséquent, de nombreux élèves arrivent à la fin de leur scolarité sans aucune connaissance du fonctionnement étatique suisse, ce qui débouche logiquement sur un manque d'intérêt de leur part pour la vie publique et un taux d'abstentionnisme important qui constitue un danger pour notre démocratie.
Au vu de ce qui précède, il apparaît donc indispensable d'introduire un cours obligatoire d'éducation civique du type de celui dispensé aux apprentis de l'école de commerce (voir annexe) pour les jeunes suivant une formation post-obligatoire. Cependant, il conviendrait d'adopter une formulation plus moderne et dynamique que celle d'éducation civique, et d'appeler cet enseignement «cours de droits politiques».
En ce qui concerne les détails concrets de cet enseignement, il serait souhaitable qu'il soit dispensé une trentaine d'heures, si possible dans l'année qui précède la majorité civique des élèves. Pour éviter d'augmenter le nombre total d'heures de cours et avoir à engager de nouveaux professeurs, ce qui serait irréalisable compte tenu des restrictions budgétaires, il semblerait logique d'intégrer ces cours dans ceux d'histoire ou de géographie, mais de manière obligatoire et avec notation. Il serait également souhaitable que les professeurs concernés reçoivent un complément de formation qui permettrait d'assurer un enseignement de qualité et au cours duquel on insisterait notamment sur la nécessaire objectivité devant guider l'enseignement afin d'éviter que l'école devienne le théâtre de la propagande politique, quelle qu'elle soit. Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de donner bonne suite à cette motion.
ANNEXE
Débat
Mme Martine Roset (PDC). Les jeunes démocrates-chrétiens et les motionnaires sont préoccupés de motiver les jeunes à participer en connaissance de cause aux décisions de notre pays.
Personnellement, ce qui me frappe, c'est que trop souvent les jeunes confondent, par exemple, Conseil national et Conseil fédéral, ou bien ignorent le rôle du Grand Conseil. Il y aurait de multiples exemples à citer.
Quand on demande aux jeunes, qui ont suivi un cours d'éducation civique, comment ils ont perçu ce cours, il nous est souvent répondu qu'apprendre par coeur - comme, par exemple, calculer un quorum - n'est pas très concret et que les connaissances ne dépassent pas le stade de l'examen.
Nous pensons que l'intérêt des élèves pour ce sujet est réel et va au-delà de la notation. En rendant obligatoire ce cours, tous les jeunes en formation postobligatoire, c'est-à-dire juste avant leur majorité, auront au moins des bases communes dans ce domaine. Nous leur devons cette égalité.
Pourquoi nous proposons-nous d'intituler ce cours : «Droits politiques» ? Simplement parce que les jeunes apprennent beaucoup de devoirs envers la société et que d'enseigner un «droit» est plus motivant. Je vous remercie de bien vouloir accepter cette motion.
M. Armand Lombard (L). Nous recevons avec intérêt cette motion sur l'éducation civique des jeunes et nous serions d'avis de la renvoyer en commission avec un certain nombre de dièses. Je remarque que le président du parti démocrate-chrétien suisse a axé sa campagne et son nouveau mandat sur deux thèmes : la formation et l'Helvétie. Je remercie donc les motionnaires démocrates-chrétiens d'avoir déposé cette motion qui va dans le sens de leur président.
Je souhaiterais, dans la discussion qui suivra, que cet enseignement soit fait d'écoute, de dialogue et de consensus. Je souhaiterais aussi que les deux termes mentionnés - droits politiques - soient élargis de façon à recouper un plus large éventail. Pour nous, les droits politiques sont bien entendu importants. Mais on s'aperçoit que l'on a beaucoup parlé de droits, notamment des droits de l'homme, alors que ce sont les devoirs qui semblent manquer aujourd'hui. A côté des droits, il est nécessaire de parler des devoirs, surtout s'il s'agit d'un enseignement prévu dans l'instruction publique.
Au niveau politique, au-delà du décompte des voix et des votes, des problèmes techniques, de la différence entre Conseil national et Conseil des Etats, il nous semble que le terme «politique» a des acceptions plus larges. Il y a notamment les institutions politiques qui regroupent un éventail plus vaste. Dans le terme «politique», on trouve aussi des entités comme la Cité, la vie de la société, les communautés qui vivent ensemble.
Je crois qu'il serait très intéressant d'élargir les cours ou l'enseignement à des droits et devoirs politiques - ce dernier terme pris dans le plus petit et le plus large sens possible.
Au niveau des moyens, il nous semble qu'il n'y a pas que le département de l'instruction publique qui doive être chargé de ce type de travail. D'autres institutions peuvent y travailler. Il a été, par exemple, proposé aux députés de présenter leur travail auprès de certaines classes d'histoire. Des institutions ou associations privées subventionnées par l'Etat ont un caractère civique et pourraient participer à un tel enseignement, sous forme d'enseignement, de démonstration, de travaux, de conférences.
Je souhaite donc que cette motion puisse être considérée sous une forme plus large, et nous la verrons renvoyée avec plaisir soit au Conseil d'Etat, soit à la commission de l'enseignement, en fonction de ce qui paraît le plus rationnel.
M. Roger Beer (R). Je partage les propos de M. Lombard. Quant à cette motion concernant l'éducation civique, présentée par nos amis du parti démocrate-chrétien, je crois qu'ils ont raison de poser le problème. Ce n'est évidemment pas la première fois que nous évoquons cette question au parlement. Je peux comprendre que le fait que nos jeunes mélangent le Conseil national et le Conseil des Etats soit dramatique, mais je ne suis malgré tout pas persuadé que cela les empêchera de trouver une place de travail, une place d'apprentissage ou même de fonder une famille ! (Brouhaha.) Mais enfin, sans vouloir ironiser davantage, je crois qu'il y a effectivement un problème. Ceux qui font de la politique ici le savent parfaitement. La motivation des jeunes et de nos différentes troupes apparaît extrêmement difficile. Je pense que, dans ce domaine, l'enseignement peut éventuellement améliorer la situation.
Je ne suis pas persuadé que l'instauration d'un cours obligatoire soit la solution. Mais je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions pour intéresser davantage notre jeunesse au monde politique. Le parti radical est tout à fait d'accord de renvoyer cette motion soit au Conseil d'Etat, soit en commission.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Je ne suis pas suffisamment bonne musicienne pour savoir comment on appelle une note qui porte un double dièse, par allusion à ce qu'a dit M. Lombard. Tout simplement pour vous dire que, si nous comprenons la motion déposée par Mme Roset et MM. Barthassat et Lorenzini, nous aimerions qu'elle soit plus large dans sa conception. Je ne crois pas que ce soit au cours de la dernière année de la scolarité obligatoire que l'on doive commencer à comprendre ce que sont les droits civiques, ni d'ailleurs les devoirs. Il faut commencer bien avant. On peut très bien adapter à l'âge des enfants la manière de pratiquer. Des enfants d'école primaire déjà peuvent comprendre ce que sont les droits, les devoirs, ce que signifie prendre une décision en commun, ce que veut dire accepter d'être dans la minorité - là on pourra leur donner quelques leçons ! On peut aussi apprendre à de très jeunes enfants qu'une fois que l'on a accepté une règle on s'y plie, qu'elle nous plaise ou pas.
A quinze ans, il est trop tard pour comprendre ce que signifient les droits et les devoirs civiques et politiques, de se voir asséner un cours obligatoire, quel que soit le nombre d'heures. Il me semble que les choses doivent être vécues dans le concret. J'en veux pour témoignage le récent séminaire - dont une partie s'est déroulée dans ce lieu même - auquel a participé un groupe de l'école de commerce de Genève. Ce groupe a renoncé à une classe verte pour participer à des travaux sur les droits civiques et la démocratie. Nous avons effectivement constaté que les jeunes ne sont pas très au courant de ce qui se passe ici et des décisions prises, de la manière dont elles sont appliquées, des droits qui existent pour chacun.
Cela prouve donc bien qu'il faut faire quelque chose, mais, j'insiste encore, en adaptant les choses à l'âge des enfants. On doit commencer plus tôt, et surtout, il faut le vivre dans le concret. Il ne sert à rien d'apprendre par coeur des notions comme le nombre de députés siégeant au Grand Conseil. Finalement, ce n'est pas très important. Il est essentiel pour les enfants de tout âge de comprendre que, lorsque l'on prend un engagement, on le respecte même si l'on n'est pas d'accord et que la démocratie peut se pratiquer dès le plus jeune âge, y compris à l'école.
Mme Claire Chalut (AdG). Mme Charrière Urben a déjà évoqué bon nombre de mes préoccupations. Je me demandais également pourquoi il fallait attendre que les élèves soit au collège ou à l'école d'ingénieurs pour commencer à recevoir des cours d'instruction civique.
Par ailleurs, la motion, avec raison, soulève le problème de l'abstentionnisme qui prend des proportions inquiétantes. Il est vrai aussi que des enfants vivant avec des parents n'allant jamais voter ignorent tout de la vie politique et du simple fait de voter. Je trouve donc essentiel de sensibiliser les enfants le plus tôt possible en leur donnant des cours d'instruction civique.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je constate avec plaisir que l'instruction civique fait des adeptes dans tous les rangs. Je vous signale que le département de l'instruction publique avait dans ses tiroirs quelques motions fort bien tournées, que le rapport est presque terminé et que nous avons fait quelques recherches supplémentaires. Je vous suggère donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'elle soit jointe au rapport dont le dépôt est prévu pour la fin juin. Sur la base de ces éléments et d'expériences faites depuis le dépôt des dernières motions, qui vont dans le même sens que Mme Charrière Urben, il sera possible de montrer que des voies existent et qu'elles sont intéressantes pour les jeunes.
Il semble qu'il y ait une évolution depuis le dépôt des motions précédentes. En effet, les jeunes eux-mêmes, partout où j'ai pu les rencontrer, ont demandé davantage d'instruction civique, de droits politiques, sous une forme adéquate, parce qu'ils regrettent de ne pas être munis d'outils suffisants. C'est un élément qui plaide en faveur de mesures intéressantes et qui pourraient être mises en place et encouragées. Elles sont multiples et, très souvent, peuvent être diversifiées de façon relativement aisée.
Je vous engage donc à renvoyer la motion au Conseil d'Etat et un rapport sera déposé d'ici fin juin.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant l'éducation civique des jeunes
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que les jeunes manquent cruellement de connaissances en matière de droits politiques;
que l'abstentionnisme prend des proportions inquiétantes;
que la formation politique des jeunes constitue une condition indispensable à l'intérêt de ceux-ci pour la vie publique ainsi qu'au bon fonctionnement d'une démocratie;
que l'éducation civique des jeunes n'est actuellement pas assurée de façon obligatoire dans les collèges, les écoles de commerce et l'école d'ingénieurs
invite le Conseil d'Etat
à instaurer un cours obligatoire de «droits politiques» pour tous les jeunes suivant une formation post-obligatoire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En juin 1992, un groupe de travail, constitué à l'initiative du département fédéral de l'intérieur, déposait un rapport sur l'enfance maltraitée en Suisse.
Le mandat des experts se définissait comme suit:
«Le groupe de travail est chargé de présenter au Conseil fédéral un rapport qui renseigne sur les genres de mauvais traitements infligés aux enfants et sur l'ampleur du phénomène dans notre pays, et plus spécialement sur l'importance des sévices physiques, psychiques et sexuels que des enfants subissent dans leur famille. Les données seront recueillies auprès des divisions de pédiatrie des hôpitaux, des médecins légistes et des pédiatres.
Le rapport du groupe de travail doit également exposer et analyser les causes de ces mauvais traitements, c'est-à-dire leurs éventuelles relations avec la pauvreté, le chômage, l'alcoolisme, le divorce, l'urbanisation, les conditions de logements et l'isolement social.
Le groupe de travail est chargé de proposer des mesures propres à mettre fin aux mauvais traitements; à cet effet, il tiendra particulièrement compte des structures d'assistance auxquelles le public peut déjà faire appel dans les grandes villes et dans les cantons; il s'agit notamment des lignes de téléphones SOS et des services d'accueil d'urgence. L'attention se portera aussi sur la solution pacifique des conflits, la diminution des pressions socio-économiques, le lancement de campagnes d'information dans les médias et à l'école, ainsi que les mesures applicables au travail social, au monde du travail, en matière d'éducation, d'urbanisme et de construction de logements.»
Ce rapport préconisant toute une série de mesures et concluant à des recommandations générales et spécifiques pour mieux protéger les enfants des mauvais traitements, il apparaît important que les autorités cantonales prennent position à leur sujet.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Jean-Luc Ducret (PDC). J'ai sous les yeux le rapport final présenté au chef du département fédéral de l'intérieur par un groupe de travail qui a étudié le problème de l'enfance maltraitée. Je recommande à toutes les personnes intéressées par ce problème de se procurer auprès de la Chancellerie fédérale ce document remarquable. Il contient une foule de renseignements dont on pourra sans aucun doute tirer profit pour le traitement des motions précédentes. Dans le domaine de l'enfance maltraitée, chaque canton a été interrogé par le groupe d'experts. Toute une série de questions a été posée au sujet de la législation en vigueur, de l'équipement institutionnel, des recherches en cours ou à envisager concernant la prévention des mauvais traitements envers les enfants.
A ce titre, le document de travail du groupe d'experts posait, dans les années 90, la question suivante au gouvernement genevois : «A-t-on réalisé, dans votre canton, dans les cinq dernières années, des projets de recherche portant sur l'enfance maltraitée au sein de l'université, des écoles professionnelles, des organisations privées, etc. ? Pourriez-vous donner des informations à ce sujet ?». Le gouvernement répondait : «Un projet de recherche a été élaboré en 1984 par les professeurs Pasini et Ferrier avec la collaboration du service de la santé de la jeunesse. Ce projet a malheureusement été interrompu faute de ressources financières.». J'imagine que, depuis, les recherches ont été poursuivies et que le Conseil d'Etat sera à même de nous renseigner à ce sujet.
Les problèmes sont complexes. Pensons en effet aux mauvais traitements physiques et psychologiques infligés aux enfants, aux abus sexuels, à la violence en famille, aux séquelles à long terme des mauvais traitements, à la violence institutionnelle, à la violence structurelle liée à l'environnement, à la circulation routière, à l'utilisation des places de jeu, à la construction de logements parfois inadaptés, etc.
D'une façon générale, le groupe de travail constate que les autorités tutélaires doivent conserver leur position centrale dans le système de protection de l'enfant. Mais ce groupe constate également que l'application des mesures de protection de l'enfant présente des déficits non négligeables. Pour combler ces déficits, le groupe de travail fait de multiples recommandations, notamment à l'adresse des cantons.
Je vous demande dès lors de bien vouloir accepter cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). D'une part, je suis très contente qu'on se préoccupe de l'enfance maltraitée. Actuellement, ce phénomène est un des pires de notre société. Il ne fait que s'aggraver en raison des conditions économiques qui plongent les parents dans le plus profond désarroi et qui transforment souvent l'enfant en bouc émissaire de tous les maux. Mais, d'autre part, je suis aussi très étonnée par l'absence de mémoire de mon collègue Jean-Luc Ducret, puisque, au cours de notre séance du 3 décembre 1992, le Grand Conseil avait déjà débattu de ce sujet lors de la proposition de motion que j'avais déposée avec notre collègue Hélène Braun et qui portait exactement le même titre.
Une voix. Il n'était pas encore là !
Mme Fabienne Bugnon. Il était là en 1992 ! Nous avions profité du dépôt du rapport d'experts auquel vous faites vous-même allusion pour demander à M. Föllmi d'indiquer au Grand Conseil combien de cas de maltraitance d'enfants étaient répertoriés à Genève et quelle en était la nature, d'inventorier les divers services, instances, associations, fondations ayant pour tâches de se préoccuper de ce problème sous l'angle psychologique, social, judiciaire, médical, d'évaluer quelle coordination existe, de présenter les différents types de formation dont disposent leurs collaborateurs, de dresser un bilan de la présentation aux élèves de notre canton de la pièce de théâtre «A bouche décousue» et, enfin, de définir, si besoin est, une politique cohérente en matière de prévention et de formation dans ce domaine.
Cette motion avait été adoptée par ce parlement, renvoyée au Conseil d'Etat et, depuis, elle fait malheureusement partie, avec ses nombreuses soeurs, des motions oubliées on ne sait où.
A l'époque, et vous pourrez le lire dans le Mémorial de la séance, M. Föllmi nous avait rappelé brièvement les moyens d'intervention dont dispose le département de l'instruction publique pour faire face au drame de l'enfance maltraitée, du moins en ce qui concerne les cas déclarés, car je vous rappelle qu'ils ne sont que la pointe de l'iceberg.
M. Föllmi s'était également engagé à prendre connaissance du rapport d'experts et à nous faire lui-même un rapport qui comprendrait également l'évaluation du spectacle «A bouche décousue» qui avait été présenté dans les écoles genevoises. A ce jour, aucun rapport du Conseil d'Etat ne nous est parvenu.
Votre motion, si elle n'apporte pas de questions nouvelles, aura peut-être le mérite de faire resurgir la motion 833 et la nouvelle cheffe du département de l'instruction publique pourra, je l'espère, nous informer sur les raisons pour lesquelles nous n'avons toujours pas obtenu ce rapport.
J'ose également dire que, si cette motion n'est pas nouvelle, le sujet est toujours plus d'actualité. Il semble, à lire la presse, qu'il y a quelques problèmes au niveau du service de protection de la jeunesse. Je pense que tant à travers cette proposition de motion que dans sa réponse à l'interpellation urgente de Mme Charrière Urben, Mme Brunschwig Graf pourra nous donner quelques explications, et je l'en remercie d'avance.
M. Dominique Belli (R). J'ai pris connaissance avec intérêt du projet de motion de notre collègue Jean-Luc Ducret sur un phénomène que je connais malheureusement bien, celui de l'enfance maltraitée. Ce problème doit provoquer chez nous tous une très grande inquiétude, car il est nettement plus grave que peuvent l'imaginer la plupart des députés dans cette salle.
A ce titre, le travail fédéral - que je connais parfaitement bien - est très bien fait et je pense effectivement qu'il est d'un intérêt primordial pour chacun d'entre nous d'en prendre connaissance en détail. Je suis certain que le Conseil d'Etat en connaît déjà l'existence.
J'en suis certain parce que, comme le relevait tout à l'heure Mme Brunschwig Graf à propos d'une autre motion, cette motion a de grandes faiblesses, puisqu'elle n'intègre pas la situation actuelle à Genève. En effet, les députés de ce Grand Conseil doivent savoir ce qui se passe à Genève et, suite à la motion antérieure, un travail de fond a déjà été effectué à Genève et a abouti à un rapport qui, j'en suis certain, sera communiqué très prochainement à ce Grand Conseil.
Par ailleurs, il y a eu création d'une structure qui s'appelle le CAN team - pour l'expression anglaise Child Abused And Neglected qui n'a pu être traduite en français - qui réunit des juges, des éducateurs, des personnes du milieu médical, des assistants sociaux, etc. Cette structure fait un travail formidable. J'entendais dire tout à l'heure qu'il n'y avait pas de projets de recherche à Genève, mais je ne suis pas de cet avis. Il y a des projets de recherche. En 1992 et en 1993, le CAN team a présenté ses résultats à la société suisse de pédiatrie.
Grâce à ce CAN team, nous savons qu'il y a plus de cent cas par année d'enfants maltraités à Genève, et je pense que les députés de ce Grand Conseil doivent absolument le savoir. Le phénomène est suffisamment important.
En conséquence, je trouve effectivement que la deuxième invite de cette motion semble pratiquement caduque et je pense que Mme Brunschwig Graf le confirmera tout à l'heure. Malgré cela je pense qu'il faut soutenir le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat puisqu'elle sera un rappel éventuel du problème de l'enfance maltraitée à Genève et en Suisse.
Pour terminer, je voudrais souligner que j'ai été extrêmement déçu ce soir de voir dans cette assemblée, lorsque nous parlons d'enfance et surtout d'enfance maltraitée, autant de personnes faire du bruit et se livrer à d'autres activités. Je trouve cela très regrettable, car la jeunesse est notre avenir et l'enfance maltraitée mérite mieux que notre indifférence. (Quelques applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je ne crois pas avoir à vous dire les raisons pour lesquelles il n'a pas été répondu à la première motion sur l'enfance maltraitée (M 833). Cela m'intéresse assez peu. Qu'on y réponde m'intéresse davantage, tout comme d'ailleurs à la plupart des motions, résolutions, questions écrites qui ont été adressées à mon département. J'ai demandé qu'on fournisse une réponse d'ici fin juin à celles demandant peu de recherches ou dont les recherches étaient déjà très avancées et qu'on réponde aux autres pour la fin septembre. C'est donc une politique générale qui concerne l'ensemble des dossiers qui ont été déposés au département de l'instruction publique, quelle que soit leur date de dépôt.
La motion 833 était d'ores et déjà ressortie des tiroirs. Elle avait déjà fait l'objet de diverses analyses et il est vrai, comme l'a dit M. Belli, que les services concernés ne sont pas restés inactifs depuis. Il est d'ailleurs fort dommage qu'on ne vous ait pas répondu, car vous auriez pu vous en rendre compte.
Je vous propose donc, comme pour la motion précédente, que cette dernière motion soit intégrée à un rapport global qui sera probablement terminé d'ici fin juin et que vous pourrez traiter vraisemblablement à la session de septembre. Nous pourrons ainsi faire le tour de la question en tenant compte des derniers éléments et en montrant aussi bien les efforts faits que les difficultés rencontrées.
J'ajouterai, comme cheffe du département, que je n'aurais pas pu rester insensible à ce sujet, car il m'est donné trop souvent, malheureusement, de devoir signer des autorisations de témoigner pour des enseignants, des assistants sociaux et d'autres personnes censées aider la justice lorsque les maltraitances sont connues et donc susceptibles d'être sanctionnées.
Sans dramatiser les chiffres, c'est une réalité. J'ajouterai que l'amélioration et la transparence de communication de notre système font aussi que l'on connaît plus facilement des faits qui, jusqu'ici, étaient souvent cachés. Donc, dans l'évaluation des cas, il faut pondérer les chiffres en fonction de ces éléments, car il ne s'agit pas non plus de créer une impression exagérée d'un phénomène, certes grave, mais qui doit être traité avec discrétion et avec l'aide de tous les partenaires concernés.
Enfin, j'ajouterai, comme pour la motion précédente, que les enseignants sont concernés au premier chef et qu'il est important qu'ils soient, eux aussi, formés à ce type de problème, car l'une des difficultés que nous rencontrons consiste non pas à détecter la maltraitance évidente, mais la maltraitance larvée, celle qui n'est pas accompagnée de gestes suffisamment clairs ou de dégâts suffisamment évidents pour que, spontanément, on passe à la dénonciation. Dans ces cas aussi, les problèmes sont extrêmement graves et exigent d'être dénoncés, car entre le respect de la personne, de ses collègues, de l'entourage, des parents et la gravité ou la gravité supposée de certains cas, il faut mettre l'enfant au centre des préoccupations et non pas les autres éléments. Ce pas n'est pas toujours fait et ce n'est pas toujours facile à faire. Il faudra aussi prendre en compte cette problématique dans le rapport qui vous est destiné.
Je vous remercie de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, et vous avez mon engagement, comme pour les autres objets qui concernent mon département, qu'elle sera traitée dans les délais que je vous ai annoncés.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant l'enfance maltraitée
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le rapport du groupe de travail consacré à l'enfance maltraitée en Suisse;
- les conséquences qui peuvent être tirées des conclusions de ce rapport sur l'état de ce phénomène dans le canton de Genève,
invite le Conseil d'Etat
- à prendre connaissance de ce rapport;
- à présenter à son tour un rapport indiquant l'état du phénomène à Genève, ainsi que les mesures, législatives au besoin, qui peuvent être prises sur le plan cantonal et en collaboration avec les communes pour prévenir et traiter les situations de mauvais traitements envers les enfants.
Le président. Vous avez la parole, Madame le député.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Merci, Monsieur la présidente. (Rires goguenards.)
Le président. Ça ne me fait même plus rire !
Une voix féminine. Il a dit «Madame la députée» ?
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Non, il a dit «Madame le député» !
La voix féminine sarcastique. Ça veut dire quoi ça ?
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. En préambule, j'aimerais rappeler quelques points essentiels pour moi dans le domaine de l'adoption.
Une adoption c'est avant tout une famille pour un enfant et non un enfant pour une famille comme on a trop souvent tendance à le croire. Une adoption c'est un drame, celui d'un enfant orphelin ou abandonné. C'est aussi souvent le drame d'un couple qui ne peut lui-même mettre au monde un enfant. Personne - je dis bien personne - n'a le droit de profiter de tels drames.
Une adoption c'est une histoire d'amour qui naît entre un enfant et une famille et personne, non plus, n'a le droit de s'enrichir avec une telle histoire. Une adoption, c'est une vie, un avenir en jeu et qui doit, plus que tout, répondre à des règles morales et éthiques : on n'achète pas un enfant. Une adoption, enfin, c'est la construction d'une personnalité, d'un être qui a vécu rupture, abandon et, peut-être, souffrance et nul n'a le droit de mettre cet avenir en péril en laissant s'installer la corruption dans ce domaine. Le jour où ce genre de scandale éclate sur les manchettes des journaux, chaque enfant, chaque adolescent adopté se posera immanquablement la question : «Ai-je été acheté, moi ? Combien ai-je été payé ?».
Voilà les quelques réflexions que je voulais soulever en préambule pour expliquer le pourquoi de mon inquiétude et le pourquoi de cette interpellation. J'aimerais dire au Conseil d'Etat que, depuis un certain nombre de mois, voire même plus d'une année, des bruits circulent à Genève concernant un bureau qui s'occupe d'adoption. J'aimerais dire au Conseil d'Etat que ce sont de futurs parents adoptifs, cherchant à adopter un enfant, et qui, choqués par les tarifs demandés par ce bureau - on parle de 15 000 à 20 000 F, avouez que ça fait cher la brassière dans laquelle arrivera l'enfant ! - ont renoncé à poursuivre leurs démarches avec l'aide de ce bureau. Mais, quand on est dans l'attente, on se tait par peur de mettre en péril la venue de l'enfant tant attendu.
J'aimerais dire au Conseil d'Etat que ce sont des parents qui ont adopté par l'intermédiaire de ce bureau qui témoignent de leur malaise face à certaines procédures et face à quelques avocats. Mais ils le chuchotent, car, s'ils souhaitent bientôt accueillir un deuxième enfant, il ne faut pas se mettre en conflit avec celles et ceux dont on aura besoin pour mener à bien cette nouvelle adoption. Petite parenthèse : je crois que nous n'avons pas le droit d'en vouloir à ces couples qui choisissent la loi du silence. Nous n'avons pas à juger de leur souffrance d'être sans enfant.
J'aimerais dire aussi au Conseil d'Etat que ce sont des hommes et des femmes de certains services de l'Etat, ainsi que des associations s'occupant d'adoptions internationales qui ont connaissance de filières douteuses utilisées par ce bureau mais qui ne peuvent intervenir. A tous les niveaux, il y a bien sûr la hiérarchie. Sont aussi au courant des organismes internationaux, particulièrement en ce qui concerne un pays d'Amérique centrale, mais qui ne peuvent rien faire, car il faut des preuves et personne ne veut les fournir.
Enfin, j'aimerais dire au Conseil d'Etat que même Berne a été alertée, mais, bien sûr, tout y est lent et la surveillance en matière d'adoption est uniquement de compétence cantonale. Alors les informations s'empoussièrent sur un quelconque bureau fédéral.
Voilà plusieurs mois que je réunis tous ces témoignages et tous concordent. Dès lors, je suis inquiète. Je crois qu'il n'y a pas d'intérêt personnel recherché par les personnes travaillant au sein de ce bureau, mais plutôt un «laissez-faire» permettant à des intermédiaires d'agir.
C'est pourquoi je souhaiterais demander au Conseil d'Etat qu'il me fasse savoir, d'une part, quels sont les moyens de surveillance et s'ils sont permanents, car cela est important aussi, et, d'autre part, quels sont les moyens que se donnent ces bureaux afin d'éviter d'en arriver à de telles situations.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La spontanéité de la réponse montrait, Madame la députée, l'intérêt de la question et le voeu d'y répondre.
J'aimerais dire ceci à Mme la députée. Le Conseil d'Etat a les moyens d'agir pour autant qu'il connaisse les situations. Vous abordez ce problème par le biais d'une interpellation, mais je vous rappelle qu'il y a la possibilité d'aborder le département responsable et sa présidente en tout temps, ce que font certains citoyens de ce canton lorsqu'ils ont des problèmes. Ces problèmes ne devant pas être mis sur la place publique peuvent ainsi être examinés de manière confidentielle.
Le Conseil d'Etat doit surveiller les bureaux en question et aussi veiller à ce que ces bureaux ne pratiquent pas de tels tarifs et aient des contacts corrects avec les pays évoqués. Il a les moyens soit de demander à ces bureaux de supprimer ces contacts, soit, en dernier ressort, de leur retirer l'autorisation de pratiquer. Mais pour ce faire, toute intervention doit être étayée. Le problème, ce sont les rumeurs ou les bruits, alors qu'il serait plus simple, ce que je vous engage à faire dans les meilleurs délais et sous le couvert de la discrétion, de pouvoir donner à la personne de votre choix les informations que vous avez. Nous ne pouvons pas agir utilement si nous n'avons pas d'exemples précis donnés par des personnes précises.
Je comprends parfaitement que les parents que vous avez évoqués ne puissent pas venir directement pour des raisons qui sont humainement tout à fait compréhensibles. Mais pour faire cesser une situation dont vous avez connaissance et pour laquelle vous avez des preuves - et je le dis à ce Grand Conseil pour quelque dossier que ce soit - je préférerais nettement, au lieu de choisir la voie de l'interpellation, que vous me fassiez part, en toute discrétion, des problèmes qui surgissent pour que nous puissions les traiter. Vous n'avez pas officiellement mentionné le nom de ce bureau, nous avons pu le déterminer, mais nous n'avons pas connaissance des cas. De plus, je ne connais pas les fonctionnaires de mon propre département qui n'osent pas parler.
Je peux vous dire aussi que cela est fort regrettable, parce que, dans ce genre de circonstance, il serait beaucoup plus simple de pouvoir traiter le problème avec des éléments concrets. Encore une fois, Madame la députée, sous la forme qui vous conviendra, par la personne qui vous conviendra, je souhaite obtenir les renseignements ou que la personne qui traitera le dossier et opérera les contrôles les obtienne parce que, si la situation décrite est réelle, elle nécessite des interventions, mais nous sommes totalement démunis pour intervenir sur la base de bruits.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). A un moment donné, le choix se porte sur l'interpellation, parce que cette voie peut faire bouger les choses. Quant à avoir plus de précisions, il y a dans votre propre département, au sein d'un service, des rapports sur ces cas. Je pense que cette interpellation permettra peut-être de faire sortir ces rapports.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je crois qu'il n'est pas tout à fait correct d'imaginer qu'un département ne fonctionne que si des interpellations sont faites. Lorsqu'il y a la possibilité de poser des questions de différentes manières, lorsque, en tout temps, vous avez la possibilité d'interpeller le chef du département pour que le dossier soit traité, certaines voies sont plus adéquates. Je peux bien entendu consulter mes dossiers et demander le rapport, là où il s'est perdu, et découvrir quel est le fonctionnaire qui l'a égaré. Mais je crois qu'il aurait été plus sain que le département soit saisi de cette situation autrement, de n'avoir pas nécessairement à la traiter ici et sous cette forme, et que vous ayez une modeste confiance dans la volonté d'un chef de département de régler les problèmes qui le concernent ! (Applaudissements.)
Cette interpellation est close.
Sous la présidence de M. Pierre Kunz, la commission de l'université s'est penchée, lors de ses séances des 20 janvier et 10 février 1994, sur la pétition 1004. Mme M. Brunschwig Graf, présidente du département, et M. E. Baier, secrétaire adjoint, ont participé aux travaux.
PÉTITION
des étudiants et du personnel de l'université
Augmentation des taxes étudiantes? Réduction du personnel? Préservons les conditions d'études et de travail à l'université!
Peut-on défendre une université démocratique, dispenser une formation plus large, féminiser l'université notamment en créant des postes, améliorer les conditions d'études et de recherche, tout en concédant les économies voulues par les autorités?
Pétition des étudiant(e)s et du personnel de l'université
adressée au Conseil d'Etat, au Grand Conseil et au rectorat
1. Nous refusons l'augmentation des taxes d'écolage (le rectorat veut les porter à 1000 F par an pour tous), car il faut ouvrir davantage l'université et non en limiter l'accès par quelque nouvelle barrière que ce soit: la formation est la richesse essentielle de la société helvétique.
2. Nous refusons toute limite d'âge pour devenir assistant (limite prévue: 27 ans) ou maître-assistant (limite existante: 32 ans), mesures allant directement à l'encontre de l'ouverture des postes universitaires aux femmes et aux sans-maturité ayant repris des études.
Ces mesures vont à l'encontre de la démocratisation des études; nous leur opposons les propositions suivantes induisant d'importantes économies et permettant de créer de nombreux postes.
3. A court terme: une contribution salariale modulée, afin de maintenir le nombre de postes de travail malgré les économies en cours: - 0,5% pour les plus bas salaires (assistant, aide technique, secrétaire-2, bibliothécaire, laborant); - 0,75% pour les bas salaires (technicien, maître-assistant); - 1% pour les salaires moyens (administrateur et adjoint, collaborateur scientifique); - 2% pour les hauts salaires (chargé d'enseignement) et - 2,5% pour les plus hauts salaires (chargé de cours, prof. assistant, MER); - 3% (prof. adjoint); - 4% (prof. école); - 5% (prof. ordinaire ou invité). Cela représente une économie de plus de 6 millions de F. Compte tenu du fait que les salaires inférieurs à 4000 F sont exemptés de cette contribution, l'économie est d'environ 4,5 millions (soit 76 postes d'assistants ou 74 postes de secrétaires-2). Cela permet de réduire les écarts salariaux, en ne supprimant aucun poste et en maintenant l'encadrement étudiant au niveau actuel. La durée de cette mesure doit être discutée (de 3 à 5 ans).
4. A long terme: afin de partager le travail, tout en maintenant de bons revenus et le nombre actuel de postes, nous proposons:
- de transformer, lors des mises au concours, les postes de professeur ordinaire (salaire moyen 176 000 F), invité (même salaire moyen), d'école (salaire moyen 155 000 F) en professeur adjoint (salaire moyen 138 000 F); cette somme permet de créer de nouveaux postes sans augmenter les dépenses (par exemple un professeur ordinaire = un professeur adjoint + 66% d'assistant ou + 55% de secrétaire);
- de ramener à 100% le taux d'occupation de toute personne cumulant plus d'un plein-temps (travaillant aussi dans une autre université).
L'assemblée générale de l'université du 6 mai 1993.
APIUM, ASAMA, CUAE
c/o M. D. Lopreno
5, rue Le-Corbusier
1208 Genève
N. B.: 4019 signatures
La commission de l'université a entendu les pétitionnaires, soit des représentants des étudiants et du personnel de l'université, ainsi que M. L. Weber, recteur.
La pétition 1004 pose des questions relatives:
- aux taxes d'écolage dont l'introduction est prévue à terme;
- à la limite d'âge imposée pour devenir assistant/e ou maître-assistant/e qui va, selon les pétitionnaires, à l'encontre de l'ouverture des postes universitaires aux femmes et aux sans-maturité ayant repris des études.
Elle oppose aux constats énoncés ci-dessus des propositions qui respectent le principe de démocratisation des études, permettant de réaliser des économies et de créer de nombreux postes, soit:
- à court terme, une contribution salariale modulée des collaborateurs qui garantisse le maintien des postes de travail, mesure dont la durée doit être limitée;
- à long terme, la transformation des postes de professeurs ordinaires, invités, d'école en postes de professeurs adjoints et la réduction à 100% du taux d'occupation de toute personne cumulant plus d'un plein-temps.
En ce qui concerne les taxes d'écolage, le tableau qui figure ci-dessous donne les moyens d'apprécier la situation telle qu'elle se présente actuellement en Suisse.
Débat de la commission
La taxe de 500 F par semestre qu'il est prévu d'instaurer, quoiqu'elle ne fasse l'objet d'aucun projet de loi, paraît nécessaire à la majorité de la commission, qui admet le principe de l'introduction d'une taxe non différenciée pour les Genevois, les Confédérés et les étrangers, comme c'est le cas dans la plupart des universités suisses. L'affectation de cette taxe n'est pas décidée, raison pour laquelle le rectorat n'entre pas en matière à son propos, mais est disposé à y réfléchir si l'intégralité du montant des taxes est consacré à l'encadrement des étudiants.
Il est à noter que le libre accès aux études reste garanti par le dispositif des allocations d'études et pour la prise en compte par l'université des cas d'étudiants qui rencontrent des difficultés d'ordre financier. De plus, il est entendu que cette taxe ne s'élèvera pas à des montants rédhibitoires.
De toute manière, il est clair que si une modification des montants des taxes d'écolage intervient, un projet de loi sera soumis à l'attention du parlement, qui devra alors se prononcer sur l'affectation éventuelle de ces taxes.
En ce qui concerne la limite d'âge, il est à noter qu'elle ne relève pas d'un règlement, mais de directives qui sont appliquées avec souplesse par le rectorat. On peut se poser la question de savoir si des directives, de quelque ordre qu'elles soient, sont édictées pour gérer les cas d'exception, ou plutôt pour être appliquées dans la règle.
En terme de politique salariale, Genève doit être concurrentielle pour attirer des professeurs et les conditions offertes sont un des éléments de la politique universitaire qui est suivie en matière de recrutement.
La rémunération modulée telle qu'elle est proposée dans la pétition restreindra la marge de liberté de l'université.
En ce qui concerne les professeurs adjoints, la loi vient d'être modifiée et rend la disposition proposée inutile. Il serait cependant opportun qu'une réflexion soit menée en termes de carrière pour les enseignants à l'université, ce qui conduira à envisager de manière novatrice le cursus vers l'ordinariat et les charges de professeur invité ou extraordinaire.
Enfin, à propos du taux d'activité le rectorat admet que certains professeurs cumulent les charges et que quelques-uns d'entre eux dépassent largement le 100% de taux d'activité. S'il est difficile de repérer les enseignants concernés, le rectorat est attentif à ce problème et agit de cas en cas et avec souplesse, en vue de régulariser ces situations. Le rectorat et la majorité de la commission sont sensibles au fait que, parfois, le cumul est dû au fait que, dans certains domaines, les experts ne sont pas légion, ce qui peut expliquer que, temporairement, le taux de 100% soit dépassé.
Cependant, il y a lieu de veiller à ce que cette situation soit sous contrôle à court terme.
Conclusion
La Commission, par 6 voix contre 5, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1004 à titre d'information sur le bureau du Grand Conseil.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
C'est par une courte majorité de 6 oui contre 5 non que la commission de l'université a décidé de ne pas renvoyer la pétition des étudiants et du personnel de l'université au Conseil d'Etat, mais de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.
Il est certain que la pluralité des questions soulevées par cette pétition n'a pas joué en sa faveur. Pourtant il faut saluer le fait qu'en abordant à la fois les questions de taxes d'écolage, de limites d'âge des mandats d'assistant(e)s et de maîtres assistant(e)s, de politique salariale, de nomination des professeurs ordinaires et de limitation du taux d'occupation des enseignants, les pétitionnaires ont souhaité apporter la preuve qu'ils ne bornaient pas leurs propos à des revendications, mais cherchaient à contribuer à trouver des solutions qui fussent budgétairement viables.
1. Taxes d'écolage
Aucun membre de la commission, ni les pétitionnaires eux-mêmes n'ont contesté la justesse d'une harmonisation des taxes. L'instauration d'une taxe unique est apparue à tous comme bien préférable à l'existence de taxes différenciées comme elles le sont actuellement entre Genevois (65 F), confédérés (365 F) et étrangers (565 F).
Toutefois, la minorité formée par les députés de l'Alliance de gauche, du Parti socialiste et du Parti écologiste n'a pas jugé opportun de profiter de cette occasion, ou d'utiliser ce prétexte, pour augmenter les taxes annuelles à 1000 F, au mépris du principe de démocratisation des études mis en place sous le gouverment d'André Chavannes. Elle a préféré se rallier à la proposition des pétitionnaires d'une taxe qui représentât la moyenne des taxes existantes, soit environ 350 F pour tous.
L'étudiant doit, pensons-nous, être autosuffisant. Or, le fonctionnement de plus en plus scolaire de l'université laisse désormais peu de temps au travail temporaire, au demeurant rendu difficile par l'étendue du chômage.
Aussi, l'application de taxes exagérées rendra-t-elle nécessaire la pratique généralisée des dérogations pour raisons sociales. L'expérience de la distinction entre étudiants aisés et économiquement faibles, toujours mal vécue, s'en trouvera renforcée.
La formidable avancée de l'accès démocratique aux études supérieures, qui faisait l'orgueil de notre système, s'en trouvera elle aussi frappée.
2. Limites d'âge pour assistant(e)s et maîtres assistant(e)s
La limitation à l'âge de 27 ans de l'accès au poste d'assistant(e) et à celui de 32 ans de l'accès au poste de maître assistan(e) va également à l'encontre de la démocratisation des études. Elle se heurte, au surplus, à la loi sur l'égalité des chances de carrière entre hommes et femmes et à la loi sur la formation continue.
Le rectorat a fourni des explications conciliantes. Il ne s'agit que d'une directive, déclare-t-il, qui souffre des exceptions dans chaque cas où cela est utile et juste. Généralement, pourtant, les directives du rectorat sont appliquées avec rigueur.
A quoi sert donc d'édicter une directive si un grand nombre de candidats doit être mis au bénéfice d'une dérogation?
Toutes ces dérogations, nécessaires aux femmes, dont la maternité ou les déplacements imposés par ceux du conjoint, interrompent le cursus universitaire, aux sans maturité, aux étudiants diplômés dans le cadre d'une formation continue, aux étudiants à cursus universitaire tardif, sont absurdes.
Il y a quelques années, le rectorat a établi que 60% de dérogations avaient été accordées pour la nomination des maîtres-assistant(e)s.
3. Diminuation des hauts salaires
Etudiants et personnel intermédiaire ont eu le mérite d'assortir leur opposition à l'augmentation des taxes de propositions de solutions financières destinées à améliorer l'équilibre budgétaire de l'université.
La réduction modulée proposée donne 9%, soit presque les 10% d'économie souhaités par le rectorat, sans supprimer de postes, les plus hauts salaires étaient prétérités de 800 F.
Il est faux de croire que l'excellence ne s'obtient que par de hauts salaires (voir la France, l'Italie, l'Allemagne). L'environnement socio-culturel joue sur les candidats aux postes un rôle d'attraction au moins aussi important. Et à cet égard, Genève offre de très multiples attraits.
Les députés de gauche et écologistes se demandent pourquoi la direction de l'université et le Conseil d'Etat s'attachent si fermement à jouer la démocratisation des études contre les hauts salaires des professeurs ordinaires. Car le résultat de cette politique est dans des séminaires de 60 à 80 étudiants, qui souffrent d'un manque d'encadrement et favorisent l'abandon des plus faibles, qui ont précisément le plus besoin d'attention pédagogique.
La Suisse et Genève, qui sont à la traîne de l'Europe en matière de nombre d'étudiants et qui, pourtant, ont besoin de cerveaux et de personnel de plus en plus qualifié dans toutes les branches de l'économie et tous les milieux sociaux, ne peuvent se payer le luxe d'une université à faible niveau d'encadrement pédagogique, décourageant l'accès à l'université et ne favorisant que la politique de prestige des nominations sur la base du maintien de très hauts salaires.
4. Au lieu de professeurs ordinaires, des professeurs adjoints
Hypercompétitifs, les salaires des professeurs ordinaires figurent parmi les 6-7% des salaires les plus hauts de Suisse.
Par le jeu des départs à la retraite d'ici l'an 2000, 100 postes de professeurs ordinaires se seront libérés. Les pétitionnaires proposent de transformer ces postes en 150 à 160 postes de professeurs adjoints et postes intermédiaires, selon les besoins.
A noter que les professeurs adjoints ont des salaires qui ne sont pas augmentés d'indemnités, tandis que les professeurs ordinaires sont au bénéfice d'indemnités pour une moyenne de 4000 F par année.
L'université continue d'augmenter de plus de 300 unités étudiant(e)s par année. C'est le taux moyen le plus fort de ces dernières années. On arriverait, dans l'hypothèse des pétitionnaires, à maintenir le même taux d'encadrement.
Le rectorat ne s'oppose pas d'ailleurs à la politique préconisée par les pétitionnaires dans ce domaine, quitte à nommer par la suite ces professeurs adjoints à l'ordinariat.
5. Limitation du taux d'occupation des enseignant(e)s à 120%
Cette question a été longuement débattue, mais sans permettre de dégager une véritable analyse de la réalité, qui reste largement cachée. Il est question de revenus de professeurs à 175%, parfois même sur des budgets entièrement publics, de protection de la sphère privée, etc.
S'il est évident que l'université peut utilement profiter du travail de ses enseignant(e)s à l'extérieur et que cette intégration est même souhaitable dans un certaine nombre de domaines pointus de la recherche, pourquoi ne pas limiter les charges à des emplois à temps partiel. Le plafonnement du revenu permettrait d'imposer cette solution.
Au surplus, en période de chômage, le plein-temps à l'université ne doit pas «dérober» le temps des autres.
Nous vous engageons, Mesdames et Messieurs les députés, à vous rendre aux arguments développés dans le présent rapport de minorité. La prise en considération de la pétition 1004 serait de nature à favoriser la poursuite de la réflexion à l'université, ce que le rectorat lui-même admet, et à apporter au climat qui doit accompagner les nécessaires changements dont l'université a besoin un esprit d'ouverture.
Aussi vous recommandons-nous le dépôt de cette pétition auprès du Conseil d'Etat.
Débat
M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Je vais rajouter deux ou trois choses à l'excellent rapport de ma collègue Erica Deuber-Pauli. Elle rapportait sur une pétition qui me fait particulièrement plaisir. Non seulement cette pétition dénonce quelques noirs desseins que l'on veut commettre à notre université, entre autres par l'élévation des taxes universitaires, mais elle réussit le tour de force de réunir les étudiants, des membres du personnel et des professeurs. Ces personnes ont proposé des solutions, se sont engagées et ont ouvert quelques perspectives intéressantes.
Cette situation explique pourquoi les commissaires qui ont examiné cette pétition ont été partagés en leur vote final, puisque six personnes ont voté pour et cinq contre, ce qui explique bien qu'il y a des convergences indiscutables. Du reste, Mme Howald le concède dans son rapport.
Pour revenir aux points principaux, en ce qui concerne les limites d'âge pour devenir assistant, on constate que les dérogations sont si nombreuses qu'elles deviennent, finalement, plus fréquentes que l'application du règlement. Donc, à ce propos, je pense qu'il faut maintenir en l'état ce qui existe, car la modification prévue contreviendrait tant à la loi sur la formation continue qu'à l'égalité des chances entre hommes et femmes.
Les étudiants et les autres pétitionnaires, avec une certaine candeur, se sont posé la question de savoir pourquoi, au lieu de nommer des professeurs ordinaires, on ne nommerait pas davantage de professeurs adjoints. Ainsi, les professeurs ordinaires seraient peu à peu remplacés. Cette mesure ne toucherait pas la qualité des prestations, mais offrirait, par contre, un dégagement de ressources pouvant être consacrées à un meilleur encadrement. Comme vous le savez, au vu des restrictions budgétaires, cet encadrement s'est singulièrement amenuisé. La limitation du taux d'activité d'un certain nombre de professeurs permettrait à l'université de s'engager dans un thème d'actualité : celui du partage du temps de travail. Il faut bien avouer qu'un plein-temps assure une rémunération parmi les mieux évaluées dans le monde universitaire. Là aussi, ce dégagement de ressources permettrait d'étoffer l'encadrement et favoriserait la recherche.
Enfin, pour en venir aux taxes, la proposition de les augmenter autant est manifestement exagérée. Zurich est là pour nous le rappeler : l'introduction d'une taxe à 1 000 F a provoqué une diminution sensible des immatriculations. La démonstration d'une atteinte directe à la démocratisation des études est donc faite. Nous ne pouvons souscrire à une telle chose et nous proposons que ces taxes ne dépassent pas 300 ou 350 F afin qu'elles restent abordables à tout le monde.
Voilà les quelques propos que je voulais développer. Dès lors, je vous propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et non de la classer. Ce Grand Conseil devient le théâtre d'une nouvelle habitude, celle de classer les pétitions en les déposant sur le bureau du Grand Conseil, ce qui est une manière directe de ne pas vouloir entrer en matière. Je crois que cette pratique désabuse quelque peu les personnes qui prennent le temps de réfléchir, de s'engager et d'ouvrir de nouvelles perspectives, ce que je regretterais. On vient de parler de leçons de civisme à donner, là nous pouvons faire la démonstration que ce que nous suggèrent les pétitionnaires n'est pas purement ignoré. Je vous invite donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Cette pétition correspond tout à fait à la politique de gestion universitaire que nous défendons. D'ailleurs, l'année passée, lors des comptes rendus 1992, nous avions dit, je cite : «Au temps des années d'abondance, le collège des professeurs a pu bénéficier de privilèges salariaux et de conditions de travail favorables. Ils demandaient et ils obtenaient. On ne peut pas les en blâmer.».
Mais aujourd'hui, en période de conjoncture difficile, il nous paraît évident que tous ceux qui ont bénéficié de ces années d'abondance doivent comprendre que l'important n'est plus la conservation de leurs privilèges, mais le maintien des prestations offertes aux étudiants. Cela passe par l'ouverture, par exemple, de postes plus proches des étudiants et moins coûteux, tels que les maîtres-assistants qui sont les véritables courroies de transmission entre le savoir et les élèves. Cela passe également par le renoncement à l'augmentation des taxes universitaires ou des frais d'écolage.
Le rapport de majorité plus que succinct n'apporte aucune réponse réelle aux questions posées par les étudiants mais reconnaît qu'il y a des problèmes qu'il faudra résoudre et que le Conseil d'Etat s'y consacrera. Comment peut-on simplement déposer sur le bureau du Grand Conseil une pétition provenant des milieux universitaires et signée par plus de quatre mille étudiants qui, plus est, pose de bonnes questions et propose des solutions intéressantes ? C'est une forme de mépris absolu envers les jeunes qui forment l'université et qui représentent notre avenir intellectuel. Puisque le Conseil d'Etat va se pencher sur ces questions, alors que le Grand Conseil lui renvoie cette pétition afin qu'il tienne compte des revendications estudiantines et des solutions que proposent les étudiants.
Quant au problème spécifique des taxes universitaires, il va de soi que nous trouvons un montant unique de 1 000 F trop élevé et que nous soutenons la position de la rapporteuse de minorité. Nous approuvons donc et soutenons le rapport de minorité, donc le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Christine Sayegh (S). Comme cela vient d'être relevé, cette pétition 1004 soulève des problèmes d'actualité et les pétitionnaires ont eu le mérite de prendre position de manière claire et étayée sur des questions comme les taxes d'écolage, la limite d'âge des assistants et des maîtres-assistants et le maintien des postes de travail, tout en proposant des solutions.
Concernant les taxes, notre parti soutient le principe de cette taxe unique d'écolage, contrairement aux pétitionnaires, estimant effectivement qu'elle est indispensable, mais souhaite qu'elle soit affectée à l'encadrement des étudiants, soit au corps intermédiaire.
Quant à la limite d'âge, j'ai lu avec étonnement le rapport de majorité, et je regrette que la rapporteuse de majorité ne soit pas présente, car, lors des travaux sur la nouvelle loi sur l'université, elle a été auditionnée et était formellement opposée au principe de la limite d'âge, ce qui ne se retrouve pas dans son rapport. La limite d'âge dans ce domaine est un mauvais critère, car il est discriminatoire et sans fondement. L'université doit remplir son rôle, le rôle que la loi lui attribue, et, notamment, celui de permettre l'accès à une formation de haut niveau. Les critères à retenir doivent avoir un lien avec le but poursuivi. Les critères doivent avant tout être ceux de la compétence et des connaissances.
Quant aux solutions financières, les pétitionnaires proposent à court terme de réduire les écarts salariaux pour maintenir le nombre de postes pour une durée de trois à cinq ans. Cette mesure de solidarité mérite une réflexion constructive en cette période de chômage. A long terme, les pétitionnaires sont préoccupés, à juste titre, par le partage du temps de travail. Ce principe du partage du temps de travail répond également à la prévention du chômage.
Le groupe socialiste soutient pleinement le rapport de minorité et vous recommande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, il est urgent de traiter les vraies questions et de prendre des mesures utiles.
M. Jean-François Courvoisier (S). Pour compléter le rapport de Mme Deuber-Pauli, je voudrais ajouter un argument supplémentaire pour s'opposer à la nouvelle limite d'âge proposée pour la nomination des assistants à l'université. Le prétexte de cette limite d'âge semble être que les assistants nommés à un âge trop avancé et devant ensuite quitter leur enseignement après avoir été cinq ans assistant et cinq ans maître-assistant se trouvent trop âgés pour s'intégrer au secteur privé. Si le souci de l'avenir des assistants peut paraître louable, la qualité de l'enseignement que vous offrez aux étudiants nous semble beaucoup plus importante.
Il est possible, et même probable, qu'un assistant plus âgé ait acquis une expérience pédagogique ou reçu une formation dans une autre matière que celle qu'il devra enseigner. Ces expériences ne peuvent qu'être profitables à ses étudiants et il serait bien sot d'écarter ce candidat au profit d'un plus jeune moins expérimenté. Que cette limite d'âge soit un règlement susceptible de dérogation ou une directive appliquée avec souplesse, ce qui revient au même, elle ne servira jamais les intérêts des étudiants. Il faut donc la refuser.
M. Bernard Lescaze (R). La majorité de la commission vous propose simplement de déposer à titre de renseignement cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Les raisons que la rapporteuse de majorité a exprimées dans son rapport sont parfaitement claires. Cette pétition, en réalité, pour la plupart de ses objets, si intéressante puisse-t-elle être, est devenue sans objet. Les questions de limite d'âge, de salaires modulés, de professeurs adjoints ou de taux d'activité ont toutes, d'une manière ou d'une autre, trouvé réponse ou, à l'heure actuelle, font l'objet de mesures précises de la part du rectorat. Nous avons même, en ce qui concerne les professeurs adjoints, modifié récemment la loi.
La seule chose qui pouvait faire problème, en raison de l'intérêt immédiat des étudiants, est l'augmentation éventuelle des taxes d'écolage. Quelle que soit la position finale que nous aurons à ce sujet, ce n'est pas au travers d'une pétition que ce problème pourra être traité, puisque le chef du département de l'instruction publique nous a assuré que, au cas où cette augmentation interviendrait, le Grand Conseil aurait à se prononcer à ce sujet. En conséquence, cette pétition doit simplement être déposée à titre de renseignement, puisqu'elle n'apporte rien de nouveau.
M. Pierre Vanek (AdG). Je n'entendais pas intervenir, mais j'ai changé d'avis en entendant M. Lescaze dire que toutes les questions posées par cette pétition ont trouvé une réponse positive.
A l'évidence, cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat. Ce n'est pas parce que l'on a pris un peu de retard dans le traitement de cette pétition qu'on ne doit pas en prendre acte convenablement. Ce qu'a dit M. Lescaze signifie que les questions posées par cette pétition ont été les bonnes questions. Lorsque M. Lescaze soutient que la question de la taxe universitaire n'a pas à être traitée par le biais d'une pétition, c'est traiter un peu légèrement le droit de pétition, comme l'a aussi évoqué mon collègue Jacques Boesch. Les problèmes qui se posent aux citoyens ont à être traités par eux, entre autres par ce moyen de démocratie directe qu'est la pétition. Cette question est posée ce soir au Grand Conseil dans des formes parfaitement régulières. Il n'y a aucune raison pour disqualifier ce procédé en soutenant que les 4 019 étudiants qui ont signé cette pétition n'ont pas à se prononcer sur ce sujet. On parlait de civisme tout à l'heure et je pense que le traitement de cette pétition est une leçon par la négative parfaitement déplacée.
Quant à la question de l'université de Zurich, 10% de réduction du taux...
(Des députés trouvant que M. Vanek parle trop fort protestent. M. Chaïm Nissim se lève et éloigne le micro de la bouche de M. Vanek.) Mais on peut baisser le potentiomètre ! Ça fera des économies ! (Rires et applaudissements.)
La constatation d'une baisse de 10% des immatriculations à l'université de Zurich est un fait dont il faut tenir compte. La hausse des taxes d'écolage à l'université est, à l'évidence, une restriction supplémentaire à la démocratisation des études, et, finalement, des études complètes allant de l'école enfantine à l'université, en passant par le parascolaire. A l'évidence, l'université publique devrait également être gratuite. (Applaudissements.) En tout état de cause, il est absolument inadmissible de procéder à une hausse de cette importance.
Sur la question de la limite d'âge, le rapport de minorité indique que de si fréquentes dérogations sont accordées que cela devient la règle. Cela pose un problème de cohérence et d'arbitraire, car les dérogations sont à bien plaire et il n'existe aucune obligation de procéder à de telles dérogations. Pour des personnes avec un cursus un peu atypique, cette mesure est discriminatoire et devrait être abrogée.
On doit manifestement soutenir le point de la pétition qui propose de faire des économies, mais de manière non linéaire et avec intelligence. Jusqu'à maintenant, si je suis bien renseigné, l'essentiel des mesures d'économies a été réalisé de manière linéaire et arbitraire. En l'occurrence, cette pétition contient une réflexion qui doit être soutenue. Quant aux salaires des professeurs, les chiffres indiqués ne comprennent pas certaines indemnités supplémentaires. Ces salaires permettent non seulement de vivre largement mais aussi d'attirer les professeurs d'un bon niveau. Les mesures préconisées dans la pétition devraient être soutenues.
A l'évidence, cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat, et il n'y a que de mauvaises raisons pour le refuser.
M. Bernard Clerc (AdG). Je suis étonné par les propos tenus par notre collègue Bernard Lescaze. Ensemble, nous avons auditionné le rectorat dans le cadre de la commission des finances. Le rectorat lui-même a reconnu un certain nombre de problèmes, notamment l'encadrement des étudiants qui a passé, en quelques années, d'un assistant pour cent étudiants à un assistant pour cent quarante étudiants. Le rectorat a précisé que les mesures d'économies avaient porté essentiellement sur l'assistanat et non au niveau des professeurs. Je trouve donc curieux, dans un débat sur une pétition qui pose le problème, que M. Lescaze oublie tout d'un coup ce qui s'est passé il y a quelques semaines.
En ce qui concerne le taux d'activité des professeurs, M. Lescaze lui-même, qui connaît bien le dossier, s'est inquiété de savoir ce qu'il en était du taux d'activité des professeurs, car il avait, disait-il, un peu l'impression que les questions restaient au niveau des doyens et que cela n'allait pas assez à la base, jusqu'à chaque professeur. Je trouvais sa remarque tout à fait pertinente. Mais, tout d'un coup aujourd'hui, sa position se transforme comme par enchantement. Chacun sait aussi qu'un certain nombre de professeurs ont des activités annexes... (Contestation de M. Annen.) Oui, oui, oui, Monsieur Annen ! Par exemple, chacun sait que des professeurs de droit renommés font parfois des avis de droit pour le Conseil d'Etat ou des arbitrages qui leur rapportent des sommes considérables. (Grognements sur les bancs de la droite.) Et je trouve curieux qu'on n'en tienne pas compte lorsqu'il s'agit de parler d'économies à l'université. Voilà pourquoi je vous propose à mon tour de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). (Applaudissements.) On ne...
Le président. Je rappelle que les manifestations sont interdites à la tribune. (Quelques rires narquois.)
M. Bernard Lescaze. On ne peut pas, au travers d'une pétition, si intéressante soit-elle, si importants que puissent être ou paraître les problèmes traités, résoudre l'ensemble des questions actuellement soulevées par l'université. Ceux qui m'interpellent ce soir, en réalité, le savent bien.
Nous connaissons tous la situation de l'université. Elle n'est pas facile. Nous nous sommes simplement, dans le cadre de l'examen de cette pétition, à la commission de l'université, efforcés d'examiner point par point les problèmes précis qui étaient traités. Or ce soir, la rapporteuse de majorité n'a malheureusement pas pu être là. J'essaie, au pied levé, de montrer à l'ensemble de ce Grand Conseil que c'est à bon droit et avec des arguments solides que la majorité a finalement décidé que cette pétition devait être déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Nous n'avons éludé aucune des questions soulevées. Vous nous parlez des doubles emplois de certains professeurs, des cumuls de charges. Nous avons répondu à cette question, qui ne pouvait être que marginale dans l'examen de cette pétition, puisqu'il est écrit en toutes lettres : «Il y a lieu de veiller à ce que cette situation soit sous contrôle à court terme.».
Mais il faut savoir que l'essentiel de la pétition visait la crainte légitime qu'avaient certains étudiants d'être pris par surprise par une éventuelle augmentation des taxes fixes de l'écolage, puisque, depuis une vingtaine d'années, cet écolage avait été, pour les étudiants genevois et pour certains étudiants confédérés, abaissé à une somme très basse. Il se trouve d'ailleurs qu'il y avait là une situation relativement injuste vis-à-vis des étudiants étrangers et que, dans la perspective notamment de l'intégration européenne, il est clair qu'une refonte des taxes universitaires devrait amener une égalité entre les Genevois, les Confédérés et les étrangers. Et je m'étonne - je ne l'ai pas entendu il est vrai - que ce soit la gauche qui puisse contester cette égalité. (Protestation indignée sur les bancs de la gauche.)
Nous avons proclamé la fidélité de la majorité à ce que l'on appelle la démocratisation des études. Mais il ne faut pas confondre la démocratisation de l'accès aux études avec une gratuité absolue. Cela n'est pas possible, toute chose a son prix. La commission, dans sa majorité, a bel et bien spécifié, au cas où les taxes fixes seraient augmentées, qu'il conviendrait que celles-ci soient affectées en priorité à un encadrement des étudiants, notamment à des moniteurs, et le député Clerc est bien placé pour savoir que - notamment à la commission des finances, lorsque nous avons examiné les comptes de l'université - cette question a été soulevée. Nous avons expressément demandé qu'au cas où il y aurait des taxes fixes plus élevées - mais nous devrions encore l'accepter au Grand Conseil; c'est donc pour l'instant une hypothétique réelle, et non irréelle puisqu'il est question de cela - nous devrions, à ce moment-là, dans le budget de l'université, avoir une ligne budgétaire séparée pour qu'on soit assuré que les sommes provenant des taxes fixes soient consacrées à l'encadrement des étudiants.
Que voulez-vous de plus à l'occasion de l'examen d'une simple pétition ? Refaire l'ensemble de la politique universitaire ? Non, cela n'est pas possible ! Ce n'est pas sérieux ! Les réponses ont été apportées. D'autres réponses viendront par la suite en temps opportun, et c'est pourquoi la majorité de la commission vous demande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Quelques applaudissements.)
M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Si je n'ai pas été suffisamment précis lors de mon intervention, je vais rappeler deux ou trois choses. La commission de l'université examine actuellement deux documents, soit, d'une part, un projet de loi émanant d'un petit groupe de personnes extérieures à l'université, instituées en lobby visant au renforcement du rectorat - ce projet bidon provoque des discussions et un tollé d'oppositions comme nous n'en avons vu que rarement à la commission de l'université - et, d'autre part, une pétition signée par plus de quatre mille personnes de l'université.
Cette courte majorité s'apprête à faire passer à la poubelle une pétition de quatre mille personnes et d'accréditer comme une chose pertinente un projet fantoche d'un petit groupe de personnes extérieures à l'université. Voilà la réalité des travaux de la commission. La commission, qui n'a pas fait abstraction de toute sagesse, de toute réflexion et de toute intelligence dans ce débat, s'est retrouvée avec une majorité d'une voix pour examiner cette pétition qui a l'avantage de proposer un certain nombre de solutions simples. Vous voulez des recettes ? En voilà ! Vous voulez la démocratisation des études ? Eh bien nous vous montrons comment ne pas y attenter de manière directe ! Vous voulez le partage du temps de travail ? Voilà quelques solutions très simples et très pertinentes.
Ce qui dérange est peut-être de vouloir soustraire l'université à ses fins de recherche et d'enseignement, à son rôle véritable dans la Cité. On veut l'asservir à d'autres desseins, ce que le monde universitaire n'est pas prêt à accepter. Il est vrai, Monsieur le président, que quelques personnes manifestent à la tribune. Continuons à traiter l'université comme d'aucuns s'apprêtent à le faire, et vous verrez que des personnes ne manifesteront pas seulement à la tribune !
Une voix libérale. Ah, des menaces !
Mme Liliane Charrière Urben (S). Je crois que M. Lescaze n'a pas très bien écouté ce que nous avons dit précédemment. Nous ne sommes pas foncièrement opposés à une augmentation éventuelle des écolages. Nous avons demandé que cette augmentation, si elle se concrétise, soit affectée à l'encadrement des étudiants. Ce sont surtout des assistants qui manquent actuellement à l'université. Notez que c'est une façon très simple d'introduire un numerus clausus qui ne dit pas son nom ! En effet, les étudiants qui ont le moins de facilités ou qui accèdent plus difficilement à l'université sont les premiers à se noyer, puisqu'il n'ont pas suffisamment d'aide et d'encadrement.
Je suis étonnée par le côté lénifiant du rapport de majorité qui dit : «Peut-être bien que oui ! Peut-être bien que non ! Après tout, c'est pas si compliqué que cela !». Bref, on arrondit les angles !
Mme Howald avait défendu de manière virulente l'accès des femmes à des postes à l'université. Elle n'est pas là aujourd'hui, c'est son propre choix, mais un point m'étonne. Elle a oublié - amnésie étonnante ! - ce qu'elle déclarait il y a moins d'une année, à savoir la question des directives qui n'en sont pas, le droit de certains à des dérogations. Je pense que ces dérogations sont un peu accordées à la tête du client ou de la cliente. Alors, de deux choses l'une : soit il existe des directives claires et précises disant qu'au-delà de 27 ans on ne peut plus devenir maître-assistant, et de cela nous n'en voulons pas, soit il est dit clairement qu'il n'y a pas de limitation d'âge pour devenir maître-assistant.
Quant aux activités multiples des professeurs, Monsieur Lescaze, il est vrai que nous en avons parlé à la commission de l'université. Mais il est également vrai que la question est loin d'être réglée. Nous savons tous que des professeurs, parfois pour des raisons dues à la pénurie de professeurs dans des domaines bien particuliers au moment où ils ont été engagés, ont effectivement une double activité qui se développe soit entre plusieurs départements de l'Etat, soit entre une activité extérieure et une activité au sein de l'université. Nous savons parfaitement qu'il peut y avoir un intérêt à ce que des professeurs d'université aient à la fois un pied à l'université et un pied à l'extérieur sur le terrain.
Nous demandons expressément que les situations dépassant 120% soient dénoncées et rendues impossibles. Nous pouvons soutenir cette demande des étudiants et demander au Conseil d'Etat qu'il prenne un engagement sur ce plan. Les vagues promesses de faire attention à l'avenir ressemblent aux avertissements donnés à un enfant pour qu'il traverse dans les lignes. La première chose qu'il fait est de traverser en dehors lorsque personne ne le regarde. Nous promettre que l'on fera attention est beaucoup trop vague, trop lénifiant. Nous demandons au Conseil d'Etat de vérifier, cas par cas, les doubles activités qui dépassent 120 à 130%, de ne pas les renouveler dans l'avenir et, si possible, d'y remédier déjà maintenant. Je vous propose donc de soutenir le rapport de minorité.
Mme Liliane Maury Pasquier (S). Encore un complément de réaction aux propos tenus par M. Lescaze. Certes, l'état de l'université est préoccupant, et je pense que l'état des universitaires va aussi le devenir tant par les conditions financières que d'encadrement qui leur sont laissées. J'ajouterai que je remarque que les partis de droite ont une constance dans l'équité. Comme mes collègues Liliane Charrière Urben et Christine Sayegh l'ont déjà relevé, nous ne sommes pas opposés à une égalité des taxes pour tous les étudiants quelle que soit leur origine, mais, chez vous, l'égalité prend une forme particulière, comme pour la retraite des femmes où l'on passe à 64 ans au lieu de 62 ans... (Vague de protestations.)
M. John Dupraz. Eh, on n'a rien dit, et moi j'suis contre !
Mme Liliane Maury Pasquier. Et les mêmes taxes pour les étudiants, à la hausse, comme toujours !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. On peut entamer ce qui apparaît comme étant la fin de ce débat en rappelant un certain nombre d'éléments. Le premier élément concerne les taxes pour étudiants. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, la possibilité de poursuivre le régime dans lequel nous sommes, à savoir un traitement différencié en ce qui concerne les Genevois et les Confédérés. Cela nous a été communiqué à plusieurs reprises par des cantons universitaires appartenant au concordat que nous signons et dont nous bénéficions. Dès mon entrée en fonction, cet élément m'a été rappelé.
Il est donc indispensable que l'université de Genève, eu égard au concordat qu'elle a signé, s'engage à traiter sur un pied d'égalité les Genevois et les Confédérés. Dans la situation où nous nous trouvons, il n'est pas possible d'envisager de descendre la barre à zéro, malgré le souhait de certains. Cela est d'autant moins envisageable que les élèves étrangers payent 500 F par semestre.
Voilà la raison pour laquelle j'ai dit à la commission de l'université, à la commission des finances et à l'Association des étudiants que j'ai reçue récemment qu'il était souhaitable d'adapter les taxes universitaires au minimum au niveau des Confédérés mais, si possible, à 500 F par semestre pour tous. Je l'ai dit en relevant un autre fait qui n'a pas été évoqué ici. Vous vous souvenez que ce parlement a voté, à l'aube de la dernière législature, une loi d'encouragement aux études qui est, dans le système que nous connaissons, le meilleur de Suisse et qui permet à des étudiants, dont les parents n'ont pas de revenus suffisants, de bénéficier d'allocations d'entretien. Le fait d'y avoir droit les exonère automatiquement de la taxe dont ils devraient s'acquitter, quelles que soient les écoles.
Je n'ai entendu personne s'élever ici contre la pratique d'autres écoles professionnelles, comme le conservatoire de musique, dont les écolages ne sont pas négligeables. Je parle de la formation professionnelle du conservatoire de musique et non pas d'une formation facultative.
On a parlé de l'université de Zurich où une diminution du nombre d'étudiants a été constatée. Il semble que cette diminution soit liée au fait que les facilités qui permettaient aux étudiants de préserver leur statut d'étudiant une fois leurs études terminées pour bénéficier de certains avantages aient été supprimées. Ces renseignements nous ont été donnés lorsque nous nous sommes intéressés aux raisons pour lesquelles il y avait deux mille étudiants en moins à Zurich.
Je vous répète très clairement ce que j'ai dit à la commission de l'université, à la commission des finances et à l'Association des étudiants. Si vous voulez améliorer l'encadrement de première année, si vous souhaitez que l'université bénéficie de structures suffisantes, particulièrement en première année, je peux m'engager ici à ce que les taxes telles qu'elles seraient fixées soient affectées effectivement à cet effet. Je l'ai dit aux commissions concernées et aux étudiants, je le redis ici. Ce ne sont pas de vagues promesses, de vagues évocations. Cela sera suivi sur le plan budgétaire.
Je vous rappelle que vous aurez, en tant que parlementaires, à vous prononcer sur cette modification de la loi. J'aimerais rappeler que la démocratisation des études, comme le député Lescaze l'a dit au cours du débat, n'est pas nécessairement liée à la gratuité. C'est l'honneur de ce canton d'avoir un dispositif qui permet de veiller à ce que les inégalités matérielles et sociales puissent être compensées. Rien ne sera jamais parfait, c'est vrai ! Mais ce dispositif est important. Il est loin d'être négligeable.
S'agissant des assistants, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents arguments concernant l'âge des assistants. Mais il y en a un que je n'ai pas entendu. Il concerne la relève à l'université et la solidarité avec les étudiants. Je n'ai pas remarqué le moindre intérêt pour que le statut d'assistant - qui permet de faire un doctorat durant une période donnée, de renforcer ses connaissances universitaires tout en bénéficiant d'un avantage financier pour subsister - puisse bénéficier à un plus grand nombre. Le statut d'assistant n'est pas destiné à durer, ni à offrir une situation professionnelle stable. Lorsque l'université estime qu'il est souhaitable que, passée une certaine période, les étudiants et assistants puissent, à la suite de leurs études, s'intégrer dans la vie active, elle le fait souvent sur la base d'expériences.
Vous parlez des exceptions. De nombreuses exceptions sont dues aux problèmes qui touchent les femmes et à la loi sur l'université que vous avez votée et qui demandait précisément à l'université de tenir compte de la situation particulière des femmes. Je vous engage vivement à ne pas regretter ces exceptions, à accepter ces directives parce qu'elles sont aussi un gage de chance pour les étudiants qui, terminant leur licence, espèrent, eux aussi, devenir assistants. L'université a besoin de cette relève.
Le troisième point concerne le salaire des professeurs. Nous sommes d'accord avec les étudiants en ce qui concerne les salaires de ceux bénéficiant, pour des raisons diverses, d'occupations supplémentaires. J'ai étendu cette demande à l'ensemble de mon département, parce qu'il est vrai que cette pratique existe et que, dans ces temps difficiles, les personnes exerçant une activité à 120 ou 130% laissent moins d'heures disponibles à ceux qui souhaiteraient être maîtres-suppléants et bénéficier d'une charge dans l'enseignement. En donnant des cours à l'extérieur, et notamment dans des établissements subventionnés, certains font une sorte de détournement des opportunités offertes à d'autres de disposer d'une place et d'un premier emploi. C'est aussi vrai en ce qui concerne la répartition des charges des professeurs d'université. Ce sujet a été abordé sérieusement, particulièrement pour les facultés très directement concernées. Cette politique générale ne concerne pas le simple cas de l'université.
Le quatrième sujet traite du problème des professeurs ordinaires et des professeurs adjoints. Ce problème a été réglé par une loi votée récemment et qui permet justement de mettre en vigueur cette possibilité d'avoir des professeurs adjoints lorsqu'il n'est pas nécessaire de nommer des professeurs ordinaires.
Je terminerai par l'évocation - qui paraît très sympathique - de la répartition des salaires et du «tassement» des salaires des professeurs. Il est vrai que, dans un premier temps, cette mesure semble sympathique, solidaire et être un bon moyen pour régler certains problèmes budgétaires. Mais je crois, à long terme, qu'aucune université, dont la vocation n'est pas seulement régionale et qui veut rayonner par la qualité de ses professeurs venant d'horizons divers, ne peut se permettre de pratiquer ce genre de politique salariale à l'égard de ses professeurs. Tout cela a longuement été expliqué à la commission de l'université. Toutes ces explications ont donné lieu à des questions, des argumentations et, finalement, des décisions.
Je vous engage très fermement, pour l'avenir de l'université et pour renforcer son encadrement dans des circonstances budgétaires difficiles, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Christine Sayegh (S). Je crois qu'il y a une erreur sur l'interprétation de la limite d'âge. Aujourd'hui, bien des personnes peuvent faire des études, pas seulement au sortir du bac. D'ailleurs, on remarque également qu'avec trois ans de formation professionnelle on peut entrer à l'université sans avoir passé la maturité. Donc, je pense qu'il n'y a pas une opposition entre supprimer la limite d'âge ou ne pas en mettre et limiter la durée de l'assistanat. Des personnes qui entreprennent une deuxième formation ou qui commencent plus tard leurs études doivent également avoir accès à l'assistanat.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Madame la députée, je me permets de vous rappeler que le passage à l'assistanat est aussi un moyen de faire une carrière universitaire. L'un des soucis de l'université, qui avait d'ailleurs été évoqué au moment où la loi sur l'université concernant les femmes a été traitée, est que, passée une certaine période, la perspective de carrière universitaire est très limitée. En conséquence, il a paru préférable d'évaluer les possibilités véritables à l'intérieur de l'université en fonction des potentiels, notamment celui de l'âge.
Je rappelle encore une fois, et vous l'avez dit vous-même, qu'il y a des exceptions en fonction des situations, des profils et des possibilités réelles de carrière. Ces éléments sont précisément les raisons pour lesquelles on pratique des exceptions. C'est également pour cela que la limite d'âge, telle qu'elle est, n'est qu'une directive qui n'est pas appliquée de façon rigide et peut être assouplie en fonction des situations des uns et des autres.
M. Jacques Boesch (AdG), rapporteur ad interim. Monsieur le président, malgré vos hochements de tête signifiant que vous êtes très pressé de passer sur les problèmes de l'université, je vais... (Vives protestations.) Eh bien, s'il faut y passer encore une heure, on le fera ! (Manifestations rageuses. M. Halpérin proteste.) Mais, Monsieur Halpérin, si ce n'est pas ce soir, cela sera la prochaine fois.
Le président. On y passera tout le temps que vous voulez, Monsieur Boesch, mais le Grand Conseil viendra le 3 juin.
M. Jacques Boesch, rapporteur ad interim de la minorité. J'y serai, Monsieur le président ! Je crois qu'en classant verticalement ou horizontalement cette pétition il reste tout de même une ambiguïté. J'en veux pour preuve la nécessité pour Mme Martine Brunschwig Graf d'argumenter sur les problèmes qui ont été posés. En fait, les questions posées par cette pétition sont pertinentes. Qu'on le veuille ou non, elles devront être traitées. Les évacuer simplement en déposant la pétition sur le bureau du Grand Conseil n'est pas une bonne solution. Je crois, Madame la présidente, qu'il faut accepter ces questions, continuer à y apporter des réponses circonstanciées et à y réfléchir. Je vous conjure de ne pas passer la main ainsi. Pour bien manifester cette volonté, je demanderai l'appel nominal (Appuyé.) pour que chacun puisse se prononcer individuellement sur ce sujet. (Vague de mécontentement sur les bancs de la droite.)
Le président. Madame la secrétaire, veuillez vous préparer à faire l'appel nominal. Je compte sur un silence suffisant pour qu'on puisse entendre vos réponses.
Celles et ceux qui acceptent les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, répondront oui, et celles et ceux qui les rejettent répondront non.
Les conclusions de la commission sont adoptées par 52 oui contre 40 non.
Ont voté oui (52) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Roger Beer (R)
Dominique Belli (R)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Catherine Fatio (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Jean Montessuit (DC)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Françoise Saudan (R)
Philippe Schaller (DC)
Micheline Spoerri (L)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Michèle Wavre (R)
Ont voté non (40) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Anne Briol (E)
Fabienne Bugnon (E)
Micheline Calmy-Rey (S)
Claire Chalut (AG)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Anita Cuénod (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
Sylvie Hottelier (AG)
Liliane Johner (AG)
Sylvia Leuenberger (E)
René Longet (S)
Jean-Pierre Lyon (AG)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)
Liliane Maury Pasquier (S)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Chaïm Nissim (E)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Maria Roth-Bernasconi (S)
Christine Sayegh (S)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Claire Torracinta-Pache (S)
Pierre Vanek (AG)
Etaient excusés à la séance (5) :
Erica Deuber-Pauli (AG)
Claude Howald (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Laurent Rebeaud (E)
Nicolas Von der Weid (L)
Etaient absents au moment du vote (2) :
Andreas Saurer (E)
Max Schneider (E)
Présidence:
M. Hervé Burdet, président.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le nombre important de familles ayant recours à des accueils familiaux;
- le risque, en période de chômage touchant particulièrement les femmes, de voir s'étendre des accueils d'enfants «au noir», sans critères d'évaluation, sans suivi et sans sécurité;
- les coûts relativement élevés, pour les familles modestes, de tels placements, les incitant à confier leurs enfants en évitant les structures officielles;
- la difficulté pour les services chargés de la surveillance de ces placements d'assurer un suivi régulier (manque de postes);
- l'importance que ce type de placement dispose d'un maximum de garanties pour le bien-être et le développement harmonieux des enfants placés,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier, en collaboration avec les communes et les associations s'occupant de ce problème, la possibilité de créer une structure de type fondation de droit public pour les accueils familiaux;
- à maintenir le mandat de l'évaluation et de la surveillance aux services de la Protection de la jeunesse.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Pour des parents qui travaillent tous les deux, pour les pères ou mères seul(e)s au foyer ou encore pour ceux qui sont dans l'impossibilité de garder momentanément leurs enfants auprès d'eux, placer son ou ses enfants devient un problème difficile. Les crèches en certains endroits sont surchargées, les grands-parents ne sont pas toujours disponibles. Les structures offertes par la collectivité publique (parascolaire par exemple) ne correspondent pas systématiquement aux horaires de travail des parents. Dès lors le placement dans des familles d'accueil est une alternative très valable et présente un intérêt certain. L'enfant reste dans un contexte familial, il bénéficie d'un accueil personnalisé, le nombre d'enfants n'est pas trop important et permet donc une socialisation en douceur, les contacts entre familles d'accueil et familles placeuses sont fréquents, etc. Malheureusement ce tableau est rarement aussi idéal, et de nombreux problèmes surgissent:
1. Le coût du placement, environ 35 F par jour, s'avère trop élevé pour certaines familles modestes. Des aides peuvent il est vrai être obtenues, mais une fois de plus c'est une démarche qui place les gens dans une situation d'assistés, difficile à accepter pour certains.
2. Les services de Protection de la jeunesse (ci-après PDJ), mandatés pour l'évaluation et la surveillance de ces familles, ne parviennent plus malgré leurs efforts à suivre tous les dossiers, ni à être suffisamment présents lors des mises en contact entre les familles. Aujourd'hui, ce sont plus de 600 familles d'accueil qu'il faut accompagner, s'occupant d'environ 2000 enfants !
3. Les familles sont souvent livrées à elles-mêmes dans les problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Si une famille placeuse ne paie pas les montants dus à la famille qui garde son enfant, c'est cette dernière qui doit se débrouiller seule pour tenter de se faire payer, voire même de mettre aux poursuites les parents de l'enfant qu'elle accueille. Difficile situation que d'entrer en conflit avec le père ou la mère d'un enfant avec lequel on a créé des liens d'affection.
4. L'ampleur prise par le chômage pousse des femmes à proposer leurs services pour de la garde d'enfants en-dessous des prix habituels, alors qu'elles n'ont pas été accréditées par la PDJ, et ne bénéficient donc d'aucun conseil ni suivi. Dans ces situations, les mesures élémentaires de sécurité ne sont pas toujours respectées, ni le nombre maximum d'enfants admis en général.
Cette énumération de difficultés montre bien l'importance de se pencher sans tarder su ce problème. L'accueil d'enfants dans des familles est une alternative qu'il ne faut pas négliger et qui présente beaucoup d'avantages si elle était encore développée:
- décharges de systèmes existants, crèches, parascolaire, restaurants scolaires, etc.;
- possibilités d'accueil avec horaire souple, y compris pendant les vacances;
- prise en charge des enfants même s'ils sont malades;
- accompagnement possible à des rendez-vous de médecins, à des traitements ou encore à des cours (musique, sport, etc.);
- possibilités d'adaptation immédiate en fonction d'un changement de situation;
- prise en charge des enfants dans une ambiance familiale, que tant d'enfants souffrent de ne pas connaître.
Cette motion propose donc de créer une structure de type fondation de droit public, chargée de gérer, avec les communes et avec des associations concernées, les accueils d'enfants dans des familles. (Pro Juventute a beaucoup travaillé sur cette problématique dans d'autres cantons). Il deviendrait alors possible, grâce à une telle structure, d'améliorer le recrutement de familles d'accueil, de leur fournir conseils et surtout formation, d'organiser des conférences et discussions entre familles, de les conseiller face à certains problèmes de type pédagogique ou psychologique et enfin de faciliter leurs contacts avec les divers services sociaux communaux ou cantonaux. Autre avantage qui nous paraît très important: diminuer au maximum les risques de placements «clandestins» ou d'enfants laissés livrés à eux-mêmes. Le financement de cette fondation pourrait être assuré par les paiements des parents, par des cotisations et dons, ainsi que par des subventions des pouvoirs publics. Le principe des «vases communicants» permettra d'éviter de nouvelles dépenses importantes. En effet, chaque enfant placé dans une famille est un enfant en moins dont les structures publiques ont la charge.
La PDJ devrait bien évidemment conserver le mandat d'évaluation des familles et la «surveillance» de celles-ci, comme l'exige d'ailleurs l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants (extraits en annexe).
Il ne s'agit pas de créer par cette proposition une structure lourde, complexe et onéreuse. Au contraire, il s'agit, sous une instance générale, de décentraliser l'organisation des accueils familiaux en permettant ainsi aux problèmes spécifiquement locaux d'être pris en compte en fonction d'une réalité propre. La collaboration avec les institutions publiques ou privées locales est aussi à privilégier. Reste l'aspect financier. Le parascolaire est subventionné, les crèches aussi, les institutions spécialisées prenant en charge des enfants, de même. Les familles d'accueil ne le sont pas. Et pourtant elles devraient pouvoir être reconnues aussi comme un service à la communauté et devenir, au vu des intérêts cités plus haut, concurrentielles avec d'autres types de placements. Enfin, toutes ces structures offrent des prises en charge financièrement supportables pour tous, puisque proportionnelles aux revenus des parents, principe qui devrait désormais être pris en compte dans le cadre des accueils familiaux.
En conclusion l'offre de prise en charge des petits enfants à Genève devrait pouvoir être multiple, en permettant aux parents, quelles que soient leur conditions et leurs motivations, de trouver un accueil permettant à leur enfant de s'épanouir harmonieusement et dans un contexte de bien-être.
C'est pour cette raison que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette proposition de motion.
ANNEXE
Extraits de l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants:
Art. 5, al. 1
1. L'autorisation (de placement) ne peut être délivrée que si les qualités personnelles, les aptitudes éducatives, l'état de santé des parents nourriciers et des autres personnes vivant dans leur ménage, et les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficiera des soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants dans la famille sera sauvegardé.
Art. 10
1. L'autorité désigne une personne compétente qui fera au domicile des parents nourriciers des visites aussi fréquentes qu'il le faudra, mais au moins une fois par an.
2. La personne chargée de ces visites doit s'assurer que les conditions auxquelles est subordonné le placement sont remplies; elle conseille les parents nourriciers et les aide à surmonter les difficultés qui se présentent.
Art. 12
1. les personnes qui publiquement s'offrent à accueillir régulièrement dans leur foyer, à la journée et contre rémunération, des enfants de moins de douze ans doivent l'annoncer à l'autorité.
2. Les dispositions concernant le placement d'enfants chez des parents nourriciers s'appliquent par analogie à la surveillance qu'exerce l'autorité en cas de placement à la journée (art. 5 et 10).
Compétences à Genève:
Le groupe d'évaluation continue des lieux de placement pour enfants et adolescents du service de Protection de la jeunesse est chargé de l'application de la présente ordonnance. Il délivre les agréments et les autorisations aux personnes désireuses d'accueillir un ou des enfants étrangers à leur propre famille.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). La problématique des placements familiaux est importante. A l'heure actuelle, le nombre de placements est en augmentation, de même que les difficultés de nombreuses familles en raison notamment de la gestion du temps, de l'obligation de travailler, des difficultés financières. Le suivi par les services compétents est aussi difficile par manque de forces.
On se retrouve parfois dans des situations à risques. Des familles non accréditées, sans appui ni conseil, s'occupent parfois de plusieurs enfants dont, souvent, ils ne savent véritablement que faire. Des conditions ne respectent pas les garanties visant à offrir à chaque enfant un développement le plus harmonieux possible.
L'accueil en milieu familial est une alternative à préserver, y compris, bien sûr, les accueils bénévoles. Il répond aux besoins de nombreux enfants et parents. Ce type d'accueil est souvent fort positif et très chaleureux.
Cette motion vise donc à mettre en place des moyens de maintenir, voire de développer, le placement familial, cela sans créer de structures lourdes, onéreuses ou dissuasives pour les familles. Des fonctionnements divers existent. Pro Juventute a, par exemple, travaillé à la mise en place, dans d'autres cantons, de structures fort intéressantes dont il serait peut-être possible de s'inspirer. De son côté, la commune de Meyrin vient d'élaborer et de mettre en route un projet d'association fort intéressant lui aussi. Il existe, dans certains quartiers de la ville, des crèches familiales mais, malheureusement, fort chères et donc difficilement réalisables à une plus large échelle.
Bref, des idées existent et il serait judicieux de les confronter et d'imaginer un projet permettant à Genève un fonctionnement en vue d'encourager les accueils familiaux tout en se donnant les garanties nécessaires au bon développement des enfants. C'est pourquoi je vous propose le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.
M. Bernard Annen (L). Si j'ai bien entendu Mme Reusse-Decrey, elle a proposé le renvoi en commission. Nous sommes d'accord avec le renvoi en commission. (Rires amusés.)
Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adoptée.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mme Charrière Urben a développé une interpellation urgente concernant l'office de la jeunesse, ses problèmes et, notamment, ce qui a été évoqué par différents journaux. Je lui réponds brièvement.
Madame, vous arrivez à la fois trop tôt et trop tard. En ce qui concerne le trop tard, c'est un point positif étant donné que tous les employés de l'office de la jeunesse ont reçu de ma part une lettre qui répondait à leurs inquiétudes sur leurs prestations individuelles et les raisons pour lesquelles ils n'étaient pas directement concernés.
Vous arrivez trop tôt, puisque le juge chargé de procéder aux enquêtes nécessaires dans le cadre de ce qui s'était déroulé dans une affaire connue est en train de nous remettre son rapport. Nous n'avons donc pas pu prendre connaissance de son contenu et ne pouvons pas parler des mesures proposées. Cela signifie, Madame, que nous sommes parfaitement conscients de l'inquiétude des assistants sociaux qui se sont exprimés, que c'est la raison pour laquelle je me suis adressée individuellement à chacun d'eux et que, en conséquence, nous sommes conscients qu'il faut examiner sur un plan plus large le fonctionnement de nos différents services qui, comme je l'ai rappelé, ont pris une dimension relativement importante et dont la coordination n'est pas, je vous le concède, toujours parfaite. Nous reparlerons de ce deuxième élément devant ce Grand Conseil.
Cette interpellation urgente est close.
La séance est levée à 23 h.