Séance du vendredi 18 février 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 4e session - 6e séance

PL 7057-A
5. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de MM. Claude Blanc, John Dupraz et René Koechlin modifiant la loi d'application de la loi fédérale de l'aménagement du territoire (art. 22, al. 3, nouvelle rédaction). ( -) PL7057
Mémorial 1993 : Projet, 7862. Commission, 7863.
Rapport de M. Florian Barro (L), commission d'aménagement du canton

La commission d'aménagement du canton, sous la présidence de M. Hervé Dessimoz, a étudié ce projet de loi au cours des séances des 12, 19 et 26 janvier 1994.

Assistaient également aux travaux: M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie, ainsi que MM. P. Baertschi, conservateur cantonal, G. Gainon, chef de la division des plans d'affectation, J.-C. Pauli, juriste au département des travaux publics et de l'énergie, ainsi que Mme Catherine Rosset, secrétaire adjointe au département de l'économie publique, interrogée particulièrement sur l'aspect de la loi sur le droit foncier rural (LDFR).

1. Généralités

Le présent projet de loi a pour but de rendre facultative l'élaboration, préalable à toute autorisation de construire, d'un règlement, d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier (PLQ), lors du passage d'un hameau en zone à bâtir. Cette modification vise, d'une part, à ne pas alourdir et allonger une procédure lors de transformations et d'adaptations modestes de bâtiments et, d'autre part, à être en conformité avec l'article 106, alinéa 3, de la loi sur les constructions et installations diverses (LCI) concernant les villages protégés, dans lesquels seraient vraisemblablement «rangés» les hameaux qui viendraient à être reclassés.

Il est à relever que le PLQ ne semble pas être l'outil le plus approprié pour l'étude globale d'un hameau, celui-ci étant bien souvent cohérent, déjà «urbanisé», donc laissant a priori peu de place à un développement, vocation dévolue en général au PLQ.

Le rapport qui suit ne concerne pas exclusivement la modification proposée à votre vote, mais s'inscrit dans la discussion générale engagée, voici plus de dix ans, sur les hameaux, et concerne dans le cas particulier les PL 6995-A et 7034 ainsi que la motion 879.

2. Historique

Depuis l'existence de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) de 1979, de la loi d'application cantonale (LALAT) de 1987 et de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT) de 1989, les hameaux ont toujours constitué un élément particulier de l'aménagement du territoire. Bien souvent à vocation essentiellement ou exclusivement agricole, dans l'ensemble de la Suisse, ceux-ci évoluaient, urbanistiquement parlant, au gré des besoins divers de l'agriculture. Cette évolution s'est traduite par une diversification des typologies de hameaux; en effet, les hameaux à vocation maraîchère ou céréalière n'ont pas le même tissu constructif qu'un hameau en région viticole, par exemple.

Pourtant, et bien avant 1979, l'agriculture a vu ses besoins en matière de constructions régresser par endroits, entraînant de ce fait une désaffectation des bâtiments existants au profit soit de logements, soit d'autres activités. Il est aussi apparu au cours du temps, par une application trop rigide de la loi, une quasi-impossibilité de maintenir un patrimoine bâti en état dans la zone agricole, faute d'investissements rentables, car ces bâtiments ne pouvaient changer d'affectation.

C'est pour ces raisons, entre autres, que M. le conseiller aux Etats Zimmerli a déposé et fait accepter une motion visant à assouplir les conditions d'exploitation des bâtiments en zone agricole. Une commission fédérale rendra prochainement son rapport au Conseil fédéral. Au niveau cantonal, il y eut également certaines adaptations et assouplissements de la LALAT, dont l'autorité a fait jusqu'à présent un usage parcimonieux. Enfin, le département des travaux publics et de l'énergie relève que l'appartenance à la zone agricole des hameaux a été une garantie de la sauvegarde du site, mais que d'autres hameaux, situés de longue date en zone à bâtir n'ont rien à leur envier à ce sujet.

3. Travaux de la commission

Les auteurs du projet de loi ont mentionné que celui-ci ne visait pas à permettre tout et n'importe quoi dans les hameaux, mais plutôt à offrir à l'autorité un instrument de travail à utiliser là où le besoin s'en fait sentir.

Le département des travaux publics a fait procéder à une étude, par la direction de l'aménagement, sur les hameaux en zone agricole, qui a rendu son rapport en novembre 1992. Celui-ci fait état de l'inventaire de la législation actuelle, des critères d'admissibilité des concentrations de bâtiments au titre de hameau, 30 ont été retenus, des enjeux concernant ceux-ci, notamment la protection du site, l'identité, la substance architecturale, la mixité des activités, l'intérêt de l'agriculture et l'aspect foncier. Ce rapport fait également part des propositions pour un aménagement futur de ces hameaux, en passant par une étude «personnalisée», hameau par hameau, en procédant à un inventaire précis de leur contenu et de leur potentiel.

3.1 Audition de la Chambre genevoise immobilière (CGI)

La CGI partage le but envisagé par ce projet de loi, en rappelant la nécessité de pouvoir maintenir en état le patrimoine bâti. Elle relève également qu'il serait intéressant de revoir les critères qui ont amené le département des travaux publics, en 1992, à recenser 30 hameaux dans le canton de Genève. Ces critères étaient les suivants: mention sur la carte Siegfried (1897-1899), la continuité, au moins 25 habitants, 2 propriétaires et 5 bâtiments. La CGI recommande l'inscription des hameaux en zone 4B primaire, demandant d'associer les communes concernées dans ce processus, étant entendu que la redistribution potentielle des affectations des bâtiments les concernent au premier chef en matière d'infrastructure. Il lui apparaît désormais comme incongru d'appliquer les normes de la zone agricole aux constructions qui n'ont plus cette vocation.

3.2 Audition de la Chambre genevoise d'agriculture (CGA)

La CGA soutient la mise en zone à bâtir des hameaux et ce pour plusieurs raisons. Selon elle, depuis la mise en application des instruments juridiques cités plus haut, la mutation de l'agriculture impose un changement d'attitude. Ce qui était vrai dans les années 70 ne l'est plus avec autant d'acuité aujourd'hui: désaffectation de bâtiments, regroupement et rationalisation de l'activité, diversification des sources de revenus des agriculteurs, problèmes successoraux (LDFR). La CGA mentionne que sa préférence va vers la création d'une zone hameau spécifique plutôt qu'une application des normes de la zone 4B ou 4B protégée pour les hameaux actuellement en zone agricole. La zone ainsi créée correspondrait mieux aux spécificités des hameaux à essence agricole (totale ou partielle) et devrait être élaborée à partir d'une analyse fine du tissu immobilier considéré. D'autre part, la CGA souhaite l'application d'un règlement pour chaque hameau. La notion de PLQ obligatoire est exagérée à ses yeux lorsqu'on considère un hameau comme entité déjà bâtie.

3.3 Point de vue du service de l'agriculture - Mme C. Rosset

L'intérêt du passage en zone à bâtir des hameaux, en particulier ceux qui n'ont plus de vocation agricole, serait d'éviter en matière de LDFR, les restrictions de droits d'usage y afférents. Le service d'agriculture souhaite, de la part du département des travaux publics et de l'énergie et avec leur collaboration, qu'une définition claire et précise du futur de ces hameaux soit appliquée. Mme Rosset relève que la majorité des communes est favorable à cette clarification de la situation.

4. Conclusion

Lors de l'échange de vues précédant le vote, il a été rappelé que l'aspect facultatif de l'élaboration d'un PLQ n'impliquait pas, par conséquent, l'ouverture d'une porte au «n'importe quoi», mais que les instruments restaient nombreux pour se prémunir des atteintes que l'on pourrait porter au site. Notamment, à l'instar de la majorité des villages, l'inscription en zone 4B protégée d'un hameau soumet celui-ci au regard critique de la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS). D'autre part, la commune ou le département des travaux publics et de l'énergie, lors de l'élaboration d'une étude d'aménagement d'un hameau, auront la faculté de proposer des mesures adaptées visant à protéger le périmètre considéré, comme par exemple le règlement de construction, le plan de site ou le PLQ. C'est dans cet esprit que la commission propose le projet de loi modifié mentionnant ces trois possibilités:

Vote de la commission:

- entrée en matière 9 oui (lib., rad., pdc), 3 non (adg), 3 abstentions (peg-soc.);

- vote final 9 oui (lib., rad., pdc), 6 abstentions (adg, peg, soc.).

La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi tel que modifié.

Premier débat

M. Laurent Rebeaud (Ve). J'ai déposé un amendement qui raccourcit un peu le texte proposé par la commission à l'article 22, alinéa 3 (nouvelle teneur). Je suppose que vous l'avez sous les yeux. Au lieu de dire : «Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone peut être subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction etc.», je propose : «Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone est subordonnée.» Les juristes appellent cela changer une formule potestative contre une formule impérative. (Quolibets.)

J'explique le pourquoi de cet amendement. La commission a constaté, notamment lors de l'examen d'un projet de déclassement d'un hameau sur la commune de Bardonnex, que la satisfaction de l'exigence légale actuelle d'un plan localisé de quartier était trop lourde et disproportionnée par rapport aux dimensions de l'objet et qu'un plan de site ou un règlement - enfin quelque chose de plus léger qu'un PLQ - pourrait être mieux adapté à la situation. Cet argument a été approfondi à la demande des autorités de la commune de Bardonnex et du hameau de Charrot auxquelles la nouvelle loi imposait la construction d'un plan localisé de quartier pour qu'il puisse être répondu à leur demande de déclassement de zone agricole en zone 4 B protégée.

Les membres de la commission ont été convaincus par les démonstrations montrant que le plan localisé de quartier n'était pas, dans le cas d'espèce, le bon instrument juridique. C'était trop exigeant, en termes de raccordement et de détail, pour ne pas parler d'étude d'impact. Nous étions d'accord là-dessus, et le cas était évidemment assez important parce que c'était la première fois que la loi s'appliquait. Nous avons donc admis que le plan localisé de quartier, dans un certain nombre de cas, n'était pas la bonne solution et qu'il fallait plutôt adopter un règlement ou exiger selon les cas l'adoption d'un plan de site comme condition à une autorisation de construire dans un hameau autrefois en zone agricole.

Votre commission est allée un peu plus loin. Elle a décidé - en tout cas la majorité des membres participants, dont notre collègue Dupraz - qu'il fallait laisser au Conseil d'Etat le choix de la mesure à prendre ou à exiger : plan localisé de quartier, plan de site ou règlement, ou rien du tout. Si je vous demande de changer cette formule potestative en formule impérative, c'est pour vous demander que, chaque fois, il soit exigé du Conseil d'Etat qu'il demande quelque chose à la commune ou à la collectivité qui veut obtenir un déclassement. Ce n'est pas forcément exprimer une méfiance préventive à l'égard du Conseil d'Etat que de demander que cette formule soit impérative; c'est simplement prendre une précaution. Il peut y avoir des cas - on nous en a exposé quelques-uns - où un paysan veut modifier un mur et il serait, effectivement, disproportionné de demander un PLQ...

Une voix. On demande rien !

M. Laurent Rebeaud. ...voire même un règlement. Simplement, il n'y a pas de limites objectives entre le mur dont on veut modifier la couleur et une modification plus substantielle du visage d'un hameau devant être protégé. Le choix de la commission a été de dire : «Laissons cela au Conseil d'Etat.».

Le Conseil d'Etat saura très bien, parce que, semble-t-il, ce sont des bons «types» par définition - définition qui n'avait pas tellement cours lors de la législature précédente, mais enfin... (Rires.) ...on va donc leur laisser décider s'il faut un règlement, un PLQ, un plan de site ou s'il n'y a besoin de rien du tout. J'aimerais rendre notre Conseil attentif au fait que le Conseil d'Etat n'est pas installé dans sa composition personnelle et partisane pour l'éternité et que, pour une bonne sécurité, nous pouvons, en approuvant la formule que je vous propose, élargir la marge de manoeuvre des communes et celle du Conseil d'Etat, sans courir le risque de l'arbitraire.

Actuellement, il faut un PLQ. La commission admet que le PLQ est trop lourd dans la plupart des cas. Si celui-ci ne va pas, il faut un plan de site. Si le plan de site n'est pas nécessaire, il faut au moins un règlement, mais en tout cas il faut quelque chose. Je ne voudrais pas que le Conseil d'Etat se trouve dans une situation où il puisse revendiquer le fait de n'être pas obligé de demander quelque chose parce qu'il pourrait y avoir des autorisations servant de précédents et donnant ensuite droit à des revendications qui conduiraient à un fort affaiblissement de la protection des hameaux.

Je ne vous demande pas grand-chose, seulement deux mots : un «peut être» contre un «est». Ce n'est pas revenir au statut actuel, que chacun a reconnu comme trop rigide, mais c'est se prémunir contre des erreurs que peut-être notre collègue Joye ne commettra jamais mais que son successeur, un jour... (Protestations, quolibets.) Je ne dis pas que c'est M. Grobet qui succédera à M. Joye dans quatre ou huit ans, je ne dis pas ça !

Une voix. C'est p't'être toi !

M. Laurent Rebeaud. Je dis que ce sera quelqu'un d'autre ! Nous ne légiférons pas pour ce Conseil d'Etat, nous ne légiférons pas seulement pour quatre ans - peut-être pas pour l'éternité non plus ! - mais certainement pour plus de quatre ans. J'aimerais que cette mesure d'assouplissement, dont nous approuvons le principe, pousse le Conseil d'Etat à étudier avec la commune et les habitants concernés, par le biais d'un règlement, d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier, les transformations à opérer. Je souhaite également que nous ne laissions pas au Conseil d'Etat soit la tentation, soit la possibilité, soit la facilité de ne rien faire parce qu'il est occupé à autre chose.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je suis très heureuse d'entendre M. Rebeaud puisque le texte de l'amendement que j'ai déposé sur votre bureau est le même que celui qu'il vient d'expliciter, globalement, bien sûr, pour les mêmes raisons.

Je voudrais juste dire quelques mots sur le problème des hameaux qui, vous vous en doutez, n'est pas très simple. Il a connu plusieurs projets de lois et motions dont certains sont encore en commission. Ce soir, vous n'avez qu'un avant-goût de la discussion générale sur les hameaux. La complexité du problème tient notamment à l'évolution de l'agriculture - grâce à M. Dupraz nous en savons un peu plus - qui a vu une certaine désaffectation des bâtiments agricoles, qu'ils soient utilisés pour loger le personnel des exploitations ou pour l'entreposage. Cette désaffectation est aussi liée aux coûts inhérents à toute rénovation ou réhabilitation d'anciennes constructions.

En parlant du problème des hameaux, nous nous trouvons un peu devant un choix cornélien. Soit nous facilitons la possibilité, en assouplissant la loi, de transformer, voire de démolir, pour rebâtir les constructions qui s'y trouvent, avec pour résultat que le hameau concerné vive, bouge; il est habité, au risque de perdre son caractère de hameau et de devenir un village, une banlieue, un dortoir. (Rires.) Soit nous conservons le recours obligatoire à l'un de ces instruments d'aménagement - PLQ, plan de site ou règlement de construction - et cela ne nous paraît pas garantir la protection du caractère spécifique des hameaux. A ce moment-là, le hameau meurt, il devient une espèce de réserve d'Indiens - pour employer un terme que l'on a pu entendre - ou il devient une espèce de musée en plein air, un petit Ballenberg cantonal ! (Rires.)

Le terme de «simplification» qui est utilisé en l'occurrence, puisque l'on souhaite simplifier la loi, rime avec déréglementation. C'est d'ailleurs un des mots prononcés, un des buts avoués de la commission ou, en tout cas, de sa majorité. J'ai personnellement envie de faire écho à déréglementation avec le mot «attention !», avec les termes «préservation du patrimoine». Dans le seul but de simplification, soyons attentifs à ne pas risquer de laisser porter un coup fatal aux hameaux qui pourraient ainsi être déclassés sans aucune protection. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé le même amendement que M. Rebeaud.

M. Laurent Rebeaud (Ve). C'est effectivement le même amendement. Je retire donc le mien.

M. Christian Ferrazino (AdG). Nous partageons bien évidemment les craintes exprimées par nos collègues Rebeaud et Maulini Pasquier. (Rires.)

Des voix. Maury Pasquier !

M. Christian Ferrazino. Comme vous le voyez, cette question soulève passablement de dissensions au sein de ce parlement. Nous avons reçu une lettre de la Société d'Art Public et vous aviez indiqué que nous prendrions connaissance de cette lettre au point 32 de l'ordre du jour, nous y sommes. Je vous rappelle que dans cette lettre, adressée au président du Grand Conseil, la Société d'Art Public demandait à être auditionnée non seulement pour donner son point de vue sur ce projet de loi, mais également pour proposer des amendements. C'est d'ailleurs l'usage en la matière de pouvoir procéder à l'audition d'une telle association avant de prendre une décision dans ce parlement. Je relèverai que c'est une politique constante de la commission de l'aménagement de procéder aux auditions des associations qui le demandent.

Vous me direz que cette demande d'audition vient un peu tard puisque le projet est soumis ce soir à notre assemblée. Je vous répondrai simplement qu'il arrive parfois à la commission d'aménagement, et vous le savez, de procéder à des auditions après qu'un projet de loi par exemple a été voté. J'en veux pour preuve la séance de la commission d'aménagement d'avant-hier qui a entendu le promoteur concernant la modification du plan d'extension de l'avenue Krieg que nous avons voté dans ce Grand Conseil en décembre dernier. (Protestations.) C'est quand même assez extraordinaire... (Protestations de M. Dupraz.) ...que la commission puisse entendre une personne, en l'occurrence le promoteur, dans le cadre d'un projet qui a fait l'objet d'un vote en plénière au Grand Conseil. D'où d'ailleurs le nouveau projet de loi annoncé par M. Koechlin. Il a entendu le promoteur au sein de la commission d'aménagement et il s'est dit : «Tiens, je vais faire un projet de loi pour que l'on puisse voter le contraire de ce que l'on a voté en décembre.». On avancerait rapidement comme ça. (Contestations de M. Koechlin.) Calmez-vous, Monsieur Koechlin. Vous avez le droit à la contradiction, ça peut arriver à tout le monde ! (Brouhaha, chahut.)

Le président. Laissez parler l'orateur où je suspends la séance !

M. Christian Ferrazino. Cela pour vous rappeler, Monsieur Koechlin, que vous avez entendu la Chambre genevoise immobilière dans le cadre de ce projet. Il aurait peut-être été plus utile d'entendre la Société d'Art Public dans la mesure - et ceux qui m'ont précédé l'ont rappelé - où ce projet de loi concerne avant tout un problème de protection du patrimoine. L'audition de la Société d'Art Public se justifie d'autant plus que, dans cette affaire, des amendements sont proposés par cette société, raison pour laquelle nous demanderons que ce projet de loi soit renvoyé à la commission d'aménagement afin que nous puissions prendre une décision sur cette question. Je rappellerai que ça ne fait que reporter l'entrée en matière sur cette question d'un mois, puisque nous pourrons très bien procéder à cette audition dès la prochaine séance de la commission d'aménagement, pour reprendre l'examen de ce projet lors de notre prochaine séance plénière.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je soutiens évidemment l'idée d'un renvoi en commission. J'ai déposé moi-même une proposition d'amendement dont les chefs de groupe ont reçu copie et qui est sur le bureau du Grand Conseil. Il ne diffère pas fondamentalement des propositions faites par M. Rebeaud ou Mme Maury Pasquier. Leur proposition est peut-être même meilleure puisqu'elle préconise en tout état de cause de ne pas accorder d'autorisation sans qu'un règlement au moins soit adopté et que l'adoption d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier reste, à tous égards, réservée si l'on souhaite aller au-delà d'un simple règlement. Nous nous rallierons sans doute à cet amendement si nous avons l'occasion d'en discuter en commission et si nous arrivons à nous mettre d'accord, ce qui me semble tout à fait aisé.

J'aimerais émettre une considération sur l'usage du territoire. Le territoire dont nous parlons, le nôtre, est une partie de l'Europe; il se caractérise par des traits partagés par les différents territoires d'Europe. Ces traits constituent une partie de l'expression de ce que l'on appelle la civilisation européenne, une civilisation de villes, de bourgs, de villages, de hameaux et puis aussi de fermes et de bâtiments isolés qui sont réunis par des rapports de hiérarchie et qui entretiennent entre eux, de même qu'avec la campagne, des rapports tout à fait spécifiques. Cette civilisation s'est développée au cours d'un millénaire. La première révolution industrielle du Moyen Âge a donné une extension formidable aux bourgs et aux villes. La deuxième révolution industrielle des XIXème et XXème siècles a conduit à l'explosion urbaine et à la mise en péril de la qualité de la vie des habitants, principalement ceux des métropoles, avec ce risque, si nous n'avions pas eu un «zoning» et une loi d'aménagement du territoire extrêmement stricte, d'un continuum urbain sans plus aucune des caractéristiques nées de cette civilisation.

Les visiteurs de Genève s'émerveillent toujours que notre territoire ait su conserver sa campagne. Une campagne superbe, caractérisée encore par ces rapports de hiérarchie et de contrastes entre grandes et petites formations, entre agglomérations, champs, forêts et vignes. A nos lois et à ceux qui les ont votées revient le mérite de ce patrimoine et de cette richesse préservée. Dans ce contexte, ce dont nous discutons est capital. Les hameaux jouent un rôle important, voire déterminant dans ce paysage. Certes, ils revêtent, comme l'ont souligné tous les intervenants auditionnés à la commission d'aménagement, une valeur d'usage en crise avec des désaffectations, des reconversions des bâtiments agricoles à la résidence. Certes ils revêtent des valeurs financières potentiellement rentabilisables.

Mais à ces valeurs bien réelles s'ajoutent d'autres, impossibles à cerner en chiffres, mais indiscutablement reconnues comme des biens incontestables en termes de paysages, paysages remarquables, rapports heureux entre agglomérations et campagne, avec des éléments morphologiques, d'échelles, de matériaux, de styles, et ces limites, ces seuils, ces murs, ces plantations et ces tracés qui qualifient l'esthétique des lieux habités. Les hameaux sont une partie tout à fait sensible de cette poétique du paysage qui imprègne notre environnement rural et réjouit nos yeux et nos coeurs. Aussi, la modification proposée suscite-t-elle nos craintes les plus vives, comme les craintes les plus vives de ceux qui m'ont précédée. En appliquant aux hameaux les conditions de la quatrième zone, il faut être conscient que l'on va courir le risque de les faire bénéficier de toute une série d'éléments de construction ou de reconstruction qui sont propres à la quatrième zone.

Actuellement, dans la trentaine de hameaux recensés par le DTP sur le canton de Genève - il en existe un peu plus, mais une trentaine ont retenu l'attention - une dizaine dispose déjà de règlements. On peut dire aussi que dans tous ces hameaux, par exemple Malval, Sionnet, Arare, Peissy, il est très rare que les bâtiments excèdent un étage sur rez avec combles, sauf des bâtiments particulièrement remarquables, maisons fortes, fermes patriciennes ou châteaux, la plupart des hameaux n'ayant ni temple, ni église. En appliquant donc les normes de la quatrième zone, on va faire passer les possibilités de construction de 7 mètres à la corniche, à 10 mètres. On va modifier l'échelle des hameaux et cela ne devrait être permis - je n'y suis pas opposée en principe - que si l'examen des questions de dimensions générales du bâti et de caractéristiques architecturales de l'ensemble des constructions est fait et si cet examen a débouché sur l'adoption d'une norme réglementaire.

Vous me direz, Monsieur Koechlin, je le sais, qu'on déteste les règlements en architecture depuis que l'on s'en est débarrassé au XIXème siècle. Point de normes, plutôt le génie des architectes ! Mais pourtant ces normes classiques qui prévalaient autrefois, ces règles de styles qui étaient péremptoires ont créé des ensembles d'une très grande harmonie et sont à l'origine de ce que l'on appelle des styles aux différentes époques de construction des hameaux comme des villes. Si bien que je dirais que je préfère un règlement, même contraignant et contraire à l'esprit du créateur, à de la mauvaise architecture ou à ce penchant inné que nous avons ici de rentabiliser le sol. Aussi, je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission afin que nous puissions examiner la valeur de ces propositions, auditionner la Société d'Art Public et avoir le temps de réfléchir à ce que signifie la disparition des normes de protection de ces hameaux.

M. René Koechlin (L). Je regrette que beaucoup de préopinants se soient exprimés dans une totale méconnaissance des problèmes que pose réellement l'intervention dans un hameau. C'est un homme de terrain qui vous parle et qui, pendant sept ans, s'est évertué à introduire précisément un règlement dans un hameau avec un Conseil municipal sans jamais pouvoir aboutir. L'amendement que vous proposez, Monsieur Rebeaud et votre collègue du parti socialiste, vise à passer unilatéralement au crible d'un règlement contraignant et sujet aux caprices de conseillers municipaux et autres commissaires, commissions et j'en passe...

M. Pierre Meyll. Et des architectes !

M. René Koechlin. ...tous les hameaux sans exception et sans distinction alors que, précisément, ce qui caractérise les hameaux, c'est leur extrême diversité. Par ailleurs, cela voudrait signifier que les trente-six hameaux recensés, et je vous dis tout de suite qu'il y en a en tout cas le double, voire plus, puisque pour ces trente-six hameaux recensés par les services du département des travaux publics il y en aurait trois dans la seule commune de Jussy, alors que le Conseil municipal de cette commune - qui connaît un peu son territoire ! - en a recensé, lui, onze. (L'orateur est interpellé.) Les miroirs des regards, Monsieur, me permettent de voir le président même en m'adressant à droite ! (Eclats de rires.)

Trente-six règlements pour trente-six hameaux, probablement davantage, c'est du point de vue de l'administration tout simplement ingérable. Trente-six règlements différents pour le praticien, c'est inapplicable, alors que l'on devrait se contenter de laisser la possibilité au Conseil d'Etat d'apprécier les hameaux de cas en cas, car il y a réellement des cas méritant un règlement. D'autres, au contraire, impliquent l'élaboration d'un plan de site ou toute autre mesure d'aménagement véritablement adaptée à chaque cas qui, je le répète, est toujours différent. Et puis, comme l'a dit tout à l'heure je ne sais plus lequel des orateurs, aucun règlement - vous le savez fort bien - ne remplacera jamais le talent de l'architecte.

Des voix. Aaah !

M. René Koechlin. Le coup fatal auquel il était fait allusion tout à l'heure si l'on s'abstenait d'élaborer des règlements, Madame, vous qui souriez, sera porté aux hameaux si l'on persistait à vouloir les laisser en zone agricole comme votre parti s'est évertué à le faire pendant toutes ces dernières années, avec force et conviction, je l'avoue. Si on laissait les hameaux en zone agricole, on ne pourrait même plus les entretenir, on ne donnerait pas les moyens aux propriétaires de pouvoir simplement les restaurer, les maintenir en état, et je connais maints cas de bâtiments de fermes et autres granges qui, dans des hameaux, sont soit déjà en ruine, soit sur le point de le devenir. Je peux vous en citer facilement une douzaine, simplement de mémoire.

Une voix. Des noms !

M. René Koechlin. En ce qui concerne l'audition de la Société d'Art Public que souhaiterait M. Ferrazino.

M. Bernard Annen. Mesure dilatoire !

M. René Koechlin. C'est évidemment une mesure dilatoire. La Société d'Art Public a eu largement le temps de demander à être auditionnée, elle ne l'a pas fait. Il y a des mois que nous traitons en commission la question des hameaux, jamais la Société d'Art Public n'a demandé d'être auditionnée, c'est tout de même curieux. En ce qui concerne l'audition tardive à laquelle vous faisiez allusion pour l'avenue Krieg, je vous ferai remarquer qu'elle résulte du fait que, pour ce périmètre, votre collègue de parti, alors qu'il était encore conseiller d'Etat, a entraîné ce Grand Conseil dans l'erreur en déposant un projet de loi qui était de la compétence du Conseil d'Etat. Ce Grand Conseil n'aurait donc pas dû le traiter. Malheureusement les députés ont suivi. Et l'on s'aperçoit aujourd'hui que le projet n'aurait pas dû être voté par le Grand Conseil, car il n'y avait pas, en l'occurrence, de modification du plan d'extension en question.

Cela étant, le projet de loi que nous vous proposons offre toutes les possibilités au Conseil d'Etat et à l'administration de protéger les hameaux qui réellement doivent l'être, ceux qui présentent un intérêt. Madame Deuber-Pauli, la qualité des hameaux et des villages genevois n'est pas due à la réglementation du XVIIIème siècle, car cette réglementation était extrêmement contraignante et a eu pour conséquence le caractère des villes du XVIIIème siècle. A l'inverse, c'est précisément l'absence de toute réglementation qui a fait le caractère des hameaux et des villages. C'est ce que l'on appelle «l'architecture licencieuse» dont l'unité ne dépend que de la pauvreté des matériaux utilisés plutôt que de règles venant d'une administration ou d'un pouvoir politique quelconque. C'est pourquoi je vous invite à refuser le renvoi en commission et à voter ce projet de loi.

M. Hervé Dessimoz (R). Je voudrais tout d'abord régler le problème de la demande d'audition de la Société d'Art Public en vous rappelant que j'ai reçu ce matin seulement la demande d'audition et que, malgré le fait de cette réception tardive, j'ai pris la précaution de m'en expliquer et d'en discuter avec le président de la Société d'Art Public, M. Patrick Mallek-Ashgar. Je vous dirai quels étaient les termes de cette discussion, mais je voudrais quand même vous rappeler ce qui s'est passé en commission.

L'un de nos collègues nous a annoncé la demande d'audition tardive de la Société d'Art Public. La commission en a pris acte; elle a tranché et considéré que cette demande était réellement trop tardive et qu'elle n'entendait pas revenir sur le sujet. Je pense que la commission a été sage parce que si nous admettions un précédent dans ce domaine, nous prendrions, au niveau de l'avancement de nos travaux législatifs, un risque assez élevé.

Cela étant, je reviens sur mon entretien avec le président de la Société d'Art Public qui m'a dit que sur le fond - et je suis autorisé à vous le dire - la Société d'Art Public n'était pas totalement opposée au projet tel qu'il est formulé, mais entendait, par contre, faire des remarques en commission dans le sens de l'amendement de Mme Deuber-Pauli. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de retourner en commission pour auditionner la Société d'Art Public. L'amendement de Mme Deuber-Pauli est suffisamment explicite : il demande des freins à la modification que nous avons faite et plus de garanties sur certaines procédures; cela est une question de pure doctrine. Je pense que nous pouvons en discuter en toute liberté ce soir et je vous fais cette proposition avec l'accord du président de la Société d'Art Public qui regrette d'ailleurs d'avoir omis de nous demander l'audition plus tôt.

Je voudrais maintenant revenir sur le fond de cette loi, en réponse aux affirmations faites par Mme Deuber-Pauli et M. Rebeaud et à cet espèce de péril qui menacerait les hameaux si nous adoptions cette loi. La majorité de la commission de l'aménagement aurait-elle voté une modification de la loi tellement grave qu'il n'y aurait désormais plus de protection pour les hameaux et plus d'avenir garanti à ces magnifiques sites que nous connaissons et qu'une majorité d'entre nous tient à conserver ?

J'aimerais quand même rappeler le contenu de ce fameux article 22, à l'alinéa 1 :

«Lorsqu'en zone agricole d'anciennes constructions sont rebâties ou transformées dans des hameaux déjà formés, le département peut, en application de l'article 24, alinéa 2, de la loi fédérale et après consultation de la commission des sites, appliquer les normes de la quatrième zone rurale.»

Apparemment, cette situation ne gêne personne, elle est valable pour l'article premier lorsqu'il n'y a pas de déclassement. Par contre, dès que l'on demande le déclassement, effectivement, la loi dit ceci à l'article 22, alinéa 2 : «On le déclasse en quatrième zone rurale.». Mais, Madame Deuber-Pauli, vous le savez très bien, je ne crois pas qu'il y ait eu un déclassement en quatrième zone rurale sans qu'il soit assorti d'une quatrième zone rurale protégée. Je voudrais vous dire que la proposition de la commission d'aménagement, selon le projet de loi qui vous est présenté ce soir, va tout simplement et sans arrière-pensée dans le sens d'un allégement des procédures.

Je voudrais répondre à Mme Maury Pasquier en disant que l'allégement des procédures n'est pas une déréglementation, parce que celle-ci voudrait dire que l'on fait abstraction purement et simplement des alinéas de l'article 22. Il se trouve simplement que nous souhaitons que les autorités aient la possibilité de décider s'il faut mettre ou non en application l'étude d'un plan de quartier, l'adoption d'un règlement ou l'étude d'un plan de site.

Madame Deuber-Pauli, Madame Maury Pasquier, Monsieur Rebeaud, je vous dis ceci : j'ai confiance dans les autorités, qu'elles soient cantonales ou communales. A partir de là, je pars du principe que nous faisons un acte courageux pour décrisper une situation qui engendre, dans la plupart des cas, des situations conflictuelles. Nous les avons déjà vécues et nous allons les revivre dans le débat sur Charrot que nous aurons après celui-ci, où la commune a un point de vue et le département un autre. Je voudrais simplement vous dire qu'à partir du moment où toutes les autres lois LCI restent valables, vous pouvez sans crainte suivre le rapport de la majorité de la commission et adopter le projet de loi 7057.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Dessimoz a évoqué le refus de renvoi en commission...

Le président. Non, Madame ! C'est un grossier prétexte ! On vote le renvoi en commission.

Mme Erica Deuber-Pauli. Non, excusez-moi... (Le président, imperturbable, fait voter le renvoi en commission. Protestations.)

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Sur le renvoi en commission...

Une voix. Mais c'est voté !

Mme Erica Deuber-Pauli. ...M. Dessimoz a exprimé un avis tout à fait personnel, en indiquant qu'à la suite d'une conversation avec le président de la Société d'Art Public, qui avait évoqué la parenté de ses objections avec le contenu de mon amendement, il s'avérait inutile d'ordonner le renvoi en commission puisque la Société d'Art Public n'aurait rien à dire de plus. Je trouve ce procédé inqualifiable. D'une part, je n'ai eu aucun contact avec la Société d'Art Public et celle-ci peut être amenée à s'exprimer et à amener dans sa délégation son président et ses membres, par exemple M. Blondel qui souhaitait être entendu à ce sujet. Je trouve inacceptable d'augurer qu'il dirait la même chose que moi. Aussi, avant d'avoir voté le renvoi en commission, il aurait été nécessaire d'élucider ce point. Je n'ai pas apprécié cette méthode, Monsieur Dessimoz.

Ensuite, j'aimerais répondre aux objections de M. Koechlin. D'une part, vous dites qu'il faudra réglementer cas par cas. C'est bien évident. Il y a un certain nombre de hameaux, il y aura plusieurs règlements qui n'arriveront pas tous en même temps, rassurez-vous, et je crois que vous êtes assez intelligent - et les architectes le sont assez - pour assimiler en même temps la diversité des hameaux et les quelques règles qui doivent s'attacher à leur traitement. Les ruines ne sont pas le propre des hameaux. Vous savez très bien dans quels cas il y a des ruines dans les hameaux. Cela est toujours lié à des problèmes tout à fait particuliers, et il y en a autant, sinon beaucoup plus, dans les villes. L'architecture normée dont nous parlons pour les hameaux est imposée par l'usage et la rareté des matériaux.

Ce que vous demandez, c'est une déréglementation pour assimiler de nouvelles règles qui sont celles de la quatrième zone protégée et c'est bien ce rapport d'échelle nouveau que je conteste parce qu'il sera systématique, je vous le promets, si nous déréglementons. Ensuite, vous dites que l'on allégera les procédures, mais je vous réponds que l'on étendra à l'infini les conflits. La Société d'Art Public reprendra du service, vous aurez des conflits sur chacun des cas d'intervention dans les villages. Il vaudrait beaucoup mieux mettre à profit l'inventaire des monuments qui a été fait, le recensement des hameaux auquel il a été procédé.

M. Bernard Annen. La CMNS s'en occupera !

Mme Erica Deuber-Pauli. Durant treize ans, j'ai été membre de la CMNS et je puis vous dire qu'il coûte très cher à la collectivité qu'à chaque cas... (Brouhaha.) ...la CMNS s'expose à des conflits. Il serait beaucoup plus rentable de procéder à un examen préalable au dépôt de plans et à l'adoption de règles claires d'intervention plutôt que d'entraîner la commission des sites dans des conflits incessants.

Mme Martine Roset (PDC). (Parlant de la lumière verte du micro qui ne fonctionne pas.) Y'a, au Municipal, un excité qui a fait tomber le bidule vert dans le trou ! (Rires.)

J'aimerais relever trois phases qui ont été dites par certains de mes préopinants. Monsieur Rebeaud, vous avez dit : «Qu'il soit exigé du Conseil d'Etat qu'il demande quelque chose à la commune.» C'est un peu une façon de dire qu'entre le Conseil d'Etat et les communes, c'est donnant donnant. Je préfère voir ces deux exécutifs dialoguer, plutôt que d'effectuer ce genre de marché.

Concernant la protection du patrimoine évoquée par M. Ferrazino, je voudrais signaler quand même que le patrimoine est fait par des gens qui ont construit, agrandi, encore reconstruit. Tout cela est aujourd'hui notre patrimoine. Mais si nous voulons donner quelque chose aux générations futures, il nous faut également apposer notre empreinte, sinon ce n'est plus un patrimoine qui évolue.

Concernant le paysage idyllique décrit par Mme Deuber-Pauli. J'habite dans un hameau. Il est vrai qu'il y a peut-être aussi des ruines en ville mais, si vous vous promeniez dans les hameaux, vous remarqueriez - il est vrai que c'est aussi lié aux conditions financières de l'agriculture - que les hameaux tombent de plus en plus en ruine et ce n'est pas un phénomène qui va s'arrêter parce que, malheureusement, les bâtiments ne sont plus retapés. Le paysage idyllique vient de se transformer en paysage de train fantôme !

Pour revenir à l'amendement, il y a un paramètre que personne n'a évoqué. Dans un hameau, les gens se connaissent et, faites-moi confiance, si un habitant construit quelque chose qui ne plaît pas à ses voisins, il n'aura nul besoin d'un règlement ou d'un PLQ pour que cela ne se fasse pas ! En plus, qui est mieux à même de pouvoir dialoguer avec les habitants que la commune ? Je pense que si la commune a le pouvoir de dire ce qu'elle veut dans ce genre de problèmes beaucoup de choses iront nettement mieux. (Bravos, applaudissements.)

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Quelques remarques à propos de ce que je viens d'entendre. La première s'adresse à ce Grand Conseil pour vous demander ce que vous y faites. Si vous n'y faites pas des lois et des règlements qui - à vous entendre ! - empêchent la vie et tout développement, je me demande ce que vous faites ? (Remarques virulentes sur les bancs de l'Entente.)

La deuxième remarque concerne votre confiance en le Conseil d'Etat. Je suis très heureuse d'entendre qu'en matière d'aménagement du territoire vous faites confiance au Conseil d'Etat, mais vous oubliez très vite, me semble-t-il, que vous n'êtes pas forcément et toujours d'accord avec le conseiller d'Etat chargé de ce département et que, peut-être en d'autres temps, vous auriez à vous mordre les doigts d'une telle déréglementation. (Contestations.)

Enfin, le canton est parsemé de preuves du talent des architectes. Je pense que personne ne contestera ici que ces preuves ne sont pas toujours très convaincantes.

Une voix. Il faut demander à Richardet !

Mme Liliane Maury Pasquier. Des règlements, des plans de site, éventuellement des PLQ peuvent peut-être protéger les hameaux des talents moindres de certains architectes.

M. John Dupraz. Des noms, des noms !

Mme Liliane Maury Pasquier. Enfin, pour reprendre les propos de M. Koechlin, l'introduction du nouveau droit foncier rural pose des problèmes majeurs pour la vie dans les hameaux. Le projet de loi 7057-A ne résout pas ces problèmes, puisqu'il ne propose pas le déclassement d'un seul hameau mais intervient dans un cadre général. Si vous voulez vraiment accélérer les choses et permettre la vie dans les hameaux, faites des propositions qui vont dans ce sens. Enfin, pour reprendre l'argument sur la diversité des hameaux, il est vrai que les situations sont très diverses, mais c'est justement pour cette raison que ce projet prévoit la possibilité de recourir à trois instruments d'aménagement du territoire.

Mme Marlène Dupraz (AdG). Avec ce que je viens d'entendre du côté des habitants des hameaux, je dois dire que c'est purement démagogique.

Des voix. Ah, oui !

Mme Marlène Dupraz. Absolument, parce que j'estime que le conseiller d'Etat dispose d'instruments suffisants pour agir et, en outre, ce sont des instruments souples parce que le PLQ est, malgré tout, élaboré avec les communes. Je pense que si les communes doivent élaborer un PLQ, à ce moment-là elles associeront leurs municipaux. Je pense qu'il y a aussi appropriation de compétences au niveau des communes. D'autre part, M. Koechlin avait soulevé les spécificités des hameaux, c'est peut-être compliqué pour vous parce qu'il y a trente-six hameaux environ à classer et qui sont à protéger ! N'empêche que si nous demandons des règlements pour ces hameaux c'est par égalité de traitement. S'il n'y a pas de règlements, il y aura autant de façons de construire que d'architectes. Je crois que c'est tout de même le minimum que l'on puisse demander.

Par ailleurs, pour les hameaux en zone rurale, dont certains de leurs bâtiments nécessitent d'être restaurés, il n'y aura pas besoin de déclasser du terrain. Il y a là-derrière volonté et appétit de construire au futur... (Brouhaha.) Je vous en prie, le cas de Charrot, on s'en souvient, a rebondi à plusieurs reprises. Cela avait été cependant un travail de longue haleine et la commune de Bardonnex avait accepté le périmètre, et, finalement, qui donc a demandé de surseoir à ce vote ? C'est encore M. Koechlin, (Chahut.) peut-être avec M. John Dupraz. De toute façon, vous aviez demandé que l'on déroge au PLQ alors que la commune de Bardonnex l'avait accepté. Je pense que c'était un travail bien mené, une collaboration avec la commune travaillée en finesse et en profondeur.

Que se passe-t-il ? On nous dit qu'il faudrait déroger à une partie de ceci ou de cela, toujours modifier une loi qui ne vous arrange pas. Finalement, pour chaque hameau vous agirez de la sorte. Je pense que les règlements servent un minimum à conserver la spécificité des hameaux. Vous n'en voulez pas ! Et en plus on ne vous demande pas immédiatement le PLQ. La motion que nous avons envoyée en commission concerne un plan de site. C'est justement dans le but de protéger les hameaux. Si le plan de site n'est pas adopté et que vous n'en voulez pas, c'est que là derrière il y a une volonté de spéculer...

L'Entente. Aaah !

M. René Koechlin. Aaah, on attendait ça !

Mme Marlène Dupraz. ...sur les déclassements.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je répondrai dans l'ordre aux remarques qui ont été faites. Tout d'abord à la question de M. Rebeaud concernant la formule potestative ou la formule impérative. Je suis pour la formule potestative parce que les degrés de protection dont bénéficient les hameaux sont très grands. Le premier degré de protection, si rien ne se passe, c'est le droit foncier rural. Tant que les zones n'ont pas été définies - en allemand on dit : «ausgesondort», découpées dans la zone agricole - le droit foncier rural s'applique. Je peux vous dire que les prescriptions du droit foncier rural vont plus loin que tout ce que vous pouvez espérer.

La deuxième question concerne le PLQ; la troisième, le plan de site; la quatrième, le règlement. Je pense qu'il y a des hameaux où des personnes ne veulent rien faire. Je ne partage pas du tout l'avis de Mme Dupraz quant à Charrot. A Charrot, c'est la volonté unanime ou quasi unanime des citoyens du hameau qui a fait que l'on n'a pas pu faire une zone comme on le désirait. La limite objective est très difficile à fixer pour les hameaux. Je conseille donc de la laisser à l'exécutif parce qu'il y a des types de hameaux très divers, des intentions communales très variées et des voeux des habitants très distincts. Il y a de nombreux hameaux dans lesquels les gens souhaitent que tout reste en l'état.

Mme Maury Pasquier pose le problème des hameaux et dit qu'il y a plusieurs projets de lois. Je voudrais lui rappeler que la doctrine de l'Office fédéral de l'aménagement du territoire en matière d'application de l'article 24 de la loi sur l'aménagement du territoire a beaucoup évolué. Lors d'un entretien que j'ai eu à l'occasion d'une journée à Bienne avec l'Association suisse pour l'aménagement du territoire, avec M. Monney, sous-directeur de cet office, ce dernier m'a dit que, du point de vue confédéré, on penche pour une souplesse beaucoup plus grande dans l'application de cet article qui était considéré de façon très rigoureuse avant et qui évolue maintenant de façon beaucoup plus ouverte.

Monsieur Ferrazino, l'audition de la Société d'Art Public est vraiment de la compétence du président de la commission, et vous avez entendu l'opinion du président Dessimoz.

Un tout petit intermède en ce qui concerne le promoteur de «Equity». Il s'agit donc de M. Tamman et d'un projet du côté de la route de Florissant et du chemin Krieg. Je tiens à dire que j'ai été saisi d'une lettre dans laquelle on nous a informés qu'il y aurait un recours interjeté au Tribunal contre le plan qui avait été voté. J'ai exposé cela avant les vacances de Noël aux députés et j'ai demandé aux membres de la commission s'ils avaient l'intention d'entendre le point de vue du promoteur. La commission, je crois à son écrasante majorité, a estimé que cela valait la peine d'être fait. Le maître de l'ouvrage va devoir maintenant décider ce qu'il entend faire. De leur côté, les députés, individuellement, pourront revenir avec un autre projet de loi s'ils le désirent.

Madame Deuber-Pauli, je partage tout à fait votre opinion sur les hameaux comme traits de la civilisation européenne, sur la question des fermes, des bâtiments isolés, des rapports spécifiques et de la durée millénaire. Mais tous ces éléments que vous évoquez sont autant d'arguments pour laisser à l'autorité exécutive une certaine souplesse d'appréciation et une manière légale différenciée d'approcher les problèmes. Quand vous dites qu'il faut fixer pour le moins les dimensions et le caractère architectural des constructions, il me semble que c'est précisément l'activité de la CMNS. La sensibilité du paysage ne peut pas se réglementer et mon argument devient d'autant plus fort lorsque vous dites qu'il n'y a pas trente et un hameaux dans le canton de Genève, mais qu'il y en a peut-être une trentaine de plus, dont dix ont déjà un règlement.

Si vraiment vous intégrez aux trente et un ou trente-cinq hameaux recensés environ trente hameaux de plus, je pense que nous tombons dans un pointillisme architectural et urbanistique dans lequel on ne peut pas réglementer les choses à l'avance. Quelles sont les autres mesures de protection que j'ai citées ? On trouve l'inventaire du patrimoine, les adaptations locales sur le plan des conseils municipaux, le contrôle des habitants. Je partage l'avis de M. Koechlin sur les difficultés qu'ont les conseils municipaux à élaborer une doctrine sur leur propre hameaux.

A M. Dessimoz, je dirai qu'il faut vraiment alléger les procédures et ne pas vouloir réglementer à tout prix, car nous voulons éviter de faire l'erreur magistrale de planification des arrêtés fédéraux urgents du 30 juin 1972. On avait demandé à cette époque aux 2 500 communes suisses de délimiter un périmètre autour de leur commune pour définir la «constructibilité». Et l'on a fait cela d'un coup ! C'est précisément ce que nous ne voulons pas faire. Nous pensons qu'il est tout à fait mauvais de vouloir à tout prix, déjà maintenant, définir à l'avance un cadre légal unitaire. Nous estimons qu'il faut procéder en se donnant le temps d'étudier chaque hameau isolément.

A Mme Maury Pasquier, je rappellerai que le droit foncier rural est une protection très forte. Je ne me permettrais pas d'insister sur ce projet si je ne pouvais m'appuyer sur le service de l'aménagement et de la conservation des monuments historiques du canton de Genève qui partage tout à fait notre point de vue et qui pense qu'il est judicieux de procéder de façon nuancée et différenciée. Muni de ces explications, je crois pouvoir vous encourager à voter le projet de loi tel quel et à refuser les amendements proposés.

Le président. Nous saluons à la tribune la présence de notre ancien collègue, Alfred Barthassat, et de son épouse, maire de Bardonnex. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 22, al. 3 (nouvelle teneur)

Le président. Nous avons reçu un amendement de Mme Deuber-Pauli qui revient à relibeller cet alinéa 3 de la façon suivante :

«Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone ne peut être délivrée tant qu'un règlement spécial, au sens de l'article 10 de la loi sur les constructions et installations diverses, fixant pour le moins les dimensions et le caractère architectural des constructions, n'a pas été adopté. L'adoption, en lieu et place, d'un plan localisé de quartier ou d'un plan de site reste réservée.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Mme Maury Pasquier mous a remis un deuxième amendement dont le texte est le suivant :

«Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone est subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction, ou d'un plan de site, ou le cas échéant d'un plan localisé de quartier.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'art. 22, al. 3 (nouvelle teneur) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, dans son ensemble.

(Applaudissements de l'Entente.)

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagementdu territoire

(L 1 17)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifié comme suit:

Art. 22, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone peut être subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction, ou d'un plan de site, ou le cas échéant d'un plan localisé de quartier.