Séance du jeudi 24 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 9e séance

PL 7080
6. Projet de loi de MM. John Dupraz, René Koechlin et Jean Opériol abrogeant la loi du 16 décembre 1993 modifiant le plan d'extension n° 21.795-136 du quartier de Contamines sur le territoire de la Ville de Genève. ( )PL7080

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 16 septembre 1993, le Conseil d'Etat présentait au Grand Conseil un projet de loi portant numéro 6997, abrogeant partiellement le plan d'extension cité en titre.

L'auteur motivait cette mesure par la modification du plan localisé de quartier qui était attaché audit plan d'extension.

Or, il s'avère que cette modification ne portait strictement que sur un périmètre privé. Elle ne touchait aucune des voies de communication ou autre équipement d'utilité publique justifiant le plan d'extension adopté par le Grand Conseil le 12 janvier 1952.

Le projet de loi susmentionné était par conséquent inutile et sans objet.

Il induisit en erreur le Grand Conseil et la commission d'aménagement qui se sont, à tort, crus investis de la compétence de modifier le plan localisé de quartier que le Conseil d'Etat entendait adopter et qu'il aurait pu voter sans préalablement en référer au parlement.

Par conséquent, la loi que le Grand Conseil a votée le 16 décembre 1993 était sans objet. Il convient donc formellement de l'abroger.

Il appartient dès lors au gouvernement de se prononcer et de mettre un terme à la procédure d'adoption du nouveau plan localisé de quartier, laquelle n'aura que trop duré.

Par ailleurs, le propriétaire du terrain a recouru, à juste titre, contre la décision du Grand Conseil du 16 décembre 1993. Comme il n'avait précédemment pas été entendu, la commission d'aménagement, à sa demande et a posteriori, a procédé le 16 février 1994 à son audition. Elle a constaté à cette occasion que la modification du plan que le propriétaire contestait n'était pas de la compétence du Grand Conseil.

Pour ce motif, les trois commissaires signataires du présent projet de loi en ont annoncé le dépôt et vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de lui réserver un bon accueil.

Préconsultation

M. René Koechlin (L). Vu l'urgence que revêt ce projet de loi, je demande la discussion immédiate.

M. Christian Ferrazino (AdG). Quelques observations concernant ce projet de loi qui nécessite la mise au point suivante. Ce Grand Conseil, en décembre dernier, a voté à l'unanimité, comme la commission d'aménagement l'avait fait au préalable également à l'unanimité, le projet de loi que M. Koechlin nous demande aujourd'hui d'abroger.

Alors il faut peut-être une explication à cela et rappeler brièvement les faits tels qu'ils se sont déroulés. Il y a un usage qui a toujours été respecté, notamment en décembre lorsque nous avons voté ce projet de loi concernant la modification du plan d'extension en question. Cependant, il se trouve que, quelques semaines plus tard, le 16 février, la commission d'aménagement du Grand Conseil recevait, à sa demande, le promoteur de ce projet de l'avenue Krieg, M. Tamman pour ne pas le nommer, et procédait à son audition.

Le promoteur a été reçu pour discuter d'un projet de loi dont la commission était dessaisie et que ce Grand Conseil avait adopté à l'unanimité. Alors, deux jours plus tard, le 18 février, M. Koechlin s'empresse de déposer un projet de loi qui est celui qui nous est soumis ce soir et, quelques jours plus tard, s'apercevant que ce projet de loi est peut-être mal libellé, en redépose un autre en demandant d'annuler le précédent. Mais le but visé est toujours le même.

M. John Dupraz. C'est pas vrai !

M. Christian Ferrazino. Eh bien, vous aurez l'occasion de vous expliquer, Monsieur Dupraz, et de donner les raisons pour lesquelles il vous faut déposer deux projets de lois pour voter sur un projet de loi ! En tout cas, il faudra aussi nous expliquer, vous qui prêchez toujours la déréglementation, comment vous justifiez de venir déposer un projet de loi moins de trois mois après que nous eûmes voté une loi pour, précisément, abroger cette loi-là. J'ai du mal à vous suivre, et ne venez pas nous dire que vous avez été dans l'erreur, que vous n'avez pas compris ce que vous faisiez ! En effet, une fois encore, le Grand Conseil, dans sa totalité, a adopté ce projet de loi, de même que la commission d'aménagement, comme elle l'a d'ailleurs fait pour d'autres projets de modification de plan d'extension.

Il faut aussi savoir - et c'est la deuxième observation que je voulais faire sur ce projet qui nous est soumis ce soir - que si véritablement ce projet de loi que nous avons voté était abrogé, comme vous le demandez, l'enquête publique devrait repartir à zéro. Voilà ce que vous nous proposez ! Repartir à zéro dans le cadre de l'enquête publique. Et vous voulez nous faire croire que la décision du Grand Conseil n'était pas nécessaire, comme le soutient votre exposé des motifs, et ne serait de la compétence que du Conseil d'Etat. Voilà le raisonnement que vous tenez, et vous nous demandez, par conséquent, d'abroger une décision qu'il était inutile de prendre.

Vous devrez également nous expliquer la raison d'être du projet de loi 7074 que vous avez déposé dans la même période et qui sera abordé tout à l'heure. Vous y demandez précisément une modification de la loi actuelle pour qu'il ne soit plus nécessaire que ces plans d'extension soient modifiés devant le Grand Conseil.

Le projet de loi que vous avez déposé postérieurement et libellé sous le chiffre 16 de notre ordre du jour démontre qu'il était nécessaire d'avoir une décision du Grand Conseil sur le projet de loi modifiant le plan d'extension de Contamines et de l'avenue Krieg; sinon, j'ai de la peine à comprendre pourquoi vous nous proposez des modifications législatives de cette manière si elles sont inutiles. Voilà les observations que je voulais formuler.

M. Pierre Meyll (AdG). Je dois dire que la commission d'aménagement de la présente législature s'est étonnée lorsque, après coup, bien que nous ayons voté ce projet à l'unanimité au Grand Conseil, le promoteur nous a dit que le projet n'était pas conforme à celui qu'il avait déposé. Il est déjà assez étrange qu'un promoteur puisse se faire entendre et contester le projet de loi voté. De même, il est bizarre qu'un promoteur tel que M. Tamman n'ait pas été mis au courant de la modification de son projet.

Je ne m'attacherai pas à la forme, mais je considère quand même curieux que l'architecte responsable de ce projet, qui est également une habituée des couloirs du département des travaux publics et qui, de ce fait, est au courant de toutes les situations, puisse affirmer devant la commission qu'elle n'a pas été informée de la restriction de ses plans. Or, selon un haut fonctionnaire du département, cette dernière avait été informée par téléphone du changement apporté à ce projet. Si elle n'a pas prévenu son client, c'est un manquement de sa part et cette erreur ne doit pas être supportée par le département ou l'Etat.

C'est la première des choses que l'on peut constater, mais je suis persuadé qu'après les interventions de la droite de ce parlement il y aura beaucoup à dire sur la manière dont ils entrevoient le projet, et je me réserve encore d'intervenir.

Le président. Pour les groupes qui sont en train de se tromper, je précise que nous sommes en débat de préconsultation sur un projet de loi numéroté 7080. La règle, c'est cinq minutes par groupe, un intervenant.

M. John Dupraz (R). Nous proposons la discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

M. John Dupraz (R). Je dois dire que M. Ferrazino, avec une certaine élégance et éloquence, a commenté à sa façon la motivation de ce dépôt de projet de loi. Mais vos explications sont un peu perverses et ne reflètent pas la vérité.

Que s'est-il passé ? Un promoteur et son mandataire, parfaitement de bonne foi, ont demandé à densifier une parcelle dans le secteur concerné par le projet de loi. Suite à moult discussions et projets, après des préavis favorables de toutes les commissions concernées, leur projet a été accepté. Après cette acceptation par les commissions consultatives, le projet a été étudié en collaboration avec les services de Mme Burnand - qui n'est pas une personne de droite que je sache - qui ont accepté ce projet qui a fait l'objet de deux préavis favorables du Conseil municipal de la Ville de Genève sous forme de délibération.

Ces préavis ont été précédés d'enquêtes publiques au cours desquelles aucune observation négative n'a été relevée. De même, aucune opposition ne s'est manifestée lors de la procédure d'opposition. Le Conseil municipal a donc, par deux fois, préavisé favorablement le projet tel qu'il était présenté à la commission de l'aménagement du canton. Or, suite à la remarque de l'un ou l'autre député - à l'époque je n'étais pas député - on a dit : «On va revoir le projet.».

Entre la séance de la commission d'aménagement du 29 septembre et le 6 octobre de l'an passé, la commission d'urbanisme, à la demande du conseiller d'Etat chargé du dossier, s'est rendue sur place et a modifié son préavis. C'est pour cette raison que j'estime que la commission d'urbanisme a été manipulée par le Conseil d'Etat et que les députés ont été trompés, car les mandataires et le promoteur sont de bonne foi et tous les préavis étaient favorables, y compris celui de la Ville de Genève.

Alors que tout le monde se plaint de la situation économique, nous avions un projet prêt à démarrer; le Grand Conseil l'a saboté parce qu'il a été induit en erreur. Nous voulons corriger cette erreur. Je trouve les propos de M. Ferrazino particulièrement malveillants, car les députés ont été trompés, les gens étaient de bonne foi et nous demandons à ce que le projet soit remis en l'état tel qu'il a été approuvé au début.

M. René Koechlin (L). Je constate que M. Ferrazino, juriste, se perd dans les méandres de la législation genevoise et qu'il ne comprend pas tout.

M. Christian Ferrazino. Heureusement que vous êtes là, Monsieur Koechlin !

Des voix. Eh oui !

M. René Koechlin. Ce projet de loi, Monsieur, tend à rectifier une erreur commise par ce Grand Conseil et l'engage à clarifier une situation confuse. Je vais vous expliquer pourquoi, puisque vous ne semblez pas vouloir le comprendre. Un plan d'extension est du ressort du Grand Conseil parce qu'il se rapporte à tous les éléments qui, dans un plan, sont décrétés d'utilité publique.

Un plan localisé de quartier se rapporte aux objets qui ne sont pas d'utilité publique et, en tant que tel, il est de la compétence du Conseil d'Etat. Nous sommes confrontés à un problème de conflit de compétences qui, malheureusement, n'a pas été résolu dans le cas présent. C'est parce que, par erreur, le Grand Conseil a outrepassé ses compétences en votant une modification de plan localisé de quartier, sans qu'aucun changement n'ait été apporté aux objets d'utilité publique attachés à ce plan, que le propriétaire concerné a déposé un recours auprès du Tribunal fédéral contre cette décision. Et les représentants de l'Etat sont empruntés. Ils ne trouvent pas les arguments justifiant un tel vote...

M. Christian Ferrazino. Ils ont de mauvais juristes alors ?

M. René Koechlin. Peut-être, mais ce n'est pas moi qui les choisis, Monsieur ! C'est pour cette raison et parce qu'il y avait vice de forme que mes collègues et moi-même, nous appuyant sur un certain nombre d'avis de droit, avons considéré qu'il était préférable de déposer le présent projet de loi abrogeant celui qui a été voté à tort par ce Grand Conseil au mois de décembre.

Il a été voté à tort parce qu'à l'origine du projet qui a été présenté et voté au mois de décembre par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat avait proposé au parlement un projet de loi visant à abroger un plan d'extension et non à modifier un plan localisé de quartier. Le projet a eu pour effet de supprimer tous les éléments considérés d'utilité publique dans le plan en question. C'était possible et bien de la compétence du Grand Conseil.

Mais il y a eu dérapage en commission, et les députés, au lieu de s'occuper des éléments d'utilité publique attachés au plan, ont commencé à modifier l'implantation des immeubles, leurs gabarits, soit autant d'objets qui sont du ressort d'un plan localisé de quartier et de la compétence du Conseil d'Etat seul et non du Grand Conseil. Nous n'avons pas voté au mois de décembre l'abrogation d'un plan d'extension mais la modification de parties qui ne le concernaient pas à savoir : les éléments d'un plan localisé de quartier qui est de la compétence du Conseil d'Etat et avait fait l'objet d'une procédure tout à fait conforme à la loi, à savoir deux enquêtes publiques et un vote du conseil municipal sous forme de délibération.

C'est en raison de cette erreur - de cette faute - commise par le Grand Conseil indûment et sans le savoir, que nous avons considéré, après nous être appuyés sur un certain nombre d'avis de droit, qu'il était de notre devoir de déposer le présent projet de loi pour abroger cette loi de manière à éviter un plaidoyer auprès du Tribunal fédéral, nécessairement perdu d'avance et à propos duquel je ne vois pas comment les juristes chargés de défendre les intérêts de l'Etat peuvent argumenter. Je vous invite donc à voter ce projet de loi par souci de clarification et à renvoyer en commission le suivant qui lui est attaché. Comme les choses ne sont pas claires, nous avons estimé utile de les clarifier par l'autre projet de loi - de manière que de telles erreurs ne se reproduisent pas.

M. Olivier Vaucher (L). Suite aux propos de notre collègue, M. Meyll, je souhaiterais apporter la précision suivante. M. Meyll a dit qu'un haut fonctionnaire avait avisé la mandataire des modifications, et non des moindres, apportées par le département des travaux publics au projet, et cela oralement. Je m'étonne - comme je l'ai fait en commission - que de telles modifications soient notifiées oralement alors qu'elles auraient dû l'être par écrit. Mais ne restant pas sur mon étonnement, je me suis permis, en tant que commissaire, de contacter la mandataire en question pour savoir si elle avait été avisée oralement de ces modifications comme l'a prétendu le haut fonctionnaire, et celle-ci m'a affirmé que ce n'était pas le cas.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne puis accepter les propos de M. Dupraz qui prétend que le Conseil d'Etat, et plus spécialement un ancien conseiller d'Etat, aurait manipulé la commission. Vous êtes d'autant plus mal placé, Monsieur Dupraz, pour le dire que vous n'étiez pas dans la commission à ce moment-là. J'ai plus apprécié les propos dénués de passion de M. Koechlin. On peut être d'accord sur la question de savoir s'il y a eu erreur ou pas, mais je crois que je vais quand même rappeler comment les choses se sont passées pour certaines personnes qui auraient la mémoire courte.

Tout d'abord, la procédure utilisée pour le plan d'extension du quartier des Contamines est une procédure qui a été appliquée systématiquement chaque fois qu'il y avait une modification à apporter à un plan d'extension, et je remercie M. Koechlin de le rappeler. Je pourrais citer des dossiers relativement récents comme celui de la rue de la Poterie - dossier que vous connaissez bien - ou le plan d'extension des Tours de Carouge.

Ce dossier qui nous occupe a été présenté le 1er septembre devant la commission d'aménagement du canton. Il a été défendu par le chef du département et les fonctionnaires qui ont très clairement dit qu'il avait été préavisé favorablement par le conseil municipal et n'avait fait l'objet ni d'oppositions ni d'observations. On a simplement souligné que, lorsque le projet de construction est passé devant la commission d'urbanisme, certaines réserves ont été émises concernant la densification dans ce secteur par rapport à un plan d'extension de la fin des années 40, manifestement de qualité, qui se retrouve remis sous l'effet du jeu des dominos résultant de projets de construction successifs.

A ce moment-là, il s'est engagé à l'intérieur de la commission un débat pour savoir si cette modification du plan d'extension était opportune ou non. Des députés - nous avons les noms - ont expressément considéré que le projet de construction n'était pas satisfaisant. Des contre-propositions ont été faites et il a été demandé au chef du département de consulter à nouveau la commission d'urbanisme. La consultation de la commission d'urbanisme s'est faite à la demande de la commission d'aménagement, et j'aimerais dire à M. Vaucher que le département des travaux publics n'a rien modifié du tout, c'est la commission elle-même qui a décidé de modifier le plan.

Je pourrais simplement citer une phrase de M. Koechlin, qui était rapporteur, et qui conclut la séance du 6 octobre de la manière suivante. M. Koechlin trouve que ce projet est raisonnable et qu'il est plus simple de voter une modification du plan d'extension que de l'abroger. C'est ce que vous avez déclaré en commission. Peut-être avez-vous ensuite changé d'avis, c'est votre droit, on peut toujours changer d'avis ! Mais j'aimerais simplement dire que tout le monde était de bonne foi au sein de la commission - je crois que M. Koechlin le reconnaîtra - lorsque l'on s'est engagé dans cette voie. Je vous remercie d'acquiescer à cet égard.

Que s'est-il passé ensuite ? La loi a été votée et, aujourd'hui, vous proposez de l'abroger, de revenir en arrière, ce qui est parfaitement votre droit. J'attire toutefois votre attention sur le fait que - mais vous ferez bien entendu ce que vous voudrez, la majorité décidera - la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités devra être respectée. En raison de la loi votée le 16 décembre, le plan d'extension précédent n'a été que modifié; il n'a pas été abrogé. Au moment où la loi du 16 décembre est entrée en vigueur par sa promulgation dans la «Feuille d'avis officielle», le nouveau plan modifié est également entré en vigueur, parce qu'il n'y a pas eu, à ma connaissance, de recours soutenant que cette loi est erronée. Or, que dit la loi sur l'extension qui fixe la procédure ? En tant que chef du département, M. Joye le dira mieux que moi. La loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités prévoit, en son article 5, alinéa 11 : «Le plan fait l'objet d'un réexamen périodique.» et «Sa modification ou son abrogation est soumise à la même procédure.».

Aujourd'hui, au moyen de l'abrogation de la loi, vous demandez en fait la modification d'un plan qui est entré en force, que vous le vouliez ou non. Par voie de conséquence, vous êtes tenus de respecter la loi sur l'extensioin des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités. Votre projet de loi, Monsieur Koechlin, même si vous le faites voter en deux débats, il faudra bien le soumettre à la procédure d'enquête publique et obtenir le préavis du conseil municipal. Relisez l'article 5, alinéa 10 ! Vous avez un plan d'extension modifié et vous voulez, aujourd'hui, revenir au plan précédent, c'est-à-dire que vous voulez modifier un plan qui est en vigueur. Juridiquement, c'est indiscutable.

M. Max Schneider (Ve). J'étais remplaçant lors de cette séance de la commission d'aménagement et j'ai été assez surpris de voir comment certains députés pouvaient retourner leur veste et, après avoir fait un rapport en plénière dans ce Grand Conseil en tant que rapporteur, s'opposer de cette manière à ce projet sous la législature suivante. Il s'agit de M. Koechlin.

M. Bernard Annen. C'est la démocratie !

M. Max Schneider. Oui, il a peut-être changé de parti, je ne sais pas ! Mais enfin, je suis surpris et je perçois un profond malaise et constate une certaine malhonnêteté ce qui se passe aujourd'hui. Je n'accuse aucun député, mais je regrette beaucoup que ce projet soit traité en discussion immédiate. J'aurais préféré que l'on reparte en commission pour entendre ce haut fonctionnaire du département des travaux publics. Comme l'a déjà dit M. Meyll, ce fonctionnaire nous a effectivement affirmé que ces promoteurs avaient été avertis verbalement, que les personnes concernées par cette construction immobilière avaient été informées de ces modifications. J'aurais vivement souhaité réentendre ce haut fonctionnaire dans une commission parce ces affirmations ne figurent pas au procès-verbal étant donné qu'il a tenu ces propos après l'audition des promoteurs. Nous aurions également pu nous renseigner pour savoir ce qui se cache là-dessous. Je n'étais que remplaçant, mais je sens qu'il y a un malaise et je ne pourrai donc pas accepter ce projet de loi.

M. René Koechlin (L). Il faut essayer de clarifier les choses. L'article 9, alinéa 1, de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929, mentionne, je cite : «que la réalisation des voies de communication et des équipements publics prévus au plan localisé de quartier peut être déclarée d'utilité publique par le Grand Conseil» - c'est de la compétence de celui-ci - «conformément à l'article 3, lettre a, de la loi d'utilité publique. Le plan annexé à la loi portant déclaration d'utilité publique est alors qualifié de plan d'extension.».

Donc, il était de la compétence de ce Grand Conseil d'abroger le plan d'extension, Monsieur Grobet, comme le proposait le Conseil d'Etat dans son projet de loi du mois de septembre. Si nous l'avions suivi, il n'y aurait eu aucun problème. Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ! J'ai donc été obligé de me ranger à l'évidence de la loi. Nous n'avions pas la compétence de modifier la partie qui n'était pas d'utilité publique, donc le plan localisé de quartier duquel dépendait le plan d'extension. Nous n'avions la compétence de modifier ni le gabarit ni l'implantation des immeubles, car ces éléments n'étaient pas d'utilité publique. Il n'était pas de la compétence du Grand Conseil que de procéder à la modification du plan. Il ne pouvait que l'abroger ou refuser l'abrogation.

Malheureusement, il a pris la liberté de le modifier sur les recommandations de sa commission et dans l'impéritie générale. Or, il ne pouvait le faire; donc, la seule possibilité consiste actuellement à abroger une loi qui n'était pas de la compétence du Grand Conseil. C'est notre seul et ultime recours.

M. Pierre Meyll (AdG). Je ne saurais laisser passer les affirmations de M. Vaucher pour la bonne raison que j'ai sous les yeux le texte de la commission d'aménagement qui dit :

«M. Gainon déclare, à la demande du chef du département qui est à l'origine de ce dossier, qu'il a trouvé que ce projet n'était pas très bon. Le quartier est pratiquement entièrement construit et c'est un quartier qui lui semble intéressant.».

Par la suite, il a suivi la procédure habituelle.

Lors du débat au Grand Conseil, M. Grobet a dit qu'il devait réfléchir sur ce projet de loi. M. Gainon a informé lui-même Mme Iten par téléphone de ce qui se passait dans cette commission. Il lui a communiqué la teneur du projet de loi modifié. Si elle avait voulu réagir, elle pouvait le faire. Il l'a également informée que le projet de loi avait de bonnes chances d'être modifié. Il ne s'est pas exprimé devant les personnes auditionnées pour ne pas mettre mal à l'aise Mme Iten. Je l'ai remercié pour son honnêteté et je peux même vous informer que le président de la commission, en l'occurrence M. Dessimoz, a dit que c'est la commission qui avait accepté d'entendre les propriétaires.

On a donc appris que M. Gainon a informé Mme Iten, c'est une information intéressante. Le débat de fond conclut à ce qu'une commission n'a pas les pouvoirs de prendre une décision dans le domaine d'un plan d'extension. M. Joye a relevé aussi qu'on ne savait pas si Mme Iten avait informé Equity, la société promotrice. Alors, Monsieur Vaucher, il faut quand même admettre que ce que nous affirmons là est l'entière vérité.

Quant à M. Koechlin, je suis stupéfait de voir que, malgré toute son habileté coutumière et sa grande appréciation des gros dossiers d'architecture, il puisse dire dans son rapport présenté lors de la séance du 16 décembre et accepté à l'unanimité :

«que la modification comportait initialement, outre l'extension ouest de l'immeuble au sud de la composition, deux bâtiments ponctuels dans le square dont un édifice de cinq étages sur l'avenue Krieg. Cette solution parut trop envahissante aux commissaires qui demandèrent consensuellement de réduire le nombre d'étages de ce dernier et de supprimer l'autre qui occupait le centre de l'espace et en altérait les dégagements et l'unité.».

Monsieur Koechlin, c'est ce que vous avez déclaré. Vous, un vieux routinier de l'urbanisme ! C'est incroyable que vous ayez pu changer d'avis comme ça. Tout de même, soyez un peu réaliste !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je voudrais tout d'abord répondre à M. Ferrazino. Je défends le professionnalisme des juristes du département des travaux publics et je suis très à l'aise pour le faire, puisque c'est mon prédécesseur, M. Grobet, qui les a engagés. Je travaille en très bonne harmonie avec eux et je vous donnerai leur avis à ce sujet.

Deuxièmement, je voudrais dire que l'on peut, a posteriori, penser qu'il y a eu de la mauvaise foi. Je crois honnêtement, en mon âme et conscience, que l'ensemble des partis était de bonne foi et qu'il ne faut pas mettre en doute l'honnêteté de l'un ou de l'autre, lorsqu'ils ont été cités dans le cadre de ce projet. Il s'agit, comme on l'a dit, d'un projet de densification à l'intérieur de ce plan de quartier de l'avenue Krieg et de toute cette région où l'on a construit de grands immeubles en U. On voulait construire, à l'intérieur de cet espace, un lieu de culte et le densifier un peu en remplaçant un garage en demi-niveau par un bâtiment carré de cinq étages environ. Le département a examiné ce dossier, l'a trouvé apparemment bon, l'a préavisé et l'a mis à l'enquête. Il n'y a pas eu la moindre opposition de quelque origine que ce soit.

Ce projet a passé trois fois en commission - et non pas deux fois comme l'a dit M. Grobet - soit le 1er septembre, le 29 septembre et le 6 octobre. Dans ces réunions, les gens se sont rendu compte que ce projet était tout de même de très grande envergure. Je vous dirais - c'est mon opinion personnelle actuelle - que la tour qui se trouve devant a peut-être, effectivement, un ou deux étages de trop. Dès lors, la commission de l'urbanisme a révisé son jugement, et je ne crois pas qu'il y avait de la malhonnêteté dans l'avis de la commission de l'urbanisme. Le projet est revenu et l'on a décidé de supprimer l'un des deux éléments construits, à savoir le plus élevé, et de mettre en front de rue le lieu de culte qui se trouvait à l'arrière. En conséquence, la question est de savoir si l'architecte a été informée ou non.

Mon collaborateur, M. Gainon, qui s'occupe de tous ces plans depuis trente ans et qui a une très grande pratique, a certainement téléphoné à Mme l'architecte. Par contre, cette dernière n'a peut-être pas transmis le message plus loin à son maître d'ouvrage. Je vois que M. Meyll lève les bras au ciel et dit que c'est sa responsabilité. Il y a probablement eu un vice de forme. Au fond, ces gens croyaient avoir reçu des droits à bâtir de X et, par une décision de la commission d'aménagement, on a enlevé environ 40 %, voire 60 %, des droits à bâtir à ces gens sans les en informer. C'est là que la chose a probablement commencé à déraper parce que, lorsque le projet a passé au Grand Conseil, il a effectivement été voté à l'unanimité.

Mon collègue architecte, M. Koechlin, a dit que ce projet était trop dense, et je le pense aussi. Il n'y a donc pas de divergence et l'on a voté cela un petit peu sans penser aux aspects légaux.

Là-dessus, les personnes qui espéraient une densification sur un terrain pour lequel, je dois avoir l'honnêteté de le dire, il n'y avait pas de droits à bâtir initiaux - les droits à bâtir auraient été ou seront concédés, selon votre volonté, en plus de ce qui était le plan initial - ces gens apprennent que le projet est admis, qu'ils peuvent faire une petite extension sur l'une des barres et construire leur lieu de culte, mais que le gros morceau constructif est supprimé.

Alors, ils ont évidemment été très fâchés et m'ont écrit une lettre pour m'informer de deux choses : la première est qu'ils désiraient me voir, et la deuxième qu'ils déposaient un recours de droit public au Tribunal fédéral. Je suis alors entré dans les méandres de cette affaire. Il s'agissait de quelque chose d'extrêmement complexe, touchant une question subtile de distinction de compétence entre les routes, considérées dans l'urbanisme d'antan comme étant les seuls éléments déterminants relevant de la compétence du législatif, et les bâtiments, que l'on considère encore maintenant d'ailleurs comme relevant de la compétence de l'exécutif.

C'est pourquoi j'ai trouvé préférable de porter cette discussion au niveau de la commission d'aménagement et, à la fin de la discussion, j'ai dit que, pour ma part, je m'en rapportais aux décisions de la commission d'aménagement de votre Grand Conseil ou, éventuellement, du Tribunal fédéral.

Toutefois, la discussion s'est poursuivie et le projet de loi de M. Koechlin a été déposé. Lors de sa dernière séance, la commission d'aménagement a décidé de demander un délai de deux mois pour produire une réponse au recours de droit public au Tribunal fédéral formé contre la loi du 16 décembre 1993, dans l'attente de savoir quel sort votre Grand Conseil réservera à ce projet visant à abroger cette loi.

J'en reviens maintenant à mes chers juristes. De l'avis unanime des juristes du secrétariat général du département, les chances de voir cette loi confirmée par le Tribunal fédéral sont très ténues. Sans entrer dans les détails, je vous lis ce que me disent les juristes : «Il semble que le droit d'être entendu des recourants a bel et bien été violé dans ce dossier, dans la mesure où, au moment où l'on enlevait des droits à quelqu'un, une nouvelle procédure d'opposition aurait dû être ouverte, l'abrogation d'un plan d'extension étant un acte qui diffère sensiblement de sa modification.».

De plus, sur le fond - et là je rejoins ce qu'a dit M. Koechlin, mais je ne suis pas juriste pour l'affirmer péremptoirement - il semble que le plan d'extension voté le 16 décembre 1993 possède toutes les caractéristiques d'un plan localisé de quartier. Or, l'adoption d'un plan localisé de quartier relève de la compétence du Conseil d'Etat et non du Grand Conseil.

J'ai encore deux choses à vous dire à ce sujet. D'une part, l'abrogation de cette loi aurait pour effet de rendre sans objet le recours de droit public formé contre la loi du 16 décembre 1993 et déposé par les propriétaires de la société Equity, ce qui permettrait alors au Grand Conseil de reprendre sereinement ce dossier. Nous n'avons donc pas d'objection à ce que ce projet de loi soit discuté immédiatement parce que - je vous l'ai dit - je m'en rapporte à la décision, soit de votre Grand Conseil, soit du Tribunal fédéral.

M. René Koechlin (L). Monsieur Meyll, je ne renie pas du tout ce que j'ai dit et j'ai toujours la même opinion concernant ce plan localisé de quartier. Je constate d'ailleurs que le président du département des travaux publics est aujourd'hui du même avis. Mais il ne faut pas confondre l'opinion que l'on peut avoir et la compétence. Or, dans le domaine particulier de ce plan, M. le chef du département des travaux publics, en tant que membre du gouvernement, non seulement a une opinion, et c'est son affaire, mais en plus il a la possibilité de faire valoir cette opinion, puisque le plan localisé de quartier en question, dans sa modification, est de la compétence du Conseil d'Etat.

En ce qui me concerne, en tant que député, je prétends toujours avoir le droit d'exprimer une opinion, mais en l'occurrence je n'ai pas la compétence de modifier le plan en question et ce Grand Conseil ne l'avait pas non plus. C'est la raison pour laquelle nous demandons d'abroger la loi votée.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'article unique dont la teneur est la suivante :

«Le plan d'extension n° 21795/136 du quartier de Contamines, sur le territoire de la Ville de Genève, section Eaux-Vives, dans sa partie formée par le sous-périmètre délimité par l'avenue Krieg, la rue Michel-Chauvet, les bâtiments bordant la rue Henri-Spiess et la route de Malagnou, tel qu'adopté par le Grand Conseil le 12 janvier 1952, et modifié par la loi du 16 décembre 1993, est abrogé.»

L'article unique est adopté.

Le projet est adopté en deuxième et troisième débat.

La loi est ainsi conçue :

LOI

abrogeant la loi du 16 décembre 1993 modifiant le plan d'extension n° 21795-136du quartier des Contamines sur le territoire de la Villede Genève, section Eaux-Vives

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Le plan d'extension n° 21795/136 du quartier de Contamines, sur le territoire de la Ville de Genève, section Eaux-Vives, dans sa partie formée par le sous-périmètre délimité par l'avenue Krieg, la rue Michel-Chauvet, les bâtiments bordant la rue Henri-Spiess et la route de Malagnou, tel qu'adopté par le Grand Conseil le 12 janvier 1952, et modifié par loi du 16 décembre 1993, est abrogé.