Séance du vendredi 18 février 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 4e session - 6e séance

No 6

Vendredi 18 février 1994,

nuit

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 21 h.

Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Philippe Joye, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Claire Chalut, Liliane Charrière Urben, Laurette Dupuis, Isabelle Graf, Christian Grobet, Michel Halpérin, Michèle Mascherpa, Jean Montessuit, Danielle Oppliger, David Revaclier et Christine Sayegh, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

M. René Koechlin(L). J'annonce le retrait du projet de loi suivant :

PL 5933
de MM. Bernard Erbeia, René Koechlin et Olivier Vodoz modifiant la loi générale sur les zones de développement (L 1 11). ( )  PL5933

b) de propositions de motions;

M. Pierre-Alain Champod(S). J'annonce le retrait de la motion suivante :

M 797
de Mmes et MM. Pierre-Alain Champod, Jean Queloz, Micheline Calmy-Rey et Maria Roth-Bernasconi concernant l'encouragement des mesures d'initiation au travail en faveur des chômeurs. ( )  M797

Cette motion avait été déposée le 15 mai 1992. Depuis, un certain nombre de choses se sont modifiées, ce qui fait qu'elle n'est plus vraiment d'actualité, raison pour laquelle nous la retirons.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Le président. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :

I 1885
de M. René Ecuyer (AG) : Tarif TPG : une augmentation inacceptable. ( )  I1885

Cosignataires : Evelyne Strubin, Marlène Dupraz, Bernard Clerc, Danielle Oppliger, Luc Gilly.  

I 1886
de M. Jean-Pierre Lyon (AG) : Quelle mesure de protection des falaises de Saint-Jean. ( )  I1886

Cosignataires : Evelyne Strubin, René Ecuyer, Anita Cuénod, Pierre Vanek, Erica Deuber-Pauli. 

Ces interpellations figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7054-A
4. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B).    ( -) PL7054
Mémorial 1993 : Projet, 7857. Commission, 7862.
Rapport de M. Jean Opériol (DC), commission d'aménagement du canton

Sous la présidence de M. Hervé Dessimoz, la commission d'aménagement s'est penchée, lors de ses séances des 19 et 26 janvier 1994, sur le projet de loi n° 7054.

M. Philippe Joye, président du département des transports publics et de l'énergie, ainsi que ses collaborateurs M. Georges Gainon, chef de la division des plans d'affectation, et M. J.-Ch. Pauli, juriste, ont assisté à ces deux séances.

Le projet de loi n° 7054 a pour but de faire passer de la zone villa à la zone de développement 4 B les trois parcelles nos 5378, 5433 et 7466 situées au nord-ouest de la route de la Capite, en bordure du chemin Plumaget. Si elle est acceptée cette modification permettra la réalisation d'un ensemble locatif de 63 petits appartements totalisant 190 pièces environ. Ces logements seront destinés à héberger des personnes âgées qui disposeront, dans les immeubles créés, d'un encadrement paramédical animé par un médecin, une infirmière et un physiothérapeute.

Les constructions projetées couvriront une surface de plancher de 8800 m2 au maximum (taux d'occupation du sol de 0,65 environ). Le prix de revient total de l'ouvrage est budgétisé à hauteur de 35 000 000 de F. Il faut relever que ce financement sera entièrement privé et les deniers publics ne seront pas mis à contribution, ni pour la construction des immeubles, ni pour leur budget d'exploitation. Les promoteurs du projet envisagent le démarrage des travaux en septembre 1994.

Le Conseil municipal de la commune de Collonge-Bellerive a préavisé favorablement ce projet de loi, par 10 voix et 3 abstentions, lors de sa séance du 1er novembre 1993.

La commission d'aménagement s'est notamment posé la question de savoir si ce projet n'entrait pas en contradiction avec la volonté du Conseil d'Etat de surveiller l'importance, en nombre, des pensions et maisons d'accueil pour personnes âgées. A ce sujet, le président du département des travaux publics et de l'énergie a cité l'existence d'un moratoire édicté par le Conseil d'Etat, portant sur l'arrêt momentané des constructions de ce type dans les communes genevoises. Il importait donc à la commission de savoir si le projet de la Capite était visé ou non par les restrictions de ce moratoire. Dans une lettre adressée au président de la fondation professionnelle et sociale de Genève, le président du département de l'action sociale et de la santé a cependant indiqué de manière très claire que ce type d'habitat pour personnes âgées n'est pas concerné par le moratoire car ses caractéristiques propres le différencient totalement des objets visés par le moratoire en question. Il a notamment précisé que:

- les bâtiments de la Capite constitueront un ensemble de logements et non pas une pension pour personnes âgées;

- le projet est entièrement privé et ne fait appel à aucune subvention cantonale ni communale;

- il a en outre le mérite de favoriser les soins à domicile.

Pour le surplus, la commission n'a rien trouvé de défavorable à relever sur ce projet, sa conception et sa destination.

Traitement des oppositions formées par MM. Jean-Pierre Kugler, Jean-Jacques Nicole et Michel Rey, représentés par Me Martin Schwartz, ainsi que M. Eduardo Allen.

La commission propose de rejeter les oppositions formées par les personnes citées en titre pour les motifs suivants:

MM. Jean-Pierre Kugler, Jean-Jacques Nicole et Michel Rey, représentés par Me Martin Schwartz, ainsi que M. Eduardo Allen, sont propriétaires de parcelles voisines du périmètre du projet de plan visé à l'article 1, alinéa 1.

Les personnes précitées (ci-après les opposants) ont qualité pour s'opposer à l'adoption de ce projet de loi. Déposées en temps utile, les oppositions sont dès lors recevables à la forme.

Quant au fond, les opposants font tout d'abord valoir que l'article 1, alinéa 2, du projet de loi stipule que la surface brute de plancher ne doit pas excéder 8800 m2. Or, cette surface ne correspondrait pas avec l'indice d'utilisation du sol qui serait fixé à 0,65 et serait supérieure à cet indice.

Il y a lieu d'observer que ni la légende du plan visé à l'alinéa premier de l'article 1 du projet de loi, ni le second alinéa de cette disposition ne prévoient la fixation d'un indice du sol à 0,65, comme le prétendent à tort les opposants. L'alinéa 2 de l'article 1 se borne à indiquer que la surface brute de plancher ne doit pas excéder 8800 m2, ce qui est parfaitement compatible avec les normes applicables à la 4e zone de construction, qui ne fixent pas d'indice maximal d'utilisation du sol relatif à cette zone.

La commission d'ubanisme ainsi que celle des monuments, de la nature et des sites, organes spécialisés en la matière, ont toutes deux préavisé favorablement ce projet. Elles ont donc estimé que la réalisation d'une surface de plancher n'excédant pas 8800 m2 était compatible avec le caractère du site. Les opposants n'avancent pas d'arguments décisifs propres à remettre en cause des préavis.

Ce grief ne peut donc être retenu et doit donc être écarté.

Pour le reste, les autres griefs avancés par les opposants ont trait au gabarit des bâtiments, à leur implantation, tous motifs qui se rapportent en réalité au projet de plan localisé de quartier qui a parallèlement été mis à l'enquête publique concernant le même secteur. L'un des opposants se réfère même expressément au projet de plan localisé du quartier no 28573-515.

Il y a ici lieu de rappeler qu'un plan de modification du régime des zones a pour seul objectif de fixer l'affectation des parcelles comprises à l'intérieur de son périmètre et non pas de régler le détail des implantations et gabarits des bâtiments envisagés, la localisation des espaces verts et des voies d'accès, tous objets qui, particulièrement en zone de développement, doivent être traités par un plan localisé de quartier.

Il s'ensuit que ces griefs sont irrelevants dans le cadre de la présente procédure et doivent être écartés.

La commission prend, au surplus, note que «des pourparlers seraient en cours afin de trouver une solution à l'amiable et que les perspectives sont encourageantes», ainsi qu'il résulte de l'acte d'opposition formulé par Me Martin Schwartz.

Au vu des explications qui précèdent, les oppositions susmentionnées sont infondées et doivent être rejetées.

Discussion et vote

C'est à l'unanimité qu'après en avoir délibéré, la commission a voté l'adoption de ce projet de loi et qu'elle vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de l'accepter également.

Premier débat

M. Jean Opériol (PDC), rapporteur. J'ai une remarque à exprimer en ce qui concerne ce rapport. Il s'agit d'une erreur rédactionnelle qui s'est glissée à la page 2, dernier paragraphe, dont je vous prie de m'excuser. Il faut lire que MM. Jean-Pierre Kugler, Jean-Jacques Nicole et Michel Rey, représentés par Me Martin Schwartz, ainsi que M. Eduardo Allen - et non pas Michel Rey - sont propriétaires de parcelles voisines du périmètre du projet de plan visé à l'article 1, alinéa 1.

Le. président. Il en est pris bonne note.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan n° 28607-515, dressé par le département des travaux publics le 15 juin 1993, modifié le 19 janvier 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B à la Capite), est approuvé.

2 La surface brute des constructions ne doit pas excéder 8800 m2.

3 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Les oppositions à la modification du régime des zones formées par:

MM. Jean-Pierre Kugler, Jean-Jacques Nicole, Michel Rey, représentés par Me Martin Schwartz, avocat

M. .

sont rejetées dans la mesure où elles sont recevables pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.

Art. 4

Un exemplaire du plan n° 28607-515 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

 

PL 7057-A
5. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de MM. Claude Blanc, John Dupraz et René Koechlin modifiant la loi d'application de la loi fédérale de l'aménagement du territoire (art. 22, al. 3, nouvelle rédaction). ( -) PL7057
Mémorial 1993 : Projet, 7862. Commission, 7863.
Rapport de M. Florian Barro (L), commission d'aménagement du canton

La commission d'aménagement du canton, sous la présidence de M. Hervé Dessimoz, a étudié ce projet de loi au cours des séances des 12, 19 et 26 janvier 1994.

Assistaient également aux travaux: M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie, ainsi que MM. P. Baertschi, conservateur cantonal, G. Gainon, chef de la division des plans d'affectation, J.-C. Pauli, juriste au département des travaux publics et de l'énergie, ainsi que Mme Catherine Rosset, secrétaire adjointe au département de l'économie publique, interrogée particulièrement sur l'aspect de la loi sur le droit foncier rural (LDFR).

1. Généralités

Le présent projet de loi a pour but de rendre facultative l'élaboration, préalable à toute autorisation de construire, d'un règlement, d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier (PLQ), lors du passage d'un hameau en zone à bâtir. Cette modification vise, d'une part, à ne pas alourdir et allonger une procédure lors de transformations et d'adaptations modestes de bâtiments et, d'autre part, à être en conformité avec l'article 106, alinéa 3, de la loi sur les constructions et installations diverses (LCI) concernant les villages protégés, dans lesquels seraient vraisemblablement «rangés» les hameaux qui viendraient à être reclassés.

Il est à relever que le PLQ ne semble pas être l'outil le plus approprié pour l'étude globale d'un hameau, celui-ci étant bien souvent cohérent, déjà «urbanisé», donc laissant a priori peu de place à un développement, vocation dévolue en général au PLQ.

Le rapport qui suit ne concerne pas exclusivement la modification proposée à votre vote, mais s'inscrit dans la discussion générale engagée, voici plus de dix ans, sur les hameaux, et concerne dans le cas particulier les PL 6995-A et 7034 ainsi que la motion 879.

2. Historique

Depuis l'existence de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) de 1979, de la loi d'application cantonale (LALAT) de 1987 et de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT) de 1989, les hameaux ont toujours constitué un élément particulier de l'aménagement du territoire. Bien souvent à vocation essentiellement ou exclusivement agricole, dans l'ensemble de la Suisse, ceux-ci évoluaient, urbanistiquement parlant, au gré des besoins divers de l'agriculture. Cette évolution s'est traduite par une diversification des typologies de hameaux; en effet, les hameaux à vocation maraîchère ou céréalière n'ont pas le même tissu constructif qu'un hameau en région viticole, par exemple.

Pourtant, et bien avant 1979, l'agriculture a vu ses besoins en matière de constructions régresser par endroits, entraînant de ce fait une désaffectation des bâtiments existants au profit soit de logements, soit d'autres activités. Il est aussi apparu au cours du temps, par une application trop rigide de la loi, une quasi-impossibilité de maintenir un patrimoine bâti en état dans la zone agricole, faute d'investissements rentables, car ces bâtiments ne pouvaient changer d'affectation.

C'est pour ces raisons, entre autres, que M. le conseiller aux Etats Zimmerli a déposé et fait accepter une motion visant à assouplir les conditions d'exploitation des bâtiments en zone agricole. Une commission fédérale rendra prochainement son rapport au Conseil fédéral. Au niveau cantonal, il y eut également certaines adaptations et assouplissements de la LALAT, dont l'autorité a fait jusqu'à présent un usage parcimonieux. Enfin, le département des travaux publics et de l'énergie relève que l'appartenance à la zone agricole des hameaux a été une garantie de la sauvegarde du site, mais que d'autres hameaux, situés de longue date en zone à bâtir n'ont rien à leur envier à ce sujet.

3. Travaux de la commission

Les auteurs du projet de loi ont mentionné que celui-ci ne visait pas à permettre tout et n'importe quoi dans les hameaux, mais plutôt à offrir à l'autorité un instrument de travail à utiliser là où le besoin s'en fait sentir.

Le département des travaux publics a fait procéder à une étude, par la direction de l'aménagement, sur les hameaux en zone agricole, qui a rendu son rapport en novembre 1992. Celui-ci fait état de l'inventaire de la législation actuelle, des critères d'admissibilité des concentrations de bâtiments au titre de hameau, 30 ont été retenus, des enjeux concernant ceux-ci, notamment la protection du site, l'identité, la substance architecturale, la mixité des activités, l'intérêt de l'agriculture et l'aspect foncier. Ce rapport fait également part des propositions pour un aménagement futur de ces hameaux, en passant par une étude «personnalisée», hameau par hameau, en procédant à un inventaire précis de leur contenu et de leur potentiel.

3.1 Audition de la Chambre genevoise immobilière (CGI)

La CGI partage le but envisagé par ce projet de loi, en rappelant la nécessité de pouvoir maintenir en état le patrimoine bâti. Elle relève également qu'il serait intéressant de revoir les critères qui ont amené le département des travaux publics, en 1992, à recenser 30 hameaux dans le canton de Genève. Ces critères étaient les suivants: mention sur la carte Siegfried (1897-1899), la continuité, au moins 25 habitants, 2 propriétaires et 5 bâtiments. La CGI recommande l'inscription des hameaux en zone 4B primaire, demandant d'associer les communes concernées dans ce processus, étant entendu que la redistribution potentielle des affectations des bâtiments les concernent au premier chef en matière d'infrastructure. Il lui apparaît désormais comme incongru d'appliquer les normes de la zone agricole aux constructions qui n'ont plus cette vocation.

3.2 Audition de la Chambre genevoise d'agriculture (CGA)

La CGA soutient la mise en zone à bâtir des hameaux et ce pour plusieurs raisons. Selon elle, depuis la mise en application des instruments juridiques cités plus haut, la mutation de l'agriculture impose un changement d'attitude. Ce qui était vrai dans les années 70 ne l'est plus avec autant d'acuité aujourd'hui: désaffectation de bâtiments, regroupement et rationalisation de l'activité, diversification des sources de revenus des agriculteurs, problèmes successoraux (LDFR). La CGA mentionne que sa préférence va vers la création d'une zone hameau spécifique plutôt qu'une application des normes de la zone 4B ou 4B protégée pour les hameaux actuellement en zone agricole. La zone ainsi créée correspondrait mieux aux spécificités des hameaux à essence agricole (totale ou partielle) et devrait être élaborée à partir d'une analyse fine du tissu immobilier considéré. D'autre part, la CGA souhaite l'application d'un règlement pour chaque hameau. La notion de PLQ obligatoire est exagérée à ses yeux lorsqu'on considère un hameau comme entité déjà bâtie.

3.3 Point de vue du service de l'agriculture - Mme C. Rosset

L'intérêt du passage en zone à bâtir des hameaux, en particulier ceux qui n'ont plus de vocation agricole, serait d'éviter en matière de LDFR, les restrictions de droits d'usage y afférents. Le service d'agriculture souhaite, de la part du département des travaux publics et de l'énergie et avec leur collaboration, qu'une définition claire et précise du futur de ces hameaux soit appliquée. Mme Rosset relève que la majorité des communes est favorable à cette clarification de la situation.

4. Conclusion

Lors de l'échange de vues précédant le vote, il a été rappelé que l'aspect facultatif de l'élaboration d'un PLQ n'impliquait pas, par conséquent, l'ouverture d'une porte au «n'importe quoi», mais que les instruments restaient nombreux pour se prémunir des atteintes que l'on pourrait porter au site. Notamment, à l'instar de la majorité des villages, l'inscription en zone 4B protégée d'un hameau soumet celui-ci au regard critique de la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS). D'autre part, la commune ou le département des travaux publics et de l'énergie, lors de l'élaboration d'une étude d'aménagement d'un hameau, auront la faculté de proposer des mesures adaptées visant à protéger le périmètre considéré, comme par exemple le règlement de construction, le plan de site ou le PLQ. C'est dans cet esprit que la commission propose le projet de loi modifié mentionnant ces trois possibilités:

Vote de la commission:

- entrée en matière 9 oui (lib., rad., pdc), 3 non (adg), 3 abstentions (peg-soc.);

- vote final 9 oui (lib., rad., pdc), 6 abstentions (adg, peg, soc.).

La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi tel que modifié.

Premier débat

M. Laurent Rebeaud (Ve). J'ai déposé un amendement qui raccourcit un peu le texte proposé par la commission à l'article 22, alinéa 3 (nouvelle teneur). Je suppose que vous l'avez sous les yeux. Au lieu de dire : «Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone peut être subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction etc.», je propose : «Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone est subordonnée.» Les juristes appellent cela changer une formule potestative contre une formule impérative. (Quolibets.)

J'explique le pourquoi de cet amendement. La commission a constaté, notamment lors de l'examen d'un projet de déclassement d'un hameau sur la commune de Bardonnex, que la satisfaction de l'exigence légale actuelle d'un plan localisé de quartier était trop lourde et disproportionnée par rapport aux dimensions de l'objet et qu'un plan de site ou un règlement - enfin quelque chose de plus léger qu'un PLQ - pourrait être mieux adapté à la situation. Cet argument a été approfondi à la demande des autorités de la commune de Bardonnex et du hameau de Charrot auxquelles la nouvelle loi imposait la construction d'un plan localisé de quartier pour qu'il puisse être répondu à leur demande de déclassement de zone agricole en zone 4 B protégée.

Les membres de la commission ont été convaincus par les démonstrations montrant que le plan localisé de quartier n'était pas, dans le cas d'espèce, le bon instrument juridique. C'était trop exigeant, en termes de raccordement et de détail, pour ne pas parler d'étude d'impact. Nous étions d'accord là-dessus, et le cas était évidemment assez important parce que c'était la première fois que la loi s'appliquait. Nous avons donc admis que le plan localisé de quartier, dans un certain nombre de cas, n'était pas la bonne solution et qu'il fallait plutôt adopter un règlement ou exiger selon les cas l'adoption d'un plan de site comme condition à une autorisation de construire dans un hameau autrefois en zone agricole.

Votre commission est allée un peu plus loin. Elle a décidé - en tout cas la majorité des membres participants, dont notre collègue Dupraz - qu'il fallait laisser au Conseil d'Etat le choix de la mesure à prendre ou à exiger : plan localisé de quartier, plan de site ou règlement, ou rien du tout. Si je vous demande de changer cette formule potestative en formule impérative, c'est pour vous demander que, chaque fois, il soit exigé du Conseil d'Etat qu'il demande quelque chose à la commune ou à la collectivité qui veut obtenir un déclassement. Ce n'est pas forcément exprimer une méfiance préventive à l'égard du Conseil d'Etat que de demander que cette formule soit impérative; c'est simplement prendre une précaution. Il peut y avoir des cas - on nous en a exposé quelques-uns - où un paysan veut modifier un mur et il serait, effectivement, disproportionné de demander un PLQ...

Une voix. On demande rien !

M. Laurent Rebeaud. ...voire même un règlement. Simplement, il n'y a pas de limites objectives entre le mur dont on veut modifier la couleur et une modification plus substantielle du visage d'un hameau devant être protégé. Le choix de la commission a été de dire : «Laissons cela au Conseil d'Etat.».

Le Conseil d'Etat saura très bien, parce que, semble-t-il, ce sont des bons «types» par définition - définition qui n'avait pas tellement cours lors de la législature précédente, mais enfin... (Rires.) ...on va donc leur laisser décider s'il faut un règlement, un PLQ, un plan de site ou s'il n'y a besoin de rien du tout. J'aimerais rendre notre Conseil attentif au fait que le Conseil d'Etat n'est pas installé dans sa composition personnelle et partisane pour l'éternité et que, pour une bonne sécurité, nous pouvons, en approuvant la formule que je vous propose, élargir la marge de manoeuvre des communes et celle du Conseil d'Etat, sans courir le risque de l'arbitraire.

Actuellement, il faut un PLQ. La commission admet que le PLQ est trop lourd dans la plupart des cas. Si celui-ci ne va pas, il faut un plan de site. Si le plan de site n'est pas nécessaire, il faut au moins un règlement, mais en tout cas il faut quelque chose. Je ne voudrais pas que le Conseil d'Etat se trouve dans une situation où il puisse revendiquer le fait de n'être pas obligé de demander quelque chose parce qu'il pourrait y avoir des autorisations servant de précédents et donnant ensuite droit à des revendications qui conduiraient à un fort affaiblissement de la protection des hameaux.

Je ne vous demande pas grand-chose, seulement deux mots : un «peut être» contre un «est». Ce n'est pas revenir au statut actuel, que chacun a reconnu comme trop rigide, mais c'est se prémunir contre des erreurs que peut-être notre collègue Joye ne commettra jamais mais que son successeur, un jour... (Protestations, quolibets.) Je ne dis pas que c'est M. Grobet qui succédera à M. Joye dans quatre ou huit ans, je ne dis pas ça !

Une voix. C'est p't'être toi !

M. Laurent Rebeaud. Je dis que ce sera quelqu'un d'autre ! Nous ne légiférons pas pour ce Conseil d'Etat, nous ne légiférons pas seulement pour quatre ans - peut-être pas pour l'éternité non plus ! - mais certainement pour plus de quatre ans. J'aimerais que cette mesure d'assouplissement, dont nous approuvons le principe, pousse le Conseil d'Etat à étudier avec la commune et les habitants concernés, par le biais d'un règlement, d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier, les transformations à opérer. Je souhaite également que nous ne laissions pas au Conseil d'Etat soit la tentation, soit la possibilité, soit la facilité de ne rien faire parce qu'il est occupé à autre chose.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je suis très heureuse d'entendre M. Rebeaud puisque le texte de l'amendement que j'ai déposé sur votre bureau est le même que celui qu'il vient d'expliciter, globalement, bien sûr, pour les mêmes raisons.

Je voudrais juste dire quelques mots sur le problème des hameaux qui, vous vous en doutez, n'est pas très simple. Il a connu plusieurs projets de lois et motions dont certains sont encore en commission. Ce soir, vous n'avez qu'un avant-goût de la discussion générale sur les hameaux. La complexité du problème tient notamment à l'évolution de l'agriculture - grâce à M. Dupraz nous en savons un peu plus - qui a vu une certaine désaffectation des bâtiments agricoles, qu'ils soient utilisés pour loger le personnel des exploitations ou pour l'entreposage. Cette désaffectation est aussi liée aux coûts inhérents à toute rénovation ou réhabilitation d'anciennes constructions.

En parlant du problème des hameaux, nous nous trouvons un peu devant un choix cornélien. Soit nous facilitons la possibilité, en assouplissant la loi, de transformer, voire de démolir, pour rebâtir les constructions qui s'y trouvent, avec pour résultat que le hameau concerné vive, bouge; il est habité, au risque de perdre son caractère de hameau et de devenir un village, une banlieue, un dortoir. (Rires.) Soit nous conservons le recours obligatoire à l'un de ces instruments d'aménagement - PLQ, plan de site ou règlement de construction - et cela ne nous paraît pas garantir la protection du caractère spécifique des hameaux. A ce moment-là, le hameau meurt, il devient une espèce de réserve d'Indiens - pour employer un terme que l'on a pu entendre - ou il devient une espèce de musée en plein air, un petit Ballenberg cantonal ! (Rires.)

Le terme de «simplification» qui est utilisé en l'occurrence, puisque l'on souhaite simplifier la loi, rime avec déréglementation. C'est d'ailleurs un des mots prononcés, un des buts avoués de la commission ou, en tout cas, de sa majorité. J'ai personnellement envie de faire écho à déréglementation avec le mot «attention !», avec les termes «préservation du patrimoine». Dans le seul but de simplification, soyons attentifs à ne pas risquer de laisser porter un coup fatal aux hameaux qui pourraient ainsi être déclassés sans aucune protection. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé le même amendement que M. Rebeaud.

M. Laurent Rebeaud (Ve). C'est effectivement le même amendement. Je retire donc le mien.

M. Christian Ferrazino (AdG). Nous partageons bien évidemment les craintes exprimées par nos collègues Rebeaud et Maulini Pasquier. (Rires.)

Des voix. Maury Pasquier !

M. Christian Ferrazino. Comme vous le voyez, cette question soulève passablement de dissensions au sein de ce parlement. Nous avons reçu une lettre de la Société d'Art Public et vous aviez indiqué que nous prendrions connaissance de cette lettre au point 32 de l'ordre du jour, nous y sommes. Je vous rappelle que dans cette lettre, adressée au président du Grand Conseil, la Société d'Art Public demandait à être auditionnée non seulement pour donner son point de vue sur ce projet de loi, mais également pour proposer des amendements. C'est d'ailleurs l'usage en la matière de pouvoir procéder à l'audition d'une telle association avant de prendre une décision dans ce parlement. Je relèverai que c'est une politique constante de la commission de l'aménagement de procéder aux auditions des associations qui le demandent.

Vous me direz que cette demande d'audition vient un peu tard puisque le projet est soumis ce soir à notre assemblée. Je vous répondrai simplement qu'il arrive parfois à la commission d'aménagement, et vous le savez, de procéder à des auditions après qu'un projet de loi par exemple a été voté. J'en veux pour preuve la séance de la commission d'aménagement d'avant-hier qui a entendu le promoteur concernant la modification du plan d'extension de l'avenue Krieg que nous avons voté dans ce Grand Conseil en décembre dernier. (Protestations.) C'est quand même assez extraordinaire... (Protestations de M. Dupraz.) ...que la commission puisse entendre une personne, en l'occurrence le promoteur, dans le cadre d'un projet qui a fait l'objet d'un vote en plénière au Grand Conseil. D'où d'ailleurs le nouveau projet de loi annoncé par M. Koechlin. Il a entendu le promoteur au sein de la commission d'aménagement et il s'est dit : «Tiens, je vais faire un projet de loi pour que l'on puisse voter le contraire de ce que l'on a voté en décembre.». On avancerait rapidement comme ça. (Contestations de M. Koechlin.) Calmez-vous, Monsieur Koechlin. Vous avez le droit à la contradiction, ça peut arriver à tout le monde ! (Brouhaha, chahut.)

Le président. Laissez parler l'orateur où je suspends la séance !

M. Christian Ferrazino. Cela pour vous rappeler, Monsieur Koechlin, que vous avez entendu la Chambre genevoise immobilière dans le cadre de ce projet. Il aurait peut-être été plus utile d'entendre la Société d'Art Public dans la mesure - et ceux qui m'ont précédé l'ont rappelé - où ce projet de loi concerne avant tout un problème de protection du patrimoine. L'audition de la Société d'Art Public se justifie d'autant plus que, dans cette affaire, des amendements sont proposés par cette société, raison pour laquelle nous demanderons que ce projet de loi soit renvoyé à la commission d'aménagement afin que nous puissions prendre une décision sur cette question. Je rappellerai que ça ne fait que reporter l'entrée en matière sur cette question d'un mois, puisque nous pourrons très bien procéder à cette audition dès la prochaine séance de la commission d'aménagement, pour reprendre l'examen de ce projet lors de notre prochaine séance plénière.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je soutiens évidemment l'idée d'un renvoi en commission. J'ai déposé moi-même une proposition d'amendement dont les chefs de groupe ont reçu copie et qui est sur le bureau du Grand Conseil. Il ne diffère pas fondamentalement des propositions faites par M. Rebeaud ou Mme Maury Pasquier. Leur proposition est peut-être même meilleure puisqu'elle préconise en tout état de cause de ne pas accorder d'autorisation sans qu'un règlement au moins soit adopté et que l'adoption d'un plan de site ou d'un plan localisé de quartier reste, à tous égards, réservée si l'on souhaite aller au-delà d'un simple règlement. Nous nous rallierons sans doute à cet amendement si nous avons l'occasion d'en discuter en commission et si nous arrivons à nous mettre d'accord, ce qui me semble tout à fait aisé.

J'aimerais émettre une considération sur l'usage du territoire. Le territoire dont nous parlons, le nôtre, est une partie de l'Europe; il se caractérise par des traits partagés par les différents territoires d'Europe. Ces traits constituent une partie de l'expression de ce que l'on appelle la civilisation européenne, une civilisation de villes, de bourgs, de villages, de hameaux et puis aussi de fermes et de bâtiments isolés qui sont réunis par des rapports de hiérarchie et qui entretiennent entre eux, de même qu'avec la campagne, des rapports tout à fait spécifiques. Cette civilisation s'est développée au cours d'un millénaire. La première révolution industrielle du Moyen Âge a donné une extension formidable aux bourgs et aux villes. La deuxième révolution industrielle des XIXème et XXème siècles a conduit à l'explosion urbaine et à la mise en péril de la qualité de la vie des habitants, principalement ceux des métropoles, avec ce risque, si nous n'avions pas eu un «zoning» et une loi d'aménagement du territoire extrêmement stricte, d'un continuum urbain sans plus aucune des caractéristiques nées de cette civilisation.

Les visiteurs de Genève s'émerveillent toujours que notre territoire ait su conserver sa campagne. Une campagne superbe, caractérisée encore par ces rapports de hiérarchie et de contrastes entre grandes et petites formations, entre agglomérations, champs, forêts et vignes. A nos lois et à ceux qui les ont votées revient le mérite de ce patrimoine et de cette richesse préservée. Dans ce contexte, ce dont nous discutons est capital. Les hameaux jouent un rôle important, voire déterminant dans ce paysage. Certes, ils revêtent, comme l'ont souligné tous les intervenants auditionnés à la commission d'aménagement, une valeur d'usage en crise avec des désaffectations, des reconversions des bâtiments agricoles à la résidence. Certes ils revêtent des valeurs financières potentiellement rentabilisables.

Mais à ces valeurs bien réelles s'ajoutent d'autres, impossibles à cerner en chiffres, mais indiscutablement reconnues comme des biens incontestables en termes de paysages, paysages remarquables, rapports heureux entre agglomérations et campagne, avec des éléments morphologiques, d'échelles, de matériaux, de styles, et ces limites, ces seuils, ces murs, ces plantations et ces tracés qui qualifient l'esthétique des lieux habités. Les hameaux sont une partie tout à fait sensible de cette poétique du paysage qui imprègne notre environnement rural et réjouit nos yeux et nos coeurs. Aussi, la modification proposée suscite-t-elle nos craintes les plus vives, comme les craintes les plus vives de ceux qui m'ont précédée. En appliquant aux hameaux les conditions de la quatrième zone, il faut être conscient que l'on va courir le risque de les faire bénéficier de toute une série d'éléments de construction ou de reconstruction qui sont propres à la quatrième zone.

Actuellement, dans la trentaine de hameaux recensés par le DTP sur le canton de Genève - il en existe un peu plus, mais une trentaine ont retenu l'attention - une dizaine dispose déjà de règlements. On peut dire aussi que dans tous ces hameaux, par exemple Malval, Sionnet, Arare, Peissy, il est très rare que les bâtiments excèdent un étage sur rez avec combles, sauf des bâtiments particulièrement remarquables, maisons fortes, fermes patriciennes ou châteaux, la plupart des hameaux n'ayant ni temple, ni église. En appliquant donc les normes de la quatrième zone, on va faire passer les possibilités de construction de 7 mètres à la corniche, à 10 mètres. On va modifier l'échelle des hameaux et cela ne devrait être permis - je n'y suis pas opposée en principe - que si l'examen des questions de dimensions générales du bâti et de caractéristiques architecturales de l'ensemble des constructions est fait et si cet examen a débouché sur l'adoption d'une norme réglementaire.

Vous me direz, Monsieur Koechlin, je le sais, qu'on déteste les règlements en architecture depuis que l'on s'en est débarrassé au XIXème siècle. Point de normes, plutôt le génie des architectes ! Mais pourtant ces normes classiques qui prévalaient autrefois, ces règles de styles qui étaient péremptoires ont créé des ensembles d'une très grande harmonie et sont à l'origine de ce que l'on appelle des styles aux différentes époques de construction des hameaux comme des villes. Si bien que je dirais que je préfère un règlement, même contraignant et contraire à l'esprit du créateur, à de la mauvaise architecture ou à ce penchant inné que nous avons ici de rentabiliser le sol. Aussi, je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission afin que nous puissions examiner la valeur de ces propositions, auditionner la Société d'Art Public et avoir le temps de réfléchir à ce que signifie la disparition des normes de protection de ces hameaux.

M. René Koechlin (L). Je regrette que beaucoup de préopinants se soient exprimés dans une totale méconnaissance des problèmes que pose réellement l'intervention dans un hameau. C'est un homme de terrain qui vous parle et qui, pendant sept ans, s'est évertué à introduire précisément un règlement dans un hameau avec un Conseil municipal sans jamais pouvoir aboutir. L'amendement que vous proposez, Monsieur Rebeaud et votre collègue du parti socialiste, vise à passer unilatéralement au crible d'un règlement contraignant et sujet aux caprices de conseillers municipaux et autres commissaires, commissions et j'en passe...

M. Pierre Meyll. Et des architectes !

M. René Koechlin. ...tous les hameaux sans exception et sans distinction alors que, précisément, ce qui caractérise les hameaux, c'est leur extrême diversité. Par ailleurs, cela voudrait signifier que les trente-six hameaux recensés, et je vous dis tout de suite qu'il y en a en tout cas le double, voire plus, puisque pour ces trente-six hameaux recensés par les services du département des travaux publics il y en aurait trois dans la seule commune de Jussy, alors que le Conseil municipal de cette commune - qui connaît un peu son territoire ! - en a recensé, lui, onze. (L'orateur est interpellé.) Les miroirs des regards, Monsieur, me permettent de voir le président même en m'adressant à droite ! (Eclats de rires.)

Trente-six règlements pour trente-six hameaux, probablement davantage, c'est du point de vue de l'administration tout simplement ingérable. Trente-six règlements différents pour le praticien, c'est inapplicable, alors que l'on devrait se contenter de laisser la possibilité au Conseil d'Etat d'apprécier les hameaux de cas en cas, car il y a réellement des cas méritant un règlement. D'autres, au contraire, impliquent l'élaboration d'un plan de site ou toute autre mesure d'aménagement véritablement adaptée à chaque cas qui, je le répète, est toujours différent. Et puis, comme l'a dit tout à l'heure je ne sais plus lequel des orateurs, aucun règlement - vous le savez fort bien - ne remplacera jamais le talent de l'architecte.

Des voix. Aaah !

M. René Koechlin. Le coup fatal auquel il était fait allusion tout à l'heure si l'on s'abstenait d'élaborer des règlements, Madame, vous qui souriez, sera porté aux hameaux si l'on persistait à vouloir les laisser en zone agricole comme votre parti s'est évertué à le faire pendant toutes ces dernières années, avec force et conviction, je l'avoue. Si on laissait les hameaux en zone agricole, on ne pourrait même plus les entretenir, on ne donnerait pas les moyens aux propriétaires de pouvoir simplement les restaurer, les maintenir en état, et je connais maints cas de bâtiments de fermes et autres granges qui, dans des hameaux, sont soit déjà en ruine, soit sur le point de le devenir. Je peux vous en citer facilement une douzaine, simplement de mémoire.

Une voix. Des noms !

M. René Koechlin. En ce qui concerne l'audition de la Société d'Art Public que souhaiterait M. Ferrazino.

M. Bernard Annen. Mesure dilatoire !

M. René Koechlin. C'est évidemment une mesure dilatoire. La Société d'Art Public a eu largement le temps de demander à être auditionnée, elle ne l'a pas fait. Il y a des mois que nous traitons en commission la question des hameaux, jamais la Société d'Art Public n'a demandé d'être auditionnée, c'est tout de même curieux. En ce qui concerne l'audition tardive à laquelle vous faisiez allusion pour l'avenue Krieg, je vous ferai remarquer qu'elle résulte du fait que, pour ce périmètre, votre collègue de parti, alors qu'il était encore conseiller d'Etat, a entraîné ce Grand Conseil dans l'erreur en déposant un projet de loi qui était de la compétence du Conseil d'Etat. Ce Grand Conseil n'aurait donc pas dû le traiter. Malheureusement les députés ont suivi. Et l'on s'aperçoit aujourd'hui que le projet n'aurait pas dû être voté par le Grand Conseil, car il n'y avait pas, en l'occurrence, de modification du plan d'extension en question.

Cela étant, le projet de loi que nous vous proposons offre toutes les possibilités au Conseil d'Etat et à l'administration de protéger les hameaux qui réellement doivent l'être, ceux qui présentent un intérêt. Madame Deuber-Pauli, la qualité des hameaux et des villages genevois n'est pas due à la réglementation du XVIIIème siècle, car cette réglementation était extrêmement contraignante et a eu pour conséquence le caractère des villes du XVIIIème siècle. A l'inverse, c'est précisément l'absence de toute réglementation qui a fait le caractère des hameaux et des villages. C'est ce que l'on appelle «l'architecture licencieuse» dont l'unité ne dépend que de la pauvreté des matériaux utilisés plutôt que de règles venant d'une administration ou d'un pouvoir politique quelconque. C'est pourquoi je vous invite à refuser le renvoi en commission et à voter ce projet de loi.

M. Hervé Dessimoz (R). Je voudrais tout d'abord régler le problème de la demande d'audition de la Société d'Art Public en vous rappelant que j'ai reçu ce matin seulement la demande d'audition et que, malgré le fait de cette réception tardive, j'ai pris la précaution de m'en expliquer et d'en discuter avec le président de la Société d'Art Public, M. Patrick Mallek-Ashgar. Je vous dirai quels étaient les termes de cette discussion, mais je voudrais quand même vous rappeler ce qui s'est passé en commission.

L'un de nos collègues nous a annoncé la demande d'audition tardive de la Société d'Art Public. La commission en a pris acte; elle a tranché et considéré que cette demande était réellement trop tardive et qu'elle n'entendait pas revenir sur le sujet. Je pense que la commission a été sage parce que si nous admettions un précédent dans ce domaine, nous prendrions, au niveau de l'avancement de nos travaux législatifs, un risque assez élevé.

Cela étant, je reviens sur mon entretien avec le président de la Société d'Art Public qui m'a dit que sur le fond - et je suis autorisé à vous le dire - la Société d'Art Public n'était pas totalement opposée au projet tel qu'il est formulé, mais entendait, par contre, faire des remarques en commission dans le sens de l'amendement de Mme Deuber-Pauli. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de retourner en commission pour auditionner la Société d'Art Public. L'amendement de Mme Deuber-Pauli est suffisamment explicite : il demande des freins à la modification que nous avons faite et plus de garanties sur certaines procédures; cela est une question de pure doctrine. Je pense que nous pouvons en discuter en toute liberté ce soir et je vous fais cette proposition avec l'accord du président de la Société d'Art Public qui regrette d'ailleurs d'avoir omis de nous demander l'audition plus tôt.

Je voudrais maintenant revenir sur le fond de cette loi, en réponse aux affirmations faites par Mme Deuber-Pauli et M. Rebeaud et à cet espèce de péril qui menacerait les hameaux si nous adoptions cette loi. La majorité de la commission de l'aménagement aurait-elle voté une modification de la loi tellement grave qu'il n'y aurait désormais plus de protection pour les hameaux et plus d'avenir garanti à ces magnifiques sites que nous connaissons et qu'une majorité d'entre nous tient à conserver ?

J'aimerais quand même rappeler le contenu de ce fameux article 22, à l'alinéa 1 :

«Lorsqu'en zone agricole d'anciennes constructions sont rebâties ou transformées dans des hameaux déjà formés, le département peut, en application de l'article 24, alinéa 2, de la loi fédérale et après consultation de la commission des sites, appliquer les normes de la quatrième zone rurale.»

Apparemment, cette situation ne gêne personne, elle est valable pour l'article premier lorsqu'il n'y a pas de déclassement. Par contre, dès que l'on demande le déclassement, effectivement, la loi dit ceci à l'article 22, alinéa 2 : «On le déclasse en quatrième zone rurale.». Mais, Madame Deuber-Pauli, vous le savez très bien, je ne crois pas qu'il y ait eu un déclassement en quatrième zone rurale sans qu'il soit assorti d'une quatrième zone rurale protégée. Je voudrais vous dire que la proposition de la commission d'aménagement, selon le projet de loi qui vous est présenté ce soir, va tout simplement et sans arrière-pensée dans le sens d'un allégement des procédures.

Je voudrais répondre à Mme Maury Pasquier en disant que l'allégement des procédures n'est pas une déréglementation, parce que celle-ci voudrait dire que l'on fait abstraction purement et simplement des alinéas de l'article 22. Il se trouve simplement que nous souhaitons que les autorités aient la possibilité de décider s'il faut mettre ou non en application l'étude d'un plan de quartier, l'adoption d'un règlement ou l'étude d'un plan de site.

Madame Deuber-Pauli, Madame Maury Pasquier, Monsieur Rebeaud, je vous dis ceci : j'ai confiance dans les autorités, qu'elles soient cantonales ou communales. A partir de là, je pars du principe que nous faisons un acte courageux pour décrisper une situation qui engendre, dans la plupart des cas, des situations conflictuelles. Nous les avons déjà vécues et nous allons les revivre dans le débat sur Charrot que nous aurons après celui-ci, où la commune a un point de vue et le département un autre. Je voudrais simplement vous dire qu'à partir du moment où toutes les autres lois LCI restent valables, vous pouvez sans crainte suivre le rapport de la majorité de la commission et adopter le projet de loi 7057.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Dessimoz a évoqué le refus de renvoi en commission...

Le président. Non, Madame ! C'est un grossier prétexte ! On vote le renvoi en commission.

Mme Erica Deuber-Pauli. Non, excusez-moi... (Le président, imperturbable, fait voter le renvoi en commission. Protestations.)

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Sur le renvoi en commission...

Une voix. Mais c'est voté !

Mme Erica Deuber-Pauli. ...M. Dessimoz a exprimé un avis tout à fait personnel, en indiquant qu'à la suite d'une conversation avec le président de la Société d'Art Public, qui avait évoqué la parenté de ses objections avec le contenu de mon amendement, il s'avérait inutile d'ordonner le renvoi en commission puisque la Société d'Art Public n'aurait rien à dire de plus. Je trouve ce procédé inqualifiable. D'une part, je n'ai eu aucun contact avec la Société d'Art Public et celle-ci peut être amenée à s'exprimer et à amener dans sa délégation son président et ses membres, par exemple M. Blondel qui souhaitait être entendu à ce sujet. Je trouve inacceptable d'augurer qu'il dirait la même chose que moi. Aussi, avant d'avoir voté le renvoi en commission, il aurait été nécessaire d'élucider ce point. Je n'ai pas apprécié cette méthode, Monsieur Dessimoz.

Ensuite, j'aimerais répondre aux objections de M. Koechlin. D'une part, vous dites qu'il faudra réglementer cas par cas. C'est bien évident. Il y a un certain nombre de hameaux, il y aura plusieurs règlements qui n'arriveront pas tous en même temps, rassurez-vous, et je crois que vous êtes assez intelligent - et les architectes le sont assez - pour assimiler en même temps la diversité des hameaux et les quelques règles qui doivent s'attacher à leur traitement. Les ruines ne sont pas le propre des hameaux. Vous savez très bien dans quels cas il y a des ruines dans les hameaux. Cela est toujours lié à des problèmes tout à fait particuliers, et il y en a autant, sinon beaucoup plus, dans les villes. L'architecture normée dont nous parlons pour les hameaux est imposée par l'usage et la rareté des matériaux.

Ce que vous demandez, c'est une déréglementation pour assimiler de nouvelles règles qui sont celles de la quatrième zone protégée et c'est bien ce rapport d'échelle nouveau que je conteste parce qu'il sera systématique, je vous le promets, si nous déréglementons. Ensuite, vous dites que l'on allégera les procédures, mais je vous réponds que l'on étendra à l'infini les conflits. La Société d'Art Public reprendra du service, vous aurez des conflits sur chacun des cas d'intervention dans les villages. Il vaudrait beaucoup mieux mettre à profit l'inventaire des monuments qui a été fait, le recensement des hameaux auquel il a été procédé.

M. Bernard Annen. La CMNS s'en occupera !

Mme Erica Deuber-Pauli. Durant treize ans, j'ai été membre de la CMNS et je puis vous dire qu'il coûte très cher à la collectivité qu'à chaque cas... (Brouhaha.) ...la CMNS s'expose à des conflits. Il serait beaucoup plus rentable de procéder à un examen préalable au dépôt de plans et à l'adoption de règles claires d'intervention plutôt que d'entraîner la commission des sites dans des conflits incessants.

Mme Martine Roset (PDC). (Parlant de la lumière verte du micro qui ne fonctionne pas.) Y'a, au Municipal, un excité qui a fait tomber le bidule vert dans le trou ! (Rires.)

J'aimerais relever trois phases qui ont été dites par certains de mes préopinants. Monsieur Rebeaud, vous avez dit : «Qu'il soit exigé du Conseil d'Etat qu'il demande quelque chose à la commune.» C'est un peu une façon de dire qu'entre le Conseil d'Etat et les communes, c'est donnant donnant. Je préfère voir ces deux exécutifs dialoguer, plutôt que d'effectuer ce genre de marché.

Concernant la protection du patrimoine évoquée par M. Ferrazino, je voudrais signaler quand même que le patrimoine est fait par des gens qui ont construit, agrandi, encore reconstruit. Tout cela est aujourd'hui notre patrimoine. Mais si nous voulons donner quelque chose aux générations futures, il nous faut également apposer notre empreinte, sinon ce n'est plus un patrimoine qui évolue.

Concernant le paysage idyllique décrit par Mme Deuber-Pauli. J'habite dans un hameau. Il est vrai qu'il y a peut-être aussi des ruines en ville mais, si vous vous promeniez dans les hameaux, vous remarqueriez - il est vrai que c'est aussi lié aux conditions financières de l'agriculture - que les hameaux tombent de plus en plus en ruine et ce n'est pas un phénomène qui va s'arrêter parce que, malheureusement, les bâtiments ne sont plus retapés. Le paysage idyllique vient de se transformer en paysage de train fantôme !

Pour revenir à l'amendement, il y a un paramètre que personne n'a évoqué. Dans un hameau, les gens se connaissent et, faites-moi confiance, si un habitant construit quelque chose qui ne plaît pas à ses voisins, il n'aura nul besoin d'un règlement ou d'un PLQ pour que cela ne se fasse pas ! En plus, qui est mieux à même de pouvoir dialoguer avec les habitants que la commune ? Je pense que si la commune a le pouvoir de dire ce qu'elle veut dans ce genre de problèmes beaucoup de choses iront nettement mieux. (Bravos, applaudissements.)

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Quelques remarques à propos de ce que je viens d'entendre. La première s'adresse à ce Grand Conseil pour vous demander ce que vous y faites. Si vous n'y faites pas des lois et des règlements qui - à vous entendre ! - empêchent la vie et tout développement, je me demande ce que vous faites ? (Remarques virulentes sur les bancs de l'Entente.)

La deuxième remarque concerne votre confiance en le Conseil d'Etat. Je suis très heureuse d'entendre qu'en matière d'aménagement du territoire vous faites confiance au Conseil d'Etat, mais vous oubliez très vite, me semble-t-il, que vous n'êtes pas forcément et toujours d'accord avec le conseiller d'Etat chargé de ce département et que, peut-être en d'autres temps, vous auriez à vous mordre les doigts d'une telle déréglementation. (Contestations.)

Enfin, le canton est parsemé de preuves du talent des architectes. Je pense que personne ne contestera ici que ces preuves ne sont pas toujours très convaincantes.

Une voix. Il faut demander à Richardet !

Mme Liliane Maury Pasquier. Des règlements, des plans de site, éventuellement des PLQ peuvent peut-être protéger les hameaux des talents moindres de certains architectes.

M. John Dupraz. Des noms, des noms !

Mme Liliane Maury Pasquier. Enfin, pour reprendre les propos de M. Koechlin, l'introduction du nouveau droit foncier rural pose des problèmes majeurs pour la vie dans les hameaux. Le projet de loi 7057-A ne résout pas ces problèmes, puisqu'il ne propose pas le déclassement d'un seul hameau mais intervient dans un cadre général. Si vous voulez vraiment accélérer les choses et permettre la vie dans les hameaux, faites des propositions qui vont dans ce sens. Enfin, pour reprendre l'argument sur la diversité des hameaux, il est vrai que les situations sont très diverses, mais c'est justement pour cette raison que ce projet prévoit la possibilité de recourir à trois instruments d'aménagement du territoire.

Mme Marlène Dupraz (AdG). Avec ce que je viens d'entendre du côté des habitants des hameaux, je dois dire que c'est purement démagogique.

Des voix. Ah, oui !

Mme Marlène Dupraz. Absolument, parce que j'estime que le conseiller d'Etat dispose d'instruments suffisants pour agir et, en outre, ce sont des instruments souples parce que le PLQ est, malgré tout, élaboré avec les communes. Je pense que si les communes doivent élaborer un PLQ, à ce moment-là elles associeront leurs municipaux. Je pense qu'il y a aussi appropriation de compétences au niveau des communes. D'autre part, M. Koechlin avait soulevé les spécificités des hameaux, c'est peut-être compliqué pour vous parce qu'il y a trente-six hameaux environ à classer et qui sont à protéger ! N'empêche que si nous demandons des règlements pour ces hameaux c'est par égalité de traitement. S'il n'y a pas de règlements, il y aura autant de façons de construire que d'architectes. Je crois que c'est tout de même le minimum que l'on puisse demander.

Par ailleurs, pour les hameaux en zone rurale, dont certains de leurs bâtiments nécessitent d'être restaurés, il n'y aura pas besoin de déclasser du terrain. Il y a là-derrière volonté et appétit de construire au futur... (Brouhaha.) Je vous en prie, le cas de Charrot, on s'en souvient, a rebondi à plusieurs reprises. Cela avait été cependant un travail de longue haleine et la commune de Bardonnex avait accepté le périmètre, et, finalement, qui donc a demandé de surseoir à ce vote ? C'est encore M. Koechlin, (Chahut.) peut-être avec M. John Dupraz. De toute façon, vous aviez demandé que l'on déroge au PLQ alors que la commune de Bardonnex l'avait accepté. Je pense que c'était un travail bien mené, une collaboration avec la commune travaillée en finesse et en profondeur.

Que se passe-t-il ? On nous dit qu'il faudrait déroger à une partie de ceci ou de cela, toujours modifier une loi qui ne vous arrange pas. Finalement, pour chaque hameau vous agirez de la sorte. Je pense que les règlements servent un minimum à conserver la spécificité des hameaux. Vous n'en voulez pas ! Et en plus on ne vous demande pas immédiatement le PLQ. La motion que nous avons envoyée en commission concerne un plan de site. C'est justement dans le but de protéger les hameaux. Si le plan de site n'est pas adopté et que vous n'en voulez pas, c'est que là derrière il y a une volonté de spéculer...

L'Entente. Aaah !

M. René Koechlin. Aaah, on attendait ça !

Mme Marlène Dupraz. ...sur les déclassements.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je répondrai dans l'ordre aux remarques qui ont été faites. Tout d'abord à la question de M. Rebeaud concernant la formule potestative ou la formule impérative. Je suis pour la formule potestative parce que les degrés de protection dont bénéficient les hameaux sont très grands. Le premier degré de protection, si rien ne se passe, c'est le droit foncier rural. Tant que les zones n'ont pas été définies - en allemand on dit : «ausgesondort», découpées dans la zone agricole - le droit foncier rural s'applique. Je peux vous dire que les prescriptions du droit foncier rural vont plus loin que tout ce que vous pouvez espérer.

La deuxième question concerne le PLQ; la troisième, le plan de site; la quatrième, le règlement. Je pense qu'il y a des hameaux où des personnes ne veulent rien faire. Je ne partage pas du tout l'avis de Mme Dupraz quant à Charrot. A Charrot, c'est la volonté unanime ou quasi unanime des citoyens du hameau qui a fait que l'on n'a pas pu faire une zone comme on le désirait. La limite objective est très difficile à fixer pour les hameaux. Je conseille donc de la laisser à l'exécutif parce qu'il y a des types de hameaux très divers, des intentions communales très variées et des voeux des habitants très distincts. Il y a de nombreux hameaux dans lesquels les gens souhaitent que tout reste en l'état.

Mme Maury Pasquier pose le problème des hameaux et dit qu'il y a plusieurs projets de lois. Je voudrais lui rappeler que la doctrine de l'Office fédéral de l'aménagement du territoire en matière d'application de l'article 24 de la loi sur l'aménagement du territoire a beaucoup évolué. Lors d'un entretien que j'ai eu à l'occasion d'une journée à Bienne avec l'Association suisse pour l'aménagement du territoire, avec M. Monney, sous-directeur de cet office, ce dernier m'a dit que, du point de vue confédéré, on penche pour une souplesse beaucoup plus grande dans l'application de cet article qui était considéré de façon très rigoureuse avant et qui évolue maintenant de façon beaucoup plus ouverte.

Monsieur Ferrazino, l'audition de la Société d'Art Public est vraiment de la compétence du président de la commission, et vous avez entendu l'opinion du président Dessimoz.

Un tout petit intermède en ce qui concerne le promoteur de «Equity». Il s'agit donc de M. Tamman et d'un projet du côté de la route de Florissant et du chemin Krieg. Je tiens à dire que j'ai été saisi d'une lettre dans laquelle on nous a informés qu'il y aurait un recours interjeté au Tribunal contre le plan qui avait été voté. J'ai exposé cela avant les vacances de Noël aux députés et j'ai demandé aux membres de la commission s'ils avaient l'intention d'entendre le point de vue du promoteur. La commission, je crois à son écrasante majorité, a estimé que cela valait la peine d'être fait. Le maître de l'ouvrage va devoir maintenant décider ce qu'il entend faire. De leur côté, les députés, individuellement, pourront revenir avec un autre projet de loi s'ils le désirent.

Madame Deuber-Pauli, je partage tout à fait votre opinion sur les hameaux comme traits de la civilisation européenne, sur la question des fermes, des bâtiments isolés, des rapports spécifiques et de la durée millénaire. Mais tous ces éléments que vous évoquez sont autant d'arguments pour laisser à l'autorité exécutive une certaine souplesse d'appréciation et une manière légale différenciée d'approcher les problèmes. Quand vous dites qu'il faut fixer pour le moins les dimensions et le caractère architectural des constructions, il me semble que c'est précisément l'activité de la CMNS. La sensibilité du paysage ne peut pas se réglementer et mon argument devient d'autant plus fort lorsque vous dites qu'il n'y a pas trente et un hameaux dans le canton de Genève, mais qu'il y en a peut-être une trentaine de plus, dont dix ont déjà un règlement.

Si vraiment vous intégrez aux trente et un ou trente-cinq hameaux recensés environ trente hameaux de plus, je pense que nous tombons dans un pointillisme architectural et urbanistique dans lequel on ne peut pas réglementer les choses à l'avance. Quelles sont les autres mesures de protection que j'ai citées ? On trouve l'inventaire du patrimoine, les adaptations locales sur le plan des conseils municipaux, le contrôle des habitants. Je partage l'avis de M. Koechlin sur les difficultés qu'ont les conseils municipaux à élaborer une doctrine sur leur propre hameaux.

A M. Dessimoz, je dirai qu'il faut vraiment alléger les procédures et ne pas vouloir réglementer à tout prix, car nous voulons éviter de faire l'erreur magistrale de planification des arrêtés fédéraux urgents du 30 juin 1972. On avait demandé à cette époque aux 2 500 communes suisses de délimiter un périmètre autour de leur commune pour définir la «constructibilité». Et l'on a fait cela d'un coup ! C'est précisément ce que nous ne voulons pas faire. Nous pensons qu'il est tout à fait mauvais de vouloir à tout prix, déjà maintenant, définir à l'avance un cadre légal unitaire. Nous estimons qu'il faut procéder en se donnant le temps d'étudier chaque hameau isolément.

A Mme Maury Pasquier, je rappellerai que le droit foncier rural est une protection très forte. Je ne me permettrais pas d'insister sur ce projet si je ne pouvais m'appuyer sur le service de l'aménagement et de la conservation des monuments historiques du canton de Genève qui partage tout à fait notre point de vue et qui pense qu'il est judicieux de procéder de façon nuancée et différenciée. Muni de ces explications, je crois pouvoir vous encourager à voter le projet de loi tel quel et à refuser les amendements proposés.

Le président. Nous saluons à la tribune la présence de notre ancien collègue, Alfred Barthassat, et de son épouse, maire de Bardonnex. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 22, al. 3 (nouvelle teneur)

Le président. Nous avons reçu un amendement de Mme Deuber-Pauli qui revient à relibeller cet alinéa 3 de la façon suivante :

«Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone ne peut être délivrée tant qu'un règlement spécial, au sens de l'article 10 de la loi sur les constructions et installations diverses, fixant pour le moins les dimensions et le caractère architectural des constructions, n'a pas été adopté. L'adoption, en lieu et place, d'un plan localisé de quartier ou d'un plan de site reste réservée.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Mme Maury Pasquier mous a remis un deuxième amendement dont le texte est le suivant :

«Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone est subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction, ou d'un plan de site, ou le cas échéant d'un plan localisé de quartier.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'art. 22, al. 3 (nouvelle teneur) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, dans son ensemble.

(Applaudissements de l'Entente.)

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagementdu territoire

(L 1 17)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifié comme suit:

Art. 22, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone peut être subordonnée à l'adoption préalable d'un règlement de construction, ou d'un plan de site, ou le cas échéant d'un plan localisé de quartier.

 

PL 6995-B
6. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone de développement 4 B protégée). ( -) PL6995Rapport de M. Hervé Dessimoz (R), commission d'aménagement du cantonRapport de Mme Liliane Maury Pasquier (S), commission d'aménagement du canton
Mémorial 1993 : Projet, 4846. Commission, 4852. Rapport, 7864. Commission, 7897.
Rapport de majorité de M. Gérard Ramseyer (R), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Jean-Luc Richardet (S), commission d'aménagement du canton

Premier débat

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur ad interim. J'ai repris ce rapport de mon ex-collègue député, Gérard Ramseyer. Je voudrais simplement vous dire ce qui s'est passé depuis le dépôt de ce rapport, le 5 novembre dernier, puisque ce dossier a été étudié sous l'ancienne législature. M. Ramseyer était rapporteur de majorité, et M. Richardet rapporteur de minorité. Ils n'ont plus la possibilité de défendre leurs rapports. Il a donc été admis que le dossier serait renvoyé devant la commission de l'aménagement pour qu'il soit réexaminé et ensuite représenté devant le Grand Conseil, ce qui se fait ce soir.

La commission d'aménagement a mené ces travaux en parallèle avec le projet de loi 7057, qui vient d'être adopté, et les premières études sur le projet de loi 7054, soit la «loi sur les hameaux». Au terme de ces réflexions, le vote de la commission a débouché sur le maintien des conclusions du rapport initial, et je défends donc le rapport de majorité sur lequel je n'ai pas d'éléments nouveaux à apporter, si ce n'est les composantes de l'enjeu, à savoir le déclassement en zone 4 B protégée du périmètre de Charrot. Il n'y a pas eu d'objections dans la commission. Les dissensions découlaient de l'application ou non des conditions de la zone de développement. La commune ne la souhaitait pas et la majorité de la commission non plus.

La commune voulait obtenir une dérogation de l'article 22 de la LALAT pour qu'elle ne soit pas soumise à l'adoption d'un PLQ. A l'époque, une majorité de la commission n'avait pas donné raison à la commune. Aujourd'hui, ce problème est résolu par l'adoption de la loi 7057 qui donne désormais la faculté à la commune de dialoguer avec le Conseil d'Etat et de trouver la formule la plus adéquate. Sur la base des informations que je viens de vous donner, je crois que vous pouvez sans autre suivre le rapport de majorité et voter la loi 6995 visant au déclassement de Charrot en zone 4 B protégée.

Mme Liliane Maury Pasquier (S), rapporteuse ad interim. En reprenant la maternité du rapport de M. Richardet, je me suis sentie un peu - pour rester dans un domaine que je connais - comme une mère adoptive. Ce bébé avait été en gestation ailleurs; il m'était, de prime abord, un peu étranger. J'ai dit «adoptive», parce que je l'ai considéré, comme toute mère adoptive, avec la bienveillance, l'intérêt et l'envie de le connaître qu'ont toutes mères adoptives face à leurs enfants.

Ainsi, le sujet de rapport n'est pas a priori mon sujet de prédilection. Je me suis informée, n'étant pas une spécialiste des hameaux, mais j'ai heureusement disposé du rapport de M. Richardet qui vous donne toutes les explications nécessaires à la compréhension de la position du groupe socialiste. J'ai déjà eu l'occasion, tout à l'heure, de vous exposer notre vision du développement des hameaux. En complément, j'ajouterai simplement que mon groupe, bien que favorable - je le redis - à la régularisation du régime des zones des hameaux, regrette que le projet de loi 6995 ait été modifié de manière que le hameau de Charrot ne se trouve plus en zone de développement.

Certes, la commune de Bardonnex consent à ne pas bénéficier des taxes d'équipement liées à la zone de développement, mais elle n'est pas prête pour autant à renoncer à demander l'aide de l'Etat à chaque occasion. Je cite, par exemple, la page 5 du rapport de M. Ramseyer, repris par M. Dessimoz, qui dit que la commune de Bardonnex est une de celles qui demande le plus de subventions. Peut-être faut-il choisir ? De plus, et en l'état actuel de la législation genevoise, il n'existe pas de moyens d'imposer la plus-value foncière dont bénéficient les propriétaires des terrains déclassés. Cette plus-value peut atteindre dix à vingt fois la valeur du terrain et je vous rappelle que l'article 5 de la loi sur l'aménagement du territoire prévoit que les législations cantonales mettent sur pied un régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs résultant de mesures d'aménagement. On oublie souvent les avantages. Ces raisons ont motivé l'abstention du groupe socialiste lors du vote sur l'ensemble de la loi en commission d'aménagement et le dépôt de ce rapport de minorité.

M. Christian Ferrazino (AdG). Notre groupe a déposé un amendement, distribué présentement, et qui reprend justement les observations que Mme Maury Pasquier vient de développer concernant le cas de Charrot qui, comme M. Dessimoz l'a rappelé, est un cas d'école puisque c'est le premier cas soumis à notre parlement. C'est dire qu'il a donc valeur d'exemple puisque vraisemblablement les cas qui suivront seront traités de la même manière.

Jusqu'à ce jour, il faut quand même se le rappeler, le Grand Conseil a quasiment toujours prévu des zones de développement lors de la création de nouvelles zones à bâtir. Si l'on devait appliquer sans autre aux hameaux - comme le rapporteur de la majorité le propose - les normes de la zone ordinaire 4 B, même protégée, mais qui ne serait pas une zone de développement, on serait face aux conséquences particulièrement catastrophiques que Mme Maury Pasquier vient de définir. Elles sont de deux ordres : tout d'abord du point de vue de la protection du site qui est particulièrement sensible - je n'insiste pas puisque l'on a déjà évoqué cette question à l'occasion du point précédent - mais ensuite et surtout par rapport au plan financier, car si nous nous trouvons dans le cadre d'une zone de développement les plans financiers permettent à la fois de contrôler le prix du terrain et le prix des loyers.

Dans le cas de Charrot, vous savez qu'un PLQ a déjà été adopté par le Conseil d'Etat, et celui-ci, semble-t-il, a obtenu l'assentiment de la commune. Dans ce projet, il y a plusieurs dizaines de logements prévus, c'est dire l'importance de pouvoir en maîtriser le devenir, lorsque des zones deviennent constructibles. Maîtriser le devenir, c'est aussi contrôler le prix du terrain et pouvoir faire en sorte que ces terrains, qui sont, par un simple acte législatif de notre Conseil, décrétés en zone constructible, ne deviennent pas, comme cela a été indiqué par Mme Maury Pasquier tout à l'heure, des objets de spéculation, car là réside le problème. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé cet amendement. (Contestations de M. Dupraz.) Oui, Monsieur Dupraz ! Tout le monde prétend lutter contre la spéculation, même M. Dupraz, mais encore faut-il se donner les moyens de le faire.

Le président. Monsieur Ferrazino, adressez-vous à la présidence ou à l'ensemble du parlement, pas à un député en particulier !

M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, je m'adresse au parlement et je dis de façon tout à fait générale que tout le monde dans ce parlement se plaît toujours à vouloir lutter contre la spéculation et cela par de grandes déclarations d'intentions. (Brouhaha.) Vous avez aujourd'hui le moyen de le faire, précisément en adoptant cet amendement visant simplement à modifier le titre de la loi et l'alinéa 1 qui précise que cette zone 4 B protégée créée est en zone de développement.

M. John Dupraz (R). Je suis effaré par les propos de notre collègue Ferrazino concernant le problème des hameaux. En fait, les hameaux ne sont jamais que des bourgs constitués qui, en 1961, n'ont pas été inscrits dans un périmètre de zone à bâtir. Monsieur Ferrazino, je ne sais pas si vous connaissez le canton, mais si vous examinez l'architecture et l'urbanisme du village de Bardonnex qui est en zone 4 B et le hameau de Charrot, vous n'y voyez aucune différence. Je reconnais l'esprit totalitaire de M. Ferrazino... (Eclats de rires de l'assemblée.) qui veut absolument...

Une voix. Stalinien !

M. John Dupraz. Qui a dit Stalinien ? Je n'ai pas dit ça. C'est un vilain promoteur qui l'a dit ! Simplement vouloir prétendre que Charrot devrait être déclassé en zone de développement alors que pratiquement tout est construit, c'est une aberration totale. Les zones de développement ont été constituées pour être développées. Là, il n'y a rien à développer, c'est construit; mais vous, ce qui vous intéresse, c'est de tout contrôler ! Vous voyez partout la spéculation. J'espère que dans le domaine de la défense des locataires, vous êtes meilleur qu'en aménagement du territoire, parce que si j'étais votre patron, je vous mettrais à la porte ! (Rires.)

Cela dit, il faut constater que ce projet de loi est très bien ficelé et du reste, le périmètre a été déterminé par M. Grobet à qui je fais pleine confiance, car il connaît très bien ces problèmes...

Des voix. Aaah !

M. John Dupraz. ...encore une fois, la commune ne souhaite absolument pas que cette zone soit en zone de développement, elle est construite. Je vous invite donc à voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, c'est un bon projet. Quant à ceux qui craignent que l'on spécule dans cette zone-là, vous ne pouvez construire que des maisons individuelles ou de petits locatifs qu'il est impossible de faire sous le système de la loi HLM parce que le coût de petits immeubles ne s'y prête pas. Vous le savez parfaitement bien, Monsieur Ferrazino ! En fait, le combat de la gauche est un combat d'arrière-garde. Si Charrot est un cas d'école, c'est un bon exemple. Encore une fois, votons ce projet de loi !

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur ad interim. Je voudrais simplement apporter une correction à la déclaration de ma collègue Mme Maury Pasquier. A la page 5 du rapport de majorité, ce sont les représentants du département des travaux publics qui rappellent que la commune de Bardonnex est une de celles qui demande le plus de subventions. Ce n'est pas à vérifier; il s'agit d'une affirmation des représentants du département et non de la commission.

Je voudrais encore répondre à M. Ferrazino sur le thème de la zone de développement. Monsieur, je ne vois pas où vous pourriez trouver, dans la loi sur la zone de développement, les fondements qui permettent de prétendre qu'elle a une valeur de protection du site, parce que cette loi postule à tout autre chose - M. Dupraz a dit au développement - mais elle a aussi d'autres buts n'ayant rien à voir avec la protection des sites.

Vous avez dit que l'application de la zone de développement permettrait de contrôler les plans financiers et, somme toute, d'éviter la spéculation. Je voudrais quand même vous rappeler que, dans les considérants de cette loi, à la page 2 du rapport, lorsque l'on dit quels sont les motifs qui animent la commune de Bardonnex, la mairie de Bardonnex déclare ceci : «Les familles habitant Charrot souhaitent que leurs enfants puissent habiter le hameau et, par conséquent, que le plan soit moins restrictif.». Alors là, Monsieur Ferrazino, je dis : pas de contrôle dans les plans financiers des familles, je vous en prie !

M. René Koechlin (L). M. Ferrazino tout à l'heure se posait en champion de la défense des communes !

M. Pierre Meyll. S'il n'était pas là, t'aurais pas grand-chose à dire ! (Rires.)

M. Michel Balestra. Mais lui, y sait de quoi y parle ! (Brouhaha.)

M. René Koechlin. D'ailleurs, il n'est pas le seul à se poser en champion de la défense des communes dans ce parlement, Monsieur Meyll.

M. John Dupraz. Ferrazino est Dieu ! (Rires.)

M. René Koechlin. M. Ferrazino et tous ses petits camarades s'affichent d'ailleurs comme les champions de la concertation avec les habitants, à d'autres occasions, naturellement quand ça les arrange ! Or en l'occurrence, la commune que nous avons entendue à deux reprises en commission a fait état d'un énorme travail de concertation avec les habitants, peut-être sans précédent dans ce canton. Ce travail a précisément abouti à un certain nombre de conclusions dont la commune nous a fait part, nous demandant notamment de renoncer à la zone de développement, d'une part, et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de plan localisé de quartier, d'autre part. Tout cela ressort de cette sacro-sainte concertation à laquelle, Monsieur Ferrazino, vous tenez tant. Alors soyez un peu cohérent avec vous-même, s'il vous plaît !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je répondrai à Mme Maury Pasquier que la plus-value sur les terrains agricoles fait déjà l'objet d'un contrôle de fait extrêmement rigoureux. En effet, sous le règne de mon prédécesseur, une pratique a été développée à la commission d'aménagement avec des discussions très intenses où l'on a admis par exemple que si l'on voulait construire des villas sur un terrain agricole, on ne pouvait pas demander plus que 90 à 100 F. Si l'on voulait construire des blocs locatifs sur des terrains agricoles, on ne pourrait pas demander plus de 150 F. Nous avons un litige au département des travaux publics avec un architecte, présent dans cette salle, qui dit que justement c'est très difficile, car, avec 150 F, le plan financier ne joue pas, parce que la part du terrain descend à 5 % et cela pose des problèmes de structures de plans financiers très graves.

A M. Ferrazino, je ne dirai qu'une chose. Non, Monsieur Ferrazino, les autres hameaux, pour des raisons très évidentes, ne seront pas forcément traités de la même manière. Suite à ce qu'a dit M. Koechlin, je rappellerai que les discussions sur Charrot durent depuis plus d'une décennie et que la situation est différente dans d'autres hameaux parce que les habitants ont des conceptions différentes. En ce qui concerne les subventions, on dit que la commune de Bardonnex a touché beaucoup de subventions; ce qui est exact. Je tiens à rappeler qu'un bonus fédéral à l'investissement a été distribué, l'année passée. Les communes ont réagi de façons extrêmement différentes : certaines ne se sont même pas donné la peine de demander un subside, d'autres n'avaient pas de dossiers prêts et celles qui avaient des dossiers prêts et le désir de bénéficier de ces subsides les ont reçus. Voilà ce que je voulais dire au sujet de ce projet de loi que je vous propose d'adopter tel quel.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Titre

Le président. Nous sommes en présence d'un amendement de M. Ferrazino visant à modifier le titre de la loi comme suit :

«Projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée de développement)»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 1, al. 1

Le président. Le deuxième amendement de M. Ferrazino vise à modifier l'article 1, alinéa 1 comme suit :

«Le plan n° 28 542A-505, dressé par le département des travaux publics le 1er février 1993, modifié le 13 octobre 1993, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée de développement, au hameau de Charrot), est approuvé.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, les articles 1 à 3 sont adoptés.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant le régime des zones de constructionsur le territoire de la commune de Bardonnex(création d'une zone 4 B protégée)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan n° 28542A-505, dressé par le département des travaux publics le 1er février 1993, modifié le 13 octobre 1993, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée, au hameau de Charrot), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan n° 28542A-505 susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat. 

P 905-A
7. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition de l'Association «Mieux vivre à Plainpalais» demandant un parc aux Minoteries. ( -) P905
Mémorial 1991 : Annoncée, 1701.
Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission des pétitions

Le 2 mai 1991, le Grand Conseil a reçu une pétition, signée par 3500 personnes et émanant de l'association Mieux Vivre à Plainpalais dont voici le texte:

PÉTITION

Un parc aux Minoteries

Le terrain des Minoteries va être libéré des anciens silos et bâtiments.

Un projet a été déposé qui vise à la construction de 220 logements, 10 000 m2 de bureaux et un garage souterrain de 400 places.

La crise du logement, invoquée pour justifier le projet, ne peut être résolue par l'aggravation d'autres crises. La réalisation d'un tel projet aurait en effet des conséquences désastreuses pour le quartier:

- l'apport de nouveaux habitants, alors que nous manquons déjà de locaux scolaires, d'équipements collectifs en général et d'espaces de détente;

- le surcroît de trafic dans des rues déjà surchargées;

- la suppression d'une des seules possibilités d'aménager un poumon de verdure.

Les signataires affirment, avec l'association Mieux Vivre à Plainpalais, qu'il est urgent de prendre des mesures pour éviter l'asphyxie du quartier. Ils demandent aux autorités du canton de Genève:

- que le département des travaux publics n'accorde pas d'autorisation à un projet immobilier, qui pose plus de problèmes qu'il n'en résout;

- que le Conseil d'Etat, dès réception de la motion municipale, mette tout en oeuvre pour présenter un projet de loi au Grand Conseil visant à classer la parcelle des Minoteries en zone de verdure;

- que les députés du Grand Conseil tiennent compte de la surdensification du quartier de Plainpalais, aggravée par le manque d'équipements collectifs et d'espaces de détente, et que, par conséquent, ils acceptent ce classement.

N.B.: 3500 signatures

Les travaux de la commission

La commission des pétitions, présidée successivement par Mme Irène Savoy et M. J.-Paul Terrier, s'est penchée sur ce problème les 24 juin 1991, 30 septembre 1991, 13 janvier 1992, 17 février 1992 et a tenu une réunion conjointement avec la commission des pétitions du Conseil municipal (présidée par M. Michel Ducret) le 21 octobre 1991.

Elle a entendu MM. Jean-Marc Luscher (représentant des pétitionnaires), Christian Grobet (ancien conseiller d'Etat et chef du département des travaux publics), Jacques Moglia (du département des travaux publics), Jacques Vicari (urbaniste), Mme Jacqueline Burnand (conseillère administrative de la Ville de Genève), M. Carlo Lavizzari (représentant des promoteurs du projet).

Le 30 mars 1992, la commission a nommé M. Florian Vetsch rapporteur. Celui-ci a été remplacé, au changement de législature, par Mme Michèle Wavre, qui, n'ayant participé à aucune des séances citées ci-dessus, réclame votre indulgence, Mesdames et Messieurs les députés.

Déroulement des faits

La parcelle des Minoteries, d'une superficie de 7423 m2, se situe à l'intérieur du triangle formé par le quai Charles-Page, la rue des Battoirs et la rue des Minoteries, sur le territoire de la Ville de Genève.

Bien qu'elle fût placée en deuxième zone de construction selon l'article 19 LALAT, elle a été, jusqu'en 1989, affectée à un usage industriel (les Minoteries de Plainpalais). Elle comporte des silos à grain, des ateliers et un bâtiment administratif.

Les Minoteries de Plainpalais ayant décidé de transporter leurs activités dans le canton de Vaud, le terrain ainsi libéré a été cédé en droit de superficie à un groupe de promoteurs. Ceux-ci déposèrent une demande d'autorisation préalable de construire le 22 juin 1989. Leur projet, qui avait déjà été remanié, prévoyait l'édification d'immeubles de logements, de bureaux ainsi qu'un parking souterrain de 400 places.

Chacun se souvient certainement du long feuilleton à rebondissements qui s'ensuivit: 19 projets successifs ont été soumis au département des travaux publics entre le 23 juin 1988 et le 18 décembre 1990, par exemple.

Le 5 décembre 1990, le Conseil municipal de la Ville de Genève vota une motion demandant au Conseil administratif le classement du terrain en zone verte. Mais, dans le même temps, certains exigeaient un plus grand nombre de logements que celui prévu dans le projet, deux demandes contradictoires, à l'évidence!

Dans ce climat agité, alors que les promoteurs tempêtaient, et que le département des travaux publics réclamait maintes modifications du projet, les habitants du quartier s'associaient pour défendre l'idée d'un parc à la place des Minoteries. Le 2 mai 1991, leur association, nommée «Mieux Vivre à Plainpalais», adressait, conjointement au Grand Conseil et au Conseil municipal de la Ville, une pétition demandant le déclassement de la parcelle des Minoteries en zone de verdure.

Le rapport de la commission des pétitions du Conseil municipal, présenté le 17 mars 1992, concluait au classement de cette pétition puisqu'un plan localisé de quartier (PLQ) allait être prochainement déposé, qui tenait compte des points de vue de toutes les parties concernées (Etat, Ville de Genève, promoteurs, pétitionnaires) et semblait avoir leur assentiment. La pétition fut effectivement classée par le Conseil municipal.

Le PLQ envisagé prévoyait une densification de construction moindre que celle initialement projetée, la création d'un parc et la construction d'une école, rendue nécessaire par l'afflux prévisible de familles avec enfants d'âge scolaire. D'autre part, la rue des Minoteries devait être supprimée.

Le 2 juin 1992, le Conseil municipal donnait un préavis favorable au PLQ.

Le PLQ fut adopté par le Conseil d'Etat le 30 novembre 1992. Il entra en vigueur le 30 décembre 1992.

La requête en autorisation définitive pour 10 immeubles de logements, un immeuble administratif et un garage souterrain de 277 places a finalement été déposée le 9 décembre 1992. L'autorisation définitive a été accordée, et publiée dans la Feuille d'avis officielle du 16 juin 1993. Elle est entrée en force le 16 juillet 1993, aucun recours n'ayant été interjeté contre elle.

Dès lors, les travaux de démolition des bâtiments existants et de construction de nouveaux immeubles peuvent démarrer, conformément au PLQ.

Discussion

Dans ce dossier fleuve, qui est allé de coups de théâtre en coups de frein et de coups de frein en coups d'envoi, la commission des pétitions a préféré avancer avec prudence. D'autant qu'il appartenait d'abord au Conseil administratif et au Conseil municipal de la Ville de Genève de se prononcer, les parcelles en cause se trouvant sur son territoire. Le problème ayant désormais trouvé sa solution et ce, semble-t-il, à la satisfaction de toutes les parties, la commission ne peut que constater la situation et appplaudir à cet heureux dénouement.

Elle propose donc, à l'unanimité des douze commissaires présents, que ce rapport soit déposé sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Débat

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je crois que ce rapport et cette pétition sont devenus sans objet parce que le Conseil d'Etat a adopté le plan localisé de quartier.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

 

IU 4
8. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Max Schneider : Jardins familiaux. ( ) IU4
Mémorial 1994 : Développée, 296.

M. Philippe Joye. Les questions de M. Max Schneider sont les suivantes : «J'aimerais déplacer dix jardins se trouvant sur le futur tracé de l'autoroute et retrouver d'ici le 10 avril un nouvel emplacement.». Deuxièmement : «Les surfaces de jardin étaient de 250 m2, elles ont été réduites lors de la précédente législature à 200 m2. Il y avait eu du reste un accord de la part de l'Association des jardins familiaux à ce sujet et j'aimerais que l'on revienne à 250 m2.». Troisième question : «Que peut-on faire pour diminuer la liste d'attente actuelle de 500 personnes ?».

Pour le déplacement de dix jardins familiaux, ce déplacement peut se faire immédiatement et dès accord avec l'association dans une zone située à la S.I. Jacqueline à Plan-les-Ouates. Dans un premier temps, j'avais imaginé proposer une solution intermédiaire à côté du projet de développement de trente-six jardins familiaux parce que c'est un peu plus difficile d'en faire d'abord dix et ensuite vingt-six. De plus, M. Schneider a fait une réflexion très correcte, à savoir que les problèmes de traitement et de préparation de la terre pour les jardins familiaux nécessitent de ne pas changer au bout de deux ans l'emplacement de ces jardins. Pour cette raison, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver déjà sur l'emplacement définitif, c'est-à-dire dans le cadre de la S.I. Jacqueline à Plan-les-Ouates, les dix emplacements prévus.

Nous aurons un petit problème légal d'approbation du plan de quartier, mais je crois que, dans ce domaine, nous allons trouver une solution. La quatrième question concerne la norme de 250 m2 ou de 200 m2. Mon prédécesseur, le conseiller d'Etat Grobet, avait proposé de diminuer cette surface de 50 m2 parce qu'il était conscient du problème des 500 personnes cherchant à s'implanter. Pour nous, ces 50 m2 par jardins familiaux jouent un rôle important et je pense que la dimension de 250 m2 est confortable. Elle est plus importante que celle pratiquée dans la plupart des cantons suisses, mais nous ne sommes pas opposés à une surface de 250 m2.

A la question, «Comment faire pour diminuer la liste d'attente actuelle de 500 personnes ?». Il faut savoir que, d'ores et déjà, trente-six jardins vont se faire maintenant et quatre-vingt deux sont planifiés. Il reste à trouver 418 multiplié par 250 m2, soit environ 10 hectares. Ce qu'il faudra, c'est que nous définissions au Conseil d'Etat comment nous voulons traiter cette question. Comme ces jardins familiaux sont sur de la terre agricole, il va de soi que nous devrons trouver un système pour les implanter là où il y a de la place, car on ne trouve pas 10 hectares de terre arable pour des jardins familiaux en ville de Genève, et certainement pas non plus dans d'autres communes urbanisées. Une discussion devra avoir lieu à ce sujet. Voilà les réponses que je pouvais donner à cet objet.

L'interpellation urgente est close.

 

I 1876
9. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Christian Ferrazino : Pénurie de logement et pénurie de chiffre. ( ) I1876
Mémorial 1994 : Développée, 298.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La question posée par M. Ferrazino est la suivante : «Pourquoi avons-nous voté un arrêté au Conseil d'Etat début janvier, opposé à celui du 22 novembre, alors que la base statistique dont nous disposons est la même, puisque c'est la base statistique de juin 1993 ?». Il y a deux raisons à cela. La première, c'est que la loi nous oblige à prendre cet arrêté annuellement, ce qui veut dire que l'on avait raison de le prendre. La deuxième, c'est que l'appréciation portée par le Conseil d'Etat sur la pénurie réelle en logement est différente de celle du 22 novembre.

Il est de notoriété publique que l'offre en matière de une et deux-pièces n'a pas diminué ou, du moins, est restée très stable. Mon problème, c'est que je n'ai pas de base statistique. J'ai été obligé de me renseigner auprès de diverses fondations et régies. Je vous donne des exemples pratiques, parce que c'est le seul moyen d'avoir des éléments concrets en main. Les Libellules Nos 2 à 16 possèdent plusieurs studios non loués en HBM à 4 000 F par an appartenant à des fondations immobilières de droit public. Les commissions des fondations HBM, lorsqu'elles ont six à sept candidatures pour des appartements de deux-pièces et des studios, voient en général les six premiers renoncer parce que le studio ou le deux-pièces ne leur convient pas; elles doivent prendre alors les personnes qui viennent après. Ce n'est plus comme précédemment où l'on avait vingt candidatures et le premier qui agréait à la fondation était pris.

Dans le cadre des logements d'étudiants, les fondations ou les institutions qui s'en occupent constatent que des logements à 400 ou 450 F par mois n'ont pas de preneurs. Beaucoup de logements restent à louer. On peut dire que 450 F pour une pièce c'est cher, mais il faut ajouter qu'il y a en plus un encadrement et des infrastructures communes. Depuis plus de deux ans, plusieurs appartements, studios et deux-pièces appartenant à des fondations immobilières dans le secteur des Avanchets ne trouvent que difficilement preneur et restent souvent libres. Je me suis ensuite tourné vers trois régies, et je peux vous donner la copie de la liste des offres existant dans ce domaine.

A la régie Bory, il y a quatre pages avec six ou sept offres d'appartements à louer, vacants depuis septembre 1973 par exemple, à des prix extrêmement corrects. Ils commencent à 600 F pour des deux-pièces et finissent à 1 000 F. Si vous prenez la régie Naef, il y a trente-trois une pièce et trente-cinq deux-pièces qui sont sur le marché et, pour la plupart, louables de suite. A la rue Victor-Amé, les premiers prix se situent - je ne prends pas le moins cher - entre 580 et 1 200 F. Paradoxalement, les prix des studios restent assez élevés, mais ils sont de 300 à 400 F moins cher qu'il y a une année. Pour les deux-pièces, les prix de location sont beaucoup plus raisonnables, puisque l'on commence à 600 F pour finir à 890 F. A la Société privée de gérance, il y a 190 offres d'appartements de une et deux pièces; les prix se montent à 450, 490, 650, 675 F. Je vous laisse le soin de vérifier tout cela.

Sur la base des contrôles que j'ai effectués, je persiste à penser que l'offre en matière de une et deux pièces est beaucoup plus importante et que les loyers sont notablement plus bas que ce qu'ils étaient il y a une année. Je pense que la question fondamentale que pose M. Ferrazino est la suivante : Y-a-t-il des motifs objectifs nouveaux suffisamment importants pour justifier que le Conseil d'Etat prenne dans un laps de temps aussi court une nouvelle décision ?». Je pense que ces objectifs nouveaux sont remplis. En ce qui concerne la question légale, Monsieur le député, vous avez tout à fait raison. Dans les deux textes légaux, c'est-à-dire dans le projet de loi comme dans le règlement d'application, la notion de quantité et de prix, que j'assimile à la qualité si vous le voulez, est contenue. Il y a un petit vice de forme.

Vous savez comme moi que le règlement d'application date de 1983, alors que la loi date de 1989. Le département des travaux publics s'est fait battre au Tribunal administratif à ce sujet précisément dans un arrêté publié en 1992 où l'on a noté que la LDTR devait voir la création d'un nouveau règlement d'application. J'ai demandé que ce règlement se fasse. Je suis en place depuis deux mois, mais j'ai déjà écrit et dit comment je m'y prendrai. Cela fait partie de ce que j'appelle la remise à jour de tout l'arsenal légal du département des travaux publics. Pour toutes ces raisons, je pense que le Conseil d'Etat avait raison de prendre cette décision et l'arrêté qui a été promulgué au début janvier.

L'interpellation est close.

 

IN 100-B
10. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève. ( -) IN100
Mémorial 1993 : Développée, 4660. Commission, 4663.
Rapport de M. Laurent Moutinot (S), commission législative

Conformément au nouveau droit d'initiative cantonale populaire, et en particulier à l'article 120, de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission législative, dans le délai de neuf mois dès la constatation de l'aboutissement de l'initiative, dépose son rapport sur la validité de ladite initiative.

En effet, le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative par arrêté publié dans la Feuille d'avis officielle le 18 juin 1993, de sorte que le délai de neuf mois de l'article 120 de la loi portant règlement du Grand Conseil est respecté.

Sous la présidence de Mme Françoise Saudan, la commission législa-tive s'est réunie le 11 janvier 1994. Mme Catherine Rosset, secrétaire adjointe du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, et M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports, assistaient à cette séance.

La commission a étudié la validité de l'initiative à la lumière du rapport du Conseil d'Etat, du 30 août 1993, et de la note concernant l'application de l'alinéa 2, de l'article 174 A, de l'initiative n° 100 (voir annexe).

A l'unanimité, la commission est d'avis que l'initiative n° 100 ne pose pas de problème de recevabilité, les trois conditions de recevabilité formelle et les deux conditions de recevabilité matérielle étant réunies.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

L'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise exige de l'initiative populaire qu'elle respecte l'unité de la matière, c'est-à-dire que ne soit posée au corps électoral qu'une question unique à laquelle il puisse répondre par «oui» ou par «non».

L'initiative n° 100 pose un principe à l'alinéa 1, de l'article 174 A nouveau de la constitution genevoise proposé et décrit aux alinéas 2 à 5, les moyens et modalités d'y parvenir, de sorte qu'il est justifié d'y répondre par une seule question. L'unité de la matière est ainsi respectée.

2. Unité de la forme

L'initiative n° 100 est une initiative rédigée de toutes pièces, ainsi que le permet l'article 65 A, de la constitution genevoise, de sorte que l'initiative n° 100 respecte l'unité de la forme, au sens de l'article 66 de ladite constitution.

3. Unité normative

L'unité normative ou unité de genre exige qu'une initiative soit du niveau législatif ou du niveau constitutionnel, sans mélange des deux. En l'occurrence l'initiative n° 100 propose une modification partielle de la seule constitution cantonale, de sorte qu'elle respecte le principe de l'unité normative.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit supérieur

Une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. S'agissant dans le cas de l'initiative n° 100 d'une initiative constitutionnelle, le seul droit supérieur est l'ordre juridique fédéral.

L'initiative n° 100 touchant à l'organisation administrative cantonale, rien dans le droit fédéral ne vient limiter la souveraineté cantonale en la matière, de sorte qu'aucun problème de conformité au droit supérieur ne se pose.

2. Exécutabilité

Le principe d'exécutabilité exige que l'initiative, en cas d'acceptation, puisse être traduite concrètement dans les faits dans un délai raisonnable.

L'initiative n° 100 paraît réalisable, de sorte que la cinquième condition de validité d'une initiative en droit constitutionnel genevois est également réalisée.

III. Conclusions

La commission législative a examiné si l'initiative n° 100, en tant qu'elle donne au canton la compétence d'intervenir dans les affaires communales, ne viole pas la garantie de l'autonomie communale. Dès lors que l'initiative est de rang constitutionnel, l'article 174 A proposé peut restreindre l'autonomie communale qui n'est garantie par aucune disposition cantonale ou fédérale d'ordre constitutionnel, mais exclusivement par des dispositions d'ordre législatif, soit la loi sur l'administration des communes.

D'autre part, la commission a relevé qu'en raison d'une rédaction peu claire, des problèmes importants d'interprétation peuvent se poser, notamment s'agissant des dispositions transitoires, car l'on peut hésiter sur la question de savoir si l'expression «tous les services publics dépendant de l'Etat» inclut ou non les établissements de droit public tels que l'Hôpital ou l'Hospice général.

Toutefois, des difficultés d'interprétation potentielles ne sauraient affecter la validité formelle d'une initiative, à tout le moins tant que subsiste une possibilité d'interprétation conforme au droit supérieur.

En conséquence, la commission législative, à l'unanimité, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'admettre la validité de l'initiative populaire n° 100 «pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève», conformément aux articles 65, 65 A et 66, de la constitution genevoise.

Annexe: Note concernant l'application de l'alinéa 2, de l'article 174 A, de l'initiative n° 100 aux communes, selon l'alinéa 1.

ANNEXE

La validité de cette initiative est adoptée.

 

IU 3
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Liliane Johner : Délai pour les déclarations d'impôts. ( ) IU3
Mémorial 1994 : Développée, 296.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je remercie Mme Johner d'avoir développé hier, malgré mon absence, cette interpellation urgente, car elle me permet d'expliquer pourquoi l'administration fiscale a été conduite à prendre un certain nombre de mesures visant à obtenir le retour dans les délais des déclarations fiscales.

Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que les recettes fiscales sont inscrites au budget selon le principe d'échéance, c'est-à-dire que l'on inscrit le montant total de la production, en clair le montant total des bordereaux envoyés aux contribuables. Par conséquent, il est nécessaire d'arriver à taxer, si possible d'ici la fin de chaque année, l'ensemble des déclarations fiscales. Pour 1993, à titre d'exemple, sur 227 000 déclarations retournées, environ 200 cas de personnes physiques ou de personnes morales n'ont pu être taxées avant la fin de l'exercice, ce qui représente un peu moins de 1%, ce qui est admirable.

Mais cela oblige l'AFC à planifier son travail tout au long de l'année, à partir du printemps. Or, nous avons constaté qu'au 1er mars, date du délai de retour des déclarations fiscales, jusqu'au début de cette année, seulement 70 000 déclarations rentraient dans le courant du mois de mars sur les 227 000. D'ailleurs, en début d'année, il faut que vous le sachiez, les fiduciaires et un certain nombre d'organisations qui se chargent de remplir les déclarations fiscales pour le compte des contribuables nous adressent automatiquement des listes dès les premiers jours de l'an demandant systématiquement des délais à fin juin ou au début septembre.

Par conséquent, il est clair que, face au travail de planification que doit exercer l'administration fiscale, il faut que l'on puisse mieux distribuer le travail, car cette situation amène depuis maintenant deux ans et demi l'administration fiscale dans les trois derniers mois à travailler très régulièrement durant les week-ends et à faire des heures supplémentaires considérables. Il est vrai qu'à cela s'ajoute, depuis trois ans environ, des référendums qui ont été lancés contre des augmentations de taxes ou d'impôts, ce qui nous a empêché de taxer avant le mois de juin. Le référendum lancé par exemple contre le centime de solidarité en Ville de Genève nous empêche de taxer environ 80 % des contribuables et nous devrons attendre le vote du mois de juin pour terminer les taxations et les envoyer. Cette situation fait qu'un travail considérable s'accumule pour les derniers mois de l'année alors qu'il n'est pas raisonnable de devoir faire des heures supplémentaires qui coûtent cher.

D'autre part, cette demande systématique de délais, que je comprends - qui n'a pas demandé des délais pour remplir sa déclaration fiscale, car le 1er mars venait si rapidement qu'on l'oubliait ? - nous a obligés à dresser et à tenir des échéanciers des délais, de telle sorte qu'au terme de ces délais demandés et consentis, nous puissions alors taxer d'office, le cas échéant, ceux qui ne retournent pas leur déclaration. Tout ce travail, évidemment, génère des frais relativement considérables. Alors, qu'avons-nous fait ? Dans le cadre de la révision - qui n'avait pas été entreprise depuis longtemps - des émoluments et taxes de l'administration fiscale, nous avons décidé deux choses.

La première, c'est de prolonger d'un mois le délai pour remplir les déclarations fiscales. Depuis le 1er janvier de cette année, ce délai passe donc du 1er mars au 31 mars 1994. Par ailleurs, nous demandons 5 F payables avec l'envoi du bordereau au moment de la taxation pour les contribuables demandant un délai jusqu'à fin juin, 10 F jusqu'à fin août et 15 F pour un délai au-delà du 15 août. Bien entendu, nous espérons, par ce moyen-là, freiner cette frénésie de délais qui perturbent très largement le travail de l'administration fiscale. Cela étant, je conviens parfaitement qu'il y a un certain nombre de personnes physiques ou de personnes morales qui ne pourront pas rendre leurs déclarations fiscales dans ces délais. Les personnes physiques, par exemple, doivent attendre des décomptes de copropriétés. Les personnes morales ou les actionnaires dépendent des décisions des assemblées générales. C'est la raison pour laquelle, bien entendu, nous ferons preuve de souplesse et, de ce point de vue, vous savez que l'administration fiscale d'une manière générale essaie d'être davantage au service des contribuables par rapport à cette tâche annuelle que de les perturber.

Vous conviendrez avec moi cependant qu'il n'était plus admissible d'avoir autant de déclarations fiscales qui rentrent si tardivement et qui nous compliquent singulièrement la tâche. Voilà pourquoi nous avons décidé, par voie de règlement, d'introduire ces mesures. Lorsque des contribuables ne pourront pas rendre leur déclaration à temps, l'administration fiscale ne rajoutera pas les 5 F s'ils ont demandé un délai et fourni des justificatifs. En conclusion, je persiste dans ces mesures. Nous les appliquerons avec souplesse, mais nous espérons ainsi pouvoir mieux réguler le travail de l'administration. Les contribuables qui réellement ont de bonnes raisons n'ont rien à craindre de ce point de vue-là.

L'interpellation urgente est close.

 

M 893
12. Proposition de motion de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Fabienne Bugnon, Christian Ferrazino, Luc Gilly, Pierre-Alain Champod et Dominique Hausser concernant la taxe militaire. ( )M893

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 la volonté exprimée à plusieurs reprises par le Grand Conseil de ne plus juger et envoyer en prison les refuseurs de taxe ayant déjà payé par un emprisonnement leur choix d'objecter à l'armée;

 le fait que les handicapés n'ont pas choisi leur sort, sont exclus automatiquement de l'armée et ultérieurement soumis injustement au paiement de la taxe militaire;

 le souhait exprimé par certains d'entre eux de rendre malgré leur handicap un service à la communauté,

invite le Conseil d'Etat

 à ne pas dénoncer à l'autorité pénale les cas de défaut de paiement de la taxe militaire:

a) concernant les handicapés déclarés inaptes au service militaire et exclus de l'armée pour ces motifs;

b) concernant les objecteurs de conscience condamnés selon l'article 81, alinéas 1 et 2 du code pénal militaire. Les poursuites pour dettes devant être maintenues à l'égard des débiteurs récalcitrants;

 à prévoir une possibilité d'activités de remplacement au sein de la protection civile pour les handicapés exclus de l'armée et qui souhaiteraient jouir d'une telle possibilité.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Cette motion aborde deux aspects différents concernant la taxe militaire.

1. Les handicapés

L'exemple d'un jeune handicapé récemment cité dans la presse a une nouvelle fois montré les difficultés et les injustices auxquelles peuvent être confrontés ceux qui n'ont pas eu la chance de naître «comme tout le monde» ou qui ont été victimes d'un accident grave ou atteints d'une maladie de type dégénératif.

Considéré comme inapte au service et exclu de l'armée, l'handicapé voit son sort réglé de manière identique par les services de la protection civile, son dossier étant ensuite automatiquement transmis au service de la taxe militaire. Dans plusieurs cas, de jeunes handicapés, exerçant malgré tout une activité professionnelle, ont proposé leurs services tant au sein de la protection civile qu'auprès du service de la taxe militaire. Les refus ont été systématiques: «cela ne se fait pas, et donc ne peut se faire».

Dans une société où les handicapés ont souvent beaucoup de peine à s'intégrer, dans une société qui se déclare prête à venir en aide aux exclus, il n'est pas admissible qu'un citoyen qui a une formation, qui exerce une activité professionnelle et qui exprime le désir de rendre service à la communauté en remplacement de son service militaire, n'ait aucune possibilité de le faire, en raison de son seul handicap. Au contraire, une telle proposition devrait leur être faite automatiquement, ces hommes étant des êtres humains à part entière malgré leur handicap, et la société devant leur reconnaître des droits et non seulement des obligations.

Voilà le sens d'une des invites de cette motion, en précisant bien que ces quelques jours de travail que ces personnes handicapées pourraient fournir à la P.C. ne seraient pas obligatoires, mais soumis à leur libre choix.

Quant à la taxe militaire pour les handicapés nous estimons qu'elle est indigne de notre pays. (La Suisse est le seul pays d'Europe à exiger le paiement d'une taxe militaire.) Faire payer les handicapés qui ont fait l'effort de suivre une formation, d'exercer une activité professionnelle et de devenir autonomes est une forme de récompense qui laisse songeur (n'oublions pas que même si certaines de ces personnes gagnent correctement leur vie, elles sont confrontées à des dépenses souvent importantes occasionnées par leur handicap, dépenses qui ne font souvent l'objet que d'un remboursement partiel). C'est pourquoi nous estimons que les handicapés ne doivent plus être poursuivis pour dettes lorsqu'ils ne paient pas leur taxe militaire.

2. Les objecteurs de conscience

Durant la dernière législature, le Grand Conseil s'est prononcé à plusieurs reprises sur la taxe militaire. Il a en effet estimé que les objecteurs de conscience qui refusaient de payer leur taxe militaire étaient en fait conséquents avec eux-mêmes, et qu'ils n'avaient plus rien à faire derrière les barreaux. Dès lors la majorité des députées et députés avait souhaité que le Conseil d'Etat ne dénonce plus à l'autorité pénale les cas de défaut de paiement de la taxe militaire concernant les objecteurs de conscience, tout en maintenant les poursuites pour dettes.

Si dans l'esprit des membres de la commission de l'objection de conscience, qui avait proposé le texte définitif de cette motion, les termes «d'objecteurs de conscience» étaient clairement attribués à tous les objecteurs, quelle que soit la qualification juridique retenue par le jugement, le chef du département militaire les a interprétés de manière plus restrictive, estimant qu'il ne s'agissait que des personnes condamnées pour de graves conflits de conscience. S'il faut remercier le chef du département d'avoir déjà pris des mesures de non-dénonciation pour cette petite catégorie d'hommes (les tribunaux militaires ne retenant que très rarement le grave conflit de conscience), il nous semble important de solliciter, par cette motion, que cette décision concerne désormais tous les objecteurs. En effet, comment nous parlementaires pourrions décider qu'il s'agit de bons ou de mauvais objecteurs, ayant de bonnes ou de mauvaises consciences. Une certitude: toutes ces personnes ont payé leur choix par de l'emprisonnement, parfois très lourdement et justement plus particulièrement ceux qui sont jugés être «de mauvais objecteurs». Et les conséquences ne s'arrêtent souvent pas simplement à l'emprisonnement: perte d'une activité professionnelle, fréquemment aussi d'une vie affective, et casier judiciaire à «porter» toute sa vie sont souvent le lot des objecteurs condamnés. Que l'on partage ou non le choix de ces jeunes, une chose doit leur être reconnue, à savoir le courage de suivre leurs opinions jusqu'au bout, même au risque de très nombreuses difficultés.

Refuser par la suite de payer leur taxe militaire s'inscrit dans le prolongement de leur choix initial. Continuer à les envoyer en prison est donc choquant. Même si juridiquement dans ce cas concret, l'impossibilité de condamner plusieurs fois pour un même motif n'est pas reconnue, le principe de base et l'esprit en sont bien les mêmes. C'est dans une même logique et pour des motifs identiques que chaque année ces jeunes refusent de s'acquitter du paiement de leur taxe militaire. Au surplus cette procédure est inutile et coûteuse, puisque de toute façon le montant de leur taxe sera saisi sur leur salaire. Une procédure de jugement puis l'emprisonnement représentent des frais importants pour l'Etat et dans le cas d'espèce ne lui rapporte strictement rien.

Pour toutes ces raisons et dans l'espoir que ce nouveau Grand Conseil ne reniera pas l'esprit des choix votés par ses prédécesseurs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette proposition de motion.

Débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En préambule à cette intervention, j'aimerais lire quelques lignes d'une lettre qu'un handicapé, refuseur de taxe, a adressée aux juges.

«...mais être taxé sur l'amputation de mes deux pieds à l'âge de 20 ans, non Madame, non Monsieur, je ne l'accepterai jamais, même si vos lois s'érigent contre moi, même si votre connaissance des textes de la loi fédérale vous permettent toujours de me gifler d'un revers d'article. La lutte est inégale, mais je lutte pourtant, je lutte contre l'absurdité et l'indécence de certains de vos articles.»

J'ai assisté au procès de ce jeune homme et je dois dire que j'en suis sortie avec un sentiment de malaise profond. Le mépris qu'a dû subir cet homme face à la bataille qu'il a livrée, comme il le dit lui-même, dans les couloirs de l'hôpital, pour reprendre une vie normale, pour retrouver une occupation professionnelle et ensuite pour fonder une famille, ce mépris était inadmissible et intolérable. J'estime que l'on doit avoir un peu plus de respect devant ces hommes qui, après avoir récupéré leur indépendance, se retrouvent sur les mêmes bancs des accusés que des voleurs et autres malfrats, à quelques centaines de mètres d'ici. Cet homme a été condamné il y a peu à un jour de prison ferme et il est sorti en larmes du Tribunal. Voilà le pourquoi de la première partie de cette motion. Nous estimons qu'il est indigne de poursuivre sur cette voie à Genève.

Dommage que M. Ramseyer ne soit pas là, parce que je lui aurais demandé s'il était prêt à préparer ses policiers à aller chercher ces jeunes condamnés, qui ne se rendront bien évidemment pas de leur plein gré en prison, à porter des handicapés pour les mettre dans une voiture et ensuite les amener dans une cellule.

Quant à la deuxième partie de cette motion, je n'y reviendrai pas très longuement puisque nous en avons déjà fait état à plusieurs reprises. Elle ne fait que reprendre une ancienne motion qui, de l'avis de ceux qui l'avaient déposée, devait toucher tous les objecteurs quel que soit le type de condamnation et simplement par le fait qu'ils avaient déjà payé par un emprisonnement. Le Conseil d'Etat en a fait une lecture plus restrictive. C'est vrai que la motion et les invites pouvaient prêter à une interprétation ou à une autre. C'est pourquoi nous redéposons un nouveau texte avec une deuxième invite qui précise bien notre attente. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette motion.

M. Max Schneider (Ve). Je serai très bref. Il y a une terminologie fasciste qui dit que tout Suisse naît soldat. Mais, malheureusement, il y a des Suisses qui sont taxés parce qu'ils n'ont pas la chance d'être soldat.

Une voix. T'appelles ça une chance !

M. Max Schneider. Ce sont notamment des handicapés et des gens ayant des problèmes physiques, des sourds, des aveugles, etc. Puisque certains députés aimeraient donner des pouvoirs au Conseil d'Etat, voilà un pouvoir qu'il peut avoir, à savoir de ne plus dénoncer à l'autorité pénale les cas de défaut de paiement de la taxe militaire. Voilà donc un acte concret que l'on pourrait faire. Les handicapés physiques ont bien souvent des réductions pour le paiement de leur taxe militaire s'ils sont à l'AI, mais ceux qui travaillent à plein temps, parce qu'ils essaient de sortir de leur handicap et font l'effort de travailler tous les jours, eux, sont taxés. Voilà pourquoi je demanderai au Conseil d'Etat de faire preuve de tolérance et que cette motion soit bien reçue.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. A propos de la motion 893, j'aimerais vous dire ce qui suit. Tout d'abord, concernant ce que l'on appelle les objecteurs de conscience, il est vrai qu'à la suite du vote de la première des motion, la motion 809, le 2 octobre 1992, vous avez invité le Conseil d'Etat à ne pas dénoncer à l'autorité pénale les cas de défaut de taxe militaire concernant les objecteurs de conscience. Près d'une semaine plus tard, j'ai donc écrit à M. Otto Stich, conseiller fédéral, responsable sur le plan fédéral de l'application de la taxe militaire, puisque ce n'est pas une affaire dépendant du département fédéral militaire mais du département fédéral des finances. M. Stich m'a répondu le 21 décembre 1992. Cette lettre, que j'avais en son temps communiquée à la commission, précise que, si la motion invite certes le gouvernement à ne plus faire application de la dénonciation à l'autorité pénale à l'endroit des objecteurs de conscience condamnés et exclus de l'armée, il y a toutefois dans ces cas-là violation d'une loi fédérale. C'est pourquoi j'espère qu'à l'avenir aussi l'autorité chargée de la perception de la taxe militaire proposera le renvoi au juge pénal de tous les assujettis ne s'acquittant pas de leur taxe.

Comme l'a dit Mme Reusse-Decrey, j'ai interprété au plus près de ma conscience ce que je considérais comme juste de faire par rapport aux objecteurs de conscience condamnés en application de l'article 81, alinéa 2, de la loi pénale militaire. Depuis décembre 1992, mes services, en effet, n'ont dénoncé aucun cas d'objecteur de conscience condamné aux termes de l'article 81, alinéa 2, ayant purgé sa peine et exclu de l'armée, pour refus de taxe découlant de ce premier refus de faire du service militaire. Or aujourd'hui, vous demandez à l'autorité cantonale chargée d'appliquer les lois fédérales d'aller plus loin et de demander que les condamnés à teneur de l'article 81, lettre 1, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas animés par un grave motif de conscience, puissent également bénéficier de ces dispositions.

Alors, même si ça ne vous intéresse pas, ces problèmes sont suffisamment importants et délicats, et reviennent suffisamment fréquemment devant ce Grand Conseil, pour que je vous dise ici très clairement ceci. En ce qui me concerne, j'ai mission d'appliquer la loi. J'ai pris sur moi, je viens de vous le dire, de faire une exception. Il m'apparaît difficile en revanche de ne pas dénoncer, eu égard au principe d'égalité, les autres cas de personnes qui, pour d'autres motifs, refusent de faire du service militaire. Mais, dans cette République, d'autres personnes ont des pouvoirs. Sans violer la loi, c'est M. le procureur général qui bénéficie du principe de l'opportunité de la poursuite. Il peut parfaitement bien, après l'analyse des cas qui lui sont transmis automatiquement, à teneur de la loi fédérale, par le canton qui est chargé d'appliquer la loi, renoncer à transmettre le dossier à l'autorité de jugement comme il le fait dans des dossiers ô combien plus importants ! Je me suis d'ailleurs entretenu de ce problème-là avec M. le procureur général. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, je souhaiterais sans que cela constitue une mesure dilatoire, que cette motion reparte devant une commission pour que vous puissiez également entendre le procureur général, car il faut qu'il puisse vous dire lui-même ce qu'il pourrait envisager de faire par rapport à ce principe.

Par conséquent, comme conseiller d'Etat, j'appliquerai bien entendu au plus près de ma conscience, à teneur de l'article 81, alinéa 2, les décisions que j'ai prises et que je confirme aujourd'hui. En revanche, en ce qui concerne l'alinéa 1 du même article, l'opportunité de la poursuite m'apparaît incomber à M. le procureur général. Sur ce plan-là, je pense qu'il y a une solution qui peut être intéressante. Je dois ajouter que la nouvelle loi fédérale qui devrait être votée encore cette année sur la taxe militaire et en principe entrer en vigueur au 1er janvier 1995, abroge l'article 33, alinéa 3, de la loi actuelle, qui nous oblige à dénoncer à l'autorité pénale les cas de refus de paiement de la taxe militaire. Si la loi fédérale, dans la teneur qui est proposée, devait aboutir, nous ne serions plus confrontés à ce type de problème. Voilà en ce qui concerne la problématique relative à l'article 81 et aux objecteurs de conscience.

Quant au problème des handicapés, il y a également lieu de préciser un certain nombre de points, ce que je souhaiterais également faire avec plus de détails devant la commission. Je vous explique néanmoins déjà ce qui suit. Il est vrai que la loi fédérale sur la taxe militaire permet l'exonération des invalides au bénéfice d'une rente AI, d'une rente d'impotent ou d'une rente CNA d'au minimum 50 %, pour autant que l'invalide ne puisse pas gagner sa vie. L'interprétation de ces données est extrêmement difficile pour le service de la taxe militaire, car nous ne recevons aucun dossier militaire au niveau médical sur ce plan. Or, je vous rappelle qu'aux termes de la loi militaire une personne qui, après un passage devant une commission sanitaire, est déclarée inapte au service militaire pour tel ou tel handicap, ne l'est pas forcément dans la terminologie que l'on a l'habitude d'entendre au niveau de l'handicapé. Nous savons, par exemple, qu'il suffit d'avoir les pieds plats ou une vue très défaillante pour être considéré comme ayant un handicap, mais néanmoins assujetti à la taxe militaire. Sans faire de la casuistique, je différencie ces éléments-là de l'handicapé au sens où Mme Reusse-Decrey l'a abordé tout à l'heure par rapport à un cas que je connais particulièrement bien.

Mais ce que vous devez savoir, c'est que, nonobstant l'absence de dossier médical sur tous ces cas, lorsque nous recevons des informations sur tel ou tel cas, soit d'un service social, soit de la caisse cantonale de compensation, soit d'autres organismes sociaux, j'ordonne immédiatement ce que l'on appelle en jargon militaire une enquête, mais en réalité c'est une brève investigation. Je peux vous dire qu'en 1993 nous avons ainsi pu exonérer de la taxe militaire 1 756 personnes assujetties parce que, effectivement, à la suite de renseignements qui nous ont été donnés, il ne nous paraissait pas possible de devoir les assujettir à la taxe, voire, le cas échéant, les renvoyer devant une autorité pénale.

Par conséquent, vous pouvez constater que, dans ce domaine également, le département militaire cantonal, sur un sujet difficile et généralement douloureux, ne reste pas inactif. A propos d'ailleurs du cas cité par Mme Reusse-Decrey, et que je connais bien, m'étant moi-même occupé de handicapés, il était difficile pour l'administration de la taxe militaire de penser que ce cas ferait désormais l'objet d'une contestation, puisque, pour les années d'assujettissement 85 à 89, les taxes militaires ont été intégralement payées sans contestation aucune. Pour les années suivantes, et le 11 novembre 1993 encore, l'intéressé a demandé et obtenu des arrangements pour s'acquitter de sa taxe militaire par mensualité. La première mensualité vient d'ailleurs de parvenir au service de la taxe militaire. Bien entendu, ce cas, dont nous ignorions la gravité - personne ne nous l'ayant signalée - n'aurait probablement pas dû passer devant l'autorité pénale. Il n'en demeure pas moins que nous essayons d'éviter ces problèmes et que, dans ce domaine, nous essayons encore une fois d'être attentifs aux situations.

Voilà pourquoi je souhaiterais que cette motion, indépendamment des explications que je viens de vous donner, puisse repartir en commission pour qu'en ce qui concerne les objecteurs de conscience vous puissiez entendre M. le procureur général et, deuxièmement, que nous puissions également approfondir encore quelque peu ces problèmes de handicap. Ainsi, je pourrais vous donner des explications complémentaires espérant que la loi sur la taxe militaire fédérale, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1995, nous permettra désormais d'éviter ce type de problèmes.

M. Luc Gilly (AdG). J'aimerais savoir qui, dans ce parlement, a déjà assisté à des procès pour défaut de paiement de la taxe militaire ? Monsieur Vodoz, ce n'est pas seulement le cas de ce monsieur handicapé, dont les pieds ont été amputés et qui s'est présenté il y a quinze jours au Tribunal de police pour son problème de taxe militaire, dont il est question ce soir. Cela fait des années que nous informons la presse de la tenue des procès. Il y a quinze jours, en trente minutes, trente personnes ont été condamnées. Parmi ces condamnés, il y a eu des peines de prison d'un jour, deux jours, trois jours, quatre jours. Il y avait également des personnes en fin de droit, vivant avec 800 F par mois et desquelles on exigeait le paiement d'une taxe militaire ! Le premier souci pour ces gens, c'est d'abord de manger, de payer un loyer et, éventuellement après, de payer une taxe. Avec 800 F, faites le calcul, Monsieur Vodoz !

Pour revenir aux personnes handicapées, cela fait une douzaine d'années que nous avons dénoncé ce procédé scandaleux. Il faudrait que Genève soit capable de décider maintenant, dans un geste de courage, avant même que les Chambres fédérales décident peut-être d'un changement éventuel de la loi, d'exonérer tous ces gens de la taxe militaire. Ce serait faire preuve d'un minimum d'humanisme envers ces personnes. Quand on les entend essayer de se défendre pendant les procès, expliquer leur handicap, décrire tous les efforts qu'elles ont faits pour se réintégrer et, finalement, quand on les voit être condamnées à quelques jours de prison tout en devant continuer à payer leur taxe militaire, cela est inadmissible. Je n'ai pas envie de rire ce soir comme certains adversaires de la droite l'ont fait à la buvette tout à l'heure, car ces cas sont extrêmement graves.

Quant aux objecteurs de conscience, Monsieur Vodoz, j'attends une réponse claire. Moi, je suis un inconscient puisque je n'ai pas de conscience ! Je suis considéré comme réfractaire et cela fait vingt ans que je vais en prison pour non-paiement de taxe militaire. (Murmures.) Nous sommes des milliers en Suisse dans ce cas-là. Est-ce que ce soir des gens auront le courage de voter cette motion pour qu'on arrête de demander un franc aux handicapés de les mettre en prison ? Quant aux objecteurs, évidemment, on va continuer à les poursuivre et je pense que l'an prochain, je serai une fois de plus en prison, Monsieur Vodoz, à moins que vous ne fassiez des petits papiers spéciaux pour Luc Gilly, député !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Très brièvement suite à l'intervention de M. Vodoz. Je partage tout à fait avec lui cette problématique de juger à partir de quand un homme doit être taxé d'handicapé et je crois qu'en effet cela mérite réflexion de manière que l'on puisse préciser ce point. Je ne m'opposerai donc pas à un renvoi en commission.

Juste une petite parenthèse, l'application de la loi fédérale peut donner lieu à quelques interprétations, comme on le constate dans le cadre de l'avortement.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je voudrais simplement dire à M. Gilly qu'il n'est pas question de faire des exceptions ou d'imaginer remonter dix ans en arrière dans un combat que vous conduisez, que je respecte, comme je respecte les différentes opinions. Ce que j'ai dit, c'est que, depuis le vote de ce Grand Conseil d'octobre 1992, j'ai pris personnellement un certain nombre de décisions malgré l'avis négatif de l'autorité fédérale alors que l'on a des lois fédérales à respecter et que j'ai prêté serment de faire respecter, comme vous, les lois. De ce point de vue, j'agis au plus près de ma conscience. Elle seule me dicte mes comportements et, en ce qui concerne les condamnés au terme de l'article 81, alinéa 1, je viens de vous expliquer que je considérais qu'à Genève, M. le procureur général, responsable de l'opportunité de la poursuite, pouvait, lui, bien prendre ces décisions. Je préfère que ce canton respecte la légalité mais fasse progresser les causes plutôt que de faire voter une motion que je ne pourrais de toute façon pas appliquer.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). La commission judiciaire étant extrêmement chargée, ne pourrait-on pas renvoyer cette motion à cette commission ad hoc qui s'appelait «commission de l'objection de conscience» ?

Le président. La commission ad hoc a terminé ses travaux, elle n'existe plus.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de la motion à la commission judiciaire est adoptée.

 

La séance est levée à 23 h.