Séance du vendredi 25 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 10e séance

M 785-A
17. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Maria Roth-Bernasconi, Erika Sutter-Pleines, Pierre-Alain Champod et Jean Queloz concernant le chômage, les femmes et les jeunes. ( -) M785
 Mémorial 1992 : Développée, 1767. Commission, 1775.
Rapport de majorité M. Pierre Kunz (R), commission de l'économie
Rapport de minorité Mme Micheline Calmy-Rey (S), commission de l'économie

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La motion 785, datant du 24 mars 1992, visait à améliorer l'information générale sur les prestations de chômage, notamment à l'attention des femmes et des jeunes. Déjà abordée par la commission de l'économie lors de la précédente législature, elle a fait l'objet d'un long débat au sein de cette même commission lors de sa première réunion de l'année. Au préalable, dans le courant du mois de décembre 1993, les commissaires avaient pu se familiariser avec le fonctionnement de deux des agences de l'OCE, celle de Montbrillant et celle des Eaux-Vives. C'est en particulier dans celle-ci que les membres de la commission ont pu prendre connaissance de tous les efforts déjà accomplis en faveur des jeunes sans emploi et les mesures complémentaires qui seront introduites au cours de l'année 1994.

Tous les commissaires, y compris les auteurs du projet de motion 785, ont reconnu que celle-ci avait largement perdu de son actualité, donc de son intérêt. En effet, les gros efforts d'informations déployés aussi bien par l'OCE que par les associations de chômeurs et le monde syndical au cours des deux dernières années ont fait que l'ensemble de la population genevoise connaît désormais bien ses droits. On pouvait donc s'attendre au retrait de ce projet de motion.

Pourtant, une minorité de la commission a jugé qu'une partie de la population demeurait malgré tout sous-informée, à savoir les femmes, et qu'un effort d'information restait à entreprendre en leur faveur. Les motionnaires ont donc finalement renoncé à retirer leur projet.

Au cours des débats relatifs à la suite qu'il convenait de donner à la motion 785, une majorité s'est dégagée pour constater

- qu'il est peu souhaitable, d'une façon générale, d'axer les efforts d'information sur une ou deux catégories de chômeurs déterminées;

- que face aux graves problèmes financiers et sociaux que pose le problème du chômage de longue durée, l'information d'un groupe particulier ne constituait pas une priorité;

- que les femmes, contrairement à ce qu'affirmait un commissaire, n'ont pas moins tendance à s'inscrire dans les offices cantonaux que les autres groupes de population; preuve en soit la constatation qu'elles représentent dans le nombre total de chômeurs, une part plus importante (43%) que celle qu'elles occupent sur le marché du travail (40%), ce dernier chiffre se réduisant à 34% si l'on ne prend en compte que les emplois à temps plein (voir annuaire 1993 de l'OCSTAT);

- qu'un travail remarquable est effectué par les offices de chômage genevois depuis plusieurs mois en faveur de l'accueil, de l'information et de l'aide aux chômeurs en général;

- que les motionnaires n'étaient pas en mesure de justifier ou d'étayer leurs invites par des problèmes et des cas concrets.

Conclusion

Etant donné que la motion 785 a perdu son actualité, que des mesures importantes ont été et sont encore prises par le Conseil d'Etat pour lutter contre le chômage des jeunes, que le taux du chômage féminin ne peut laisser conclure à un manque d'information des femmes, la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, par 7 voix contre 6, de ne pas entrer en matière sur cette motion.

PROPOSITION DE MOTION

concernant le chômage, les femmes et les jeunes

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la forte progression du chômage en Suisse et à Genève en particulier;

- que le nombre de personnes cherchant du travail est supérieur au nombre de personnes indemnisées par l'assurance-chômage;

- que les jeunes en fin de formation constituent une population toujours plus atteinte par le chômage et qu'ils/elles ne s'annoncent pas à temps comme demandeurs d'emploi;

- que les femmes ont particulièrement peu connaissance de leurs droits en matière de chômage et qu'elles renoncent à les faire valoir en reprenant exclusivement leur activité au foyer,

invite le Conseil d'Etat

- à intensifier l'information sur les prestations de l'assurance-chômage;

- à mettre sur pied des campagnes d'information spécifique à l'intention des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Le 10 janvier 1994, la commission de l'économie rejetait par 7 voix (L, R, PDC) contre 6 (S, AdG, PEG) la motion 785 invitant le Conseil d'Etat à intensifier l'information sur les prestations de l'assurance-chômage en direction des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi.

Quelque 15 jours plus tard, la commission acceptait à l'unanimité une autre motion contenant un certain nombre de mesures touchant au chômage des jeunes, parmi lesquelles le développement de la collaboration entre le Centre jeunes et le Centre de bilan, l'office d'orientation et de formation professionnelle et les associations professionnelles ainsi qu'une large diffusion aux jeunes de l'information sur les moyens mis à disposition pour trouver un emploi. L'auteure de ce rapport ne s'étonne pas de cette inconstance, si ce n'est pour s'en féliciter, et ne la mentionne bien sûr que dans le but d'expliquer pourquoi le présent rapport de minorité, considérant que la demande d'une information à destination des jeunes a dès lors reçu une réponse positive, se consacre uniquement à évoquer la question de l'information à destination des femmes.

Au cours de la rapide discussion en commission, certains ont estimé «qu'une trop grande focalisation sur le problème des femmes répond à une préoccupation plus politique que réelle» et qu'une motion était «moyen lourd et contraignant à l'égard d'un problème relativement partiel».

Où le problème du chômage féminin est bien réel et non partielou anodin

Vous connaissez les faits, Mesdames et Messieurs les députés. Les femmes sont économiquement fragiles et leur situation est plus précaire que celle d'autres catégories de citoyens. L'observation statistique fait apparaître quelques faits et causes de cette situation.

La vulnérabilité professionnelle des femmes

Une cause évidente de la vulnérabilité professionnelle des femmes est la généralisation pour elles de formes de travail souples comme le travail à temps partiel. De 1975 à 1991, la part du travail à temps partiel augmente de 11 à 20,1% et la proportion homme/femme s'accroît en faveur des femmes (de 64,5 à 67,3%), alors que celles des hommes recule de 35 à 32,7%.

Le travail à temps partiel est lié au sexe et à l'état civil. Il concerne à Genève 38% des femmes actives contre 6% des hommes. En outre, d'après l'office cantonal de statistique (enquête suisse sur la population active 1991: quelques résultats pour le canton de Genève), ce sont les hommes célibataires et en formation qui travaillent à temps partiel et, à l'inverse, les femmes mariées dans la proportion de 1/2. Souvent traité comme un travail d'appoint, le travail des femmes mariées se trouve fragilisé.

- Au sein de l'ensemble des salariés, les femmes occupent plus fréquemment que les hommes des postes peu qualifiés et situés au bas de la hiérarchie. Toujours selon l'enquête précitée, on compte trois salariées sans fonction d'encadrement sur quatre actives occupées, tandis que, chez les hommes, ce rapport n'est que d'environ un sur deux.

Généralement, l'explication avancée tient au niveau relativement peu élevé de formation des femmes. A Genève cependant, l'écart entre les sexes est moins marqué que pour l'ensemble de la Suisse. Environ 1/3 des actifs occupés (36% pour les hommes et 31% pour les femmes) ont acquis une formation de niveau supérieur (maîtrise, haute école professionnelle, université), 1 sur 2 (48% pour les hommes et 50% pour les femmes), de niveau secondaire et environ 18% (16% d'hommes et 19% de femmes) n'ont pas de formation. Les différences entre les hommes et les femmes sont faibles, les femmes ayant globalement un niveau de formation légèrement inférieure à celui des hommes.

Outre le niveau de formation, cette situation traduit aussi des choix professionnels différents et notamment le fait que l'éventail des professions offertes aux femmes est restreint, que ce soit dans le monde du travail réel ou dans l'image que les intéressées s'en font. A Genève, plus de la moitié des femmes se retrouvent dans deux professions, employées de commerce et vendeuses. Quatorze formations professionnelles sont exclusivement féminines, mais 99 sont exclusivement masculines. La difficulté plus grande des femmes sur le marché du travail est somme toute assez logique si l'on considère la forte concentration du chômage dans les métiers classiquement féminins, c'est-à-dire les professionns de bureau, de la vente et de la restauration (42,5% du total des chômeurs et chômeuses genevois).

Etant donné les écarts homme/femme en ce qui concerne à la fois le niveau de formation et le statut dans la profession, le salaire des femmes est d'une façon générale plus bas. L'enquête suisse sur la population active de 1991 montre que le salaire mensuel standardisé s'élève à 6098 F pour les hommes et à 5066 F pour les femmes, soit 17% de moins pour ces dernières. L'écart est étroit, de l'ordre de 4% environ, si l'on se restreint au personnel sans responsabilité hiérarchique, il reste notable (24%) pour les cadres. Il est de toute façon inférieur à ce qui est cité pour l'ensemble de la Suisse (30% environ).

Le chômage des femmes

Les femmes sont plus chômeuses que les hommes: le nombre de chômeurs inscrits auprès des offices cantonaux permet de le confirmer. A fin décembre 1993, l'OFIAMT chiffrait à 75 298 le nombre de femmes au chômage pour l'ensemble de la Suisse (taux de chômage de 5,3%) et à 109 090 le nombre des hommes (taux de chômage de 4,9%), soit un pourcentage supérieur pour les femmes. Pour Genève, les éléments statistiques autorisent des conclusions semblables: au 31 décembre 1993, Genève comptait 16 310 chômeurs et chômeuses dont 9344 hommes (57%) et 6966 femmes (43%). Or, l'OFIAMT recensait, à fin 1991, 262 715 emplois dont 156 663 occupés par des hommes, soit 60%, et 106 052 par des femmes, soit 40%. Les femmes sont donc plus touchées par le chômage que les hommes puisque, occupant 40% des postes de travail, elles représentent 43% du nombre des chômeurs.

Mais c'est encore le nombre des emplois perdus qui cerne le mieux la diminution de l'emploi féminin.

Le recensement de 1991 fait état de 262 715 postes de travail en septembre 1991. Si l'on considère qu'entre septembre 1991 et décembre 1993, la diminution du nombre d'emplois se monte à 10%, il apparaît en regarddu nombre de chômeurs et de chômeuses à fin 1993 (16 310) un solde de 9961 personnes que la statistique ne ventile que partiellement: le nombre des saisonniers a diminué d'environ 3300 personnes de fin 1991 à fin 1993, celui des frontaliers de 2200. Reste une perte inexpliquée de 4461 personnes. Elle devrait comprendre, outre des pendulaires, des retraités, des invalides, un nombre particulièrement élevé de femmes.

Ces chiffres mettent en évidence le fait que parmi les femmes en situation de chômage toutes ne s'inscrivent pas auprès d'un office cantonal compétent: seule une sur trois selon l'enquête suisse sur la population active de 1992, alors que, pour les hommes, la proportion serait de trois inscrits pour deux non-inscrits, phénomène qui conduit à une sous-estimation générale du chômage féminin dans nos statistiques.

La crise touche les femmes de plusieurs façons

a) L'accès à des formations, à des professions et à certains postes est fermé aux femmes après leur avoir été ouvert au terme de plusieurs années de haute conjoncture. Les filles ont toujours eu un choix de possibilités professionnelles moindre que les garçons. La haute conjoncture avait amené petit à petit une modification de la structure du personnel dans le sens de la mixité. Aujourd'hui, l'accessibilité se restreint pour les femmes.

Les causes des difficultés traditionnelles des femmes dans le monde du travail (principalement la crainte que les femmes n'interrompent plus souvent que les hommes leur activité et qu'elles ne l'abandonnent un jour au profit de leurs enfants) se manifestent avec plus de force en période de crise et réduisent les possibilités des femmes.

Pour certaines catégories de main-d'oeuvre féminine les possibilités de travail diminuent dans la mesure des limites de leur mobilité. Les femmes mariées ne peuvent pas choisir librement leur domicile et de le transférer là où la situation du marché de l'emploi est plus favorable. Les obligations familiales les lient à un endroit déterminé.

b) Etant moins bien organisées que les hommes, moins bien représentées dans les organisations syndicales, les femmes sont plus démunies que les hommes face à la récession. En cas de licenciement et de chômage, les critères «sociaux» jouent en leur défaveur et beaucoup d'entre elles se retirent temporairement ou définitivement de la vie professionnelle.

Tandis que les hommes se mettent à la recherche d'un nouvel emploi et s'annoncent à l'assurance-chômage, les femmes se résignent à réintégrer le domaine familial et domestique.

Les conséquences à court terme du chômage sont peut-être moins dures pour les femmes mariées que pour les hommes; en revanche, les chances de trouver à long terme des possibilités de travail décroissent.

A une époque où les chômeuses mariées sont critiquées comme profitant d'un double gain, les vieilles idées sur la répartition traditionnelle des rôles pourraient refaire surface ou du moins bénéficier d'un regain d'attention. Un tel recul menacerait les améliorations les plus importantes de la situation des femmes, hormis le suffrage féminin, à savoir, le droit d'exercer une professions et des rapports matrimoniaux s'inspirant du principe d'égalité.

c) Les réductions de salaires et le chômage s'accompagnent d'une baisse des prestations sociales calculées d'après le revenu (AVS, AI, chômage) et même passagères, elles peuvent avoir des conséquences sensibles pour l'avenir des personnes concernées dans la mesure notamment où elles touchent aux montants des retraites. Or, parmi les personnes non actives qui vivent d'une rente, 2/3 sont de sexe féminin. Selon une étude menée par le Bureau de l'égalité et F information, une des causes de la pauvreté féminine est l'insuffisance des rentes AVS. C'est en tout cas une des causes citée par la plupart des personnes âgées qui ont fait l'objet de l'enquête et ce fait n'est pas surprenant si on le rapporte aux spécificités du travail et des carrières féminines.

d) Par suite de la crise, les déficits de nombreuses collectivités publiques ont augmenté. Des mesures d'économies ont été prises concernant avant tout un blocage des effectifs ainsi que la stabilisation, voire la réduction de prestations publiques et de subventions. Il faut présumer que les conséquences financières et sociales de telles mesures atteignent plus les femmes que les hommes. Si, par exemple, on renonce à diminuer les effectifs de classes, à donner des cours d'appui ou à améliorer l'équipement préscolaire (garderies, crèches).

En outre, le blocage des effectifs empêche la création de nouveaux postes dans les administrations publiques, ce qui a des effets négatifs sur la situation de la femme en général, celle-ci bénéficiant dans les administrations publiques des mêmes conditions de salaire et de travail que l'homme.

Le chômage des femmes revêt des aspects bien caractérisés, liés au double rôle qu'elle assument généralement. Leur carrière professionnelle est en dents de scie, entrecoupée de retours à la maison et de recommencements. Plus fréquemment que les hommes, elles occupent des postes peu qualifiés et situés au bas de la hiérarchie et l'éventail des professions qui leur sont offertes est limité.

Vulnérables, les femmes sont particulièrement touchées par la crise, directement, dans leur activité professionnelle, mais aussi indirectement dans leur position sur le plan de la famille et dans leur conscience d'elles-mêmes.

Où l'information est importante

Vue sous cet angle, la demande d'informer les femmes n'est pas anodine ni d'ordre démagogique. Si l'on se fie aux chiffres publiés par l'enquête suisse sur la population active, 2 demandeuses d'emplois sur 3 ne sont pas inscrites au chômage. C'est grave, pas seulement pour des raisons de sous-estimation du chômage féminin, car, non inscrites, elles se retrouvent pénalisées, d'une part, bien sûr, parce qu'elles n'ont pas d'indeminités de chômage, mais aussi parce qu'elles ne peuvent plus bénéficier des mesures préventives, notamment des cours de formation prévus et financés par la loi. Ainsi, une femme au foyer désirant se réinsérer dans la vie active ne pourra pas obtenir d'indemnités de chômage. Et une femme qui souhaiterait reprendre un travail après un temps d'arrêt n'a pas accès à une formation prise en charge par l'assurance-chômage, ni à une formation professionnelle, ni au perfectionnement. Les activités familiales n'étant pas assimilées à des périodes de cotisations donnant droit à des indemnités, elles ne sont pas considérées comme des chômeuses et ne bénéficient pas d'indemnités journalières.

Or, aujourd'hui, une offensive de formation, par le biais de l'assurance-chômage, permettant de bénéficier d'un recyclage et d'acquérir des qualifications est nécessaire. Il convient notamment de combler les lacunes de formation professionnelle de base. Après avoir passé un certain nombre d'années dans la vie active ou les avoir consacrées à l'éducation des enfants, il est difficile d'envisager ensuite une telle formation et de se replacer sur le marché de l'emploi.

Je souhaiterais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous soyez convaincus de l'intérêt d'adresser aux femmes une information portant sur leurs droits et les incitant à s'inscrire auprès de l'office cantonal de chômage. Cette information pourrait être préparée par le Bureau de l'égalité des droits entre homme et femme, par exemple sous la forme d'une brochure s'adressant à toutes les femmes et diffusée par l'office cantonal de l'emploi en collaboration avec les associations féminines.

Je vous prie en conséquence de bien vouloir accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat, qui, par la bouche de M. Jean-Philippe Maitre, chargé du département de l'économie publique, a d'ores et déjà affirmé en commission qu'elle ne posait pas de problèmes particuliers et qu'il était prêt à l'examiner.

Débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Le rapport de minorité est un très long rapport qui tient davantage du plaidoyer contre le sort misérable, «misérabilissime» même, que réserverait la société genevoise aux femmes du canton que d'autre chose !

Ce rapport appelle deux précisions.

La première concerne la motion à laquelle se réfère la rapporteuse, la motion 824 qui a déjà été largement mentionnée ce soir sur le placement des jeunes qui débutent dans la vie professionnelle. Cette motion a été - je tiens à le dire - complètement revue par la commission de l'économie, comme le Grand Conseil pourra s'en rendre compte prochainement, puisqu'il en sera saisi. En effet, cette motion était aussi irréaliste que dépassée ! Je précise que cette nouvelle mouture n'a pas été adoptée à l'unanimité, puisqu'elle a fait l'objet de quatre abstentions. Par contre, je signale que cette motion modifiée vise à mettre en oeuvre de nouveaux moyens de lutte contre le chômage des jeunes. Elle ne vise pas du tout à informer les jeunes sur les prestations de l'assurance-chômage ! L'accusation d'incohérence, d'inconstance émise par l'auteur du rapport de minorité est donc particulièrement inappropriée !

La deuxième remarque concerne la surreprésentation des femmes sur les listes de chômeurs. Les deux rapports - une fois n'est peut-être pas coutume - sont au moins d'accord sur deux chiffres. Les femmes occupent 40% des emplois et elles constituent 43% des chômeurs. Alors, j'avoue ne pas comprendre que l'on puisse en tirer la conclusion que les femmes sont mal informées sur leurs droits ! Elles semblent en effet s'inscrire en plus grand nombre au chômage et plus rapidement que les hommes puisqu'elles sont proportionnellement en plus grand nombre sur les listes de chômage. Bien sûr, on peut prétendre, pour expliquer ce phénomène, que les emplois féminins disparaissent plus rapidement que les emplois masculins. Mais vraiment rien ne permet de soutenir objectivement cette thèse, en tout cas pas les arguments - si vous permettez, Madame - un peu bizarres évoqués dans le rapport de minorité.

La conclusion qui s'impose est donc bien que les femmes connaissent leurs droits au moins aussi bien que les hommes et qu'aucun effort particulier ne doit être entrepris pour elles, parce que si on allait au bout de ce raisonnement, on pourrait se dire que ce sont les hommes qui sont mal informés, puisqu'ils sont insuffisamment représentés dans les listes de chômage !

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Le rapporteur de majorité prétend que la motion 785 a perdu de son actualité.

Je lui donne raison sur le premier volet, celui qui concerne l'information à faire aux jeunes. En effet, ce volet a perdu de son actualité non pas parce que le Conseil d'Etat a pris d'ores et déjà toutes les mesures qu'il convenait de prendre pour informer les jeunes ou concernant le chômage des jeunes, mais bien parce que la commission de l'économie, quinze jours après avoir discuté de la motion 785, a accepté une autre motion concernant le chômage des jeunes qui comporte plusieurs volets sur l'information destinée à la catégorie des jeunes chômeurs. Si la motion 785 a perdu de son actualité sur le volet «jeunes», c'est grâce au travail de la commission de l'économie, et j'espère que ce Grand Conseil voudra bien accepter la motion et le rapport sur le chômage des jeunes.

La motion qui nous est soumise ce soir aurait, selon le rapporteur de majorité, également perdu de son actualité parce que le taux de chômage féminin est plus élevé que celui des hommes, et le rapporteur de majorité en conclut que les femmes s'inscrivent davantage dans les offices cantonaux de chômage que les hommes. Le problème du chômage féminin ou de l'information des femmes serait donc un problème anodin, sans grande importance, pour lequel une motion serait un instrument trop lourd a même dit un commissaire en commission ! De tels propos, j'en suis sûre, reflètent moins une opposition de principe à une information à donner à la catégorie des chômeuses femmes qu'une méconnaissance du chômage des femmes, de la structure de l'emploi féminin et de la fragilité de la situation économique des femmes.

Je ne fais pas de misérabilisme, Monsieur Kunz, mais il est vrai qu'il y a davantage de chômeurs parmi les femmes que parmi les hommes. Cela ne signifie pas qu'elles s'inscrivent plus dans les offices cantonaux de l'emploi. Au contraire, j'ai essayé de démontrer dans mon rapport qu'à Genève en tout cas cela n'était pas le cas.

Mais il existe aussi, en plus de la statistique officielle, une nouvelle statistique du chômage établie à partir de l'enquête suisse sur la population active. Elle reprend une définition du chômage - celle du BIT - qui ne comprend pas seulement les chômeurs inscrits dans les offices cantonaux de l'emploi; c'est une définition plus large qui touche toutes les personnes au chômage. Selon cette statistique, parmi les hommes au chômage, 56% ne sont pas inscrits dans un office du travail, alors que chez les femmes cette proportion est de 74% ! Sur ce point on peut avancer l'hypothèse que la nature du travail féminin explique partiellement les choses, puisque les nombreuses femmes qui travaillent à temps partiel et dont le salaire est souvent un salaire d'appoint sont évidemment moins incitées à s'inscrire dans les offices cantonaux de chômage que les hommes.

Les arguments que j'avance, Monsieur Kunz, ne sont pas bizarres et les constatations ne sont pas anodines, pas seulement parce que les femmes ne touchent pas d'indemnités de chômage lorsqu'elles ne sont pas inscrites dans les offices cantonaux de l'emploi, pas seulement parce qu'ainsi le chômage féminin est encore sous-estimé bien que le taux de chômage féminin soit plus important que celui des hommes, mais aussi parce que, non inscrites, les femmes ne peuvent pas bénéficier des mesures de prévention, de recyclage et de perfectionnement personnel. C'est fort dommage parce que, encore une fois, l'enquête suisse sur la population active démontre que parmi les chômeurs de 30 à 50 ans une immense majorité, près du double de la proportion des hommes, sont des femmes, ce qui démontre les difficultés de réinsertion professionnelle des femmes après avoir arrêté un temps leur activité pour se consacrer à leurs enfants et aux tâches ménagères.

Au surplus, il est très difficile de reprendre une formation après des années d'activité professionnelle, en particulier lorsqu'on n'a pas un niveau de formation élevé, que l'on n'a pas appris à apprendre et que l'on n'a pas une formation continue en vue.

Vous dites, Monsieur Kunz, dans votre rapport que la priorité doit être donnée aux chômeurs de longue durée et que face à cette priorité il n'est pas important d'informer les femmes. Moi, je vous dis que les solutions au chômage de longue durée des femmes passent aussi par l'information. Or, l'information pose un problème à Genève, car elle est dispensée à tous les chômeurs par les médias, par les institutions de formation, par les organisations professionnelles, les syndicats, l'office de placement et l'office d'orientation et de formation professionnelles. Elle vient de diverses sources et elle est particulièrement complexe et difficile à assimiler. Je reconnais qu'en commission nous n'avions pas d'idée très précise sur la façon dont cette information pourrait être faite.

Depuis, j'ai pris des contacts avec un certain nombre de personnes et mes idées sont plus claires. J'espère ainsi pouvoir vous convaincre d'accepter qu'une information spécifique soit adressée aux femmes. L'information pourrait prendre la forme d'une brochure rédigée par le bureau de l'égalité, qui en a les moyens matériels, et la diffusion pourrait être effectuée par le canal de l'office cantonal de l'emploi, en collaboration avec les organisations féminines. Sur les bancs libéraux siège la présidente d'une grande organisation féminine, je veux parler du Centre de liaison des associations féminines. J'espère et je suis sûre que Mme Claude Howald s'associera à la demande d'information particulière pour les femmes et qu'elle acceptera que le Centre de liaison puisse jouer un rôle important dans cette phase d'information.

Je vous remercie donc de bien vouloir accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Micheline Spoerri (L). Je vais évidemment revenir sur les rapports de majorité et de minorité, mais je voudrais surtout essayer de remettre les choses sur leurs rails. On vient à nouveau de déraper lorsque l'on nous invite à nous prononcer sur un texte précis, la motion 785, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats et dont les invites consistent à demander d'abord au Conseil d'Etat l'intensification de l'information sur les prestations de l'assurance-chômage et, ensuite, à mettre sur pied des campagnes d'information spécifiques à l'intention des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi. Je vais faire abstraction du problème des jeunes. Tout le monde en a parlé. Nous aurons prochainement l'occasion de le traiter dans le cadre de la motion 824, et je précise pour tous ceux qui ont lancé des quolibets à ce sujet que le parti libéral entend bien reprendre une approche complémentaire en séance plénière.

Je reviens sur le problème de l'information. La première invite de la motion demande d'intensifier les efforts déployés par le département de l'économie, même si ceux-ci sont diversifiés. Aucune catégorie de chômeurs ne doit être oubliée, et à ce titre le département de l'économie publique et le Conseil d'Etat doivent assurer un rôle de pluralité. Les choses ont été reconnues par les commissaires. En effet, ils ont été d'accord, en séance plénière du 17 février 1994, de retirer la motion 797 qui n'était plus d'actualité, motion retirée par M. Champod. Elle avait d'ailleurs été déposée à la même époque que la motion 785 par quasiment les mêmes motionnaires. L'intensification demandée dans cette motion n'est plus d'actualité et l'effort effectué nous paraît suffisant.

Je reviens sur le rapport de minorité présenté par Mme Calmy-Rey. Je ne m'étendrai pas, Madame - pour éviter de perdre du temps - sur le début de votre rapport qui est effectivement très documenté, très chiffré et dont je ne conteste pas l'objectivité. Je souligne néanmoins qu'à plusieurs reprises on aurait pu avoir une interprétation différente, voire diamétralement opposée de certains chiffres. Il n'est un mystère pour personne que les statistiques et les chiffres permettent souvent d'arriver à une vérité, mais aussi à son contraire ! Il n'est donc pas question de discuter de cela.

Je tiens simplement à dire que cette partie du rapport ne constitue pas, à proprement parler, un argument nouveau par rapport à l'invite. Par contre, dans vos conclusions, pour signifier l'importance de l'information, en page 8, vous soulignez, je cite : «Deux demandeuses d'emploi sur trois ne sont pas inscrites au chômage. C'est grave, pas seulement pour des raisons de sous-estimation du chômage féminin...». Je conteste votre interprétation, car sur ces deux demandeuses sur trois non inscrites au chômage, beaucoup ne le sont pas délibérément, par choix. Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que le chômage féminin est sous-estimé.

En page 9 de votre rapport, vous dites : «Je souhaiterais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous soyez convaincus de l'intérêt d'adresser aux femmes une information portant sur leurs droits...». J'espère que vous vous souvenez, Madame, qu'en séance de commission j'avais moi-même estimé que, si on pouvait considérer que l'information concernant les prestations de chômage chez la femme était une information méritant d'être traitée particulièrement et présentant certaines caractéristiques, il m'apparaissait que, compte tenu du travail fourni déjà par l'office et le département, ce qui manquait actuellement n'était pas un problème de mesures à prendre, mais un travail de diffusion et d'information. Il me semble que ce n'est pas le travail du département de l'économie. Alors, le fait qu'il se prête à l'interface nécessaire entre les mesures prises et leur concrétisation est une chose - M. Maitre ne s'est jamais refusé à participer à ce genre de discours - mais de là à ce que ce soit au département de l'économie de mettre sur pied cette campagne, il me semble qu'il y a une nuance !

A mon avis, il n'y a même plus de problème en ce sens que vous-même, Madame, dans votre conclusion, suggérez que le bureau de l'égalité mette une information sur pied. Pourquoi pas ? Il est tout à fait habilité à le faire. D'autres le peuvent aussi. M. Champod relevait lui-même que l'important était que le canal de l'information prenne plusieurs directions. Donc on pourrait très bien admettre la recevabilité de votre conclusion, même si d'autres possibilités existent que celle du bureau de l'égalité.

Par conséquent, nous n'avons pas à voter une motion, puisque vous proposez vous-même la solution. La motion est donc inutile, puisque l'instrument existe, le bureau de l'égalité aussi et la volonté du département de l'économie également. Nous sommes pratiquement tous d'accord sur le fait que la femme a des besoins différents de ceux de l'homme en matière de prestations de chômage. Il n'y a alors plus que la volonté qui compte. Mais pourquoi nous faire voter une motion alors que, précisément, la solution est contenue dans votre conclusion. Cela me semble étonnant, Madame, que vous n'ayez pas essayé de dissuader les motionnaires, comme cela avait été le cas pour la motion 797.

Pour terminer, et pour autant que l'on soit convaincu de la nécessité de cette information, sachez bien que le parti libéral considère que le but de celle-ci ne consiste certainement pas à inciter les femmes à aller s'inscrire auprès de l'office cantonal de chômage. Pour nous, le but est clair. Il consiste à donner aux femmes en difficulté devant le problème du chômage toutes les informations nécessaires pour choisir leur avenir professionnel, familial ou social. Il ne faut pas inciter, il faut simplement informer suffisamment les personnes concernées pour décider en toute connaissance de cause.

Le parti libéral ne pourra évidemment pas, Madame, entrer en matière sur cette motion. J'espère que nous nous sommes comprises. Je n'en suis pas convaincue, mais nous pourrons revenir sur ce sujet !

Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue, Mme Jeannette Schneider-Rime.

M. Bernard Clerc (AdG). Mme Spoerri nous a dit qu'on pouvait faire dire n'importe quoi aux chiffres. Je suis étonné de cette affirmation. On peut avoir des divergences d'interprétation à partir d'un certain nombre de données, mais lorsque celles-ci sont fiables on doit en tenir compte.

Alors essayons de ne pas entrer dans la confusion entre demandeurs d'emploi d'un côté et chômeurs de l'autre. Monsieur Kunz, lorsque vous annoncez 43% de femmes inscrites au chômage, vous oubliez que la loi sur le chômage prévoit une disposition qui permet aux femmes séparées, divorcées ou veuves de s'inscrire au chômage sans avoir occupé un emploi. Par conséquent, on ne peut pas mettre ce chiffre en rapport avec le nombre de places de travail occupées par des femmes. C'est comparer deux données incomparables !

L'autre aspect concerne les demandeurs d'emploi. Nous savions depuis longtemps que le potentiel de demandeurs d'emploi était sous-estimé dans ce pays par rapport au mode de calcul européen. Depuis peu, grâce à l'enquête suisse sur la population active, on sait qu'il faut multiplier le chiffre des chômeurs inscrits par 1,7. Dans ce cadre, il est exact que la part des femmes à la recherche d'un emploi est de l'ordre de 70%, soit bien plus que les chiffres avancés dans le rapport de majorité !

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Je ne vais pas parler des chômeurs, mais des chômeuses. Le taux de chômage féminin est plus élevé que celui du chômage masculin. Je n'invente rien ! Cela ressort des statistiques de l'OFIAMT et de l'enquête suisse sur la population active, toutes les deux établies en 1993. Selon l'OFIAMT, 4,4% des hommes actifs sont au chômage, contre 4,7 des femmes actives. 22,5% de la population au chômage y reste pour une année et plus, dont 58,9% de femmes et 41,1% d'hommes. Selon l'enquête suisse sur la population active, 3% des hommes actifs sont au chômage contre 4,7% des femmes actives.

Selon cette enquête qui est, contrairement aux statistiques de l'OFIAMT, conforme à la définition du chômage du BIT et qui est utilisée par tous les membres de l'ONU, notamment par les pays de la CEE, un tiers des personnes au chômage n'était, en 1993, pas inscrit auprès d'un office cantonal de l'emploi. Les cinquante-quatre mille oubliés se composaient de 28% d'hommes et de 72% de femmes. Les deux statistiques sont d'accord sur un point : les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes. Contrairement à l'image reçue, le chômage est davantage personnifié par une femme que par un homme. Même des journaux sérieux, comme le «Journal de Genève», admettent ce fait.

Monsieur le rapporteur de la majorité, lorsque vous prétendez que le chômage féminin ne peut laisser conclure à un manque d'information, vous vous trompez et vous montrez que vous n'avez pas sérieusement étudié le problème ! Avez-vous fait un saut à Carouge au bureau de l'égalité ? Votre rapport minimaliste est un camouflet pour les femmes, notamment pour celles qui souffrent du chômage !

On se demande si vous êtes conscient que :

1) le taux du chômage féminin montre que les femmes perdent leur emploi plus facilement que les hommes;

2) moins d'une femme sur quatre au chômage touche des indemnités contre trois hommes sur quatre;

3) les chômeuses touchent des indemnités de chômage d'autant plus faibles qu'elles travaillent en majorité à temps partiel et que leur salaire est en moyenne 30% plus faible que celui des hommes;

4) la plus forte proportion de femmes dans la population au chômage de longue durée laisse supposer que les qualifications des femmes et les conditions du marché du travail ne correspondent pas suffisamment à leurs besoins et/ou que les prestations de l'assurance-chômage sont moins efficaces pour elles.

Minimiser à tel point la question de l'information des chômeuses, et cela tant au niveau de la forme qu'au niveau du fond, nous laisse penser, Mesdames et Messieurs de la majorité, que vous rejetez la demande contenue dans notre motion, car vous faites partie de ceux et de celles qui remettent en cause le droit au travail des femmes. En effet, en période de crise, les pressions pour que les femmes cèdent leurs places aux hommes ressurgissent. Eh oui, dans une Helvétie tourmentée par le chômage, Heidi se voit renvoyée au foyer et condamnée à y rester ! Lorsqu'on prétend qu'en période de chômage il est mieux qu'un membre du couple perde son travail qu'une personne seule, on sait que ce membre du couple est la femme dans la majorité des cas, car son salaire est inférieur à celui de l'homme.

Les femmes forment ainsi un potentiel de main-d'oeuvre qui peut être utilisé comme régulation du marché du travail. Quand l'économie marche bien on déroule le tapis rouge devant les escarpins des dames en les appelant à participer à la vie active, notamment en leur aménageant des postes à temps partiel. Inversement, lorsque l'économie se dégrade, les femmes sont priées de rester à la maison et des insinuations telles que : «A-t-elle vraiment besoin de travailler ?» ou «Ce père de famille ne devrait-il pas avoir la priorité ?» se multiplient. Or, le retrait du monde du travail a des conséquences graves sur les prestations sociales, et il n'est pas étonnant qu'une des causes de la pauvreté féminine croissante soit due à l'insuffisance des rentes AVS. En effet, bien des femmes se trouvent avec des droits limités, faute de cotisations régulières.

De plus, une telle vision dénote une fois de plus le concept de l'inégalité, ce que nous ne pouvons accepter. Notre société actuelle est encore profondément marquée par la vision de l'homme pourvoyeur du revenu familial et de l'activité passagère, intérimaire de la femme dépendante de l'homme. Comment une femme peut-elle, dans un tel contexte, prendre conscience tout à coup des obstacles spécifiques auxquels elle devra faire face lorsqu'elle voudra retrouver une activité lucrative ?

Le chômage féminin est accompagné d'un cortège d'obstacles particuliers liés à la perception globale de la femme dans notre société. Prenons la question de la garde des enfants. Selon nos lois sur l'assurance-chômage, une personne sans travail reçoit des indemnités pour autant qu'elle soit apte à prendre un emploi en tout temps. Or, pour que les personnes au chômage répondent à ce critère, beaucoup de caisses de chômage exigent que les enfants soient pris en charge par des tiers pendant leurs heures de travail. Dans la pratique, cependant, seules les chômeuses ont dû répondre à cette condition et prouver qu'elles ont envisagé la garde de leurs enfants. On ne pose pas ce genre de questions aux pères !

Cette situation discriminatoire se retrouve également lors de la recherche d'un emploi. En effet, beaucoup d'employeurs ne se gênent pas pour poser de telles questions à une éventuelle future employée.

Mesdames et Messieurs les députés, vous admettez souvent volontiers au niveau des discours qu'il faut aider les personnes qui en ont besoin, qu'il faut instaurer l'égalité entre femmes et hommes, mais dès qu'il faut passer aux actes la question devient anodine et inutile ! Pourtant, notre demande n'est vraiment pas exorbitante : nous voulons une information spécifique et ciblée adressée aux chômeuses pour qu'elles soient incitées à s'inscrire auprès de l'office de l'emploi et qu'elles aient une meilleure connaissance de leurs droits.

Le bureau de l'égalité serait tout à fait apte à préparer une telle brochure. La campagne de Carême de cette année est placée sous le thème : «Les femmes animent le monde.». Elle invite à une meilleure écoute des femmes afin d'accroître le partenariat entre hommes et femmes. Cette écoute doit s'accompagner d'une prise de conscience des situations et des problèmes qui pèsent de façon particulière sur les femmes et d'une reconnaissance de leurs actions et initiatives. Tout cela ressort de cette campagne de Carême et je pense que le parti démocrate-chrétien est sensible à ce genre d'arguments.

Notre Grand Conseil peut mettre cette invite en pratique en acceptant la motion qui demande, précisément, qu'on prenne en considération la spécificité des femmes dans le domaine du monde du travail et du chômage.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Monsieur le président, j'ai l'intention de vous convaincre d'adresser une information aux femmes pour qu'elles puissent choisir en toute liberté, pour qu'elles puissent décider de se former, de se recycler ou de choisir un perfectionnement professionnel. Pour cela il faut d'abord passer par la phase d'information. Il est extrêmement difficile, après quelques années passées à la maison, de réintégrer le marché du travail et l'aptitude au placement se réduit au fur et à mesure de sorte que les chômeurs sont plus souvent des femmes que des hommes.

J'apprécie les propos de Mme Spoerri signalant que la solution à ce problème est contenue dans la conclusion de mon rapport. Elle a précisé qu'elle était d'accord pour que le bureau de l'égalité édite la brochure, pour diffuser l'information au travers de l'office cantonal de l'emploi et des associations féminines, mais, a-t-elle dit, la motion est un mauvais instrument. Je crois avoir bien résumé ses propos. Je tiens à vous dire, Madame, que cette motion n'est pas un mauvais instrument, au contraire ! Elle exprime la volonté, si elle est acceptée, de ce parlement de diffuser cette information. C'est en même temps une reconnaissance du problème spécifique et des difficultés des femmes. Au contraire, si vous refusez cette motion, vous donnerez l'impression que ce problème n'est pas suffisamment important pour mériter même une information à destination des femmes.

Je vous demande donc de bien réfléchir à votre vote. Je souhaiterais qu'il soit favorable.

Mme Micheline Spoerri (L). Madame Calmy-Rey, votre interprétation d'une partie de la réponse que j'ai apportée est correcte. Si, par hypothèse, cette motion n'était pas votée, en quoi le bureau de l'égalité, les associations féminines et les supports médiatiques seraient empêchés de passer cette information ? Je vous pose la question ! Donc, à mon avis, cette motion est parfaitement inutile ! C'est une question de volonté qui ne va pas dépendre de celle du Grand Conseil. Et même si le Grand Conseil votait votre motion cette volonté serait probablement insuffisante. En matière d'information, la volonté du Grand Conseil est une chose, mais la qualité de la diffusion de l'information en est une autre.

Vous proposez le bureau de l'égalité pour accomplir cette tâche. On pourrait proposer d'autres associations pour ce faire. Le problème est d'éviter d'entreprendre des choses qui ne servent à rien, surtout s'il y a des instruments efficaces déjà en place ! Il ne faut pas tout le temps biaiser la logique !

J'admets sans difficulté qu'un certain nombre de femmes rencontrent des problèmes spécifiques, parce que leurs statuts familial et professionnel sont particuliers. Seulement, tout est en place, et les associations féminines, par le biais du bureau de l'égalité ou autre, n'ont plus qu'à faire leur travail ! Vous voulez que le Grand Conseil proclame une volonté. D'une part, cela n'apporterait rien au point de vue de l'efficacité et, d'autre part, vous n'avez pas besoin de son autorisation. Le Grand Conseil - que je sache, à moins que je me trompe - n'intervient pas à chaque fois que le bureau de l'égalité a un avis à émettre ou une activité à mener. Je crois même pouvoir dire qu'il y a un règlement d'application qui dépend du département de justice et police. Je ne vois pas où est le problème !

Madame Calmy-Rey, j'insiste pour vous dire que si on peut admettre qu'une information spécifique est nécessaire, ce n'est en tout cas pas pour inciter les femmes à s'inscrire au chômage ! Je ne vois pas seulement des effets négatifs au fait que deux femmes sur trois renoncent à s'inscrire au chômage. Il n'est pas question de créer un secteur quaternaire à côté de l'industrie des services qui deviendrait un secteur d'inactifs. Tout le monde doit connaître son droit au chômage, mais je ne partage pas du tout le côté incitateur de votre démarche.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Pour reprendre l'invite de Mme Calmy-Rey, je vous demande de bien réfléchir à votre vote. Le problème posé ne porte pas sur la formation ou la réinsertion professionnelle des femmes. Il ne porte pas non plus sur le sort que nous réservons aux femmes dans notre société. Le problème posé concerne l'utilité ou non d'une information particulière aux femmes au sujet de leurs droits en matière de prestations de chômage. C'est tout à fait différent ! Et le débat a complètement dérapé. Madame Roth-Bernasconi, je ne considère pas du tout le problème du chômage comme une question anodine et personne au sein de la commission ne le considère comme tel. Mais, je le répète, ce n'est pas le sujet de cette motion !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le groupe écologiste soutient le rapport de minorité et souscrit aux remarques faites par Mmes Calmy-Rey et Roth-Bernasconi.

Je rajoute toutefois deux remarques.

La première concerne l'information. Depuis que je siège ici, je suis complètement fascinée par cette question. En effet, que ce soit en séance plénière ou en commission ou encore lors de discussions de couloir, nous acquérons petit à petit la conviction que les autres savent ce que nous savons. Or, pour avoir gardé un pied ici et un pied ailleurs, je remarque quotidiennement que rien ne se sait ! Nos lois, nos acceptations, nos discussions ne sont pas connues. En dehors du cercle extrêmement restreint du monde politique et du monde intéressé par la politique - c'est-à-dire très peu de personnes dans ce canton, je peux en témoigner quand vous voudrez - les gens ne savent rien de tout cela.

La question des droits s'est souvent posée. J'ai participé à la commission de grâce et j'ai été très frappée de ce que mes collègues juristes estimaient que les gens connaissaient leurs droits. C'est faux ! Les gens ne les connaissent pas. Ils vivent dans un autre monde. Ils ne connaissent ni les lois ni leurs droits. La question de l'information pourrait être débattue à l'infini, mais elle est de notre responsabilité. Je pense, par ailleurs, comme l'ont dit mes collègues que les femmes sont en général encore prétéritées quant à l'information. Celle-ci ne doit pas devenir de l'assistance publique, parce que je crois que les citoyens ont le devoir de s'informer. Il leur incombe aussi de chercher les renseignements. Mais nous sommes tout à fait inégaux face à cette recherche de l'information. Le renforcement de cette information par rapport aux catégories qui sont les moins à même d'obtenir des informations reste donc de notre responsabilité.

Madame Spoerri, vous avez dit que l'on pouvait faire dire ce que l'on voulait aux statistiques. Pas tout à fait ! Depuis un certain temps, on explicite ces statistiques. Les statistiques suisses ou genevoises qui démontrent que le taux de chômage féminin ou le taux de non-emploi féminin est plus élevé que la participation moyenne des femmes ne sont pas contestables.

Dans son rapport de majorité, M. Kunz - je développe là un deuxième point - dit que si on ne tenait pas compte du travail à temps partiel, les femmes seraient encore plus représentées dans les pourcentages du chômage. Je suis loin de penser la même chose et les écologistes de même. En effet, en parlant de ne pas tenir compte du temps partiel, vous en arrivez à dire qu'il faudrait tenir compte seulement des vrais travailleurs, ceux qui travaillent à plein temps, et qui sont des hommes la plupart du temps. Comme vous le savez - et je le répète - nous estimons que le monde se partage entre les responsabilités professionnelles et les autres. Nous ne partageons pas votre analyse qui consiste à différencier les travailleurs à plein-temps des autres, ce qui permet d'exclure ces derniers qui sont le plus souvent des femmes. N'oubliez pas que le «travail à temps partiel» est probablement l'avenir de tous les travailleurs !

Mise aux voix, cette motion est rejetée.

 

Le président. D'entente entre Mme Chevalley et le Conseil d'Etat, le point 35 de notre ordre du jour (I 1895 - Enfance/adoption) est reporté à une prochaine séance.

La séance est levée à 19 h 35.