Séance du
jeudi 26 mai 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
7e
session -
16e
séance
No 16
Jeudi 26 mai 1994,
soir
Présidence :
M. Hervé Burdet,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que MM. Pierre Ducrest, Bénédict Fontanet, Laurent Rebeaud et Nicolas Von der Weid, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 28 et 29 avril 1994 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. Le point 15 de notre ordre du jour (M 923) sera traité au point 36 bis, au département de l'instruction publique.
A la demande du Conseil d'Etat, le point 38 (I 1888) sera traité au point 48 bis.
Le point 41 est retiré de l'ordre du jour, le projet de loi 7095 n'ayant pas été déposé.
Au point 60, l'interpellation 1887 (allocations de stage pour infirmières) est retirée par son auteur.
5. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.
Le président. Lors de notre séance de demain 27 mai, de 14 h 30 à 20 h, une démonstration de matériel informatique sera faite dans la salle des Pas-Perdus par la Maison Gestronic.
Vous avez reçu une lettre de ma part à ce sujet, et je vous invite vivement à assister à cette démonstration.
De surcroît, je vous invite à ne pas remplir les bulletins de commande de couleur rouge que vous avez reçus, et à attendre la mise à votre disposition demain d'un bulletin qui comporte des changements de prix à votre avantage.
Vous recevrez un complément à ce dossier portant sur l'informatisation du service du Grand Conseil et des députés, sous la forme d'une convention entre la chancellerie et les députés précisant les conditions que vous devrez respecter afin de profiter des rabais qui vous sont proposés et de la subvention que vous offre l'Etat.
Je vous invite à lire attentivement ce document (Bruit dans la salle, le président frappe sur sa cloche et demande le silence.) que vous aurez à signer pour profiter des avantages qui vous sont proposés.
Nous saluons à la tribune du public la présence de notre ancien collègue Jean-Marc Boccard, ainsi que celle d'élèves de l'Ecole d'horlogerie, sous la conduite de Mme Pivot. (Applaudissements.)
6. Correspondance.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte. Vous avez tous reçu ce courrier. Je prie tous les députés de bien vouloir assister à cette cérémonie.
Il en est pris acte.
Cette lettre sera transmise au Conseil d'Etat pour raison de compétence.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
M. Bernard Clerc (AdG). Je vous prie de bien vouloir, au moment où nous traiterons le point à l'ordre du jour concernant les institutions subventionnées, donner lecture du texte de la pétition 1037.
Le président. Il en sera fait ainsi.
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
D'autre part, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
7. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
M. Bernard Clerc(AdG). J'annonce le prochain dépôt d'un projet de loi relatif aux liens d'intérêt.
Le président. Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Claire Torracinta-Pache, Liliane Charrière Urben, René Longet, Liliane Maury Pasquier, Sylvie Châtelain.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Le président. Les questions écrites suivantes sont parvenues à la présidence :
Elles seront transmises au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a répondu à la question écrite suivante :
Q 3516
de M. René Longet (S)
Dépôt: 11 mars 1994
Accord fiscal avec la Société internationale de télécommunications aéronautiques (SITA) - Promesses non tenues
En date du 8 mai 1992, le Grand Conseil débattait d'un projet de résolution qui lui était soumis par le Conseil d'Etat au sujet d'un accord fiscal exonérant la SITA de toute fiscalité directe et indirecte sur le territoire cantonal.
A l'appui de cette exonération exceptionnelle, le Conseil d'Etat invoquait l'«importance particulière» (Mémorial 1992, p. 2482) du projet, et le fait que «la mise en place de ces activités dans le canton de Genève créera plus de 100 postes de travail dont la majorité pourront être occupés par des nationaux suisses» (p. 2490); «ces activités regrouperaient, poursuivait le Conseil d'Etat, en plus du personnel déjà mentionné, une équipe de quelque 100 personnes (...) qui en assureraient l'exploitation». Plus loin, on lit que «ce projet est générateur de nouveaux emplois dont une grande majorité pourraient être occupés par des résidents» (p. 2491). Enfin, le Conseil d'Etat signalait que la SITA, organisée en forme de coopérative, «ne réalise pas de profits» (p. 2487).
Aujourd'hui, on se trouve devant une réalité toute différente. On est en particulier très loin de deux cents salariés recrutés en «majorité» parmi les «nationaux suisses» ou du moins en «grande majorité» parmi «des résidents»: l'effectif total de l'entreprise s'élève à 30 salariés, dont... 6 ressortissants suisses ! Pour l'essentiel, les salariés de la SITA sont recrutés à l'étranger et rémunérés de manière minimaliste.
Compte tenu des arguments avancés avec beaucoup d'assurance par le Conseil d'Etat et par la majorité qui l'a suivie (un député a même comparé la SITA à la Croix-Rouge, p. 2498), et de l'âpreté du débat d'alors, quelles explications peut nous donner aujourd'hui le Conseil d'Etat sur son appréciation de 1992 et sur la situation actuelle de la SITA?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 20 avril 1994
Chacun sait que le développement de quelque entreprise que ce soit dépend d'une multitude de facteurs et notamment de l'évolution de la conjoncture. Si les sociétés mettent tout en oeuvre pour atteindre les objectifs qu'elles se sont fixés, voire même pour les dépasser, rien ne permet jamais d'assurer que les choses iront finalement exactement dans le sens voulu. Même les pays où les activités étaient planifiées dans leurs moindres détails ont dû se rendre à l'évidence que les activités économiques restent toujours soumises à divers aléas.
En ce qui concerne plus particulièrement la SITA, le Conseil d'Etat, sur la base des informations recueillies auprès de la direction générale de cette société, tient à apporter à l'auteur de la question écrite un certain nombre de renseignements qui ne manqueront certainement pas de le rassurer.
1. Maintien des objectifs fixés
Conformément au plan présenté au Grand Conseil en mai 1992, la SITA a toujours pour objectif de mettre en place à Genève un ensemble d'activités liées aux télécommunications qui créeront plus de 100 postes de travail, dont la majorité devrait être occupée par des nationaux suisses.
En outre, il est toujours prévu que des développements additionnels dans d'autres domaines, notamment en informatique, pourront, s'ils peuvent être concrétisés, créer une centaine d'emplois supplémentaires.
Il convient cependant de souligner qu'il n'a jamais été prévu que ces buts seraient atteints en quelques mois, tant il est vrai qu'aucune nouvelle entreprise ne peut trouver sa vitesse de croisière dans un délai si court. Des expériences analogues vécues antérieurement par la SITA dans des centres implantés dans d'autres régions du monde, notamment à Montréal et à Sydney, montrent que la réalisation de tels plans s'étale normalement sur une période de 3 à 5 ans.
2. Situation actuelle à Genève
Suite à l'accord signé le 4 juin 1992, les locaux nécessaires à l'implantation de la SITA à Genève ont été recherchés en juillet-août, pris en charge en septembre, aménagés en octobre-novembre et livrés en décembre 1992. Il n'y a donc qu'un peu plus d'un an que la SITA est véritablement opérationnelle à Genève.
Au 1er mars 1994, les effectifs de la SITA étaient de trente personnes dont une dizaine recrutées sur le marché local.
Un certain nombre de remarques importantes doivent être faites au sujet des effectifs de la SITA:
- la proportion encore relativement élevée d'expatriés s'explique par la nécessité de constituer au départ un noyau de personnes ayant déjà une connaissance approfondie de la société. L'expérience montre qu'autour d'un tel noyau de départ, la proportion de nationaux ne cesse de croître au fil du temps. A SITA Montréal, par exemple, le nombre d'expatriés à la fin de la première année était de 21 pour 10 canadiens alors qu'après5 ans, on ne comptait plus que 38 expatriés sur un effectif total de149 personnes;
- les résultats atteints jusqu'à ce jour à Genève sont d'autant plus encourageants que la récession économique mondiale a contraint la SITA à réduire en 1993 son budget mondial de 5% pour tenir compte des difficultés rencontrées par toutes les compagnies aériennes.
3. Perspectives
D'une manière générale, la SITA juge que les perspectives restent très bonnes.
Cette société dispose à Genève de 2250 m2 de locaux permettant d'accueillir les activités prévues.
La SITA a signé au cours de l'année 1993 trois accords générateurs d'activités nouvelles:
- en juillet 1993, un accord avec Swissair pour la prise en charge par SITA de la promotion mondiale du système de réservation électronique de notre compagnie nationale, destinée à amener des compagnies étrangères à utiliser les calculateurs de Swissair;
- en octobre 1993, un autre accord avec Swissair pour le développement d'un réseau de télécommunications conjoint en Suisse. Cette importante opération entraîne dès 1993 et 1994 des investissements de US$ de4,8 millions pris en charge par la SITA;
- en décembre 1993, une alliance avec Unisource (consortium des PTT suisses, hollandais et suédois) pour coopérer sur leurs territoires respectifs et mettre le réseau mondial de la SITA à disposition de leur développement international.
Compte tenu de ces diverses orientations, il est raisonnable de penser que, sauf imprévu, le premier objectif de 100 personnes sera atteint, voire même dépassé avant fin 1995.
** *
Dans la période difficile traversée par l'économie mondiale et alors même que la concurrence devient toujours plus vive entre les diverses régions du globe, nous devons, aujourd'hui encore, nous féliciter d'avoir vu Genève sélectionné par la SITA pour y implanter un nouveau centre d'activités. C'est une chance pour notre canton que de pouvoir ainsi renforcer la vocation qui est la sienne depuis longtemps dans le domaine de l'accueil des organisations internationales, qu'elles soient gouvernementales ou non gouvernementales.
Tous nos efforts doivent être concentrés sur l'appui qui peut être apporté aux nouveaux venus afin de les aider à atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés. C'est dans ce sens que nous agissons jour après jour.
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. B. C. E. A., 1937, Genève, relieur, recourt pour une réduction de la peine de réclusion d'une année afin que la libération conditionnelle intervienne le 29 juillet 1994.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je vais vous présenter le deuxième recours en grâce de M. B. C. E. A., le premier ayant été refusé par le Grand Conseil en novembre 1992. M. Bois de Chesne est suisse, genevois et bâlois, âgé de 57 ans, relieur de profession, actuellement à la maison de réinsertion pour fin de peine en Argovie.
Condamné par la Cour d'assises de Genève en 1984 à dix-huit ans de réclusion, avec, comme principal chef d'accusation, la séquestration. Certainement que la plupart d'entre vous se souviennent de ce procès très médiatisé. En effet, l'affaire dans laquelle M. B. C. E. A. fut impliqué défraya la chronique. Il s'agissait de la séquestration, pendant près de 48 heures, de Mlle D. J., fille de D. F..
Cette affaire, infiniment regrettable, fut sanctionnée par une peine de réclusion de dix-huit ans. La commission de grâce a reconnu l'immense gravité des faits et à aucun instant n'a minimisé l'importance d'un acte aussi vil que la séquestration d'enfant.
Comment M. B. C. E. A. a-t-il pu en arriver là ? Pour que vous puissiez mieux cerner le cas, je vais vous en rappeler quelques éléments.
Né à Bâle, dans une famille de niveau socio-culturel élevé, M. B. C. E. A. a eu une existence facile, même si son père, médecin très occupé, lui manifestait peu d'intérêt. Après sa jeunesse, marié et père de trois enfants, il aurait voulu continuer à vivre l'existence assez dorée qu'il avait connue. Son emploi de cameraman à la section de télévision du cycle d'orientation de Genève, de 1973 à 1983, exercé à 60%, ne le lui permettait pas.
Il a donc commis différents délits plus rocambolesques les uns que les autres, allant du vol d'oeuvres d'art dans des châteaux, au vol d'argenterie qu'il fondait en lingots dans son garage.
Las de cette double vie menée pendant dix ans, il a mis au point un grand coup qui devait lui permettre d'obtenir en une fois tout ce qui lui manquait : la séquestration de D. J..
Dès lors que les faits ont été constatés par un jury souverain, la commission n'entend pas revenir sur les circonstances de l'affaire. La peine extrêmement sévère n'a d'ailleurs pas été contestée par l'accusé qui a renoncé à se pourvoir en cassation, marquant ainsi sa volonté d'expiation.
Dès son arrestation, M. B. C. E. A. a pris conscience du mal fait. De son repentir est née sa volonté de réparer. Ses regrets et remords furent immenses. Complètement effondré, il se rendit compte de sa culpabilité écrasante. En prison, il a été en contact avec des aumôniers et des psychologues. Aujourd'hui encore, il démontre un intérêt soutenu pour les questions religieuses. Il a eu une conduite exemplaire, irréprochable, ayant une influence bénéfique sur les autre détenus. Il a fait un apprentissage de relieur, réussi, qu'il a pu mettre en pratique d'abord dans l'atelier de reliure de la prison puis à l'extérieur à l'entière satisfaction de ses employeurs.
Il s'est activement employé dans une association formée par des détenus ayant pour but une meilleure information des problèmes carcéraux. Du travail de ce groupe est issu un livre, puis les détenus, poussés par lui, éditèrent un livre pour les enfants dont les bénéfices ont été distribués aux enfants nécessiteux. Aujourd'hui, il rédige des articles dans un journal oecuménique.
Sa famille a tenu bon; elle est restée soudée et, ensemble, a essayé de l'encourager à supporter sa situation.
Il résulte de ce qui précède que la motivation de M. B. C. E. A. à demander la remise de sa peine a, en grande partie, pour corollaire sa capacité à se réinsérer. Quels sont les éléments nouveaux qui sont intervenus pendant cette longue période de détention - onze ans - et qui nous permettraient d'accorder la grâce sollicitée, grâce d'une année de remise de peine, c'est-à-dire une sortie en juillet 1994, puisque, vu sa conduite exemplaire, la remise du tiers sera accordée.
Personnellement, j'en vois trois. Premièrement, une régression psychique et une diminution de ses facultés mentales dues à la détention, bien évidemment. Deuxièmement, fait non négligeable, une paisible réinsertion possible grâce au soutien de sa famille. Son fils de quinze ans a besoin de lui et, surtout, il a la promesse d'un engagement comme relieur à Genève; j'ai téléphoné à son employeur et c'est une chose entendue.
Troisièmement, élément extrêmement important à mon avis, l'attitude de la famille D.. D. F. a déclaré : «Tout ce que je puis dire est que je demeure sans haine, quant à J., maintenant mariée, je cite ce qu'elle a écrit : Je suis disposée à accepter que la grâce sollicitée soit accordée au recourant.».
Onze ans, c'est long. Un an de moins pour lui, moralement, je pense que c'est beaucoup. La souffrance endurée par le recourant est à la mesure de celle, expiatoire, que la Cour d'assises entendait lui infliger. C'est pourquoi la commission préavise favorablement l'octroi de la grâce demandée qui réduit à dix-sept ans la peine de réclusion.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine de réclusion à 17 ans) est adopté.
M. P. D. E., Valais, 1942, manoeuvre, recourt contre le solde des peines genevoises.
Mme Barbara Polla (L), rapporteuse. M. P. D. E., âgé de 52 ans, originaire du Valais est actuellement à la colonie pénitentiaire de Crêtes-Longues. Il est divorcé et a deux enfants de 16 ans et 11 ans.
Les motifs de sa condamnation sont de très nombreux vols, en particulier de voitures, de nombreux faux dans les certificats, en particulier des permis de conduire, des escroqueries, des dommages à la propriété, des infractions à la loi fédérale sur la circulation routière - il a circulé sans permis ou en état d'ivresse - et des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, ainsi que des brigandages et des vols.
La peine infligée est de quatre ans de réclusion et de seize mois d'emprisonnement respectivement. Les antécédents judiciaires sont nombreux. La première condamnation pour vol et escroquerie remonte à 1964. M. P. D. E. avait à l'époque 22 ans. Il est condamné à six mois de prison avec libération conditionnelle. La libération conditionnelle sera révoquée en 1967 à l'occasion d'une nouvelle condamnation. Un premier recours en grâce qui est demandé à cette époque contre la réintégration est rejeté en 1968. En 1972, nouvelle condamnation à dix-huit mois de prison, puis, en 1980, à seize mois de prison toujours pour les mêmes motifs.
En 1981, condamné à quatre ans de réclusion. M. P. D. E. s'évade de la prison de Bochuz en 1981, il est repris et placé à Crêtes-Longues. Il s'évade à nouveau en 1983. Il est libéré en 1987 aux deux tiers de sa peine.
Mais un mois après sa sortie, il commet de nouvelles effractions et en particulier des vols de voitures. Le 7 janvier 1991, il est condamné à la réintégration ou révocation de la libération conditionnelle. En fait, cette peine ne prendra effet qu'en 1992, puisque dans l'intervalle M. P. D. E. a vécu en France. De plus, il est condamné le 8 juin 1993 à six mois d'emprisonnement qui ont été effectués en préventive.
Les motifs de la demande de grâce sont, d'une part, des problèmes psychologiques. M. P. D. E. souffre de névrose de caractère, de dépression et de claustrophobie, motifs pour lesquels il a été suivi régulièrement du point de vue psychiatrique. L'autre motif de la demande est la crainte des problèmes de réinsertion qui vont se poser pour lui à sa sortie puisqu'il a aujourd'hui 52 ans. Il aura alors 56 ans. Par ailleurs, il n'y a pas d'éléments particuliers à noter, intervenus entre le moment où la peine a été prononcée et aujourd'hui. Le rapport du directeur du pénitencier dit que depuis son arrivée à Crêtes-Longues sa santé psychique s'est nettement améliorée. Le préavis du procureur général est négatif et la proposition de la commission de grâce est à l'unanimité le rejet du recours dans la mesure où il n'apparaît à l'heure actuelle aucun événement particulier justifiant la réduction demandée.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Pierre Vanek (AdG). J'entends poser brièvement quelques questions au Conseil d'Etat concernant l'emploi. Vous m'avez déjà entendu sur ce thème sur la question de «La Suisse». En décembre, on avait dit que l'affaire n'était pas urgente. On a vu de quoi il en retournait par la suite.
Mes interrogations proviennent des événements qui se sont produits dans la métallurgie genevoise, dans l'entreprise Tavaro en particulier, où, récemment, la décision de supprimer septante-quatre emplois a été prise. Or, cet événement n'est pas un épiphénomène. C'est un fait qui s'inscrit dans une longue histoire de dégradation du tissu industriel dans la métallurgie.
L'automne dernier, des problèmes de licenciements sont survenus chez Sodeco, à la Nationale. D'autres entreprises sont peut-être dans une situation analogue, et cela dépasse la problématique de crise particulière.
En effet, j'ai souvenir d'une métallurgie genevoise, cela remonte à une vingtaine d'années, qui était autrement florissante. Au début des années 80, nous étions quatre ou cinq mille métallurgistes réunis sur la place Neuve, à l'appel de notre syndicat, pour demander un certain nombre de mesures de la part de l'Etat, afin de maintenir le tissu industriel et celui de la métallurgie en particulier.
A ce jour, le processus de dégradation continue. On part dans une motion libérale faite par des mains invisibles. Je dirai qu'en matière de politique de maintien de l'emploi la main du Conseil d'Etat est également invisible, et cela pose quelques problèmes.
Mes interrogations, face à cette question, sont également celles des travailleurs, de leur organisation syndicale, la FTMH, dont l'entreprise a distribué tout récemment un papier d'information. Je donnerai quelques éléments qui me semblent mériter une réponse du gouvernement.
Voici la première question. Il semble qu'une solution concrète et positive pour les travailleurs a été trouvée. Il s'agit du chômage partiel. Mais il existe un certain nombre d'exigences par rapport à cette situation de transparence de l'entreprise qui n'auraient pas été remplies, notamment la transparence quant à la finalité et aux perspectives de ces dernières.
Le code des obligations en matière de transfert de production demande que les travailleurs soient pleinement informés. Il s'agit, pour une part, semble-t-il, d'un accord de transfert de certains types de production en direction d'une entreprise japonaise. De même, le code des obligations dans son article 335 s demande que l'on informe les travailleurs à temps de façon qu'ils puissent envisager et proposer des solutions alternatives permettant d'éviter les congés ou d'en limiter le nombre.
Je m'interroge sur la question de savoir si cela a réellement été fait, si les travailleurs ont pu réfléchir à la possibilité d'éviter ces licenciements, si on leur a fourni l'appui nécessaire pour avoir des solutions qui auraient permis de maintenir un certain nombre d'emplois.
La question du chômage partiel dépend de la situation conjoncturelle et on va vers une reprise des activités de l'entreprise. On peut se demander pourquoi ne pas mettre sur pied, vu que la collectivité intervient dans ce domaine, un plan de recyclage dans l'entreprise. C'est ce que demandent les travailleurs par un tract que j'ai sous les yeux et qui a été distribué dans l'usine.
On pourrait se poser la question d'une collaboration avec les écoles professionnelles et l'école d'ingénieurs, afin de mobiliser toutes les compétences qui se trouvent dans cette République pour sauver une entreprise qui n'est pas sans importance. Elle a une longue histoire de pionnière et reste une des dernières entreprises dans la métallurgie genevoise qui a une production de série pour un marché de masse. Il serait problématique que cette entreprise soit réduite à une officine qui verrait son personnel coller les étiquettes «Elna» sur des machines produites au Japon, si, par exemple, comme cela s'est vu dernièrement, un fabricant japonais reprenait l'entreprise Tavaro pour la somme d'un franc symbolique.
Le président. Monsieur le député, je m'excuse de vous interrompre, mais vous avez trois minutes pour présenter une interpellation urgente.
M. Pierre Vanek. Oui, tout à fait. Voici mes questions résumées.
La première : qu'en est-il de l'information aux travailleurs et à la population sur un fait qui concerne vraiment l'avenir de l'industrie à Genève ?
La seconde : qu'en est-il de la problématique du recyclage et, notamment, de la collaboration que j'ai évoquée avec des écoles et des centres de compétence en la matière dans le canton de Genève ?
La dernière : un des aspects de la problématique Tavaro est lié aux pertes de commandes militaires. D'un certain côté, on peut s'en réjouir, car à Genève, une majorité de gens sont contre l'armée...
Le président. Monsieur le député, veuillez continuer votre question.
M. Pierre Vanek. N'y a-t-il pas lieu, sur la question de la reconversion des productions liées à la technique militaire, d'aider cette entreprise à se reconvertir et à maintenir des emplois.
Le président. La réponse à l'interpellation urgente du député Pierre Vanek prendra position au point 55 bis.
M. John Dupraz (R). Le 11 mai, sur le coup de midi, au lieu-dit «La Feuillée», un vignoble situé près de Soral en direction de Genève, deux vignerons regagnent leur voiture. Ils entendent un bruit sec et, à leur stupéfaction, voient le pare-brise arrière de leur voiture se briser suite à l'impact d'une balle qui provenait de France.
Il semble que cette balle vienne d'un terrain d'exercices d'un stand de tir situé sur le territoire de la commune de Saint-Julien, près du hameau de Crache. C'est là que la gendarmerie française s'entraîne.
Aussitôt, les vignerons se rendent au poste de police en France et déposent plainte contre le stand de tir. Je dois vous dire que l'accueil n'a pas été très chaleureux et on leur a fait savoir que dès que les balles passaient la frontière, on se moquait bien de savoir où elles allaient. (Sourires dans l'assemblée.) Si cela fait sourire M. Vodoz, cela ne m'amuse guère, car si un jour un citoyen est blessé par les exercices des gendarmes français, je ne pense pas que ce sera très drôle. Il n'y a vraiment pas matière à sourire. Du reste, ce n'est pas la première fois que les vignerons du coin entendent des balles siffler au-dessus de leur tête.
J'estime que cet incident est grave et je demande au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des autorités politiques administratives françaises pour qu'elles fassent cesser tout entraînement sur ce stand de tir.
Je désire qu'il demande un rapport sur l'état des installations ainsi que leur mise en conformité, afin que l'incident évoqué ne se reproduise pas.
Enfin, qu'il offre à la gendarmerie française un lieu provisoire d'entraînement, qui pourrait être le stand de tir de la police genevoise sur le terrain de la tuilerie de Bardonnex.
Je prie le Conseil d'Etat d'intervenir rapidement afin de prévenir tout incident futur.
Le président. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente du député John Dupraz aura place au point 30 bis.
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai interpellé le Conseil d'Etat concernant les futures modalités d'application de la TVA, pas tout à fait dans le même sens que ce qui a été fait dans les dernières séances du Grand Conseil, mais sur les informations publiées par le Conseil fédéral, et, notamment, le département des finances qui s'apprête à mettre en place une ordonnance sur la TVA prévoyant le prélèvement de la TVA sur les subventions fournies aux différentes institutions, dont celles des transports publics. Par ailleurs, une TVA de 6,5% sera prélevée sur la subvention qui va du canton à l'organisation des transports.
En sachant que la TVA sera déjà prélevée sur les billets, conformément à la loi votée par le peuple, il y aurait, dans le cas particulier, deux prélèvements de la TVA, ce qui se justifie d'autant moins pour les transports publics genevois qui, par exemple, ont eu d'énormes investissements au cours de ces dernières années et qui, par conséquent, dans les amortissements aux dépenses, paient encore une partie de l'ICHA qu'ils avaient à payer sur les constructions. Dans ce cas, il serait justifié, au contraire, d'apporter une exonération durant un certain temps jusqu'à ce que cet ICHA soit complètement payé. En fait, c'est le contraire qui va s'appliquer.
Je demande au Conseil d'Etat d'examiner la situation et, le cas échéant, d'intervenir pour demander que cette TVA soit prélevée conformément à la loi votée par le peuple, et ainsi que l'on évite de faire un prélèvement intermédiaire. D'autres organismes subventionnés par l'Etat pourraient également voir leur subvention être considérée comme une prestation et, par conséquent, être amputée de la TVA, ce qui va, bien sûr, à l'encontre de toute la politique de subventionnement, la politique des services publics.
Je remercie le Conseil d'Etat pour son intervention.
Le président. La réponse à l'interpellation urgente du député Jean Spielmann prendra place au point 40 bis de l'ordre du jour.
M. Jean-Pierre Rigotti (AdG). Je m'adresse au conseiller d'Etat Segond. En septembre de l'année dernière, le peuple, suite à un référendum, a massivement accepté un arrêté fédéral urgent concernant un frein au renchérissement de l'assurance-maladie.
Pour cela, il était prévu une protection des tarifs hospitaliers et autres afin d'éviter que les caisses maladie ne dépensent trop. Les cantons, et plus particulièrement les directeurs des services hospitaliers des différents cantons romands, ont trouvé une astuce particulière pour essayer de renflouer tout de même les dépenses extraordinaires de leurs hôpitaux. Elle consiste à faire payer les Confédérés qui devaient, dans des cas d'urgence, se faire hospitaliser dans un des autres cantons.
Non seulement cette astuce échappe au contrôle de l'arrêté fédéral urgent en question, mais, en plus, elle s'y oppose. Il y a abus, car systématiquement lorsqu'un Confédéré doit être hospitalisé en urgence dans certains autres cantons, il est taxé. Certaines prestations de l'assurance-maladie ont été augmentées jusqu'à 71%. Cette manière de procéder est tout à fait inacceptable.
Les fédérations des caisses maladie s'y sont opposées et ont protesté auprès du Conseil fédéral. Mais, pour l'instant, rien n'a changé, puisque dans certains cantons on majore les prestations aux Confédérés.
Ma question est toute simple. Le canton de Genève use-t-il de cette pratique ?
Le président. La réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente du député Jean-Pierre Rigotti prendra place en position 61 bis.
Une voix. C'est urgent ?
M. Jean-Pierre Rigotti. On me demande si c'est urgent. Je vais donc poser ma deuxième question que je voulais différer. Cela concerne justement un manque de rapidité du service de M. Vodoz à ce sujet. Notez que je ne critique pas les services de M. Vodoz qui, lorsqu'il faire preuve de diligence, traite les questions que nous lui posons assez rapidement. Mais je vous donne un exemple d'un domaine où il faut être particulièrement vigilant, celui des personnes très âgées.
Voici l'histoire d'une brave dame de l'an 1901 qui a renvoyé tardivement sa feuille d'impôt, en juin de l'an dernier, et elle a été taxée d'office. Lorsqu'elle s'en est aperçu, il était trop tard, puisqu'entre-temps elle avait été hospitalisée au CESCO. Elle en est sortie il n'y a pas longtemps et c'est une assistante sociale qui s'est occupée de son cas.
Au début du mois de novembre de l'an dernier, l'AVIVO a écrit aux services de M. Vodoz pour lui dire que cette brave dame étant au CESCO, il fallait faire le nécessaire pour enlever cette taxation d'office. C'est l'assistante sociale - je crois - qui a trouvé la feuille remplie et signée, mais pas renvoyée. Je ne sais pas si ma question est urgente, mais la réponse à notre lettre du mois de novembre est arrivée, il y a quelques jours, disant qu'on avait fait une erreur en la taxant d'office et que le problème serait revu.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je vous répondrai immédiatement qu'un coup de fil est beaucoup plus judicieux que de mobiliser cent députés sur cette question. (Une voix : Bravo!)
Le président. La réponse à l'interpellation urgente du député Rigotti prendra place au point 40 ter.
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques» par un arrêté du 15 septembre 1993, publié dans la Feuille d'avis officielle du 22 septembre 1993.
Conformément au nouveau droit d'initiative populaire, la commission législative doit déposer son rapport dans le délai de neuf mois dès la constatation de l'aboutissement de l'initiative.
Sous la présidence de Mme Françoise Saudan, la commission législative s'est réunie le 11 janvier 1994. Mme Catherine Rosset, secrétaire adjointe du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, etM. Eric Balland, premier secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports, ont assisté la commision dans ses travaux.
Il convient de bien distinguer l'examen portant sur la validité (recevabilité) de l'initiative de celui portant sur son opportunité, la commission législative s'est contentée selon le mandat que lui a confié le Grand Conseil d'en étudier la recevabilité formelle et matérielle, sans aborder son opportunité.
A l'unanimité, la commission est d'avis que l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques» ne pose pas de problème de recevabilité. Elle partage les conclusions que le Conseil d'Etat a soumises au Grand Conseil dans son rapport du 24 novembre 1993.
Recevabilité formelle
Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou par «non». L'initiative 101 comporte comme seule et unique proposition l'institution d'un fonds cantonal affecté aux dépenses pour l'emploi, soit plus précisément à la création de postes de travail d'utilité publique dans les domaines sociaux et écologiques, notamment des économies d'énergie et de la production d'énergies renouvelables. Ce fonds cantonal sera alimenté par une contribution prélevée sur le capital et le bénéfice net des personnes morales.
Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la constitution).
Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la constitution, l'initiative 101 répond à cette condition.
Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur la rédaction d'une nouvelle loi.
Recevabilité matérielle
Conformité au droit
Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.
Cette initiative vise à instituer un fonds qui sera alimenté par une contribution prélevée sur le capital et le bénéfice net des personnes morales. Il s'agit d'un impôt d'affectation, domaine dans lequel les cantons sont souverains.
La proposition des initiants relative à l'institution de ce fonds demeure ainsi du ressort exclusif du canton. A cet égard, il apparaît que le projet ne se heurte en outre à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.
Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.
L'initiative 101 apparaît réalisable. Il n'existe en effet aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, la commission législative vous recommande à l'unanimité d'admettre la validité (recevabilité) de l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques», conformément aux articles 65, 65 A, et 66 de la constitution genevoise.
Débat
M. Jean-Pierre Gardiol (L). je suis un peu étonné que la commission ait accepté la recevabilité de cette initiative sans mentionner ou tenir compte de l'article 8 de la loi que nous venons de voter à l'unanimité l'an dernier sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, D 1 9 qui dit : «Les impôts ne peuvent pas en règle générale être attribués à la couverture d'un type particulier de tâches, et ceci en contradiction avec l'article 8 de l'initiative 101». Ce dernier dit : «Les centimes additionnels prévus par la loi annuelle sur les dépenses et les recettes du canton de Genève sont perçus sur la contribution due par les personnes morales et sont affectés au fonds cantonal pour l'emploi.». A cet égard, je désire un complément d'information.
M. Michel Balestra (L), rapporteur. La commission législative s'est prononcée sur la validité de l'initiative, c'est-à-dire sur sa recevabilité et non pas sur son opportunité. Il se trouve que la recevabilité implique une recevabilité formelle et matérielle. La première, comme vous pouvez le lire dans le rapport, c'est l'unité de matière, de forme, du genre. Quant à la recevabilité matérielle, conformité au droit, le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Nous sommes face à deux projets de lois et la commission traitera de l'opportunité de cette initiative de décider si elle l'accepte, la refuse ou propose un contreprojet.
Le président. Je rappelle, à toutes fins utiles, que la commission fiscale a jusqu'au mois de mars 1995 pour se prononcer sur le fond.
La validité de cette initiative est adoptée.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit:
CHAPITRE IV
Amendes d'ordre
Art. 12 (nouvelle teneur)
Compétences
Les organes de police habilités à réprimer par une amende d'ordre les contraventions aux prescriptions sur la circulation routière dans les cas prévus par la législation fédérale sont:
a)
la gendarmerie;
b)
les surveillants du trafic rattachés à la police;
c)
les agents municipaux, dans les limites fixées par convention entre le Conseil d'Etat, d'une part, le Conseil administratif de la Ville de Genève, le maire ou le conseil administratif d'une autre commune, d'autre part;
e)
pour les véhicules en stationnement uniquement, les agents assermentés de la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement (Fondation des parkings), dans les limites fixées par convention avec le Conseil d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Dans le cadre de la recherche constante des améliorations du service au public qui peuvent être atteintes par des mesures structurelles, le Conseil d'Etat a décidé de regrouper au sein d'une agence spécialisée, la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement (Fondation des parkings, que préside le chef du département de justice et police et des transports) des tâches que celle-ci partageait auparavant avec la police, d'une part, l'office des transports et de la circulation, d'autre part.
Ce regroupement est un approfondissement de la collaboration étroite qui existait d'ores et déjà entre ces trois entités sous la houlette du département de justice et police et des transports, l'office des transports et de la circulation ayant en charge la planification de la politique du parcage et la réglementation et la signalisation du stationnement sur la voie publique, la police contrôlant le respect de la réglementation et sanctionnant les infractions et la Fondation des parkings s'occupant pour sa part de réaliser et de gérer des parcs de stationnement. Dans la pratique, ces différentes notions sont intimement liées: la planification d'ouvrages ne peut pas s'affranchir des contraintes d'exploitation, toute prescription entraîne des conséquences en matière de contrôle et de répression.
Si l'essentiel de ces mesures concerne des questions d'organisation qui relèvent du Conseil d'Etat et du Conseil de la Fondation des parkings, une adaptation de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (H 1 0,5) est nécessaire en matière d'amende d'ordre. Dans des cas et selon un tarif défini par l'autorité fédérale, et pour autant que l'auteur de l'infraction ne demande pas, par une simple opposition, à ce que la procédure ordinaire soit utilisée à son encontre (dénonciation à l'autorité judiciaire), c'est en effet cette procédure simplifiée qui s'applique aux contraventions à la législation sur la circulation routière et en particulier à celles dues des véhicules en stationnement.
La loi fédérale sur les amendes d'ordre infligées aux usagers de la route charge les cantons de désigner les organes de police compétents (art. 4); seuls ces organes sont habilités à constater les contraventions à la législation sur la circulation routière qui donnent lieu à amendes d'ordre, la procédure ordinaire devant être utilisée dans tous les autres cas (art., 2, lettre b).
A Genève, c'est la loi d'application de la législation sur la circulation routière qui contient les dispositions nécessaires en son article 12. Dans son texte actuel, cet article mentionne la gendarmerie, les contrôleurs du stationnement rattachés à la police et les agents municipaux.
Le présent projet de loi a pour objet d'introduire dans cette disposition la compétence donnée aux agents assermentés de la Fondation des parkings, dans les limites d'une convention qui sera conclue entre la Fondation et le Conseil d'Etat comme c'est le cas, pour les communes, entre leur exécutif et le Conseil d'Etat. Simultanément, il y a lieu de mentionner ici les surveillants du trafic rattachés à la police, qui contrôlent notamment l'autoroute de contournement: à défaut, la procédure ordinaire devrait être utilisée pour des infractions qu'ils constatent même si une amende d'ordre est possible, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'Etat ni de l'usager de la route.
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projetde loi.
Préconsultation
M. Andreas Saurer (Ve). Ce projet de loi soulève trois remarques de la part du groupe écologiste.
Tout d'abord, nous sommes surpris de voir avec quelle facilité le canton est prêt à déléguer des compétences à un organisme privé en matière de contrôle de stationnement, surtout si l'on sait que depuis fort longtemps les communes, et particulièrement la Ville de Genève, ont demandé à plusieurs reprises de pouvoir participer plus activement au contrôle de stationnement. Nous souhaitons voir le sujet des compétences des communes abordé lors des discussions sur ce projet de loi en commission.
Notre deuxième remarque concerne le montant des contraventions. Il semble que le montant total des contraventions en relation avec le stationnement s'élève à environ 12 millions. Nous nous demandons ce que la Fondation des parkings va faire avec ses recettes et comment l'Etat justifie une perte de recettes relativement importante.
Troisièmement, nous avons l'impression d'assister à un début de privatisation d'une activité de la police, projet qui, selon nous, mériterait un débat un peu plus large.
En ce qui concerne l'exposé des motifs du projet de loi, il nous semble ressembler davantage à un exercice de camouflage de l'armée suisse, Monsieur Ramseyer, qu'à un exercice de transparence démocratique, comme vous l'avez pratiquée, par exemple, lorsque vous cherchiez votre «parapluie Swissair» en faisant téléphoner à tous les députés de la commission des transports pour savoir si, par hasard, l'un d'entre eux ne serait pas parti avec ce dernier. (Rires.)
Je souhaiterais vous voir pratiquer la même transparence quand vous élaborez un projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous partageons les observations de notre collègue Saurer, car ce projet de loi pose un certain nombre de problèmes. L'exposé des motifs, qui est très succinct, ne les aborde qu'à peine, voire pas du tout pour certains d'entre eux.
Tout d'abord, la privatisation qui implique le transfert des trente-cinq agents actuels à la Fondation des parkings et consiste à privatiser la police, comme l'a dit notre collègue Saurer, pose un premier problème. Est-il possible de remettre une charge de police, actuellement sous le contrôle de l'Etat, à une fondation de droit public ?
On se demande surtout quelle est la nécessité d'un tel projet, car, là encore, l'exposé des motifs n'en parle pas. Il s'agit en effet d'un service qui est hautement rentable. Si ce service est mal géré, c'est au département de justice et police de prendre les mesures pour y remédier. Mais on ne voit pas comment ni pourquoi, et l'exposé des motifs ne l'explique pas, ce service serait mieux géré par la Fondation des parkings, plutôt que par le département de justice et police, et ce d'autant plus que le président de la Fondation des parkings est, précisément, le président du département de justice et police.
Nous désirons obtenir des explications sur ce premier point. Cette question en appelle une autre : on peut se demander si cette fondation de droit public a la compétence de fixer les tarifs des parcomètres. Dans ce cas, est-il prévu d'affecter les recettes qui en découleraient à la construction de parkings d'échanges à l'extérieur, tout en sachant que ces derniers sont peu rentables, plutôt qu'à la construction de parkings souterrains et commerciaux ?
Ensuite, il convient de s'interroger plus généralement sur l'affectation du produit des amendes. Il semblerait qu'un pourcentage de ce produit soit rétrocédé à l'Etat, et qu'une grande partie de ce dernier soit affectée à la construction de parkings, puisque c'est précisément la fondation qui en bénéficiera. Mais, ni l'exposé des motifs ni le projet lui-même ne donnent de chiffres.
Ce fait est-il vrai ? Et, dans l'affirmative, pourquoi ne pas l'avoir mentionné dans l'exposé des motifs en précisant la clé de répartition des bénéfices prévue, à savoir, quel montant irait à la fondation et quel montant à l'Etat ?
Cela m'amène à revenir sur une autre question abordée par Andreas Saurer. Au moment où l'Etat cherche des économies par tous les moyens, il est difficilement compréhensible qu'il envisage de se priver de recettes. Les recettes de l'Etat diminueront-elles par le biais de ce transfert ? On peut sérieusement le craindre. Là encore, l'exposé des motifs est muet sur cette question. Nous désirons connaître les chiffres escomptés et savoir de combien le rendement augmentera-t-il si l'on confie cette gestion à la fondation ? Il nous semble que l'Etat devrait recevoir au minimum ce qu'il touche aujourd'hui de par le produit des amendes.
Par ailleurs, si ce projet de loi devait être accepté tel quel, les projets de construction devant faire l'objet d'un crédit ad hoc et être votés par ce Grand Conseil lorsque leur coût dépasse un million et demi ne seraient plus votés par le Grand Conseil, puisque la fondation qui percevrait le produit des amendes n'aurait plus besoin d'obtenir un crédit ad hoc et pourrait construire ses parkings sans passer par une décision du Grand Conseil, violant ainsi la possibilité d'un référendum sur une telle décision. Une catégorie de constructions d'utilité publique serait en outre privilégiée par rapport à d'autres.
Enfin, est-on sûr que l'Etat va pouvoir prélever les amendes d'ordre dans la mesure où la convention liant la Ville de Genève au canton a été dénoncée récemment par la Ville ? La question est d'autant plus pertinente que, récemment, une motion a été déposée au Municipal pour que la Ville reprenne les contractuels à son compte. Cette dernière invite le Conseil administratif à intervenir auprès de l'exécutif cantonal pour que la perception des amendes d'ordre en matière de stationnement des véhicules automobiles soit confiée à la Ville de Genève sur son territoire, et non à la Fondation des parkings. Cette motion a été acceptée par le Municipal à l'unanimité, sans opposition, par tous les groupes municipaux. Il y a peut-être eu cinq abstentions, mais, dans sa grande majorité, le Municipal a appuyé cette invitation.
Ce sera donc ma dernière question. Le Conseil d'Etat ne craint-il pas d'augmenter les tensions qui existent entre la Ville de Genève et l'exécutif - j'en termine, Monsieur le président - et d'engendrer un conflit supplémentaire avec la Ville de Genève. Vous vous souviendrez de l'exemple du parascolaire qui n'est pas si ancien, dans lequel il était demandé que les communes reprennent une série de tâches à leur compte. Je désire connaître la position du gouvernement par rapport à ce conflit latent entre la Ville de Genève et l'exécutif.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). La politique des transports, y compris le concept de stationnement, forme un tout. Mais nous voilà, une fois de plus, saisis d'un projet de loi qui ne traite que d'un petit aspect du problème, celui des contractuels dont vous proposez le transfert de l'Etat à une fondation de droit public.
Ce projet de loi s'inscrit, à vos yeux, et comme ceux déjà proposés ou à venir, dans une perspective de modernisation de l'Etat avec le but principal de sortir de l'impasse budgétaire.
Or, nous n'avons toujours pas eu de réponse à la motion 734 qui posait la question du rôle futur de l'Etat et de son efficacité. Je le dis, une fois de plus, ne répétant que ce que ma collègue et amie Fabienne Blanc-Kühn m'a dit lors de ce débat sur le SAN : «Nous ne pouvons aborder ce projet de loi, proposé par le Conseil d'Etat, comme s'il s'agissait d'une démarche isolée.».
Revenons aux arguments du projet de loi sur les contractuels. Vous prétendez que, grâce à ce transfert des agents contrôleurs de l'Etat à une fondation de droit privé, une meilleure collaboration entre les trois entités, soit l'OTC, la police et la Fondation des parkings, serait ainsi possible.
Pourquoi cette collaboration ne joue-t-elle pas actuellement ? N'est-ce pas à l'Etat de réorganiser ses services pour qu'ils aillent mieux ? Nous nous posons également des questions concernant la légalité du transfert des amendes d'ordre à un organe qui n'appartient pas à l'Etat. Si une fondation est prête à reprendre un service de l'Etat, ce n'est pas seulement pour les beaux yeux du conseiller d'Etat - je suis désolée, Monsieur Ramseyer - mais bien plus parce que l'affaire est rentable.
Or, quelle est l'utilité d'enlever une affaire rentable à l'Etat et, en plus, de la céder gratuitement ? Nous sommes conscients que l'OTC n'arrive pas à faire face aux problèmes de stationnement, et, notamment, au dépassement généralisé du temps de parcage et que ce n'est que par une politique de stationnement que l'on pourra intervenir pour que le transfert du transport privé au transport public se fasse.
Une des conditions pour qu'une telle politique puisse être menée est d'avoir un nombre suffisamment grand d'agents. Or, pour pouvoir les payer, le prix des parcomètres devrait augmenter et des parcomètres plus performants devraient être installés. L'augmentation du prix des parkings est une mesure impopulaire et les politiques qui veulent être réélus ont moins envie de prendre de telles mesures que les entrepreneurs privés.
A notre avis, le politique doit, néanmoins, assumer ce genre de mesures. Il doit informer ses électeurs automobilistes que l'utilisation de la voiture privée coûte cher à la collectivité, et que, de ce fait, l'automobiliste doit en payer le prix.
Si cette information est faite correctement, et si les citoyens sont rendus attentifs aux problèmes écologiques et sociaux découlant de la surcharge de nos routes, si le parti libéral arrête de faire du populisme «pro-bagnole», l'Etat peut prendre les mesures pour rendre ce service rentable.
Vous l'aurez compris, notre groupe est très sceptique face aux mesures proposées par ce projet de loi, mais nous ne nous opposerons pas à son renvoi en commission.
M. Roger Beer (R). Les différentes interventions ont montré qu'une fois de plus un projet de loi du Conseil d'Etat soulève un certain nombre de questions. Cela paraît assez normal, car autrement il n'y aurait pas besoin de projet de loi.
Concernant ce projet de loi, les radicaux sont assez contents de voir que, pour une fois, le gouvernement répond ou, en tout cas, propose une solution allant dans le sens du programme sur la base duquel les conseillers d'Etat ont été élus. Cela semble être une bonne chose. Il ne faut voir dans ce projet de loi qu'un transfert de compétences de l'Etat à une fondation publique. Je pense que le regroupement proposé va tout à fait dans le sens du redimensionnement de l'Etat qui, sans cela, aurait tendance à devenir tentaculaire.
Toutes les questions évoquées se justifient et demandent une réponse. Je suis persuadé que tous les avocats et autres politiques de la commission judiciaire en débattront. En tout cas, les radicaux soutiendront le renvoi à la commission judiciaire.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je désire dissiper un malentendu. Le montant des amendes d'ordre continuera d'être versé à la caisse de l'Etat, quel que soit l'organe de police qui constate l'infraction. Il ne s'agit donc pas pour une commune, en l'occurrence la Ville de Genève, d'imaginer qu'elle met la main sur un «pactole». Elle peut bien faire le travail, les amendes d'ordre reviennent à l'Etat de Genève et à personne d'autre. De même pour l'encaissement des taxes de parcage. Les frais de surveillance des zones de parcage gratuit et à durée limitée font l'objet d'une convention.
Lorsqu'il s'agit de la relation financière entre l'Etat et une fondation de droit public, c'est la même caisse. S'il devait s'agir d'une caisse différente, à savoir celle d'une commune, ce ne serait évidemment pas possible. Ce n'est pas du tout de cela dont parle ce projet de loi, il s'agit simplement de rationaliser.
A Genève, il y a eu une fondation de droit public qui s'occupe des problèmes de parking. Alors, qu'elle s'occupe de tout ! Du parking, aussi bien la construction des parkings souterrains que des parkings de surface. Qu'elle s'occupe du mode de perception et du type de stationnement autorisé ! C'est le travail d'une fondation spécialisée. De sorte que nous cherchons, Madame la députée, uniquement à rationaliser dans le sens de ce que vous venez de dire, à savoir charger un organe spécialisé du travail qui lui revient.
L'autre problème, celui de Circulation 2000, continue à être géré par l'Etat, et plus particulièrement par mon département. Monsieur le député, vous avez parlé des tensions entre la Ville et l'Etat. Je vous en prie, Monsieur le député, le problème n'est pas là. Ni les uns ni les autres vous n'avez perçu que la procédure simplifiée prévue par le droit fédéral requiert que la loi cantonale désigne précisément les organes de police habilités à utiliser cette procédure.
Lorsqu'un changement dans l'organisation intervient, la loi doit également être modifiée et c'est ce que nous vous proposons ce soir. A l'heure actuelle, des amendes d'ordre sont appliquées par trois catégories de personnes : les gendarmes, les contrôleurs du stationnement et les agents municipaux des communes. Là encore, je vous rappelle que l'argent va dans la caisse de l'Etat exclusivement.
Dans une perspective réformatrice, le Conseil d'Etat, c'est vrai, a décidé en novembre dernier de renforcer, en matière de contrôle du stationnement, le rôle de la Fondation des parkings. C'est ainsi que les actuels contrôleurs du stationnement, rattachés au personnel administratif de la police, sont appelés à être transférés à la Fondation des parkings, tandis que la police se dote d'une catégorie de personnel différente, à savoir les surveillants du trafic qui sont déjà en fonction sur l'autoroute de contournement et qu'il faut également doter de la compétence d'infliger des amendes d'ordre. De sorte que ce projet de loi est uniquement un toilettage de la loi d'application de manière que son contenu soit adapté à la réalité.
Il ne s'agit pas du principe même d'un transfert interne de personnel d'un organe à un autre organe qui est en jeu, mais du toilettage de la loi. S'agissant d'un toilettage, on aurait même souhaité que s'instaure un débat immédiat. Toutefois, si vous désirez poser des questions en commission, nous ne pouvons pas nous opposer à son renvoi. Mais l'enjeu du débat n'est pas de savoir si vous êtes d'accord avec une décision du Conseil d'Etat ou non, mais si la loi doit être toilettée de manière à s'adapter à la réalité, et uniquement cela.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
Le projet de loi 6919, modifiant le code de procédure pénale, a été déposé en novembre 1992 sous la signature de députés représentant tous les partis représentés au Grand Conseil.
La commission judiciaire, à laquelle ce projet avait été renvoyé, l'a étudié au cours des séances du 25 février 1993. Jacquet) et des 13 et 20 janvier, 3 février, 3 mars, 14 et 21 avril 1994 sous la présidence de M. Fontanet. M. G. Ramseyer, conseiller d'Etat et chef du département de justice et police et des transports (DJPT), a assisté à plusieurs reprises aux séances de la commission et M. R. Riat, secrétaire-adjoint au DJPT, a efficacement secondé la commission dans ses travaux.
Introduction
Le montant du trafic de la drogue atteint 500 milliards de dollars par an, représentant ainsi un volume de transactions de tout première importance. L'argent généré par cette activité non seulement illicite mais plus encore immorale est pour la plus grande part (estimée à plus de 300 milliards de dollars par an) blanchi par l'intermédiaire de circuits financiers fort complexes. La grande compétence du Parquet genevois, que notre Grand Conseil a récemment renforcé aux fins de lui permettre de lutter plus efficacement dans le domaine de la grande criminalité, permet cependant depuis quelques années de mettre la main sur des fonds criminels liés au trafic de drogue, que ce soit par confiscation, dévolution ou rétrocession selon des accords de partage avec des autorités étrangères.
Le problème de la drogue, de la criminalité qui lui est liée, de sa culture, dont la rentabilité étouffe l'agriculture vivrière et de ses conséquences dramatiques sur l'individu tant au plan médical, familial que social, est d'une immense complexité. Il n'est pas dans l'esprit des auteurs de ce projet de loi d'imaginer régler par celui-ci l'ensemble des problèmes liés à la drogue. En revanche, ce projet de loi veut affirmer une volonté politique claire de prendre en compte cette complexité par une loi spécifique concernant l'affectation de l'argent provenant du trafic de la drogue.
Auditions
. .
Mme Menchu, représentante des paysans et des peuples d'Amérique du Sud, affirme que beaucoup de paysans, bien que conscients des problèmes liés à la drogue, n'ont pas de choix économiques de survie en dehors de la production de coca. Elle affirme en outre que la culture de coca porte atteinte aux cultures vivrières. Elle souligne par ailleurs que l'aide rendue possible par les fonds recueillis dans le cadre de ce projet de loi devrait être utilisée prioritairement à des fins d'éducation et de formation. L'adoption de cette loi constituerait un acte symbolique.
M. M. D. Soom, secrétaire-adjoint du département des finances
Après avoir rappelé le rejet de la motion 757 proposant l'augmentation des subventions en faveur de l'aide au développement, le 12 février 1993, par le Grand Conseil, M. Soom précise que le crédit actuel à la coopération technique est de 2,3 millions, soit le plus élevé de Suisse à part Zurich. Il rappelle que l'essentiel des crédits alloués à la coopération technique provient de la Confédération (1,777 milliards de F contre 28,2 millions provenant des cantons). La Suisse consacre 0,35% du PIB à l'aide au développement, le but à atteindre par les pays du comité de l'aide au développement étant de 1%. M. Soom estime ce projet de loi irréaliste dans son volet de prévention de la production de drogue, et précise qu'il ne suit pas les règles budgétaires en cours. Il concède néanmoins qu'il existe des lois récentes qui, elles aussi, enfreignent la règle budgétaire de la «non-affectation».
M. M. A. Rodrik, directeur de cabinet du département de l'action sociale et de la santé
La prévention se prépare et se planifie, ce qui est peu compatible avec des revenus aléatoires. Il rappelle la politique genevoise en matière de lutte contre la toxicomanie qui n'est ni laxiste ni uniquement répressive et en évoque les caractéristiques: constance, complémentarité, modération et diversité. Il souligne un premier effet bénéfique de ce projet de loi qui a déjà suscité sur le terrain un regroupement des différents acteurs du terrain.
M. M. B. Bertossa, Procureur général
Il ne faut pas opposer répression et prévention, que ce soit au niveau de la toxicomanie ou dans le domaine de la production. En matière de fonds tels que ceux visés par ce projet de loi, M. Bertossa rappelle qu'il s'agit de ressources aléatoires (0,48 Mio en 1990, 0,33 Mio en 91, 3,33 Mio en 92, 12 Mio en 93). Le partage des fonds entre Genève et les Etats-Unis n'est pas l'objet d'un accord, mais d'arrangements ponctuels. M. Bertossa exprime sa crainte, en cas d'adoption du projet de loi, quant à la possibilité de pouvoir négocier de nouveaux accords de partage. Il précise enfin que les confiscations sont déjà budgétisées pour 1994 et que l'adoption de ce projet de loi représenterait une dépense supplémentaire de l'Etat.
M J.-L. Pittet, Mme M. Clavijo-Musy, Fédération genevoise de coopération (FGC)
La culture de la drogue entraîne la destruction du tissu social et est une cause de violence dans les pays producteurs. Il y a besoin d'une prévention à la consommation dans les pays producteurs. Il faut en outre prévenir l'affectation de nouvelles surfaces destinées à la culture de coca. L'expérience montre en effet qu'il n'est pas possible de revenir en arrière une fois que cette culture est établie.
Concernant la coopération dans le cadre de la promotion de cultures alternatives, un certain nombre de projets peuvent être mis sur pied grâce à un montant unique de départ, le suivi pouvant être assuré par les fonds propres de la FGC.
La FGC gère environ 5 millions de francs, existe depuis 27 ans et est dotée d'une importante infrastructure où travaillent de nombreux bénévoles.
M. M. P. Schneider, M. R. de Battista, Mme L. Fehlmann-Rielle, Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances
La Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances est née du souci de coordination, en termes de prévention, de différents partenaires agissant sur le terrain. Cette plateforme exprime sa volonté de promotion d'un projet global, y compris à l'école où la prévention est un peu délaissée et rappelle les principes de la prévention en matière de toxicomanie: information accessible à tous, promotion de la santé communautaire, participation de la population à l'élaboration des projets la concernant, facilitation de l'accès aux services et aux prestations.
Discussion générale
Le premier projet (PL 6919) mis en discussion à la commission judiciaire, que l'on trouvera en annexe, vise la modification du code de procédure pénale et propose la création d'un fonds constitué du fruit de toute confiscation ou dévolution, au sens des articles 58 et 59 du code pénal suisse, en relation avec une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il prévoit en outre une attribution de ce fonds pour un tiers aux organismes locaux publics ou privés travaillant à la prévention de la toxicomanie concernant la population genevoise, dont la gestion reviendrait au département de l'action sociale et de la santé, et pour les deux tiers restants à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers-monde, afin de soutenir aussi bien des programmes de production et d'activités alternatives dans les pays producteurs que des programmes de prévention de la toxicomanie dans ces pays (gestion de ce fonds par le département des finances).
Préalablement à l'étude de ce projet de loi, tous les commissaires ont tenu à rendre hommage à la politique menée par le Gouvernement, que ce soit en matière de lutte contre la criminalité économique, en matière de répression du trafic de stupéfiants, mais aussi dans le domaine si délicat de la prise en charge des toxico-dépendants.
Un premier tour de table permet de mettre en relief un point de divergence essentiel dans la commission: celui du principe même de l'affectation de fonds. L'affectation de recettes doit être évitée dans la mesure du possible, puisqu'elle prive le Parlement de son pouvoir de contrôle direct des dépenses. Il existe toutefois quelques exceptions dans la législation genevoise (loi sur l'aide à domicile, loi sur la faune par exemple). Si la majorité des commissaires s'accorde à considérer que le principe de l'affectation représente un acte «d'auto-castration» du Grand Conseil, une autre majorité considère néanmoins que les fonds provenant de l'activité gravitant autour du trafic de la drogue ne peuvent être considérés de la même manière, au plan moral ou éthique, que les revenus ordinaires ou extraordinaires de l'Etat. Zurich vient par exemple d'affecter à la lutte contre le SIDA une somme de 2,5 millions provenant de l'argent de la drogue.
La difficulté du contrôle de l'usage des fonds versés dans le cadre de la coopération est aussi évoquée. Néanmoins, la Fédération genevoise de coopération (FGC) a fait la preuve depuis plus de deux décennies, du sérieux non seulement de ses projets, mais également de la qualité du suivi qu'elle leur assure.
La gestion de montants, par définition aléatoires dans le cadre de confiscations ou de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants, est-elle compatible avec des projets de qualité? Il existe, tant du côté de la FGC que de la Plateforme genevoise de prévention des toxico-dépendances, aussi bien des projets ponctuels que des projets s'inscrivant sur une certaine durée.
La motivation de la police ou des magistrats peut-elle être entamée en cas d'adoption de ce projet de loi? La réponse du Procureur général, M. B. Bertossa, est sans équivoque: la seule motivation des susnommés est bien l'efficacité de la justice.
L'entrée en matière est votée par 8 oui (3ADG, 2Soc., 1E., 1Rad., 1DC) contre 6 non ( 5Lib., 1DC).
Suite à l'entrée en matière, la commission, unanime, décide d'élaborer un nouveau projet qui maintienne les objectifs politiques du projet de loi initial, mais qui tienne mieux compte des difficultés budgétaires que connaît actuellement l'Etat: la fixation d'un plafond à ce fonds est acceptée par tous (3 millions au maximum, art. 2, lettre c du nouveau projet de loi). La fixation d'un plancher, compte tenu du budget 1994 qui prévoit 3,5 Mio de rentrées au titre de confiscations ou dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants, est également envisagée. De l'avis d'une majorité de la commission cependant, la fixation d'un tel plancher vide le projet d'une partie de son sens politique. C'est la raison pour laquelle l'idée de ce plancher est abandonnée. En revanche, pour éviter d'interférer avec le budget 1994, il est décidé de fixer dans la loi (art. 5) son entrée en vigueur au 1er janvier 1995.
Ce fonds est alimenté par la moitié des sommes provenant de confiscations, de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants ou provenant d'accords de partage conclus avec des autorités étrangères (art. 2, lettres a et b), l'autre moitié rentrant dans les recettes de l'Etat.
Enfin, l'affectation du fonds se fera pour 50% aux organismes locaux travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise (gestion par le département de l'action sociale et de la santé) et pour les autres 50% aux organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde (gestion par le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales), (art. 3). Le Conseil d'Etat garde ainsi le contrôle de la gestion du fonds (art. 4).
Le projet de loi ainsi amendé est accepté par 9 oui (2 ADG, 2 Soc., 1 E., 2 Rad., 2 DC) contre 4 non (Lib.).
Les messages politiques que la majorité des commissaires entend faire valoir par ce projet de loi sont les suivants: 1) l'argent provenant du trafic de la drogue n'est pas de même nature que les recettes habituelles de l'Etat, ce qui peut à titre exceptionnel en justifier l'affectation; 2) le problème de la drogue est inextricablement complexe, mais ce projet de loi affirme l'importance de notre intervention aux deux pôles de ce problème: pays producteurs de drogue d'une part et individus souffrant des conséquences de la consommation d'autre part. Enfin, ce projet reste réaliste, prévoyant un montant maximal de 3 millions dévolus à ce fonds, tenant ainsi compte des graves difficultés budgétaires que connaît notre canton.
C'est les raisons pour lesquelles nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter ce nouveau projet de loi tel que proposé par la majorité de la commission judiciaire.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey et Liliane Johner, et MM. Max Schneider, Philippe Fontaine, Philippe Joye et Georges Jost
Dépôt : 13 novembre 1992
PL 6919
projet de loi
modifiant le code de procédure pénale
(E 3 5)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
Article unique
Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit :
Art. 218 K (nouveau)
Infraction
Attribution et gestion
du fonds
1 Lorsqu'une confiscation ou une dévolution au sens des articles 58 et 59 du code pénal suisse est en relation avec une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, son produit est attribué à un fonds destiné à la prévention de la production de drogue, à des programmes de cultures et d'activités alternatives, ainsi qu'à la prévention de la consommation.
2 Le département de la prévoyance sociale et de la santé publique est chargé de la gestion du tiers de ce fonds qui doit être affecté aux organismes locaux publics ou privés travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise.
3 Le département des finances et contributions est chargé de la gestion des deux autres tiers de ce fonds qui doit être affecté à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers-monde :
a) au soutien de programmes de production et d'activités alternatives dans les pays où l'on cultive et/ou transforme des plantes à drogue ;
b) au soutien de programmes visant à la prévention de la toxicomanie dans ces pays, en particulier auprès des jeunes.
Premier débat
M. Pierre-François Unger (PDC), rapporteur. Il est tellement banal de dire à quel point la drogue représente un fléau économique, social et sanitaire...
Il est tellement banal de dire que la lutte contre la drogue doit comporter des volets divers et complémentaires, qu'il s'agisse de répression, de prévention, prévention de la consommation mais aussi de la production, enfin, qu'il s'agisse de traitements nécessairement adaptés aux besoins spécifiques de chaque toxico-dépendant.
Il est tellement banal de dire que les trafiquants et leurs méthodes d'enrichissement inspirent le dégoût.
Il est dès lors tellement banal de considérer que l'argent provenant du trafic de la drogue n'est pas un argent comme les autres.
Tout cela est tellement banal qu'il aurait pu paraître normal de redistribuer cet argent dans le but de contribuer à limiter les effroyables ravages de ce fléau.
Cependant, il est légitime de prendre en compte l'état actuel des finances cantonales. Il est correct de considérer que l'affectation budgétaire constitue, en règle générale du moins, une erreur en termes de stratégie budgétaire.
Il est vrai aussi que des projets, tant en termes de coopération que de prévention locale, se doivent, pour être bons, d'être réalistes, bien préparés, et donc limités.
C'est bien parce qu'il fallait tenir compte de ces réserves que le projet de loi 6919 n'était pas acceptable dans sa forme initiale. Mais c'est bien aussi parce qu'il est indispensable d'affirmer avec force notre volonté politique de ne pas «banaliser» l'argent provenant du trafic de la drogue. C'est bien aussi parce qu'il faut affirmer, par un acte politique non seulement clair, mais aussi concret, notre souci de prendre en compte la complexité du problème de la drogue que je vous demande de voter le nouveau projet de loi tel qu'amendé par la majorité de la commission judiciaire.
M. Max Schneider (Ve). Le problème de la drogue n'existe pas seulement pour nous en Suisse; c'est un problème surtout dans les pays producteurs, où toute une partie de la population est touchée. Il y a une dizaine d'année, les milliers d'enfants des rues de Bogota respiraient, pour s'endormir et supporter le froid de toute une nuit à 2500 mètres d'altitude, un peu d'essence dans une boîte qu'ils faisaient remplir par le pompiste. Aujourd'hui, ils ont remplacé l'essence par de la marijuana, bien souvent coupée de cocaïne.
La prévention dans le tiers-monde prend tout son sens, notamment pour ces milliers d'enfants touchés par ce fléau. Mais il faut dire qu'ils y sont encouragés par les pays producteurs avec des moyens que je n'expliquerai pas. Nous sommes directement touchés par les «mules», qui viennent chez nous parce qu'elles ne survivent pas dans la misère effroyable des bidonvilles. Aujourd'hui, aucun projet de développement ne peut être soutenu, car il serait de trop grande envergure.
Je ne pense pas que ce projet de loi offre une solution au problème. Lorsque j'étais en Colombie, il y a environ quinze ans, je trouvais incroyable que la police genevoise puisse venir enquêter en Colombie, saisir 5 millions de dollars, et que cet argent aille grossir les caisses de la Confédération comme pour blanchir cet argent saisi à des trafiquants.
Voilà pourquoi il y a six ans, nous avions très gentiment demandé à M. Ziegler où allait l'argent de la drogue. Notre cher conseiller d'Etat n'en avait jamais entendu parler. Toutefois, après quelques éclaircissement, on a su qu'il allait dans les caisses sociales de la police.
Je crois que ce geste est symbolique, qu'il a la plus haute importance, parce que dans l'ensemble des cantons suisses, on va certainement pouvoir suivre l'exemple de Genève. Au niveau de la Confédération, je souhaite aussi que cet exemple soit donné et que les autres Etats, notamment la France, puissent suivre aussi notre exemple.
En France, ce pays qui lutte aussi contre le trafic de drogue, il a été estimé, en 1991, qu'environ 100 millions de francs français de trafic de drogue avaient pu être identifiés et saisis. 100 millions sur un trafic estimé à environ 14 milliards de francs français, soit un résultat minime de la lutte contre la drogue en France.
Bien souvent, les banques françaises, comme le rapport Larcher le démontre, ouvrent des succursales dans les paradis fiscaux. Elles prennent de l'argent sale et, ensuite, depuis ces paradis fiscaux, cet argent va en France où il est blanchi de manière tout à fait légale.
Si, par hasard, un procureur en vient à dénoncer cette fraude, le gérant de la banque succursale française en question sera puni et abandonné à son sort. Il est certain que ce mécanisme se répète en Suisse. Nous voyons donc la complexité du problème. Comment faire pour enquêter dans nos banques ? Nous savons que c'est très compliqué, voire impossible.
Symboliquement, ce projet revêt toute son importance, non seulement pour la prévention dans le tiers-monde, mais aussi chez nous. Lorsque l'on constate les énormes problèmes que rencontrent des jeunes qui doivent aller à Champ-Dollon, on pourrait peut-être agir concrètement ici à Genève. C'est un véritable défi qui a été relevé par la commission judiciaire. Je félicite tous leurs participants parce qu'ils sont arrivés à trouver un bon compromis constructif. Merci encore à ce rapporteur qui a bien relaté nos débats.
M. Philippe Schaller (PDC). Il n'y a pas grand-chose à ajouter au rapport de notre collègue Unger sur ce projet de loi issu de la commission judiciaire, et que la majorité a voté.
Toutefois, je désire rassurer ceux qui, parmi nous, seraient contre ce projet de loi, en leur assurant, tout d'abord, que les deux associations qui bénéficieront de subventions sont reconnues pour la qualité de leurs projets, à savoir, la Coopération au développement dans le tiers-monde et la plate-forme qui regroupe un certain nombre de professionnels et d'associations, tant privées que publiques, oeuvrant dans le domaine de la prévention.
Le deuxième élément consiste dans le fait que la prévention ne doit pas être un simple voeu pieux de nos discours politiques ou de nos campagnes électorales, mais qu'elle devrait être un souci quotidien de notre travail de parlementaire, car la prévention est un investissement en faveur de la santé.
Troisièmement, on peut attendre des améliorations de nos systèmes de santé par l'extension des structures de prévention et de soins. Certains sondages d'opinion ont montré que la majorité de la population est en faveur de la prévention ainsi que de programmes d'éducation dans les écoles, et non pas de la répression.
Ce projet de loi a l'énorme avantage de donner une petite bouffée d'oxygène à la prévention. Il permettra de développer des projets ponctuels, tant - comme je vous l'ai dit - privés que publics, en collaboration avec des personnes et des associations qui travaillent sur le terrain et connaissent parfaitement bien les besoins. Je vous demande, au nom du groupe démocrate-chrétien, d'accepter ce projet de loi.
M. Michel Halpérin (L). Dans un premier temps, il est assez difficile de ne pas être séduits par quelques-unes des idées exprimées, à la fois par le projet de loi, tel qu'il est issu des travaux de la commission judiciaire, et même par celui qui l'avait précédé et portait le numéro 6919.
Comme l'a souligné le rapporteur, toute une série de thèmes sont d'une banalité rare, mais d'un attrait certain pour ceux d'entre nous qui se sentent concernés par les problèmes de la drogue. A mon avis, c'est la totalité des membres de ce Grand Conseil.
Mais cela mérite tout de même un effort de réflexion qui doit porter sur trois aspects :
Le premier élément est celui du symbole. Dans le rapport que vous avez sous les yeux, le geste que nous sommes appelés à concéder sous forme financière a plus de valeur symbolique que de valeur véritable. D'abord, par son ampleur économique, et ensuite, parce qu'il est destiné à marquer une volonté politique.
En particulier, l'accent a été mis sur l'audition de Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix en 1992. Entendue par la commission, elle avait souligné le besoin aux fins d'éducation et de formation. L'adoption de cette loi, disait-elle, constituerait un acte symbolique.
Les symboles nous posent deux problèmes à moi et au groupe libéral au nom duquel j'interviens.
D'abord, nous ne sommes pas un simple groupe de réflexion qui, comme tel, doit formuler des signes ou des symboles à l'état pur. Nous devons aider le gouvernement à conduire une politique, soit une action concrète, et non pas nous satisfaire d'actes symboliques, même si nous pensons qu'ils sont importants.
Ce qui me conduit à penser que, lorsque nous devons adopter des décisions qui ont une portée plus symbolique que réelle, il faut au moins que nous nous demandions si ce symbole correspond tout à fait à la réflexion que nous devrions avoir menée sur ce thème.
Sans ouvrir un débat qui n'est pas vraiment celui qu'on nous propose, mais qui a l'air de l'être, je voudrais demander à chacun dans cette salle s'il a l'impression que nous avons abouti, au terme d'une réflexion en profondeur, sur les problèmes liés à la toxicomanie et à ses remèdes.
Nous disons adopter une position symbolique face à deux axes : la prévention locale et celle dans les pays producteurs.
Mais est-ce bien là le fruit d'une réflexion sérieuse et construite sur ces problèmes ? Pardonnez-moi de n'être pas d'accord avec vous, Monsieur Schneider. A priori, nous avons pensé qu'il était bon d'agir dans ce sens, sans avoir vraiment élaboré en notre sein une politique de prévention en général face à la toxicomanie.
Nous savons bien qu'au niveau de la Confédération, comme à celui des cantons, ces problèmes sont très loin d'être résolus, car entre la libéralisation totale et la répression totale personne n'est encore arrivé à se mettre d'accord sur une vraie politique, de sorte que le symbole que nous voulons adopter n'est pas celui d'une vision politique concertée, cohérente et construite de notre part. C'est ma première remarque.
Ma deuxième observation est que, pour parvenir à ce résultat symbolique, on nous demande d'entamer encore un peu les finances déjà souffreteuses de Genève parce que, nous dit-on, les moyens tirés de la confiscation du produit de cette activité criminelle qu'est le trafic de stupéfiants ne peuvent pas être affectés normalement à notre budget, car leur essence est trop impure, et nous sentons tout le malaise qu'il y a à vouloir nourrir notre budget avec un argent d'une provenance aussi difficile.
Simplement, j'observe que le problème se situe en amont. Il faut, bien sûr, confisquer cet argent. Dans son rapport écrit, le rapporteur a souligné qu'il n'y a pas lieu de le détruire. Mais il s'agit de savoir s'il peut entrer dans les finances de l'Etat comme le produit de toutes les confiscations judiciaires ou extrajudiciaires qui sont tous, bien entendu, le résultat d'une activité délictueuse ou criminelle.
Cet argent est-il encore plus criminel que celui qui proviendrait, par exemple, d'un rapt ou d'un kidnapping ? Je n'en suis pas totalement convaincu. Je ne crois pas que nous soyons là pour faire des balances entre la moyenne, la grande ou la très grande criminalité.
J'observe surtout qu'à côté de ce problème spécifique du déficit de nos finances genevoises se pose celui d'une affectation budgétaire déterminée qui est contraire à tous les principes auxquels nous avons dit vouloir adhérer les uns et les autres.
Je sais bien que le texte qui vous est soumis aujourd'hui a fait l'objet d'un assez vaste rassemblement au sein de la commission judiciaire. Je me demande si cette vertu qui nous anime en majorité, si cet angélisme d'un soir est véritablement l'expression de nos pensées profondes, ou, davantage, celle d'avoir le sentiment de devoir rendre des comptes sur des positions trop vite prises en période électorale. La question mérite d'être posée puisque nous avons tous reçu un rappel de ceux qui, parmi nous, ont cru devoir, l'été dernier, s'engager sur la piste de ce projet, parce que, ou en dépit du fait que, à cette époque, nous étions en campagne électorale.
Je laisse à chacun le soin de dire ou de se dire à lui-même ce qui a pesé d'un poids plus décisif dans son vote en commission ou dans celui d'aujourd'hui. Mais j'observe que, lorsqu'un représentant en aspirateurs ou en encyclopédies parvient à nous fourguer sa marchandise un peu vite, il nous reste quelques jours de réflexion pour nous raviser et changer d'opinion. Il semble que nous ne nous concédions plus ce privilège, à nous, politiques. Nous devrions décider vite, et ne jamais nous raviser, même après réflexion. Cela me paraît un peu court.
Enfin, ce projet de loi, par ses implications d'organisation budgétaire, crée une affectation au motif. Il ne me paraît pas supportable de se dire que, puisque nous avons déjà violé nos principes une ou deux fois, nous pouvons continuer à le faire étant donné que c'est pour la bonne cause. Nous devons nous poser des questions de principe sur l'organisation de notre budget. L'affectation budgétaire de ce texte est plus gênante aux yeux du groupe libéral que le principe d'une affectation de fonds provenant de la drogue à des activités de prévention contre la drogue. C'est l'affectation qui pose problème dans son principe parafiscal, c'est-à-dire cette «désaisine» de nos propres compétences, d'une manière abstraite et générale.
Je ne pose même pas la question de savoir si nous devons ou non rendre compte à la justice ou à la police qui se sont exprimées, d'une part, devant nous et, d'autre part, récemment, par voie médiatique, de l'usage que nous faisons de leurs efforts, sans même tenir compte du coût de ces efforts.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais que nous approfondissions sérieusement la question des conséquences financières, fiscales, budgétaires et d'organisation du fonctionnement de notre parlement, s'agissant des votes budgétaires, plus sérieusement que nous ne l'avons fait en commission judiciaire. Or, cela n'est pas la vocation profonde de ces commissaires de se pencher sur des problèmes de cette nature, je veux dire d'affectation budgétaire. Par conséquent, je propose à vos suffrages le renvoi de ce projet à la commission des finances.
M. John Dupraz (R). Avant de nous prononcer sur ce projet de loi, je dois dire que M. Halpérin met beaucoup d'éloquence pour expliquer des mesures que je qualifierais de purement dilatoires.
Il est vrai que les radicaux étaient partie prenante dans ce projet de loi initial, qui avait d'ailleurs été signé par notre ancien collègue M. Fontaine. Ils ont pris des engagements à la veille des élections de ce Grand Conseil et ils les respectent.
Nous estimons que le projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de la commission, est un heureux compromis qui ne met absolument pas en péril les finances de ce canton. Certes, si la technique budgétaire n'est pas tout à fait respectée, je ne vois pas en quoi nous perturbons le système budgétaire et financier de notre canton.
Il faut savoir que le problème de la drogue est la deuxième préoccupation de la population de ce canton, après le chômage. C'est un fléau qui peut toucher chacun d'entre nous dans nos familles, de près ou de loin. Ce projet de loi concrétise plus qu'un symbole, mais une volonté politique réaffirmée de lutter contre le fléau de la drogue, aussi bien à Genève que dans les pays producteurs du tiers-monde.
C'est pourquoi nous voulons, en votant ce projet de loi, donner un signal politique pour répondre aux préoccupations de la population. En conclusion, je vous demanderai de bien vouloir voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Ce projet de loi a connu beaucoup de hauts et de bas en commission. Au départ, il a été signé par tous les partis. Ensuite, il a été beaucoup discuté... (Mme Reusse-Decrey est interrompue par M. Halpérin.) Oui, le parti libéral l'avait cosigné, en la personne de M. Nicolas Von der Weid. Si vous consultez le Mémorial, Monsieur Halpérin, ce sont les premiers mots qui ont été dits dans le débat du Grand Conseil, soulignant que le nom de M. Von der Weid avait été omis sur le document publié et distribué aux députés.
Premièrement, ce projet de loi avait donc été signé par les députés de tous les partis et, en commission, il a été assez fortement remis en question d'autant plus que le paysage financier concerné par ce projet de loi s'est considérablement modifié au cours des travaux.
En effet, lorsque ce projet de loi a été déposé, les sommes saisies variaient entre 500 000 F et 1,5 million F par an. Durant les travaux de la commission, des saisies atteignant plus de 12 millions ont eu lieu. Il semble en outre que cette progression ne soit pas terminée.
Aujourd'hui, nous sommes devant un nouveau projet qui est ce que l'on peut appeler un compromis. Et, par définition, un compromis ne peut satisfaire tout le monde, Monsieur Halpérin, chacun doit lâcher un peu de lest.
Pour ma part, je suis un peu déçue face aux restrictions apportées dans ce nouveau projet de loi. Toutefois, j'ai aussi une grande satisfaction. D'abord, pour l'accord politique que nous avons réussi à concrétiser en commission, à partir de divergences assez profondes. Comme quoi la discussion est toujours positive.
La deuxième satisfaction est en relation avec le principe même du projet de loi. Cela a déjà été rappelé, et préservé, à savoir que, dès le premier centime, on partage cet argent qui n'est pas un revenu comme les autres puisqu'issu du narcotrafic.
Il est vrai que les députés qui eurent la chance, lors de la dernière législature, d'auditionner Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, ont pu témoigner de la force de ses propos. La drogue ne détruit pas que nos jeunes, mais aussi des familles entières là-bas, et tout un tissu social dans les pays producteurs. C'est donc sur ces deux plans que nous nous devons d'intervenir : dans le domaine de la répression, il est vrai qu'il ne faut pas le négliger, et dans le domaine de la prévention, c'est ce que se propose de mettre en place ce projet de loi.
Il est évident, Monsieur Halpérin, que nous n'avons jamais eu, et que nous n'avons toujours pas, la prétention d'avoir mené une réflexion totale, touchant tous les aspects de la toxicomanie et de la prévention, car c'est un vaste problème. Nous avons fait un petit bout de chemin, et c'est plus qu'un symbole, Monsieur Halpérin.
C'est néanmoins avec une petite larme de regret que je proposerai le retrait du projet de loi initial lorsque le nouveau projet de loi qui vous est soumis sera voté, et je vous invite à le voter en discussion immédiate.
M. Luc Gilly (AdG). Je m'adresse en particulier à M. Halpérin, car certaines de ses paroles m'ont tout de même étonné. En effet, nous avons discuté tranquillement et abondamment en commission, nous avons entendu beaucoup de gens réfléchis, des gens de terrain. Des dossiers complets sur la question ont été présentés. Je m'étonne donc que M. Halpérin nous prenne pour des marchands d'aspirateurs ou des voyageurs de commerce vendant des cravates.
J'aimerais dire que la décision qui sera prise ce soir n'est pas que symbolique. C'est un acte politique, réfléchi. Il n'appartient pas à ce Grand Conseil de donner une réponse immédiate au problème de la drogue qui est beaucoup trop vaste pour tout le monde.
Laissons cela aux spécialistes ! Faisons confiance à ceux qui, quotidiennement dans leur travail, sont confrontés à ces gens et leurs difficultés.
Quant à l'argent qui serait éventuellement récupéré lors de rapts d'enfants, Monsieur Halpérin, j'espère que la police le rendrait à son propriétaire !
D'autre part, je l'ai dit en commission, un article de «l'Hebdo», du mois de février, annonçait que l'an prochain l'Etat de Genève risquait de récupérer 60 millions.
Nous avons parlé de la fluctuation de ces sommes, mais, pour le moment, elles sont plutôt à la hausse. J'ai lu l'autre jour que 900 000 F allaient bientôt tomber dans la bourse de l'Etat de Genève. Il me semble, Monsieur Halpérin, que vous vous faites du souci pour les caisses de l'Etat. Je fais confiance aux services de M. Ramseyer qui redonneront, en tout cas, une impulsion pour mieux organiser la police face aux trafics internationaux et nationaux.
En ce sens, j'appelle à voter ce projet de loi de la part du groupe de l'Alliance de gauche.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Qu'est-ce que cet argent ? C'est de l'argent saisi par la justice. C'est le produit du travail de cette justice et de la police, qu'elle soit cantonale, genevoise, suisse ou étrangère, je cite en particulier la DEA américaine.
Cet argent a pour origine l'Amérique du Sud, certes, mais aussi le Moyen-Orient, l'Extrême-Orient et l'Asie. De plus, ce produit financier est parfaitement aléatoire, car il dépend du développement des opérations que nous conduisons.
Où va cet argent ? Il va dans les caisses de l'Etat. Un demi-million en 1990, 3,5 millions en 1992, 12 millions en 1993. Ensuite, il est redistribué aux départements et va, d'ores et déjà, à l'aide au tiers-monde. Je rappelle que, dans ce domaine, Genève est championne de Suisse pour les sommes qu'elle consacre à l'aide au tiers-monde...
M. John Dupraz. En football aussi !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. ...avec le canton de Zurich. Cet argent va aussi au département de l'action sociale et de la santé pour la gestion du problème de la drogue, mais en aval. Le département de justice et police en reçoit un peu pour sa lutte contre la drogue, mais en amont.
Où ira la grande partie de cet argent si ce projet est adopté ? 25% iront au département de l'action sociale et de la santé, 25% seront versés au département de l'intérieur qui est en charge de l'aide au tiers-monde. Les autres départements ne recevront rien. Le reste de la somme sera remis à la caisse générale.
J'aimerais, sans esprit de polémique ou de critique, mais de manière claire, sans ambiguïté, vous faire part de la position du Conseil d'Etat unanime.
Ce projet de loi est inopportun dans le contexte des difficultés financières de l'Etat. Il l'est également en regard des besoins financiers accrus de la justice et de la police pour mener une âpre lutte contre le crime organisé, la drogue et la criminalité en col blanc. A cet égard, je cite le coût toujours plus élevé des commissions rogatoires, des expertises comptables, des recherches bancaires et des traductions.
Ce projet de loi est inopportun parce que les affectations budgétaires sont contraires aux principes de la gestion financière, principes que nous nous sommes tous donnés.
Il est aussi malvenu sur le plan de l'aide au tiers-monde, aide à laquelle Genève consacre déjà la plus forte part budgétaire en Suisse. Dans cette assertion, le respect pour des organisations telle que la Fédération genevoise de coopération demeure total.
Ce projet de loi est totalement démotivant, tant pour la justice que pour la police, dont le Conseil d'Etat partage l'amertume. (Rumeurs de désaprobation.) Il est, Monsieur Schaller, totalement irréaliste de prétendre que la répression ne contribue pas à la prévention, surtout si c'est pour brandir les besoins de la médecine qui, quoi que vous vouliez, soignera toujours des malades et ne combattra pas les «pourrisseurs».
Enfin, ce projet de loi est inopportun parce que la réaction des Etats étrangers est prévisible. Lorsqu'ils passent un accord de réciprocité avec la Suisse à ce sujet, cet accord vise exclusivement à la lutte contre la drogue, le crime organisé et, en aucune manière, ne concerne des préoccupations d'ordre différent, aussi respectables soient-elles. Il faut le savoir !
Je vous dis sous forme d'avertissement : «Vous allez tarir une source.». Vous devez sciemment en prendre le risque et en assumer les responsabilités.
Pour finir, un mot à l'intention des députés qui voteront peut-être ce soir ce projet de loi à contrecoeur, parce qu'ils ont signé en son temps la fameuse et désormais célèbre petite feuille verte.
Nous aurons toujours plus de considération pour des élus qui reconnaissent s'être laissé piéger, que pour des parlementaires qui votent clairement ce qui apparaît comme une erreur politique, car c'est la qualification que mérite ce projet.
Cela étant dit, le Conseil d'Etat tient à réaffirmer de manière unanime son opposition, que ce soit au premier ou au second projet de loi qui vous sont soumis ce soir.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je dirai deux mots par rapport à la position du Conseil d'Etat dans cette affaire, car il est démotivant pour les députés qui ont travaillé sur ce projet de loi d'entendre les propos que vous venez de proférer, dans la mesure où vous n'avez peut-être pas suivi les travaux de la commission tels qu'ils se sont développés au cours de ces différentes semaines. Mais le problème avait déjà été abordé et les différentes observations que vous avez voulu faire, sans vouloir entamer une polémique, d'ailleurs, ont fait l'objet d'une discussion au sein de la commission judiciaire.
Je ne voudrais surtout pas saisir ces arguments pour ouvrir une polémique, rassurez-vous, Monsieur le président ! Mais j'aimerais simplement dire à tous les députés qui ne sont pas membres de la commission judiciaire que l'ensemble des arguments soulevés par M. Ramseyer au nom du Conseil d'Etat, prétendument unanime - je rappelle que M. Joye est signataire du premier projet de loi - ont été évoqués, et tout le monde, d'un commun accord, était d'avis que notre police et que la justice de ce canton ne s'abaisseraient pas à devoir être motivées par des fonds récupérés du travail qu'ils sont en train d'effectuer.
Cet argument n'en est pas un, Monsieur le président, et si vous faites référence, comme M. Halpérin l'a fait tout à l'heure, à la déclaration d'un représentant du Parquet dans la presse il y a quelques jours, nous répondrons, à l'unanimité, que nous sommes tous attachés à la séparation des pouvoirs, et pas uniquement lorsque cela nous arrange. Il est particulièrement déplacé, en l'occurrence de la part du Ministère public, de venir s'immiscer dans un problème d'ordre purement administratif qui est de la compétence de notre Grand Conseil.
En conséquence, j'espère que, dans sa grande majorité, notre Conseil adoptera ce projet de loi.
Le président. Je déduis du rapport écrit de M. Unger que le projet de loi 6919 sera retiré si le projet de loi 7094 est voté.
PL 7094
Mise aux voix, la proposition de renvoi du rapport en commission est rejetée.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Le projet est adopté en premier et deuxième débat.
Le président. Le Conseil d'Etat demande-t-il le troisième débat ?
(Le président insiste, car il n'obtient pas de réponse.)
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat aurait tout loisir de répondre non, mais, comme il est démocrate, il s'incline et répond oui.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
(Applaudissements.)
La loi est ainsi conçue :
(PL 7094)
LOI
sur la création d'un fonds destiné à la lutte contre la drogueet à la prévention de la toxicomanie(E 3 18)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
But
Il est constitué à la caisse de l'Etat un fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie.
Art. 2
Ressources
Ce fonds est alimenté annuellement par la moitié des sommes:
a) provenant de confiscations ou de dévolutions en rapport avec le trafic de stupéfiants;
b) dues et versées à la caisse de l'Etat après exécution d'accords de partage conclus avec des autorités étrangères;
c) à concurrence de 3'000'000 F au maximum.
Art. 3
Affectation et utilisation
1 Le département de l'action sociale et de la santé est chargé de la gestion de la moitié du fonds qui doit être affecté aux organismes locaux publics et privés travaillant à la prévention de la toxicomanie et dont l'utilité concerne la population genevoise.
2 Le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales est chargé de la gestion de l'autre moitié du fonds qui doit être affecté à des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le cadre de la coopération au développement dans le tiers monde.
Art. 4
Surveillance
Le Conseil d'Etat prend les dispositions nécessaires pour contrôler la gestion du fonds.
Art. 5
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.
PL 6919-A
Le président. Ce projet de loi est retiré.
1. Actuellement, la Chambre d'accusation est présidée par l'un des juges du Tribunal de première instance. Le président est assisté de deux juges assesseurs, élus à cet effet et pouvant être remplacés par les juges assesseurs suppléants du Tribunal de police qui sont au nombre de huit (art. 50 de la loi sur l'organisation judiciaire).
2. Selon la loi du 7 octobre 1993, le Grand Conseil a décidé de transférer la Chambre d'accusation à la Cour de justice et a prévu que cette juridiction serait composée d'un juge de la Cour, chargé de la présider, et de deux juges assesseurs élus à cet effet, pour statuer sur les demands de mise en liberté et de prolongation de la détention (art. 50 A, nouvelle teneur, de la loi sur l'organisation judiciaire). Il a également complété l'article 29, alinéa 2 de la loi et a fait entrer dans la composition de la Cour de justice deux juges assesseurs et quatre juges assesseurs suppléants, rattachés à la Chambre d'accusation.
3. D'entente avec le pouvoir judiciaire, le Conseil d'Etat a fixé l'entrée en vigueur de cette réforme au 1er septembre 1994.
Dès cette date, la Chambre d'accusation sera présidée par un juge de la Cour de justice et siégera avec le concours de deux juges assesseurs qui ont été élus à cet effet au printemps 1990, lors des dernières élections générales du pouvoir judiciaire. En revanche, personne n'a été élu à ce jour en qualité de juge assesseur suppléant à la Chambre d'accusation.
4. Il est inutile d'insister sur l'importance des décisions de la Chambre d'accusation, lorsque cette juridiction se prononce sur la liberté des individus. Cette juridiction est aussi amenée à siéger régulièrement, tout au long de l'année trois fois par semaine, deux fois pendant les féries et les périodes de fêtes.
Ce rythme soutenu fait ressortir la nécessité de doter de suppléants les deux juges assesseurs titulaires, sous peine d'exposer la Chambre d'accusation à la paralysie, en cas d'absence ou de maladie d'un des juges assesseurs.
5. Déposé par le Conseil d'Etat, le projet de loi 7079 précise que les juges assesseurs de la Chambre d'accusation peuvent être remplacés par les juges assesseurs suppléants du Tribunal de police (art. 50, nouveau, de la loi sur l'organisation judiciaire).
6. Le projet de loi en question a été examiné le 14 avril 1994 par la commission judiciaire qui a pris connaissance des explications du représentant du département de justice et police et des transports, M. Rémy Riat, secrétaire adjoint. Celle-ci n'a eu aucune peine à se convaincre du bien-fondé du projet de loi du Conseil d'Etat qui vise à permettre aux juges assesseurs suppléants du Tribunal de police de continuer à remplacer les juges assesseurs de la Chambre d'accusation, lorsqu'ils sont empêchés, comme c'est déjà le cas actuellement. La solution proposée est judicieuse et conforme à l'intérêt des justiciables privés de liberté.
7. C'est à l'unanimité que la commission judiciaire a accepté le projet deloi 7079 ci-après et qu'elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur l'organisation judiciaire
(E 2 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 50 (nouveau)
Les juges assesseurs de la Chambre d'accusation peuvent être remplacés par les juges assesseurs suppléants du Tribunal de police.
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1994.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Vous vous souviendrez qu'une modification de l'article 38 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) est intervenue en date du 28 novembre 1991, modifiant la composition du Parquet par la création de deux postes de procureurs, lesquels furent pris sur le contingent existant de sorte que le nombre de substituts serait dorénavant de 5 au lieu de 7 (voir rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les projets de loi 6516-A et 6517-A déposés le 12 avril 1991, pages 12 et suivantes).
La mission confiée à ces deux procureurs consistait essentiellement à accroître l'efficacité du Parquet en assistant le procureur général, jusqu'ici le seul «permanent» du Ministère public qui pourrait ainsi se trouver déchargé de certains dossiers complexes dont certains exigent un travail de plusieurs mois, voire de plusieurs années; le Grand Conseil avait surtout en vue la nécessité de lutter de façon accrue contre la criminalité économique.
Cette préocupation d'efficacité du Ministère public ne pouvait faire fi des impératifs budgétaires, ce qui explique que l'installation de ces deux magistrats expérimentés et permanents se ferait sans création de deux postes supplémentaires au sein du Parquet, la question devant «toutefois être revue à l'avenir en fonction de l'évolution du nombre des causes à traiter...» (voir rapport précité, ibidem).
Plus de deux ans après cette modification, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre au sein du pouvoir judiciaire, et du Parquet en particulier, selon lesquelles les buts globalement exposés supra ne sont pas atteints, le Parquet souffrant d'un dysfonctionnement trouvant son origine dans sa sous-dotation en effectif, moyens et équipements.
La mise en place de la modification de la LOJ du mois de novembre 1991 sans création de postes supplémentaires a eu l'effet pervers de paralyser en grande partie les deux procureurs dans les tâches qui leur étaient normalement dévolues: ceux-ci sont, de fait, contraints d'assumer - en concours avec les 5 substituts restants - la charge laissée vacante par le départ des deux substituts non remplacés (jours de permanence par-devant la Chambre d'accusation, représentation du Parquet par-devant la Cour de cassation, rédaction d'ordonnances de condamnation, etc.).
Cette situation provoque une dégradation du climat entre les magistrats du Parquet, et d'autres effets pervers comme l'engorgement des procédures, l'augmentation des dossiers en suspens et l'absence de représentation du Parquet au Tribunal de police dans les affaires où l'ordre public est en cause ou dans lesquelles des prévenus peuvent être condamnés à des peines allant jusqu'à 5 ans de réclusion (affaires de stupéfiants).
Il appartient au Grand Conseil de faire preuve de cohérence en s'assurant de la réalisation effective des buts clairement énoncés dans le rapport à l'appui de la modification de la LOJ du mois de novembre 1991, et le cas échéant de s'en donner les moyens au nombre desquels figure la restitution des deux postes de substituts supprimés.
C'est pour toutes ces raisons que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC). Notre Grand Conseil a voté en novembre 1991 une modification de la loi sur l'organisation judiciaire dans le but de créer deux postes de procureur. Cela avait pour but de permettre au Parquet d'avoir une efficacité plus grande. Les dossiers sont néanmoins de plus en plus nombreux, mais ils sont également de plus en plus complexes, particulièrement dans le domaine préoccupant de la criminalité économique. Tous se rappelleront que ces deux postes de procureur avaient été «prélevés» dans le «pool» des postes de substituts, par souci du respect des contraintes budgétaires, hélas déjà préoccupantes.
Qu'en est-il actuellement ? Le Parquet dispose-t-il des moyens pour faire face à l'augmentation de la charge de travail qui lui est confiée ? Le Parquet peut-il être partout, là où sa présence est indispensable ? Le but de cette motion est simplement d'obtenir un bilan trois ans après l'entrée en vigueur de cette modification législative, et de proposer, si besoin est, des mesures destinées à mettre à la disposition du Parquet les moyens qui lui sont nécessaires pour assurer l'intégralité de ses missions.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant la situation prévalant actuellement au Parquet
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la modification de l'article 38 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) intervenue le 28 novembre 1991 prévoyant la création de deux postes de procureurs;
- l'abaissement du nombre de substituts de deux unités ayant été opéré en vue de concilier ce qui précède avec les impératifs budgétaires de l'époque;
- les dysfonctionnements résultant de la situation actuelle au sein du Parquet;
- le réexamen de l'ensemble de ces problèmes en fonction de l'évolution du nombre des causes à traiter expressément réservé dans le rapport de la commission judiciaire à l'origine de la modification précitée;
- la nécessité de s'assurer que les buts clairement exprimés à l'occasion de la modification de la LOJ du 28 novembre 1991 soient concrètement atteints,
invite le Conseil d'Etat
- à rendre, en 1994 encore, un rapport sur la situation prévalant actuellement au sein du Parquet, principalement à la lumière des buts qu'a entendu poursuivre le Grand Conseil en décidant de la modification de la LOJ du 28 novembre 1991, qui permette notamment de décrire dans quelle mesure les deux procureurs ont actuellement la possibilité de mener leur mission, et d'évaluer l'incidence concrète de l'abaissement du nombre des substituts sur le fonctionnement du Parquet;
- à proposer le cas échéant divers remèdes aux dysfonctionnements constatés, en envisageant notamment la possibilité de faire remonter le nombre des substituts de 5 à 7.
La motion de M. Torrent a été déposée le 27 septembre 1993 et renvoyée à la commission judiciaire lors de la séance du Grand Conseil du 7 octobre 1993.
Réunie sous la présidence de M. Bénédict Fontanet, la commission judiciaire a consacré une partie de ses séances des 13 janvier, 20 janvier, 3 février et 10 mars 1994 à l'examen de cette motion.
Assistaient aux travaux de la commission, M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, chef du département de justice et police et des transports (DJPT), MM. Rémy Riat et Bernard Duport, secrétaires adjoints du DJPT.
Préambule
Lors de la discussion de cette motion en séance plénière. 5338 et suivantes), M. Bernard Ziegler, alors conseiller d'Etat, avait rappelé que ce sujet avait déjà été évoqué au Grand Conseil, notamment par le biais d'une pétition concernant le non-respect du droit de visite.
Il était déjà question d'introduire dans la loi pénale genevoise une nouvelle disposition répressive qui aurait permis d'infliger des arrêts et des amendes à ceux qui auraient empêché l'exercice d'un droit de visite fixé par une ordonnance ou par un jugement exécutoire.
La commission judiciaire avait refusé d'entrer en matière sur des mesures répressives supplémentaires. Constatant qu'il existait déjà des moyens légaux pour faire respecter le droit de visite, la commission avait proposé de chercher d'autres solutions au problème posé, en déposant une motion visant à la création d'un point de rencontre pour l'exercice du droit de visite.
En réponse à cette motion, le Conseil d'Etat a mandaté la fondation officielle de la jeunesse, afin qu'elle mette en place, de façon permanente, un lieu d'accueil spécifique.
Par la suite, un second point de rencontre, qu'on a qualifié de «judiciaire», a été créé sous l'autorité de l'Hospice général, avec la collaboration du pouvoir judiciaire, le 13 septembre 1993.
Vu la création récente de ces deux points de rencontre, M. Bernard Ziegler aurait souhaité que l'on attende l'évaluation de ces structures, avant d'entrer en matière sur la motion de M. Torrent, évaluation prévue pour l'été 1994.
Travaux de la commission
Afin de faire le point sur la situation actuelle, la commission judiciaire a souhaité procéder à quelques auditions.
Le 20 janvier 1993: audition de Mmes Renate Pfister-Liechti, présidente du Tribunal de première instance, Claire Rihs, directrice adjointe de l'office de la jeunesse, et de M. Jacques Berthoud, tuteur général.
Mme Pfister-Liechti expose que la juridiction qu'elle préside communique, en vue d'enquêtes, un exemplaire de chaque demande en divorce dans lesquelles sont impliqués des enfants mineurs, au service de la protection de la jeunesse. Durant la période de conciliation, si besoin est, le juge peut, sur requête urgente, prendre des décisions immédiatement exécutoires et ainsi purger de manière fructueuse les litiges naissants à propos du droit de visite.
Depuis deux ans, ce genre de pratique augmente et permet de dédramatiser les cas dans lesquels existent des risques d'enlèvement, notamment dans les mariages mixtes ou dans les situations de conflit extrême.
Le juge peut, soit attribuer la garde à l'un des parents et fixer un point de rencontre, soit bloquer la demande en divorce en conciliation pendant quelques mois, durant lesquels les services de protection de la jeunesse peuvent intervenir. Mme Pfister-Liechti relève que ce mode de faire est très efficace.
De manière générale, l'intervention du juge au stade de la conciliation permet de remédier à des relations difficiles. Et elle estime que l'arsenal législatif est complet de ce point de vue.
En ce qui concerne les propositions visant à légiférer davantage sur le plan pénal, les magistrats sont d'avis qu'il ne faudrait recourir à de telles solutions qu'en dernier ressort et pour des cas extrêmes.
Il est préférable d'user de moyens de médiation. Le recours à l'article 292 CPS qui réprime le non-respect d'une décision de l'autorité n'est guère compatible avec les jugements de divorce.
La proposition visant à instaurer une astreinte serait une nouveauté en droit genevois et elle serait vraisemblablement sans effet durable et néfaste pour les enfants.
Mme Pfister-Liechti conclut en disant qu'à son avis les moyens pour agir au mieux existent déjà à l'heure actuelle.
M. Berthoud confirme les propos de Mme Pfister-Liechti et ajoute qu'il intervient également hors des cas de divorce, sur mandat de la Chambre des tutelles, dans le cadre des curatelles avec droit de visite.
Il confie, également à la commission, que dans certains cas, la mauvaise volonté des parents est si grande qu'il n'y a rien à faire sinon organiser et multiplier des rencontres dans des lieux neutres, souvent en présence d'un assistant social. Elles n'ont pas forcément lieu au point de rencontre, se déroulant parfois dans des lieux publics.
A ce jour, seul un jugement a nécessité le recours au point «judiciaire». Cet endroit permet, notamment, la surveillance des parents, lorsqu'ils constituent un danger potentiel pour les enfants.
Concernant le règlement du problème par le droit pénal, M. Berthoud va encore plus loin, puisqu'il considère que ce serait «diabolique» et qu'il faut l'éviter à tout prix.
M. Berthoud pencherait quant à lui pour un plus grand droit de l'enfant à pouvoir décider s'il veut ou non rencontrer l'un ou l'autre de ses parents, même s'il est conscient que, dans ce cas, il faudrait tenir compte de l'influence consciente ou inconsciente du parent avec lequel l'enfant vit.
Il conclut en estimant que des mesures pénales supplémentaires ne résoudraient pas mieux les problèmes demeurés insolubles à ce jour. Etant précisé que chaque situation est particulière et mérite d'être analysée en tant que telle.
Mme Rihs expose que la création récente de deux points de rencontre a apporté un début de solution à certains cas et que, personnellement, elle attend beaucoup de la médiation, méthode avec laquelle travaille le service de protection de la jeunesse.
Suite à ces auditions, les commissaires, rejoints d'ailleurs par la motionnaire, se déclarent convaincus que la motion proposée n'apporte pas une solution adéquate aux préoccupations actuelles rencontrées lors des jugements de divorce, ainsi qu'au non-respect du droit de visite.
De plus, M. Riat, secrétaire adjoint du DJPT, confirme les propos tenus par M. Bernard Ziegler, lors du débat sur la motion, propos relatés dans le préambule, à savoir qu'un premier rapport a déjà été rendu le 11 août 1993 (Mémorial no 34 p. 5237 et suivantes) et que le département est prêt à en rédiger un second, avec l'aide de la Fondation officielle de la jeunesse pour faire le point à fin 1994.
En conclusion, la commission judiciaire à l'unanimité vous propose d'adresser au Conseil d'Etat une nouvelle motion.
Annexe: Motion 868 de M. Jacques Torrent
ANNEXE
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le droit de visite
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- l'importance de créer les conditions les plus favorables au maintien des liens entre les enfants et leurs parents divorcés;
- les efforts des autorités mettant à disposition des points de rencontre, pour le droit de visite;
- l'efficacité douteuse et l'impact excessif que créeraient les conséquences de mesures pénales supplémentaires,
invite le Conseil d'Etat
à faire un rapport au Grand conseil à fin décembre 1994, sur le bilan des deux points de rencontre ouverts en 1992 et en 1993.
1. MM. Laurent Moutinot, Christian Ferrazino et Chaïm Nissim ont déposé une proposition de motion à la séance du Grand Conseil du 2 décembre 1993 (Mémorial, page 7271).
Le débat préliminaire a eu lieu lors de la séance du 16 décembre 1993 (Mémorial, page 7850). Mise aux voix, elle a été renvoyée à la commission judiciaire.
2. Exposé du problème
a) Dispositions concernant le fond
- Le congé pour défaut de paiement de loyer est réglé par l'article 257 d du code des obligations (CO), qui stipule:
«1. Lorsque après réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Ce délai sera de 10 jours au moins et, pour les baux d'habitation ou de locaux commerciaux, de 30 jours au moins.
2. Faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.»
- Ainsi que par l'article 274 g, CO, qui prévoit que «lorsqu'une procédure d'expulsion est engagée, l'autorité compétente en matière d'expulsion statue aussi sur la validité du congé donné par le bailleur, dans le cadre d'application de l'article 257 d, CO». C'est-à-dire en cas de demeure du locataire, demeure du locataire étant définie par l'article 257 d, CO.
- La procédure d'évacuation elle-même étant cantonale, elle est régie à Genève par l'article 440 LPC qui a la teneur suivante:
«1. Le greffier convoque les parties à bref délai.
2. L'instruction de la cause se fait tout entière à l'audience. Il n'est pas admis d'échange d'écritures, les parties ayant toutefois la faculté de plaider. Il est dressé procès-verbal des déclarations faites par les parties.
3. Le président peut néanmoins ordonner les mesures probatoires prévues par le présent chapitre, si elles sont indipsensables au jugement de la cause, ou faire application de l'article 439.»
- L'article 439 LPC (qui peut être appliqué à teneur de l'alinéa 3 de l'article 440 LPC) a la teneur suivante:
«Le Tribunal peut, en tout temps, s'il estime que les conditions prévues à l'article 8, alinéa 1, de la loi instituant une commission de conciliation en matière de baux et loyers, du 4 décembre 1977, sont remplies, soumettre une cause à la commission de conciliation, siégeant dans la composition prévue à l'article 8, alinéa 2, de ladite loi. Il décide si l'instruction de la cause doit être suspendue.»
- L'article 8 de la loi instituant une commission de concilation en matière de baux et loyers (dont il peut être fait application en exécution de l'arti-cle 439) a la teneur suivante:
«1. S'il s'avère, en particulier dans le cadre de l'opposition à une majoration de loyer ou d'une demande en évacuation, que notamment la situation financière très difficile du locataire fait obstacle à une transaction, la commission reconvoque les parties à bref délai afin d'examiner quelles institutions pourraient accorder des prestations au locataire.
2. Dans ce cas, la commission siège avec le concours des2 assesseurs supplémentaires, spécialistes des questions sociales. Elle peut entreprendre toute démarche utile, notamment ordonner la comparution personnelle des parties ou l'audition de tierces personnes, et demander la production de toute pièce utile.»
3. Exposé du problème soulevé par les motionnaires
Alors que les litiges relatifs aux baux sont soumis à des tribunaux spéciaux, les litiges d'expulsion dérogent à cette règle du fait que l'arti-cle 274 g, CO a prévu une attraction de compétence en faveur de l'autorité d'expulsion. Le Tribunal fédéral ajoute: «Dans le but d'éviter des procédures multiples et de permettre une liquidation rapide des litiges en matière de bail à loyer» (Semaine Judiciaire 1993, page 549 lettre b et jurisprudence citée).
Le Tribunal fédéral a ensuite précisé que ce juge d'expulsion est appelé à statuer aussi et définitivement sur la validité du congé, de sorte qu'il est «tenu d'examiner la cause avec une pleine cognition sans égard au fait que les preuves fondant le droit d'une partie peuvent être immédiatement fournies et qu'à première vue la partie adverse n'a rien de pertinent à opposer» (id.,p. 550).
Cette procédure unique doit «déboucher sur un jugement définitif». Cette solution s'impose au regard du ratio de l'article 274, CO, qui vise au règlement rapide de ce genre de litige.
Le Tribunal fédéral précise encore que «ces décisions étant revêtues de l'autorité de la chose jugée, elles sont finales au sens de l'article 48 alinéa 1 OJ et peuvent ainsi faire l'objet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral, sous réserve des conditions de recevabilité» (id., p. 550).
4. Critique de la procédure de l'article 440 LPC par les motionnaires
Les motionnaires estiment que cet article instaure une procédure «sommaire» qui ne permet pas souvent aux locataires de faire entendre des témoins dans le cas où le loyer a été payé en nature ou de la main à la main, ni de tenir compte d'un paiement par compensation, notamment en cas de diminution de jouissance de la chose jugée.
Les opposants à la motion contestent qu'il s'agisse d'une procédure sommaire, puisque cette procédure prévoit (au contraire d'une procédure sommaire) la possibilité d'un échange d'écritures, la faculté de plaider et que par ailleurs le jugement rendu est susceptible d'appel ordinaire.
En fait, la procédure prévue par l'article 440 est une procédure «sui generis» intermédiaire entre la procédure sommaire et la procédure ordinaire.
En définitive, la motion demande au Conseil d'Etat d'harmoniser la procédure genevoise des articles 440 et 441 avec les exigences de l'article 274, CO, à savoir obtenir que le juge compétent en matière d'expulsion statue aussi sur la validité du congé, avec pleins pouvoir de cognition.
Par ailleurs, la motion demande dans son 2e alinéa une modification de la législation permettant de prendre en compte les aspects sociaux du défaut du paiement du loyer dans toute la mesure compatible avec les exigences du droit fédéral.
En effet, actuellement le caractère très strict de la procédure d'évacuation ne permet pas suffisamment de trouver des solutions économiques, financières et sociales raisonnables pour les deux parties.
5. Travaux de la commission
Séance du 10 mars 1994
a) Un premier débat permet aux motionnaires de confirmer qu'ils désirent harmoniser la législation genevoise avec le droit fédéral avec comme effet indirect de favoriser une meilleure justice par la composition tripartite de l'instance compétente par exemple. Dans la discussion, plusieurs solutions sont envisagées, allant jusqu'à la suppression des articles 440 et 441 LPC.
b) Il est procédé ensuite à l'audition de M. Bernard Bertossa, procureur général. Ce dernier fait remarquer qu'il ne s'occupe que de l'aspect de l'exécution des jugements et non pas de la procédure. Il ne voit pas d'objection, si le Grand Conseil l'estime nécessaire, à développer des moyens procéduraux tout en admettant que cette solution lui paraît quelque peu disproportionnée au regard du petit nombre de cas litigieux. Pour lui, le réel problème se situe au niveau de l'exécution. En effet, le locataire évacué fait l'objet de poursuites qui découragent les éventuels fournisseurs de locaux. Il pense donc que la solution pourrait être par exemple la création d'une association privée ou publique venant au secours des locataires ne pouvant payer leur loyer, soit par des paiements directs, soit par des garanties. Il estime que le vrai problème se situe à ce niveau. Une discussion s'instaure sur le travail de la commission sociale prévu par l'article 440 et il semble qu'il serait utile que cette commission intervienne en début de procédure, au moment où les problèmes sont encore relativement légers sur le plan financier, plutôt qu'en fin de procédure.
Le procureur général fait remarquer que bien souvent le jugement d'évacuation est le premier effet catalyseur ayant une influence sur les divers intervenants uniquement à ce stade et relève qu'en 1993, 490 demandes d'évacuation ont été déposées, 185 retirées, 280 ont fait l'objet d'arrangement, finalement 73 ont été réellement exécutées par la force publique.
Il est suggéré une éventuelle modification de la loi sur la commission de conciliation pour que celle-ci exige la présence des représentants des services sociaux, cela en début de procédure.
c) La commission auditionne ensuite M. Yves Delaunay, régisseur, et M. Marc Muller, secrétaire du Service de protection juridique immobilière représentant de la Chambe immobilière genevoise (CGI).
M. Delaunay précise que la régie dont il s'occupe traite 2500 loyers. Il a constaté 20 à 25 mises en demeure mensuelles, dont seulement 2 ou3 aboutissent à des requêtes en évacuation. Il n'a fait procéder qu'à 2 ou3 expulsions en 15 ans. Il considère que l'article 440 répond aux préoccupations des motionnaires, en ce sens que le juge peut ordonner des mesures probatoires. Quant à la compensation, elle est régie par l'arti-cle 259 g, CO. Elle peut être évoquée même en appel pour la première fois et pour une cause postérieure au jugement de première instance. Il rappelle que les régies se soucient de l'aspect social du problème des locataires tout en relevant que ce sont souvent ces derniers qui font preuve de négligence. Il rappelle également que, selon lui, la procédure des articles 440 et suivants n'est pas une procédure sommaire puisque le juge peut ordonner des probatoires autres, que le jugement qu'ils recevront est susceptible d'un recours en réforme devant le Tribunal fédéral, cela à la différence de la situation dans le canton de Vaud, situation qui a donné lieu à la jurisprudence à laquelle se réfère la motion.
M. Delaunay considère qu'une modification de la LPC sur ce plan aurait des effets pervers, notamment pour les locataires.
d) La discussion reprend. Les motionnaires rappelant que le nombre d'évacuations est toujours en augmentation, que les bailleurs essaient pratiquement d'obtenir un jugement, puis de discuter ensuite. Ils regrettent que l'autorité chargée de statuer ne comprenne pas d'assesseurs dont l'expérience pourrait être utile.
Les opposants à la motion considèrent que la législation genevoise ne devrait être modifiée que si elle ne répondait pas aux exigences posées par la jurisprudence fédérale, ce qui ne semble pas être le cas, et de répondre à une exigence sociale, cela dans la mesure où elle serait réelle et ne pourrait l'être par une revivification de la commission sociale.
Il est rappelé que l'article 8 de la loi sur la protection des locataires est suffisant pour répondre à toutes les exigences des motionnaires.
Les motionnaires admettent que la majorité des cas relève en effet de la commission sociale et énumèrent diverses causes, non imputables aux locataires, mettant ces derniers dans l'impossibilité de s'acquitter de leurs loyers.
Les motionnaires expliquent qu'ils n'ont pas présenté un projet de loi rédigé, car ils souhaitaient ouvrir la discussion pour chercher une solution acceptable pour tous, plutôt que de figer le débat par un projet écrit
6. Séance du 17 mars 1984.
Audition de M. Michel Criblet, juge au Tribunal de première instance, vice-président de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, et de M. Jean-Marc Strubin, président du Tribunal des baux et loyers.
M. Criblet donne des précisions techniques quant à la procédure par-devant la commission de conciliation. Il relève que la commission de concilation n'a que peu de pouvoirs et que des améliorations pourraient être imaginées à ce niveau. Il pense qu'il faudrait pouvoir éviter une longue procédure qui aboutit généralement à une perte de loyer pour le bailleur.
M. .
- existence de la créance;
- exigibilité de la créance;
- vérification de la forme de l'avis comminatoire;
- vérification du délai de paiement;.
- vérification de l'absence de paiement ou de consignation;
- vérification des conditions formelles de l'article 266 m, CO.
S'agissant d'un examen au fond, la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le canton de Vaud n'a pas d'application directe à Genève.
Il relève que les probatoires ne sont ordonnées que dans le 1% à 2% des cas, ce qui ne nécessite donc pas de modifier la loi.
Dans les autres cas, le Tribunal est confronté à des problèmes sociaux et non juridiques. Actuellement 16 requêtes sont déposées par semaine et 12 ou 13 jugements sont rendus. (Voir statistiques remises par le juge Strubin le24 mars 1994 en annexe au présent rapport.)
M. le juge Strubin relève que la plupart du temps les locataires ne peuvent pas payer, sans mauvaise volonté de leur part.
M. le juge Strubin précise que si le Tribunal des baux et loyers devait siéger dans une composition tripartite pour les requêtes en évacuation pour non-paiement de loyer, cela augmenterait son coût de fonctionnement.
M. Strubin est d'avis que ce n'est pas la LPC qu'il faut modifier, mais l'article de fond, soit l'article 257 d, CO, ce qui est du ressort du législateur fédéral.
M. Criblet précise que la Cour de justice a considéré que la procédure appliquée au jugement d'évacuation pour non-paiement de loyer n'était pas une procédure sommaire, puisque le juge disposait du pouvoir de libre appréciation des preuves.
Sur question, M. Criblet précise que la commission de conciliation convoque entre 3 semaines et 2 mois, le Tribunal des baux un mois après le dépôt.
M. Strubin précise que la moitié des locataires environ font défaut dans la procédure.
M. Strubin précise qu'il n'est pas rare que les locataires ne se manifestent seulement lorsque l'huissier vient leur notifier le jugement d'évacuation.
Après discussion, il est renoncé à l'audition de Mme Gampert-Péquignot dont l'opinion est connue par la lettre qu'elle a adressée au département le15 mars 1994 et qui est jointe en annexe.
Une discussion s'installe sur le problème de la crise du logement social.
Les commissaires s'accordent pour convenir que le défaut de paiement du loyer est dommageable tant pour le bailleur qui ne parvient pas à encaisser son état locatif que pour le locataire plongé par ses dettes de loyer dans l'engrenage des poursuites; de plus, il est admis qu'il faut trouver des solutions rapidement, soit au début de la procédure, avant que l'arriéré ne soit trop important.
Plus que des règles de droit, c'est l'intervention efficace des services compétents - office du logement social, Hospice général, OCPA, etc., - qui doit permettre de trouver des solutions.
Il convient donc de renforcer, au stade de la conciliation, les possibilités d'intervention des services de l'administration ou de tiers, à la demande de la commission.
Il s'agit notamment que la commission de conciliation puisse disposer, au début de la procédure, à l'instar du procureur général au stade final, de l'appui de l'office du logement social pour trouver l'aide adéquate selon les cas.
Finalement la commission propose d'amender la motion 885 et propse le texte suivant:
«La commission judiciaire du Grand Conseil invite le Conseil d'Etat:
à permettre par une modification du fonctionnement de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, dans sa composition de l'article 8 de la loi régissant son activité, la prise en compte des aspects sociaux du défaut de paiement de loyer dans toute la mesure compatible avec les exigences du droit fédéral».
Cette proposition est acceptée à l'unanimité.
Annexes: 1. Lettre de la CGI à la commission judiciaire du Grand Conseil.
2. Lettre de la commission de conciliation des baux et loyers à
M. M. Riat.
3. Tableaux statistiques 1991-1992-1993.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
Débat
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Nous sommes d'accord avec la proposition de motion mise au point par la commission judiciaire. Le département proposera au Conseil d'Etat une modification, comme souhaitée par cette commission, du règlement concernant la commission de conciliation en matière de baux et loyers, du 27 février 1978.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
invitant le Conseil d'Etat à présenter un projet de loi
modifiant la procédure en matière d'évacuation
pour défaut de paiement du loyer
(art. 440 et 441, LPC)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que dans un récent arrêt (SJ 1993, page 545 et suivantes), le Tribunal fédéral a critiqué les procédures cantonales d'évacuation pour défaut de paiement du loyer, lorsqu'il s'agit de procédures sommaires;
- qu'il y a lieu, la procédure genevoise en la matière étant sommaire, d'harmoniser la législation cantonale avec les exigences du Tribunal fédéral;
- que le problème des évacuations pour défaut de paiement pose de surcroît de graves problèmes sociaux, économiques et humains, et qu'il y aura lieu d'en tenir compte dans l'élaboration d'une nouvelle législation,
invite le Conseil d'Etat
à permettre par une modification du fonctionnement de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, dans sa composition de l'article 8 de la loi régissant son activité, la prise en compte des aspects sociaux du défaut de paiement de loyer dans toute la mesure compatible avec les exigences du droit fédéral.»
- Considérant le refus réitéré du gouvernement chinois de reconnaître la validité pour son territoire de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
- considérant la destruction systématique par les autorités chinoises de la culture du Tibet, et leur refus de reconnaître le moindre droit à l'expression politique et culturelle du peuple tibétain;
- vu le rôle international de notre cité, notamment en relation avec la promotion du respect des droits de l'homme;
- exprimant son indignation devant l'attitude du gouvernement chinois en matière de droits de l'homme et tout particulièrement à l'égard du peuple et de la culture du Tibet,
LE GRAND CONSEIL
invite
1. le Conseil d'Etat
a) à faire sienne la présente prise de position et à la faire connaître à qui de droit;
b) à saisir l'occasion d'un prochain passage en Europe du Dalaï-lama pour le recevoir officiellement en tant que représentant légitime du peuple tibétain,
2. le Conseil fédéral
à intervenir auprès du gouvernement chinois afin que ce dernier reconnaisse:
a) la Déclaration universelle des droits de l'homme comme fondement de sa politique;
b) les droits culturels, politiques, économiques et sociaux du peuple tibétain.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous croyons exprimer l'avis de l'ensemble des formations politiques représentées au sein de ce Conseil et de la large majorité de notre population en affirmant que notre référence est constituée par la Déclaration universelle des droits de l'homme telle que l'assemblée générale des Nations Unies l'a formulée en décembre 1948. L'histoire et l'actualité nous montrent que la réalisation de cette déclaration représente un combat constant; un certain nombre d'Etats, et pas des moindres, souhaitent même s'y soustraire complètement; les rapports annuels des instances compétentes (sous-commission des droits de l'homme des Nations Unies, Commission internationale des juristes, Amnesty International, etc.) le soulignent clairement.
Parmi les gouvernements particulièrement rétifs à la conception universaliste des droits de l'homme on peut citer la Chine, qui connaît certes un mouvement de libéralisation économique - qui n'est pas dénué de dérapages sociaux et de risques - mais aucun changement substantiel sur le plan politique; le massacre de Tien-an-men, de juin 1989, est encore dans toutes les mémoires. Le peuple tibétain est doublement victime de la situation: d'une part il partage la situation infligée à tous les sujets du gouvernement de Pékin, d'autre part, il fait l'objet d'une répression particulièrement acharnée depuis l'occupation de son territoire par les troupes chinoises en 1951. Cet état de fait est documenté par la destruction de 95% des monastères et monuments du pays, des centaines de milliers de morts dans les camps de travail ou de rééducation, durant les années 60 et 70, puis, plus récemment, une politique de peuplement et de sinisation forcenée. Parmi les peuples opprimés du monde, le cas du peuple tibétain est particulièrement douloureux, et le Tibet a besoin de toutes les expressions de solidarité possibles, et une telle expression siérait particulièrement au parlement du canton qui accueille tant d'institutions privées et publiques vouées à la cause des droits de l'homme.
Pour ces motifs, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accorder votre appui à la présente résolution.
Débat
Mme Anne Briol (Ve). Personne ne peut rester insensible au non-respect des droits de l'homme. Depuis 1951, le peuple tibétain, plus particulièrement, est sous le joug de la Chine. De plus, son patrimoine culturel, unique au monde, se rétrécit chaque jour comme une peau de chagrin, balayée aveuglément par la culture chinoise. C'est pour ces raisons que nous soutenons cette résolution.
M. Dominique Hausser (S). «...Des prisonniers d'opinion peuplent les prisons et les camps d'un grand nombre de pays. D'innombrables gouvernements cautionnent la torture ou le viol en détention. Des milliers de personnes disparaissent ou sont assassinées par des agents de l'Etat et des escadrons de la mort. Quant aux groupes politiques armés, ils commettent eux aussi d'effroyables exactions. De telles atrocités ne doivent pas être tolérées...». Cela est mentionné à la page 4 de la brochure d'Amnesty International : je cite «...Au-delà des conflits armés, qu'ils soient médiatisés ou non, présents sur tous les continents, situations dans lesquelles les droits de l'homme sont systématiquement bafoués...».
Le rapport annuel d'Amnesty International met en évidence depuis longtemps que les droits de l'homme ne sont que rarement respectés, même en dehors des conflits. Ce rapport de 1993 cite des violations des droits de l'homme dans 161 pays, en relevant le caractère injuste et inhumain qui a prévalu en 1992. Cela ne signifie pas pour autant que les pays non cités aient respecté les droits de l'homme. La Suisse même est citée dans ce rapport en matière de non-respect des libertés d'opinions. Vous connaissez le sujet !
Il serait ainsi possible de faire une résolution tous les trois jours si l'on prend en compte ces 161 pays pour dénoncer les violations et inviter les autorités à mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la déclaration universelle des droits de l'homme.
Genève, ville internationale et de solidarité, se doit d'intervenir régulièrement pour rappeler la charte des droits de l'homme et surtout la nécessité de la respecter.
La résolution que nous vous proposons d'accepter ce soir veut s'inscrire dans une stratégie de réaffirmation de l'attachement du Grand Conseil, en particulier, et de la République et canton de Genève, plus généralement, au respect des droits de l'homme. Mais, rassurez-vous, je ne déposerai pas une résolution sur ce thème tous les trois jours !
La situation de la Chine, Etat le plus peuplé de la planète, est dramatique. Je me permets de vous citer quelques lignes du rapport d'Amnesty International qui comporte plusieurs pages sur la Chine : «En septembre, un livre blanc publié par le gouvernement intitulé «Le Tibet, appartenance et situation des droits de l'homme» expliquait sans détour que toute activité susceptible de porter atteinte à la stabilité et à l'unité du Tibet, telles les manifestations politiques pacifiques, serait impitoyablement réprimée. La torture et les mauvais traitements sur la personne des détenus ont été couramment pratiqués au Tibet. Parmi les méthodes les plus fréquemment signalées, on relève que «le passage à tabac», l'emploi de matraques électriques et de fer, la privation de sommeil ou de nourriture, l'exposition à une chaleur ou à un froid intense et l'obligation de demeurer dans des postures épuisantes seraient couramment utilisées au cours des interrogatoires. Ces tortures et mauvais traitements seraient infligés de façon particulièrement dure aux détenus des provinces du Laos Ning, du Tsiangtsi et du Hunan ainsi que dans la région autonome du Tibet.».
La Chine était l'hôte officiel du Salon du livre. Même si d'aucuns ont affirmé que la Chine culturelle et historique était invitée, les représentants politiques de ce pays y étaient présents et participent aux horreurs que je viens d'énumérer en citant quelques passages du rapport d'Amnesty International. Le Tibet était également hôte du village du Salon du livre. Cela a d'ailleurs créé de nombreuses tensions entre M. Pierre-Marcel Favre, directeur du salon, et les animateurs du village.
Le président du Conseil d'Etat, sans parler de la Chine et du Tibet, l'a rappelé dans son allocution au Salon du livre. Je cite M. Haegi tel que publié dans la «Feuille d'avis officielle» du mercredi 11 mai 1994 : «L'existense de ce rendez-vous culturel nous donne l'occasion de renforcer cette vocation de lieu de rencontre, de rapprochement et d'entente. Pour y parvenir, il ne saurait y avoir d'exclusion. Parler avec tous, ce n'est pas être dupe et faible, c'est au contraire, en ce qui nous concerne, accepter de s'engager courageusement en faveur de l'application des droits de l'homme et de leurs principes essentiels, notamment celui du respect des minorités ethniques, religieuses et linguistiques.».
Dénoncer les violations est donc une priorité, et c'est la raison pour laquelle je vous recommande d'approuver unanimement cette résolution.
Mme Evelyne Strubin (AdG). Je me permettrai d'intervenir sous forme de questionnaire. Le bilan de l'occupation chinoise au Tibet est simple à faire. Plus d'un million de Tibétains auraient péri de mort violente entre 1950 et 1980. 175 000 en prison, 156 000 exécutés sommairement, 413 000 morts de faim, 92 000 sous la torture et près de 10 000 suicidés.
Les Tibétains subissent l'effrayante politique des naissances, des avortements forcés jusqu'au neuvième mois, des stérilisations massives, des infanticides en nombre.
Est-il normal que l'on n'entende ni les défenseurs des droits de l'homme ni les humanistes qui devraient être à l'oeuvre ? Que disent les démographes alors que les Tibétains sont minoritaires chez eux ? Que disent les politiciens quand la Chine accède au capitalisme à marche forcée ? Quand elle détruit les coutumes, l'histoire, les trésors des temples et la liberté de religion du peuple tibétain ?
Le meilleur moyen d'aider ce pays en cage est-il d'accepter le fait accompli de la conquête et de l'atroce purification ethnique à l'oeuvre sur le toit du monde tout en ne faisant rien pour amener les Chinois à respecter les droits de l'homme ? Je sais bien que les souffrances lointaines sont muettes, mais je me demande s'il est normal, bien que le Tibet soit hermétiquement clos aux journalistes, que l'on ne s'indigne pas devant l'oppression ? Que nous pliions l'échine, que nous nous résignions, en tout cas que nous laissions mourir les autres ? Notre conscience est-elle en panne ?
La soi-disant ouverture aux investisseurs étrangers au Tibet est-elle réelle ou ne cache-t-elle pas plutôt un moyen habile pour masquer la colonisation et la répression ? Il est clair que Pékin veut un Tibet, non seulement chinois, mais sans Tibétains. Est-il normal que la motivation des manoeuvres chinoises soit la situation géographique de ce pays, dont le peuple est hautement pacifique, et qui est une plate-forme unique pour lancer une offensive contre l'Inde et la Russie par voie maritime ?
Si le bouddhisme authentique des lamas tibétains disparaît de la surface de la terre, cette perte créera un déséquilibre qui nous concerne tous. Dans ces conditions, croyez-vous que le voeu du Dalaï-Lama que chacun retrouve la tolérance, l'altruisme et l'amour, trouvera un jour un écho favorable ? Est-ce un crime de lèse-majesté que d'exiger de la Chine l'ouverture de cette zone d'ombre, de demander, voire d'imposer le droit d'ingérence au nom de l'urgence pour préserver les droits de ce peuple et de tout tenter pour que cette grande civilisation retrouve la terre de ses ancêtres.
Enfin, j'aimerais savoir si le prix Nobel qu'a reçu le Dalaï-Lama en 1989 lui a été remis pour remercier un homme qui se bat pour une grande cause perdue d'avance grâce à notre indifférence. Si, comme moi, vous répondez non à toutes ces questions, veuillez cocher la case : acceptation de la résolution.
M. Michel Halpérin (L). Il y a trente-cinq ans que le scandale du Tibet nous interpelle, jour après jour, et que nous faisons preuve, comme cela vient d'être justement rappelé, d'une regrettable amnésie et d'une apparente indifférence à l'égard de ce drame qui mérite toute notre sympathie et notre solidarité.
Je ne suis pas très sûr de savoir expliquer, mieux que ne l'a fait ma préintervenante, la raison de ce silence. Ce n'est en tous les cas pas par défaut de sympathie que chacun éprouve naturellement pour le peuple tibétain ou pour le Dalaï-Lama, mais je suppose que c'est peut-être dû à des considérations de haute politique internationale et de format de l'adversaire.
Ce sont ce genre de considérations qui, généralement, donnent la mesure de la qualité des prises de position. Je suis assez frappé de constater qu'en général il se trouve moins de gens pour condamner la Chine, comme autrefois pour condamner l'Union soviétique, qu'il ne s'en trouve pour condamner d'autres pays d'un format plus réduit et, par conséquent, d'un intérêt plus limité. Ceci explique-t-il cela ? Quoiqu'il en soit le groupe libéral salue l'occasion que notre Grand Conseil se donne de marquer - mais bien sûr, c'est encore une simple prise de position verbale, qui n'ira pas loin - notre solidarité avec le peuple tibétain.
Je voudrais souligner un seul problème à l'intention des proposants. Il s'agit de la première invite qui me paraît quelque peu discutable dans ses deux définitions. Je trouve qu'une invite de notre parlement au Conseil d'Etat à faire sienne la présente prise de position, alors qu'il n'y en a pas et à la faire connaître à qui de droit, alors qu'on ne sait pas qui est «qui de droit», manque singulièrement d'épaisseur.
Je trouve que le point b de cette première invite, demandant à notre Conseil d'Etat de recevoir le Dalaï-Lama en tant que représentant légitime du peuple tibétain, est singulièrement audacieux par rapport aux règles qui sont les nôtres en Suisse s'agissant des affaires étrangères. Je ne trouve pas très intelligent que nous tentions d'imposer à notre exécutif des démarches qui violent la Constitution fédérale s'agissant des relations diplomatiques avec l'étranger.
C'est la raison pour laquelle je souhaite proposer à votre assemblée, en regrettant l'absence si marquée des gens d'extrême-gauche, en face de moi, de modifier cette première invite en disant ceci :
Le Grand Conseil
adresse un salut fraternel au peuple tibétain;
invite
1) le Conseil d'Etat à saisir l'occasion d'un prochain passage en Europe du Dalaï-Lama pour le recevoir officiellement;
Le président. La deuxième invite subsiste sans changement.
Le groupe libéral soutiendra la résolution qui vous est proposée avec son amendement.
M. René Longet (S). L'universalité de la cause des droits de l'homme doit nous tenir à coeur dans ce Grand Conseil. C'est ce que nous avons de plus précieux au niveau des réalités comme des objectifs politiques.
Lorsque l'on a la chance d'être dans un pays démocratique comme le nôtre, de connaître la liberté d'expression, la moindre des choses est de faire un usage de notre liberté de parole, de pensée et d'action en faveur de ceux qui n'ont rien de tout cela. Aujourd'hui, on parle du Tibet, demain, on parlera certainement d'autres pays.
En ce moment même où nous nous demandons quelle est la meilleure forme à donner à notre résolution, à notre indignation, des millions de femmes et d'hommes souffrent, sont moralement et physiquement écartelés, se battent pour leurs droits humains élémentaires, car la liberté politique et publique, nous le savons, est encore un bien très mal partagé.
Dès lors, dans ce combat pour lequel nous ne devons avoir aucune réticence quand les victimes nous interpellent, nous devons répondre «présent».
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon collègue Hausser sur la Chine, sinon pour vous dire que c'est aujourd'hui le cinquième anniversaire du massacre de la place Tien An Men qui a eu lieu au début du mois de juin 1989. Il faut savoir que la situation du Tibet équivaut à un Tien An Men rampant, et ce depuis quarante-trois ans, depuis 1951, année durant laquelle le Tibet a été annexé de force par la République populaire de Chine.
Le peuple tibétain partage le sort commun des sujets de Pékin, mais il lui est encore destiné une situation particulière puisqu'on vise en plus à niveler sa spécificité au niveau religieux, culturel et ethnique. Cela doit tout spécialement nous préoccuper.
Lorsque nous apportons notre soutien à la politique du Dalaï-Lama, non seulement nous la donnons au héraut d'une culture, à celui qui a su défendre durant toutes ces années son peuple, mais aussi à l'homme qui a refusé de répondre au sang par le sang et a été capable de maintenir un élément important du patrimoine culturel de l'humanité, un homme qui, depuis quarante ans, se bat inlassablement pour une échelle de valeur qui nous concerne très directement, car il s'agit profondément du respect de l'être humain : la doctrine qu'il proclame nous montre une voie qui nous éclaire et nous sert d'exemple.
Vous vous rappelez aussi que le Dalaï-Lama a proposé récemment un plan de paix, qui a été refusé. Il a proposé d'ouvrir des négociations. Mais sans le soutien des chefs d'Etats occidentaux, ni celui des pouvoirs publics, il n'y a aucune chance qu'un jour le dialogue soit possible, même sur des positions aussi modérées. La dernière proposition du Dalaï-Lama nous paraît, elle aussi, élémentaire, c'est un référendum du peuple tibétain sur son sort. Mais elle est tout simplement impossible, car, au Tibet, il n'y a aucune liberté d'expression, de parole, aucune parcelle de démocratie. Nous devons le savoir, et cela doit nous motiver pour une grande solidarité.
Parfois, on entend dire, heureusement cela n'a pas été le cas aujourd'hui, que des résolutions de notre Grand Conseil sur de tels objets pourraient être de la vaine agitation. Ce n'est pas vrai. Il s'agit du combat pour le bien politique le précieux au monde, à savoir les libertés fondamentales. On nous appelle à l'aide, et c'est à nous de ne pas nous rendre coupables de non-assistance à peuple en danger. Une telle résolution montre aussi que nous connaissons la situation du Tibet, contrairement à ce qui a été dit en d'autres lieux et en d'autres temps. Nous savons ce qui s'y passe et c'est à nous d'utiliser nos modestes moyens, mais néanmoins réels, pour poser les problèmes tels que nous les voyons.
Toute résolution de ce genre a une efficacité, même si on ne la voit pas tout de suite. C'est un appui moral et politique, pour que le drame d'un peuple ne soit pas oublié.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical s'associe à une grande partie de ce qui vient d'être dit. Il acceptera la résolution avec l'amendement proposé par notre collègue libéral.
En effet, il pense que la cause tibétaine mérite d'être soutenue dans cette ville et dans ce pays. La Suisse et le Tibet sont des pays de longues traditions montagnardes, et c'est un élément qui contribue peut-être à nous rapprocher.
Nous sommes d'accord avec la formulation de notre collègue Halpérin sur le salut fraternel que nous voulons adresser au peuple tibétain, car il nous paraît important, à nous, radicaux, de faire un projet de résolution positif en faveur du Tibet.
Nous pensons qu'il appartient aux autorités fédérales de représenter la Suisse dans cette affaire. Mais, malgré tout, il nous paraît important que les citoyennes et les citoyens de Genève, que nous représentons, puissent être associés à cette politique par cette résolution. Nous nous plaisons à croire que le Conseil d'Etat, si une prochaine occasion se présente, saisira la perche tendue en recevant officiellement le Dalaï-Lama comme représentant du peuple tibétain.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat se range tout à fait à ce qui vient d'être dit. Toutefois, pendant un instant, nous avons eu le sentiment que la première invite, même amendée, était sans objet.
Il y a plus de dix ans que le Dalaï-Lama est accueilli à Genève, tant par le Conseil d'Etat que par la Ville, avec les honneurs dus à son rang. Il y a plus de dix ans qu'à chaque occasion nous manifestons notre amitié très profonde pour le peuple tibétain. C'est la raison pour laquelle cette première invite nous paraît sans objet, mais cela étant, rien n'empêche de rappeler les choses. On se range très volontiers au texte proposé par M. Halpérin.
Mis aux voix, l'amendement de M. Halpérin est adopté.
Mise aux voix, cette résolution ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant le respect des droits de l'homme en Chine et le sortdu peuple et de la culture du Tibet
- Considérant le refus réitéré du gouvernement chinois de reconnaître la validité pour son territoire de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
- considérant la destruction systématique par les autorités chinoises de la culture du Tibet, et leur refus de reconnaître le moindre droit à l'expression politique et culturelle du peuple tibétain;
- vu le rôle international de notre cité, notamment en relation avec la promotion du respect des droits de l'homme;
- exprimant son indignation devant l'attitude du gouvernement chinois en matière de droits de l'homme et tout particulièrement à l'égard du peuple et de la culture du Tibet,
LE GRAND CONSEIL
1) adresse un salut fraternel au peuple tibétain;
invite
2) le Conseil d'Etat
à saisir l'occasion d'un prochain passage en Europe du Dalaï-Lama pour le recevoir officiellement;
3) le Conseil fédéral
à intervenir auprès du gouvernement chinois afin que ce dernier reconnaisse:
a) la Déclaration universelle des droits de l'homme comme fondement de sa politique;
b) les droits culturels, politiques, économiques et sociaux du peuple tibétain.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le titre de mon interpellation pouvait laisser croire que j'allais demander à M. Ramseyer si la loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers serait appliquée dans notre canton, et de quelle manière elle le serait.
Mais, depuis le dépôt de cette interpellation, la situation a quelque peu évolué et un référendum a été lancé contre cette loi fédérale. Mon parti soutient ce référendum. J'espère donc, avec tous les autres référendaires, que la question posée dans le titre de mon interpellation n'aura jamais lieu d'être posée.
Cela dit, j'ai tout de même souhaité maintenir mon interpellation parce qu'il m'a semblé nécessaire de profiter du lancement de ce référendum pour faire le point sur la situation actuelle à Genève, six ans après la mise en vigueur des lois d'application des lois fédérales sur l'asile et sur le séjour et l'établissement des étrangers.
En effet, je vous rappelle que le 18 septembre 1987, le Conseil d'Etat proposait un projet de loi en deux volets. L'un concernant l'application de la loi fédérale sur l'asile, et l'autre l'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.
Envoyé dans une commission ad hoc, ce projet de loi a fait l'objet d'un premier rapport. Le volet se référant à la loi sur l'asile a été adopté par le Grand Conseil, le 18 décembre 1987, alors que la loi concernant le séjour et l'établissement des étrangers a été renvoyée en commission, notamment parce qu'elle faisait l'objet de critiques importantes et de nombreuses propositions d'amendement.
Après un certain nombre de nouvelles séances, et grâce aux propositions constructives de notre ancien collègue, Robert Cramer - je ne fais que citer le rapport de Mme Vali - une solution de compromis a été soumise à la séance du Grand Conseil du 16 juin 1988, sous forme de deux nouveaux rapports, et la loi sur l'application de la loi fédérale sur l'établissement et le séjour des étrangers a pu ainsi être votée dans son ensemble.
Si, à l'époque, cette loi avait suscité tant de discussions chez les députés, c'est principalement parce que le nouveau principe, inscrit dans la loi fédérale, qui consistait à procéder à des internements administratifs, choquait la plupart d'entre nous. Nous nous demandions comment une telle loi pourrait être appliquée dans un canton comme le nôtre, extrêmement soucieux du respect des libertés individuelles. Pour preuve, il n'y a qu'à se référer à notre constitution et au grand nombre de dispositions qu'elle contient visant à protéger la liberté personnelle.
Cette introduction concernant la loi actuelle me paraissait importante pour pouvoir dénoncer le fait que, six ans après la promulgation d'une loi dure et restrictive concernant les étrangers, le Conseil fédéral en propose une nouvelle qui accentue, cette fois-ci de manière insoutenable, les restrictions de la précédente.
Je ne m'attarderai pas sur le contenu de cette nouvelle loi, votée par le Parlement fédéral le 18 mars 1994 et intitulée : «Loi sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers». La presse en a beaucoup parlé et je pense que M. Moutinot le fera dans son interpellation.
J'aimerais tout de même rappeler brièvement quelles sont les modifications principales et inadmissibles par rapport à la loi actuelle :
1) L'internement d'un étranger sera possible pendant la préparation de la décision concernant sa demande. Il pourra l'être sur simple conviction d'un fonctionnaire qui estime que l'étranger est susceptible de se soustraire à une éventuelle expulsion qui pourrait être prononcée à son égard.
2) Cet internement sera possible dès l'âge de quinze ans.
3) Cet internement pourra durer jusqu'à une année, répartie comme suit : trois mois lors de la préparation de la décision, trois mois pour exécuter la décision et six mois de prolongation s'il y a des obstacles à l'exécution de la décision.
On pourra donc enfermer dans notre pays, durant une année, des gens qui n'ont commis aucun délit, simplement parce que l'on devait examiner si l'on pouvait leur accorder un permis de séjour ou d'établissement, et cela, je le rappelle, dès l'âge de quinze ans. A titre de comparaison, un citoyen de notre pays de moins de dix-huit ans ayant commis un délit d'une extrême gravité, comme un homicide par exemple, ne peut être privé de sa liberté à titre de sanction pénale que durant une année, dans le pire des cas.
J'en viens maintenant à mes questions. Après six ans, j'imagine que l'on peut tirer un certain bilan de l'application des dispositions cantonales sur l'internement administratif, et, à cet effet, j'aimerais poser à M. Ramseyer, les questions suivantes :
Depuis la mise en vigueur de cette loi, le 15 août 1988; combien de personnes ont-elles été internées à Genève ?
Quelle a été la durée moyenne des internements qui ont été prononcés ?
Est-ce que cette loi fonctionne de manière satisfaisante ? M. Ramseyer pourra, je l'espère, nous donner ces réponses, puisque je les lui ai transmises préalablement.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. S'agissant des mesures de contrainte possibles à l'égard des étrangers, je rappellerai tout d'abord qu'elles existent déjà du fait du droit fédéral actuellement en vigueur.
La loi sur le séjour et l'établissement des étrangers prévoit la mesure d'internement d'une durée maximale de deux ans visant l'étranger indésirable qui mettrait gravement en danger l'ordre public par sa présence.
La mesure de mise en détention, en vue du refoulement, d'un étranger qui ferait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire et qui voudrait se soustraire à son refoulement, ne pourrait durer plus de 48 heures sans faire l'objet d'un contrôle judiciaire et ne pourrait pas excéder trente jours.
A cet égard, je puis vous communiquer les chiffres suivants :
Le nombre de personnes internées à la demande de l'autorité genevoise par l'autorité fédérale est égal à zéro. Il n'y a jamais eu de cas semblables pour Genève. Les nombres de mise en détention, en vue du refoulement, sont les suivants : en 1990, 758; en 1991, 827; en 1992, 573; en 1993, 576; en 1994, pour quatre mois, 162.
Ces chiffres sont à apprécier par rapport aux vingt mille refoulements annuels qui ont lieu depuis les frontières genevoises. Dans 90% des cas, la durée de détention ne dépasse pas quatre jours. Dans 20% des cas, elle est comprise entre cinq et vingt-huit jours. Ces mises en détention concernent en permanence un nombre de cas restreints, de quinze à vingt en moyenne. Il s'agit, dans la règle, de cas pénaux. La mise en détention se fait sur la base d'une décision écrite, motivée et notifiée par écrit à l'étranger concerné et, le cas échéant, à son mandataire. Elle est contrôlée par le juge dans les 48 heures l'étranger concerné par la mise en détention peut être mis au bénéfice de l'assistance juridique.
Je constate que la pratique de mes services est satisfaisante. Elle n'a pas été critiquée jusqu'ici et mes services n'ont pas le souvenir d'une polémique à ce sujet.
J'en viens maintenant au nouveau droit fédéral. Je ne m'y étendrai pas trop, puisqu'il fait actuellement l'objet d'un référendum. S'il devait entrer en vigueur, il primerait le droit cantonal qui devrait, dès lors, s'adapter. Mais, Madame la députée, la question à se poser est de savoir si ce nouveau droit correspond aux besoins genevois.
Je vous réponds que ce nouveau droit ne correspond pas aux besoins genevois. S'il entre en vigueur, il élargira les possibilités de mise en détention et donnera plus de souplesse à l'autorité cantonale pour ce faire. Mais, justement, il ne fait que donner une possibilité laissée à l'appréciation de l'autorité cantonale. J'affirme ici que la pratique cantonale ne changera pas. Le recours à la mise en détention ne se fera, comme jusqu'ici, que dans les cas justifiés d'abus graves, et pour un nombre extrêmement restreint de cas.
La meilleure preuve de notre volonté de continuer à utiliser la mise en détention avec discernement est que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention de construire une prison spécialement pour ce genre de cas. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire aux cantons romands qu'à mon sens chaque canton devait régler ses problèmes, et que Genève, en tous les cas, n'était pas favorable à la construction d'un établissement d'envergure romande sur son territoire.
Que se passera-t-il si le nouveau droit entre en vigueur ? Le Conseil d'Etat devra édicter un règlement d'application intermédiaire, comme la loi fédérale lui en fait le devoir, en attendant que votre Conseil vote la nouvelle loi d'application.
Ce règlement, qui sera édicté après consultation des représentants des parties concernées, sans oublier les oeuvres d'entraide, se tiendra aussi près que possible de la loi d'application raisonnable, actuellement en vigueur, que le Grand Conseil a votée en 1988.
Ensuite, le Conseil d'Etat prend l'engagement de soumettre à ce Grand Conseil, dans les meilleurs délais, le projet d'une nouvelle loi d'application qu'il soumettra également pour consultation aux organismes directement intéressés par la protection des droits de l'homme. C'est cette fameuse transparence qu'appelle de ses voeux M. Saurer, en faisant allusion à mon parapluie !
En conclusion, si le nouveau droit fédéral entre en vigueur, le Conseil d'Etat entend jouer la transparence dans la procédure d'adoption de la nouvelle législation sur les mesures de contrainte, transparence dans l'application qui serait faite de la mise en détention. Le Conseil d'Etat s'engage à faire appliquer avec retenue les nouvelles prescriptions fédérales et fera aussi en sorte que le respect des droits constitutionnels genevois et des conventions d'ordre général signées par la Suisse soit assuré. La politique genevoise en matière d'asile et à l'égard des étrangers doit rester ce qu'elle est, rigoureuse, libérale et humaine, mais aussi responsable et sans faiblesse. Telle est la position du présent Conseil d'Etat. Telle est également ma réponse à Mme Bugnon pour son interpellation, à M. Moutinot pour son interpellation 1893, ainsi qu'à l'interpellation urgente de M. Vanek Par ces propos, j'espère avoir traité des trois sujets qui m'étaient soumis.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie M. Ramseyer d'avoir répondu à mes questions. Nous prenons note avec satisfaction que, quoi qu'il arrive, il devance les futures questions. Nous espérons l'aboutissement du référendum, afin qu'il nous permette de corriger cette grave erreur du Conseil national, et nous avons entendu que le canton de Genève n'appliquera pas ce qui est prescrit par cette loi.
L'interpellation est close.
M. Laurent Moutinot (S). Je renonce à développer mon interpellation, puisque le conseiller d'Etat Ramseyer a deviné mes propos, devancé mes questions et qu'il a apporté des réponses à toutes celles que je voulais poser.
Cette interpellation est retirée.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Un des arguments principaux évoqués durant la campagne sur la levée des interdictions des grands jeux, en mars 1993, était l'intérêt de procurer des rentrées financières aux communes, aux cantons et dans les caisses fédérales.
A Genève, l'envolée du produit des machines à sous du Grand Casino, qui se poursuit depuis un peu plus de deux ans maintenant, n'a généré que des recettes négligeables pour le canton et, surtout, pour la Ville.
En effet, en 1992, sur un produit d'environ 12 millions, le prélèvement perçu par le canton n'a été que de 1,6 million et le bénéfice net de la Ville, de 300 000 F seulement.
Dans le même temps, la société anonyme du Grand Casino, celle de M. Gaon, prélevait respectivement 6,1 millions et 1,6 million pour financer la salle de spectacle, soit au total presque 8 millions.
Pour 1993, on parle d'une rentrée totale de l'ordre de 16 millions de francs. Flagrante est donc l'inéquité de cette répartition qui ressort de la convention dite «Convention d'actionnaires», conclue entre la Ville de Genève et la société anonyme du Grand Casino.
Cette convention faisait suite au refus du Conseil d'Etat de voir la Ville procéder à une cession pure et simple du capital-action de la société d'exploitation du Casino, la SECSA, à M. Gaon. Cependant, ce dernier a retrouvé dans cette convention d'actionnaires un résultat comparable à une privatisation qui n'en porterait pas le nom.
En effet, la Ville détient 99% des actions. La société de M. Gaon, avec le pour-cent restant, se met 60% des bénéfices dans la poche. Voilà qui s'appelle un contrat intéressant !
En outre, il apparaît qu'au terme de l'article 1 de cette dite convention la société de M. Gaon devait réaliser, à ses frais et à ses risques, une salle de machines à sous et assurer lui-même la totalité de l'investissement.
Or, il apparut ultérieurement que cet article n'avait pas été respecté puisque la société de M. Gaon se borne à louer les machines à sous à la société Tivolino. Les salaires du personnel sont d'ailleurs aussi à la charge de cette société. M. Gaon n'a donc pas tenu son engagement contractuel en se déchargeant totalement du poids de la fourniture des machines, de l'exploitation et de la formation du personnel. Ne restent pour lui que les fructueux bénéfices.
Le Conseil d'Etat, en faisant procéder comme il lui en incombe à une inspection des comptes de la SECSA par le contrôle financier cantonal, a découvert, d'une part, le décalage de la répartition financière et, d'autre part, ce non-respect de la convention. Il a donc refusé d'agréer les comptes de la SECSA. La Ville de Genève et la SECSA ont alors interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral.
Dès lors, mes questions sont les suivantes : comment se fait-il que l'accord entre acheteurs et fournisseurs, à savoir entre M. Gaon et la Maison Tivolino, accord qui viole la convention d'actionnaires, n'ait jamais été déclaré et a donc été caché au Conseil d'Etat ? Pourquoi la Ville s'oppose-t-elle à l'Etat et défend-elle ainsi la société de M. Gaon ? Que contient ce rapport du contrôle financier cantonal ? Où en est la procédure qui est pendante devant le Tribunal fédéral ? L'Etat envisage-t-il d'intervenir auprès de la Ville pour qu'elle renégocie la convention d'actionnaires en vue d'obtenir une part équitable de l'important profit obtenu par l'exploitation des machines à sous ?
Enfin, ma dernière question. Comment l'Etat envisage-t-il d'intervenir dans le cadre d'une éventuelle implantation des grands jeux à Genève ? Sur ce dernier point, je pense qu'une telle exploitation doit être prise en main par un groupe financièrement solide et fiable, afin d'éviter, tout particulièrement, les risques élevés dans ce milieu de blanchiment d'argent.
Or, le groupe Gaon n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler un groupe financièrement solide. Il suffit de constater ses problèmes avec le blocage d'une prétendue créance sur la Russie portant sur 280 millions de dollars, ses difficultés à assurer ses nombreuses obligations envers la banque Paribas, la Banque cantonale de Genève, la banque Barclès en France, ainsi qu'envers le Crédit National. Quant à son casino de Cannes, inauguré en la présence de son invitée personnelle, Mme Rossi, il serait toujours dans les chiffres rouges. Enfin, les terrains de Sécheron semblent commencer à être bien encombrants, puisque, de source assez sûre, il semble que M. Gaon chercherait à les revendre. Avis aux amateurs !
Merci au Conseil d'Etat s'il peut répondre à toutes ces questions.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je vous fais mes compliments, Madame la députée. En effet, vous me demandez ce qu'est la SECSA, et vous faites un exposé brillant qui démontre, à satisfaction de tout un chacun, que vous connaissez parfaitement bien le sujet, de sorte que je peux tout aussi bien m'abstenir de vous renseigner sur un sujet que vous maîtrisez au moins aussi bien que moi.
Je reprends donc uniquement les questions finales que vous avez articulées. Vous avez demandé où en était l'état de la procédure. Tout d'abord, je tiens à rappeler que le Conseil d'Etat a toujours refusé la cession par la Ville de Genève du capital-action de la SECSA à la société anonyme du Grand Casino, la SACG. Nous avons refusé une première et une deuxième fois et nous avons confirmé notre refus de la convention d'actionnaires - c'était le 15 mars 1993 - estimant qu'un contrat plus favorable à la Ville de Genève devait être négocié.
Concernant les grands jeux, j'aimerais rappeler que le Conseil d'Etat a, d'ores et déjà, fait acte de candidature auprès du Département fédéral de justice et police, en vue de l'exploitation dans notre canton d'un casino avec des grands jeux. Cet acte de candidature, qui ne nous engage à pas grand-chose, si ce n'est de nous manifester, date du 26 avril 1993.
Vous devez savoir, Madame la députée, que le Conseil administratif de la Ville de Genève et la SECSA ont recouru au Tribunal fédéral contre la décision du Conseil d'Etat du 15 mars 1993, et que ces recours sont pendants devant le Tribunal fédéral.
Le Conseil d'Etat exige toujours une renégociation de la convention d'actionnaires et a menacé de retirer l'autorisation d'exploiter le jeu de boules et des machines à sous à la SECSA. Récemment, cela remonte au tout début de l'année, la Ville de Genève, la SECSA et la SACG ont demandé l'ouverture d'une négociation tripartite, Etat-Ville-SACG. Ces négociations sont en cours.
Vous comprendrez que, par souci de conservation du secret professionnel, je ne peux aller beaucoup plus loin dans l'exposé de l'état de ces négociations.
Par contre, il est normal que vous soyez informés, ce que le Conseil d'Etat s'engage à faire prochainement. Il s'agira, en quelque sorte, de faire passer ce dossier dans une commission, afin que nous puissions vous renseigner. Je tiens à dire d'emblée que c'est un sujet d'une effroyable complexité, même les dessins fournis par les différentes parties ne nous permettent pas d'y voir très clair.
Madame la députée, vous avez posé de bonnes questions. J'espère que vous serez satisfaite d'une réponse partielle. Mais, franchement, Madame la députée, le conseiller d'Etat en charge du dossier a vraiment l'impression qu'il s'adresse à une experte.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je ne saurais partir à la pause sans remercier le conseiller d'Etat de me traiter d'experte, et je prends note que le Conseil d'Etat s'engage à saisir le Grand Conseil lorsque les discussions qui sont actuellement en cours entre l'Etat, la Ville et la SACG auront abouti. Ainsi, je clos mon interpellation.
L'interpellation est close.
La séance est levée à 19 h 15.