Séance du
vendredi 29 avril 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
6e
session -
15e
séance
M 913
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le mode de financement complexe et inadéquat des établissements publics médicaux (EPM);
- la difficulté d'évaluer la part des coûts des établissements publics médicaux en fonction des missions qui leur sont assignées, soit la formation, la recherche et les soins;
- la difficulté d'élaborer des objectifs de santé à long terme et de sortir de l'hospitalo-centrisme en raison de l'effet délétère du mode de financement;
- l'exigence de la meilleure allocation possible des ressources disponibles en matière de santé publique,
invite le Conseil d'Etat
- à évaluer l'impact qu'aurait l'introduction d'un transfert progressif d'une partie des subventions (correspondant aux coûts des soins) des établissements publics médicaux aux caisses-maladie.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule et généralités
Les dépenses de soins médicaux augmentent plus rapidement que celles de la plupart des autres biens et services. Elles sont passées de 13 482 millions de F en 1981 à 26 200 millions de F en 1991, soit une augmentation de 94,3% en francs courants, et environ 58% en francs constants, ajustés par l'indice des prix des dépenses sanitaires totales (chiffres OCDE). En 1991, 7,9% du produit intérieur brut (PIB) étaient consacrés aux services de santé (contre 7,3% en 1981). Pour ceux qui se félicitent que ce pourcentage soit encore plus bas que celui d'autres pays industrialisés, il faut ajouter que la statistique suisse sous-estime certaines dépenses et que les dépenses réelles sont probablement entre 8% et 9% du PIB. Si le taux de croissance des dépenses de soins continue à être plus rapide que celui du PIB, les services médicaux consommeront une part croissante de l'ensemble des biens et des services produits.
Le surcoût devra donc obligatoirement être financé au détriment d'un autre secteur (social - éducatif) ou en augmentant la participation de la population sous forme d'impôt ou de cotisations de l'assurance-maladie.
Cette augmentation croissante est due à de nombreux facteurs:
- apparition de nouvelles techniques qui suscitent une spécialisation croissante;
- augmentation de la demande de la santé de la part de la population;
- évolution du mode de vie;
- vieillissement de la population;
- apparition de nouvelles maladies (SIDA), etc.;
- développement important de la démographie médicale responsable d'une demande induite;
- forte médicalisation des problèmes sociaux;
- absence totale d'incitatif à la performance;
- méthode de financement qui pousse davantage à la consommation qu'à une prise en charge plus efficiente.
Le financement des dépenses de santé dans notre pays repose sur trois piliers:
- les impôts (pouvoir public) par le biais de subventions cantonale et fédérale aux caisses-maladie ainsi que par le subventionnement aux hôpitaux publics. Les dépenses publiques cantonales de santé représentaient en 1991 plus d'un milliard de F, soit 20% des dépenses de l'Etat;
- les cotisations aux assurances sociales (financement privé). Ces cotisations pour l'assurance-maladie sont basées sur une cotisation individuelle, sans tenir compte du revenu;
- les paiements des prestations soit directement, soit par le biais d'une assurance privée.
Ainsi le financement est assuré pour 33% par les pouvoirs publics, pour 35% par les assurances sociales (assurance-maladie, accidents, invalidité et militaire) et pour 32% par les assurés privés et les ménages.
Sur les 32 milliards de F de dépenses de santé en 1994, les traitements hospitaliers représentent le poste le plus important (plus de 50% des dépenses) et c'est dans ce secteur qu'on a constaté la plus forte croissance.
Il faut relever la situation particulière de notre canton qui présente des dépenses par assuré de l'assurance de base de soins médicaux très élevés, auxquelles s'ajoutent des subventions également très élevées et la situation unique d'avoir la quasi-totalité des lits publics (aigus, gériatrique et psychiatrique) dans les hôpitaux et institutions universitaires. Sans nul doute cette augmentation rapide et continue du montant des ressources publiques et privées consacrées aux dépenses médicales soulève d'importantes questions politiques:
- Ces augmentations sont-elles justifiées ?
- Pourrait-on fournir plus de services pour un même montant de dépenses ou autant de services à un moindre coût, si ces ressources étaient distribuées différemment ?
- Faut-il affecter encore une part croissante de ressources limitées pour les services médicaux alors qu'il y a d'autres besoins comme l'éducation ou le social ?
Dans le cadre des établissements publics médicaux:
- Les ressources affectées sont-elles utilisées de manière optimale ?
- Les programmes de recherches sont-ils bien coordonnés ?
- Les filières de formations sont-elles adéquates ?
Buts de la motion
La présente motion demande de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance-maladie dans le cadre du financement des hôpitaux publics, ainsi que de revoir la répartition des tâches entre l'ambulatoire et l'hospitalier. Le maintien d'un mode de financement historique présente des inconvénients majeurs et entretient la confusion des responsabilités entre l'Etat et les organismes de l'assurance-maladie. De ce fait, l'allocation des ressources aux établissements publics médicaux est bien plus le résultat d'une demande expansionniste, entraînée par les progrès technologiques, les besoins des professionnels de soins et les possibilités de financement à court terme, que le résultat d'une véritable analyse des besoins de la population. Il n'y a véritablement, selon ce mode de faire, aucun espace pour l'optimisation des ressources et le développement de pratiques de soins plus efficientes. Il suffit de citer quelques exemples tels que le développement de la chirurgie ambulatoire, la prise en charge de patients à domicile lors de situations complexes (SIDA, soins palliatifs, mucoviscidose, etc.).
Pour un hôpital public efficient
La population genevoise est, à juste titre, fortement attachée à ses EPM, dont elle reconnaît les missions de soins, de recherche et d'enseignement, ces deux dernières étant fondamentales pour garantir des prestations de qualité.
Cela ne dispense pas «l'industrie hospitalière» de se poser un certain nombre de questions sur sa performance, ni d'examiner ses objectifs et de s'adapter aux réalités économiques et sociales. Certes, le défi est de taille puisqu'ils doivent aujourd'hui, tout en restant à la pointe des progrès médicaux, maintenir leurs dépenses, dans la limite des ressources collectives allouées.
Une plus grande transparence de son mode de financement (soins, recherche, enseignement) devrait aider à «mettre de l'ordre dans la maison», terme cher au professeur Pierre Gilliand, ainsi qu'à capter «les ressources latentes».
L'enjeu est de taille puisque les charges d'exploitation des EPM pour notre canton dépassent le milliard de F (1 004 920 000) et représentent une part prépondérante de toutes les dépenses de santé. Ces charges d'exploitation ne cessent de progresser alors que le nombre de journées d'exploitation diminue depuis 1989. Le canton subventionne pour plus de 60% ces charges.
Pour un financement plus transparent
Actuellement, le forfait hospitalier remboursé par les caisses-maladie (283 F pour 1994) ne représente qu'environ le tiers des coûts, après déduction des frais de recherche et d'enseignement, non compris les investissements.
On comprend parfaitement bien qu'il n'y a aucun avantage pour les différents partenaires (EPM, assurances, patients) à rechercher des alternatives autres que l'hospitalisation dans un hôpital universitaire. Cela explique probablement en partie que la Suisse soit en tête du palmarès des pays de l'OCDE en matière de longueur de séjour.
Ce système de remboursement forfaitaire par les assurances-maladie à un prix moyen entre les premiers jours coûteux et les jours de convalescence nettement moins coûteux n'incite pas à la performance. De plus, le patient soigné à l'hôpital voit son séjour entièrement remboursé par son assurance-maladie, alors que s'il est soigné ambulatoirement, ou à domicile, il devrait financer tout ou une partie des soins. Il faut relever également que notre canton, selon les indices, est doté d'un nombre élevé de lits hospitaliers de type universitaire (4,92 pour 1000 habitants contre 0,89 dans le canton de Berne) et qu'une journée dans un hôpital de ce type coûte environ 50% de plus comparé à un lit dans un établissement non universitaire.
Une clarification du mode de financement des EPM permettrait:
- de respecter les préférences de l'usager, cela sans contrainte financière, et permettant ainsi d'assurer l'égalité des soins quel que soit le lieu de traitement;
- de réguler à petites doses la concurrence;
- d'améliorer les procédures d'évaluation et de gestion;
- de planifier le réseau hospitalier privé et public.
Si cette motion cherche à rétablir un minimum de clarté, elle ne veut en aucun cas être le prétexte pour diminuer le subventionnement public qui, comme chacun le sait, est en partie responsable de l'explosion des cotisations de l'assurance-maladie, cela correspondrait sans nul doute à un impôt sur la pauvreté. Notre pays est, d'ailleurs, le seul pays d'Europe occidentale à avoir un financement de la santé non fiscalisée.
Travaux parlementaires antérieurs
Un certain nombre de motions et d'interpellations se sont penchées sur l'organisation du système de soins, sur les flux budgétaires ou sur les coûts hospitaliers, mais aucune n'a véritablement cherché à modifier le mode de financement des établissements publics médicaux (M 552, M 670, M 690, M 779, M 795).
Le rapport du Conseil d'Etat à la motion 690 est de loin le plus intéressant car il apporte, par la qualité et la clarté de son texte, des renseignements précieux sur l'évolution du système de financement de la santé à Genève. Ce rapport est indispensable à la compréhension des flux financiers des secteurs de la santé publique et de l'action sociale.
Il n'est pas dénué d'intérêt de citer son paragraphe d'introduction et qui pourrait aussi servir de conclusion à la présente motion.
«Face aux profondes mutations qu'ont subi les secteurs de la santé publique et de l'action sociale, le système législatif aussi bien que les modes de financement ont été progressivement adaptés, mais jamais remis en cause totalement. Actuellement, il ne s'agit donc plus d'une structure homogène mais d'une structure hétérogène, «bricolée» de toutes parts. Tout aménagement doit donc se faire avec une extrême prudence, les conséquences indirectes n'étant pas toujours faciles à prévoir, d'autant plus qu'une intervention de l'Etat dans les domaines sanitaires et sociales devrait garantir les acquis en matière d'équité, de solidarité et de redistribution des revenus.»
La motion 670, traitée plus récemment par la commission de la santé, demande essentiellement d'assurer la complémentarité entre les secteurs public et privé, d'élaborer des statistiques sanitaires claires et fiables, et de définir la mission et le rôle de l'Etat dans le domaine de la promotion de la santé et de la prévention.
Conclusions
L'Etat doit garantir et affirmer son rôle dans:
- la relation des dépenses de santé afin de garantir à tous l'accès aux soins;
- l'allocation des moyens afin d'optimiser les dépenses de la santé;
- le développement de l'évaluation;
- l'éducation des citoyens en matière de santé.
L'important n'est pas que les agents soient publics ou privés, mais qu'ils soient soumis à des règles qui les incitent à se comporter dans le sens des intérêts de la collectivité. Notre rôle en tant que décideurs politiques est bien d'assurer la meilleure répartition des ressources, aujourd'hui limitées, en définissant l'intérêt collectif.
C'est la raison pour laquelle je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion.
Bibliographie
- Concurrence et incitation dans le système hospitalier, conférence, septembre 1993, HEC, Michel Mougeot.
- Réforme des structures hospitalières du point de vue socio-économique, professeur Pierre Gilliand, bulletin des médecins suisses, 1991.
- Question de soins, Charles Kleiber, édition Payot.
- Economie de la santé, A. Bersniak, G. Duru, Masson, 1992.
- La réforme des systèmes de santé, analyse comparée de sept pays de l'OCDE, Paris, 1992.
- Santé 2010, commissariat général du plan, soins, 1993.
- Analyse économique de la santé, Paul J. Feldstein, édition Seillans, 1992.
- Approche statistique de l'assurance-maladie dans le canton de Genève, mai 1992.
- Coût du système de santé, démographie médicale en Suisse, professeur Pierre Gilliand, Revue médicale de la Suisse romande, 1993.
- Compte de la Santé, dépenses et cotisations des caisses-maladie dans le canton de Vaud, 1989.
- Proposition de planification hospitalière et sanitaire genevoise en l'an 2000, DASS, juin 1991.
- The right place of teaching hospital, A. Griffiths, HMI, Genève 1993.
- Pour la santé publique, J. Martin, réalité sociale.
Débat
M. Philippe Schaller (PDC). Comme vous l'aurez compris, cette motion est bien plus importante dans son exposé des motifs que dans son invite au Conseil d'Etat. Elle veut nous forcer, nous les décideurs politiques, à nous poser un certain nombre de questions quant au financement et au mode d'organisation de nos établissements publics médicaux. L'enjeu est de taille, puisque les charges d'exploitation de ces établissements dépassent le milliard et représentent une part prépondérante des dépenses de santé dans notre canton.
Il est donc urgent de se poser un certain nombre de questions :
Les ressources dans les établissements publics médicaux sont-elles bien utilisées ?
Les programmes de recherche sont-ils bien coordonnés ?
Les filières de formation sont-elles adéquates ?
Certes, la population genevoise, à juste titre, est très attachée à ses établissements publics - je le suis aussi pour les nombreuses années que j'y ai consacrées - mais cela ne nous empêche pas de remettre en cause leurs performances et d'examiner leurs objectifs.
La motion soulève plusieurs problèmes.
Le premier est le mode de financement à 60% par les subventionnements publics. Cela fait que la journée d'hôpital coûte aujourd'hui 283 F. Ce faible montant n'incite pas les différents acteurs, qu'ils soient patient, médecin ou assureur, à rechercher des alternatives à l'hospitalisation. Nous avons souvent débattu sur les soins à domicile et leur financement soit en commission soit dans ce parlement.
Le deuxième point est l'augmentation progressive et incessante de l'industrie hospitalière qui est bien plus le résultat d'une demande expansionniste entraînée par les progrès technologiques, les besoins des professionnels de soins et les possibilités de financement à court terme, que d'une véritable analyse des besoins de la population.
Cette motion soulève un troisième point. C'est la véritable volonté de mettre en place une comptabilité analytique, afin d'estimer quel est le coût réel des soins et de pouvoir les comparer avec d'autres indicateurs, notamment avec des indicateurs intercantonaux ou internationaux.
Le quatrième point me semble le plus intéressant. Il consiste à tenter d'éviter l'émergence incessante et lassante de cette guerre des tranchées de la médecine privée et de la médecine publique. Pour moi, peu importe que la médecine soit publique ou privée, pourvu qu'elle soit soumise aux mêmes règles, ce qui permettra aussi aux hôpitaux de développer la médecine ambulatoire pour former les professionnels.
J'aimerais mettre quelques bémols aux risques que comporte cette motion.
Sous le couvert de cette motion, on risque de chercher à diminuer les subventions publiques qui, soit auprès de l'organe d'assurance-maladie ou auprès du financement de l'hospitalisation, ont déjà chuté de 45% en 1975 à 33% en 1990 et qui sont en grande partie responsable de l'augmentation des cotisations. Certes, nous avons une taxe hospitalière de 10 F qui tente de corriger les effets pervers entre l'ambulatoire et l'hospitalisation, mais cette taxe est également injuste. En effet, finalement, on reporte une fois de plus une partie des coûts sur le consommateur qui voit ses primes augmenter, primes - comme vous le savez tous - qui ne sont pas fiscalisées.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne les caisses maladie. Sont-elles capables de recevoir des subventions supplémentaires et sont-elles organisées pour le faire ? Sont-elles suffisamment fiables pour qu'on puisse leur confier ce rôle ? Il est vrai que les caisses sont aujourd'hui nombreuses et pas toujours bien organisées. Elles sont certes soumises au contrôle de l'OFAS et au contrôle de l'assurance-maladie. Cette motion doit se concevoir dans une dynamique d'une modification du système de santé en Suisse ainsi que son financement. Demain, les caisses seront moins dispersées, elles ne seront plus que quelques-unes; peut-être y en aura-t-il plus qu'une si on passe à un financement fiscalisé.
Troisième risque. Il faut absolument que l'Etat développe parallèlement une évaluation sur la qualité et régule les dépenses, qu'elles soient publiques ou privées.
Il faut aujourd'hui capter les ressources latentes de notre système de soins pour éviter le rationnement non équitable et non éthique des prestations. Seule la rationalisation, voire le rationnement solidaire et communautaire procédant d'une décision collective, est acceptable pour éviter une médecine à deux vitesses ou une médecine de jugement moral entre les malades méritants et les malades indignes. Pour mettre un peu de raison et un peu de bon sens, il faut introduire des mécanismes d'incitation à la performance, à l'efficience. On ne peut plus se permettre de gaspillages, ni la mal-organisation, ni le mal-investissement, cela d'autant plus - vous le savez bien - que ce n'est pas en faveur du patient ni de la société dans son ensemble.
Je vous propose de renvoyer cette motion à la commission de la santé.
Le président. Se sont inscrits pour prendre la parole sur ce point, les docteurs Gougler, Godinat, Hausser, Von der Weid, Saurer et Froidevaux. (Manifestation de la salle.) J'allais oublier M. Unger ! (Rires.) Nous allons donc au-devant d'un vaste débat médico-médical. J'espère, vu l'heure tardive, que vous comprendrez que vous pourrez tenir ce débat à la commission de la santé où de toute façon cette motion sera renvoyée.
M. Henri Gougler (L). Je serai bref, rassurez-vous !
Il s'agit d'une motion originale et intéressante, qui est une hypothèse de travail valable. Vu son influence sur le fonctionnement futur des établissements médicaux publics et privés ainsi que des caisses maladie et du fait des problèmes techniques que cela va soulever, nous demandons son renvoi à la commission de la santé.
M. Gilles Godinat (AdG). Très brièvement, également.
Nous soutenons, bien évidemment, le renvoi de cette motion en commission.
Je veux juste soulever trois points. Il y a une confusion entre les objectifs et les moyens. La réponse à l'invite est immédiate. Si on transfère les subventions des pouvoirs publics vers les caisses maladies, on transfère le contrôle sur les flux financiers. On donne ainsi les moyens d'une politique sans définir les objectifs. Cela pose un problème fondamental. A part cela, j'éprouve un certain malaise à entendre des médecins s'exprimer sur cette motion; cela me fait penser à un vague débat sur l'incompatibilité !
M. Dominique Hausser (S). Encore plus vite !
Le groupe socialiste propose de compléter les invites de cette motion à la commission de la santé pour les adapter à l'exposé des motifs présenté par M. Schaller.
Des voix. Bravo !
M. Andreas Saurer (Ve). Pour le bien-être du parlement, je renonce à mon intervention ! (M. Saurer est véritablement acclamé.)
M. Pierre Froidevaux (R). Le parti radical propose que cette motion soit étudiée à la commission de la santé. (Rires.)
M. Pierre-François Unger (PDC). Je serai bref, moi aussi !
Je salue pour la première fois l'unanimité médicale ! (Rires et bravos.)
Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de la santé.
M. Andreas Saurer (Ve). Etant donné que le parlement est visiblement fatigué, je propose que l'on interrompe la session maintenant et que l'on reprenne les débats dans un mois.
Le président. Très bien ! A la demande de Mme Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique, nous allons aborder le dernier point qui doit absolument être renvoyé en commission pour des questions d'urgence.
M. Michel Balestra (L). J'avais un rapport pour l'initiative 101-B qui ne concerne que sa recevabilité formelle et je crois que nous sommes à la limite au niveau du délai. Je pense qu'il serait utile d'accepter ce rapport, puisqu'il ne fait l'objet d'aucune discussion.
Le président. Le délai expire au mois de juin, Monsieur le député, j'ai vérifié !
12. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'université. (C 1 27,5) ( )
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:
Art. 17, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)
al. 5 et 6 (nouveaux)
Facultés et
instituts
3 L'institut est une subdivision qui exerce, outre les fonctions d'enseignement et de recherche, une autre fonction de service public.
4 L'institut est rattaché à l'université, à une faculté ou à une section. La liste des instituts rattachés à une faculté ouà une section figure dans le règlement de l'université.
5 L'université comprend:
a)
la faculté des sciences;
b)
la faculté de médecine;
c)
la faculté des lettres;
d)
la faculté des sciences économiques et sociales;
e)
la faculté de droit;
f)
la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation;
g)
l'institut d'architecture.
6 En outre, la faculté autonome de théologie protestante est rattachée à l'université et, sous réserve des dispositions spéciales qui la concernent, est soumise à la présente loi et aux règlements.
Art. 19, al. 3 et 4 (nouvelle teneur), al. 5 (abrogé)
Ecoles
3 L'école est rattachée respectivement à une faculté ou à une section; exceptionnellement, elle peut être rattachée à l'université.
4 Sur proposition de l'université, le Conseil d'Etat dresse la liste des écoles.
Art. 79, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En outre, les responsables des écoles et instituts rattachés à l'université peuvent être invités de manière durable à ses séances.
CHAPITRE III
Organes des subdivisions
SECTION 1
Facultés et instituts rattachés à l'université
(nouvelle teneur)
Art. 85 A (nouveau)
Instituts rattachés
à l'université
1 Les instituts rattachés à l'université sont dirigés par un directeur. Il est assisté par un vice-directeur et un administrateur.
2 Les articles 82 à 85 de la loi sont applicables par analogie.
Art. 87, note marginale (nouvelle teneur)
Départements et instituts rattachés à une faculté ou à une section
Art. 103 (nouveau)
Dispositions transitoires concernant l'institut d'architecture
1 Le premier règlement d'études de l'institut d'architecture est préparé par le rectorat. Il est soumis au collège des recteurs et doyens et au conseil de l'université avant d'être transmis pour approbation au département de l'instruction publique.
2 Une commission ad hoc est chargée d'évaluer les candidatures des membres du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études de l'école d'architecture en vue de leur nomination éventuelle à l'institut d'architecture dès le 1er octobre 1994. Elle est composée de cinq membres désignés par le rectorat, dont deux experts extérieurs.
3 Les candidatures sont évaluées conformément aux critères énoncés aux articles 48, 49, alinéa 2, et 57 F de la loi.
4 La commission ad hoc prépare les préavis de nomination au sens des articles 42, alinéa 9, et 57 D de la loi. La procédure de nomination suit son cours par l'examen du rectorat, conformément aux articles 43, alinéa 1, et 57 D, alinéa 6 de la loi.
Art. 2
1 La chancellerie d'Etat est chargée de remplacer, lors des prochaines révisions de la présente loi, les actuelles dénominations «facultés ou écoles» par une nouvelle dénomination «facultés, instituts rattachés à l'université ou écoles» ou «collège des professeurs ordinaires de la faculté, de l'institut ou des professeurs d'écoles» ou «doyen, directeur d'institut rattaché à l'université ou président d'école», suite à l'entrée en vigueur de l'article 17, alinéa 4 de la loi.
2 Cette modification vise les articles 26 A, al. 2 et 3; 26 B, al. 1 et 2; 31, al. 2; 41, al. 4; 42, al. 3, 5 et 7; 43, al. 1, 2 lettre d, 3 et 4; 45, al. 2; 46, al. 2; 47 G, al. 2, 5, 7 et 9; 47 D, al. 1; 47 E, al. 1 et 2; 47 G, al. 1; 49, al. 2, lettre a; 52, al. 3 et 4; 55, al. 3; 57, al. 1; 57 C, al. 1 et 2; 57 D, al. 2 et 6; 59, al. 1; 64, al. 1; 67, al. 2; 73, al. 2 lettre c; 75, al. 2; 76 lettre c; 77, al. 1 lettre a; 78, al. 1 et 2 lettre d; 99, al. 3.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de loi que nous vous soumettons a pour objectif de créer à Genève un institut d'architecture. Il implique la fermeture de l'actuelle école d'architecture de l'université de Genève (EAUG).
Il ne s'agit pas seulement d'une mesure formelle, mais d'une opération qui vise à reconnaître le caractère scientifique et professionnel de la formation et de la recherche en architecture. En donnant à cet institut les mêmes droits, les mêmes structures et la même organisation qu'une faculté, on lui accorde les moyens de faire valoir pleinement ses qualités propres dans le cadre de ses relations avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne.
Il n'était en effet plus possible, après l'accord signé le 4 février dernier concernant les études d'architecture entre l'université de Genève et l'école polytechnique fédérale de Lausanne, de maintenir une école qui ne pouvait pas délivrer de doctorats et qui n'avait pas la possibilité de réaliser des diplômes d'études supérieures. Le document relatif à l'accord du 4 février 1994, ainsi que les éléments de détail concernant la répartition des tâches entre le nouvel institut universitaire d'architecture et l'école polytechnique fédérale de Lausanne sont annexés au présent projet de loi. Ce document couvre aussi les aspects financiers de l'opération.
Il y a lieu d'insister sur le fait que tout effort de coordination avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne ne pouvait que passer par une mise à niveau des deux institutions et notamment de leur département d'architecture. Cette opération concerne trois secteurs:
a) le plan d'études
Le premier plan d'études sera préparé par le rectorat sur la base des accords de collaboration passés avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne le 4 février 1994.
b) les enseignants
La modification de la structure d'école en une structure d'institut d'architecture aura pour conséquence que le futur corps enseignant de cet institut sera constitué pour une large part de professeurs ordinaires chargés en particulier de donner un enseignement post-grade et de diriger des thèses.
c) les diplômes d'études supérieures et doctorats
Le nouvel institut d'architecture aura non seulement la compétence de délivrer des doctorats, comme le département d'architecture de l'école polytechnique fédérale de Lausanne, mais il mettra en place également des diplômes d'études supérieures dans les domaines mentionnés ci-dessous.
I. Projet scientifique
1. Les nouvelles qualités de la formation
La nouvelle formation de l'architecte généraliste s'appuie sur quatre lignes disciplinaires et projectuelles:
Architecture et arts appliqués
Dans ce contexte, on récupère un savoir-faire et une culture bien présents dans la production suisse jusqu'au milieu des années 70, interrompus par l'avènement du design international et qui, aujourd'hui, peuvent être une excellente base pour la modernisation de l'architecture. En effet, il est devenu indispensable de vérifier si le dimensionnement de l'architecture et de tous les objets y afférents, établis selon les critères des années 30, sont encore de nos jours valables. Seul un rapport strict entre le projet du bâti et tous les éléments qui le composent, dedans et dehors, peut nous montrer la direction à poursuivre. La Suisse a une très longue tradition dans le champ des arts appliqués, tant dans la production que dans l'enseignement théorique, particulièrement importante dans l'école des années 20, 30, 40 (entre autres, création du Wohnbedarf, participation des architectes suisses à l'ameublement de la Weissenhof à Stuttgart, projet d'installations techniques et sanitaires pour le Kantonsspital à Zurich, etc.).
Cette culture n'a pas abouti à la création de formation universitaire. D'autre part, il faut admettre que la Suisse, bien qu'elle conserve une industrie de mécanique fine de grande qualité, s'est un peu évincée de la scène mondiale du design. Compte tenu de la crise actuelle et malgré son indéniable qualité, il est opportun d'introduire un enseignement universitaire et post-universitaire dans ce domaine.
Il est probable que les milieux économiques concernés y trouveront un intérêt, d'autant plus que de nombreux architectes suisses de qualité travaillent déjà avec succès pour des firmes étrangères.
Les programmes d'enseignement devraient être développés en coordination, d'une part, avec les architectes cités plus haut et, d'autre part, avec les écoles d'architecture d'intérieur et de design de niveau non universitaire déjà présentes dans le bassin lémanique.
Urbanisme et aménagement du territoire
Lorsqu'une discipline est fortement ancrée dans un tissus culturel et professionnel, il est difficile d'expliquer les raisons de son existence. Néanmoins, l'urbanisme, reconnaissable dans les formes de la ville et du territoire, demande maintenant une profonde révision à partir des changements intervenus dans le concept même de rationalisation urbaine et d'organisation sociale. Dans les deux derniers siècles de notre histoire, plusieurs sources d'énergie se sont succédé pour nous garantir une production industrielle: de l'eau à la vapeur, à l'électricité, au pétrole. Chaque changement a profondément marqué la ville et son territoire. Aujourd'hui, une nouvelle phase économique et sociale s'annonce et demande une intégration avec son passé, une gestion du territoire coordonnée au plan romand et suisse. A ce sujet, l'urbanisme et l'aménagement du territoire feront l'objet d'un enseignement en réseau impliquant des collaborations avec d'autres universités romandes.
Sauvegarde du patrimoine bâti
La crise du modèle de la consommation a donné un nouvel essor au problème de l'entretien du patrimoine bâti qui a une longue et quelquefois ambiguë histoire, en tant que savoir-faire spécifique. La «restauration», au XIXe siècle, touchant les grands monuments du Moyen Age, a été appelée, dès le début de notre siècle, à étendre son rayon d'intervention: les témoignages de l'activité de l'homme ont été toujours plus perçus comme ressource matérielle, impossible à reproduire et comme source historique essentielle.
Aujourd'hui, il s'agit d'assurer les compétences techniques nécessaires pour garantir la permanence du patrimoine plus ancien et donc plus rare, mais également pour ne pas gaspiller le bâti, même récent. L'enjeu, non seulement, culturel mais aussi économique dans ce domaine est évident: ces tâches représentent près de 50% des activités du secteur de la construction.
Paysage
Il s'agit d'une discipline tellement présente dans la vie quotidienne que son enseignement aurait dû être dispensé dans chaque école d'architecture depuis très longtemps. Parcs publics, réaffectation du paysage urbain, banlieues, friches industrielles sont les grandes tâches de cette discipline et le champ d'une nouvelle profession. Les nouvelles dispositions économiques européennes concernant l'agriculture sont une raison supplémentaire et pressante qui impose de faire du «paysage» un enseignement spécifique.
De plus, avec l'abandon forcé d'une grande partie de la campagne, une occasion historique se présente: relier et intégrer les différents espaces qui ont été abandonnés à la suite de variations économiques et sociales: la montagne dépeuplée depuis longtemps, la colline comme phénomène récent et enfin une grande partie de la plaine en voie d'abandon.
Management
Dans cette longue période de difficultés économiques, la maîtrise des coûts des projets d'architecture et d'urbanisme devient incontournable pour les architectes sous peine de disparaître. Cette maîtrise passe par celle de la phase du chantier et des phases préparatoires de celui-ci. Celle-ci doit également viser la gestion de la phase de l'utilisation du projet.
2. Une structure euro-compatible
- l'enseignement est organisé sur la base de six semestres dont le dernier est consacré à la préparation du diplôme. Chaque semestre comprend en moyenne 450 heures (voir «Normes et recommandations de la Commission européenne de réformes des facultés et écoles d'architecture») réparties de la façon suivante:
- du cinquième au septième semestre: 252 heures (18 heures hebdomadaires) consacrées au projet et 198 heures (16 heures hebdomadaires) consacrées aux cours théoriques;
- du huitième au neuvième semestre: 280 heures (20 heures hebdomadaires) consacrées au projet et 198 heures (16 heures hebdomadaires) consacrées aux cours théoriques;
- le dixième semestre (diplôme): 182 heures (12 heures hebdomadaires consacrées au projet et 8 heures hebdomadaires consacrées aux cours à option).
L'étudiant doit nécessairement rendre les quatre projets des lignes disciplinaires ci-après, tout en observant un principe de base:
- Il doit présenter sept projets dont quatre obligatoires dans les disciplines suivantes: architecture et arts appliqués, urbanisme, sauvegarde du patrimoine bâti, paysage; les trois restants sont au choix de l'étudiant, tout en sachant qu'un projet ne peut être doublé qu'une seule fois. Le neuvième semestre, l'étudiant rend un seul projet.
- L'horaire prévu pour le projet est de dix-huit heures par semaine du cinquième au septième semestre dont quatre heures hebdomadaires sont consacrées aux apports théoriques. La représentation graphique, l'estimation économique et la description annonçant le caractère culturel et la spécificité technique du projet sont des conditions fondamentales pour la présentation de chaque projet. Cette méthode constitue ainsi le caractère de base de la formation dispensée. Cette structure permet une large participation de l'étudiant à l'élaboration de son plan d'études.
3. Troisième cycle
Un institut qui base son enseignement et sa formation sur plusieurs lignes disciplinaires tout en gardant la généralité de la formation suggère à l'étudiant la possibilité de s'introduire dans un domaine plus spécifique.
Pour cela, les disciplines de troisième cycle naissent dans le parcours du deuxième cycle, qui dans certains cas, trouvent une définition plus précise (voir le management qui reprend et développe vers un plus grand professionnalisme, l'habitude de l'évaluation du projet introduite dans les projets du deuxième cycle).
4. Formation continue
Comme il a été plusieurs fois affirmé, la formation continue universitaire contribue à accroître la mobilité et la flexibilité professionnelle tout en remplaçant une formation essentielle pour l'économie nationale sans toutefois créer des frictions ou des obstacles à la formation des spécialistes. Des cycles de formation continue rapides et organisés avec d'autres institutions publiques et privées sont donc à prévoir.
II. Disposition transitoires
a) les nouveaux plans d'études
L'élément qualitatif scientifique central qui met en valeur le futur institut d'architecture est constitué par un plan d'études.
Comme il s'agit d'une nouveauté, et que les instances concernées ne peuvent pas être consultées de la même façon que dans le régime actuel de participation, il a été nécessaire de créer une base légale permettant au rectorat d'établir le premier plan d'études du futur institut d'architecture, sur la base des accords de collaboration passés avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne le 4 février 1994.
b) le nouveau corps enseignant
La commission ad hoc mentionnée à l'article 103 devra examiner les candidatures du corps professoral, des maîtres d'enseignement et de recherche, des chargés d'enseignement et du conseiller aux études et évaluer tout à la fois leurs qualités scientifiques et leur adéquation au nouveau plan d'études.
En fait, les critères d'évaluation retenus seront pédagogiques d'une part (qualité de l'enseignement dispensé), et scientifiques d'autre part (recherches d'un niveau scientifique suffisant), tels qu'ils découlent de l'article 48, lettre b de la loi.
La situation des enseignants qui ne seraient pas sélectionnés par la commission de nomination pose évidemment un problème du point de vue de leur garantie d'emploi. Les situations seront examinées les unes après les autres et des propositions de reclassement seront faites dans la mesure du possible à l'intention de tous les intéressés.
Comme «ultima ratio» et seulement si aucun reclassement n'est possible pour les enseignants intéressés, la création du nouvel institut et la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève peuvent être assimilées à une procédure de suppression de fonctions permanentes, au sens de l'article 129 de la loi sur l'instruction publique. Les professeurs d'école et les enseignants dont les dossiers scientifiques, professionnels et pédagogiques ne correspondent pas aux exigences du poste pourraient être licenciés s'il se révèle impossible de confier aux intéressés une autre fonction correspondant à leurs capacités et au plan d'études.
Il y a lieu de signaler enfin que ce projet de loi a été discuté avec les syndicats de l'école, lesquels en ont accepté le principe à la condition qu'un délai d'application d'une année, jusqu'au 30 septembre 1995, soit accepté pour parer aux cas de rigueur. Ils demandent également à être entendus par la commission ad hoc (art. 193, al. 2).
Pour ces motifs, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver ce projet de loi.
Annexe: protocole d'accord du 4 février 1994
ANNEXE
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'université.
Le président. Le Grand Conseil sera convoqué pour le mois de mai à 17 h le 26 mai, à 14 h le 27 mai et en séance supplémentaire à 17 h le 3 juin.
La séance est levée à 23 h 35.
SOMMAIRE
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La mémorialiste: Bernadette Bolay-Dard Chancellerie d'Etat
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