Séance du jeudi 26 mai 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 7e session - 16e séance

PL 6919-A
15. a) Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Liliane Johner, Philippe Joye, Philippe Fontaine, Max Schneider et Georges Jost modifiant le code de procédure pénale (attribution des fonds confisqués en matière de trafic de stupéfiants) (E 3 5). ( -) PL6919
 Mémorial 1994 : Annoncé, 6933. Projet, 7587. Commission, 7603.
Rapport de M. Pierre-François Unger (DC), commission judiciaire
PL 7094
b) Projet de loi de la commission judiciaire sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie (E 3 18). ( )PL7094

Le projet de loi 6919, modifiant le code de procédure pénale, a été déposé en novembre 1992 sous la signature de députés représentant tous les partis représentés au Grand Conseil.

La commission judiciaire, à laquelle ce projet avait été renvoyé, l'a étudié au cours des séances du 25 février 1993. Jacquet) et des 13 et 20 janvier, 3 février, 3 mars, 14 et 21 avril 1994 sous la présidence de M. Fontanet. M. G. Ramseyer, conseiller d'Etat et chef du département de justice et police et des transports (DJPT), a assisté à plusieurs reprises aux séances de la commission et M. R. Riat, secrétaire-adjoint au DJPT, a efficacement secondé la commission dans ses travaux.

Introduction

Le montant du trafic de la drogue atteint 500 milliards de dollars par an, représentant ainsi un volume de transactions de tout première importance. L'argent généré par cette activité non seulement illicite mais plus encore immorale est pour la plus grande part (estimée à plus de 300 milliards de dollars par an) blanchi par l'intermédiaire de circuits financiers fort complexes. La grande compétence du Parquet genevois, que notre Grand Conseil a récemment renforcé aux fins de lui permettre de lutter plus efficacement dans le domaine de la grande criminalité, permet cependant depuis quelques années de mettre la main sur des fonds criminels liés au trafic de drogue, que ce soit par confiscation, dévolution ou rétrocession selon des accords de partage avec des autorités étrangères.

Le problème de la drogue, de la criminalité qui lui est liée, de sa culture, dont la rentabilité étouffe l'agriculture vivrière et de ses conséquences dramatiques sur l'individu tant au plan médical, familial que social, est d'une immense complexité. Il n'est pas dans l'esprit des auteurs de ce projet de loi d'imaginer régler par celui-ci l'ensemble des problèmes liés à la drogue. En revanche, ce projet de loi veut affirmer une volonté politique claire de prendre en compte cette complexité par une loi spécifique concernant l'affectation de l'argent provenant du trafic de la drogue.

Auditions

. .

Mme Menchu, représentante des paysans et des peuples d'Amérique du Sud, affirme que beaucoup de paysans, bien que conscients des problèmes liés à la drogue, n'ont pas de choix économiques de survie en dehors de la production de coca. Elle affirme en outre que la culture de coca porte atteinte aux cultures vivrières. Elle souligne par ailleurs que l'aide rendue possible par les fonds recueillis dans le cadre de ce projet de loi devrait être utilisée prioritairement à des fins d'éducation et de formation. L'adoption de cette loi constituerait un acte symbolique.

M. M. D. Soom, secrétaire-adjoint du département des finances

Après avoir rappelé le rejet de la motion 757 proposant l'augmentation des subventions en faveur de l'aide au développement, le 12 février 1993, par le Grand Conseil, M. Soom précise que le crédit actuel à la coopération technique est de 2,3 millions, soit le plus élevé de Suisse à part Zurich. Il rappelle que l'essentiel des crédits alloués à la coopération technique provient de la Confédération (1,777 milliards de F contre 28,2 millions provenant des cantons). La Suisse consacre 0,35% du PIB à l'aide au développement, le but à atteindre par les pays du comité de l'aide au développement étant de 1%. M. Soom estime ce projet de loi irréaliste dans son volet de prévention de la production de drogue, et précise qu'il ne suit pas les règles budgétaires en cours. Il concède néanmoins qu'il existe des lois récentes qui, elles aussi, enfreignent la règle budgétaire de la «non-affectation».

M. M. A. Rodrik, directeur de cabinet du département de l'action sociale et de la santé

La prévention se prépare et se planifie, ce qui est peu compatible avec des revenus aléatoires. Il rappelle la politique genevoise en matière de lutte contre la toxicomanie qui n'est ni laxiste ni uniquement répressive et en évoque les caractéristiques: constance, complémentarité, modération et diversité. Il souligne un premier effet bénéfique de ce projet de loi qui a déjà suscité sur le terrain un regroupement des différents acteurs du terrain.

M. M. B. Bertossa, Procureur général

Il ne faut pas opposer répression et prévention, que ce soit au niveau de la toxicomanie ou dans le domaine de la production. En matière de fonds tels que ceux visés par ce projet de loi, M. Bertossa rappelle qu'il s'agit de ressources aléatoires (0,48 Mio en 1990, 0,33 Mio en 91, 3,33 Mio en 92, 12 Mio en 93). Le partage des fonds entre Genève et les Etats-Unis n'est pas l'objet d'un accord, mais d'arrangements ponctuels. M. Bertossa exprime sa crainte, en cas d'adoption du projet de loi, quant à la possibilité de pouvoir négocier de nouveaux accords de partage. Il précise enfin que les confiscations sont déjà budgétisées pour 1994 et que l'adoption de ce projet de loi représenterait une dépense supplémentaire de l'Etat.

M J.-L. Pittet, Mme M. Clavijo-Musy, Fédération genevoise de coopération (FGC)

La culture de la drogue entraîne la destruction du tissu social et est une cause de violence dans les pays producteurs. Il y a besoin d'une prévention à la consommation dans les pays producteurs. Il faut en outre prévenir l'affectation de nouvelles surfaces destinées à la culture de coca. L'expérience montre en effet qu'il n'est pas possible de revenir en arrière une fois que cette culture est établie.

Concernant la coopération dans le cadre de la promotion de cultures alternatives, un certain nombre de projets peuvent être mis sur pied grâce à un montant unique de départ, le suivi pouvant être assuré par les fonds propres de la FGC.

La FGC gère environ 5 millions de francs, existe depuis 27 ans et est dotée d'une importante infrastructure où travaillent de nombreux bénévoles.

M. M. P. Schneider, M. R. de Battista, Mme L. Fehlmann-Rielle, Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances

La Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances est née du souci de coordination, en termes de prévention, de différents partenaires agissant sur le terrain. Cette plateforme exprime sa volonté de promotion d'un projet global, y compris à l'école où la prévention est un peu délaissée et rappelle les principes de la prévention en matière de toxicomanie: information accessible à tous, promotion de la santé communautaire, participation de la population à l'élaboration des projets la concernant, facilitation de l'accès aux services et aux prestations.

Discussion générale

Le premier projet (PL 6919) mis en discussion à la commission judiciaire, que l'on trouvera en annexe, vise la modification du code de procédure pénale et propose la création d'un fonds constitué du fruit de toute confiscation ou dévolution, au sens des articles 58 et 59 du code pénal suisse, en relation avec une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il prévoit en outre une attribution de ce fonds pour un tiers aux organismes locaux publics ou privés travaillant à la prévention de la toxicomanie concernant la population genevoise, dont la gestion reviendrait au département de l'action sociale et de la santé, et pour les deux tiers restants à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers-monde, afin de soutenir aussi bien des programmes de production et d'activités alternatives dans les pays producteurs que des programmes de prévention de la toxicomanie dans ces pays (gestion de ce fonds par le département des finances).

Préalablement à l'étude de ce projet de loi, tous les commissaires ont tenu à rendre hommage à la politique menée par le Gouvernement, que ce soit en matière de lutte contre la criminalité économique, en matière de répression du trafic de stupéfiants, mais aussi dans le domaine si délicat de la prise en charge des toxico-dépendants.

Un premier tour de table permet de mettre en relief un point de divergence essentiel dans la commission: celui du principe même de l'affectation de fonds. L'affectation de recettes doit être évitée dans la mesure du possible, puisqu'elle prive le Parlement de son pouvoir de contrôle direct des dépenses. Il existe toutefois quelques exceptions dans la législation genevoise (loi sur l'aide à domicile, loi sur la faune par exemple). Si la majorité des commissaires s'accorde à considérer que le principe de l'affectation représente un acte «d'auto-castration» du Grand Conseil, une autre majorité considère néanmoins que les fonds provenant de l'activité gravitant autour du trafic de la drogue ne peuvent être considérés de la même manière, au plan moral ou éthique, que les revenus ordinaires ou extraordinaires de l'Etat. Zurich vient par exemple d'affecter à la lutte contre le SIDA une somme de 2,5 millions provenant de l'argent de la drogue.

La difficulté du contrôle de l'usage des fonds versés dans le cadre de la coopération est aussi évoquée. Néanmoins, la Fédération genevoise de coopération (FGC) a fait la preuve depuis plus de deux décennies, du sérieux non seulement de ses projets, mais également de la qualité du suivi qu'elle leur assure.

La gestion de montants, par définition aléatoires dans le cadre de confiscations ou de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants, est-elle compatible avec des projets de qualité? Il existe, tant du côté de la FGC que de la Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances, aussi bien des projets ponctuels que des projets s'inscrivant sur une certaine durée.

La motivation de la police ou des magistrats peut-elle être entamée en cas d'adoption de ce projet de loi? La réponse du Procureur général, M. B. Bertossa, est sans équivoque: la seule motivation des susnommés est bien l'efficacité de la justice.

L'entrée en matière est votée par 8 oui (3ADG, 2Soc., 1E., 1Rad., 1DC) contre 6 non ( 5Lib., 1DC).

Suite à l'entrée en matière, la commission, unanime, décide d'élaborer un nouveau projet qui maintienne les objectifs politiques du projet de loi initial, mais qui tienne mieux compte des difficultés budgétaires que connaît actuellement l'Etat: la fixation d'un plafond à ce fonds est acceptée par tous (3 millions au maximum, art. 2, lettre c du nouveau projet de loi). La fixation d'un plancher, compte tenu du budget 1994 qui prévoit 3,5 Mio de rentrées au titre de confiscations ou dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants, est également envisagée. De l'avis d'une majorité de la commission cependant, la fixation d'un tel plancher vide le projet d'une partie de son sens politique. C'est la raison pour laquelle l'idée de ce plancher est abandonnée. En revanche, pour éviter d'interférer avec le budget 1994, il est décidé de fixer dans la loi (art. 5) son entrée en vigueur au 1er janvier 1995.

Ce fonds est alimenté par la moitié des sommes provenant de confiscations, de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants ou provenant d'accords de partage conclus avec des autorités étrangères (art. 2, lettres a et b), l'autre moitié rentrant dans les recettes de l'Etat.

Enfin, l'affectation du fonds se fera pour 50% aux organismes locaux travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise (gestion par le département de l'action sociale et de la santé) et pour les autres 50% aux organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde (gestion par le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales), (art. 3). Le Conseil d'Etat garde ainsi le contrôle de la gestion du fonds (art. 4).

Le projet de loi ainsi amendé est accepté par 9 oui (2 ADG, 2 Soc., 1 E., 2 Rad., 2 DC) contre 4 non (Lib.).

Les messages politiques que la majorité des commissaires entend faire valoir par ce projet de loi sont les suivants: 1) l'argent provenant du trafic de la drogue n'est pas de même nature que les recettes habituelles de l'Etat, ce qui peut à titre exceptionnel en justifier l'affectation; 2) le problème de la drogue est inextricablement complexe, mais ce projet de loi affirme l'importance de notre intervention aux deux pôles de ce problème: pays producteurs de drogue d'une part et individus souffrant des conséquences de la consommation d'autre part. Enfin, ce projet reste réaliste, prévoyant un montant maximal de 3 millions dévolus à ce fonds, tenant ainsi compte des graves difficultés budgétaires que connaît notre canton.

C'est les raisons pour lesquelles nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter ce nouveau projet de loi tel que proposé par la majorité de la commission judiciaire.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey et Liliane Johner, et MM. Max Schneider, Philippe Fontaine, Philippe Joye et Georges Jost

Dépôt : 13 novembre 1992

PL 6919

projet de loi

modifiant le code de procédure pénale

(E 3 5)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article unique

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit :

Art. 218 K (nouveau)

Infraction

Attribution et gestion

du fonds

1 Lorsqu'une confiscation ou une dévolution au sens des articles 58 et 59 du code pénal suisse est en relation avec une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, son produit est attribué à un fonds destiné à la prévention de la production de drogue, à des programmes de cultures et d'activités alternatives, ainsi qu'à la prévention de la consommation.

2 Le département de la prévoyance sociale et de la santé publique est chargé de la gestion du tiers de ce fonds qui doit être affecté aux organismes locaux publics ou privés travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise.

3 Le département des finances et contributions est chargé de la gestion des deux autres tiers de ce fonds qui doit être affecté à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers-monde :

a) au soutien de programmes de production et d'activités alternatives dans les pays où l'on cultive et/ou transforme des plantes à drogue ;

b) au soutien de programmes visant à la prévention de la toxicomanie dans ces pays, en particulier auprès des jeunes.

Premier débat

M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Il est tellement banal de dire à quel point la drogue représente un fléau économique, social et sanitaire...

Il est tellement banal de dire que la lutte contre la drogue doit comporter des volets divers et complémentaires, qu'il s'agisse de répression, de prévention, prévention de la consommation mais aussi de la production, enfin, qu'il s'agisse de traitements nécessairement adaptés aux besoins spécifiques de chaque toxico-dépendant.

Il est tellement banal de dire que les trafiquants et leurs méthodes d'enrichissement inspirent le dégoût.

Il est dès lors tellement banal de considérer que l'argent provenant du trafic de la drogue n'est pas un argent comme les autres.

Tout cela est tellement banal qu'il aurait pu paraître normal de redistribuer cet argent dans le but de contribuer à limiter les effroyables ravages de ce fléau.

Cependant, il est légitime de prendre en compte l'état actuel des finances cantonales. Il est correct de considérer que l'affectation budgétaire constitue, en règle générale du moins, une erreur en termes de stratégie budgétaire.

Il est vrai aussi que des projets, tant en termes de coopération que de prévention locale, se doivent, pour être bons, d'être réalistes, bien préparés, et donc limités.

C'est bien parce qu'il fallait tenir compte de ces réserves que le projet de loi 6919 n'était pas acceptable dans sa forme initiale. Mais c'est bien aussi parce qu'il est indispensable d'affirmer avec force notre volonté politique de ne pas «banaliser» l'argent provenant du trafic de la drogue. C'est bien aussi parce qu'il faut affirmer, par un acte politique non seulement clair, mais aussi concret, notre souci de prendre en compte la complexité du problème de la drogue que je vous demande de voter le nouveau projet de loi tel qu'amendé par la majorité de la commission judiciaire.

M. Max Schneider (Ve). Le problème de la drogue n'existe pas seulement pour nous en Suisse; c'est un problème surtout dans les pays producteurs, où toute une partie de la population est touchée. Il y a une dizaine d'année, les milliers d'enfants des rues de Bogota respiraient, pour s'endormir et supporter le froid de toute une nuit à 2500 mètres d'altitude, un peu d'essence dans une boîte qu'ils faisaient remplir par le pompiste. Aujourd'hui, ils ont remplacé l'essence par de la marijuana, bien souvent coupée de cocaïne.

La prévention dans le tiers-monde prend tout son sens, notamment pour ces milliers d'enfants touchés par ce fléau. Mais il faut dire qu'ils y sont encouragés par les pays producteurs avec des moyens que je n'expliquerai pas. Nous sommes directement touchés par les «mules», qui viennent chez nous parce qu'elles ne survivent pas dans la misère effroyable des bidonvilles. Aujourd'hui, aucun projet de développement ne peut être soutenu, car il serait de trop grande envergure.

Je ne pense pas que ce projet de loi offre une solution au problème. Lorsque j'étais en Colombie, il y a environ quinze ans, je trouvais incroyable que la police genevoise puisse venir enquêter en Colombie, saisir 5 millions de dollars, et que cet argent aille grossir les caisses de la Confédération comme pour blanchir cet argent saisi à des trafiquants.

Voilà pourquoi il y a six ans, nous avions très gentiment demandé à M. Ziegler où allait l'argent de la drogue. Notre cher conseiller d'Etat n'en avait jamais entendu parler. Toutefois, après quelques éclaircissement, on a su qu'il allait dans les caisses sociales de la police.

Je crois que ce geste est symbolique, qu'il a la plus haute importance, parce que dans l'ensemble des cantons suisses, on va certainement pouvoir suivre l'exemple de Genève. Au niveau de la Confédération, je souhaite aussi que cet exemple soit donné et que les autres Etats, notamment la France, puissent suivre aussi notre exemple.

En France, ce pays qui lutte aussi contre le trafic de drogue, il a été estimé, en 1991, qu'environ 100 millions de francs français de trafic de drogue avaient pu être identifiés et saisis. 100 millions sur un trafic estimé à environ 14 milliards de francs français, soit un résultat minime de la lutte contre la drogue en France.

Bien souvent, les banques françaises, comme le rapport Larcher le démontre, ouvrent des succursales dans les paradis fiscaux. Elles prennent de l'argent sale et, ensuite, depuis ces paradis fiscaux, cet argent va en France où il est blanchi de manière tout à fait légale.

Si, par hasard, un procureur en vient à dénoncer cette fraude, le gérant de la banque succursale française en question sera puni et abandonné à son sort. Il est certain que ce mécanisme se répète en Suisse. Nous voyons donc la complexité du problème. Comment faire pour enquêter dans nos banques ? Nous savons que c'est très compliqué, voire impossible.

Symboliquement, ce projet revêt toute son importance, non seulement pour la prévention dans le tiers-monde, mais aussi chez nous. Lorsque l'on constate les énormes problèmes que rencontrent des jeunes qui doivent aller à Champ-Dollon, on pourrait peut-être agir concrètement ici à Genève. C'est un véritable défi qui a été relevé par la commission judiciaire. Je félicite tous leurs participants parce qu'ils sont arrivés à trouver un bon compromis constructif. Merci encore à ce rapporteur qui a bien relaté nos débats.

M. Philippe Schaller (PDC). Il n'y a pas grand-chose à ajouter au rapport de notre collègue Unger sur ce projet de loi issu de la commission judiciaire, et que la majorité a voté.

Toutefois, je désire rassurer ceux qui, parmi nous, seraient contre ce projet de loi, en leur assurant, tout d'abord, que les deux associations qui bénéficieront de subventions sont reconnues pour la qualité de leurs projets, à savoir, la Coopération au développement dans le tiers-monde et la plate-forme qui regroupe un certain nombre de professionnels et d'associations, tant privées que publiques, oeuvrant dans le domaine de la prévention.

Le deuxième élément consiste dans le fait que la prévention ne doit pas être un simple voeu pieux de nos discours politiques ou de nos campagnes électorales, mais qu'elle devrait être un souci quotidien de notre travail de parlementaire, car la prévention est un investissement en faveur de la santé.

Troisièmement, on peut attendre des améliorations de nos systèmes de santé par l'extension des structures de prévention et de soins. Certains sondages d'opinion ont montré que la majorité de la population est en faveur de la prévention ainsi que de programmes d'éducation dans les écoles, et non pas de la répression.

Ce projet de loi a l'énorme avantage de donner une petite bouffée d'oxygène à la prévention. Il permettra de développer des projets ponctuels, tant - comme je vous l'ai dit - privés que publics, en collaboration avec des personnes et des associations qui travaillent sur le terrain et connaissent parfaitement bien les besoins. Je vous demande, au nom du groupe démocrate-chrétien, d'accepter ce projet de loi.

M. Michel Halpérin (L). Dans un premier temps, il est assez difficile de ne pas être séduits par quelques-unes des idées exprimées, à la fois par le projet de loi, tel qu'il est issu des travaux de la commission judiciaire, et même par celui qui l'avait précédé et portait le numéro 6919.

Comme l'a souligné le rapporteur, toute une série de thèmes sont d'une banalité rare, mais d'un attrait certain pour ceux d'entre nous qui se sentent concernés par les problèmes de la drogue. A mon avis, c'est la totalité des membres de ce Grand Conseil.

Mais cela mérite tout de même un effort de réflexion qui doit porter sur trois aspects :

Le premier élément est celui du symbole. Dans le rapport que vous avez sous les yeux, le geste que nous sommes appelés à concéder sous forme financière a plus de valeur symbolique que de valeur véritable. D'abord, par son ampleur économique, et ensuite, parce qu'il est destiné à marquer une volonté politique.

En particulier, l'accent a été mis sur l'audition de Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix en 1992. Entendue par la commission, elle avait souligné le besoin aux fins d'éducation et de formation. L'adoption de cette loi, disait-elle, constituerait un acte symbolique.

Les symboles nous posent deux problèmes à moi et au groupe libéral au nom duquel j'interviens.

D'abord, nous ne sommes pas un simple groupe de réflexion qui, comme tel, doit formuler des signes ou des symboles à l'état pur. Nous devons aider le gouvernement à conduire une politique, soit une action concrète, et non pas nous satisfaire d'actes symboliques, même si nous pensons qu'ils sont importants.

Ce qui me conduit à penser que, lorsque nous devons adopter des décisions qui ont une portée plus symbolique que réelle, il faut au moins que nous nous demandions si ce symbole correspond tout à fait à la réflexion que nous devrions avoir menée sur ce thème.

Sans ouvrir un débat qui n'est pas vraiment celui qu'on nous propose, mais qui a l'air de l'être, je voudrais demander à chacun dans cette salle s'il a l'impression que nous avons abouti, au terme d'une réflexion en profondeur, sur les problèmes liés à la toxicomanie et à ses remèdes.

Nous disons adopter une position symbolique face à deux axes : la prévention locale et celle dans les pays producteurs.

Mais est-ce bien là le fruit d'une réflexion sérieuse et construite sur ces problèmes ? Pardonnez-moi de n'être pas d'accord avec vous, Monsieur Schneider. A priori, nous avons pensé qu'il était bon d'agir dans ce sens, sans avoir vraiment élaboré en notre sein une politique de prévention en général face à la toxicomanie.

Nous savons bien qu'au niveau de la Confédération, comme à celui des cantons, ces problèmes sont très loin d'être résolus, car entre la libéralisation totale et la répression totale personne n'est encore arrivé à se mettre d'accord sur une vraie politique, de sorte que le symbole que nous voulons adopter n'est pas celui d'une vision politique concertée, cohérente et construite de notre part. C'est ma première remarque.

Ma deuxième observation est que, pour parvenir à ce résultat symbolique, on nous demande d'entamer encore un peu les finances déjà souffreteuses de Genève parce que, nous dit-on, les moyens tirés de la confiscation du produit de cette activité criminelle qu'est le trafic de stupéfiants ne peuvent pas être affectés normalement à notre budget, car leur essence est trop impure, et nous sentons tout le malaise qu'il y a à vouloir nourrir notre budget avec un argent d'une provenance aussi difficile.

Simplement, j'observe que le problème se situe en amont. Il faut, bien sûr, confisquer cet argent. Dans son rapport écrit, le rapporteur a souligné qu'il n'y a pas lieu de le détruire. Mais il s'agit de savoir s'il peut entrer dans les finances de l'Etat comme le produit de toutes les confiscations judiciaires ou extrajudiciaires qui sont tous, bien entendu, le résultat d'une activité délictueuse ou criminelle.

Cet argent est-il encore plus criminel que celui qui proviendrait, par exemple, d'un rapt ou d'un kidnapping ? Je n'en suis pas totalement convaincu. Je ne crois pas que nous soyons là pour faire des balances entre la moyenne, la grande ou la très grande criminalité.

J'observe surtout qu'à côté de ce problème spécifique du déficit de nos finances genevoises se pose celui d'une affectation budgétaire déterminée qui est contraire à tous les principes auxquels nous avons dit vouloir adhérer les uns et les autres.

Je sais bien que le texte qui vous est soumis aujourd'hui a fait l'objet d'un assez vaste rassemblement au sein de la commission judiciaire. Je me demande si cette vertu qui nous anime en majorité, si cet angélisme d'un soir est véritablement l'expression de nos pensées profondes, ou, davantage, celle d'avoir le sentiment de devoir rendre des comptes sur des positions trop vite prises en période électorale. La question mérite d'être posée puisque nous avons tous reçu un rappel de ceux qui, parmi nous, ont cru devoir, l'été dernier, s'engager sur la piste de ce projet, parce que, ou en dépit du fait que, à cette époque, nous étions en campagne électorale.

Je laisse à chacun le soin de dire ou de se dire à lui-même ce qui a pesé d'un poids plus décisif dans son vote en commission ou dans celui d'aujourd'hui. Mais j'observe que, lorsqu'un représentant en aspirateurs ou en encyclopédies parvient à nous fourguer sa marchandise un peu vite, il nous reste quelques jours de réflexion pour nous raviser et changer d'opinion. Il semble que nous ne nous concédions plus ce privilège, à nous, politiques. Nous devrions décider vite, et ne jamais nous raviser, même après réflexion. Cela me paraît un peu court.

Enfin, ce projet de loi, par ses implications d'organisation budgétaire, crée une affectation au motif. Il ne me paraît pas supportable de se dire que, puisque nous avons déjà violé nos principes une ou deux fois, nous pouvons continuer à le faire étant donné que c'est pour la bonne cause. Nous devons nous poser des questions de principe sur l'organisation de notre budget. L'affectation budgétaire de ce texte est plus gênante aux yeux du groupe libéral que le principe d'une affectation de fonds provenant de la drogue à des activités de prévention contre la drogue. C'est l'affectation qui pose problème dans son principe parafiscal, c'est-à-dire cette «désaisine» de nos propres compétences, d'une manière abstraite et générale.

Je ne pose même pas la question de savoir si nous devons ou non rendre compte à la justice ou à la police qui se sont exprimées, d'une part, devant nous et, d'autre part, récemment, par voie médiatique, de l'usage que nous faisons de leurs efforts, sans même tenir compte du coût de ces efforts.

C'est la raison pour laquelle j'aimerais que nous approfondissions sérieusement la question des conséquences financières, fiscales, budgétaires et d'organisation du fonctionnement de notre parlement, s'agissant des votes budgétaires, plus sérieusement que nous ne l'avons fait en commission judiciaire. Or, cela n'est pas la vocation profonde de ces commissaires de se pencher sur des problèmes de cette nature, je veux dire d'affectation budgétaire. Par conséquent, je propose à vos suffrages le renvoi de ce projet à la commission des finances.

M. John Dupraz (R). Avant de nous prononcer sur ce projet de loi, je dois dire que M. Halpérin met beaucoup d'éloquence pour expliquer des mesures que je qualifierais de purement dilatoires.

Il est vrai que les radicaux étaient partie prenante dans ce projet de loi initial, qui avait d'ailleurs été signé par notre ancien collègue M. Fontaine. Ils ont pris des engagements à la veille des élections de ce Grand Conseil et ils les respectent.

Nous estimons que le projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de la commission, est un heureux compromis qui ne met absolument pas en péril les finances de ce canton. Certes, si la technique budgétaire n'est pas tout à fait respectée, je ne vois pas en quoi nous perturbons le système budgétaire et financier de notre canton.

Il faut savoir que le problème de la drogue est la deuxième préoccupation de la population de ce canton, après le chômage. C'est un fléau qui peut toucher chacun d'entre nous dans nos familles, de près ou de loin. Ce projet de loi concrétise plus qu'un symbole, mais une volonté politique réaffirmée de lutter contre le fléau de la drogue, aussi bien à Genève que dans les pays producteurs du tiers-monde.

C'est pourquoi nous voulons, en votant ce projet de loi, donner un signal politique pour répondre aux préoccupations de la population. En conclusion, je vous demanderai de bien vouloir voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Ce projet de loi a connu beaucoup de hauts et de bas en commission. Au départ, il a été signé par tous les partis. Ensuite, il a été beaucoup discuté... (Mme Reusse-Decrey est interrompue par M. Halpérin.) Oui, le parti libéral l'avait cosigné, en la personne de M. Nicolas Von der Weid. Si vous consultez le Mémorial, Monsieur Halpérin, ce sont les premiers mots qui ont été dits dans le débat du Grand Conseil, soulignant que le nom de M. Von der Weid avait été omis sur le document publié et distribué aux députés.

Premièrement, ce projet de loi avait donc été signé par les députés de tous les partis et, en commission, il a été assez fortement remis en question d'autant plus que le paysage financier concerné par ce projet de loi s'est considérablement modifié au cours des travaux.

En effet, lorsque ce projet de loi a été déposé, les sommes saisies variaient entre 500 000 F et 1,5 million F par an. Durant les travaux de la commission, des saisies atteignant plus de 12 millions ont eu lieu. Il semble en outre que cette progression ne soit pas terminée.

Aujourd'hui, nous sommes devant un nouveau projet qui est ce que l'on peut appeler un compromis. Et, par définition, un compromis ne peut satisfaire tout le monde, Monsieur Halpérin, chacun doit lâcher un peu de lest.

Pour ma part, je suis un peu déçue face aux restrictions apportées dans ce nouveau projet de loi. Toutefois, j'ai aussi une grande satisfaction. D'abord, pour l'accord politique que nous avons réussi à concrétiser en commission, à partir de divergences assez profondes. Comme quoi la discussion est toujours positive.

La deuxième satisfaction est en relation avec le principe même du projet de loi. Cela a déjà été rappelé, et préservé, à savoir que, dès le premier centime, on partage cet argent qui n'est pas un revenu comme les autres puisqu'issu du narcotrafic.

Il est vrai que les députés qui eurent la chance, lors de la dernière législature, d'auditionner Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, ont pu témoigner de la force de ses propos. La drogue ne détruit pas que nos jeunes, mais aussi des familles entières là-bas, et tout un tissu social dans les pays producteurs. C'est donc sur ces deux plans que nous nous devons d'intervenir : dans le domaine de la répression, il est vrai qu'il ne faut pas le négliger, et dans le domaine de la prévention, c'est ce que se propose de mettre en place ce projet de loi.

Il est évident, Monsieur Halpérin, que nous n'avons jamais eu, et que nous n'avons toujours pas, la prétention d'avoir mené une réflexion totale, touchant tous les aspects de la toxicomanie et de la prévention, car c'est un vaste problème. Nous avons fait un petit bout de chemin, et c'est plus qu'un symbole, Monsieur Halpérin.

C'est néanmoins avec une petite larme de regret que je proposerai le retrait du projet de loi initial lorsque le nouveau projet de loi qui vous est soumis sera voté, et je vous invite à le voter en discussion immédiate.

M. Luc Gilly (AdG). Je m'adresse en particulier à M. Halpérin, car certaines de ses paroles m'ont tout de même étonné. En effet, nous avons discuté tranquillement et abondamment en commission, nous avons entendu beaucoup de gens réfléchis, des gens de terrain. Des dossiers complets sur la question ont été présentés. Je m'étonne donc que M. Halpérin nous prenne pour des marchands d'aspirateurs ou des voyageurs de commerce vendant des cravates.

J'aimerais dire que la décision qui sera prise ce soir n'est pas que symbolique. C'est un acte politique, réfléchi. Il n'appartient pas à ce Grand Conseil de donner une réponse immédiate au problème de la drogue qui est beaucoup trop vaste pour tout le monde.

Laissons cela aux spécialistes ! Faisons confiance à ceux qui, quotidiennement dans leur travail, sont confrontés à ces gens et leurs difficultés.

Quant à l'argent qui serait éventuellement récupéré lors de rapts d'enfants, Monsieur Halpérin, j'espère que la police le rendrait à son propriétaire !

D'autre part, je l'ai dit en commission, un article de «l'Hebdo», du mois de février, annonçait que l'an prochain l'Etat de Genève risquait de récupérer 60 millions.

Nous avons parlé de la fluctuation de ces sommes, mais, pour le moment, elles sont plutôt à la hausse. J'ai lu l'autre jour que 900 000 F allaient bientôt tomber dans la bourse de l'Etat de Genève. Il me semble, Monsieur Halpérin, que vous vous faites du souci pour les caisses de l'Etat. Je fais confiance aux services de M. Ramseyer qui redonneront, en tout cas, une impulsion pour mieux organiser la police face aux trafics internationaux et nationaux.

En ce sens, j'appelle à voter ce projet de loi de la part du groupe de l'Alliance de gauche.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Qu'est-ce que cet argent ? C'est de l'argent saisi par la justice. C'est le produit du travail de cette justice et de la police, qu'elle soit cantonale, genevoise, suisse ou étrangère, je cite en particulier la DEA américaine.

Cet argent a pour origine l'Amérique du Sud, certes, mais aussi le Moyen-Orient, l'Extrême-Orient et l'Asie. De plus, ce produit financier est parfaitement aléatoire, car il dépend du développement des opérations que nous conduisons.

Où va cet argent ? Il va dans les caisses de l'Etat. Un demi-million en 1990, 3,5 millions en 1992, 12 millions en 1993. Ensuite, il est redistribué aux départements et va, d'ores et déjà, à l'aide au tiers-monde. Je rappelle que, dans ce domaine, Genève est championne de Suisse pour les sommes qu'elle consacre à l'aide au tiers-monde...

M. John Dupraz. En football aussi !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. ...avec le canton de Zurich. Cet argent va aussi au département de l'action sociale et de la santé pour la gestion du problème de la drogue, mais en aval. Le département de justice et police en reçoit un peu pour sa lutte contre la drogue, mais en amont.

Où ira la grande partie de cet argent si ce projet est adopté ? 25% iront au département de l'action sociale et de la santé, 25% seront versés au département de l'intérieur qui est en charge de l'aide au tiers-monde. Les autres départements ne recevront rien. Le reste de la somme sera remis à la caisse générale.

J'aimerais, sans esprit de polémique ou de critique, mais de manière claire, sans ambiguïté, vous faire part de la position du Conseil d'Etat unanime.

Ce projet de loi est inopportun dans le contexte des difficultés financières de l'Etat. Il l'est également en regard des besoins financiers accrus de la justice et de la police pour mener une âpre lutte contre le crime organisé, la drogue et la criminalité en col blanc. A cet égard, je cite le coût toujours plus élevé des commissions rogatoires, des expertises comptables, des recherches bancaires et des traductions.

Ce projet de loi est inopportun parce que les affectations budgétaires sont contraires aux principes de la gestion financière, principes que nous nous sommes tous donnés.

Il est aussi malvenu sur le plan de l'aide au tiers-monde, aide à laquelle Genève consacre déjà la plus forte part budgétaire en Suisse. Dans cette assertion, le respect pour des organisations telle que la Fédération genevoise de coopération demeure total.

Ce projet de loi est totalement démotivant, tant pour la justice que pour la police, dont le Conseil d'Etat partage l'amertume. (Rumeurs de désaprobation.) Il est, Monsieur Schaller, totalement irréaliste de prétendre que la répression ne contribue pas à la prévention, surtout si c'est pour brandir les besoins de la médecine qui, quoi que vous vouliez, soignera toujours des malades et ne combattra pas les «pourrisseurs».

Enfin, ce projet de loi est inopportun parce que la réaction des Etats étrangers est prévisible. Lorsqu'ils passent un accord de réciprocité avec la Suisse à ce sujet, cet accord vise exclusivement à la lutte contre la drogue, le crime organisé et, en aucune manière, ne concerne des préoccupations d'ordre différent, aussi respectables soient-elles. Il faut le savoir !

Je vous dis sous forme d'avertissement : «Vous allez tarir une source.». Vous devez sciemment en prendre le risque et en assumer les responsabilités.

Pour finir, un mot à l'intention des députés qui voteront peut-être ce soir ce projet de loi à contrecoeur, parce qu'ils ont signé en son temps la fameuse et désormais célèbre petite feuille verte.

Nous aurons toujours plus de considération pour des élus qui reconnaissent s'être laissé piéger, que pour des parlementaires qui votent clairement ce qui apparaît comme une erreur politique, car c'est la qualification que mérite ce projet.

Cela étant dit, le Conseil d'Etat tient à réaffirmer de manière unanime son opposition, que ce soit au premier ou au second projet de loi qui vous sont soumis ce soir.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je dirai deux mots par rapport à la position du Conseil d'Etat dans cette affaire, car il est démotivant pour les députés qui ont travaillé sur ce projet de loi d'entendre les propos que vous venez de proférer, dans la mesure où vous n'avez peut-être pas suivi les travaux de la commission tels qu'ils se sont développés au cours de ces différentes semaines. Mais le problème avait déjà été abordé et les différentes observations que vous avez voulu faire, sans vouloir entamer une polémique, d'ailleurs, ont fait l'objet d'une discussion au sein de la commission judiciaire.

Je ne voudrais surtout pas saisir ces arguments pour ouvrir une polémique, rassurez-vous, Monsieur le président ! Mais j'aimerais simplement dire à tous les députés qui ne sont pas membres de la commission judiciaire que l'ensemble des arguments soulevés par M. Ramseyer au nom du Conseil d'Etat, prétendument unanime - je rappelle que M. Joye est signataire du premier projet de loi - ont été évoqués, et tout le monde, d'un commun accord, était d'avis que notre police et que la justice de ce canton ne s'abaisseraient pas à devoir être motivées par des fonds récupérés du travail qu'ils sont en train d'effectuer.

Cet argument n'en est pas un, Monsieur le président, et si vous faites référence, comme M. Halpérin l'a fait tout à l'heure, à la déclaration d'un représentant du Parquet dans la presse il y a quelques jours, nous répondrons, à l'unanimité, que nous sommes tous attachés à la séparation des pouvoirs, et pas uniquement lorsque cela nous arrange. Il est particulièrement déplacé, en l'occurrence de la part du Ministère public, de venir s'immiscer dans un problème d'ordre purement administratif qui est de la compétence de notre Grand Conseil.

En conséquence, j'espère que, dans sa grande majorité, notre Conseil adoptera ce projet de loi.

Le président. Je déduis du rapport écrit de M. Unger que le projet de loi 6919 sera retiré si le projet de loi 7094 est voté.

PL 7094

Mise aux voix, la proposition de renvoi du rapport en commission est rejetée.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

Le projet est adopté en premier et deuxième débat.

Le président. Le Conseil d'Etat demande-t-il le troisième débat ?

(Le président insiste, car il n'obtient pas de réponse.)

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat aurait tout loisir de répondre non, mais, comme il est démocrate, il s'incline et répond oui.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

(Applaudissements.)

La loi est ainsi conçue :

(PL 7094)

LOI

sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogueet à la prévention de la toxicomanie(E 3 18)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

But

Il est constitué à la caisse de l'Etat un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie.

Art. 2

Ressources

Ce fonds est alimenté annuellement par la moitié des sommes:

a) provenant de confiscations ou de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants;

b) dues et versées à la caisse de l'Etat après exécution d'accords de partage conclus avec des autorités étrangères;

c) à concurrence de 3'000'000 F au maximum.

Art. 3

Affectation et utilisation

1 Le département de l'action sociale et de la santé est chargé de la gestion de la moitié du fonds qui doit être affecté aux organismes locaux publics et privés travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise.

2 Le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales est chargé de la gestion de l'autre moitié du fonds qui doit être affecté à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde.

Art. 4

Surveillance

Le Conseil d'Etat prend les dispositions nécessaires pour contrôler la gestion du fonds.

Art. 5

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.

PL 6919-A

Le président. Ce projet de loi est retiré.